Réf. : Cass. civ. 2, 20 avril 2023, n° 21-23.712, F-B N° Lexbase : A22659QX
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N5239BZ3
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 27 Avril 2023
► Dans le cadre des contrats d’assurance-vie, si la règle applicable aux versements non programmés aux termes du contrat d'assurance est celle en vigueur au moment du versement, ainsi qu'il a été prévu par une disposition spéciale, d'application immédiate aux contrats en cours (arrêté du 28 mars 1995 ayant introduit l’article A. 132-8 du Code des assurances), ceci ne modifie pas les situations juridiques existantes, de sorte que les taux minimum garantis restent identiques pour l'ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription.
Pour mémoire, selon l’article A. 132-1 du Code des assurances N° Lexbase : L3525H83, issu d'un arrêté du 28 mars 1995 N° Lexbase : O7116BRY et modifié par arrêtés des 23 octobre 1995, 27 juin 2006 et 14 août 2017, les tarifs pratiqués par les entreprises réalisant des opérations mentionnées au 1° de l'article L. 310-1 N° Lexbase : L8954LDY, en ce compris celles mentionnées à l'article L. 143-1 N° Lexbase : L9692LQZ et par les fonds de retraite professionnelle supplémentaire mentionnés à l'article L. 381-1 N° Lexbase : L5019LRC, doivent être établis d'après un taux au plus égal à 75 % du taux moyen des emprunts de l'État français calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser, au-delà de huit ans, le plus bas des deux taux suivants : 3,5 % ou 60 % du taux moyen indiqué ci-dessus.
Dans le cas de versements non programmés aux termes du contrat, ces règles sont à apprécier au moment de chaque versement.
Mais quid des versements déjà programmés dès la souscription, au jour de l'entrée en vigueur des dispositions de l'article A. 132-1 du Code des assurances ? Les adhérents peuvent-ils prétendre aux conditions initialement prévues ?
Décision CA. En l’espèce, la cour d’appel de Fort-de-France ne l’avait pas admis (CA Fort-de-France, 29 juin 2021, n° 17/00451 N° Lexbase : A06844YY). Pour juger que ces dispositions réglementaires issues de l'arrêté du 28 mars 1995 étaient applicables aux contrats « super retraite » en cause, conclus antérieurement à son entrée en vigueur, la cour d’appel de Fort-de-France avait constaté que ceux-ci prévoyaient expressément leur reconduction tacite au premier janvier de chaque année et énonçait que la tacite reconduction n'entraînait pas la prorogation du contrat primitif mais donnait naissance à une convention nouvelle, soumise aux modifications législatives et réglementaires intervenues avant sa conclusion.
Relevant qu'aucune disposition de l'arrêté précité n'excluait de cette réforme les contrats à versements programmés tels que le contrat « super retraite », la cour d’appel en avait déduit que les modifications apportées aux conditions générales du contrat souscrit auprès de l'assureur étaient opposables aux sociétés adhérentes, qui n'avaient pas dénoncé le contrat, lequel avait été tacitement reconduit en intégrant les nouvelles dispositions réglementaires d'ordre public, précédemment notifiées.
Cassation. À tort. La décision est censurée par la Cour régulatrice, au visa de l’article précité A. 132-1 du Code des assurances, ainsi que de l’article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4, dont il résulte que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur.
Comme le relève la Haute juridiction, en statuant de la sorte, la cour d’appel a fait produire un effet rétroactif à l'article A 132-1 du Code des assurances en soumettant à son application les versements programmés dès l'adhésion au contrat, en violation des textes susvisés.
On notera que la solution n’est pas nouvelle puisqu’elle avait déjà été énoncée aux termes d’un arrêt rendu en 2011, mais inédit (Cass. civ. 2, 3 février 2011, n° 10-13.581, F-D N° Lexbase : A3688GRZ), alors que le présent arrêt est promis aux honneurs du bulletin.
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Réf. : Cass. civ. 2, 9 février 2023, n° 21-19.498, FS-B N° Lexbase : A44809CW
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N5258BZR
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par Stéphane Brena, Maître de conférences HDR en droit privé, Directeur de l’Institut de droit des affaires internationales de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au Caire (Égypte), Codirecteur du Master droit des assurances de l’université de Montpellier
Le 26 Avril 2023
Mots-clés : assurance • obligation d’information • prescription biennale • interruption de prescription • action en référé
L’exigence de rappel, dans la police, de la prescription biennale, n’implique que celui du point de départ du délai ainsi que des causes d’interruption du délai, à l’exclusion des limites à ces causes d’interruption et, en particulier, la limite tenant au rejet définitif de la demande en justice. Rendue dans la situation particulière d’une ordonnance de référé par laquelle le juge s’était déclaré incompétent, cette décision, intéressante du point de vue du droit des assurances en ce qu’elle précise le contenu de l’obligation de rappel, ne l’est pas moins en droit de la prescription, en ce qu’elle souligne les dangers de cette situation singulière qu’est le rejet d’une demande en référé pour contestation sérieuse.
Les actions dérivant du contrat d’assurance se prescrivent par deux ans [1], délai abrégé eu égard au droit commun de la prescription extinctive en matière mobilière, fixant ce délai par principe à cinq ans [2]. Compte tenu des lourdes conséquences attachées à l’expiration de ce délai, le Code des assurances cherche garantir la prise de conscience, par l’assuré, de cette règle ; objectif qui se traduit par une exigence formelle de rappel, dans la police, de « la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance » [3]. Quoique son délai soit réduit, la prescription propre au contrat d’assurance est soumise au droit commun de la prescription [4] et, en particulier, aux causes d’interruption de son cours [5]. Si la Cour de cassation a été, dans cette décision du 9 février 2023, principalement interrogée sur la question de l’étendue de l’obligation d’insérer au contrat une clause de rappel relative à la prescription biennale, elle n’en trouve pas moins l’occasion d’un utile rappel de l’impact, sur la prescription, du rejet d’une demande en référé pour incompétence.
En l’espèce, une commerçante, assurée au titre d’un contrat multirisques professionnels – contrat qui énonçait que la prescription était interrompue par « toute demande, même en référé » –, avait été victime de deux vols successifs, en mars et juin 2015. Face au refus de couverture par son assureur, elle saisissait – dans le délai de deux ans – un juge des référés d’une demande d’expertise et de fixation d’une provision. Las, ce dernier se déclarait incompétent, invitant les parties à mieux se pourvoir : ce que l’assurée faisait, par assignation au fond de novembre 2017, soit plus de deux ans à compter du sinistre. Saisie de cette demande au fond en deuxième instance, la cour d’appel de Montpellier, par arrêt du 18 mai 2021, déclarait l’action prescrite, conduisant l’assurée à se pourvoir en cassation.
Le pourvoi – tendant à obtenir l’inopposabilité de la prescription biennale, sanction jurisprudentielle du manquement à l’exigence de rappel dans la police des règles relatives à la prescription [6] – reprochait aux juges du fond d’avoir considéré que les dispositions de l’article R. 112-1 du Code des assurances N° Lexbase : L4048IMU avaient été respectées, alors que la stipulation contractuelle, faisant référence à l’interruption de la prescription par « toute demande, même en référé », présentait un caractère déceptif, faute de rappeler les dispositions de l’article 2243 du Code civil N° Lexbase : L7179IA7, selon lesquelles « l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ». Or, l’action en référé ayant été rejetée pour incompétence, son effet interruptif en ressortait neutralisé, conférant à l’assignation au fond un caractère tardif… C’est ainsi que le moyen plaçait habilement les débats, par un argument a fortiori, sur le terrain du caractère trompeur de la mention contractuelle : s’il convient de rappeler la règle de la prescription biennale, encore faut-il le faire de manière à ne pas induire l’assuré en erreur…
La Haute juridiction était ainsi interrogée sur le point de savoir si l’obligation faite à l’assureur de rappeler, dans la police, « la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance », emportait, au titre d’un obligation de clarté, celle d’indiquer les causes de neutralisation de l’effet interruptif d’une demande en justice.
C’est une réponse négative que la Cour de cassation retient. Ayant rappelé que l’assureur se doit d’indiquer dans la police, « les différentes causes d’interruption de la prescription mentionnées à l’article L. 114-2 N° Lexbase : L9564LGC et le point de départ de la prescription », elle ajoute qu’« il n’est pas tenu de préciser qu’en application de l’article 2243 du code civil N° Lexbase : L7179IA7, l’interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l’instance ou si sa demande est définitivement rejetée ». Elle considère alors qu’en l’espèce, les dispositions contractuelles étaient « claires et complètes quant aux règles de prescription applicables entre l’assureur et l’assurée » et que, par conséquent, la prescription était bel et bien opposable à cette dernière…
Cette décision vient utilement préciser le contenu de l’obligation de rappeler, dans la police, la règle de la prescription biennale (I). Elle présente, par ailleurs, l’intérêt d’attirer de nouveau l’attention sur les dangers du rejet, pour incompétence, d’une action introduite devant le juge des référés (II).
I. L’utile précision du contenu de l’obligation de rappel de la prescription biennale dans la police
Succinctes, les dispositions du Code des assurances en matière de rappel de la prescription fondent une exigence jurisprudentielle générale de clarté et d’exhaustivité (A) qui ne va cependant pas jusqu’à englober la mention, dans la police, des limites à l’effet interruptif de l’action en justice (B).
A. L’exigence de clarté et d’exhaustivité des rappels de la police en matière de prescription
Les dispositions du Code des assurances sont, en la matière, pour le moins épurées, l’article R. 112-1 N° Lexbase : L4048IMU n’imposant qu’un rappel de « la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance » ; de prime abord, un simple rappel de la règle de la prescription biennale dont la jurisprudence s’est d’ailleurs, un temps, contentée [7]. Dans un souci de protection de l’assuré par le biais d’une sensibilisation accrue à la règle et à sa portée, la Cour de cassation a, par la suite, enrichi le contenu de ce rappel.
Dans un premier temps, la Haute juridiction a exigé de la police qu’elle rappelle, à peine d’inopposabilité de la prescription à l’assuré, « les causes d’interruption de la prescription biennale prévues par l’article L. 114-2 » du Code des assurances N° Lexbase : L9564LGC [8]. Or, cette dernière disposition prévoit que « la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ». Outre les causes d’interruption particulières au contrat d’assurance – en particulier l’envoi d’un recommandé pour le paiement des primes ou le règlement de l’indemnité –, le rappel doit porter sur les causes d’interruption de droit commun, dont fait partie l’action en justice [9].
Dans un second temps, la Cour de cassation a imposé le rappel, dans la police, des « différents points de départ du délai de la prescription biennale » [10].
Ces deux exigences sont, en l’espèce, expressément visées, inscrivant la décision commentée dans le prolongement de la jurisprudence antérieure. La Haute juridiction se refuse, en revanche, à aller plus loin.
B. L’exclusion du rappel des causes de neutralisation de l’effet interruptif de l’action en justice
L’occasion était offerte à la Cour de cassation d’alourdir les exigences de rappel relatives à la prescription biennale, en y ajoutant les limites – ou, à tout le moins, certaines d’entre elles – aux causes d’interruption de la prescription. Ce à quoi elle se refuse.
Cette position paraît raisonnable. En effet, l’objectif de ce rappel est d’alerter l’assuré sur le délai, bref, de prescription applicable en matière d’assurance, de faciliter sa computation par l’indication de son point de départ et de favoriser son interruption par indication des événements producteurs d’un tel effet interruptif ; un socle minimal de connaissances permettant, dans la plupart des cas, à l’assuré d’échapper au jeu de ce mécanisme extinctif du rapport d’obligation sans satisfaction du créancier. Aller au-delà supposerait de s’engager sur la voie d’une véritable leçon sur la prescription, dont la compréhension par l’assuré serait loin d’être acquise mais qui, mieux encore, pourrait obscurcir le propos ou décourager la lecture attentive de la police (pour peu que cela ne soit pas déjà le cas). Singulièrement, en matière d’interruption de la prescription par une action en justice, l’absence de développements techniques dans la police sera, dans la plupart des circonstances, suppléée par l’intervention d’un conseil de l’assuré.
Il n’en demeure pas moins que le moyen du pourvoi met en évidence une limite potentielle de cette exclusion. En effet, il conviendra sans nul doute de vérifier, police par police, que la manière de présenter le rappel des règles relatives à la prescription, n’induit pas en erreur l’assuré, rompant alors avec l’exigence générale de clarté. En l’espèce, la police se bornait manifestement à indiquer, en écho à l’article 2241 du Code civil, que la demande en justice, même en référé, produit cet effet interruptif, ce qui n’était objectivement pas de nature à tromper l’assuré. Il serait pour le moins paradoxal d’exiger de la police qu’elle rappelle les causes de droit commun d’interruption de la prescription pour, immédiatement, lui reprocher un rappel fait dans les termes mêmes de la loi. L’assureur ne nous semble pas devoir être comptable d’éventuelles imperfections de la loi.
Si l’effet interruptif a été, en l’espèce, neutralisé, c’est dans le cadre très particulier de l’incompétence du juge des référés, hypothèse dont la police d’assurance n’a pas à rendre compte. L’assuré – et son conseil – doivent cependant en avoir pleinement conscience ; ce que rappelle, en creux, la décision commentée.
II. L’utile rappel des dangers de l’assignation en référé en matière d’interruption de la prescription
Alors que les dispositions de l’article 1241, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L0949KZ8, précisent qu’une demande en justice, même devant un juge incompétent, interrompt la prescription, une action en référé rejetée pour incompétence peut voir son effet interruptif neutralisé (A), situation à laquelle le demandeur est cependant en mesure d’appliquer quelques remèdes (B).
A. L’incompétence du juge des référés, cause de neutralisation de l’effet interruptif
Une action en justice a pour effet d’interrompre le cours de la prescription ; un nouveau délai – de deux ans pour les actions dérivant du contrat d’assurance [11] – commençant à courir lorsque le juge s’est prononcé. Cette interruption vaut pour une action en référé ou encore devant un juge incompétent [12].
En l’espèce, le juge des référés saisi s’était finalement déclaré incompétent, invitant les parties à mieux se pourvoir. Il peut dès lors paraître surprenant que le délai de prescription de deux ans n’ait pas commencé à courir, de nouveau, le 18 janvier 2016, date de l’ordonnance du juge de l’urgence et de l’évidence. En effet, si l’article 2243 du Code civil N° Lexbase : L7179IA7 affirme que l’interruption est non avenue en cas de demande définitivement rejetée, cette disposition ne peut être lue qu’en contemplation de l’article 2241 du même code N° Lexbase : L7181IA9 [13], réservant les actions devant un juge incompétent ; dit autrement, le rejet de la demande pour incompétence ne peut neutraliser l’effet interruptif [14].
Comment, dès lors, expliquer que la prescription ait été en l’espèce retenue ? Selon toute vraisemblance, cette solution est le résultat de la réitération de la jurisprudence selon laquelle lorsque le juge des référés se déclare incompétent pour inexistence d’une obligation non sérieusement contestable, il rend une décision au fond [15]. En d’autres mots, le rejet de la demande ne serait pas le résultat de l’incompétence du juge des référés, mais de l’absence de droit du demandeur.
La solution – dont le raffinement peut paraître excessif, le demandeur ayant clairement manifesté son intention d’obtenir satisfaction – présente un danger important qui peut cependant être prévenu.
B. Les remèdes à la neutralisation de l’effet interruptif
La neutralisation de l’effet interruptif en cas d’incompétence du juge des référés pour contestation sérieuse, expose le demandeur – en l’espèce, l’assuré – au jeu de la prescription qu’il n’aura pas, par sa demande, interrompue.
Il reviendra alors à l’assuré de saisir, en suite de la décision de référé, le juge du fond, dans le délai de deux ans à compter du sinistre… Si cela lui est encore possible. En l’espèce, l’ordonnance de référé ayant été rendue le 18 décembre 2016 et les sinistres étant intervenus en mars et juin 2017, une assignation au fond aurait encore permis l’interruption du délai.
Afin de se prémunir contre le risque de voir le délai de prescription écoulé à la date de l’ordonnance de référé (notamment dans l’hypothèse où le référé a été introduit à proximité du terme de la prescription) ou, à tout le moins, de devoir introduire une action au fond en toute hâte, l’assuré à tout intérêt à faire usage des dispositions de l’article 837 du Code de procédure civile, lui permettant, en cas de contestation sérieuse soulevée par son adversaire, de demander subsidiairement le renvoi au fond. L’instance se poursuit alors, en cas d’incompétence du juge des référés, sur la base de l’assignation initiale, qui conserve alors son effet interruptif [16]. Malheureusement pour l’assurée, ni l’une ni l’autre de ces possibilités n’a été utilisée, conduisant au rejet définitif de ses prétentions, sans avoir eu l’occasion de lutter sur le fond…
[1] C. ass., art. L. 114-1 N° Lexbase : L2081MAC.
[2] C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC.
[3] C. ass., art. R. 112-1 N° Lexbase : L4048IMU.
[4] C. civ., art. 2219 à 2254 N° Lexbase : L7189IAI.
[5] C. civ., art. 2240 à 2246 N° Lexbase : L7225IAT.
[6] Cass. civ. 2, 2 juin 2005, n° 03-11.871, FS-P+B N° Lexbase : A5094DII.
[7] Cass. civ. 2, 10 novembre 2005, n° 04-15.041, FS-P+B N° Lexbase : A5162DLR.
[8] Cass. civ. 2, 3 septembre 2009, n° 08-13.094, FS-P+B N° Lexbase : A8411EKQ ; Cass. civ. 2, 28 avril 2011, n° 10-16.403, F-P+B N° Lexbase : A5346HPP.
[9] C. civ., art. 2241 N° Lexbase : L7181IA9.
[10] Cass. civ. 2, 28 avril 2011, n° 10-16.403, F-P+B N° Lexbase : A5346HPP ; Cass. civ. 2, 18 octobre 2011, n° 10-19.171, F-D N° Lexbase : A8711HYB.
[11] Cass. civ. 1, 3 février 1998, D. 1999, somm. 223, obs. C.-J. Berr.
[12] C. civ., art. 2241 N° Lexbase : L7181IA9.
[13] Pour une application récente de cette lecture coordonnée à l’hypothèse d’un rejet définitif de la demande pour annulation d’un acte de procédure (vice de procédure), v. Cass. com., 26 juin 2019, n° 18-16.859, F-P+B N° Lexbase : A3192ZHP, Gaz. Pal., 5 novembre 2019, n° 362m6, p. 47, obs. L. Mayer.
[14] V. Cass. mixte, 24 novembre 2006, n° 04-18.610 N° Lexbase : A5176DSI, retenant que l’effet interruptif s’applique, indépendamment de la cause d’incompétence.
[15] V. dernièrement Cass. civ. 2, 14 mai 2009, n° 07-21.094, FS-P+B N° Lexbase : A9704EGI, D. 2009, p. 1545 ; déjà, Cass. civ. 1, 9 décembre 1997, n° 95-18.022 N° Lexbase : A0633ACG.
[16] CA Paris, 2 décembre 2003, n° 2002/11135 N° Lexbase : A9620DAK. Sur cet aspect, V. J.-J. Taisne, J. Cl. Civil Code, art. 2240 à 2246, V° Prescription – Interruption de la prescription, 1er décembre 2021, spéc. n° 93.
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Réf. : Cass. com., 19 avril 2023, n° 21-20.655, F-B N° Lexbase : A02169Q3
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N5169BZH
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par Vincent Téchené
Le 26 Avril 2023
► En cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d'ouverture, à l'exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l'agrément du cessionnaire par le bailleur.
Faits et procédure. Un jugement a prononcé la résolution du plan de redressement d’une société et mis cette dernière en liquidation judiciaire. Une SCI, bailleresse de locaux commerciaux loués par la débitrice, a délivré au liquidateur un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d'ouverture, puis demandé la résiliation du bail.
Le liquidateur a alors saisi le juge-commissaire afin que soit autorisée la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société débitrice, en ce compris le bail commercial, en application de l'article L. 642-19 du Code de commerce N° Lexbase : L2768LB7. Le juge-commissaire a, en dépit de l'opposition de la SCI, autorisé la cession du fonds de commerce de la société débitrice.
Arrêt d’appel. La cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-9, 3 juin 2021, n° 21/00422 N° Lexbase : A94174TX) a également déclaré irrecevable la demande de la SCI de résiliation du bail et a ordonné la cession de gré à gré du fonds de commerce. Plus précisément, la cour d’appel a retenu que la clause du bail subordonnant la cession du droit au bail à l’agrément de la bailleresse ne s'applique qu'en cas de cession du bail et non du fonds de commerce, comme c'est le cas en l'espèce.
La SCI a donc formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l'article 1134 du Code civil N° Lexbase : L1234ABC, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 145-16 N° Lexbase : L5033I3S, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 mai 2022, L. 641-12 N° Lexbase : L8859ING et L. 642-19 du Code de commerce.
Elle énonce ainsi qu’il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d'ouverture, à l'exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l'agrément du cessionnaire par le bailleur.
La cour d'appel a donc violé les textes visés.
Pour aller plus loin :
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newsid:485169
Réf. : Cass. civ. 3, 20 avril 2023, n° 22-15.529, FS-B N° Lexbase : A22689Q3
Lecture: 2 min
N5191BZB
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 26 Avril 2023
► Est irrecevable l'action en diminution de loyer formée, en application de l’article 3-1 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989, en cas d’erreur sur la mention de la surface habitable, sans qu'une demande préalable ait été présentée par le locataire au bailleur.
Selon l'article 3-1 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L8461AGH, à défaut d'accord entre les parties sur une diminution de loyer proportionnée à l'écart constaté entre la surface habitable réelle et la surface indiquée au bail ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer.
Tout récemment, la Cour de cassation a jugé que le délai de quatre mois est un délai de forclusion courant à compter de la demande faite au bailleur (Cass. civ. 3, 9 novembre 2022, n° 21-19.212, FS-B N° Lexbase : A12978ST).
Dans ce nouvel arrêt rendu le 20 avril 2023, la Haute juridiction indique qu’il en résulte qu'est irrecevable l'action en diminution de loyer formée sans qu'une demande préalable ait été présentée par le locataire au bailleur.
Elle approuve ainsi la cour d'appel d’Aix-en-Provence qui, après avoir constaté que la demande de diminution de loyer, formée par les locataires en cours d'instance, n'avait été précédée d'aucune tentative de solution amiable, en a exactement déduit que faute d'avoir, préalablement à la saisine du juge, adressé au bailleur une demande amiable restée sans réponse, les locataires étaient irrecevables à agir en diminution du loyer.
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Réf. : Cass. crim., 21 mars 2023, n° 22-82.343, F-B N° Lexbase : A88349IZ
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N5221BZE
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par Tom Bonnifay et Brice Grazzini, Avocats
Le 27 Avril 2023
Mots-clés : droit pénal de l’environnement • ONF • agents • contrôle • procédure pénale • information préalable • parquet
Il résulte de l'article L. 172-5, alinéas 2 et 3, du Code de l’environnement que le non-respect, par un fonctionnaire ou agent mentionné à l’article L. 172-4 du même code, de l'obligation d'informer préalablement le procureur de la République, qui peut s’y opposer, de son accès aux établissements, locaux professionnels ou installations entrant dans ses prévisions affecte nécessairement la validité des actes effectués par ce fonctionnaire ou agent.
Le métier d’avocat pénaliste est en pleine mutation, et c’est enthousiasmant.
À la manière de ces explorateurs remontant l’Orénoque à la conquête de fastueux trésors, le pénaliste découvre avec exaltation les richesses du droit pénal de l’environnement. Sur cette terra juridica incognita, il a tout à imaginer en termes de défense. Ni la jurisprudence ni la doctrine n’ont encore totalement balisé ces terres arides. Il faut dire qu’en plus d’être presque neuve (issues en grande partie de l’ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l’environnement N° Lexbase : L7242IRN), la matière est complexe, protéiforme. Elle mobilise de hautes compétences techniques et juridiques. La loi n°2019-773 du 24 juillet 2019 N° Lexbase : L3020LRB a encore simplifié et surtout renforcé cet arsenal législatif en créant notamment l’Office français de la biodiversité et en donnant davantage de pouvoirs à la police de l’environnement, qu’elle soit administrative ou judiciaire. Pourtant, le rapport sur le traitement pénal du contentieux de l’environnement [1] remis le 7 décembre 2022 par le groupe de travail présidé par François Molins, procureur général près la Cour de cassation, soulignait avec embarras que les inspecteurs de l’environnement et autres agents habilités, souvent très compétents d’un point de vue technique, n’avaient pas de culture judiciaire et étaient peu formés à la procédure pénale. L’avocat pénaliste, fin connaisseur de la matière, peut en tirer de sérieux arguments de défense. L’arrêt commenté en est l’illustration parfaite.
Les faits. Le 4 juillet 2018, lors d’une opération de surveillance aérienne de la gendarmerie et de l’Office National des Forêts (ci-après ONF) sur la commune de Mana (Guyane), les agents constataient que la crique Kokioko charriait une eau boueuse et marron en provenance d’un chantier alluvionnaire. Ce chantier était exploité par une société bénéficiant d’une autorisation préfectorale idoine. Ils constataient également que le ciel était voilé et sans précipitation, ce qui leur laissait présager une pollution des eaux. D’un point de vue technique, on précisera simplement qu’un chantier alluvionnaire consiste à lessiver la terre avec de l'eau sous pression, pour ne conserver que le minerai d'or. L'eau chargée de boue, qui constitue des matières en suspension (MES), est ensuite recueillie dans des bassins de décantation, appelés baranques. Un canal de dérivation permet le maintien de la rivière en dehors du chantier et les eaux de la baranque ne sont rejetées dans le canal de dérivation qu'après décantation.
Ainsi, les agents de l’ONF intervenaient sur le chantier en atterrissant en hélicoptère à proximité de la base de vie de la mine. Ils constataient que les eaux boueuses provenaient de bassins de décantation directement ouverts sur la crique. Après avoir effectué des prélèvements, ils notaient que le niveau de matière en suspension était près de 5 000 fois supérieur à celui autorisé. Il existait donc un risque significatif pour le développement de plantes aquatiques et de la biodiversité dans le milieu. La société était alors poursuivie pour déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer (C. envir., art. L. 216-6 N° Lexbase : L7875K9K) et pour rejet en eau douce ou pisciculture, par personne morale, de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire (C. envir., art. L. 432-2 N° Lexbase : L7874K9I)).
En première instance puis en appel, elle soutenait notamment que le contrôle des agents de l’ONF était irrégulier dans la mesure où le procureur de la République n’avait pas été informé préalablement aux opérations. Le moyen de nullité était rejeté et la société était condamnée à une peine de 10 000 euros d’amende avec sursis. La société condamnée formait un pourvoi en cassation.
Le texte. Dans le Code de l’environnement, les contrôles administratifs (C. envir., art. L. 171-1 N° Lexbase : L7375MGA) côtoient les contrôles de police judiciaire (C. envir., art. L. 172-5 N° Lexbase : L5244LRN). Ces textes sont en majeure partie issus de l’ordonnance 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement N° Lexbase : L7242IRN. Cette ordonnance a été prise sur le fondement de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement N° Lexbase : L7066IMN. L’article L. 172-5 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5244LRN, qui ne subira aucune modification par la loi du 24 juillet 2019 (N° Lexbase : L3020LRB), permet aux enquêteurs de l’environnement d’accéder, sans l’accord du propriétaire, à des locaux strictement professionnels ainsi qu’à des installations de fabrication, de transformation, d'utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation.
Au cours de la visite, ils peuvent demander à se faire communiquer tous les documents relatifs à l’objet du contrôle (C. envir., art. L. 172-11 N° Lexbase : L5247LRR). On précisera que « seuls les documents volontairement communiqués peuvent être copiés ou saisis » (Cons. const, décision n° 2023-1044 QPC, du 13 avril 2023, § 33 N° Lexbase : Z398382W).
Outre sa piètre qualité rédactionnelle, l’article L. 172-5 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5244LRN a le défaut de n’encadrer ce contrôle d’aucune condition de fond. En d’autres termes, des indices de commission d’une infraction n’ont pas à être identifiés préalablement aux opérations. Ainsi, rien n’interdit à un inspecteur de l’environnement de visiter un local professionnel, sans l’accord de son propriétaire, bien que rien ne lui fasse penser qu’une infraction a été ou est en train de se commettre. Ce grief, très récemment soumis au Conseil constitutionnel, n’a pas trouvé l’écho qu’il méritait (Cons. const., décision n° 2023-1044 QPC, 13 avril 2023, §§ 23 à 29).
Ce contrôle est toutefois soumis à deux conditions de forme :
La question. Quelle est la conséquence de l’absence d’information préalable du procureur de la République en cas d’accès, par des agents de l’ONF, à des installations entrant dans les prévisions de la loi édictant une telle obligation d’information ?
Le principe. Le tribunal correctionnel et la cour d’appel avaient rejeté la demande d’annulation du procès-verbal de constat dressé par les agents de l’ONF en excluant toute portée procédurale à l’information préalable du procureur de la République tout en évoquant pourtant l’absence de grief invoqué par la prévenue. La Haute juridiction a rendu aux dispositions en cause leur véritable portée en retenant clairement que les dispositions de l’article L. 172-5, alinéas 2 et 3 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5244LRN édictent une règle de procédure pénale et constituent une formalité substantielle.
Le défaut d’information du procureur de la République entraine donc inévitablement la nullité des opérations de constatation et des actes subséquents. Il importe peu que les agents de l’ONF n’aient procédé à aucun acte coercitif puisque l’information préalable du procureur de la République est une formalité dont l’absence fait nécessairement grief dès lors que ce dernier aurait pu s’opposer aux opérations.
La Chambre criminelle pose ainsi un principe de procédure, affirmant un peu plus la nature pénale du droit de l’environnement et donc la nécessité du respect de ses exigences intrinsèques, en particulier le procès équitable visé à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR sur lequel se fondait d’ailleurs le moyen de cassation de la société. La Cour de cassation s’est d’ailleurs inspirée du principe qu’elle avait dégagé dans d’autres domaines du droit pénal technique (ex : pour un inspecteur de santé publique vétérinaire sur le fondement de l’article L. 5411-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L0576IZD : Cass. crim. 24 mai 2022, n° 21-82.572, F-D, spé. § 12 N° Lexbase : A32077YG ; pour un contrôle sur le fondement de l’article L. 3241-4 du Code des transports N° Lexbase : L7622INM : Cass. crim. 14 novembre 2017, n° 17-81.688, F-D N° Lexbase : A7125WZW).
La portée. Par cet arrêt de principe, la Chambre criminelle renforce l’évolution du droit de l’environnement, donc son effectivité. Il ne faut en effet pas s’y tromper : s’il est possible de s’émouvoir qu’une société qui pollue puisse échapper à toute sanction pénale sur le fondement de règles procédurales, c’est au contraire grâce à ce moyen de défense que le droit pénal de l’environnement s’autonomise et acquiert toute sa légitimité. Le raisonnement de la Cour de cassation est, en ce sens, de pure procédure pénale, rejetant l’approche des juridictions du fond et leurs contradictions.
Était-il possible de soutenir d’un côté que l’obligation d’information du procureur de la République n’est assortie d’aucune sanction et de l’autre qu’aucun grief n’avait été invoqué ? L’absence d’information préalable du parquet est une règle dont le non-respect est susceptible d’entrainer la nullité de la procédure. La Haute juridiction estime donc que, comme toute formalité substantielle de procédure pénale, sa violation est susceptible d’entraîner l’annulation de tout ou partie des actes effectués.
La Chambre criminelle va encore plus loin puisque la cassation n’est pas prononcée au visa de l’article 802 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4265AZY mais au seul fondement de l’article L. 172-5 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5244LRN, ce qui implique que la question du grief (à prouver ou présumé) n’a pas à se poser ici. La règle édictée par l’article L. 172-5 relative à l’information préalable du procureur est donc étrangère aux dispositions de l’article 802 du Code de procédure pénale, son non-respect portant nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qui l’invoque.
Si l’intransigeance de la Cour de cassation est salutaire, elle ne permet cependant pas de combler l’insuffisance législative relative au contrôle des officiers judiciaires dans l’exercice de leurs prérogatives de police environnementale. En effet, le contrôle exercé par le parquet dans le cadre de l’article L. 172-5 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L5244LRN) est minimal en ce qu’il n’exige qu’un simple avis au procureur de la République. Loin donc des règles protectrices du Code de procédure pénale qui prévoient par exemple que les officiers de police judiciaire ne peuvent visiter des locaux professionnels, en vue d’y constater des infractions au droit pénal du travail, que sur réquisitions écrites du procureur de la République, celles-ci devant être présentées à l’intéressé lors du contrôle et viser les infractions au Code du travail que le parquet entend faire rechercher et poursuivre (C. proc. pén., art. 78-2-1 N° Lexbase : L9726L7D).
L’instauration d’un véritable contrôle judiciaire des visites en matière environnementale, calqué sur le droit commun, est souhaitable. La légitimité du droit pénal de l’environnement est à ce prix.
La conclusion. La lutte contre l’éco-délinquance a vocation à constituer un élément central des futures politiques pénales. Si elle ne constitue que 0,5 % des affaires traitées en 2020, il y a fort à parier que cette situation évolue avec l’amélioration de la formation des inspecteurs de l’environnement à la procédure pénale. Avec la loi 2020-1672 du 24 décembre 2020 N° Lexbase : L2698LZX et le décret 2023-187 du 17 mars 2023 N° Lexbase : L2252MHU, les pouvoirs publics ont renforcé les pouvoirs de certains inspecteurs de l’environnement spécialement désignés en les érigeant au rang d’officiers judiciaires de l’environnement (C. proc. pén., art. 28-3 N° Lexbase : L5526LZP). Ces derniers disposent, pour les enquêtes judiciaires qu’ils diligentent (sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction), des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux officiers de police judiciaire.
Afin de préserver le caractère équitable de la procédure, il est indispensable que ce nouvel officier judiciaire de l’environnement trouve sur son chemin une défense rompue aux spécificités de la procédure pénale et sensibilisée aux spécificités du droit de l’environnement. Le pénaliste n’a pas fini de se réinventer.
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Réf. : Cass. com. 29 mars 2023, n° 21-20.683, F-D N° Lexbase : A00389MD
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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l’Université Côte d’Azur, Membre du CERDP, Directrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la faculté de droit de Nice
Le 26 Avril 2023
Mots-clés : liquidation judiciaire • clôture pour insuffisance d’actif • action en responsabilité contre le liquidateur • action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers • obligation de reprise de la liquidation judiciaire • nomination obligatoire d’un nouveau liquidateur • irrecevabilité de l’action du débiteur
L’action en responsabilité contre un liquidateur, engagée après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, tendant à la reconstitution du gage commun, présuppose la reprise de la liquidation judiciaire et la nomination d’un nouveau liquidateur. Elle est irrecevable si elle émane du débiteur.
Le vieux dicton populaire selon lequel « charité bien ordonnée commence par soi-même » ne fait pas bon ménage avec la défense de l’intérêt collectif des créanciers. C’est pour avoir oublié que l’on ne peut garder pour soi-même le produit d’une action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers qu’un débiteur se voit fermer la porte du prétoire, le juge déclarant irrecevable une action en responsabilité engagée contre son ancien liquidateur par ce débiteur après la clôture de sa procédure collective.
En l’espèce, la société I., dirigée par M. O’N., a été mise en redressement judiciaire. Le 28 décembre 1990, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, Me A. étant désigné en qualité de liquidateur.
Un jugement du 29 juillet 1992, confirmé par un arrêt du 1er février 1995, a étendu cette procédure collective à la société P., également dirigée par M. O'N. Par deux ordonnances du 5 décembre 2013, confirmées le 31 mars 2014, M. Le B. a été nommé en qualité de mandataire ad hoc des sociétés I. et P. pour l'exercice de leurs droits propres.
À la demande de ce mandataire ad hoc, un arrêt du 31 décembre 2014 a prononcé la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif.
Une ordonnance du 24 mars 2017 a désigné M. V. en qualité de mandataire ad hoc avec la mission de représenter les intérêts de la société P. en justice après la clôture de sa liquidation « et, plus généralement, de prendre toutes dispositions pour préserver les droits de cette société et faire en sorte que la liquidation statutaire de la société soit conforme aux règles en vigueur ».
Imputant à Me A., liquidateur judiciaire, des fautes dans sa gestion de la liquidation judiciaire, M. V., ès qualité de mandataire ad hoc, l'a assigné le 31 juillet 2017, ainsi que son assureur, la société Mutuelle du Mans assurances IARD (MMA IARD), en responsabilité civile personnelle afin d'obtenir la réparation du préjudice correspondant à l'actif social existant avant le jugement d'ouverture et perdu en raison des fautes alléguées.
Les juges du fond [1]ont déclaré irrecevable pour plusieurs motifs l’action en responsabilité engagée par le mandataire ad hoc représentant le débiteur, une société.
La société s’est, par l’intermédiaire de son mandataire ad hoc, pourvue en cassation. Elle ne va pas davantage obtenir gain de cause, son action étant jugée irrecevable.
La Cour de cassation, pour rejeter le pourvoi, va commencer par énoncer le principe selon lequel « L'action en responsabilité contre le liquidateur, après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, est soumise à la reprise préalable des opérations de liquidation judiciaire dans les conditions de l'article L. 643-13 du Code de commerce N° Lexbase : L3104I4Q, lorsqu'elle tend à la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers de la procédure collective. L'action en responsabilité, qui tend à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne peut donc être exercée que par un nouveau liquidateur, désigné dans les conditions de l'article L. 643-13 précité, qui a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers ».
La Cour de cassation relève ensuite que la cour d’appel avait retenu « qu'à supposer fondée l'action introduite contre l'ancien liquidateur par le mandataire ad hoc, pour le compte de la société débitrice, les sommes susceptibles de lui être allouées à l'issue de la procédure constitueraient un actif de la société qui devrait être distribué aux créanciers ». Elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu qu’un nouveau liquidateur devait être nommé « dès lors que cette action avait vocation à faire entrer, dans le gage commun des créanciers sociaux, des sommes devant être réparties entre eux, dans le cadre de la procédure collective ainsi rouverte ».
Pour comprendre exactement l’enchaînement des faits, où l’on voit se succéder deux mandataires ad hoc pour défendre les intérêts de la société I., il faut remarquer que la liquidation judiciaire a été prononcée sur conversion en décembre 1990. À l’époque, une société était dissoute par l’effet de son placement en liquidation judiciaire. Il fallait désigner un mandataire ad hoc pour exercer les droits propres du débiteur. Puis la liquidation judiciaire de cette société a été clôturée pour insuffisance d’actif. Ensuite seulement, l’ancien dirigeant social de cette société a fait désigner un mandataire ad hoc pour engager l’action en responsabilité contre l’ancien liquidateur judiciaire de la société I.
Cette démarche aurait pu prospérer. Mais, pour qu’il en fût ainsi, il eut fallu que le préjudice dont la réparation était recherchée eut été subi personnellement par la société débitrice, et non par les créanciers de cette société.
À partir du moment où le préjudice est collectif, sa réparation est attitrée à l’organe ayant en charge la défense de l’intérêt collectif des créanciers. Cet organe est le liquidateur judiciaire pendant la procédure collective. Lui et lui seul a qualité pour agir dans le cadre d’une action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers [2].
Si une action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers n’a pas été engagée avant la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire, la reprise de cette procédure est possible. Sous l’empire de la législation antérieure à la loi du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), applicable aux faits de l’espèce, la demande de réouverture n’appartient qu’au créancier, antérieur ou postérieur au jugement d’ouverture.
Par hypothèse, le liquidateur a cessé ses fonctions. Il n’a donc pas qualité, sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW) applicable aux faits de l’espèce, pour solliciter la réouverture [3].
Le droit pour l’ancien liquidateur de demander la reprise de la liquidation judiciaire sera reconnu par la loi de sauvegarde des entreprises. La solution nouvelle s’applique aux procédures en cours au 1er janvier 2006, mais cela présuppose d’évidence que la procédure ne soit pas clôturée à cette date [4]. La solution est donc inapplicable aux faits de l’espèce.
La demande de reprise de la liquidation judiciaire, que l’on soit avant ou depuis la loi de sauvegarde, ne peut être l’œuvre du débiteur et cela pour deux raisons. Tout d’abord, la loi ne donne pas qualité au débiteur pour demander la reprise de sa liquidation judiciaire. Ensuite, le débiteur n’a pas d’intérêt à demander la reprise de sa liquidation judiciaire : il ne représente pas les créanciers et ne défend pas leur intérêt collectif.
Pour autant, le débiteur n’est pas privé du droit d’agir en responsabilité civile professionnelle contre son liquidateur après clôture de sa procédure collective, mais ses possibilités d’action sont cantonnées : comme le relève justement la Cour de cassation, son action devra tendre à la réparation d'un préjudice personnel ou de la perte d'un éventuel boni de liquidation, distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers de la procédure collective. Ce qui est ici en jeu est le monopole de défense de l’intérêt collectif des créanciers.
Évidemment, l’ancien liquidateur judiciaire – qui n’en avait d’ailleurs pas, à l’époque, le droit – n’agira pas contre lui-même en responsabilité et c’est pourquoi, si l’action en responsabilité est dirigée contre lui, un nouveau liquidateur judiciaire doit être désigné. C’est le principe posé par l’arrêt. Il convient immédiatement de préciser que ce liquidateur sera désigné à la demande d’une personne ayant qualité à demander la reprise de la liquidation judiciaire.
Par conséquent, toute autre personne qui viendrait à agir contre l’ancien liquidateur dans le cadre d’une action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers serait irrecevable.
Notons ainsi que l’action en responsabilité civile professionnelle contre le liquidateur, engagée par un créancier pendant la procédure collective, suppose identiquement que le préjudice invoqué par le créancier soit distinct de celui subi par la collectivité des créanciers [5].
Par symétrie, c’est ce qui a, en l’espèce, conduit la cour d’appel à déclarer irrecevable l’action introduite par la société débitrice, en l’espèce le mandataire ad hoc de la société I. La solution avait déjà été clairement posée par la Cour de cassation. Elle avait en effet jugé que l’action en responsabilité contre le liquidateur engagée par le mandataire ad hoc d’une société, dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif, est irrecevable, dès lors que les sommes susceptibles de lui être allouées constitueraient un actif, qui devrait être distribué aux créanciers [6].
Cette société, et derrière elle son ancien dirigeant, ne pouvait espérer faire main basse sur le produit de la condamnation prononcée. Il est de plus légitimes destinataires de ce produit de l’action : ceux qui ont été les victimes de la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif, à savoir les créanciers non payés. Touche-pas au grisbi, serait-on tenté de lancer au débiteur !
Le débiteur aura compris que la charité bien ordonnée commande de penser d’abord à ses créanciers, avant de penser à soi, dans le cadre d’un éventuel boni de liquidation.
[1] CA Poitiers, 27 avril 2021, n° 19/04117 N° Lexbase : A56704Q3.
[2] Cass. com., 2 juin 2015, n° 13-24.714, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8367NIQ, D., 2015, actu 1205, note A. Lienhard ; D., 2015. pan. 1974, note P.-M. Le Corre et 1977, note F.-X. Lucas ; D., 2015, études, 2207, note S. Tréard ; Gaz. Pal., 21 juillet 2015, n° 200, p. 28, note Ch. Gailhbaud ; Gaz. Pal. entr. diff., 20 octobre 2015, n° 291, p. 29, note I. Rohart-Messager ; Act. proc. coll., 2015/12, comm. 184, note F.-X. Lucas ; JCP E, 2015, chron. 1422, n° 7, note Ph. Pétel ; JCP E, 2015, 1522, note S. Le Gac-Pech ; Gaz. Pal., 2015, 3143, note J. Théron ; Rev. proc. coll., 2016, comm. 73, note D. Jacotot ; P.-M. Le Corre, in Chron., Lexbase Affaires, juillet 2015, n° 432 N° Lexbase : N8395BUH.
[3] Cass. com., 5 avril 1994, n° 91-20.987, publié N° Lexbase : A6592ABR, JCP E, 1994, I, 394, obs. M. Cabrillac ; Rev. proc. coll., 1995, 247, obs. Dureuil – Cass. com., 29 octobre 2002, n° 99-21.761, F-D N° Lexbase : A4027A3K, Act. proc. coll., 2003/2, n° 22.
[4] Service de documentation et d’études de la Cour de cassation, Q/R n° 14 et Q/R n° 16, JCP E, 2006, 391, p. 1558 – CA Orléans, 22 février 2007, n° 06/01808 N° Lexbase : A0246G4U, RTD com., 2007. 460, n° 15, obs. J.-L. Vallens.
[5] Cass. com., 2 juin 2021, n° 19-23.758, F-D N° Lexbase : A23694UB.
[6] Cass. com., 10 mai 2012, n° 10-28.217, FS-P+B N° Lexbase : A1286IL9, D., 2012, Actu 1325, note A. Lienhard ; Gaz. Pal. entr. en diff., 3 août 2012, n° 216, p. 29, note I. Rohart-Messager ; Act. proc. coll., 2012, comm. 153, note J. Vallansan ; JCP E, 2012, 1479, note Ch. Lebel ; Bull. Joly Entrep. en diff., septembre 2012, comm. 339, note O. Staes.
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Réf. : Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-10.244, F-D N° Lexbase : A71229IM
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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le 26 Avril 2023
► C’est dans un contexte jurisprudentiel fourni que la Chambre commerciale a tranché un litige relatif à la caractérisation du rôle animateur d’une société holding et au bénéfice de l’exonération partielle d’ISF prévue par l’article 885 I quater du CGI par un arrêt rendu le 15 mars 2023.
L’article 885 I quater du CGI prévoit que sont susceptibles de bénéficier de l’exonération partielle d’impôt de solidarité sur la fortune les parts ou les actions de sociétés opérationnelles, qu’elles soient françaises ou étrangères et ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Par principe, l’article 885 I quater du CGI N° Lexbase : L3203LCM exclut les sociétés holding du dispositif, à l’exception des sociétés holding animatrices de leur groupe, assimilées à des sociétés ayant une activité opérationnelle si les conditions prévues pour l’octroi de ce régime de faveur sont remplies :
La question cruciale de la qualification de société holding a fait l’objet d’un contentieux relativement dense. Par plusieurs arrêts en date du 3 mars 2021 (Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-22.397, FS-P+R N° Lexbase : A01484KP ; n° 18-15.826, F-D N° Lexbase : A01724KL ; n° 19-21.161, F-D N° Lexbase : A01174KK ; n° 20-11.838, F-D N° Lexbase : A02414K7 ; n° 20-11.839, F-D N° Lexbase : A00334KG ; n° 20-11.840, F-D N° Lexbase : A01534KU, la Chambre commerciale est venue indiquer une grille de lecture pour la qualification d’une société holding animatrice :
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Rappel des faits
Procédure
Question de droit. La Chambre commerciale de la Cour de cassation était amenée à trancher la question suivante : Une convention d’animation et de prestation de service avec une filiale est-elle de nature à caractériser le rôle d’animation d’une société holding ?
Solution
La Chambre commerciale de la Cour de cassation rend un arrêt confirmatif de la décision rendue par les juges d’appel. Elle juge tout d’abord que l’appréciation factuelle du caractère animateur relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Dès lors, c’est à bon droit que les juges d’appel ont examiné les différents documents soumis par le contribuable et en ont déduit qu’ils étaient insuffisants pour démontrer le caractère animateur de la société holding.
En l’espèce, elle estime que la mention figurant dans les rapports de gestion selon laquelle « l'activité des filiales a été exercée conformément aux orientations stratégiques de la société Sojag », ne contient aucune précision concernant ces orientations, s'apparentant davantage а une clause de style à des fins d'exonération fiscale.
Par ailleurs, la production de courriels et d’attestations hors de la période d’imposition concernée ne démontre pas le caractère animateur de la holding.
Ainsi, le caractère animateur d’une société holding est soumis à la démonstration d’actions concrètes, dont la charge de la preuve incombe au contribuable qui revendique sa qualification.
En conséquence, cet arrêt inédit présente un double intérêt pratique :
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Réf. : Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053, FP-B+R N° Lexbase : A02239QC
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par Lisa Poinsot
Le 30 Mai 2023
► Si la dénonciation de faits de harcèlement moral est évidente et ne pouvait pas être légitimement ignorée par l’employeur à la lecture de l’écrit adressé par le salarié, ce dernier ne peut pas être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi.
Faits et procédure. Une salariée est licenciée pour faute grave. Soutenant avoir subi et dénoncé des agissements de harcèlement moral, elle saisit la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes au titre du harcèlement moral, de la violation de l’obligation de sécurité et de la rupture du contrat de travail.
La cour d’appel constate que la lettre de licenciement reproche à la salariée d’avoir adressé à la direction un courrier au sein duquel elle a « gravement mis en cause l’attitude et les décisions prises par le directeur, tant à son égard que s’agissant du fonctionnement de la structure ». La salariée avait « également porté des attaques graves à l’encontre de plusieurs de ses collègues, quant à leur comportement, leur travail, mais encore à l’encontre de la gouvernance » de la société.
Elle relève que la formulation de la lettre de licenciement autorise la salariée à revendiquer le bénéfice des dispositions protectrices de l’article L. 1152-2 du Code du travail. En effet, selon elle, la salariée a été licenciée pour un grief tiré de la relation d’agissements de harcèlement moral.
En outre, elle retient que le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation d’agissements de harcèlement moral par la salariée dont la mauvaise foi n’est pas démontrée emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement
La cour d’appel juge le licenciement de la salariée nul et condamne l’employeur au paiement d’une somme sur ce fondement.
L’employeur forme alors un pourvoi en cassation en soutenant principalement que si le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral est en principe nul, sauf mauvaise foi du salarié, c’est à la condition qu’il soit effectivement reproché au salarié d’avoir dénoncé l’existence de faits de harcèlement moral. Selon lui, la salariée n’a pas qualifié dans sa lettre le comportement dénoncé de harcèlement moral. En outre, la lettre de licenciement ne reprochait pas à la salariée d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement de l’article L. 1152-2 du Code du travail N° Lexbase : L0921MC4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401, du 21 mars 2022 N° Lexbase : L0484MCW et de l’article 1152-3 du même code N° Lexbase : L0728H9T.
En l’espèce, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que la salariée avait dénoncé des faits de harcèlement moral. En effet, la lettre de licenciement reprochait à la salariée d’avoir adressé à des membres du conseil d’administration une lettre pour dénoncer le comportement de son supérieur hiérarchique. La salariée illustrait son propos de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
Désormais, le contentieux relatif au licenciement d’un salarié tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement va s’axer sur le caractère évident d’une telle dénonciation dans l’écrit du salarié, peu important que les termes « harcèlement moral » n’aient pas été utilisés par ce dernier.
Cette solution répond à la fois :
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. crim., 13 avril 2023, n° 22-85.907, F-B N° Lexbase : A02329PB
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par Adélaïde Léon
Le 26 Avril 2023
► Il n’existe pas de compétence concurrente pour recevoir l’avis de placement en garde à vue entre le procureur de la République du lieu où est exécutée la mesure et celui sous la direction duquel l’enquête est menée. Cet avis, qui n’est soumis à aucune condition de forme, ne doit être adressé qu’au procureur de la République responsable de la direction de l’enquête ;
Si une mesure de garde à vue, notifiée par un service d’enquête, est poursuivie par un autre, la reprise de cette mesure n’a pas à donner lieu à un nouvel exercice des droits, lesquels n’ont pas non plus à être à nouveau notifiés.
Rappel de la procédure. Le 1er juillet 2021 à 15 heures, sur réquisitions du procureur de la République d’Orléans, des fonctionnaires de police du commissariat de Tours ont interpellé un homme afin de le placer en garde à vue des chefs de violences habituelles sur mineurs de quinze ans par ascendant et menaces de mort sur conjoint.
Le début de la garde à vue était fixée à l’heure de l’interpellation et les droits de l’intéressé lui ont été notifiés à 15 heures 38.
À 15 heures 50, le procureur d’Orléans a été informé du placement en garde à vue et un avis en a été adressé au procureur de Tours à 16 heures 10.
Le procureur d’Orléans ayant alors saisi la police judiciaire de l’enquête, à 17 heures 45, le même jour, un officier de police judiciaire de ce service a établi un procès-verbal de reprise de garde à vue, faisant rétroagir la mesure depuis le même jour à 15 heures.
Une information a ensuite été ouverte et l’individu interpellé a été mis en examen.
Par requête du 3 janvier 2022, ce dernier a sollicité l’annulation de la procédure.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a écarté le moyen de nullité de la garde à vue tiré de l’absence d’avis de cette mesure donné au procureur de la République compétent. La juridiction d’appel a dit n’y avoir lieu à l’annulation d’actes et pièces de la procédure à l’exception de la seule mise en examen de l’intéressé du chef de menaces de mort réitérées sur conjoint ?
Les juges ont constaté que le procureur près le tribunal judiciaire d’Orléans, sous la direction duquel l’enquête était menée, avait été avisé à du placement en garde à vue qu’il avait lui-même requis et pour des motifs qu’il connaissait 50 minutes après le début de cette mesure.
Ils soulignaient également que le procureur de Tours, lieu où était exécutée la garde à vue, disposait d’une compétence concurrente par application de l’article 63-9 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9638IPN et avait dans ces conditions reçu l’information prévue par la loi.
La chambre de l’instruction écarte également le moyen de nullité de la garde à vue tiré de l’impossibilité pour l’intéressé d’exercer de nouveau ses droits lors de la reprise de garde à vue. Les juges ont considéré que cette reprise est seulement due au changement de service en charge mais que la qualification, la date et le lieu présumés des infractions et les motifs des placements n’avaient pas changé.
Le mis en examen a formé un pourvoi contre l’appel de la chambre de l’instruction.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir écarté le moyen de nullité de la procédure alors que :
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi.
La Haute juridiction affirme dans un premier temps qu’il n’existe pas de compétence concurrente pour recevoir l’avis de placement en garde à vue entre le procureur de la République du lieu où est exécutée la mesure et celui sous la direction duquel l’enquête est menée. L’article 63-9, alinéa 2 du Code de procédure pénale ne prévoit de compétence concurrente que pour contrôler et ordonner la prolongation de la garde à vue. L’avis de placement ne doit quant à lui être adressé qu’au procureur de la République responsable de la direction de l’enquête.
La Cour considère toutefois que l’arrêt n’encourt pas la censure car l’avis de placement, lequel n’est soumis à aucune condition de forme, a, en l’espèce, bien été donné sans délai au procureur de la République compétent, la mesure ayant, par ailleurs, été prise conformément à ses instructions.
S’agissant du moyen tiré de l’impossibilité pour le gardé à vue d’exercer ses droits lors de la reprise de garde à vue, la Chambre criminelle estime que celui-ci n’est pas fondé. Si une mesure de garde à vue, notifiée par un service d’enquête, est poursuivie par un autre, la reprise de cette mesure n’a pas à donner lieu à un nouvel exercice des droits, lesquels n’ont pas non plus à être à nouveau notifiés.
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Réf. : Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 N° Lexbase : L4410MHS
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par Louis Ladaigue, Avocat counsel, Avanty Avocats
Le 26 Avril 2023
Mots-clés : retraites • réforme • entreprises • employeurs • âge de départ à la retraite • fins de carrière • emploi • contrat de travail
La réforme des retraites, portée par la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 N° Lexbase : L4410MHS, est désormais une réalité avec laquelle les entreprises doivent se familiariser. Et vite, dans la mesure où, sauf mention contraire, la plupart de ses mesures prévues s’appliqueront dans quatre mois, au 1er septembre 2023.
Tour d’horizon des conséquences à anticiper pour les employeurs, et plus particulièrement pour ceux dont les salariés relèvent du régime général de la Sécurité sociale.
I. Clarifications : mesures censurées par le Conseil constitutionnel
Afin d’éviter toute confusion, commençons par évoquer trois mesures emblématiques n’ayant pas survécu à l’examen du texte par le Conseil constitutionnel, mais qui ont pu marquer les esprits pendant les travaux parlementaires.
Ainsi, les entreprises n’auront pas à publier d’indicateurs (dit « index senior ») relatifs à l’emploi des seniors et aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi [1].
Elles ne pourront pas non plus proposer de contrat de travail de « fin de carrière » aux demandeurs d’emploi de longue durée d’au moins 60 ans, qui leur aurait permis de mettre à la retraite d’office les salariés éligibles au « taux plein » et de bénéficier d’une exonération de cotisation « famille » pendant douze mois [2].
La troisième mesure censurée est la suppression du transfert aux URSSAF du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO au 1er janvier 2024 [3]. S’il est peu probable que les deux premières mesures soient réintroduites à l’avenir, le législateur souhaitera certainement que cette dernière voit le jour d’ici la fin de l’année.
II. Âge de départ : un report qui rebat immédiatement les cartes
Personne n’ignore la mesure phare de cette réforme : un report à 64 ans de l’âge dit « légal » de la retraite, actuellement fixé à 62 ans [4]. Il s’agit de l’âge minimum qu’il faut par principe avoir atteint pour pouvoir percevoir une pension de retraite du régime général de la Sécurité sociale (il existe toutefois de nombreuses exceptions permettant un départ dit « anticipé »).
Plus précisément, cet âge est reculé à raison de trois mois par génération pour les personnes nées à compter du 1er septembre 1961. À terme, les personnes nées à partir du 1er janvier 1968 ne pourront par principe partir à la retraite qu’à 64 ans, c’est-à-dire en 2032 (au lieu de 62 ans, c’est-à-dire en 2030, sans la réforme).
Cette mesure n’a pas d’impact pour les salariés nés avant septembre 1961, pour lesquels l’âge légal reste de 62 ans.
En revanche, dans l’immédiat, les entreprises doivent gérer les situations individuelles de salariés dont le départ était envisagé à court terme. Par exemple, un salarié né en septembre 1961 qui envisageait de partir à 62 ans dès le 1er octobre 2023 devra donc patienter trois mois de plus, jusqu’au 1er janvier prochain.
Bien évidemment, des facultés de départ anticipé sont maintenues (la plupart, récapitulées au nouvel article L. 351-1-1, A du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4697MHG, applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023 [5]). Les modalités exactes voire même l’âge de départ afférents à certaines de ces facultés ne figurent pas dans la loi mais seront déterminées par décret d’ici le 1er septembre 2023. Néanmoins, les grandes lignes de ces futures dispositions réglementaires sont connues.
On citera principalement : plusieurs situations d’incapacité permanente, permettant un départ entre 55 ans [6], 60 ans [7] et 62 ans [8], ou encore l’inaptitude au travail [9] et l’invalidité [10] permettant comme aujourd’hui un départ à 62 ans. L’essentiel des départs anticipés devrait toujours avoir lieu dans le cadre des dispositifs de « carrières longues » [11], permettant des départs à partir de 58 ans, 60 ans, 62 ans ou 63 sans selon des conditions de durée d’assurance au moment du départ et de trimestres obtenus à un certain âge (16 ans, 18 ans, 20 ans ou 21 ans).
D’une manière générale, pour identifier son nouvel âge de départ, on ne peut que conseiller l’utilisation du simulateur de l’Assurance retraite : https://la-reforme-des-retraites-et-moi.fr.
III. « Taux plein » : plus long à obtenir plus rapidement
Une autre mesure contribuera à l’allongement de la durée des carrières. Pour l’expliquer, rappelons tout d’abord que, dans le régime général, une pension de retraite se calcule de la façon suivante :
salaire annuel moyen x taux x coefficient de proratisation
Le calcul du taux (compris entre 37,5 % et 50 %, ce dernier constituant « taux plein ») et du coefficient de proratisation dépendent du nombre de trimestres d’assurance acquis comparé à un nombre de trimestres « de référence » dépendant de l’année de naissance (aujourd’hui plafonné à 172).
172 trimestres (censés correspondre à 43 ans d’activité) seront désormais exigés pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1965 (contre ceux nés à partir du 1er janvier 1973 avant la réforme) [12]. Il s’agit d’une accélération de la réforme « Touraine » de 2014, augmentant ainsi progressivement le nombre de trimestres nécessaires, à raison d’un trimestre tous les ans jusqu’à 2027 (contre un trimestre tous les trois ans jusqu’en 2035 avant la réforme).
On peut retenir que cette mesure n’a pas d’impact pour les personnes nées à compter de 1973 (qui auraient de toute façon dû atteindre 172 trimestres) ni pour les personnes nées avant 1961 (le nombre de trimestres nécessaires afférents à leur génération, 167, n’étant pas modifié). En revanche, pour les personnes nées de septembre 1961 à 1972, entre un et trois trimestres supplémentaires seront nécessaires selon les situations.
Certaines circonstances ont toujours permis d’annuler la décote et de bénéficier automatiquement du taux plein. Ainsi, comme aujourd’hui, le taux plein restera automatiquement accordé, principalement [13] : à 67 ans, en cas d’inaptitude au travail et d’invalidité, à un certain niveau d’incapacité permanente, ou dans le cadre du dispositif de « carrières longues ».
Rappelons en revanche qu’il n’y a pas de mécanisme « d’annulation de la proratisation ». Il est donc fréquent de remplir les conditions du « taux plein », mais en ne percevant pas une pension de vieillesse complète du fait de la proratisation.
IV. Retraite progressive : une solution à l’allongement des carrières ?
La retraite progressive consiste à combiner la liquidation provisoire des retraites obligatoires et la poursuite d’une activité réduite à temps partiel. Pour le salarié elle permet de diminuer sa charge de travail sans perte de revenu tout en continuant à acquérir des droits à retraite. Pour l’employeur elle permet de réduire sa masse salariale tout en conservant des salariés à forte valeur ajoutée dans les effectifs pour organiser la transmission du savoir.
Ce mécanisme étant ouvert à compter de deux ans avant l’âge légal de départ, il ne sera désormais possible d’y recourir qu’à 62 ans (contre 60 ans aujourd’hui).
En revanche, son champ d’application est étendu aux salariés en forfait jours [14] et il est désormais possible de demander à travailler moins de 24 heures par semaine [15].
La retraite progressive est par ailleurs doublement encouragée. Tout d’abord, l’estimation indicative globale, document adressé tous les cinq ans aux assurés à partir de 55 ans, comportera dès le 1er septembre 2023 une simulation de retraite progressive [16]. D’autre part, à partir du 1er septembre 2023, les salariés d’au moins 62 ans pourront formuler une demande de réduction de leur temps de travail, cette demande étant considérée comme acceptée par l’employeur si elle n’a pas été refusée par l’employeur dans un délai de 2 mois à compter de sa réception [17]. Ce refus devra être « justifié par l'incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l'activité économique de l'entreprise ».
Ce mécanisme, peu utilisé à ce jour, pourrait être davantage mis à profit pour gérer en douceur les transitions vers la retraite de salariés devant travailler plus longtemps.
V. Applications aux dispositifs d’entreprises d’aménagement des fins de carrière
De nombreux dispositifs d’entreprise d’accompagnement des fins de carrière s’articulent avec l’atteinte de l’âge légal et/ou l’atteinte des conditions du « taux plein ».
On peut penser aux facultés de cessation anticipée d’activité rémunérées, partielles ou totales (« préretraites »), dans le cadre de divers dispositifs (compte épargne-temps (CET), gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), ruptures conventionnelles collectives (RCC), etc.), pour lesquels l’éligibilité aux mesures est souvent subordonnée à l’atteinte d’un âge en lien avec l’âge de départ. À l’inverse, il est fréquent que certaines mesures cessent lorsque les conditions du « taux plein » sont atteintes.
Or, les rédacteurs des dispositifs existants n’ont pas toujours pris les précautions d’anticiper une modification des conditions légales de départ. C’est le cas des dispositifs mentionnant un âge précis (par exemple 62 ans) au lieu de renvoyer aux textes légaux et réglementaires. A contrario, aussi le cas des dispositifs cessant en cas d’atteinte des conditions « taux plein » plutôt qu’après une certaine durée prédéterminée.
Pour autant, en pratique, il est difficilement envisageable de demander à un salarié de revenir travailler à temps plein (ou de revenir travailler tout court) lorsque l’âge de fin prévu par le dispositif ne correspond plus à l’âge de départ possible du salarié. De plus, à défaut de pouvoir partir à la retraite, le motif de rupture du contrat de travail des salariés concernés à la date prévue initialement serait de facto caduc.
Il faut donc prévoir des clarifications rédactionnelles au sein de certains statuts collectifs d’entreprise, mais aussi et surtout un surcoût par rapport au budget initial attribué à ces dispositifs.
VI. Ruptures du contrat de travail : freins ou encouragements ?
Précisons tout d’abord que l’âge de mise à la retraite (avec accord du salarié entre 67 et 69 ans ou d’office à partir de 70 ans) n’est pas modifié puisqu’il est fixé par référence à « l’âge du taux plein » (quant à lui inchangé).
À ce jour, les indemnités versées dans le cadre de ce mode de rupture sont intégralement soumises à une contribution patronale de 50 % [18]. Cette contribution est supprimée pour les indemnités versées à l’occasion des ruptures intervenant à compter du 1er septembre 2023.
Elle est remplacée par une contribution patronale dite « L. 137-12 » de 30 %, assise sur la part exonérée de cotisations de Sécurité sociale des indemnités de mise à la retraite. Leur coût pour l’employeur est donc diminué.
Le régime des indemnités de rupture conventionnelle est également modifié. Elles sont aujourd’hui soumises à forfait social de 20 % sur leur part exonérée de CSG. À la place, les indemnités versées à l’occasion des ruptures intervenant à compter du 1er septembre 2023 seront soumises à la nouvelle contribution « L. 137-12 » de 30 % sur leur part exonérée de cotisations de Sécurité sociale [19].
En contrepartie, les indemnités de rupture conventionnelles versées aux bénéficiaires en âge de partir à la retraite seront maintenant éligibles à l’exonération de cotisations de Sécurité sociale plafonnée propre aux indemnités de rupture [20]. En pratique, cela pourrait contribuer à augmenter le nombre de ruptures conventionnelles conclues avec des « seniors ». Une chose est sure, cette mesure signe la fin des redressements « URSSAF » générés par l’ancien traitement social, lorsque les employeurs ne disposaient pas de documents justifiant que les salariés bénéficiaires de ruptures conventionnelles n’étaient pas éligibles à un départ anticipé à la retraite.
VII. Cumul emploi retraite
Il est toujours possible d’exercer une activité professionnelle après la liquidation de la retraite. Néanmoins, des règles de cumul de revenus sont applicables à ces situations de « cumul emploi retraite ». Le cumul peut être total à condition, soit que tous les régimes de base et complémentaires soient liquidés et que l’intéressé remplisse les conditions pour bénéficier du « taux plein », soit que l’activité reprise relève d’un régime de sécurité sociale différent. Si ces conditions ne sont pas remplies, le cumul des revenus est plafonné.
À ce jour, le cumul emploi retraite est « à fonds perdus ». Rétroactivement au 1er janvier 2023, le cumul emploi retraite « déplafonné » donnera dorénavant lieu à des droits supplémentaires à retraite (le cas échéant, à condition que la reprise d’activité chez le même employeur intervienne au moins six mois après la liquidation). Ces droits donneront lieu à une seconde pension s’ajoutant à la première, dont les modalités de calcul doivent être précisées par décret [21].
VIII. Protection sociale complémentaire
Même s’il ne s’agit pas d’une conséquence juridique, signalons que, de l’avis unanime des actuaires, l’allongement de la durée des carrières devrait globalement augmenter la sinistralité des régimes de frais de santé et de prévoyance bénéficiant aux salariés, et donc renchérir le coût du financement de ces dispositifs.
Par ailleurs, dans la plupart des dispositifs d’épargne retraite, la liquidation des droits peut avoir lieu, au plus tôt, à compter de la date de liquidation d’une pension dans un régime obligatoire ou de l'atteinte de l’âge « légal » [22]. Par ricochet, cette réforme des retraites repousse automatiquement la date à laquelle les bénéficiaires pourront percevoir leurs prestations de retraite supplémentaire.
[1] Article 2, I de la loi, déclaré contraire à la Constitution.
[2] Article 3 de la loi, déclaré contraire à la Constitution.
[3] Article 6, III, I, 1° et I, 2° de la loi, déclarés contraire à la Constitution.
[4] Article 10, I, 2° de la loi modifiant l’article L. 161-17-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4506IRC.
[5] Article 11, I, 8° de la loi.
[6] CSS, art. L. 351-1-3 N° Lexbase : L4699MHI.
[7] Article 17, I, 2° de la loi modifiant l’article L. 351-1-4 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4700MHK.
[8] Article 11, I, 9° de la loi modifiant l’article L. 351-1-5 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4701MHL.
[9] Article 11, I, 9° de la loi créant le nouvel article L. 351-1-5 du Code de la Sécurité sociale.
[10] Article 11, I, 3° de la loi modifiant l’article L. 341-15 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4685MHY.
[11] Article 11, I, 6° de la loi modifiant l’article L. 351-1-1 du Code de la Sécurité sociale.
[12] Article 10, I, 3° de la loi modifiant l’article L. 161-17-3 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4670MHG.
[13] Articles 10, I, 5° et 11, I, 11° de la loi modifiant l’article L. 351-8 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4693MHB.
[14] Article 26, V, 3° de la loi modifiant l’article L. 3121-60-1 du Code du travail N° Lexbase : L4634MH4.
[15] Article 26, V, 5° de la loi modifiant l’article L. 3123-7 du Code du travail N° Lexbase : L4636MH8.
[16] Article 26, I, 1° de la loi modifiant l’article L. 161-17 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4668MHD.
[17] Article 26, V, 4° de la loi modifiant l’article L. 3123-4-1 du Code du travail N° Lexbase : L4635MH7.
[18] Actuel article L. 137-12 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4658MHY.
[19] Article 4, I, 2° de la loi modifiant les articles L. 137-12 et L. 137-15 du Code de la Sécurité sociale.
[20] Article 4, I, 4° de la loi modifiant l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4677MHP.
[21] Article 26, I, 5° et 6° de la loi créant les nouveaux articles L. 161-22-1-1 N° Lexbase : L4673MHK à L. 161-22-1-3 du Code de la Sécurité sociale.
[22] En ce sens, par exemple : article L. 143-0 du Code des assurances N° Lexbase : L9690LQX et article L. 224-1 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L7480LQ4.
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Réf. : Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-17.916, FS-B N° Lexbase : A02209Q9
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par Charlotte Moronval
Le 26 Avril 2023
► Dès lors qu’un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat.
Faits et procédure. À la suite d’élections au CSE qui se sont déroulées au sein d’une société, un salarié est élu sur la liste établie par le syndicat CFTC. Le syndicat désigne par ailleurs ce salarié en qualité de délégué syndical. Un an plus tard, ce dernier démissionne de son mandat syndical.
Un mois plus tard, c’est le syndicat CFDT qui désigne le salarié en qualité de délégué syndical.
La société conteste cette désignation.
Pour annuler la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, le tribunal judiciaire retient :
Le salarié et le syndicat forment un pourvoi en cassation. Ils soutiennent que dès lors qu’un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n’appartient qu’au syndicat désignataire d’apprécier s’il est en mesure d’accomplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d’un autre syndicat ou qu’il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule le jugement rendu par le tribunal judiciaire.
Rappel. Aux termes de l'article L. 2143-6 du Code du travail N° Lexbase : L8708LGM, dans les établissements qui emploient moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au CSE comme délégué syndical. Selon une jurisprudence établie de la Cour au visa des dispositions similaires antérieures de l'article L. 412-11 du Code du travail, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical dans les entreprises employant moins de 50 salariés un délégué du personnel dont la candidature a été présentée par un autre syndicat (Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 98-60.329, publié au bulletin N° Lexbase : A4825AGS ; Cass. soc., 14 mars 2000, n° 99-60.180, publié au bulletin N° Lexbase : A8181AG4). Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789, du 20 août 2008 N° Lexbase : L7392IAZ, dans les entreprises de plus de 50 salariés, s'agissant de la condition d'un score personnel de 10 % aux dernières élections professionnelles pour pouvoir être désigné délégué syndical, la Cour juge que, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat (Cass. soc., 17 avril 2013, n° 12-22.699, F-P+B N° Lexbase : A3977KCB). Par ailleurs, la Cour admet qu'un membre suppléant du CSE disposant d'un crédit d'heures de délégation en application :
puisse être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-21.269, FS-B N° Lexbase : A12627R8). Enfin, le rôle désormais dévolu par le législateur à la négociation collective au sein des entreprises suppose que la désignation d'un délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 ne soit pas subordonnée à des conditions inappropriées. |
En statuant comme il l’a fait, le tribunal judiciaire a méconnu la portée de l'article L. 2143-6 du Code du travail N° Lexbase : L8708LGM.
Pour aller plus loin :
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