Le Quotidien du 9 juin 2023

Le Quotidien

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Collaboration libérale : la rupture par téléphone était vexatoire

Réf. : CA Douai, 23 mars 2023, n° 21/05755 N° Lexbase : A81689L4

Lecture: 5 min

N5780BZ4

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par Marie Le Guerroué

Le 09 Juin 2023

► Est brutale l’annonce d’une rupture de collaboration dans un contexte de relations contractuelles constructives et cordiales, en l'absence de reproche de la qualité du travail fourni par la collaboratrice, formulée de manière inappropriée eu égard aux circonstances particulières au cours d'un entretien téléphonique, d'une durée suffisamment brève pour que s'en déduise une transmission directe de l'information et sans précaution quant à l'effet de l'annonce effectuée.

Faits et procédure. Une associée avait conclu avec une avocate un contrat de collaboration libérale à effet à compter du 17 avril 2017. Par entretien téléphonique du 3 mars 2020 et courrier du même jour réceptionné le 5 mars 2020, l’avocate avait mis fin à ce contrat. Le Bâtonnier a constaté que les conditions de rupture du contrat de collaboration liant les deux avocates étaient intervenues de façon vexatoire et condamné en conséquence l’avocate à payer à la collaboratrice la somme de 2 600 euros en réparation du préjudice subi. La première a interjeté appel de cette décision.

Textes applicables. La cour rappelle les textes applicables. Selon l'article 1. 3 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat N° Lexbase : L4063IP8, les principes essentiels de la profession guident le comportement de l'avocat en toutes circonstances. L'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, d'égalité et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. L'article 1104 alinéa 1 du Code civil N° Lexbase : L1193ABS dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Enfin, la cour précise qu’aux termes de l'article 1231-1 N° Lexbase : L0613KZQ du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Les juges du fond précisent que l'exécution du délai de prévenance n'est pas critiquée par les parties et, à la différence du contrat de collaboration salariée, dans le cadre de la rupture d'un contrat de collaboration libérale, les règles de rupture n'exigent ni existence d'un défaut d'exécution, ni entretien physique, ni communication des motifs de la rupture, ni entretien préalable. Cependant, ajoute la cour, le respect des règles déontologiques de la profession et l'exigence de bonne foi dans l'exécution des contrats s'imposent quel que soit la nature du contrat de collaboration.

Réponse de la cour. Les juges du fond constatent, qu’en l’espèce, l’annonce était brutale en ce que, inattendue, dans un contexte de relations contractuelles constructives et cordiales, en l'absence de reproche de la qualité du travail fourni par la collaboratrice, les parties discutant moins d'un mois auparavant d'une association, et formulée de manière inappropriée eu égard aux circonstances particulières, l’avocate informant sa collaboratrice de la fin de son contrat au cours d'un entretien téléphonique alors qu'elles se rencontrent physiquement régulièrement, exerçant au sein du même cabinet, cet appel, d'une durée suffisamment brève (31 secondes) pour que s'en déduise une transmission directe de l'information et l'absence de précaution quant à l'effet de l'annonce effectuée, étant intervenu alors que cette dernière se trouvait au Palais de Justice, entourée de la cliente du cabinet dont elle était chargée par l’avocate de défendre les intérêts en ses lieu et place, et de ses confrères, y compris adverses, et à proximité immédiate de l'audience. Il est ainsi établi que la manière dont la rupture a été annoncée était de nature à produire un effet déstabilisant sur la collaboratrice eu égard à ces circonstances générales et particulières, ce que l’avocate ne pouvait ignorer et qui caractérise un manquement à certaines obligations déontologiques de sa profession (loyauté, confraternité, délicatesse et courtoisie) et à l'exigence de loyauté dans l'exécution des contrats. Le préjudice invoqué, outre l'inquiétude générée quant à sa situation économique, ainsi que cela ressort des SMS échangés par les parties, est caractérisé par l'impact psychologique et l'incompréhension de cette rupture, ce dont atteste l'attestation de la secrétaire ayant constaté son état d'affliction lors de son retour au cabinet à l'issue de l'audience, augmentée par la remise en cause, du fait de l'appel interjeté, de la légitimité de son appréciation des événements. La cour conclut que c’est à bon droit que le Bâtonnier a qualifié la rupture du contrat de collaboration de vexatoire quant à la manière dont elle a été annoncée par l’avocate à sa collaboratrice.

Préjudice. La cour infirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné l’avocat à payer à la collaboratrice la somme de 2 600 euros en réparation du préjudice subi, et, statuant à nouveau sur ce chef, estime que le préjudice sera plus justement réparé par l'allocation d'une somme de 4 000 euros.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’exercice individuel, La rupture conflictuelle du contrat de collaboration libérale de l'avocat, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E40853RQ.

 

newsid:485780

Domaine public

[Brèves] Possibilité pour un fossé de faire partie du domaine public routier et fluvial

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juin 2023, n° 466548, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A70699YH

Lecture: 3 min

N5778BZZ

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par Yann Le Foll

Le 14 Juin 2023

► Un fossé peut faire partie du domaine public routier et fluvial et, partant, faire l’objet d’une convention d’occupation de Voies navigables de France (VNF) ouvrant droit au versement de redevances d’occupation.

Faits. La société CenturyLink Communications France a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'établissement public Voies navigables de France (VNF) à lui verser la somme de 507 723,60 euros, assortie des intérêts capitalisés, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison du versement de redevances d'occupation du domaine public recouvrées sur le fondement d'une convention d'occupation du domaine public que VNF n'avait selon elle pas compétence pour conclure. Ce tribunal a fait droit à sa demande.

Position CAA. Pour annuler ce jugement, la cour administrative d’appel (CAA Douai, 1re ch., 14 juin 2022, n° 21DA00474 N° Lexbase : A89728AK) a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'il résultait d'un rapport de l'inspection générale des ponts et chaussées de 1859, d'une lettre du ministère des travaux publics de 1882 et d'un procès-verbal de récolement de 1912 que le canal de la Colme était bordé, sur tout son cours et ses deux rives, de digues artificielles permettant d'en assurer la sûreté.

Elle a également relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, qu'il résultait de la configuration des lieux, dont témoignaient plusieurs photographies produites par les parties, que le talus sur lequel reposait la route départementale n° 3, d'une largeur au demeurant modeste, formait, en ce compris le fossé situé en contrebas de l'accotement de la route opposé au canal, un tout indissociable constitutif d'un ouvrage de défense des berges du canal.

Décision CE. Elle a pu en déduire sans erreur de droit que, contrairement à ce que soutenait la société Lumen Technologies France, le fossé en cause constituait une dépendance du domaine public fluvial et avait pu légalement faire l'objet d'une convention d'occupation à ce titre.
Double appartenance à un domaine public. Aucune règle de la domanialité publique ne s'oppose à ce qu'une dépendance du domaine public fasse l'objet d'une superposition d'affectations lorsqu'une affectation supplémentaire est compatible avec son affectation initiale.

La cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que l'affectation supplémentaire de la digue au domaine public routier était compatible avec son affectation initiale au domaine public fluvial, que la circonstance que le fossé en cause constitue également l'accessoire de la route départementale, ce dont la société Lumen Technologies France se prévalait devant elle sur la foi d'un courrier par lequel le conseil départemental du Nord lui avait fait savoir que ce fossé relevait de son domaine public routier, ne faisait pas par elle-même obstacle à son appartenance au domaine public fluvial et, partant, à la compétence de VNF pour en autoriser l'occupation.

newsid:485778

Environnement

[Brèves] Collecteur et transporteur des déchets : il ne peut être considéré comme un producteur ou détenteur des déchets en l’absence de négligence de sa part

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 2 juin 2023, n° 450086, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A99539XW

Lecture: 2 min

N5737BZI

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par Yann Le Foll

Le 08 Juin 2023

► Une société dont l'activité a uniquement consisté à collecter et transporter des déchets pour le compte de tiers jusqu'à un centre de tri autorisé par l'administration et qui ne commet aucune négligence ne peut être regardée comme ayant la qualité de producteur ou de détenteur des déchets.

Faits. La société Paprec Île-de-France, venant aux droits de la société Métalarc, a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner l'État à lui verser la somme de 1 235 000 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la décision du préfet du Val-de-Marne de mettre à la charge de la société Métalarc une partie des frais de dépollution d'un centre de traitement de déchets anciennement exploité par la société LGD Développement, situé sur le territoire de la commune de Limeil-Brévanne.

Position CAA. La cour administrative d’appel (CAA Paris, 23 décembre 2020, n° 18PA02937) s’est fondée sur la circonstance que l'activité de la société Métalarc avait uniquement consisté à collecter et transporter des déchets pour le compte de tiers jusqu'à un centre de tri autorisé par l'administration (C. env., art. L. 541-8 N° Lexbase : L9599INT, R. 541-50 I N° Lexbase : L0194MGB et R. 541-51 I N° Lexbase : L7457IQA), pour juger que cette société, dont elle a, par ailleurs, estimé, par une appréciation souveraine, qu'elle n'avait commis aucune négligence, ne pouvait être regardée comme ayant la qualité de producteur ou de détenteur des déchets au sens de l'article L. 541-1-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L8113LXR.

Elle en a déduit que le préfet du Val-de-Marne ne pouvait mettre une somme à sa charge sur le fondement de l'article L. 541-3 du même code N° Lexbase : L1473LWH.

Décision CE. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit (voir, pour l’exemple d’une société ayant cessé son activité et laissé sur le terrain plusieurs milliers de tonnes de pneumatiques usagés, CE, 26 juillet 2011, n° 328651, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8327HWC).

newsid:485737

Procédure pénale

[Brèves] Perquisition hors la présence d’une personne en garde à vue ou détenue : précision sur l’exigence d’accord écrit et motivé

Réf. : Cass. crim., 7 juin 2023, n° 22-84.442, F-B N° Lexbase : A69059YE

Lecture: 5 min

N5784BZA

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par Adélaïde Léon

Le 21 Juin 2023

► L’article 706-94 du Code de procédure pénale permet, par dérogation à l’article 57 du même code, à un juge d’instruction ou un procureur d’autoriser, dans le cadre d’une procédure relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1, la réalisation d’une perquisition au domicile d’une personne gardée à vue ou détenue hors sa présence lorsque son transport sur place devait être évité en raison de risques à l’ordre public, d’évasion ou de disparition des preuves. Il se déduit de cet article que l’accord du magistrat doit faire l’objet d’un écrit motivé indiquant les circonstances de nature à justifier le recours à ces modalités dérogatoires. Méconnaît ces dispositions la cour d’appel qui substitue sa propre appréciation à celle du procureur de la République en déduisant les motivations de l’autorisation de la qualification des faits reprochés et « du risque d’évasion que le comportement [de l’intéressé] pouvait légitimement laisser craindre ».

Rappel de la procédure. Une enquête préliminaire est ouverte sur la base d’informations recueillies à l’occasion d’une précédente procédure mettant en cause un individu.

Ce dernier est interpellé après une course poursuite puis placé en garde à vue.

Une perquisition est effectuée dans un box mis à sa disposition. Les enquêteurs y saisissent 100,38 kg de résine de cannabis, 4,8 kg de cocaïne et 1,02 kg d'héroïne.

Poursuivi par le procureur de la République, le prévenu est condamné par le tribunal correctionnel pour violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, détention de stupéfiants, détention sans justificatif de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive, refus d’obtempérer et délit de suite, à sept ans d’emprisonnement.

L’intéressé a relevé appel du jugement et le ministère public a formé appel incident.

En cause d’appel. La cour d’appel a rejeté l’exception de nullité présenté par le prévenu et fondée sur la violation des dispositions de l’article 57 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6470KU8.

Selon l’interprétation des juges d’appel, l’autorisation de perquisition donnée par le procureur de la République relevait nécessairement de l’application de l’article 706-94 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2782KG7 qui permet dans le cadre d’une procédure relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1, la réalisation d’une perquisition au domicile d’une personne gardée à vue ou détenue hors sa présence lorsque son transport sur place devait être évité en raison de risques à l’ordre public, d’évasion ou de disparition des preuves. L’opération peut alors être faite, avec l’accord préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction, en présence de deux témoins requis ou d’un représentant désigné par l’intéressé.

Ces dispositions dérogent au principe de l’article 57 du Code de procédure pénale selon lequel la perquisition a lieu en présence de la personne au domicile de laquelle elle est opérée.

Leur raisonnement était donc le suivant, dans la mesure où la notification supplétive de la garde à vue portait sur des infractions visées à l’article 706-73, 3° (crimes et délits de trafic de stupéfiants) N° Lexbase : L6560MG3 et compte tenu du risque d’évasion présenté par l’intéressé, la perquisition autorisée par le procureur de la République en présence de deux témoins l’avait forcément été sur le fondement de l’article 706-94 du Code de procédure pénale.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.

Moyens du pourvoi. Selon le pourvoi, l’interprétation et le raisonnement de la cour d’appel ne reposaient sur aucun élément de la procédure.

L’article 706-94 subordonne l’autorisation de la perquisition hors la présence de l’intéressé à la condition qu’il existe des risques graves de troubles à l’ordre public ou d’évasion, soit de disparition des preuves. Or, en l’espèce, le prévenu considérait que les motifs retenus par la cour d’appel étaient inopérants à établir que l’autorisation du ministère public était régulièrement motivée.

La cour d’appel ne pouvait par ailleurs déduire l’existence de risques graves de la seule qualification pénales des faits reprochés. En retenant qu’un risque d’évasion était à craindre compte tenu des faits de refus d'obtempérer exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité permanente, de délit de fuite et de violences sur dépositaires de l'autorité publique, la cour d’appel n’a pas caractérisé de risque grave lequel devait être constitué par des éléments de droit et de faits distincts de la seule qualification pénale des faits reprochés au mis en cause.

Décision. Après avoir rappelé le sens de l’article 706-94 du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle souligne qu’il se déduit de ses dispositions que l’accord du magistrat autorisant la perquisition doit faire l’objet d’un écrit motivé ou bien de son accord à une demande d’un enquêteur, mentionné dans un procès-verbal, indiquant les circonstances de nature à justifier le recours à ces modalités dérogatoires.

L’exigence d’un écrit motivé vise à garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations ainsi que de l’authentification de la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis.

Considérant qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a substitué sa propre appréciation à celle du procureur de la République, la Chambre criminelle casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 706-94 du Code de procédure pénale.

newsid:485784

Responsabilité

[Brèves] Responsabilité du fait d’un produit défectueux mis en circulation après le délai de transposition : point de départ de la prescription

Réf. : Cass. civ. 1, 25 mai 2023, n° 21-23.174, FS-B N° Lexbase : A59769WA

Lecture: 4 min

N5767BZM

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 08 Juin 2023

En cas de défectuosité d’un produit mis en circulation après le délai de transposition de la directive du 25 juin 1985 mais avant sa transposition en droit français, le délai pour agir est celui de droit commun, et le cas échéant, celui de l’ancien article L. 110-4 du Code de commerce fixant une prescription décennale.

En transposant la directive communautaire du 25 juillet 1985, la loi du 19 mai 1998 N° Lexbase : O8014BIN a institué en matière de responsabilité du fait des produits défectueux un système de prescription original qui laisse place à deux délais distincts : un délai de trois ans pendant lequel la victime doit agir, délai qui court à compter du moment où cette dernière « a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur » (C. civ., art. 1245-16 N° Lexbase : L0636KZL) ; un délai de dix ans au bout duquel plus aucune nouvelle action ne peut être introduite contre aucune des personnes visées par la loi (C. civ., art. 1245-15 N° Lexbase : L0635KZK). Mais on se souvient que cette transposition était intervenue avec presque dix ans de retard (la transposition devait intervenir avant le 31 juillet 1998), rendant le sort des actions introduites du fait d’un produit défectueux mis en circulation après le délai de transposition mais avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle incertain. Tel était donc le cas dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 25 mai 2023.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un camion avait été mis en circulation en 1990 et avait subi un accident en 1999. Ce n’est qu’en 2005 qu’une action avait été introduite. L’acquéreur et son assureur faisaient valoir que l’accident avait été causé par la rupture d’un élément de la roue. Pour l’essentiel, et s’agissant des seuls dommages entrant dans le champ d’application de la directive, la cour d’appel avait fait application de l’ancien article L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3, consacrant une prescription décennale, et fixé le point de départ de cette dernière au jour de la mise en circulation du bus, déclarant ainsi irrecevables les demandes (CA Metz, 24 juin 2021, n° 16/02954 N° Lexbase : A1733Y7C).

Solution. L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article L. 110-4 N° Lexbase : L4314IX3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 et des articles 10 et 11 de la directive. Elle rappelle la jurisprudence constante de la CJUE (v. entre autres CJUE, 4 juillet 2006, C-212/04, Adeneler N° Lexbase : A1488DQ8) selon laquelle « si le principe d'interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci, l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ». Elle rappelle en outre sa propre jurisprudence en vertu de laquelle « l'action en responsabilité extra-contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 N° Lexbase : O8014BIN transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé ». Par conséquent, « l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 N° Lexbase : O8014BIN transposant cette directive, se prescrit selon les dispositions du droit interne, soit à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu connaissance » (V. Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-10.820, FS-P+B+I N° Lexbase : A7246EI9). On comprend dès lors la cassation de l’arrêt d’appel qui s’était placé au jour de la mise en circulation du bien dont la défectuosité était invoquée, alors que c’est au jour de la réalisation du dommage ou de sa révélation à la victime que les juges du fond auraient dû se placer.

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Sociétés

[Brèves] Compétence de la juridiction prud'homale pour examiner la validité d’une clause de rachat forcé d'actions prévue par un pacte d'actionnaires

Réf. : Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-24.514, FS-B N° Lexbase : A69079YH

Lecture: 3 min

N5782BZ8

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par Charlotte Moronval

Le 14 Juin 2023

► La demande en paiement de dommages et intérêts d'un salarié en réparation du préjudice causé par les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié du fait de son licenciement constitue un différend né à l'occasion du contrat de travail et relève, par conséquent, de la compétence de la juridiction prud'homale.

Faits et procédure. Une salariée est engagée en qualité de directeur adjoint par une société puis est promue aux fonctions de directrice de l'affinitaire, membre du comité exécutif.

Cette salariée souscrit à l'émission de 100 000 bons de souscription d'actions de la société au prix de 1 euro chacune.

Quelques années plus tard, elle saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis prend acte de la rupture de son contrat de travail.

Le directeur général lui notifie alors le rachat forcé de ses bons de souscription au prix de 0,56 euro, en application d'une clause du pacte d'actionnaires.

La cour d’appel (CA Paris, 6-3, 22 septembre 2021, n° 18/10163 N° Lexbase : A128947U) confirme le jugement du conseil de prud’hommes :

  • qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce sur la question de la validité de la clause incluse dans le pacte d'actionnaire ;
  • qui a rejeté la demande de la salariée tendant à ce que soit jugée abusive et irrégulière la cession de bons de souscription d'actions intervenue ;
  • et a rejeté sa demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à lui payer une somme à titre d'indemnisation du préjudice subi.

La cour d’appel relève notamment que la clause de rachat forcé d'actions n'est pas un accessoire du contrat de travail mais est insérée dans un pacte d'actionnaires distinct portant sur des actions de la société, dont l'examen de la validité relève exclusivement de la juridiction commerciale.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure l’arrêt des juges du fond.

Elle juge que si la juridiction prud'homale demeure incompétente pour statuer sur la validité d'un pacte d'actionnaires, elle est compétente pour connaître, fût-ce par voie d'exception, d'une demande en réparation du préjudice subi par un salarié au titre de la mise en œuvre d'un pacte d'actionnaires prévoyant en cas de licenciement d'un salarié la cession immédiate de ses actions.

Ainsi, en statuant comme elle l’a fait, alors que la demande par un salarié en réparation du préjudice causé par les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié du fait des conditions de la rupture du contrat de travail, constitue un différend né à l'occasion du contrat de travail, la cour d'appel a violé l’article L. 1411-1 du Code du travail N° Lexbase : L1878H9G.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45.800, F-P N° Lexbase : A6205D9P : la Haute juridiction juge que la juridiction prud'homale est compétente pour connaître d'une action en réparation du préjudice subi par un salarié en exécution d'un pacte d'actionnaires prévoyant en cas de licenciement d'un salarié la cession immédiate de ses actions à un prix déterminé annuellement par la majorité des actionnaires qui constitue un différend né à l'occasion du contrat de travail ;
  • v. ÉTUDE : Les pactes d’actionnaires, La compétence juridictionnelle en matière de pactes d'actionnaires, in Droit des sociétés, Lexbase N° Lexbase : E4614E7Z.

 

newsid:485782

Sociétés

[Brèves] Dissolution : quel est le délai pour agir en responsabilité contre le liquidateur amiable ?

Réf. : Cass. com., 1er juin 2023, n° 21-13.716, F-B N° Lexbase : A63959X7

Lecture: 3 min

N5699BZ4

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par Perrine Cathalo

Le 08 Juin 2023

► L'action en responsabilité contre une personne investie de la qualité de liquidateur d'une société dissoute à raison des fautes commises par elle dans l'exercice de ses fonctions se prescrit par trois ans ; la responsabilité de cette même personne ne peut être recherchée, à raison des actes de liquidation qu'elle accomplit après le terme de ses fonctions, que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de droit commun et dans la limite de la prescription quinquennale.

Faits et procédure. Une SNC a été dissoute par anticipation le 18 mars 2002, une personne physique étant désignée liquidateur amiable pour une durée de trois ans. Par délibération du 13 décembre 2005, son mandat a été prolongé jusqu’au 13 décembre 2007.

Une assemblée générale qui s’est tenue le 16 janvier 2015 a refusé d’approuver les comptes de liquidation.

Une ordonnance du 3 mai 2017, confirmée par un arrêt du 8 mars 2018, a désigné une personne physique en qualité de mandataire ad hoc de la société.

Le 6 juillet 2017, la société, représentée par son mandataire, a assigné le liquidateur en responsabilité.

Par une décision du 19 janvier 2021, la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 19 janvier 2021, n° 19/03517 N° Lexbase : A97994CW) a condamné le liquidateur a payer à la société une certaine somme à titre de dommages et intérêts, aux motifs que sa responsabilité pouvait être poursuivie du fait que ce dernier ait poursuivi sa mission de liquidateur au-delà du 13 décembre 2007.

Le liquidateur a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1240 N° Lexbase : L0950KZ9 et 2224  N° Lexbase : L7184IAC du Code civil et L. 237-12 du Code de commerce N° Lexbase : L6386AID.

La Chambre commerciale rappelle qu’il résulte de ces textes que l’action en responsabilité contre une personne investie de la qualité de liquidateur d’une société dissoute à raison des fautes commisses par elle dans l’exercice de ses fonctions se prescrit par trois ans, tandis que la responsabilité de cette même personne ne peut être recherchée, à raison des actes de liquidation qu’elle accomplit après le terme de ses fonctions, que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de droit commun et dans la limite de la prescription quinquennale.

Or, la Cour constate que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par le demandeur, la cour d’appel s’est fondée sur des irrégularités dont elle n’a pas précisé la date, alors que celle-ci qui était pourtant déterminante compte tenu des règles de prescription exposées précédemment.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La dissolution des sociétés, La prescription de l'action en responsabilité civile du liquidateur, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E3315A8B.

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Vente d'immeubles

[Brèves] Vente d’un terrain constructible devenant inconstructible quelques jours après sa vente...

Réf. : Cass. civ. 3, 25 mai 2023, n° 22-12.870, FS-B N° Lexbase : A59809WE

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N5773BZT

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 10 Juin 2023

► Le respect de l'obligation de délivrance conforme du vendeur d'un terrain vendu comme étant constructible s'apprécie à la date du transfert de propriété, au regard des dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur à cette date, les modifications adoptées antérieurement par délibération du conseil municipal mais non encore publiées n'étant pas applicables.

Le transfert de propriété s’opère lors de la signature de l'acte de vente ; la stricte application de cette règle de droit conduit, en l'espèce, à une solution malheureuse pour les acquéreurs d’un terrain à bâtir, qui se retrouvent quelques jours après (neuf jours très exactement) finalement propriétaires d’un terrain inconstructible ; au contraire, la venderesse pourra s’estimer chanceuse.

Faits et procédure. En l’espèce, par acte authentique du 31 janvier 2012, une femme vend un terrain à bâtir à un couple d’acquéreurs.

Selon le certificat d'urbanisme obtenu le 9 janvier 2012, ce terrain était classé en zone Ui du plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 15 juin 2006 et mis en révision le 29 avril 2008.

Ayant découvert que le terrain était classé en zone AN et AH du PLU tel que modifié par décision du 27 janvier 2012, et comme tel devenu inconstructible, l’acquéreuse (devenue seule propriétaire du bien après divorce) a assigné la venderesse en paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de délivrance conforme et inapplicabilité de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat, ainsi que le notaire pour manquement à son devoir de conseil.

Solution. Ayant relevé que l'objet de la vente était un terrain à bâtir, la cour d'appel de Chambéry, approuvée par la Cour suprême, a exactement retenu que, le transfert de propriété s'étant opéré lors de la signature de l'acte de vente, il convenait de se situer à la date du 31 janvier 2012 pour apprécier si la venderesse avait satisfait à son obligation de délivrance.

Ayant constaté que le PLU modifié, adopté par délibération du conseil municipal du 27 janvier 2012, avait été publié le 9 février 2012, elle a retenu à bon droit, selon la Haute juridiction, que cette date étant celle à laquelle il était entré en vigueur et devenu opposable, le bien vendu était un terrain à bâtir au jour de sa délivrance.

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