Le Quotidien du 2 août 2023

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Brèves] Loi sur la protection des logements contre l’occupation illicite : quels apports en matière pénale ?

Réf. : Loi n° 2023-668, du 27 juillet 2023, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite N° Lexbase : L2872MI9

Lecture: 6 min

N6551BZN

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par Adélaïde Léon

Le 20 Septembre 2023

► Promulguée le 27 juillet 2023, la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite crée un nouveau délit de squat de locaux autres que le domicile, sanctionne le maintien sans droit ni titre dans un local d’habitation en violation d’une décision de justice, renforce les peines encourues par les auteurs de violation de domicile. Elle vient également sanctionner « la propagande ou la publicité » en faveur du squat et durcit la sanction des personnes se prétendant propriétaires pour louer le bien d’autrui.

Contexte. En 2007, une nouvelle procédure d’évacuation forcée était créée par la loi n° 2007-290, du 5 mars 2007 N° Lexbase : L5929HU7. La loi n° 2020-1525, du 7 décembre 2020, d’accélération et de simplification de l’action publique N° Lexbase : L9872LYB est venue renforcer le droit de propriété face aux situations de « squat » en simplifiant et en accélérant la procédure administrative d’évacuation forcée en cas d’occupation illicite du domicile d’autrui par un tiers qui s’y est introduit et maintenu à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. La proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite avait pour objectif de « conforter les possibilités à la main des propriétaires » en sanctionnant « mieux » le « squat », en accélérant les procédures dans le litige de loyer, en rendant opération la possibilité de résilier le bail pour manquements aux obligations contractuelles du locataire et en pénalisant le fait de rester dans le logement en dépit d’une décision de justice défavorable.

Texte.

Le squat de locaux autres qu’un domicile. L’article 1er de la loin crée un nouveau délit de squat de locaux autres que le domicile d’un tiers. Est ainsi introduite dans le Code pénal la notion d’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel. L’introduction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le maintien est sanctionné par les mêmes peines.

Cette nouvelle notion vise également le maintien sans droit nit titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois. Ce délit est puni de 7 500 euros d’amende. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables aux personnes concernées par le régime de la trêve hivernale ou bénéficiant d’une décision de sursis à expulsion ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public.

Le squat de domicile. Le texte renforce les sanctions encourues par les auteurs de violation de domicile. Alors qu’elle était d'un an de prison et 15 000 euros d’amende, la peine encourue devient de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

La notion de domicile est élargie par la précision que constitue le domicile d’une personne « tout local d’habitation contenant les biens meubles lui appartenant, que celle-ci y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ». Saisi par plus de soixante députés, le Conseil constitutionnel a exprimé une réserve d’interprétation au sujet de ces dispositions en précisant que « la présence de tels meubles ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile ». Il appartient au juge d’apprécier si la présence de ces meubles permet de considérer que leur propriétaire a le droit de se dire chez lui dans le lieu qu’ils occupent.

La promotion du squat. Introduisant un nouvel article 225-4-2-1 dans le Code pénal, la loi vient punir la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter au squat d’une peine de 3 740 euros d’amende.

La sanction location à un tiers, afin qu’il y établisse son habitation, d’un bien immobilier appartenant à autrui est durcie et devient de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Réserve et censure partielle du Conseil constitutionnel. L’article 7 de la loi soumise au Conseil constitutionnel réformait le régime de responsabilité applicable en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine ou d’un vice de construction (Const. const., décision n° 2023-853 DC, du 26 juillet 2023 N° Lexbase : Z9705823). Le Conseil a jugé qu’en instituant un régime de responsabilité de plein droit, le législateur a entendu faciliter l’indemnisation des victimes, objectif reconnu d’intérêt général. Toutefois, les sages ont jugé que les dispositions de cet article portaient une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine, et ce pour deux raisons :

  • le propriétaire du bien était exonéré de responsabilité pour tout dommage survenu au cours de la période d’occupation illicite sans qu’il soit nécessaire que la cause du dommage trouve son origine dans un défaut d’entretien dont la responsabilité incomberait à l’occupant illicite. Le propriétaire disposait de cette exonération sans qu’il ait à démontrer que le comportement de l’occupant illicite ait fait obstacle à la réalisation des travaux de réparations ;
  • durant l’occupation sans titre ni droit, l’article exonérait également le propriétaire de sa responsabilité à l’égard des tiers lesquels ne pouvaient obtenir réparation de préjudice qu’en se retournant contre l’occupant illicite. Or, son identité peut ne pas être connue et ses garanties en matière d’assurance sont sans conteste différentes de celles du propriétaire.

Pour ces raisons, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l’article 7 de la loi contraires à la Constitution.

Fait rare, le 29 juillet 2023, le Conseil constitutionnel a publié sur son internet un communiqué visant à « infirme[r] de fausses interprétations données à sa décision du 26 juillet 2023 sur la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite ». Cette communication visait spécifiquement les commentateurs affirmant que le Conseil aurait décidé que, désormais, tout occupant illicite d’un logement pourrait obtenir réparation du propriétaire si le bien occupé était mal entretenu.

Le Conseil dément ces affirmations et affirme que les motifs de la censure se fondent sur la nécessité que demeurent protégés les droits des tiers victimes de dommages. Ils ne privent pas le législateur de la possibilité de réformer le droit pour aménager la répartition des responsabilités entre propriétaire et occupants illicites.

newsid:486551

Droit financier

[Brèves] AMF : sanction d’une société de gestion pour des manquements à ses obligations professionnelles

Réf. : AMF CS, décision du 26 juillet 2023, sanction N° Lexbase : L3537MIT

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N6548BZK

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par Perrine Cathalo

Le 03 Août 2023

► Dans une décision du 26 juillet 2023, la Commission des sanctions a prononcé une sanction pécuniaire de 200 000 euros à l’encontre d’une société de gestion spécialisée dans l’épargne salariale, l’épargne retraite et l’actionnariat salarié.

La Commission a tout d’abord constaté que la société de gestion avait manqué à son obligation d’établir, mettre en œuvre et maintenir opérationnelles des politiques et des procédures relatives aux rétrocessions des frais de gestion liés à la commercialisation de ses fonds. Concernant cette obligation, la société ne disposait que d’une procédure lacunaire et imprécise, sauf en ce qui concerne les contrôles réalisés par ses directions opérationnelles.

La Commission a également retenu que la société n’avait pas informé les investisseurs de manière complète, exacte et compréhensible avant qu'ils n'investissent dans des fonds d'investissement alternatifs sur les rétrocessions des frais de gestion versées aux distributeurs.

Elle a par ailleurs considéré que la société de gestion disposait d’un corps procédural lacunaire et peu opérationnel encadrant la sélection des investissements et n’avait donc pas fait preuve d'un niveau élevé de diligence et n’avait pas non plus mis en place des politiques et des procédures visant à garantir la conformité des décisions d'investissement de chaque fonds d'investissement alternatif avec ses objectifs et stratégies d’investissement.

Enfin, la Commission a relevé que la société n’avait ni matérialisé ni tracé ses décisions de sélection des sociétés de gestion et des fonds sous-jacents.

newsid:486548

Électoral

[Brèves] Publication d’un décret relatif au financement participatif électoral

Réf. : Décret n° 2023-625, du 19 juillet 2023, modifiant des dispositions règlementaires relatives au recours aux prestataires de services de paiement pour le recueil des dons aux partis et groupements politiques et aux candidats aux élections N° Lexbase : L2161MIU

Lecture: 1 min

N6493BZI

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par Yann Le Foll

Le 01 Août 2023

Le décret n° 2023-625, du 19 juillet 2023, modifiant des dispositions règlementaires relatives au recours aux prestataires de services de paiement pour le recueil des dons aux partis et groupements politiques et aux candidats aux élections, publié au Journal officiel du 20 juillet 2023, ajuste les conditions du financement participatif électoral.

Rappel. Le Conseil d’État (CE, 2°-7° ch. réunies, 8 décembre 2022, n° 463624 N° Lexbase : A03128Y9) a enjoint à la Première ministre de modifier les dispositions de l'article 11-3 du décret n° 90-606, du 9 juillet 1990 N° Lexbase : O0640B9L en abrogeant certaines prescriptions du 5° qui imposent une condition supplémentaire pour le mandataire d'une association de financement d'un parti ou d'un groupement politique en cas de recours à un prestataire de services de paiement.

Cette condition supplémentaire qui a été censurée par le juge portait sur le fait que le mandataire devait s'assurer que le montant des fonds perçus par le prestataire de services de paiement était versé intégralement et sans délai sur le compte de dépôt qu'il avait ouvert et que la perception éventuelle de frais par ce prestataire ne pouvait intervenir qu'après ce versement.

Objet du décret. Dorénavant, lorsqu'il a recours, pour le recueil de fonds en ligne, à un prestataire de services de paiement, le mandataire s'assure que le montant des fonds perçus est versé sans délai sur le compte de dépôt qu'il a ouvert.

En cohérence, la modification est également apportée à l'article R. 39-1-1 du Code électoral N° Lexbase : L2440MI9.

newsid:486493

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Crédit d’impôt recherche (CIR) et subvention publique : le Conseil d’État apporte des précisions

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 12 juillet 2023, n° 463363, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78151AP

Lecture: 4 min

N6452BZY

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’Université Panthéon-Sorbonne

Le 01 Août 2023

► La notion de subvention publique n’est aucunement définie par le législateur, la doctrine administrative ou encore la jurisprudence. C’est dans ce contexte que le Conseil d’État, par un arrêt rendu le 12 juillet 2023, était amené à trancher un litige relatif à la qualification de subvention publique au regard du crédit d’impôt recherche.

Par principe, l’article 244 quater B du CGI prévoit que les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l’année.

Par ailleurs, les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt recherche sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables.

Rappel des faits et procédure

  • L'institut technologique FCBA (forêt, cellulose, bois-construction, ameublement) est un organisme privé chargé d’une mission de service public dont le but est de promouvoir le progrès technique et améliorer le rendement, la qualité du bois dans l’industrie.
  • Cet institut a reçu des aides de la part du Comité professionnel de Développement des Industries françaises de l’Ameublement du Bois (CODIFAB) et de l’interprofession nationale France Bois Forêt (FBF).
  • L’institut a sollicité une prise de position de l’administration quant aux modalités de calcul du crédit d'impôt recherche. L’administration a considéré que les aides reçues du comité professionnel de développement des industries françaises de lameublement du bois (CODIFAB) et de linterprofession nationale France bois forêt (FBF) présentaient le caractère de subventions publiques, devant être déduite de lassiette du CIR.
  • En première instance, les juges du fond du tribunal administratif de Melun ont refusé le bénéfice du crédit d’impôt en faveur de la recherche à raison des dépenses engagées en matière de recherche et de développement au titre des années 2013 à 2015.
  • En appel, les juges ont fait partiellement droit à l’Institut technologique FCBA et ont jugé que doit être regardée comme constituant une subvention publique « toute aide, versée en vue ou en contrepartie d’un projet de recherche,  provenant de l'utilisation de ressources perçues à titre obligatoire et sans contrepartie, que ces aides soient versées par une autorité administrative ou un organisme privé investi d'une mission de service public » (CAA Paris, 18 février 2022, n° 19PA01989 N° Lexbase : A72757NR).
  • Un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision. Au soutien de ses prétentions, l’Institut faisait notamment valoir que les juges d’appel ont commis une erreur de droit en jugeant que toute aide, versée en vue ou en contrepartie d'un projet de recherche, provenant de l'utilisation de ressources perçues à titre obligatoire et sans contrepartie, que ces aides soient versées par une autorité administrative ou un organisme privé investi d'une mission de service public, devaient être regardées comme une subvention au sens de l’article 244 quater B du CGI N° Lexbase : L7453MAB.

 

Question de droit. Était posée au Conseil d’État la question suivante : Les subventions versées par le comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement du bois (CODIFAB) et par l’interprofession nationale France bois forêt (FBF) présentent-elles le caractère de subventions publiques et sont-elles déductibles de l’assiette du crédit d’impôt recherche ?

Solution

Le Conseil d’État admet le pourvoi uniquement concernant la question de la qualification des aides versées par l’interprofession nationale FBF. Les juges du Conseil d’État considèrent tout d’abord, concernant la définition de subvention publique au regard du CIR, qu’une subvention publique correspond à « toute aide versée à raison d’opérations ouvrant droit au CIR par une personne morale de droit public ».

Or, en l’espèce, ils estiment que tel n’était pas le cas des aides versées par l’organisation interprofessionnelle FBF. Ainsi, les aides litigieuses ne devaient pas être déduites pour la détermination du CIR par le requérant.

En conséquence, désormais, le caractère de subvention publique dune aide est défini par la qualification juridique de lorganisme dont elle provient et non par la provenance des ressources.

newsid:486452

Santé et sécurité au travail

[Jurisprudence] Inaptitude : le médecin du travail, tiers décideur, de la compatibilité de l’emploi de reclassement proposé par l’employeur à son salarié déclaré physiquement inapte

Réf. : Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-24.279 N° Lexbase : A983393L

Lecture: 10 min

N6443BZN

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par Gwenaelle Vautrin, Avocat, cabinet Vautrin avocats

Le 01 Août 2023

Mots-clés : inaptitude • reclassement • bonne foi • médecin du travail

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 21 juin 2023, apporte, pour la première fois, un éclairage pratique important sur l’obligation de reclassement, qui pèse sur l’employeur, en cas d’inaptitude : tout emploi de reclassement doit être conforme, aux préconisations formulées par le médecin du travail qui doit être obligatoirement sollicité, en cas de divergences, sur la compatibilité de cet emploi avec l’état de santé.


Parmi les 66 arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 21 juin dernier, seuls 2 ont vocation à être publiés au bulletin 2023, dont l’arrêt ci-après commenté, au regard de sa portée pratique indéniable pour les employeurs confrontés à des avis d’inaptitude de plus en plus nombreux [1].

Cette incidence pratique est d’autant plus importante que la solution juridique est rendue sur le fondement des articles L. 1226-10 N° Lexbase : L8707LGL et L. 1226-16 N° Lexbase : L1036H9A du Code du travail dans leur version définitive (après adoption de la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C).

Rappelons que la loi précitée avait notamment pour objectif de mettre un terme à de nombreux contentieux, initiés sur le fondement du non-respect de l’obligation jurisprudentielle de reclassement, le législateur s’étant voulu interventionniste pour juguler une construction jurisprudentielle jugée trop prolixe à ses yeux.

Le présent arrêt démontre que l’intervention du juge en matière de reclassement conserve toute son importance, pour compléter la portée de textes incapables d’appréhender toutes les situations pratiques.

En l’espèce, un salarié plombier chauffagiste, engagé le 15 octobre 1982, est déclaré inapte par le médecin du travail le 29 mai 2017. Son employeur lui propose alors un poste de travail, créé pour lui, qu’il va refuser, en invoquant l’incompatibilité de celui-ci avec son état de santé.

Maintenant que le poste répond en tous points aux préconisations du médecin du travail, l’employeur licencie son salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour d’appel de Rouen, saisie de ce litige, va juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle estime en effet que le poste d’assistant administratif, créé pour le salarié, implique la conduite d’un véhicule dans des conditions et un périmètre non précisés et que le médecin du travail, sans exclure des déplacements, avait exclu un maintien long dans une même position, circonstance que le salarié avait relevée pour refuser le poste.

Les moyens du pourvoi de l’employeur étaient intéressants puisqu’il plaidait implicitement sur sa démarche de bonne foi, estimant être allé au-delà de son obligation légale, par la création d’un poste dédié à son salarié, qui ne lui appartenait pas de soumettre à l’appréciation du médecin du travail.

C’est justement sur le terrain de la bonne foi que la Haute juridiction va confirmer le raisonnement des juges d’appel : l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement, de manière sérieuse et loyale, dans la mesure où il n’a pas pris en compte le motif du refus du salarié et ne s’est pas assuré, auprès du médecin du travail, de la compatibilité de ce poste avec l’état de santé du salarié, ou des possibilités d’aménagement qui aurait pu être apportées.

Quid des conséquences pratiques de cet arrêt sur les futures démarches de reclassement des employeurs confrontés à un avis d’inaptitude ?

I. Appliquer les textes en ayant conscience de leur portée relative

L’arrêt est rendu au visa des articles L. 1226-10 et L. 1226-16 du Code du travail qui disposent (extraits) :

« lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations… »

À la lecture de ces textes, on pouvait penser que l’employeur se trouvait définitivement déchargé de son obligation de reclassement, dès lors qu’il proposait un poste répondant aux conclusions et préconisations écrites du médecin du travail.

Or, dans un arrêt publié du 26 janvier 2022 N° Lexbase : A53187K8, la Chambre sociale de la Cour de cassation entendait rappeler que la présomption instituée par ces textes ne vaut que si l’employeur s’est comporté de manière loyale [2].

La Haute juridiction rappelle, sur de nombreux sujets, à l’employeur qu’il est tenu de respecter une obligation essentielle dans l’exécution du contrat de travail : l’obligation de bonne foi, prévue à l’article L. 1222-1 du Code du travail N° Lexbase : L0806H9Q.

La Chambre sociale Cour de cassation a d’ailleurs récemment réaffirmé ce principe de loyauté du reclassement dans un arrêt du 29 mars 2023, lui aussi publié au bulletin. Il est d’ailleurs  intéressant de constater que le pouvoir décisionnaire fort du médecin du travail était déjà affirmé, puisqu’ayant préconisé comme solution de reclassement le télétravail, à une entreprise qui ne l’avait pas mis en place, l’employeur est néanmoins condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute d’avoir donné suite à cette proposition [3].

II. Solliciter obligatoirement le médecin du travail, seul habilité à juger de la compatibilité du poste de reclassement par rapport à l’état de santé du salarié

Avec l’arrêt du 21 juin 2023, le médecin est plus qu’un tiers préconisateur : il devient un tiers décideur.

En effet, et alors que jusqu’ici, l’employeur bénéficiait d’une présomption de bonne exécution de son obligation de reclassement, celle-ci ne devient désormais parfaite, que si le poste de reclassement est jugé compatible avec l’état de santé par le seul médecin du travail.

En pratique, et en cas de divergence sur la compatibilité du poste de reclassement, par rapport à l’état de santé, l’employeur doit solliciter le médecin du travail sur l’emploi de reclassement qu’il entend proposer.

L’apport de la Chambre sociale de la Cour de cassation sur ce point est d’ailleurs important : elle précise, qu’à l’occasion de cette sollicitation, le praticien pourra évoquer des possibilités d’aménagement, reconnaissant à ce professionnel son rôle actif dans le reclassement et dans un environnement de travail qu’il est censé connaître.

Doit-on étendre la sollicitation du médecin du travail, aux situations où il n’existe aucune divergence ?

La prudence et la portée de cet arrêt de la Haute juridiction plaident pour le recours au médecin du travail, afin d’éteindre toutes contestations ultérieures qui pourraient naître dans le cadre de la contestation judiciaire du licenciement.

À cette occasion, l’employeur se doit d’être extrêmement précis, comme le rappelle d’ailleurs le présent arrêt, estimant que le poste de reclassement ne précisait pas les conditions dans lesquelles étaient effectués les déplacements, alors que le médecin du travail avait prohibé une posture identique trop longue [4].

A minima, le poste de reclassement devra contenir les éléments essentiels suivants :lieu, conditions d’exercice, fiche de poste complète, moyens mis à disposition par l’employeur, aménagements spécifiques dédiés, suivi médical renforcé, horaires prévisibles, contraintes organisationnelles (travail de nuit..), rémunération et ses accessoires…

III. Contester la validation ou non du poste de reclassement par le médecin du travail… une option difficilement envisageable aujourd’hui

La médecine du travail se meurt, faute pour ce corps professionnel d’attirer les jeunes, et alors que sa moyenne d’âge de 55 ans, induit des départs à la retraite à la chaîne [5].

Aujourd’hui, 4 400 médecins du travail s’occupent de 18 millions de salariés (ils étaient 5 800 en 2010)

Les exemples d’impossibilité d’obtenir des visites médicales dans des délais raisonnables se multiplient, faute de disponibilité des médecins du travail, qui vont pourtant devoir s’impliquer davantage dans les avis d’inaptitude et leur suivi, en cas de poste de reclassement.

L’employeur étant tenu de reprendre le versement de salaire, un mois après l’avis d’inaptitude, en application de l’article L. 1226-4 du Code du travail N° Lexbase : L5819ISC, nul doute que certains renonceront à contester, quand ils n’auront pas de réponse dans un délai raisonnable, vu les incidences financières.

Quid également d’une contestation née à la suite de la sollicitation du médecin du travail à qui il est demandé de vérifier la compatibilité du poste de reclassement avec l’état de santé ?

En effet, il est évident que des désaccords naîtront de l’appréciation qui sera faite du médecin du travail dans le cadre de cette nouvelle mission que la jurisprudence lui confère.

Un recours est-il envisageable pour les employeurs et les salariés, en désaccord avec le médecin du travail ?

En l’état, il semble bien que ce recours ne soit pas possible, si on se réfère aux dispositions de l’article L. 4624-7 du Code du travail N° Lexbase : L4459L7B  qui prévoit la possibilité pour le salarié et l’employeur de saisir le conseil de prud’hommes d’une contestation portant sur les avis, propositions et conclusions écrites ou indications émises par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2 N° Lexbase : L7397K9T, L. 4624-3 N° Lexbase : L7396K9S et L. 4624-4 N° Lexbase : L7399K9W.

En effet, les articles précités, limitativement énumérés, ne prévoient nullement le présent cas de figure et il est plus qu’urgent que le législateur complète cet article, de manière à permettre aux parties une faculté de recours, sur l’appréciation médicale qui peut être faite du poste de reclassement par le médecin du travail.

Il serait plus opportun que le législateur, en plus de la mise en place de ce recours, instaure en parallèle la mise en place d’un formulaire dédié et spécifique « poste de reclassement », comme il a pu le faire lors de sa précédente loi du 8 août 2016, qui avait permis l’uniformisation des pratiques de la médecine du travail, avec un formulaire unique et précis dédié aux examens médicaux destinés à juger de l’aptitude des salariés.

Décidément, le reclassement des salariés inaptes est un sujet qui fait toujours parler de lui… suite au prochain épisode (législatif peut-être ?).


[1] Le fil twitter du président de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, Vincent Vigneau, du 14 juillet 2023, rappelle que seuls 10 % des arrêts de la Cour de cassation sont publiés au bulletin (les arrêts publiés manifestant une mission primordiale de la Haute juridiction, rendre des arrêts qui complètent la loi, ou l’adaptent aux évolutions de la société).

[2] Cass. soc., 26 janvier 2022, n° 20-20.369, FS-B N° Lexbase : A53187K8.

[3] Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-15.472, F-D N° Lexbase : A39289L3.

[4] Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-18.118.

[5] Le vrai du faux, Manque-t-il des centaines et des centaines de médecins du travail, comme l’affirme Laurent Berger ?, France info, 17 janvier 2023 [en ligne].

newsid:486443

Vente d'immeubles

[Jurisprudence] L’appréciation temporelle de l’obligation de délivrance du vendeur

Réf. : Cass. civ. 3, 25 mai 2023, n° 22-12.870, FS-B N° Lexbase : A59809WE

Lecture: 13 min

N6445BZQ

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par Pierre Lominé, notaire associé, Victoires Notaires Associés

Le 01 Août 2023

Mots clés : vente • terrain à bâtir • inconstructibilité • obligation de délivrance • date d’appréciation • obligation d’information • vices cachés

Le respect de l’obligation de délivrance conforme du vendeur d’un terrain à bâtir devenu inconstructible après la vente s’apprécie au moment du transfert de propriété, au regard des dispositions du PLU en vigueur à cette date. Les modifications du PLU décidées avant la vente mais non encore publiées ne sont pas applicables et ne remettent pas ensuite en cause la bonne exécution de l’obligation de délivrance réalisée par le vendeur.


 

Le vendeur d’un bien immobilier a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend (C. civ., art. 1603 N° Lexbase : L1703ABP). L’arrêt rendu le 25 mai 2023 par la troisième chambre civile de la Cour de Cassation apporte un éclairage important sur l’appréciation temporelle de l’obligation de délivrance de la chose vendue.

En l’espèce, par acte authentique en date du 31 janvier 2012, Madame D a vendu un terrain à bâtir à Madame H et Monsieur F. Un certificat d’urbanisme délivré en date du 9 janvier 2012, soit trois semaines avant la vente indique que ce terrain est classé en zone Ui, donc en zone constructible du plan local d‘urbanisme (PLU) approuvé le 15 juin 2006 et mis en révision le 29 avril 2008. Par la suite l’acheteur s’étant vu refuser son permis de construire, il s’est en fait avéré que trois jours avant la vente une décision du conseil municipal en date du 27 janvier 2012 approuvait la modification du PLU. Le terrain objet de la vente a été alors classé en zone AN et AH du PLU et comme tel devenu inconstructible.

La décision du conseil municipal a par la suite été publiée le 9 février 2012 soit neuf jours après la vente. L’acquéreur assigne le vendeur en paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de délivrance conforme.

Se pose en fait la question de la date d’effet de la modification du plan local d’urbanisme et de son interaction avec la bonne exécution ou non de l’obligation de délivrance du vendeur du terrain.

La cour d’appel de Chambéry ne donne pas satisfaction à l’acheteur en considérant que l’obligation de délivrance conforme du vendeur doit s’apprécier au moment du transfert de propriété de la chose, donc en l’espèce le 31 janvier 2012. Elle considère également que la décision du conseil municipal n’ayant été publiée que postérieurement à cette date, elle était alors inopposable au moment de la délivrance qui a été parfaitement réalisée.

La Cour de cassation considère que c’est à bon droit que la cour d’appel, ayant constaté que le PLU modifié par délibération du conseil municipal du 27 janvier 2012 avait été publié le 9 février 2012, a retenu que cette date étant celle à laquelle il était entré en vigueur et devenu opposable, le bien vendu était bien un terrain à bâtir au jour de sa délivrance.

Si une première lecture des faits de l’espèce peut interpeller et nous faire éprouver une certaine compassion pour l’acheteur, qui finalement aura payé un terrain au prix fort pour ne rien pouvoir en faire, il ressort cependant que la décision de la Cour de cassation ne relève que d’une application stricte et logique des textes. L’action intentée sur le moyen fondé sur l’obligation de délivrance ne pouvait qu’échouer.

I. Le rejet logique du moyen fondé sur l’obligation de délivrance

Le vendeur doit garantir la délivrance conforme de la chose vendue. La délivrance consiste, selon l’article 1604 du Code Civil N° Lexbase : L1704ABQ, dans « le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acquéreur ». Même si la délivrance est différente du transfert de propriété, c’est en pratique, pour des ventes d’immeubles existants, souvent à ce moment-là que le vendeur transporte la chose en la possession de l’acquéreur. Le vendeur doit délivrer ce qui a été convenu au contrat, c’est-à-dire l’immeuble tel qu’il a été désigné dans l’acte de vente.

Aucune disposition du Code civil ne vient préciser le moment de la délivrance. La délivrance est donc avant tout une affaire contractuelle. Dans les actes de ventes, le paragraphe « propriété-jouissance » traite de cette question en distinguant d’ailleurs la date de transfert de propriété et la date de prise de possession du bien par l’acquéreur. En pratique, et hors cas de différé de jouissance, en matière d’actes courants, la délivrance et le transfert de propriété sont en fait très souvent simultanés. C’est le cas en l’espèce.

La délivrance est un fait matériel qui, soit est exécuté, soit ne l’est pas. Quand elle a été exécutée, la délivrance ne peut plus être demandée ou son défaut invoqué en fondement d’une action, sauf à prouver sa non-conformité à l’objet vendu. C’est ce qui a été plaidé en l’espèce, le terrain étant devenu inconstructible postérieurement à la vente.

La question, ici, se pose de savoir en fait si la non-constructibilité est antérieure ou non à la vente et de la réponse découlera la constatation de l’accomplissement ou non de l’obligation de délivrance du vendeur. La décision du conseil municipal est antérieure à la vente, mais sa publication est postérieure.

Dans une application stricte des textes, la cour d’appel puis la Cour de cassation constatent que l’opposabilité de la décision résultant de la publication, c’est à cette date que le changement de PLU est effectif. Dès lors, la décision n’étant pas opposable au moment de la vente, l’ancien PLU était en vigueur à cette date, donc le terrain était à bâtir au moment de la vente, date de la délivrance du bien. Dès lors, la délivrance du bien ayant été exécutée par le vendeur, le changement de situation postérieur à cette exécution ne saurait lui être reprochée.

Le point particulier en l’espèce réside dans le fait que la décision du conseil municipal est antérieure à la vente, donc que le fait générateur du changement de classement du terrain est antérieur à la délivrance effectuée. La Cour de cassation considère que cela indiffère et que l’obligation est remplie dès lors que le classement effectif (opposable) était conforme au jour de la délivrance du terrain à l’acheteur. Si cette solution est logique et sécurisante pour le vendeur non professionnel qui se trouve protégé d’une éventuelle revendication abusive de son acquéreur insatisfait, le résultat peut sembler inique pour l’acheteur.

La question se pose donc de savoir si, dans une telle situation, le fondement de la demande était le bon. Le vendeur qui a délivré, et nous avons vu qu’en l’espèce cette obligation a été remplie, doit en effet également informer son acquéreur des caractéristiques du bien et garantir la chose vendue.

II. L’éventuelle action sur un autre fondement : défaut d’information ou garantie des vices cachés

Une action aurait-elle pu être intentée sur un autre fondement que le défaut de délivrance ?

Nous pouvons facilement imaginer que l’acquéreur ait été tenté de se fonder soit sur le défaut d’information du vendeur, soit sur la garantie des vices cachés.

A. Le devoir d’information du vendeur

Il est important de rappeler qu’une obligation générale d’information pèse sur le vendeur. Si les articles 1602 N° Lexbase : L1702ABN et 1104 N° Lexbase : L0821KZG du Code Civil ne précisent pas le contenu de l’obligation d’information du vendeur, l’article 1112-1 du même code N° Lexbase : L0598KZ8 dispose que l’information devant être transmise est celle dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie. On ne peut douter un instant que si l’information précise de la décision du conseil municipal avait été portée à la connaissance de l’acquéreur, ce dernier n’aurait pas réalisé son acquisition dans ces conditions. Toutefois le vendeur n’est tenu de transmettre à l’acquéreur que les informations dont il a lui-même connaissance (Cass. civ. 3, 21 juillet 1993, n° 91-20.639 N° Lexbase : A5916ABQ). À l’inverse il ne peut être reproché au vendeur de ne pas avoir transmis une information dont l’acheteur avait ou aurait dû avoir connaissance.

Une action sur ce terrain aurait donc nécessité de prouver que le vendeur avait connaissance du changement à venir mais aussi et surtout que l’acquéreur l’ignorait ou ne pouvait en connaître la probabilité. Il semble surprenant en effet que l’acheteur n’ait pas eu connaissance du changement de PLU en cours. Un certificat d’urbanisme a été délivré le 9 janvier 2012, soit antérieurement à la vente et trois semaines avant le changement du PLU en question. Rappelons que tout certificat d’urbanisme, simple ou pré-opérationnel doit indiquer les règles d’urbanisme applicables au terrain au moment de sa délivrance ; le certificat doit indiquer si le bien est compris dans une ZAC, dans un lotissement, le cas échéant doit mentionner un possible sursis à statuer de la part de l’administration en cas de déclaration préalable ou de demande de permis de construire. Il est de tout temps très hasardeux de signer l’achat d’un terrain à bâtir à la simple vue d’un certificat d’urbanisme, simple ou opérationnel. Le certificat d’urbanisme ne constitue pas une autorisation mais une simple information sur les règles applicables. Certes le certificat cristallise les règles d’urbanisme applicables au moment de sa délivrance, de sorte que si une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée pendant le délai de validité du certificat d’urbanisme et respecte les dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, ces dernières ne peuvent être remises en cause et l’autorisation sollicitée est instruite sur la base des règles existant au moment de la délivrance du certificat. Il faut toutefois que la demande soit faite dans le délai de validité du certificat délivré. Par ailleurs, en délivrant un certificat d’urbanisme début janvier sachant qu’une résolution pour approuver un changement de PLU allait être soumise au vote du conseil municipal à la fin du même mois, la commune a certainement indiqué dans ledit certificat la possibilité d’un sursis à statuer dans l’hypothèse où une autorisation d’urbanisme serait demandée avant l’adoption du nouveau PLU. Quand bien même ce sursis à statuer ne serait pas mentionné dans le certificat d’urbanisme, cela ne ferait pas obstacle à l’opposition d’un sursis à statuer par l’autorité compétente, outre le fait d’entacher le certificat d’urbanisme d’illégalité.

Une action sur le fondement du manquement à l’obligation d’information du vendeur aurait sans doute été vouée également à l’échec dès lors que le certificat d’urbanisme mentionnait bien comme indiqué dans l’arrêt qu’une révision du PLU était en cours et donc que l’acheteur avait l’information du risque inhérent à cette situation.

B. La mise en œuvre de la garantie des vices cachés

Le sujet de la garantie ces vices cachés s’invite également dans la réflexion pour savoir si notre acquéreur aurait pu obtenir la résolution de la vente sur ce terrain. Conformément aux dispositions de l’article 1641 du Code civil N° Lexbase : L1743AB8 « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ». 

On pourrait soutenir que le vice était intrinsèquement latent dans la mesure où la décision du conseil municipal existait au moment de la vente, il couvait donc même si la décision prise n’était pas encore opposable. En matière de vice caché, la jurisprudence considère que ce dernier peut être retenu s’il existait préalablement à la vente ou même simplement s’il était en germe à la date de celle-ci (Cass. civ. 3, 9 février 1965, Bull. civ. III, n° 103). Telle était incontestablement la situation en l’espèce compte tenu de la chronologie des faits.

Cela étant, il est usuel en matière de vente immobilière de stipuler une clause de non-garantie des vices cachés. La validité de cette clause est subordonnée à l’ignorance du vice par le vendeur non-professionnel. Autrement dit, il faudra que l’acquéreur prouve que le vendeur ait eu connaissance du vice en germe pour intenter une action sur ce terrain. Il faudra également démontrer qu’il n’en n’a pas eu lui-même connaissance ce qui ne sera pas évident au vu du certificat d’urbanisme délivré par la commune. En l’espèce, le vice n’étant pas intrinsèque à une caractéristique physique du bien dont le vendeur ne pouvait ignorer l’existence et dont lui seul à l’exclusion de l’acquéreur pouvait avoir connaissance, une action sur ce fondement semblait également vouée à l’échec. L’acheteur pouvait donc très difficilement demander réparation sur le terrain des vices cachés ou sur celui d’un défaut d’information du vendeur. Sa demande se portait donc sur le terrain de la délivrance, mais était cependant logiquement vouée à l’échec, la délivrance étant une action de fait s’appréciant à la date de sa réalisation instantanée uniquement. Les évolutions du bien postérieurement à la délivrance étant indifférentes, même si les éléments conduisant au changement étaient en germe au moment de la délivrance.

À retenir en pratique :

L’obligation de délivrance conforme s’apprécie de manière instantanée laquelle ne peut être remise en cause une fois exécutée, même si le fondement de la remise en cause était en germe au jour de la délivrance faite par le vendeur.

L’obtention d’un certificat d’urbanisme informant d’une modification en cours du PLU ne garantit pas la cristallisation des règles d’urbanisme applicables à cause du sursis à statuer dont dispose la mairie et n’apporte donc aucune garantie.

L’obtention d’un certificat d’urbanisme informant d’une modification en cours du PLU est de nature à interdire à l’acheteur une action sur le fondement de l’obligation d’information du vendeur ou des vices cachés.

Dès lors qu’il s’agit de réaliser la vente d’un terrain à bâtir isolé, c’est-à-dire non-inclus dans un lotissement, il est primordial de rappeler l’importance, afin de garantir toutes les parties, de ne signer l’acte de vente qu’après que l’acquéreur ait obtenu un permis de construire et que celui-ci soit purgé de tous recours.

Seul le permis de construire devenu définitif est en mesure de garantir efficacement l’acheteur de la possibilité de réalisation de son projet.

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