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N5143BZI
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par Vincent Vantighem
Le 19 Avril 2023
C’est là qu’il a prononcé sa dernière plaidoirie. Une plaidoirie en défense d’un avocat. Comme une façon de résumer toute sa carrière. Toute sa vie. Décédé le 10 avril, Hervé Temime était logiquement dans les esprits, mardi 18 avril, lorsque la onzième chambre du tribunal judiciaire de Paris a rendu son jugement dans l’affaire impliquant Maître Xavier Noguéras et Maître Joseph Cohen-Sabban. Pour l’occasion, c’est d’ailleurs la défense qui a pu brièvement prendre la parole en premier pour lui rendre hommage. « À sa mesure, chacun souffre de son absence, a attaqué Matthieu Chirez. C’est dur, mais c’est beau, car Hervé Temime a, ici même, dans ce que je crois être sa dernière plaidoirie, pris la défense d’un avocat et a plaidé pour défendre notre métier. De cela, je lui dis merci. » Tout comme le tribunal qui a prononcé quelques mots et proposé une minute de silence avant de lui rendre le plus beau des hommages : une relaxe.
Les magistrats ont, en effet, décidé de relaxer Xavier Noguéras et Joseph Cohen-Sabban du chef de complicité de tentative d’escroquerie au jugement. Dans cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre et tendu un peu plus les relations entre les magistrats et les avocats, les deux hommes étaient poursuivis pour avoir transmis à la justice, à leur insu, un faux document en faveur du Britannique Robert Dawes qu’ils défendaient alors aux assises.
L’histoire avait, en effet, débuté lors du procès de ce narcotrafiquant, accusé d’avoir importé 1,3 tonne de cocaïne à bord d’un vol Air France reliant Caracas (Venezuela) à Paris en 2013. Pour une valeur estimée de 50 millions d’euros. Dès le début de son procès, ses avocats Xavier Noguéras et Joseph Cohen-Sabban avaient tenté de dynamiter la procédure en produisant une ordonnance de la justice espagnole présentant comme illégale une écoute téléphonique particulièrement accablante pour leur client. Mais rapidement, la cour d’assises avait dénoncé un faux et avait condamné Robert Dawes à vingt-deux ans de réclusion criminelle.
Des réquisitions très lourdes
L’affaire aurait pu s’arrêter là si le parquet de Paris n’avait pas décidé d’ouvrir une enquête pour déterminer si les deux avocats n’avaient pas tenté « sciemment » d’entourlouper la cour d’assises, en essayant de faire passer des vessies pour des lanternes ou plutôt un faux document pour une ordonnance de la justice espagnole. Voilà comment Xavier Noguéras et Joseph Cohen-Sabban se sont retrouvés jugés pendant deux semaines en janvier, dans une ambiance rendue électrique par la présence quotidienne de nombreux avocats dans le prétoire.
Au final, le tribunal a décidé de ne pas suivre les réquisitions très lourdes du parquet qui avaient été réclamées à l’audience. Les deux robes noires de renom ont été relaxées du chef de complicité de tentative d’escroquerie au jugement. Ils ont, en revanche, été reconnus coupables de violation du secret professionnel et tous les deux condamnés à une amende de 15 000 euros et à une interdiction d’exercer de trois ans entièrement assortie du sursis.
Qu’importe ce dernier point pour les défenseurs des avocats : le jugement a été accueilli par un immense soulagement dans un prétoire rempli pour l’occasion de tout le ban et l’arrière-ban du barreau parisien. Pour le tribunal, Xavier Noguéras et Joseph Cohen-Sabban ont commis de « graves négligences » et ont manqué à leur « devoir de professionnalisme ». Mais ils n’ont pas tenté de manipuler la cour d’assises en faveur de leur client.
Et c’est tout ce qu’ils retiendront désormais, sauf si le parquet décide de faire appel de leur relaxe. On s’en souvient : cristallisant les rancœurs, le parquet de Paris avait requis une peine de trois ans de prison, dont un an avec sursis à l’encontre de Joseph Cohen-Sabban et de deux ans de prison, dont un avec sursis à l’encontre de Xavier Noguéras. Le tout assorti d’une interdiction d’exercer la profession d’avocat pendant cinq ans.
Une analyse qu’Hervé Temime avait vivement combattue lors de sa plaidoirie. Avec la force qui le caractérisait et la conviction à laquelle le tribunal semble avoir rendu hommage, à travers cette relaxe.
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newsid:485143
Réf. : Cass. civ. 3, 13 avril 2023, n° 21-21.106, FS-B N° Lexbase : A02269P3
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N5142BZH
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 24 Avril 2023
► Le garant prend à sa charge le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction ; sauf clause contraire dans le contrat de garantie, le garant n’est pas tenu de prendre à sa charge les dommages et intérêts dus par le constructeur en réparation de préjudices distincts du coût d’achèvement.
S’il est un domaine dans lequel l’accédant à la propriété est particulièrement exposé à la déconfiture du constructeur, c’est bien celui du CCMI (contrat de construction de maison individuelle). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur a imposé la souscription d’une garantie d’achèvement. L’article L. 231-6, I du Code de la construction et de l’habitation N° Lexbase : L0831LQT précise, en effet, qu’en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge : « Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la constructeur, ce dernier assumant sa responsabilité de la réalisation de la construction, pour le prix convenu avec le maître d’ouvrage ».
Évidemment, cet article nourrit de nombreux contentieux, compte tenu de la volonté des accédants à la propriété de faire prendre en charge un maximum de leurs préjudices au garant. La présente décision en est une nouvelle illustration.
En l’espèce, des accédants à la propriété ont conclu avec un constructeur de maison individuelle, un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan. Une garantie de livraison est souscrite ainsi qu’une garantie décennale. La livraison intervient avec réserves. Se plaignant de désordres, les accédants à la propriété assignent le constructeur et le garant en paiement du coût des travaux de démolition et de reconstruction outre l’indemnisation de plusieurs préjudices.
La cour d’appel de Riom, dans un arrêt du 6 juillet 2021, condamne, notamment, le garant à prendre à sa charge des frais de déménagement et de location. Le garant forme un pourvoi dans lequel il expose que le garant n’a pas à couvrir ce type de préjudice. La Haute juridiction censure. Alors qu’elle avait constaté que l’engagement du garant était conforme au cautionnement solidaire visé par l’article L. 231-6 précité, de sorte qu’il ne couvrait pas les frais de déménagement et de location d’un logement, la cour d’appel a violé cette disposition.
En application de cet article, la garantie de livraison que doit souscrire le constructeur de maison individuelle couvre le maître d’ouvrage, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus. En cas de défaillance du constructeur, le garant prend, notamment, à sa charge, le coût des dépassements du prix convenu, dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction.
Sauf clause contraire dans le contrat de garantie conclu entre le garant et le constructeur, il n’est pas tenu de prendre à sa charge les dommages et intérêts dus par le constructeur en réparation de préjudices distincts du coût d’achèvement de l’ouvrage.
La garantie ne porte pas sur les travaux ou autres préjudices qui ne sont pas compris dans le prix convenu comme, par exemple, des travaux réservés au maître d’ouvrage ou des pénalités autres que celles correspondantes aux délais contractuels (pour exemple, Cass. civ. 3, 13 juillet 2017, n° 16-18.493, F-D N° Lexbase : A9853WMU).
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newsid:485142
Réf. : Arrêté, du 14 avril 2023, relatif à la création d’obligations assimilables du Trésor 2,75 % 25 février 2029 en euros N° Lexbase : L4792MHX
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N5140BZE
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par Perrine Cathalo
Le 19 Avril 2023
► Publié au Journal officiel du 19 avril 2023, l’arrêté du 14 avril 2023, relatif à la création d’obligations assimilables du Trésor 2,75 % 25 février 2029 en euros, contient des dispositions intéressant entre autres les organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Il est créé une ligne d’obligations assimilables du Trésor (OAT) 2,75 % 25 février 2029 en euros. Ces OAT ont une valeur nominale de 1 euro et sont remboursées le 29 mai 2029 à un prix égal au pair, soit 1 euro.
L’intérêt nominal est de 0,025 euro par obligations de 1 euro. Il est payable à terme échu le 25 février de chaque année et, pour la première fois, le 25 février 2024.
Les titres cessent de porter intérêt à partir du jour où ils sont appelés au remboursement. Le paiement des intérêts et le remboursement de ces titres sont effectués sous la seule déduction des impôts que la loi met ou pourrait mettre obligatoirement à la charge des porteurs.
Pendant toute la durée de l'emprunt, l'État s'interdit de procéder à l'amortissement anticipé des obligations, mais il se réserve le droit de procéder, sur le marché, à des rachats ou à des échanges.
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newsid:485140
Réf. : Cass. soc., 5 avril 2023, n° 21-21.318, F-B N° Lexbase : A61739ML
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N5121BZP
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par Lisa Poinsot
Le 19 Avril 2023
► Le non-respect par l’employeur étranger des règles relatives au détachement sur le territoire français d’un de ses salariés n’a pas pour effet de voir reconnaître la qualité d’employeur à l’entreprise établie en France, bénéficiant du détachement.
Faits et procédure. Un salarié d’une société italienne est détaché en France auprès d’un groupe d’intérêt économique (GIE) d’accueil français pendant plusieurs années. À la fin du détachement, le salarié est licencié par son employeur italien pour ne pas s’être présenté à son travail en Italie.
Ce salarié saisit la juridiction prud’homale pour solliciter la condamnation du GIE et de la société italienne au paiement d’une certaine somme en invoquant un abus de détachement, ainsi que la reconnaissance d’un contrat de travail le liant au GIE et sa réintégration au sein de cette dernière entité.
La cour d’appel (CA Toulouse, 28 mai 2021, n° 17/05564 N° Lexbase : A29394TZ) retient que le GIE n’est pas signataire du contrat de détachement et de ses avenants de renouvellement. L’absence alléguée de prolongation par avenant du détachement pour la période allant du 1er octobre 2015 au 14 mars 2016 ne concerne que la société italienne.
Elle relève par ailleurs que :
La cour d’appel en déduit l’absence de contrat de travail liant le salarié au GIE et valide le licenciement pour faute grave.
Cadre juridique du détachement temporaire de salariés en France | |
Définition (C. trav., art. L. 1261-3 N° Lexbase : L0313LMK) | Un salarié est dit détaché lorsque :
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Conditions (C. trav., art. L. 1262-1 N° Lexbase : L5748IA7) | Un contrat de travail doit exister entre le salarié et l’employeur établi hors de France. Lors du détachement, leur relation doit subsister. |
Situations de détachement (C. trav., art. L. 1262-1 et L. 1262-2 N° Lexbase : L3707LPY) | Le détachement doit être réalisé soit pour :
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Le salarié forme alors un pourvoi en cassation en soutenant notamment que :
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le salarié sur le fondement des articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du Code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C. Ces articles transposent la Directive n° 96/71/CE du 16 décembre 1996 N° Lexbase : L7861AUP.
Cette Directive vise à coordonner les réglementations nationales matérielles relatives aux conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés (CJUE, 3 décembre 2014, aff. C-315/13 N° Lexbase : A8156M4T).
La Haute juridiction en déduit que la circonstance qu’un détachement ne répond pas aux conditions du Code du travail n’a pour conséquence que l’exclusion des règles de coordination prises en transposition de cette Directive.
Pour aller plus loin :
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newsid:485121
Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 31 mars 2023, n° 460838, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A83059MK
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N5138BZC
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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le 19 Avril 2023
► Prenant le contre-pied de la jurisprudence antérieure, le Conseil d’État est venu statuer sur la question de l’applicabilité de la taxe sur les salaires au regard de l’article 231 du Code général des impôts.
Selon l’article 231 du CGI N° Lexbase : L8927MCM, la taxe sur les salaires est à la charge des personnes ou organismes qui paient des rémunérations lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la TVA ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant le paiement des rémunérations. La question relative à la taxe sur les salaires et de l’interprétation de l’article 231 du CGI a fait l’objet d’un contentieux relativement dense. Par une décision rendue le 17 septembre 2010 (Cons. const., décision n° 2010-28 QPC, du 17 septembre 2010 N° Lexbase : Z25198KP), le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 231 du CGI relatif à l’assiette de la taxe sur les salaires est conforme à la Constitution. Par ailleurs, dans un arrêt rendu le 29 décembre 2005 (CAA Lyon, 29 décembre 2005, n° 01LY00710 N° Lexbase : A4886DMW), la cour administrative d’appel de Lyon avait retenu que ne sont pas redevables de la taxe sur les salaires au titre d’une année civile les personnes qui ont été assujetties au cours de la période correspondant à la même année à la taxe sur la valeur ajoutée sur l’intégralité de leur chiffre d’affaires. |
Rappel des faits
Procédure
Question de droit. Était posée au Conseil d’État la question suivante : Les conditions d’exonération à la taxe sur les salaires prévues par l’article 231 du CGI doivent-elles s’apprécier cumulativement ou alternativement ?
Solution
Le Conseil d’État casse et annule l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Nantes le 26 novembre 2021.
Les juges du Conseil d’État rappellent tout d’abord qu’aux termes de l’article 231 du CGI, les entreprises et organismes qui emploient des salariés sont redevables de la taxe sur les salaires lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la TVA ou ne l’ont pas été sur au moins 90 % de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations.
Elle juge à cet effet que sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile :
En conséquence, cet arrêt renouvelle l’application cumulative de deux critères pour ne pas être assujetti à la taxe sur les salaires :
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newsid:485138
Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 12 avril 2023, n° 464456, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A00479PG
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N5130BZZ
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par Yann Le Foll
Le 19 Avril 2023
► Le montant de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) doit être calculé en tenant compte d’éventuels compléments dépourvus de caractère exceptionnel.
Décision en litige. Par la décision en litige du 1er septembre 2017, le président du CNRS a exclu les versements, dénommés « compléments » ou « suppléments », effectués au titre de la part variable de la prime de participation à la recherche scientifique (PPRS) et de la prime dite de « fonctions informatiques » (PFI) servies antérieurement à cette date, du calcul du montant de l'IFSE versée à la requérante, ingénieure de recherche de première classe employée par cet établissement.
Il arguait que, liés à son engagement professionnel et à sa manière de servir, ces versements revêtiraient un caractère exceptionnel au sens des dispositions de l'article 6 du décret n° 2014-513, du 20 mai 2014 N° Lexbase : L2244I3I et qu'ils auraient, dès lors, vocation à lui être servis au titre du complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, et non au titre de l'IFSE.
Position CE. La seule circonstance qu'une part de la PPRS et de la PFI est attribuée en fonction des résultats et de la manière de servir des agents qui en bénéficient ne saurait suffire à conférer à cette part un caractère exceptionnel au sens de l'article 6 du décret du 20 mai 2014 et à les exclure, par suite, du calcul du montant minimal de l'IFSE garanti par ces dispositions, sans qu'ait d'incidence la création, par ce décret, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir.
Décision. Dès lors, en jugeant que les versements précités ne peuvent être regardés comme revêtant un caractère exceptionnel au sens de l'article 6 du décret du 20 mai 2014, la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 28 mars 2022, n° 20PA01162 N° Lexbase : A862473S) n'a pas commis d'erreur de droit.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La rémunération dans la fonction publique d'État, Les tentatives de simplification des régimes indemnitaires des fonctionnaires, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E98913KK. |
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newsid:485130
Réf. : Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053, FP-B+R N° Lexbase : A02239QC
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N5149BZQ
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par Lisa Poinsot
Le 30 Mai 2023
► Si la dénonciation de faits de harcèlement moral est évidente et ne pouvait pas être légitimement ignorée par l’employeur à la lecture de l’écrit adressé par le salarié, ce dernier ne peut pas être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi.
Faits et procédure. Une salariée est licenciée pour faute grave. Soutenant avoir subi et dénoncé des agissements de harcèlement moral, elle saisit la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes au titre du harcèlement moral, de la violation de l’obligation de sécurité et de la rupture du contrat de travail.
La cour d’appel constate que la lettre de licenciement reproche à la salariée d’avoir adressé à la direction un courrier au sein duquel elle a « gravement mis en cause l’attitude et les décisions prises par le directeur, tant à son égard que s’agissant du fonctionnement de la structure ». La salariée avait « également porté des attaques graves à l’encontre de plusieurs de ses collègues, quant à leur comportement, leur travail, mais encore à l’encontre de la gouvernance » de la société.
Elle relève que la formulation de la lettre de licenciement autorise la salariée à revendiquer le bénéfice des dispositions protectrices de l’article L. 1152-2 du Code du travail. En effet, selon elle, la salariée a été licenciée pour un grief tiré de la relation d’agissements de harcèlement moral.
En outre, elle retient que le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation d’agissements de harcèlement moral par la salariée dont la mauvaise foi n’est pas démontrée emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement
La cour d’appel juge le licenciement de la salariée nul et condamne l’employeur au paiement d’une somme sur ce fondement.
L’employeur forme alors un pourvoi en cassation en soutenant principalement que si le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral est en principe nul, sauf mauvaise foi du salarié, c’est à la condition qu’il soit effectivement reproché au salarié d’avoir dénoncé l’existence de faits de harcèlement moral. Selon lui, la salariée n’a pas qualifié dans sa lettre le comportement dénoncé de harcèlement moral. En outre, la lettre de licenciement ne reprochait pas à la salariée d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement de l’article L. 1152-2 du Code du travail N° Lexbase : L0921MC4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401, du 21 mars 2022 N° Lexbase : L0484MCW et de l’article 1152-3 du même code N° Lexbase : L0728H9T.
En l’espèce, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que la salariée avait dénoncé des faits de harcèlement moral. En effet, la lettre de licenciement reprochait à la salariée d’avoir adressé à des membres du conseil d’administration une lettre pour dénoncer le comportement de son supérieur hiérarchique. La salariée illustrait son propos de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
Désormais, le contentieux relatif au licenciement d’un salarié tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement va s’axer sur le caractère évident d’une telle dénonciation dans l’écrit du salarié, peu important que les termes « harcèlement moral » n’aient pas été utilisés par ce dernier.
Cette solution répond à la fois :
Pour aller plus loin :
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newsid:485149
Réf. : Cass. civ. 2, 13 avril 2023, n° 21-18.121, F-B N° Lexbase : A02399PK
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N5125BZT
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par Vincent Téchené
Le 24 Avril 2023
► Lorsque par l'effet d'une inexécution, le plan devient de plein droit caduc en application d'une clause de caducité, le créancier recouvre son droit de poursuite individuel à la suite d'une mise en demeure infructueuse, fut-elle délivrée au débiteur après le terme du plan.
Faits et procédure. Un tribunal d'instance a condamné un débiteur à payer à la société X une certaine somme au titre d'une offre préalable de crédit.
Par la suite, une commission de surendettement a recommandé au bénéfice du débiteur des mesures prévoyant le versement à la société Y de mensualités d'un certain montant pendant une période de cent vingt mois, avec un effacement du solde de la dette à l'issue de ces mesures, et leur caducité en cas d'inexécution. Sur la contestation formée par un autre créancier, une cour d'appel a confirmé les mesures recommandées.
La société Y a sollicité d'un tribunal d'instance la saisie des rémunérations du débiteur. Le tribunal d'instance a rejeté cette demande.
La société Y a alors fait délivrer au débiteur une mise en demeure afin de se prévaloir de la caducité des mesures recommandées.
La cour d’appel (CA Paris, 4-8, 5 novembre 2020, n° 19/12369 N° Lexbase : A645233D) ayant ordonné la saisie de ses rémunérations, le débiteur a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation relève qu’aux termes de l'article L. 332-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L9809INM, alors applicable, les créanciers, auxquels les mesures recommandées en application de l'article L. 331-7 N° Lexbase : L5251IXR et rendues exécutoires par application de l'article L. 332-1 ou de l'article L. 332-2 N° Lexbase : L9808INL sont opposables, ne peuvent exercer des procédures d'exécution à l'encontre des biens du débiteur pendant la durée d'exécution de ces mesures.
Ainsi, selon la Haute Cour, il résulte de ce texte que lorsque par l'effet d'une inexécution, le plan devient de plein droit caduc en application d'une clause de caducité, le créancier recouvre son droit de poursuite individuel à la suite d'une mise en demeure infructueuse, fut-elle délivrée au débiteur après le terme du plan.
En l’espèce, la société Y créancière versait aux débats une mise en demeure afin de se prévaloir de la caducité des mesures recommandées et devant le premier juge, le débiteur n'avait pas contesté ne pas avoir respecté ces mesures. La Cour de cassation en conclut que la cour d'appel en a exactement déduit que la créancière était fondée à poursuivre l'exécution forcée de son titre exécutoire, sans qu'il importe que celles-ci soient arrivées à leur terme au jour où elles sont dénoncées.
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newsid:485125
Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 17 avril 2023, n° 468789, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A88019PN
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N5148BZP
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par Yann Le Foll
Le 26 Avril 2023
► Lorsqu'est présenté un moyen tiré de l'absence d'étude d'impact à l'appui d'une demande de suspension d'une autorisation d'urbanisme et que le juge constate l'absence d'une telle étude, il fait droit d’office à la demande.
Principe. Il résulte des articles L. 521-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3057ALS, L. 122-2 du Code de l'environnement N° Lexbase : L7976IMD et L. 600-3 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L0036LNN, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021, du 23 novembre 2018 N° Lexbase : L8700LM8, que lorsqu'est présenté un moyen tiré de l'absence d'étude d'impact à l'appui d'une demande de suspension d'une des décisions mentionnées à l'article L. 600-3 du Code de l'urbanisme et que le juge constate l'absence d'une telle étude, il fait droit à la demande sans s'interroger sur l'existence ou non d'une urgence à suspendre l'exécution de la décision.
Est sans incidence sur ce point la circonstance que le requérant ne se prévaut pas de l'article L. 122-2 du Code de l'environnement, selon lequel « si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au I de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».
Recevabilité. Toutefois, il résulte des mêmes dispositions qu'une telle demande de suspension n'est recevable, quel qu'en soit le fondement, que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.
La circonstance que, par un jugement avant-dire-droit, le juge ait constaté l'absence d'étude d'impact et accordé aux parties un délai pour régulariser ce vice est sans incidence sur le calcul de ce délai.
Première instance. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de suspension de l'exécution des permis de construire litigieux, le juge des référés a estimé que cette demande n'était pas soumise aux dispositions de l'article L. 600-3 du Code de l'urbanisme, mais fondée sur l'article L. 122-2 du Code de l'environnement, relevant ainsi d'une législation distincte de celle de l'urbanisme (TA Bordeaux, 24 octobre 2022, n° 2205114 N° Lexbase : A17228R9).
Décision CE. En statuant ainsi, alors que toute demande tendant à la suspension de l'exécution d'un permis de construire doit être présentée avant l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens, le juge des référés a commis une erreur de droit.
Précisions rapporteur public. Dans ses conclusions, Philippe Ranquet, pour estimer que les dispositions de l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme s’appliquent bien au référé « étude d’impact », souligne « l’intention du législateur de 2018 quant au champ d’application de l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme. Or, nous n’avons guère de doute qu’en utilisant les termes de “requête en référé suspension” au premier alinéa de cet article, il n’a pas visé au sens étroit les seules requêtes présentées sur le seul fondement de l’article L. 521-1 du CJA, mais l’ensemble des référés tendant à une suspension, ce qui inclut le référé “étude d’impact” ».
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les parties au contentieux administratif de l'urbanisme : le sursis à exécution, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4922E7G. |
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