Lecture: 33 min
N4275BZD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Margaux Dominati, ATER, Laboratoire de droit privé et sciences criminelles (EA 4690), Université d’Aix-Marseille
Le 16 Mars 2023
Mots-clefs : droit de la peine • droit de l’exécution des peines • privation de liberté • droit pénitentiaire
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 N° Lexbase : L3146MAR était censée restaurer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire, là où la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 [1] avait échoué. Autant souhaités que controversés, cette nouvelle loi et ses décrets et circulaires d’application ont conduit à modifier de nombreux aspects de la procédure pénale [2]. Toutefois, plus d’un an après son adoption, s’attacher à ce seul texte pour identifier les apports de la réforme serait une erreur. On assiste d’ailleurs encore aux remous laissés dans son sillage. De nombreux textes règlementaires sont en effet venus améliorer les ambiguïtés de la loi nouvelle, tout au long de l’année 2022. Cette contribution entend aborder les apports de la loi confiance et de ses nombreuses retouches, en se limitant cependant aux seuls aspects du droit pénitentiaire et du droit de la peine et de son exécution.
À titre liminaire, il nous faut constater qu’en remettant leur ouvrage sur le métier, le législateur et le gouvernement ont adopté une double stratégie pour remédier à la « défiance » [3] des citoyens dans l’institution judiciaire. D’une part, et pour pourvoir à une plus forte cohérence et une meilleure lisibilité du droit, en rationalisant les normes de droit pénitentiaire (I.), jusqu’alors éparpillées entre les différents codes et les textes règlementaires. D’autre part, en opérant un rééquilibrage des techniques d’exécution de la peine (II.), pour que le principe cardinal d’individualisation et la technique de régulation des flux carcéraux puissent coexister.
I. La rationalisation des normes en droit pénitentiaire
En droit pénitentiaire, l’innovation la plus remarquée réside dans l’article 24 de la loi du 22 décembre 2021, qui annonçait la codification du droit pénitentiaire (A.). Moins étayée par la doctrine mais tout aussi notable est la progression des vecteurs de réinsertion professionnelle en détention, qui semble se traduire ici par le renforcement de la valeur normative du travail, et l’ambition d’aligner les droits sociaux des personnes détenues sur ceux accessibles dans la société civile (B.).
A. La codification du droit pénitentiaire
Le souhait d’une codification de l’exécution des peines n’est pas nouveau [4]. Toutefois, après plusieurs atermoiements [5], le récent choix d’un code seulement dédié au droit pénitentiaire a trouvé sa source dans la nécessité urgente de clarifier la matière [6]. À ce titre, la codification semble judicieuse, tant par sa structure (1) que par son contenu (2).
1) La structure du Code pénitentiaire
Alors qu’y trouve-t-on ? En premier lieu, le plan du code s’articule autour de sept thèmes, déclinés en une partie législative [7] et une partie règlementaire [8], et qui s’inspire de celui qui avait été proposé par la Commission Cotte en 2015 [9]. Le Livre Ier de chaque partie concerne le service public pénitentiaire, le Livre II, la détention en établissement pénitentiaire, puis les droits et obligations des personnes détenues à l’occasion du Livre III, l’aide à leur réinsertion dans le Livre IV, leur libération au titre du Livre V, l’intervention de l’administration pénitentiaire auprès des personnes non détenues pour le Livre VI et, enfin, les dispositions relatives à l’outre-mer dans le Livre VII.
Quant à son périmètre, et alors qu’une seule codification à droit constant avait été annoncée, force est de constater qu’une véritable réorganisation a été opérée par l’exécutif [10]. En témoigne l’article L. 1 du Code pénitentiaire, qui a le mérite de donner un nouveau souffle aux principes directeurs [11] du droit pénitentiaire, en lien avec ceux cités par l’article 707 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0664L4D en matière d’exécution des peines. C’est encore le cas des dispositions relatives au suivi des personnes en milieu ouvert, et des missions du service public pénitentiaire en dehors de l’établissement pénitentiaire [12].
Plusieurs mérites de la codification sont alors identifiables au seul titre de sa structure. D’une part, et bien qu’elle traite principalement des personnes détenues, la codification permet d’intégrer dans le droit pénitentiaire les modalités de prise en charge de l’ensemble des personnes placées sous main de justice, qu’elles soient condamnées ou non [13]. Parmi les dispositions relatives aux missions du service public pénitentiaire, certaines envisagent donc la prise en charge des personnes détenues provisoirement, et reflètent ainsi la diversité et la spécificité des missions des personnels [14]. De ce constat découle ainsi une volonté d’appréhender le droit pénitentiaire dans son ensemble, et plus seulement, comme cela a pu être le cas autrefois, en s’appuyant sur les droits des personnes condamnées pour déterminer ceux des autres personnes privées de liberté [15]. D’autre part, cette codification permet au contenu du Code de procédure pénale de se « recentrer sur les règles encadrant la recherche, la poursuite, le jugement ou l'aménagement de la peine des auteurs d'infractions » [16].
2) La substance du Code pénitentiaire
À n’en pas douter, la codification pénitentiaire ne consiste pas en un simple recensement des textes existants, bien que cela constituerait, déjà et en soi, un travail fastidieux [17]. Pourtant, les plus fervents détracteurs de ce code font état d’une « occasion manquée » [18], d’une codification « incomplète » [19], « instable » [20], « précipitée » [21] et, plus généralement, « critiquable » [22]. S’il nous est impossible de revenir de manière exhaustive sur toutes les dispositions du Code pénitentiaire dans ces colonnes, les principaux apports de la codification seront détaillés ici.
D’abord, la mise en lumière du service public pénitentiaire, qui donne d’ailleurs son nom au Livre Ier du code, permet à la fois de remettre les personnels au centre de l’exécution de la détention, mais également de réaliser un focus sur leur éthique et l’encadrement de leur action. Le Code pénitentiaire envisage ainsi successivement leur organisation [23], leurs missions [24] et leur déontologie [25]. Mais leur place semble dépasser les normes de ce seul livre, dans la mesure où les dispositions générales du code marquent la prééminence du rôle de « l’administration pénitentiaire » [26] dans la sauvegarde des droits fondamentaux des personnes détenues[27]. Certains auteurs ont considéré qu’il s’agissait là d’une volonté « d’ouverture et de normalisation » [28]. Pour notre part, nous nous risquons à aller plus loin, pour dire qu’il s’agit peut-être d’une transformation de l’économie punitive [29], tant par l’extension de l’action du service public pénitentiaire hors du milieu carcéral proprement dit (c'est-à-dire dans la phase antérieure à l’exécution de la peine), que dans sa phase postérieure (c'est-à-dire dans le suivi judiciaire de la peine ou de la mesure de sûreté).
Ensuite, il paraît intéressant de constater que la réécriture des rôles des acteurs de l’exécution de la peine ne concerne pas exclusivement le service public pénitentiaire. En effet, en offrant une nouvelle assise aux missions de l’administration, au juge et à la place de la personne détenue, la codification offre un double apport à la matière. Au plan formel, elle permet d’établir une répartition logique des normes entre le Code de procédure pénale (qui organise les rapports entre la personne placée sous main de justice et le juge judiciaire), le Code des relations entre le public et l’administration (qui encadre les recours de la personne détenue contre l’administration, lorsqu’elle agit en tant qu’usager du service public), et le Code pénitentiaire (qui détermine les droits et obligations de la personne détenue et de l’administration). Au plan substantiel, les dispositions du Code pénitentiaire permettent, sans nul doute, d’établir le lien de dépendance entre le juge judiciaire et l’administration pénitentiaire, dans leurs missions respectives [30]. On notera également le remplacement du terme de « détenu » par celui de « personne détenue », dont la portée, bien que symbolique, traduit en fait une reconnaissance bien plus noble de la considération qui lui est accordée.
Toutefois, nous devons nous rattacher partiellement à l’analyse de certains auteurs, en ce qui concerne les carences de la codification. Si le Code pénitentiaire met effectivement un terme à l’éparpillement textuel, et redéfinit judicieusement les missions des acteurs intervenant dans la matière, certaines questions demeurent sans réponse [31]. Il en va ainsi par exemple du recours contre l’indignité des conditions de détention [32], qui n’a pas été intégré dans le Code pénitentiaire, bien que le respect de la dignité des personnes détenues constitue désormais une charge affichée de l’administration pénitentiaire [33]. Dans le même sens, certaines jurisprudences du Conseil d'État n’ont pas été codifiées. Pourtant, on sait que si le droit pénitentiaire a évolué, c’est notamment sous l’impulsion de la jurisprudence créatrice [34] et des expérimentations pénitentiaires. Or, tel n’est pas toujours le cas, en témoigne la jurisprudence récente relative à la place de l’assesseur extérieur en commission de discipline pénitentiaire [35]. Enfin, on pourra regretter que le Code pénitentiaire offre à son tour une assise textuelle aux dérogations à l’encellulement individuel [36], comme le faisait le Code de procédure pénale avant lui.
Finalement, le Code pénitentiaire doit être regardé comme un outil didactique prometteur. A fortiori, puisque les deux décrets d’application du 30 mars 2022 lui offrent un cadre fortement propice à l’évolution. Gageons que, grâce aux remarques des praticiens et de la doctrine, les critiques que nous pouvons donc formuler aujourd’hui n’auront plus raison d’être demain. Si les apports du Code pénitentiaire à la matière sont nombreux, certains méritent d’ailleurs d’être plus précisément explicités, tant leurs enjeux sont importants à l’égard des personnes détenues.
B. La valorisation normative du travail pénitentiaire
Les enjeux qui président au travail en prison présentent un intérêt particulier pour les sachants de la matière [37]. Il faut dire que « l’acte d’engagement », tel qu’il avait été envisagé par la loi pénitentiaire de 2009 N° Lexbase : L9344IES, n’était pas soumis au droit du travail [38]. De ce fait, les détenus ne pouvaient prétendre à un cadre d’exécution de leurs missions salariées et à une protection sociale. Puis, en 2018, le Président de la République annonçait son souhait d’encadrer l’emploi pénitentiaire [39]. Quatre ans plus tard, c’est désormais chose faite, grâce aux articles 20 et 22 de la loi du 22 décembre 2021, complétés par les décrets du 30 mars, du 25 avril et du 21 juin 2022 [40]. Le Code pénitentiaire prévoit donc deux chapitres intitulés « Travail », chacun étant un Chapitre II au Titre Ier du Livre IV de la partie, soit législative, soit règlementaire. Il en résulte notamment la création d’un « contrat d’emploi pénitentiaire », qui remplace l’acte d’engagement jusqu’alors en vigueur (1). Ce nouveau statut du détenu travailleur enrichit ainsi l’éventail des droits sociaux qui lui sont reconnus (2).
1) La création d’un « contrat d’emploi pénitentiaire »
Ici, l’apport principal de la réforme réside indéniablement dans le renforcement de l’attractivité du travail pénitentiaire. En effet, à la différence de « feu » l’acte d’engagement, le contrat d’emploi pénitentiaire offre un véritable cadre juridique à la relation de travail entre le détenu et le chef d’établissement, ou la structure chargée de l’activité. Un contrat de travail pourra donc être conclu, et permettra au travailleur détenu de se prévaloir des droits qui lui sont reconnus du fait de son emploi [41]. Pour ce faire, tant la procédure d’accès à l’emploi, sa durée, son contenu, la rémunération, la protection sociale du détenu ou encore les modalités de travail et de résiliation du contrat sont envisagés par une Section 3 de ces chapitres législatif et règlementaire du Code pénitentiaire, intitulée « Contrat d’emploi pénitentiaire » [42]. De plus, en se basant sur des expérimentations pénitentiaires efficaces, il se décline en un contrat d’emploi pénitentiaire « en apprentissage » [43]. Mais peut-on pour autant l’assimiler au contrat de travail applicable dans la société civile ? Rien n’est moins sûr. En effet, les normes nouvelles du Code pénitentiaire n’ont su se départir des contraintes de gestion et de sécurité du milieu dans lesquelles elles s’inscrivent [44]. Par exemple, le chef d’établissement demeure « tout puissant » [45] dans la décision de classement du détenu souhaitant travailler. Dans le même sens, le recours contre la décision de refus de classement n’est pas exercé devant la juridiction prud’homale, mais devant le juge administratif [46], suite au rejet du recours hiérarchique préalable [47].
Dès lors, il ne faut pas conclure que la valorisation du travail en détention parviendrait à une quelconque égalité de traitements entre les travailleurs détenus et ceux de l’extérieur, mais on peut imaginer qu’elle tend à rapprocher leurs conditions de travail de celles du droit commun.
2) Le renforcement des droits sociaux du détenu travailleur
L’article 22 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire confiait à l’exécutif, lors de son adoption, le soin « d’ouvrir ou de faciliter l'ouverture des droits sociaux aux personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion » [48], dans les dix mois suivant la promulgation de la loi. L’ordonnance n° 2022-1336, du 19 octobre 2022 N° Lexbase : L6383ME7, prend acte de cet engagement [49], et améliore substantiellement la protection sociale des personnes détenues.
En matière de droits assurantiels, la réforme leur ouvre droit à « la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles » [50] et à des prestations d’assurances maladie, maternité, invalidité et décès [51]. Il en va de même à l’échelle post-carcérale, pour les droits acquis du fait du travail exécuté en détention. Les détenus bénéficieront aussi d’une « assiette minimale de cotisations pour l'acquisition de droits à l'assurance vieillesse » [52]. Pour les droits à la formation, mobilisables lors de la réintégration dans la société libre, les articles 10 à 12 de l’ordonnance du 19 octobre 2022 prévoient l’ouverture d’un « compte personnel d’activité », composé d’un compte personnel de formation et d’un compte d’engagement citoyen. Enfin, dans le but louable d’aligner les conditions de réalisation du travail en détention sur celles de la société civile, l’ordonnance du 19 octobre 2022 prend des mesures de nature à généraliser la mixité des activités en détention [53], et entend lutter contre les discriminations et le harcèlement [54].
Pour le reste, il semble que de nombreuses incohérences perdurent, et empêchent l’alignement parfait des droits sociaux des personnes détenues sur ceux applicables à la société civile. Figure de proue du maintien de la distance : la rémunération. En effet, le système lui-même échappe au droit commun, puisque l’administration continue de percevoir la rémunération du détenu travailleur, à charge pour elle d’en reverser le montant net sur son compte nominatif [55]. Dans le même sens, le montant de la rémunération reste largement inférieur à celui prévu par le droit du travail, puisqu’il est à ce jour compris entre 20 % et 45 % du salaire minimum (Smic) [56].
À titre conclusif, on a pu observer de vives critiques émaner des premiers commentateurs de la réforme, au moins à propos du travail pénitentiaire. Pour notre part, nous constatons un rapprochement entre les normes nouvelles du droit pénitentiaire et celles de droit du travail. Mais il n’est que partiel et les règles du travail pénitentiaire constituent toujours un régime exorbitant de droit commun. Si les contraintes du service public pénitentiaire sont évidentes, et font obstacle à un alignement parfait de ces normes entre elles, de nombreuses incohérences perdurent encore aujourd’hui, un an après l’adoption de la loi créatrice, et à la suite des nombreux décrets de modification. On ne peut donc qu’espérer qu’il s’agisse du premier pas d’une transition inachevée [57], et que de nouvelles retouches viendront encore élargir les droits sociaux des détenus lorsque, pour favoriser leur insertion ou réinsertion, ils font preuve d’un gage professionnel de réinsertion sociale.
II. Le rééquilibrage des techniques en droit de l’exécution des peines
Le droit de la peine, et plus particulièrement de son exécution, n’a pas été épargné par la réforme pour la confiance dans l’institution judiciaire. Entre innovations et achèvement des chantiers ouverts par la loi du 23 mars 2019, elle opère une profonde refonte de certains mécanismes d’exécution de la peine. À ce propos, la loi consacre son Chapitre IV du Titre II aux « Dispositions relatives à l’exécution des peines ». La restauration de la confiance des justiciables dans l’exécution des peines est alors identifiable à deux égards. En premier lieu, par la refonte des régimes de réductions de peine, afin de conformer – prétendument – ce mécanisme au principe d’individualisation (A.). En second lieu, et c’est là que notre étude apportera un éclairage critique, le législateur et le pouvoir règlementaire ont durci et systématisé certains régimes d’exécution de peine, afin de pourvoir à l’efficacité de la logique de régulation des flux (B.).
A. Le principe d’individualisation : supprimer toute automaticité…
Selon le Garde des Sceaux, Monsieur Éric Dupont-Moretti, « autant les français peuvent comprendre que des remises soient accordées pour récompenser un effort de réinsertion, autant ils ne peuvent accepter que ces réductions soient automatiques […] » [58]. Pour restaurer la confiance des justiciables dans l’exécution des peines, la loi du 22 décembre 2021 opte donc pour une politique plus punitive [59], prétendument justifiée par la nécessité d’une meilleure individualisation. On assiste ainsi à une fusion des régimes de réductions de peine automatique et supplémentaire (1), et à l’instauration d’une nouvelle catégorie de réduction de peine exceptionnelle (2).
1) La fusion des régimes de réductions de peine ordinaires
La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et le décret n° 2022-1261 du 28 septembre 2022 N° Lexbase : L4260MEI ont eu un rôle majeur dans la mutation du droit de l’exécution des peines. Plus précisément, cette réforme, prise dans sa globalité, conduit à une fusion du crédit de réduction de peine automatique et des réductions de peine supplémentaires [60]. Depuis le 1er janvier 2023 [61], notre droit positif s’est donc doté d’un dispositif unifié et judiciarisé [62] de réduction de peine, dont le « quantum maximum global [est] soumis à l’appréciation du juge de l’application des peines » [63]. Exit donc le crédit de réduction de peine automatique prévu par l’ancien article 721 du Code de procédure pénale. Désormais, la réduction, qui ne peut « […] excéder six mois par année d'incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d'incarcération inférieure à un an » [64], sera accordée au condamné [65] après un examen annuel de sa situation par la commission d’application des peines, même s’il n’en a pas formé la demande [66]. On constatera d’ailleurs que la durée de ces réductions de peine est alignée sur la méthode de calcul des réductions supplémentaires de peine, aujourd’hui abrogées, c'est-à-dire sur le nombre d’années d’incarcération, et non plus sur la durée de la peine prononcée.
S’agissant des conditions d’octroi, d’abord, seuls les « preuves suffisantes de bonne conduite [et les] efforts sérieux de réinsertion » seront pris en compte [67]. La logique commandait donc que la présence du représentant du corps de commandement ou du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance s’ancre dans la commission d’application des peines, afin qu'il apporte son regard sur le comportement du détenu en détention. Avec pragmatisme, la loi entérine donc sa présence dans la quasi-juridiction [68].
S’agissant des conditions de retrait [69], ensuite, il est toujours possible de retirer les réductions de peine en cas de « mauvaise conduite » [70]. Mais le décret du 28 septembre 2022 offre une nouvelle illustration de ce qui doit être entendu par ce terme [71]. Depuis le 1er janvier 2023, le retrait peut en effet résulter « du refus [de la personne condamnée] de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I de l’article 706-56 ou de commettre ou de tenter de commettre des manœuvres destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d’une tierce personne, lorsqu’il a été condamné pour le délit prévu par le II de cet article 706-56 » [72].
Par ailleurs, la réforme est ambivalente à plusieurs égards, s’agissant des régimes dérogatoires d’octroi des réductions de peine. Elle démontre une volonté punitive, s’agissant des personnes condamnées pour des faits de terrorisme [73] ou commis à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique [74]. Dans pareils cas, c'est-à-dire en cas d’exécution successive de plusieurs peines relevant de régimes distincts, le régime le plus strict trouvera toujours à s’appliquer, tant qu’une ou plusieurs peines qui relèvent d’un régime dérogatoire sont en cours d’exécution ou doivent être exécutées [75].
En revanche, pour les personnes dont le discernement était altéré au moment des faits, ou celles condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire était encouru, et qui ne suivent pas le traitement qui leur était proposé, ou refusent les soins, la loi leur ouvre un nouveau régime dérogatoire de réduction de peine. Si tel n’était pas le cas dans la rédaction antérieure de l’article 721 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1602MAL, depuis le 1er janvier 2023, elles peuvent prétendre à l’octroi de réductions de peine, dans la limite des trois mois par année d’incarcération, et de sept jours par mois si la durée de l’incarcération est inférieure à un an [76]. Ici, il s’agit assurément d’un assouplissement normatif. Doit-on pour autant s’en féliciter ? Au regard de son effet, la réponse semble affirmative, car la réforme permettra à un plus grand nombre de condamnés de participer activement à leur réinsertion. Au regard de sa finalité cependant, rien n’est moins sûr. Rétrospectivement, la lecture des données relatives à la surpopulation carcérale depuis 2020 [77] nous laisse penser que le Gouvernement a pris acte des bienfaits des libérations massives lors de l’épidémie de Covid-19. Ainsi, il pourrait avoir souhaité accélérer les libérations, dans une optique de roulement et de gestion des flux carcéraux.
2) L’instauration d’une nouvelle catégorie de réduction de peine exceptionnelle
L’article 11 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire crée une nouvelle catégorie de réduction de peine exceptionnelle, distincte de celle déjà prévue par l’article 721-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2771KGQ. Cette nouvelle réduction vise les détenus qui permettent, « au cours de leur détention, y compris provisoire, d'éviter ou de mettre fin à toute action individuelle ou collective de nature à perturber gravement le maintien du bon ordre et la sécurité de l'établissement ou à porter atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique des membres du personnel pénitentiaire ou des détenus de l'établissement » [78]. En d’autres termes, bien loin de l’altruisme, il s’agit ici d’encourager les personnes détenues à participer à la protection des personnels, moyennant contrepartie. Au plan procédural, le moins qu’on puisse en dire, c’est que les règles de compétence sont innovantes et se distinguent des seuils de droit commun d’application des peines. En effet, pour les peines inférieures ou égales à sept ans d’emprisonnement, c’est le juge de l’application des peines qui pourra agir [79], et se prononcera par ordonnance motivée. À défaut, c’est le tribunal de l’application des peines qui sera compétent [80]. Pour les peines à temps, la réduction exceptionnelle pourra concerner jusqu’à un tiers de la peine prononcée [81], là où elle ne peut s’imputer que sur cinq années, lorsqu’elle concerne une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité.
Concernant les garanties procédurales, il faut tout de même retenir l’effort réalisé par le Gouvernement, transcrit au sein du décret du 28 septembre 2022 et de l’annexe 4 de la circulaire du 3 novembre 2022 [en ligne]. Notre droit positif intègre désormais le contradictoire dans la procédure d’octroi et de retrait des réductions de peine [82], bien que l’on concède qu’il s’agit là d’une avancée précaire et timide.
En définitive, les réductions de peine sont aujourd’hui « données d’une main, [pour être] reprises de l’autre » [83] le lendemain. On assiste ainsi à un assouplissement de certains mécanismes, afin de compenser le durcissement des autres. Et ce paradoxe entraine indéniablement une complexification des procédures de réductions de peine. Il paraît d’ailleurs difficile, à ce titre et plus d’un an après, de prévoir quelle en sera la réception par les praticiens de l’application des peines. L’avis de la doctrine semble plutôt réservé [84], lorsqu’elle ne s’oppose pas catégoriquement à la réforme [85]. De notre côté, nous regrettons que l’individualisation – et tous ses enjeux – soit utilisée à des fins dévoyées, pour justifier d’une politique toujours plus répressive, là où ce principe doit toujours garder pour cap l’élargissement du condamné. S’il faut encore s’en convaincre, le deuxième volet de la réforme en droit de l’exécution des peines en est d’ailleurs une nouvelle illustration.
B. …pour mieux la systématiser par ailleurs : la logique de régulation des flux carcéraux
Lors de l’épidémie de Covid-19, le taux d’occupation du parc pénitentiaire français avait connu une décrue inédite. Bien que certaines maisons d’arrêt aient maintenu une densité plus ou moins égale à 150 % [86], le taux d’occupation global avoisinait alors les 97 % [87], du fait de libérations massives et d’un ralentissement de l’activité juridictionnelle. Les professionnels de la matière ont d’ailleurs pris acte des bénéfices tirés de cette politique d’urgence, et ont ensuite enjoint le gouvernement à en tirer profit au long cours [88]. Pour maintenir – paradoxalement – cette dynamique, la politique initialement établie par l’article 11 de la loi du 22 décembre 2021 poursuit l’automatisation de la libération sous contrainte (1), et élargit le régime des suivis de fin de peine (2).
1) La création d’une procédure de libération sous contrainte « de plein droit »
Comme lors de chaque réforme ces dernières années, la procédure de libération sous contrainte est au cœur des débats. Initiée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 dite « loi Taubira » N° Lexbase : L0488I4T, elle affichait dès le départ un objectif clair : lutter contre « les sorties sèches ». Bien que critiqué[89], en ce que l’examen de la situation de la personne condamnée était systématique, son régime permettait néanmoins au juge de garder la main sur la décision finale d’octroi [90]. La loi du 23 mars 2019 est ensuite venue la systématiser davantage, en conditionnant son refus à l’établissement d’une « […] ordonnance spécialement motivée, [expliquant pourquoi] il est impossible de mettre en œuvre une de ces mesures au regard des exigences de l'article 707 » [91]. L’objectif était alors d’en faire une « étape de l’exécution de la peine, destinée à encadrer et accompagner une personne condamnée à une courte ou moyenne peine, lorsqu’elle sort de prison » [92]. Or, les professionnels ne se sont pas saisis de cette réforme, ce qui a conduit à son échec [93]. Pour poursuivre la déflation carcérale, et forcer la main aux professionnels les plus réticents, l’article 11 de la loi du 22 décembre 2021 et le décret du 28 septembre 2022 créent ici une nouvelle procédure de libération sous contrainte, cette fois-ci totalement automatisée.
Le nouvel article 720, II, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1601MAK prévoit le régime de cette procédure. Elle est applicable de plein droit aux condamnés dont la durée de la peine à effectuer est inférieure ou égale à deux ans, et dont le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois mois. Entre autres choses, seuls en sont exclus les condamnés pour certains faits de terrorisme ou d’atteinte à la personne commis sur des mineurs de quinze ans ou des personnes dépositaires de l’autorité publique, ceux ayant été sanctionnés par la commission disciplinaire pénitentiaire pour des faits de violence, et les détenus ne disposant pas d’un hébergement. Concernant cette dernière condition d’exclusion, elle doit être entendue au sens large. Au regard de l’article D. 147-21, alinéa 2, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4485MET, il s’agit en effet tant des possibilités personnelles d’hébergement de la personne détenue que celles des structures d’accueil et des tiers. Il faudra également tenir compte de la localisation de l’hébergement proposé, afin qu’il se conforme aux interdictions de contact ou de paraître éventuellement prononcées.
Concernant sa recevabilité, la libération sous contrainte de plein droit concerne toutes les personnes détenues qui n’ont pu bénéficier d’un aménagement de peine ou d’une libération prévue par l’article 720, I, du Code de procédure pénale, qu’importe qu’elles l’aient refusé d’elles-mêmes ou que la juridiction ait refusé de la leur accorder. Pour ratisser plus large encore, la libération sous contrainte de plein droit est applicable « y compris lorsqu'une instance est pendante devant les juridictions de l'application des peines » [94], sauf en cas d’aménagement sous écrou déjà prononcé. En d’autres termes, elle prime à la fois sur la libération sous contrainte « classique », mais également sur un éventuel aménagement de peine qui n’aurait pas encore été examiné par le juge, et même lorsque la chambre de l’application des peines a été saisie. Ici, on voit encore se matérialiser notre propos conducteur : au-delà même du détournement de l’office du juge d’application des peines, c’est l’automaticité, révélatrice d’une logique de régulation des flux, qui est mise en avant, au détriment d’une appréciation subjective, et donc de l’individualisation. Le juge a donc pour seul pouvoir de déterminer le contenu de la libération sous contrainte. Autrement dit, c’est lui qui devra choisir la mesure applicable. Et cette fois-ci, c’est le détenu qui aura les mains liées, puisque même s’il en aura été informé en amont [95], son consentement n’est pas requis pour la détermination de la mesure choisie.
Concernant les modalités du retrait, elles sont tout aussi révélatrices de la politique punitive engagée. En effet, en cas de non-respect de la mesure et des obligations et interdictions éventuellement fixées, le juge de l'application des peines pourra en ordonner le retrait ou la révocation et la réincarcération de la personne, pour une durée égale au plus au cumul de la peine qu'il lui restait à exécuter au moment de la décision et des réductions de peine octroyées qui n'avaient pas déjà̀ fait l'objet d'un retrait.
Que faut-il en penser ? Certes, la réforme a le courage de remettre au cœur du débat la nocivité des courtes peines. À y regarder de plus près cependant, ce n’est pas de cela que s’inquiète la procédure nouvelle. En automatisant la sortie du milieu fermé, la libération sous contrainte « de plein droit » risque de mettre un coup d’arrêt à des projets de réinsertion, pour lesquels trois mois supplémentaires en détention auraient eu un effet positif. De surcroît, si aucune mesure d’aménagement de peine n’est opportune, le juge de l’application des peines devra agir par dépit, et choisir celle qui semble la moins contre-indiquée. Quant au message envoyé aux justiciables à l’extérieur et aux détenus eux-mêmes, on ne peut qu’être dubitatif. En quoi ce nouveau régime restaurera-t-il la confiance des citoyens dans la justice ? Certes, il risque d’entrainer une décrue de la surpopulation carcérale à court terme, mais au prix d’une altération des pratiques professionnelles et, à n’en pas douter, d’une complexification pérenne de la matière pour les greffes pénitentiaires et les membres de la commission d’application des peines.
2) L’élargissement du régime des suivis de fin de peine
Le dernier pan de la réforme semble être passé inaperçu auprès de la doctrine. Pourtant, il concerne tout autant la sécurisation de l’exécution de la peine. En l’occurrence, cette partie de l’étude traite des « suivis de fin de peine », qui permettent de compenser l’absence de prononcé d’une libération sous contrainte [96]. Jusqu’à la réforme, les personnes éligibles à une mesure de surveillance judiciaire, telle que prévue par l’article 723-39 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6253H9H, étaient exclues du bénéfice de cette mesure. Désormais [97], le champ d’application des suivis de fin de peine intègre cette catégorie de condamnés, tant que la surveillance judiciaire n’aura pas été ordonnée [98]. En revanche, les personnes qui exécutent leur peine sous la forme d’un aménagement ne pourront toujours pas prétendre au bénéfice d’un suivi de fin de peine [99].
Concernant son contenu, le suivi de fin de peine prévoit toujours que les mesures de contrôle de l’article 132-44 du Code pénal N° Lexbase : L2256AMI, les interdictions de l’article 132-45 N° Lexbase : L0651L4U et les mesures de l’article 132-46 N° Lexbase : L7639LPM du même code puissent être prononcées. La nouveauté réside plutôt dans la sanction des manquements à ces mesures. En effet, « en cas d'inobservation […] le juge de l'application des peines peut […] ordonner [l]a réincarcération » [100]. À la lecture de l’article 721-1, I, alinéa 6, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1603MAM, il est donc permis de croire qu’une ordonnance d’incarcération provisoire pourra désormais être prononcée lors d’un manquement au suivi de fin de peine.
Nos propos conclusifs s’articuleront en deux points, à l’image de notre plan. En droit pénitentiaire, la réforme s’inscrit comme un tremplin. Confrontée à la densification normative récente de la matière, l’élaboration d’un code doit être saluée, à trois égards au moins. D’abord, et tout en conservant ses liens de dépendance étroits avec la procédure pénale, le droit pénitentiaire accède avec ce code à la plus belle des reconnaissances dans un système de droit codifié. Ensuite, car elle permet une rationalisation et une harmonisation des textes. Gageons d’ailleurs qu’à l’aide de ce nouvel instrument, les praticiens, les universitaires, et même les personnes détenues [101], y verront plus clair dans la matière. Enfin, la réforme est l’occasion, pour le droit pénitentiaire, d’enregistrer des avancées majeures, au premier rang desquelles figurent la valorisation du travail pénitentiaire et la réécriture des missions du service public pénitentiaire.
En droit de l’exécution des peines cependant, la réforme pour la confiance dans l’institution judiciaire ne fait que poursuivre le travail accompli, avant elle, par la loi de programmation pour la justice pour 2018-2022. Substantiellement, elle pourrait se résumer selon la formule de « la rigueur du bâton et [d]es bienfaits de la carotte » [102]. Là où le législateur et l’exécutif font œuvre de rationalisation en droit pénitentiaire, le droit de l’exécution des peines se complexifie, et certains mécanismes semblent perdre, par leur dévoiement, leurs lettres de noblesse. En témoignent les solutions apportées à la problématique majeure de la surpopulation carcérale, qui pourraient rapidement s’avérer inefficaces. Formellement, le Code de procédure pénale s’alourdit davantage, par l’instauration de dispositions toujours plus dérogatoires. Les « défaillances », « l’illisibilité » et la « déconnexion » [103] de la matière n’ont donc pas été corrigées par la loi, tout autant que l’on doute que la confiance ait été réellement restaurée par l’adoption, ici et là, d’une plus grande sévérité. Il nous faut donc emprunter aux sentiments du Doyen Perrier à propos de la loi du 23 mars 2019, pour constater qu’en 2021, « le législateur est [encore] venu retoucher l'ensemble du droit de la peine, par petites touches, en introduisant de nouveaux termes ou de nouveaux seuils, mais sans réelle transformation de la philosophie de la peine, tant dans sa nature que dans ses modalités. [Bref,] tout changer pour que rien ne change » [104].
[1] Loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC.
[2] H. Matsopopoulou, Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire : principales dispositions relatives au procès pénal, des avancées d'une efficacité douteuse, JCP G, 2022, n° 3, doctr. 114 ; A. Botton, Rapport des états généraux relatif à la justice pénale : le cap est maintenu !, Lexbase Pénal, juillet 2022 N° Lexbase : N2228BZK.
[3] Déclaration de M. Éric Dupont-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le projet de loi et le projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire, au Sénat le 28 septembre 2021 [en ligne].
[4] Pour une synthèse de cette volonté : M. Tinel, Réflexions sur les apports d'une codification du droit de l'exécution des peines, Dr. pén., n° 11, novembre 2011, étude 23 ; v. égal. pour les propositions antérieures : AIDP, Résolutions des congrès de l'Association internationale de droit pénal (1926-2004), éd. Érès, 2009, p. 27 ; P. Couvrat, La politique criminelle pénitentiaire à l'image de l'expérience française depuis 1945, RSC, 1985, p. 231 ; M. Danti-Juan, Analyse critique du contenu de la loi dite « pénitentiaire », RPDP, 2010, p. 79 ; M. Giacopelli, La loi pénitentiaire : la grande désillusion..., RPDP, 2009, p. 771 ; M. Herzog-Evans, Deux ans de réformes législatives du droit pénitentiaire ou de l'urgence à codifier un droit patchwork, D., 2005, p. 679 ; É. Péchillon, Plaidoyer pour une réforme concertée et dépassionnée du service public de l'exécution des peines, in V. Malabat, B. de Lamy, M. Giacopelli (dir.), La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale : Opinio doctorum, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2009, p. 370.
[5] Commission Cotte, Rapport à la ministre de la Justice, Pour la refonte du droit des peines, 18 décembre 2015, p. 17 [en ligne] ; B. Cotte et J. Minkowski, Rapport au ministre de la Justice, Sens et efficacité des peines, 2018, p. 16.
[6] M. Giacopelli, La France s’est dotée d’un Code pénitentiaire, Procédures n° 8-9, Août 2022, étude 10 ; É. Bonis, Le code pénitentiaire est entré en vigueur, JCP G., 2022. 970 ; pour les aspects historiques du « code des prisons » dont la France a été dotée voy. J.-L. Sanchez, Le « livre pénitentiaire » du Code de procédure pénale, Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, n° 59.
[7] Ordonnance n° 2022-478, du 30 mars 2022, portant partie législative du code pénitentiaire N° Lexbase : L2553MCK.
[8] Décret n° 2022-479, du 30 mars 2022, portant partie réglementaire du code pénitentiaire N° Lexbase : L2541MC4.
[9] Commission Cotte, précit., 18 décembre 2015, Annexe n°7.
[10] M. Giacopelli, Confiance dans l'institution judiciaire : les principaux volets de la loi en droit de l'exécution des peines, Procédures, n° 2, février 2022, dossier 5.
[11] On y retrouve ainsi les principes directeurs admis par l’article 2 (désormais abrogé) de loi pénitentiaire de 2009 N° Lexbase : L9344IES. Mais la novation réside ici principalement dans la réinscription de l’individualisation de la prise en charge des personnes détenues comme mission du service public pénitentiaire.
[12] Il faut noter que les dispositions relatives aux mineurs ont été exclues du Code pénitentiaire, et sont intégralement prévues par le Code de justice pénale des mineurs.
[13] À ce titre, l’article L. 3 du Code pénitentiaire N° Lexbase : L7470MCN dresse une liste exhaustive des personnes à l’égard desquelles le service public pénitentiaire exerce ses missions : « Les personnes détenues ; Les personnes ayant exécuté une peine privative de liberté et faisant l'objet de mesures de surveillance décidées par les autorités judiciaires ; Les personnes condamnées à des peines autres que l'emprisonnement ; Les personnes non détenues et non condamnées faisant l'objet d'enquêtes ou de mesures de surveillance décidées par les autorités judiciaires ; Les personnes non détenues et non condamnées faisant l'objet de certaines mesures de surveillance décidées par les autorités administratives. Les personnes détenues sont les personnes faisant l'objet d'une mesure privative de liberté à l'intérieur d'un établissement pénitentiaire, qu'elles soient prévenues, au titre de poursuites pénales et sans condamnation définitive, ou qu'elles soient condamnées ou soumises à une contrainte judiciaire ».
[14] M. Giacopelli, précit., Procédures, n° 8-9, Août 2022, étude 10.
[15] É. Bonis, op. cit.,, JCP G., 2022. 970.
[16] Rapport au Président de la République relatif à l'Ordonnance n° 2022- 478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire, 5 avril 2022 [en ligne].
[17] Pour une étude de la codification « à droit constant » v. N. Molfessis, Les illusions de la codification à droit constant et la sécurité juridique, RTD civ., 2000. 186
[18] M. Herzog-Evans, A. Dejean de la Bâtie, Code pénitentiaire : “something old, something new, something borrowed ans something blue”, AJ pénal, 2022. 291.
[19] J. Falxa, Le code pénitentiaire : une codification à droit inconstant, AJ pénal, 2022. 295.
[20] Ibid.
[21] F. Habouzit, La codification du droit pénitentiaire, RSC, 2022. 657.
[22] Ibid.
[23] C. pénit., art. L. 112-1 N° Lexbase : L8043MCU à L. 112-6 N° Lexbase : L7460MCB.
[24] C. pénit., art. L. 113-1 N° Lexbase : L7459MCA à L. 113-13 N° Lexbase : L7449MCU.
[25] C. pénit., art. L. 120-1 N° Lexbase : L7439MCI.
[26] Par administration pénitentiaire, il faut ici entendre selon nous l’ensemble des personnels de la chaîne pénitentiaire.
[27] C. pénit., art. L. 4 N° Lexbase : L8039MCQ à L. 7 N° Lexbase : L7468MCL.
[28] M. Giacopelli, op. cit., Procédures n° 8-9, Août 2022, étude 10
[29] P. Poncela, Le mirage du Panopticon, RSC, 2022. 101 ; Pour une définition de cette notion v. : M. Foucault, L'herméneutique du sujet, Cours au Collège de France 1981-1982, Gallimard/Seuil, Paris, 2001, p. 241 : En l’occurrence, il s’agit d’un « espace stratégique de relations de pouvoir dans ce qu'elles ont de mobile, de transformable, de réversible ».
[30] Pour un approfondissement de cette analyse, v. É. Bonis, op. cit., JCP G., 2022. 970.
[31] Pour un tel constat avant l’adoption même de la loi pénitentiaire de 2009 : C. Rostaing, Processus de judiciarisation carcérale : le droit en prison, une ressource pour les acteurs ?, Droit et société, vol. 67, n° 3, 2007, pp. 577-595.
[32] C. proc. pén., art. 803-8 N° Lexbase : L1636MAT.
[33] C. pénit., art. L. 6 N° Lexbase : L8038MCP.
[34] Conseil d'État, Le juge administratif et l’administration pénitentiaire, Dossier thématique, avril 2017.
[35] CE, 5 février 2021, n° 434659 N° Lexbase : A02574GM.
[36] C. pénit., art. L. 213-4 N° Lexbase : L8285MCT.
[37] v. en ce sens : J. Schmitz, M.-C. Amauger-Lattes (dir.), Quelle normalisation de la relation de travail en prison ? : enjeux et perspectives d'une réforme, Fondation Varenne, coll. Colloques & essais, 2022, 529 p. ; v. égal. P. Loridant, Le travail à la peine, Rapport fait au nom de la commission des finances du Sénat, n° 330, 2002 ; P. Auvergnon et C. Guillemain, Le travail pénitentiaire en question. Une approche juridique et comparative, Doc. fr., 2005 ; F. Guilbaud, Le travail pénitentiaire. Une étude de sociologie du travail, Mission de recherche droit et justice, GIP, Paris, 2006 ; R. Eckert et J.-M. Tuffery-Andrieu (dir.), Le travail en prison. Mise en perspective d'une problématique contemporaine, PUS, 2015 ; P. Auvergnon (dir.), Droit du travail en prison : du déni à une reconnaissance ?, PUB, 2015 ; CGLPL, Avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, 22 décembre 2016 [en ligne]; OIP, Travail en prison. Une mécanique archaïque, Revue Dedans-Dehors, n° 98, 2017 ; Institut Montaigne, Travail en prison : préparer (vraiment) l'après, 2018 ; CESE, Avis sur la réinsertion des personnes détenues, 2019.
[38] v. en ce sens : Cons. const., décision n° 2013-320/321 QPC, 14 juin 2013, Yacine T. et a. N° Lexbase : A4732KGD.
[39] E. Macron, Discours à l'École nationale d’administration pénitentiaire, Agen, 6 mars 2018, p. 12 : « Je souhaite aussi que le droit du travail, en étant adapté évidemment à la réalité et aux contraintes de la prison, puisse s'appliquer aux détenus et, à tout le moins, que le lien qui unit l'administration pénitentiaire et le détenu travaillant en son sein soit un lien contractuel avec des garanties qui s'y attachent, et non plus un acte unilatéral avec la négation de tous les droits. ».
[40] Ordonnance n° 2022-478, du 30 mars 2022, portant partie législative du code pénitentiaire N° Lexbase : L2553MCK ; Décret n° 2022-655, du 25 avril 2022, relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire N° Lexbase : Z536152A ; Décret n° 2022-917, du 21 juin 2022, portant diverses dispositions relatives au contrat d'emploi pénitentiaire N° Lexbase : L1959MDW.
[41] C. pénit., art. R. 412-1, al. 1 N° Lexbase : L8155MCZ : « chaque personne détenue, quelle que soit sa catégorie pénale, peut demander à être classée au travail ».
[42] C. pénit., art. L. 412-10 N° Lexbase : L7321MC7 à L. 412-18 N° Lexbase : L8023MC7 ; art. R. 412-19 N° Lexbase : L7681MCH à D. 412-47 N° Lexbase : L6830MCX.
[43] Décret n° 2022-917, du 21 juin 2022, portant diverses dispositions relatives au contrat d'emploi pénitentiaire.
[44] C. pénit., art. L. 412-2, al. 2 N° Lexbase : L7328MCE : « le travail est accompli sous le contrôle permanent de l'administration pénitentiaire, qui assure la surveillance des personnes détenues, la discipline et la sécurité sur les lieux de travail. […] des motifs disciplinaires ou liés au maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements pénitentiaires peuvent conduire à tout moment l'administration pénitentiaire, dans les conditions définies par les dispositions des articles L. 412-7, L.412-8 et L.412-9 à suspendre temporairement l'activité de travail ou à y mettre un terme ».
[45] C. pénit., art. R. 412-9 ; v. en ce sens : S. Brimo, Du droit au travail pénitentiaire au droit du travail pénitentiaire, RDSS, 2022. 940.
[46] C. pénit., art. L. 412-18 N° Lexbase : L8023MC7 ; pour une admission jurisprudentielle antérieure : T. confl., 14 octobre 2013, n° 3918 N° Lexbase : A1334KNQ.
[47] C. pénit., art. R. 412-18 N° Lexbase : L6869MCE.
[48] Loi n° 2021-1729, 22 décembre 2021, pour la confiance dans l'institution judiciaire, art. 22 N° Lexbase : Z49085TQ.
[49] L’ordonnance du 19 octobre 2022 modifie les dispositions du Code pénitentiaire, du Code de la sécurité sociale, du Code du travail, du Code de l'action sociale et des familles et du Code de la commande publique.
[50] C. pénit., art. D. 412-77 N° Lexbase : L7683MCK.
[51] C. pénit., art. L. 114-5, al. 3 N° Lexbase : L7445MCQ ; il est également à noter qu’une couverture analogue est étendue aux personnes détenues stagiaires en formation professionnelle.
[52] P. Auvergnon, Quand la lutte contre la récidive permet et limite les progrès de l’encadrement juridique du travail en prison, Droit social, 2022, p. 352.
[53] Ordonnance n° 2022-1336, du 19 octobre 2022, art. 9 N° Lexbase : L6383ME7.
[54] Ibid., art. 15.
[55] C. pénit., art. D. 412-67 N° Lexbase : L6855MCU.
[56] C. pénit., art. D. 412-64 N° Lexbase : L6858MCY.
[57]CE, sect. soc., 22 décembre 2022, Avis n° 406.466 sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues et portant diverses mesures complémentaires [en ligne] : si le Conseil d'État juge l’étude d’impact du contrat d’emploi pénitentiaire globalement satisfaisant, il estime que celle-ci gagnerait à être renforcée, notamment pour permettre de « mieux appréhender les motifs qui ont conduit le Gouvernement à souhaiter que l’obligation de conclure un contrat d’implantation entraine, en cas de refus de s’y conformer, la résiliation de plein droit des contrats conclus antérieurement, d’une description plus précise de ces derniers et de leurs conditions d’application ».
[58] Propos recueillis par N. Bastuck et S. Le Fol, Dupont-Moretti dévoile sa réforme de la justice, Le Point, n° 202103, 2 mars 2021.
[59] v. en ce sens : M. Gibelin, L’opinion publique est-elle responsable de la vague punitive ?, AJ pénal, 2022. 443.
[60] C. proc. pén., art. 721.
[61] L’ensemble des dispositions citées ci-après s’appliquent aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction.
[62] v. en ce sens : M. Giacopelli, Pour la confiance dans l’institution judiciaire en droit de l’exécution des peines – Beaucoup de bruit…, JCP G, n° 3, 24 janvier 2022. 88
[63] Circulaire du 3 novembre 2022 relative aux dispositions procédurales concernant les réductions de peine, le suivi post-peine et la libération sous contrainte, p. 5 [en ligne].
[64] C. proc. pén., art. 721, al. 2 N° Lexbase : L1602MAL.
[65] C. proc. pén., art. 721, al. 9 : il est à noter que sont éligibles à un tel examen toutes les personnes condamnées, qu’elles exécutent leur peine selon les modalités d’exécution déterminées par la juridiction de jugement, ou qu’elles bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou.
[66] C. proc. pén., art. D. 116 N° Lexbase : L7479LPP. De surcroît, on voit mal comment une personne condamnée et détenue pourrait ne pas souhaiter obtenir une réduction de peine.
[67] Il est à noter que malgré leur reformulation, les conditions d’octroi d’une réduction de peine sont sensiblement identiques à celles qui étaient prévues par l’ancien article 721, et ne sont d’ailleurs pas limitatives. On pourra également noter l'ajout de mentions relatives à la participation à des activités sportives encadrées, l'investissement soutenu dans un programme de prise en charge ou encore le fait de procéder à des versements volontaires des sommes dues aux victimes.
[68] C. proc. pén., art. 712-4-1 N° Lexbase : L1587MAZ.
[69] Les nouvelles modalités de retrait du régime de réductions de peine ne concernent que les personnes condamnées et écrouées à compter du 1er janvier 2023.
[70] C. proc. pén., art. 721, al. 10.
[71] Pour les modalités de retrait v. C. proc. pén., art. D.116-6 N° Lexbase : L4478MEL.
[72] C. proc. pén., art. D.116-5 N° Lexbase : L4423MEK.
[73] C. proc. pén., art. 721-1-1 N° Lexbase : L1604MAN.
[74] C. proc. pén., art. 721-1-2 N° Lexbase : L3501MDZ.
[75] C. proc. pén., art. D. 116-3 N° Lexbase : L4415MEA. Au terme de l’article 721 du Code de procédure pénale, dans pareil cas, ils pourront bénéficier de réductions de peine ne pouvant excéder trois mois par année d’incarcération, et sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.
[76] C. proc. pén., art. 721, al. 8.
[77] CGLPL, Rapport d’activité 2021, Dalloz, 2021, p. 131 [en ligne] ; v. égal. N. Ferran, Combattre la surpopulation carcérale et l'indignité des conditions de détention. Dans les coulisses d'une “guérilla contentieuse”, Revue des droits de l'homme, Actualités Droits-Libertés, 10 avril 2021 ; M. Giacopelli, Prévenir et traiter le risque sanitaire lié au covid-19 en prison, Le Club des Juristes, mars 2020 [en ligne].
[78] C. proc. pén., art. 721-4 N° Lexbase : L1608MAS.
[79] À l’occasion de cette procédure, le juge de l’application des peines peut exercer son pouvoir d’office, sur demande du condamné, sur saisine du chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République.
[80] Le tribunal de l’application des peines pourra agir sur demande du condamné, sur saisine du chef d’établissement, sur réquisitions du procureur de la République ou bien à l’initiative du juge de l’application des peines, selon la procédure de débat contradictoire prévue à l’article 712-7 du Code de procédure pénale.
[81] C. proc. pén., art. D. 117 N° Lexbase : L4481MEP : il est à noter que cette réduction exceptionnelle de peine, ainsi que celle prévue par l’article 721-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2771KGQ, peuvent être accordées en une ou plusieurs fois sans dépasser le tiers de la peine prononcée.
[82] v. en ce sens : M. Giacopelli, précit., Procédures, n° 2, février 2022, dossier 5.
[83] P. Poncela, précit., RSC, 2022. 101
[84] M. Giacopelli, op. cit., JCP G, n° 3, 24 janvier 2022. 88 ; E. Senna, Le rapport d’activité du Contrôle général des lieux de privation de liberté pendant l’année 2021, AJ pénal, 2022. 362 ; M. Herzog-Evans, J.-P. Céré et J. Falxa, Exécution des peines, D., 2022. 1061.
[85] ANJAP, Communiqué de presse, 5 mars 2021, 2 p. [en ligne] ; M. Quinquis, La suppression des réductions de peine ou la résurrection du populisme pénal, Actu-Juridique, mars 2021 ; OIP, Prisons : des annonces en décalage total avec l’urgence, Communiqué de presse, 3 mars 2021.
[86] DAP - SDEX - EX3 , Statistique des établissements des personnes écrouées en France, Chiffres clés de la Justice, juillet 2020, tableau 15 [en ligne] : par exemple, en juillet 2020, le quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan affichait encore une densité carcérale de 159 %, la maison d’arrêt de Valenciennes était occupée à hauteur de 150 % et le quartier maison d’arrêt de Meaux-Chauconin présentait un taux d’occupation de 158,7 %.
[87] DAP - SDEX - EX3 , op. cit., Chiffres clés de la Justice, juillet 2020 : au 1e juillet 2020, pour 60 592 places opérationnelles, 58 695 personnes étaient écrouées et détenues. Cela représente un taux d’occupation de 96,87 %.
[88] Syndicat national des directeurs pénitentiaires, Lettre ouverte au Président de la République, 20 avril 2020, 3 p. ; CGLPL, Poursuivre l’effort de déflation carcérale pour mettre fin à la surpopulation en prison, Courrier adressé à Madame la Garde des Sceaux, 5 mai 2020 [en ligne].
[89] v. par ex. : L. Griffon-Yarza, La libération sous contrainte, nouvel oxymore juridique, AJ pénal, 2015. 80 ; E. Bonis, V. Peltier, Loi du 22 décembre 2021 : (re)donner confiance en l'exécution des peines ?, Droit pénal, n° 2, février 2022, étude 5
[90] C. proc. pén., art. 720, al. 2. tel qu’issu de la loi du 15 août 2014 : « […] le juge de l'application des peines décide, par ordonnance motivée, soit de prononcer une mesure de libération sous contrainte, dans le respect des exigences prévues à l’article 707 soit, s'il estime qu'une telle mesure n'est pas possible ou si la personne condamnée n'a pas fait préalablement connaître son accord, de ne pas la prononcer ».
[91] C. proc. pén., art. 720, al. 4. tel qu’issu de la loi du 23 mars 2019.
[92] Étude d’impact, Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, avril 2021, p. 150 [en ligne].
[93] Ibid., p. 152.
[94] C. proc. pén., art. D. 127-24, al. 1.
[95] C. proc. pén., art. D. 147-20 N° Lexbase : L4429MER : « lorsqu'une personne condamnée exécute une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à deux ans, l'administration pénitentiaire l'informe, au moins un mois avant que le reliquat de la peine soit égal à trois mois, ou si la peine est inférieure ou égale à six mois, lors de sa mise sous écrou ou lorsque la peine devient définitive, qu'elle est susceptible de bénéficier d'une libération sous contrainte de plein droit, même si elle s'y oppose ».
[96] C. proc. pén., art. 721-2, I N° Lexbase : L1607MAR.
[97] Pour les personnes placées sous écrou depuis le 1er janvier 2023.
[98] Circulaire du 3 novembre 2022 relative aux dispositions procédurales concernant les réductions de peine, le suivi post-peine et la libération sous contrainte, p. 14 : Tel est par exemple le cas, « lorsque le caractère « avéré » du risque de récidive n’aura pas été caractérisé ».
[99] C. proc. pén., art. D. 147-45 N° Lexbase : L4446MEE.
100 C. proc. pén., art. D. 147-45. 6.
[101] Jusqu’à maintenant, ils ne disposaient que du Guide du prisonnier, édité par l’Observatoire international des prisons, pour se repérer dans la matière et connaître l’étendue de leurs droits.
[102] M. Quinquis, op. cit., Actu-Juridique, mars 2021
[103] J. Bigot et J.-N. Buffet, Rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la nature des peines, leur efficacité́ et leur mise en œuvre, Sénat, n° 713, 12 septembre 2018, 90 p. [en ligne].
[104] J.-B. Perrier, La réforme du droit de la peine : tout changer pour que rien ne change, RSC, 2019. 449.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484275
Lecture: 9 min
N4665BZS
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Deen Gibirila, Professeur émérite - Université Toulouse 1 Capitole
Le 16 Mars 2023
À l’instar des précédentes et nul doute pour celles qui suivront, la présente étude collective intitulée « Libres propos sur la délégation » est le témoignage d’une convivialité née de rencontres universitaires dont quelques-unes se sont muées en complicité intellectuelle, voire en amitié et développées au fil du temps en dehors de l’Université.
Les contributions relevant du domaine de spécialité des différents auteurs constituent l’œuvre originale de chacun d’eux. Cette étude présente une certaine unité dans la mesure où celle-ci a pour point de rencontre la « délégation ». Elle offre également la particularité et, nous nous en félicitons, de réunir des collègues issus d’universités différentes enseignant dans diverses disciplines juridiques, ce qui participe à l’enrichissement notable de cette « prose juridique ».
Le choix des thèmes est essentiellement régi par leur intérêt, non seulement pédagogique, mais également de recherche, de sorte qu’ils constituent soit la synthèse d’une question traditionnelle mais qui mérite d’être approfondie, soit l’exploration d’une question plus actuelle qui implique d’être mise en évidence.
Gageons que la présente étude collective saura susciter la curiosité toujours en éveil des juristes (universitaires ou praticiens) et inspirer d’autres auteurs à assurer la direction d’autres études collectives. Toujours est-il que je remercie vivement mes collègues et amis qui ont spontanément accepté de participer à la présente « aventure doctrinale ».
Sommaire
1. De la délégation de l'exercice de l'autorité parentale, par Christelle Rieubernet, Maître de conférences, Université Toulouse Capitole, Institut de Droit Privé (EA 1920)
La délégation de l'exercice de l'autorité parentale est nécessairement limitée, même si son domaine n'a cessé de s'étendre à partir de la loi n°2002-305 du 4 mars 2002. Protéiforme, elle peut être volontaire ou forcée mais nécessite toujours l'intervention du juge et le respect de l'intérêt de l'enfant. La demande des parents ou de l'un d'eux doit en outre être justifiée par les circonstances. Elle peut cependant leur être imposée dans des cas de défaillance parentale limitativement énumérés. La modularité de ses effets permet d'opérer un transfert ou un partage, total ou partiel, de l'exercice de l'autorité parentale.
2. L’appréhension rénovée de la délégation par la réforme du régime général des obligations : contribution à une clarification de sa nature et de son régime juridique, par Bee Receveur, Maître de conférences, Université Toulouse Jean Jaurès, Membre de l’Institut de Droit Privé Toulouse Capitole EA 1920
Auparavant, la délégation était seule régie par le truchement de deux dispositions afférentes à la novation, ce qui apparaissait paradoxal au regard des fonctions multiples qu’elle endossait. Bien que la jurisprudence eût à cœur d’en combler les lacunes, elle nourrissait toujours bon nombre d’incertitudes et de controverses que le législateur s’est ainsi attelé à dissiper à l’occasion de la réforme du régime général des obligations.
La délégation bénéficie désormais d’une identité légale singulière : une convention tripartite génératrice en tout état de cause d’une obligation nouvelle qui la distingue de ses semblables translatives. Polymorphe, elle peut ou non procéder de rapports préexistants dont les obligations peuvent ou non être retranscrites dans la relation délégué – délégataire. Elle peut, au surplus, être novatoire ou simple, ce qui ne manque certes pas, sinon d’en annihiler l’homogénéité, d’en complexifier le régime.
C’est la consécration de la double inopposabilité des exceptions qui, contribuant à raffermir un régime juridique alors balbutiant, en constitue l’apport majeur. Inhérentes à la dette ou personnelles, issues des rapports délégant-délégataire ou délégué-délégant, les exceptions ne peuvent formellement plus être opposées par le délégué au délégataire, sauf « dispositions contraires », dont l’équivoque - comme la question en suspens de la date d’opposabilité aux tiers - présage de néo-dissensus au sein de la jurisprudence comme de la doctrine.
3. La place de la délégation parmi les opérations sur obligations, par Solène Ringler, Maître de conférences en droit privé à l’Université d’Angers, Centre Jean Bodin EA 4337
Bien connue de la pratique des affaires, la délégation offre de nombreux atouts notamment en ce qu’elle confère au créancier un nouveau débiteur au titre d’un engagement autonome. Si le mécanisme peut paraître simple de prime abord, la notion comporte encore des incertitudes en dépit des précisions apportées par le législateur à la suite de l’ordonnance portant réforme du droit des obligations. La délégation est une notion singulière parmi les opérations sur les obligations. Ni parfaitement extinctive, ni véritablement translative, elle se caractérise par son effet créateur d’obligation. Néanmoins, elle emprunte au gré de la volonté des parties, des éléments de régime d’autres notions qui lui sont proches ce qui en fait un contrat original.
4. À propos (libres) de la distinction entre délégation et mandat, par Philippe Grignon, Maître de conférences HDR à la Faculté de droit et de science politique de Montpellier
Dans le cadre cette étude collective la question de la distinction entre délégation et mandat s’impose : la délégation n’est-elle pas, tout simplement, un mandat ? La confrontation des notions, abordée dans la première partie de l’étude, révèle un mode opératoire différent entre ces deux mécanismes, qu’il s’agisse de la délégation en droit civil, ou de la délégation de pouvoirs appréhendée par le droit des sociétés.
Quant au régime applicable, abordé dans la seconde partie de l’article, il apparait autant que si le régime du mandat n’est pas applicable à la délégation de droit commun, autant il s’invite dans la délégation de pouvoirs.
5. La délégation de pouvoirs et la responsabilité pénale en droit des sociétés, par Deen Gibirila, Professeur émérite, Université Toulouse 1 Capitole
Toute infraction pénale commise au sein d’une entreprise soulève la question de la responsabilité pénale du chef d’entreprise (désigné également par les termes d’employeur, de dirigeant ou de chef d’établissement). En la matière, la délégation de pouvoirs qui réunit toutes les conditions de forme et de fond entraîne le transfert de la responsabilité pénale du dirigeant chef d'entreprise sur le préposé auteur de l'infraction pénale. Le délégataire est en effet considéré comme un « représentant » de l'entreprise personnifiée. Il s’ensuit alors une exonération de la responsabilité pénale du chef d’entreprise déléguant son pouvoir.
La délégation de pouvoirs n’est cependant pas exclusive de la responsabilité pénale de la personne morale impliquée dans la commission de l’infraction. Cette responsabilité est engagée par le délégataire du fait de ses infractions non intentionnelles commises dans le cadre de sa mission, dès lors qu'il intervient dans le cadre de la délégation pour le compte de la société en qualité de représentant de cette dernière.
6. La délégation du pouvoir de licencier, par Marie Rakotovahiny, MCF-HDR Droit privé, Université Toulouse III
Au carrefour du droit des sociétés et du droit du travail, la délégation du pouvoir de licencier au sein d’une société ou d’un groupe de sociétés est un mécanisme né de la pratique dont le régime juridique s’élabore au gré des solutions jurisprudentielles. Cette délégation participe d’une organisation de l’entreprise déconcentrée dans la mesure où le pouvoir de gestion est réparti entre plusieurs personnes. Elle implique fondamentalement l’existence d’une relation hiérarchique entre le dirigeant, représentant légal de la société et le salarié, bénéficiaire de la délégation du pouvoir de licencier.
Que la délégation soit explicite ou fonctionnelle, le salarié délégataire doit disposer des moyens, des compétences et de l’autorité nécessaires pour mener à bien la mission déléguée. Le délégataire bénéficie d’une autonomie dans l’exercice du pouvoir de licencier à l’égard du délégant, qui ne peut nullement entraver l’exercice de son pouvoir décisionnel. Dès lors qu’elle est mise en œuvre dans le périmètre préalablement délimité, la délégation du pouvoir de licencier produit ses effets à l’égard des tiers qui sont en droit de considérer que la personne morale est redevable des conséquences de l’acte.
La question soulève des difficultés et des interrogations lorsque le délégataire agit sans pouvoir ou excède le pouvoir délégué.
7. Déléguer le pouvoir de déclarer une créance, par Thierry Favario, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3
La déclaration de créance est l’acte fondateur du créancier dont le débiteur fait l’objet d’une procédure collective. Ce créancier peut être une personne physique ou morale. Selon la complexité de sa structure interne, il n’est pas rare que le pouvoir de déclarer une créance soit délégué. Aux difficultés liées au régime juridique de la déclaration de créance se combinent alors celles liées à la technique de la délégation de pouvoir.
Est-il utile de préciser que la délégation du pouvoir de déclarer une créance a suscité un important contentieux, principalement motivé par les effets liés à l’irrégularité d’une telle déclaration ?
Un contentieux aussi important qu’artificiel pour lequel le juge et le législateur ont pris le parti de tarir. La délégation du pouvoir de déclarer une créance est toujours un acte d’une grande importance pratique ; elle s’inscrit cependant aujourd’hui dans un contexte judiciaire beaucoup plus apaisé.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484665
Réf. : Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-24.650, F-B N° Lexbase : A92149GD
Lecture: 3 min
N4682BZG
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Vincent Téchené
Le 20 Mars 2023
► En cas de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire au cours ou à l'issue de la période d'observation, l'insuffisance d'actif ne peut être prononcée en raison de fautes commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire.
Faits et procédure. Le 13 juillet 2016, une société a été mise en redressement judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 juillet 2017, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 janvier 2015. Soutenant que le gérant avait commis différentes fautes de gestion, le liquidateur l'a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif.
La cour d’appel (CA Amiens, 23 septembre 2021, n° 21/00452 N° Lexbase : A211447G) a rejeté la demande de sanction en raison de la poursuite d'une activité déficitaire depuis le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 13 juillet 2016 jusqu’à l'arrêt du 24 mai 2018. Le liquidateur a donc formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation rappelle que seules des fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour l'application de l'article L. 651-2 du Code de commerce N° Lexbase : L3796HB9. En outre, lorsque la liquidation judiciaire d'un débiteur est prononcée, au cours ou à l'issue de la période d'observation d'un redressement judiciaire, le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure. Il s'en déduit, selon la Cour, qu'une sanction ne peut, dans cette dernière hypothèse, être prononcée sur le fondement de ce texte en raison de fautes commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire.
En l’espèce la cour d’appel statuait bien sur une action en responsabilité pour insuffisance d'actif exercée par le liquidateur contre le dirigeant de la débitrice dont le redressement judiciaire avait été converti en liquidation judiciaire. Par conséquent, pour la Haute juridiction, l'arrêt d’appel en a exactement déduit que la poursuite d'une activité déficitaire entre le 13 juillet 2016, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire et l'arrêt de la cour d'appel du 24 mai 2018 confirmant, après l'arrêt par le premier président de son exécution provisoire, le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire, c'est-à-dire pendant la période d'observation du redressement judiciaire, ne peut justifier une mesure de sanction sur le fondement de l'article L. 651-2 du Code de commerce.
Observations. Au contraire, la Cour de cassation a retenu qu’en cas de résolution du plan de redressement et ouverture d’une liquidation judiciaire, ni le jugement ouvrant le redressement judiciaire, ni celui arrêtant le plan de redressement n’exonèrent le dirigeant social de sa responsabilité et les fautes de gestion commises pendant la période d’observation du redressement judiciaire, comme pendant l’exécution du plan, peuvent être prises en considération pour fonder l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif dès lors qu’elles sont antérieures au jugement de liquidation judiciaire (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 18-17.030, F-P+B N° Lexbase : A60653CM, Ch. Lebel, comm., Lexbase Affaires, février 2020, n° 623 N° Lexbase : N2159BYM). La situation est donc différente selon que le redressement est converti en liquidation judiciaire ou qu’on est en présence d’une résolution du plan et ouverture d’une procédure de liquidation : dans le premier cas le prononcé de la liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure ; au contraire dans le second cas, le jugement ouvre une procédure.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, La nécessite de caractériser une faute de gestion antérieure à l'ouverture de la procédure de la personne morale, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0856E9L. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484682
Réf. : Rapport du 7 décembre 2022, « Le traitement pénal du contentieux de l’environnement »
Lecture: 7 min
N4653BZD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 24 Août 2023
Mots clés : droit pénal de l’environnement • moyens financiers • délits environnementaux • pôles régionaux de l’environnement • accessibilité du droit
Le 7 décembre 2022, le groupe de travail relatif au droit pénal de l’environnement présidé par M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, a présenté les conclusions de son rapport intitulé « Le traitement pénal du contentieux de l’environnement ». Pour pallier l’insuffisance des moyens humains et matériels et le manque d’ambition dans la mise en œuvre des politiques affichées en la matière, ce rapport préconise notamment trois pistes de réflexion : le renforcement de la coordination et du dialogue des différents acteurs du contentieux, la modification de l’organisation judiciaire au service de l’efficacité du traitement du contentieux de l’environnement et l’amélioration de la réponse pénale et de son suivi. Pour faire le point sur cette thématique, Lexbase Public a interrogé François Molins*.
Lexbase : Quelles sont selon vous les principales défaillances observées dans le traitement du contentieux pénal de l’environnement ?
François Molins : Aujourd’hui, les moyens alloués à la justice pour traiter du contentieux pénal de l’environnement ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées, et ne permettent pas de lutter efficacement contre les multiples atteintes portées quotidiennement à l’environnement. La place donnée aux délits environnementaux reste encore trop anecdotique dans les tribunaux, alors que leur nombre ne cesse de croître. Les atteintes à l’environnement ne représentent qu’1 % de l’ensemble des affaires pénales. Ce n’est pas normal.
Mais le droit pénal de l’environnement a été remodelé par l’ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012, portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l'environnement N° Lexbase : L7242IRN, qui a généralisé le principe des sanctions administratives, si bien que le volet pénal intervient souvent de façon subsidiaire, lorsque la sanction administrative, à travers les mises en demeure ou les amendes administratives, n’a pas permis de régler la situation.
Et lorsque les procédures sont traitées judiciairement, elles font l’objet pour un peu plus de 60 % d’entre elles, d’une alternative aux poursuites.
Ces réponses sont bien sûr très utiles et ont permis d’augmenter significativement le taux de réponse judiciaire aux infractions environnementales. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment du procès. Et il faut également pouvoir sanctionner rapidement et fermement les comportements délictueux les plus graves.
Mais le droit pénal de l’environnement est un droit extrêmement technique, et éparpillé dans plusieurs codes et textes de loi, ce qui en rend sa maîtrise d’autant plus difficile. ll exige des compétences qui nécessitent une véritable spécialisation de tous les intervenants, enquêteurs comme magistrats. Et il nécessite qu’on lui consacre du temps. Or, les enquêteurs spécialisés sont trop peu nombreux et aucun magistrat aujourd’hui, que ce soit au parquet ou au siège, et ce, malgré la création de pôles régionaux de l’environnement, n’exerce ce contentieux à plein temps.
Lexbase : Comment faire en sorte que les différents acteurs impliqués dans la lutte contre les atteintes à l’environnement travaillent davantage en symbiose ?
François Molins : Aujourd’hui, les services d’enquête ne sont pas assez centralisés, ni assez spécialisés. Il y a l’Office français de la biodiversité (OFB) avec des enquêteurs qui n’ont pas tous les mêmes pouvoirs. Il y a également un service national avec l’OCLAESP mais qui s’occupe en réalité plus de santé publique que d’environnement. Si la fusion de l’Agence française de la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage est déjà une avancée, les missions du service d’enquête ne sont pas seulement judiciaires. Or il est important d’avoir non seulement une vraie expérience dans la biodiversité, mais il faut aussi une réelle maîtrise de la procédure judiciaire pour monter des enquêtes.
Dans le cadre de la réflexion que nous avons menée au sein du groupe de travail que j’ai initié, nous avons proposé la création d’un service spécialisé d’enquêtes à compétence nationale qui pourrait mener plus efficacement des enquêtes sous la direction des parquets et des juges d’instruction pour les faits les plus importants, les plus graves.
Il faut aussi que les enquêteurs, comme les magistrats en charge de ce contentieux très spécifique, puissent s’y consacrer plus pleinement. Il faut organiser des formations dédiées communes aux magistrats, inspecteurs de l’environnement et enquêteurs de la police judiciaire. Il est aussi important que tous ces acteurs puissent échanger. Cela passe par exemple par la création de comités opérationnels, chargés de réunir périodiquement tous les acteurs judiciaires et administratifs, dans chaque département.
Enfin, il est important que les acteurs de ce contentieux échangent sur leurs bonnes pratiques. Et je sais que certaines initiatives très constructives ont été mises en place grâce à de jeunes collègues très motivés. Je pense notamment au collectif « les robes vertes ».
Lexbase : Comment améliorer efficacement la réponse pénale en la matière ?
François Molins : Notre groupe de travail a proposé un certain nombre de recommandations sur ce point.
Tout d’abord, il serait utile de réunir tous les textes dans un seul et même code afin que le droit en la matière ne soit plus aussi dispersé. Une meilleure accessibilité du droit de l’environnement permettrait de faciliter la spécialisation des acteurs judiciaires.
Le groupe de travail a également proposé la création d’un véritable délit de mise en danger de l’environnement. Dans le Code pénal aujourd’hui, la mise en danger délibérée est une infraction générale et autonome. Ce n’est pas le cas de la nouvelle incrimination instaurée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R, qui ne crée en réalité qu’une simple circonstance aggravante et uniquement de trois séries d’infractions limitativement énumérées par loi. De plus, l’aggravation prévue par ce texte a été conçue en termes très restrictifs qui réduisent beaucoup les possibilités de prononcer ces peines aggravées. L’exposition au risque doit en effet être directe et non indirecte, et elle doit consister en un « risque immédiat d'atteinte grave et durable ».
Concernant les sanctions pénales, je pense que plus que des peines de prison, il faut renforcer le niveau des amendes car, en général, quand on viole la réglementation, c’est pour faire des économies. On pourrait être extrêmement dissuasif si on prévoyait des amendes beaucoup plus fortes, notamment pour les entreprises polluantes.
Enfin, dans le cadre du rapport rendu par le groupe de travail mis en place à la Cour de cassation, nous préconisons le recours à deux procédures qui ne sont pas encore assez usitées aujourd’hui.
Il s’agit d’abord de renforcer le recours à la procédure de référé - le référé environnemental est prévu à l’article L. 216-3 du Code de l’environnement N° Lexbase : L0323MDC - car en matière environnementale, il convient souvent d’agir vite sans attendre que le dommage environnemental ne s’aggrave et ne devienne irrémédiable. Le procureur de la République doit donc être très actif en la matière car son rôle est bien de défendre l’ordre public environnemental.
Il s’agit ensuite du recours à la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) qui permet au parquet – sous réserve de l’homologation du juge – de proposer à la personne qui a commis l’infraction environnementale de payer une amende de composition, de réparer le dommage subi, et surtout, de proposer un programme de mise en conformité. A ce jour, 9 CJIP ont été signées, et c’est un outil qui permet d’avoir des résultats très intéressants et qui est particulièrement adapté pour les entreprises. Je pense qu’il est donc très important de le développer. Il est apparu intéressant au groupe de travail de proposer que le montant des amendes récupéré dans ce cadre puisse être affecté à des actions pour la protection de l’environnement.
Lexbase : N'y a-t-il pas un risque que toutes les pistes d'amélioration se heurtent à l'éternel problème du manque de moyens alloués ?
François Molins : Bien sûr que le manque de moyens alloués à la lutte contre les atteintes à l’environnement reste un obstacle majeur. Et si le politique ne veut pas prendre à bras le corps cette question en affirmant que la lutte contre les atteintes à l’environnement est une priorité de politique pénale et qu’il est nécessaire de prévoir des moyens supplémentaires pour ce faire, rien n’avancera vraiment.
Mais il y a déjà eu des choses de faites : la création de pôles régionaux en est une. Il faut effectivement leur donner vie maintenant. De même que l’annonce faite par le ministre de l’intérieur de la création de 3 000 postes de « gendarmes verts ».
Et je préfère rester optimiste ! Si les pistes d’amélioration proposées convainquent, alors le reste suivra peut-être…
* Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484653
Réf. : Loi n° 2023-175, du 10 mars 2023, relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables N° Lexbase : L1382MHN
Lecture: 2 min
N4649BZ9
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll
Le 15 Mars 2023
► La loi n° 2023-175, du 10 mars 2023, relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, publiée au Journal officiel du 11 mars 2023, vise pour atteindre cet objectif à libérer le foncier nécessaire, accélérer le déploiement de l’éolien en mer et améliorer le financement et l’attractivité des projets d’énergie renouvelable.
Elle vise tout d’abord à la prise de mesures favorisant l’appropriation territoriale des énergies renouvelables et leur bonne insertion paysagère, les projets devant prendre en compte les paysages vécus et leurs composantes naturelles, historiques et socio-culturelles et limiter les effets de saturation visuelle.
Elle vise ensuite à accélérer les projets industriels nécessaires à la transition énergétique. La carte communale peut délimiter des secteurs dans lesquels est soumise à conditions l'implantation d'installations de production d'énergies renouvelables, dès lors qu'elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l'usage des terrains situés à proximité ou qu'elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des installations dans le milieu environnant.
Elle comprend ensuite des mesures tendant à l’accélération du développement de l’énergie solaire, thermique, photovoltaïque et agrivoltaïque. Ainsi, les ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique peuvent être autorisés sur des friches ou des bassins industriels de saumure saturée.
Cette autorisation est subordonnée à la condition que le projet ne soit pas de nature à porter atteinte à l'environnement, notamment à la biodiversité ou aux paysages et à la salubrité ou à la sécurité publiques, en fonctionnement normal comme en cas d'incident ou d'accident. En outre, les parcs de stationnement extérieurs d'une superficie supérieure à 1 500 mètres carrés sont équipés, sur au moins la moitié de cette superficie, d'ombrières intégrant un procédé de production d'énergies renouvelables sur la totalité de leur partie supérieure assurant l'ombrage.
Elle comprend enfin des mesures tendant à l’accélération du développement des installations de production et des mesures transversales de financement des énergies renouvelables et de récupération de partage de la valeur.
Précision. La loi avait été validée par les Sages, exception faite de quelques cavaliers législatifs (Cons. const., décision n° 2023-848 DC, du 9 mars 2023 N° Lexbase : A14159HU).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484649
Réf. : Décret n° 2023-176, du 10 mars 2023, fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réduction d'impôt pour souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises issues de l'article 17 de la loi n° 2022-1726, du 30 décembre 2022, de finances pour 2023 N° Lexbase : L1383MHP
Lecture: 2 min
N4675BZ8
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le 15 Mars 2023
► Le décret n° 2023-176, du 10 mars 2023, publié au Journal officiel du 11 mars 2023, proroge la date limite d’applicabilité des dispositions relatives à la réduction d’impôt pour souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises du dispositif Madelin.
Rappel. Le dispositif Madelin IR-PME créé en 1994 est un système d’incitation à l’investissement de l’épargne privé destiné à encourager les contribuables à acquérir des titres d’entreprise. En contrepartie de leur engagement, les contribuables bénéficient d’une réduction au titre de leur impôt sur le revenu. Le bénéfice de ce dispositif est soumis à certaines conditions (CGI, art. 199 terdecies-0 A N° Lexbase : L5070MGU) :
|
Historiquement, le taux de l’avantage fiscal était fixé à 18 %. Un taux majoré a été prévu pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2020. L’article 19 de la loi n° 2021-953, du 19 juillet 2021, de finances rectificative pour 2021 N° Lexbase : L1967L7Y a prorogé le taux de 25 % de réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription au capital de petites et moyennes entreprises effectuée jusqu’au 31 décembre 2022. Innovations Faisant suite à la décision de la Commission européenne du 16 février 2023 en faveur de la mesure, le décret n° 2023-176, en date du 10 mars 2023 a prorogé le taux majoré de 25 % de la réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription au capital de petites et moyennes entreprises (PME). Cette réduction d’impôt est ainsi applicable aux versements effectués jusqu’au 31 décembre 2023 (loi n° 2022-1726, du 30 décembre 2022, de finances pour 2023, art. 17 I N° Lexbase : L4794MGN) et a vocation à s’appliquer aux souscriptions en numéraire au capital de PME, quelle qu’en soit la forme (investissements directs, indirects, fonds d’investissements de proximité, souscriptions au capital des entreprises solidaires d’utilité sociale). |
Le dispositif IR-PME applicable jusqu’au 31 décembre 2023 |
|
Descriptif du mécanisme |
Souscriptions en numéraire au capital de PME : - 50 000 euros (personne seule) ; 100 000,00 euros (couples mariés ou pacsés) - 12 000 euros (personne seule) ; 24 000 euros (couples mariés ou pacsés) pour les FCPI / FIP |
Taux de réduction fiscale |
25,00 % de réduction d’IR |
Montant maximum de réduction fiscale |
12 500 euros |
Durée d’engagement |
Cinq ans |
Effet de la réduction fiscale |
Effet immédiat |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484675
Lecture: 18 min
N4702BZ8
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine
Le 15 Mars 2023
Mots-clés : sociétés agricoles • cession de titres • impôt sur le revenu • rémunération de l’associé
1.- Les sociétés de personnes constituent un véritable « sac d’embrouilles [1] ». Les sociétés relevant de l’article 8 du Code général des impôts voient leurs résultats déterminés selon la catégorie d’imposition dont relève leur activité.
Les associés des sociétés de personnes sont imposés à l’impôt sur le revenu en fonction de leur quote-part de détention.
Comme nous avons pu le voir dans le cadre d’articles précédents [2], les modalités de calcul des plus-values afférentes à la cession des titres d’une société de personnes présentent en soi une difficulté pratique, notamment en raison des retraitements à effectuer au niveau du prix de revient de ceux-ci.
2.- La rémunération des associés de sociétés de personnes est susceptible de présenter des difficultés de qualification. Si la situation semblait jusqu’à présent bien établie, la cour administrative d’appel de Nantes [3] est venue mettre la « zizanie » dans ce calme apparent, obligeant ainsi le praticien à danser sur une valse à trois temps.
3.- Jusqu’à présent, au vu de la jurisprudence dont nous dresserons un état des lieux, la rémunération de l’associé était susceptible d’être qualifiée de bénéfices, étant entendu, que celui-ci est imposé dans la catégorie d’imposition auquel se rapporte l’activité exercée (I). La jurisprudence a également pu considérer, dans certaines situations, qu’il s’agissait d’un élément du prix d’acquisition des titres (II, A).
4.- La cour administrative d’appel de Nantes a ajouté une nouvelle qualification possible, celle de bénéfices non commerciaux (II, B). Cette qualification est susceptible de générer des difficultés pratiques qu’il convient d’analyser.
I. La rémunération de l’associé est en principe considérée comme une modalité de répartition du bénéfice
A. En principe, seuls les associés présents à la date de clôture sont imposés
5.- Avant toute chose, il convient de rappeler que les associés sont réputés être attributaires des bénéfices sociaux à la date de clôture de la société de personnes, peu importe si à cette date les bénéfices n’ont pas encore été appréhendés.
6.- Ce sont les associés présents à la clôture de l’exercice qui sont ainsi réputés attributaires du bénéfice, et qui font par conséquent l’objet d’une imposition. Cette situation est ainsi susceptible de générer des difficultés pour l’associé sortant. Ici, en pratique, il est fréquent d’intégrer pour celui-ci, dans le prix de cession, la quote-part de bénéfice lui revenant.
7.- Le Code général des impôts permet de déroger à cette règle, tant en ce qui concerne les bénéfices agricoles, que pour les bénéfices non commerciaux.
En matière agricole, l’article 73 D du Code général des impôts N° Lexbase : L1730HLN [4] permet en cas de cession de parts ou de transmission à titre gratuit, de déterminer un résultat fiscal intermédiaire. L’application de ce mécanisme permet à l’associé quittant la société ou à ses ayants droit d’être imposés à hauteur de leur quote-part de détention des bénéfices agricoles. Le nouvel associé sera quant à lui imposable sur la part correspondant à ses droits dans le bénéfice réalisé par la société au cours de l’exercice où est intervenue la transmission, diminuée de la part de résultat imposée au nom de l’associé à hauteur de la transmission.
8.- L’article 93 B N° Lexbase : L1988HL9 [5] du Code général des impôts prévoit un régime similaire au cas des bénéfices non commerciaux. Ce régime s’applique également en cas de transmission ou de rachat des parts de la société. Il s’agit là encore d’un régime optionnel comme peut l’être l’article 73 D du Code général des impôts.
9.- En dehors de ces mécanismes exceptionnels et optionnels, c’est la clôture de l’exercice qui constitue le fait générateur de l’impôt sur le revenu.
L’administration fiscale [6] reprend ici la position du Conseil d’État [7], qui est clairement établi maintenant.
B. La rémunération de l’associé n’est pas une charge déductible mais un bénéfice
10.- Ainsi, comme le soulignait déjà Maurice Cozian [8] l’associé est à cet égard placé dans la même situation que l’entrepreneur individuel soumis à l’impôt sur le revenu. Ce principe qui vaut pour la situation où l’activité est bénéficiaire, trouve également une application en cas de situation déficitaire, l’associé pouvant dans ce cas, directement imputer le déficit. C’est d’ailleurs, cette particularité qui explique le raisonnement particulier devant être mené sur la détermination du prix de revient fiscal des parts.
11.- Concernant les charges, tout comme l’entrepreneur individuel, certaines ne peuvent pas faire l’objet d’une déduction au niveau du bénéfice imposable. Les salaires que se verse l’entrepreneur individuel ne sont pas déductibles du bénéfice imposable. En revanche, le salaire du conjoint de l’exploitant est déductible.
On retrouve exactement le même régime pour les sociétés de personnes [9]: « Les appointements prélevés par les associés de ces sociétés doivent demeurer compris dans les bénéfices de l'entreprise. En effet, les intéressés doivent être considérés comme des chefs d'entreprises indéfiniment responsables des dettes sociales en leur qualité de copropriétaires de l'affaire. Par suite, la rémunération de leur travail personnel ou de leur collaboration à la gestion de l'entreprise s'opère normalement par la répartition, à leur profit, des bénéfices sociaux ».
12.- Cette rémunération est considérée comme une modalité de répartition du bénéfice. Dès lors, la rémunération revenant à l’associé fait l’objet d’un retraitement extracomptable.
Pour bien comprendre, prenons l’exemple suivant. La SCEA les Fourmis de la Terre a trois associés :
La SCEA réalise un bénéfice net comptable de 300 000 euros. Chacun est associé à hauteur de 1/3. Germain perçoit une rémunération de 30 000 euros et Alexandre de 40 000 euros. Le résultat fiscal s’élève à 370 000 euros. Ainsi, chacun sera imposable sur les sommes suivantes :
|
13.- Bien évidemment, chacun pourra déduire de la quote-part de bénéfice lui revenant ses cotisations sociales personnelles.
Par ailleurs, le Conseil d’État [10] a tiré depuis longtemps les conséquences de la qualification de bénéfice de cette rémunération, en estimant que celle-ci ne pouvait être soumise à l’acte anormal de gestion.
14.- Cette question de la qualification de la rémunération pourrait amener à des interrogations concernant l’application de certains mécanismes bâtis sur la quote-part de bénéfices. On peut notamment penser à l’application du régime d’exonération des plus-values professionnelles en fonction du chiffre d’affaires [11] (CGI, art. 151 septies N° Lexbase : L4192LI4) au cas des sociétés agricoles.
15.- En effet, pour l’application de l’article 151 septies du Code général des impôts, l’article 70 du même Code permet de raisonner au niveau de l’associé « exploitant », et non au niveau de la société, en retenant la quote-part de chiffre d’affaires. Ici, l’administration fiscale [12] précise qu’il convient de tenir compte, comme clef de réparation, de la clef de répartition du bénéfice comptable tel qu’elle résulte du pacte social.
16.- Le Conseil d’État[13] adopte une ligne de conduite similaire. Celui-ci précise : « Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires des dispositions de la loi du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectificative pour 2001 et de la loi du 27 décembre 2008 portant loi de finances pour 2009 relatives à l'article 70 du code général des impôts, que la fraction des recettes réalisées par une société ou un groupement dont il est tenu compte pour ses associés, en application du quatrième alinéa du IV, est calculée en fonction de la proportion de leurs droits dans les bénéfices comptables de la société ou du groupement, tels qu'ils résultent du pacte social.
[…] Les bénéfices comptables de la SCEA […], qui relevait du régime d'imposition prévu par l'article 8 du code général des impôts, ont été calculés, conformément au paragraphe 3 de l'article 23 des statuts de cette société, après déduction des rémunérations de 22 800 et 24 000 euros, qui ont été versées à M. B...à raison de l'activité qu'il a accomplie au sein de la société lors de chacun de ces exercices, et d'autre part, que pour déterminer la proportion de droits du requérant au regard de laquelle est calculée la fraction des recettes visée par le IV de l'article 151 septies, l'administration a ajouté ces rémunérations au tiers du bénéfice comptable qui devait lui revenir. En jugeant que ces rémunérations avaient été réintégrées à bon droit par l'administration au seul motif que, au regard de la loi fiscale, elles ne constituent pas une charge déductible mais elles sont réputées être comprises dans le bénéfice distribué aux associés, la cour a commis une erreur de droit ».
17.- On comprend ainsi que les rémunérations versées à l’associé de la société agricole ne viennent pas majorer la quote-part de bénéfices prise en compte pour déterminer la référence de chiffre d’affaires de ce dernier.
18.- Cette rémunération peut donner lieu à des qualifications différentes.
II. Quand la cession des parts est susceptible de changer la qualification
A. Quel impact du versement d’une rémunération après la cession des parts ?
19.- La cession des titres est-elle susceptible d’avoir un impact sur la qualification de la rémunération. Ici, le Conseil d’État [14] a pu considérer que la rémunération versée après la cession des titres à l’ancien associé, en raison de l’activité exercée pour la période antérieure à cette cession, ne changeait pas de nature.
20.- Ainsi, ces versements restent qualifiés de bénéfices et non de salaires.
21.- Il convient de distinguer cette situation du cas où une partie du bénéfice est attribué à l’associé sortant, alors même que l’exercice n’est pas encore clos. En effet, s’il est en principe possible de déroger au pacte social quant à la répartition du bénéfice entre les sociétés, encore faut-il que la convention soit antérieure à la clôture de l’exercice [15].
Une convention postérieure à la clôture de l’exercice n’est pas opposable à l’administration fiscale.
22.- Faut-il pour autant aller jusqu’à considérer que cette logique de répartition dérogatoire puisse trouver à s’appliquer au cas de l’associé retrayant ?
Les conclusions du rapporteur public Julien Boucher [16] sont particulièrement éclairantes sur ce sujet.
Le rapporteur public rappelle ici le principe, vu précédemment, selon lequel, le fait générateur de l’imposition est la clôture de l’exercice. L’associé qui perd sa qualité d’associé en cours d’exercice ne peut pas faire l’objet d’une imposition.
L’arrêt rendu par le Conseil d’État en date 28 mars 2012 concluait ainsi à l’absence d’incidence d’une telle convention sur le principe d’imposition des associés présents à la clôture.
Une telle imposition entre les mains de l’associé sortant, à une date à laquelle le bénéfice n’a pas été réalisé paraît en effet délicat, car pour reprendre les conclusions de Christian Schricke [17], reprises par le rapporteur public Julien Boucher, « c’est faire abstraction de l’unité de l’entreprise exploitée par la société et des règles qui imposent que son bénéfice soit déterminé globalement et seulement ensuite imposé entre les mains de ses associés proportionnellement à leurs droits ».
23.- Allant au bout de cette logique tant l’administration fiscale [18], que la jurisprudence [19] ont pu considérer qu’il s’agissait d’une modalité transactionnelle de paiement du prix d’acquisition des parts.
La cour administrative d’appel de Bordeaux (voir note 19) précise ainsi : « Considérant que le fait générateur de l'imposition est constitué par le résultat réalisé par la société à la date de clôture de l'exercice social ; que la convention du 4 novembre 1997 n'avait pas pour objet, ni pour effet de modifier la date de clôture de l'exercice ; qu'elle ne saurait non plus être regardée comme une modalité nouvelle d'affectation des résultats, dès lors que la société ne comportait plus qu'un seul associé à la clôture de l'exercice, mais comme la modalité transactionnelle du paiement de l'acquisition des parts ».
24.- Dans cette affaire, un père avait racheté 50 % des parts de son fils détenus dans une SNC le 4 novembre 1997. Le compte-courant du fils avait été débité de la moitié du bénéfice intercalaire de la société constaté au 31 juillet 1997. Le père, seul associé de la SNC à la clôture de l’exercice au 31 décembre 1997, n’avait déclaré que la partie du résultat annuel sous déduction de la quote-part du bénéfice intercalaire attribué à son fils.
25.- Ainsi, le père est imposé sur l’intégralité du résultat réalisé à la date de clôture. La partie du résultat intercalaire attribué au fils est ainsi vue comme une modalité d’utilisation du résultat revenant au père, et comme une modalité transactionnelle du paiement des parts des parts du fils.
Le père est ainsi imposé sur les bénéfices réalisés, et le fils sur la vente des parts. Si on suit la logique de la cour administrative d’appel de Bordeaux, ces sommes revenant au fils devraient probablement être imposées, s’il exerçait son activité professionnelle dans la SNC, en tant que plus-value professionnelle.
Cette situation inviterait naturellement à s’interroger sur l’application des éventuels régimes d’exonération des plus-values professionnelles (CGI, art. 151 septies ; art. 238 quindecies).
26.- Il y a donc à ce stade plusieurs qualifications possibles en fonction de la situation de l’associé au sein de la société de personnes. La cour administrative d’appel de Nantes [20] en a ouvert une autre, notamment pour les sociétés agricoles, celle des bénéfices non commerciaux.
B. Le cas des rémunérations perçues par l’associé d’une société agricole depuis la fin du dernier exercice jusqu’à son retrait, et avant la clôture
27.- Le cas de l’associé d’une société agricole depuis la dernière clôture jusqu’à son retrait est une situation délicate. En effet, comme nous l’avons vu précédemment la rémunération de l’associé est considérée comme une modalité de répartition du bénéfice, et le fait générateur de l’imposition est notamment lié à la présence de l’associé à la date de clôture de l’exercice. La combinaison de ces deux principes est ainsi susceptible de poser des difficultés quant à l’imposition de ces sommes.
28.- C’est en partie ce qui peut expliquer le positionnement de la cour administrative d’appel de Nantes (CAA de Nantes, 16 novembre 2021, n° 20NT00908 N° Lexbase : A03947CL). Dans cette affaire, un GAEC avait pour associé un père et son fils. Celui-ci a été transformé en EARL. Le père s’est retiré en janvier 2011, avec effet rétroactif au 31 décembre 2010, en cédant ses parts à son fils et à son épouse. Le père a perçu 7 800 euros de rémunération.
Celle-ci a fait l’objet d’une réintégration au titre de l’exercice clos en 2011 dans le cadre d’une proposition de rectification portant sur les années 2011 à 2013.
29.- Cette situation pose clairement la question de l’imposition de la rémunération du travail en cas de sortie d’un associé en cours d’exercice.
Ici, la cour administrative d’appel de Nantes apporte la réponse suivante : « En outre, il est constant qu'aucun des intéressés n'a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article 73 D du Code général des impôts permettant, en cas de rachat en cours d'année par une personne physique de parts de sociétés de personnes exerçant une activité professionnelle non commerciale, que l'associé sortant soit immédiatement imposé d'après un résultat intermédiaire déterminé à la date du rachat, à concurrence de la quote-part correspondant à ses droits. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration a réintégré la somme de 7 800 euros dans les revenus agricoles de M. et Mme C... A... B..., à hauteur de leurs droits, alors même qu'ils n'ont pas effectivement perçu cette somme et que cette dernière a été déclarée au titre de l'impôt sur le revenu par M. D... A... B... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ».
30.- Dans cette affaire, le contribuable se défendait en soutenant que la rémunération versée au père était déductible des résultats de l’exploitation agricole au titre de l’exercice 2011, dès lors qu’il n’était plus associé à la clôture de l’exercice et n’avait pas le droit à une quote-part de bénéfice.
Cet arrêt met en exergue la limite de la qualification en tant que bénéfice des rémunérations perçues par l’associé d’une société agricole relevant de l’impôt sur le revenu.
On en arrive ainsi à la situation où la rémunération perçue par cet associé entre le dernier exercice et sa date de départ, ne peut pas être imposé entre ces mains.
31.- Sur ce point, le raisonnement de la cour administrative d’appel est cohérent au regard des principes vu ci-dessus. Celle-ci aboutit mécaniquement à imposer les associés sur une somme qu’ils n’ont par hypothèse pas perçue.
Cependant, la qualification en bénéfices non commerciaux des sommes perçues par l’associé sortant peut inviter à quelques interrogations, et ceux d’autant plus que le Conseil d’État [21] a eu l’occasion d’indiquer que les rémunérations perçues après la cession des titres, en raison de l’activité exercée pour la période antérieure ne changeaient pas la nature de ces sommes. Ici, il s’agit toujours de bénéfices, sauf que la catégorie d’imposition n’est pas la même en fonction de la date de sortie de l’associé et de l’utilisation ou non de l’article 73 D du Code général des impôts. Il peut paraître surprenant que de telles pratiques puissent permettre à l’associé sortant de choisir sa catégorie d’imposition.
32.- Faut-il y voir l’application de la clause balai de l’article 92 du Code général des impôts N° Lexbase : L5577MAS. Pour rappel, celui-ci dispose : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
33.- En revanche, il est vrai qu’en basculant sur la catégorie des bénéfices non commerciaux, l’administration fiscale aura plus de facilité à assujettir les rémunérations perçues par l’associé sortant dans cette configuration.
En effet, la catégorie des bénéfices non commerciaux étant bâtie sur une logique d’encaissement [22], il n’est ainsi pas nécessaire que l’associé soit présent à la clôture pour l’imposer.
En cas de rémunération conséquente, ce positionnement aboutirait à l’application du régime réel (déclaration contrôlée) et au dépôt d’une 2035. Cela rendrait ainsi d’autant plus stratégique les réflexions quant à la date de sortie ou bien éventuellement l’application de l’article 73 D du Code général des impôts.
34.- Si cette position devait être confirmée par le Conseil d’État, il y aurait nécessairement des interrogations sur l’application de la TVA dans certaines situations, voir sur la CET.
35.- Cet arrêt qui peut sembler logique sur certains aspects contribue à accroître les difficultés de compréhension et de fonctionnement du régime des sociétés de personnes.
En attendant une position du Conseil d’État sur ce point, les sociétés de personnes continuent d’être un véritable « sac d’embrouilles ».
[1] M. Cozian et A-S. Peignelin, « Un sac d’embrouilles » : le régime fiscal des sociétés de personnes relevant de l’impôt sur le revenu, Revue de droit fiscal n° 5, 2 février 1994.
[2] J. Mazeres, Plus-values sur cession de titres d’une société de personnes – attention aux modalités particulières de calcul !, Lexbase Fiscal, février 2023, n° 936 N° Lexbase : N4463BZC.
[3] CAA de Nantes, 16 novembre 2021, n° 20NT00908 N° Lexbase : A03947CL.
[4] BOI-BA-CESS-20 N° Lexbase : X5564ALN.
[5] BOI-BNC-SECT-80, n° 220 N° Lexbase : X6997ALQ.
[6] BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20 n° 260 N° Lexbase : X8162ALU.
[7] CE 7° et 8° ssr., 27 novembre 1974, n° 88113 N° Lexbase : A8767B89.
[8] Précis de fiscalité des entreprises, Maurice Cozian, Florence Deboissy, Martial Chadefaux, Lexis nexis, 44ème édition, p.365 n° 960.
[9] BOI-BIC-CHG-40-50-10 n° 160 N° Lexbase : X8815AL3.
[10] CE Contentieux, 31 mars 1978, n° 02273 N° Lexbase : A7676AYX.
[11] Pour une synthèse des conditions d’application, Les fourmis du patrimoine, Plus-values values professionnelles et exonération en fonction du chiffre d’affaires [en ligne].
[12] BOI-BA-BASE-20-20-30-30 n° 110 à jour au 7 septembre 2016 N° Lexbase : X9001ALX.
[13] CE 3° et 8° ch.-r., 14 novembre 2018, n° 407063, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1650YLP.
[14] CE 7° ssr., 9 novembre 1966, n° 62900 N° Lexbase : A6741B7S.
[15] BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20 n° 40 N° Lexbase : X8162ALU.
[16] CE 9° et 10° ssr., 28 mars 2012, n° 320570, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7571IGI.
[17] CE Contentieux, 10 juin 1983, n° 28922 N° Lexbase : A9123ALH.
[18] QE n° 718 de M. Péricard Michel, JOANQ 10 mai 1993, réponse publ. 30 août 1993, p. 2707, 10ème législature [en ligne] ; BOI-BNC-CESS-10-10 n° 90 N° Lexbase : X6586ALI.
[19] CAA Bordeaux, 28 décembre 2006, n° 04BX00488 N° Lexbase : A4327DUS.
[20] Voir note 3.
[21] Voir note 14.
[22] BOI-BNC-BASE-20-10-10, du 6 juillet 2016 N° Lexbase : X6971ALR.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484702
Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 8 mars 2023, n° 456390, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A14199HZ
Lecture: 3 min
N4630BZI
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll
Le 15 Mars 2023
► Dès lors qu’un agent a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) né des séquelles d'un accident de la circulation imputable au service, cet AVC doit lui aussi être considéré comme imputable au service.
Faits. Une agente technique employée par une commune a été victime d'un accident de la circulation. Le 21 mars 2013, alors qu'elle était placée en congé de longue maladie dans l'attente de l'avis du comité médical, elle a été victime d'une rupture d'anévrisme ayant entraîné un AVC. Par un arrêté du 20 janvier 2014, l'accident de la circulation a été reconnu imputable au service et l’intéressée a été placée en congé pour accident de service pour la période du 2 octobre 2012 au 20 mars 2013. Par une décision du 27 janvier 2015, le maire de la commune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des conséquences de l'accident vasculaire cérébral survenu le 21 mars 2013.
Position CE. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport de l'expert désigné par la cour administrative d'appel et des autres avis médicaux, que l’agente, qui n'avait pas d'antécédents neurologiques ou vasculaires, a développé, après l'accident de la circulation dont elle a été victime le 2 octobre 2012 et dont l'imputabilité au service a été reconnue, une hypertension artérielle, un syndrome de stress post-traumatique et des céphalées importantes. En outre, le traumatisme crânien subi à l'occasion de cet accident, associé à l'élévation anormale de la tension artérielle, exposait l'intéressée à un risque élevé de rupture d'anévrisme dans les mois suivants.
Ce rapport et les autres pièces médicales du dossier permettent d'établir avec certitude un lien direct entre la rupture d'anévrisme et l'accident de service dont l'agent a été victime. Par suite, l'accident vasculaire cérébral survenu était imputable au service.
Décision (censure CAA). En rejetant la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'AVC survenu le 21 mars 2013 au motif que les conclusions du rapport de l'expert ne reposaient que sur des probabilités et que ni ce rapport, ni les autres pièces médicales versées au dossier, ne permettaient d'établir avec certitude un lien direct entre la rupture d'anévrisme et l'accident de service dont la requérante a été victime, la cour administrative d’appel (CAA Marseille, 8 juillet 2021, n° 18MA03870 N° Lexbase : A33134ZQ) a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée.
Précisions rapporteur public. Selon Thomas Pez-Lavergne, il résulte de la jurisprudence récente du Conseil d’État, que « c’est le caractère direct du lien entre l’accident et le service, entre la maladie et le service ou entre la maladie et l’accident de service qui permet d’établir l’imputation » (voir CE, 3°-8° ch. réunies, 13 mars 2019, n° 407795, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6896Y3S). Dès lors, « en exigeant que le lien de la maladie avec le service ou l’accident soit certain, les juges d’appel ont écarté des pièces des dossiers qui permettaient pourtant d’établir, avec un degré de probabilité suffisamment élevé, le caractère direct de ce lien et partant l’imputabilité de leurs maladies. Ce faisant ils se sont trompés lorsqu’ils ont déterminé si la situation de fait des litiges correspondait aux exigences de la notion résultant de la règle de droit ; ils ont donc bien commis une erreur de qualification juridique des faits ».
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les conditions de travail dans la fonction publique territoriale, Les congés pour raison de santé, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E13213MU. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484630
Lecture: 13 min
N4660BZM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Damien Duchet, Avocat, Aguera Avocats
Le 15 Mars 2023
Mots clés : harcèlement sexuel • agissement constitutif d’un harcèlement • comportement et propos à caractère sexuel • obligation de sécurité • mesures de prévention • éléments probants
Depuis le 31 mars 2022, la définition du harcèlement sexuel prévu à l’article L. 1153-1 du Code du travail a été étendue, d’une part, aux propos et comportements à connotation sexiste et, d’autre part, à de nouvelles formes collectives de harcèlement, pour appréhender notamment plus facilement le harcèlement numérique.
Si cette nouvelle définition n’a pas été mise en pratique dans les décisions revues compte tenu de sa date d’entrée en vigueur en cours de procédure, il apparaît intéressant, dans le prolongement du précédent panorama réalisé [1], de présenter une sélection de décisions rendues en matière de harcèlement sexuel avant l’application du nouveau texte.
Panorama avec 20 décisions de cours d’appel sur le harcèlement sexuel.
I. Actes constitutifs
Agissements
| Qualification de harcèlement sexuel | Sanction disciplinaire / Dommages et intérêts | Décision | |
Gestes déplacés | Le fait, pour un salarié, de s’être livré à un attouchement sur la poitrine de la salariée, a porté atteinte à la dignité de la salariée, en raison de son caractère dégradant et offensant, et laisse présumer l’existence d’un harcèlement sexuel. | Oui | 10 000 € de dommages et intérêts (ancienneté du salarié : 10 ans et 3 mois lors du licenciement de la salariée) | CA Lyon, 12 janvier 2023, n° 19/07003 N° Lexbase : A585788G |
Constitue une situation de harcèlement sexuel le fait pour un salarié de montrer explicitement à ses collègues qu’il les « aime » en entretenant des relations proches, voire tactiles, d’embrasser régulièrement la salariée victime dans le creux de l’oreille pour la saluer, sans son consentement, de la prendre dans ses bras chaleureusement, de se frotter à elle, sachant que ce comportement a eu un retentissement psychologique sur la salariée qui a été placée en arrêt de travail pour stress post-traumatique, et ce, durant plusieurs mois. | Oui | Résiliation judiciaire aux torts de l’employeur | CA Rouen, 1er septembre 2022, n° 19/00447 N° Lexbase : A07878HM | |
Messages écrits | Le fait que les seuls messages produits par la salariée fassent apparaître des propositions de rencontre dans un café de la part du prétendu harceleur, non sans anticipation le cas échéant d’un refus auquel l’interlocuteur disait se soumettre et sans que les réponses que lui faisait la salariée n’établissent qu’elle se sentît contrariée, ne caractérise pas des faits de harcèlement sexuel, abstraction faite des dires de la salariée elle-même et des attestations de témoins produites ne détaillant pas comment ils auraient pu constater les nombreuses sollicitations évoquées par la salariée. | Non | N/A | CA Paris, 2 mars 2022, n° 19/05242 N° Lexbase : A18307PH |
La réitération des propos à connotation sexuelle tenus par le mis en cause à l’encontre de sa salariée caractérise un harcèlement sexuel : - il résulte des SMS produits par la salariée que le mis en cause lui avait tenu de manière répétée des propos déplacés et insistants, parfois à connotation sexuelle (« j’ai rêvé de toi cette nuit on faisait l’amour, gros bisous ma beauté »), et l’avait affublée de divers surnoms inappropriés à la relation de travail (« ma beauté », « ma poupée », « ma belle bombe », « ma douce »), sans que la salariée n’ait jamais répondu sur le même registre. Ces échanges dépassaient de loin le cadre habituel et normal des relations professionnelles et l’employeur ne peut faire valoir qu’il s'agissait de son mode habituel de communication ; | Oui | 4 000 € de dommages et intérêts (ancienneté du salarié : 2 ans et 9 mois lors du licenciement de la salariée) | CA Montpellier, 18 mai 2022, n° 20/03495 N° Lexbase : A43897XT | |
Constituent des faits de harcèlement sexuel : - l’envoi de messages équivoques et suggestifs établis par la production de SMS (« Je commence à vieillir ! Je pers la tête, à moins une ce soit toi qui me... », « Je te confirme que je conçois mal que tu puisses envisager de ne plus travailler avec moi ! Je ne peux même pas l’imaginer ! », « J’aurais aimé être là pour fêter avec toi ton anniversaire mais c’est partie remise. Je t’embrasse très fort ») ; - l’incitation à partager une seule chambre lors de déplacements professionnels. | Oui | 8 000 € de dommages et intérêts (ancienneté de la salariée : 3 ans et 6 mois ; rémunération brute de base : 3 500 €) | CA Aix-en-Provence, 29 septembre 2022, n° 19/09181 N° Lexbase : A37768PK | |
Propos inadaptés | Caractérisent une situation de harcèlement sexuel justifiant le licenciement pour faute grave du salarié : - des avances et tentatives de séduction à l’égard de la salariée, ainsi que des atteintes à sa réputation auprès des collègues avec de nombreuses plaisanteries à caractère sexuel ; | Oui | Licenciement pour faute grave justifié | CA Versailles, 8 février 2023, n° 21/02861 N° Lexbase : A71689CH |
Comportements inappropriés | Le fait pour un salarié, dans un cadre professionnel, de tenir à un collègue de travail, des propos insistants et répétés invitant à une relation, notamment de nature sexuelle, en dépit de la manifestation claire et non équivoque du collègue de mettre fin à la conversation, constitue une attitude inappropriée et déplacée. Une telle attitude, qui est de nature à porter préjudice à l’entente et aux relations d’ordre professionnel entre collègues, nécessaires à la bonne marche de l’entreprise, et au bien-être de chacun sur son lieu de travail, dont l’employeur demeure le garant, constitue un comportement fautif, justifiant un licenciement pour faute grave. | N/A | Licenciement pour faute grave justifié | CA Grenoble, 4 octobre 2022, n° 20/02029 N° Lexbase : A14588NC |
Culture d’entreprise | Les faits pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement sexuel, les pièces produites démontrant le caractère répété de ces agissements et le constat d’huissier produit confirmant qu’il existait une culture d’entreprise à connotation sexuelle à laquelle les salariés se sentaient obligés d’adhérer pour être intégrés, ce qui créait une pression implicite. | Oui | N/A | CA Agen, 13 décembre 2022, n° 21/00653 N° Lexbase : A87288ZB |
Consentement / Volonté mutuelle de séduction | Ne caractérisent pas une situation de harcèlement sexuel - des échanges électroniques à connotation amoureuse, exclusif de connotation sexuelle ou sexiste, relevant de l’expression d’une admiration confinant à la fascination et à l’obnubilation du mis en cause à l’égard de la salariée victime, qu’il trouve belle et séduisante, avec l’expression de sentiments hésitants entre l’amour romantique et l’amour parental, sans exercice d’une quelconque pression, ni même d’évocation ou d’insinuation, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, ni caractérisation d’une atteinte ou d’une situation hostile ou offensante ; - la relation de séduction platonique réciproque à laquelle la salariée a, de façon claire, volontairement participé sur un ton hésitant constamment entre le romantisme et l’affection filiale, voire le lyrisme. | Non | N/A | CA Riom, 28 juin 2022, n° 20/00220 N° Lexbase : A2708798 |
L’attitude ambiguë d’une salariée qui a volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, ou a expressément consenti à des relations de familiarités réciproques, exclut que les faits reprochés puissent être qualifié de harcèlement sexuel, à condition que l’ambiguïté soit caractérisée. | Non | N/A | CA Nîmes, 17 janvier 2023, n° 20/02123 N° Lexbase : A420989R | |
Les éléments produits par l’employeur démontrent qu’au cours de la période pendant laquelle il a employé la salariée, une relation sentimentale s’est établie entre eux. Ainsi, si la matérialité de relations sexuelles entre la salariée et son employeur est établie, les éléments produits par la salariée, notamment médicaux, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser présumer l’existence d’un ou plusieurs faits de harcèlement sexuel. | Non | N/A | CA Nancy, 30 juin 2022, n° 20/02266 N° Lexbase : A508679A | |
Pression grave et fait isolé | Le harcèlement sexuel est constitué lorsqu’il consiste en une pression grave même non répétée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle. Au cas d'espèce, est caractérisée cette pression grave exercée sur la salariée, alors qu’elle était placée sous l’autorité du mis en cause, celui-ci ayant décidé, en représailles de l’ignorer et cessé de lui donner toute instruction, peu important que les propos ou comportements n’aient pas été répétés. | Oui | N/A | CA Aix-en-Provence, 28 avril 2022, n° 19/14742 N° Lexbase : A69207UT |
II. Obligations de l’employeur
Faits | Dommages et intérêts | Décision | |
Manquement à l’obligation de sécurité - Défaut de prévention | S’il a eu connaissance de faits laissant présumer des actes de harcèlement sexuel, l’employeur doit immédiatement procéder à une enquête et engager une procédure disciplinaire dans les deux mois suivant la date à laquelle il a eu connaissance des reproches de la salariée harcelée. Or, l’employeur avisé de l’existence d’une situation délicate établie la salariée et son supérieur hiérarchique, sans immédiatement chercher à recueillir plus d’information en particulier dans le cadre d’une enquête, manque à son obligation de prévention. | 2 000 € | CA Douai, 17 février 2023, n° 20/01444 N° Lexbase : A94719GU |
Cumul - Dommages et intérêts au titre du harcèlement sexuel et dommages et intérêts au titre du manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement sexuel | Le manquement à l’obligation de prévention du harcèlement sexuel a causé un préjudice distinct à la salariée, accru du fait de sa mise à l’écart pendant quelques jours avant qu’elle ne soit en arrêt de travail, son isolement ayant été générateur d’une souffrance au travail. | 3 000 € au titre du harcèlement sexuel + 2 000 € au titre du manquement à l’obligation de prévention du harcèlement sexuel (ancienneté : 1 an) | CA Rouen, 10 mars 2022, n° 19/02448 N° Lexbase : A10807Q3 |
III. Effets de la rupture et harcèlement sexuel
Faits | Rupture produisant les effets d’un licenciement nul | Décision | |
Licenciement pour inaptitude | Les faits de harcèlement sexuel imputés au supérieur hiérarchique direct de la salariée, auxquels s’ajoutent le traitement à charge par l’employeur contre la salariée victime après la dénonciation des faits ainsi que l’avertissement injustifié prononcé, sont à l’origine de l’arrêt de travail prolongé de la salariée et de son inaptitude. Le licenciement pour inaptitude est ainsi nul. | Oui | CA Rennes, 17 mars 2022, n° 19/02691 N° Lexbase : A75857QY |
Prise d’acte de la rupture | La prise d’acte de la rupture fondée sur des faits de harcèlement sexuel, lesquels sont caractérisés, produit les effets d’un licenciement nul en application de l’article L. 1153-2 du Code du travail. | Oui | CA Pau, 9 juin 2022, n° 19/03953 N° Lexbase : A1973779 |
IV. Irrecevabilité des demandes et incompétence du juge prud’homal
Faits | Irrecevabilité de l’action devant le juge prud’homal / Incompétence | Décision | |
Incompétence du juge prud’homal | Le juge prud’homal est incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel, devant s’analyser comme une demande d’indemnisation des souffrances subies par la salariée dont elle a d’ores et déjà sollicité l’évaluation dans le cadre de l’expertise ordonnée par la juridiction de la sécurité sociale saisie pour reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par la salariée. | Oui | CA Rennes, 17 mars 2022, n° 19/02691 N° Lexbase : A75857QY |
Absence de cumul de dommages et intérêts au pénal et au civil - Autorité de la chose jugée | Le juge pénal ayant condamné le gérant du salon de coiffure employant la salariée à 10 000 € de dommages et intérêts en raison des actes de harcèlement sexuel et moral qu’elle a subis, l’action de la salariée devant le juge prud’homal fondée sur la même cause et contre la même personne, est irrecevable en ce qu’elle se heurte à l’autorité de chose jugée de l’arrêt pénal dès lors que la salariée a été indemnisée du préjudice résultant du comportement fautif de son employeur. | Oui | CA Caen, 2 juin 2022, n° 21/00831 N° Lexbase : A25148G9 |
V. Preuve
Faits | Licéité / Recevabilité | Décision | |
Condamnation pénale | Le juge prud’homal n’a pas à examiner si les faits présentés par la salariée laissent supposer un harcèlement sexuel dès lors que la matérialité d’un harcèlement sexuel de la salariée par l’employeur est admise du fait des agressions sexuelles judiciairement reconnues et sanctionnées. | N/A | CA Paris, 1er décembre 2022, n° 17/08844 N° Lexbase : A58198XS |
Absence d’éléments probants précis | La matérialité de faits précis et concordants laissant supposer un harcèlement sexuel n’est pas démontrée : - aucune pièce produite n’évoque objectivement la réalité d’attitudes ou propos à connotation sexuelle subis par cette dernière dans un cadre professionnel ; - les pièces produites évoquent principalement ses conditions de travail. | N/A | CA Paris, 11 mai 2022, n° 17/14332 N° Lexbase : A71177WI |
Témoignages identiques | Les témoignages, rédigés dans les mêmes termes, doivent être abordés avec circonspection et ne permettent pas de se convaincre de l’existence des faits de harcèlement sexuel allégués. | Non | CA Aix-en-Provence, 30 novembre 2022, n° 18/19899 N° Lexbase : A37158PB |
[1] D. Duchet, Harcèlement sexuel : panorama de décisions de cours d’appel (2021-2022), Lexbase Social, mars 2022, n° 896 N° Lexbase : N0573BZA.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484660
Réf. : Cass. crim., 15 mars 2023, n° 21-87.389, FP-B N° Lexbase : A60699HA
Lecture: 5 min
N4722BZW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Adélaïde Léon
Le 22 Mars 2023
► Hors le cas d'une erreur matérielle, la restitution au fait de son exacte date est de nature à emporter des conséquences juridiques au regard, notamment, de la qualification, de la prescription, de la détermination de la loi applicable ou de la compétence de la juridiction. En conséquence, les juges ne peuvent retenir, pour entrer en voie de condamnation, une date autre que celle visée par la prévention, sans que le prévenu ait été invité à s'expliquer sur cette modification.
Rappel des faits et de la procédure. Le 24 avril 2015, une femme née en 1994 a déposé plainte contre le compagnon de sa tante pour agression sexuelle. La plaignante a indiqué que les faits s’étaient déroulés dans la nuit du 1er, du 2 ou du 3 décembre 2011.
L’homme visé dans la plainte a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle incestueuse commise sur une victime mineure, entre le 1er et le 3 décembre 2011.
L’intéressé a relevé appel suivi par le ministère public qui a formé appel incident.
En cause d’appel. Après avoir constaté la réalité du fait dénoncé, la chambre de l’instruction a déclaré coupable le prévenu d’agression sexuelle aggravée et l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis.
S’agissant de la date des faits, l’arrêt attaqué énonce qu’ils n’ont pu être commis en 2011 comme l’indiquait la citation, mais l’ont été dans la nuit du 6 au 7 juin 2013.
S’agissant du caractère incestueux de l’agression sexuelle, la chambre correctionnelle de la cour d’appel s’est bornée à relever que les faits avaient été commis par le prévenu en qualité de personne liée par un pacte civil de solidarité à la tante de la victime.
Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir privé le prévenu de la possibilité de préparer sa défense en réunissant les éléments propres à établir que les faits dénoncés n’avaient pu se dérouler à la nouvelle date que la juridiction avait retenue et qui était distincte de celle visée à la prévention.
Il était également reproché à la cour d’appel de n’avoir pas invité le prévenu à se défendre sur la circonstance aggravante du caractère incestueux qu’elle a retenue d’office.
Enfin, le pourvoi soutenait que le caractère incestueux ne pouvait être retenu en l’espèce sans que la cour ne constate l’existence d’une autorité de droit ou de fait sur la plaignante.
Décision. La Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa des articles 6, § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR et 222-22-3 du Code pénal N° Lexbase : L2620L4S et 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC.
S’agissant de la date des faits, la Cour rappelle dans un premier temps que les juges ne peuvent, en application de l’article 388 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3795AZL, statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n’accepte expressément d’être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention (Cass. crim., 19 avril 2005, n° 04-83.879, F-P+F N° Lexbase : A1844DI7).
La Haute juridiction ajoute que la juridiction qui constate que le fait poursuivi n’a pas été commis à la date visée par la prévention mais à une autre date qu’elle détermine, en demeure saisie.
En l’espèce, le fait n’était pas distinct de celui visé par la prévention. Selon le raisonnement de la Cour elle-même, l’accord du prévenu n’avait donc pas à être recueilli pour être jugé sur ce fait commis à une autre date.
Toutefois, la Chambre criminelle remarque que la restitution au fait de son exacte date est de nature à emporter des conséquences juridiques au regard, notamment, de la qualification, de la prescription, de la détermination de la loi applicable ou de la compétence de la juridiction.
La Cour retient donc que « modifiant les termes du débat devant la juridiction de jugement, cette restitution affecte l’exercice de leurs droits par les parties ».
Dès lors, la Haute juridiction déclare que les juges ne peuvent retenir, pour entrer en voie de condamnation, une date autre que celle visée par la prévention, sans que le prévenu ait été invité à s’expliquer sur cette modification.
En l’espèce, les motifs de l’arrêt n’établissant pas que le prévenu ait été informé ni qu’il ait été invité à s’expliquer sur cette modification et ses conséquences, la cour d’appel a méconnu les principes précités.
S’agissant de la circonstance aggravante retenue, la Chambre criminelle rappelle que sont qualifiés d’incestueux les viols et les agressions sexuelles commis par le partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’ascendant, le frère, la sœur, l’oncle, la tante, le grand-oncle, la grand-tante, le neveu ou la nièce de la victime, s’il a sur cette dernière une autorité de droit ou de fait (C. pén., art. 222-22-3).
Or, en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à relever que le prévenu avait agi en qualité de personne liée par un pacte civil de solidarité à la tante de la victime. En ne caractérisant pas l’existence d’une autorité, de droit ou de fait, de l’auteur sur la victime. La juridiction d’appel n’avait donc pas justifié sa décision.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484722
Réf. : Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802, FS-B N° Lexbase : A92179GH
Lecture: 6 min
N4633BZM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Lisa Poinsot
Le 15 Mars 2023
► Si les enregistrements démontrant la faute du salarié ont été collectés par un dispositif de vidéosurveillance illicite, mais que leur production en justice n’a pas un caractère indispensable, alors ces éléments de preuve doivent être déclarés irrecevables.
Faits et procédure. Contestant son licenciement prononcé pour faute grave, une salariée saisit la juridiction prud’homale.
La cour d’appel constate, en premier lieu, que l’employeur :
De ces éléments, elle en déduit que les enregistrements litigieux extraits de la vidéosurveillance constituaient un moyen de preuve illicite.
Rappel. Les personnes concernées par le dispositif de vidéosurveillance doivent être informées, au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible, dans les lieux concernés, qui comporte a minima, outre le pictogramme d’une caméra indiquant que le lieu est placé sous vidéoprotection:
Ces informations peuvent être également portées à la connaissance du public par d’autres moyens, notamment par le biais d’un site internet. Par ailleurs, si les caméras filment un lieu ouvert au public, le dispositif doit être autorisé par le préfet du département. Enfin, les instances représentatives du personnel doivent être informées et consultées avant toute décision d’installer des caméras. |
La cour d’appel relève, en second lieu, que, pour justifier du caractère indispensable de la production de la vidéosurveillance, la société faisait valoir que les enregistrements avaient permis de confirmer les soupçons de vol et d’abus de confiance à l’encontre de la salariée, révélés par un audit qu’elle avait mis en place et qui avait mis en évidence de nombreuses irrégularités concernant l’enregistrement et l’encaissement en espèces des prestations effectuées par la salariée. En outre, elle constate que la société ne produisait pas cet audit dont elle faisait également état dans la lettre de licenciement.
Dès lors, il résulte des déclarations de l'employeur que la production de la vidéosurveillance n'était pas indispensable à l'exercice de son droit, puisqu'il existait d'autres éléments susceptibles de révéler les irrégularités reprochées à la salariée.
Par conséquent, les juges du fond déclarent ces éléments de preuve inopposables à la salariée puisqu’ils portent atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Ils jugent le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’employeur forme alors un pourvoi en cassation en soutenant que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats. En outre, il argue qu’est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché l'atteinte portée à la vie privée d'un salarié par le placement sous vidéosurveillance du magasin où il travaille dans un but de sécurité des personnes et des biens.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en application des articles 6 N° Lexbase : L7558AIR et 8 N° Lexbase : L4798AQR de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Elle rappelle qu’en présence d'une preuve illicite, le juge doit :
Autrement dit, le droit à la preuve justifie la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production en justice soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve et que l’atteinte portée à la vie personnelle soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Rappel. La Haute juridiction a souvent imposé que la communication forcée d’éléments portant atteinte à la vie personnelle soit « indispensable » à l’exercice du droit à la preuve. Ont été admis comme mode de preuve :
Elle a parfois exigé que la production de ces pièces soit simplement « nécessaire » à l’exercice de ce droit (Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2511SG4). |
En l’espèce, si la production en justice des enregistrements démontrant la faute de la salariée avait présenté un caractère indispensable, la preuve collectée par le dispositif illicite de vidéosurveillance aurait été déclarée recevable.
Pour aller plus loin :
|
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484633
Réf. : Cass. civ. 1, 8 février 2023, n° 21-23.976, FS-B N° Lexbase : A96909BI
Lecture: 11 min
N4666BZT
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la Cour, avec l'aimable coopération de Madame la Professeur Alexandra Bensamoun, NFALAW
Le 15 Mars 2023
Mots-clés : droit d’auteur • exception de courte citation • droit à l’intégrité de l’œuvre • droit patrimonial de l’auteur • droit moral de l’auteur • œuvre de coopération • chanson • texte d’une chanson • musique d’une chanson
La Cour de cassation considère que le texte et la musique d’une chanson relevant de genres différents et étant dissociables, le seul fait que le texte soit séparé de la musique ne porte pas nécessairement atteinte au droit moral de l’auteur.
Le « seul fait de la création » (CPI, art. L. 111-1 N° Lexbase : L3636LZP) d’une œuvre de l’esprit emporte, au bénéfice de l’auteur, l’attribution d’un monopole d’exploitation qui interdit la reproduction ou la représentation, partielle ou intégrale, de l’objet protégé sans le consentement du titulaire (CPI, art. L. 112-4 N° Lexbase : L3336ADW). Cette exclusivité est toutefois limitée par des exceptions, lieux de respiration où, sur ordre du législateur, l’usage décrit, qu’il soit public ou privé, est libre sans y avoir été préalablement autorisé. Cette bienveillance législative est néanmoins cantonnée aux prérogatives patrimoniales. Aussi les prérogatives de droit moral, notamment le droit à la paternité ou encore le droit à l’intégrité, restent-elles applicables en dépit de la situation d’exception.
Dans ces conditions, le droit à l’intégrité peut-il faire échec à l’exception de courte citation ? La question était justement posée à la Cour de cassation dans un arrêt rendu par la première chambre civile, le 8 février 2023.
Dans l'affaire objet du présent commentaire, l’exécuteur testamentaire en charge de l’exercice du droit moral de Jean Ferrat, compositeur et artiste-interprète, décédé le 13 mars 2010, et la société Productions Alleluia, titulaire des droits de reproduction des œuvres de celui-ci, faisaient grief à la société Librairie Arthème Fayard d’avoir publié un ouvrage intitulé « Jean Ferrat. “Je ne chante pas pour passer le temps” », qui reproduisait cent-trente-et-un extraits des chansons de l’artiste, ainsi que, en page de couverture, le titre de l’une d’elles [1]. Ils l’ont en conséquence assignée en contrefaçon, arguant respectivement d’une atteinte au droit moral et au droit de reproduction.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. D’une part, elle considère que le texte et la musique d’une chanson relevant de genres différents et étant dissociables, le seul fait que le texte soit séparé de la musique ne porte pas nécessairement atteinte au droit moral de l’auteur. D’autre part, citant la motivation de la cour d’appel [2] au sujet de l’exception de citation, elle conforte ici sa caractérisation.
Cet arrêt est dès lors l’occasion de faire un point sur cette limitation, qui participe de la liberté d’expression. Aussi, l’exception de citation est doublement encadrée : en interne, par des conditions intrinsèques (I) et, d’un point de vue externe, par des conditions liées à l’articulation avec le droit moral (II).
I. Les contours internes de l’exception de citation
1. Les exceptions. Le droit français reflète, formellement, la volonté de protection de l’auteur. En effet, le monopole d’exploitation est appréhendé largement, par deux prérogatives catégorielles – le droit de représentation et le droit de reproduction –, qui intègrent dans leur sillon l’ensemble des actes d’utilisation, alors que les exceptions sont énoncées dans une liste légale. Le balancement, entre ouverture des droits – par la conception synthétique et ouverte du monopole d’exploitation – et fermeture des exceptions – par une liste analytique et fermée –, signe un équilibre en faveur du créateur, lequel reçoit amplement des prérogatives mais en est amputé strictement. Ainsi, les articles L. 122-5 et suivants N° Lexbase : L5286L9N du Code de la propriété intellectuelle énoncent toutes les hypothèses d’utilisation libre.
De même, à l’échelle européenne, les exceptions sont énumérées à l’article 5 de la Directive n° 2001/29, dite « société de l’information » [3], complété par les articles 3 à 7 de la Directive n° 2019/790, sur le « marché unique numérique » [4]. Le premier texte propose vingt-et-une limitations, dont une seule est obligatoire (l’exception de reproduction technique, transitoire ou accessoire), tandis que les suivants imposent des exceptions permettant l’adaptation à l’environnement numérique et transfrontière (fouille de texte et de données, enseignement, conservation du patrimoine culturel), avec une volonté d’harmonisation plus poussée.
2. L’exception de courte citation. L’article L. 122-5, 3°, a), du Code de la propriété intellectuelle paralyse les droits patrimoniaux sur une œuvre reprise dans le cadre d’« analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». L’exception de courte citation implique le respect de conditions internes, de qualification. L’utilisation n’est en effet exemptée que si elle remplit les critères de brièveté, d’intégration à une œuvre citante et de but didactique. Les juges retiennent une interprétation relativement stricte de ces conditions et réservent souvent l’exception au domaine littéraire. Notamment, une représentation intégrale, « quelles que soient sa forme et sa durée » [5], ne peut s’analyser en une courte citation.
Cette vision a pu être critiquée par une partie de la doctrine [6]. En effet, comme l’a déjà jugé la Cour de cassation au sujet d’une autre limitation, « l’application stricte d’une disposition dérogatoire n’exclut pas qu’elle soit faite dans toute la mesure de sa raison d’être » [7], au risque, dans le cas contraire, de voir les droits fondamentaux mobilisés, précisément la liberté d’expression, comme limite autonome au droit d’auteur, ainsi que l’a proposé l’arrêt « Klasen » [8]. Certes, les arrêts de la CJUE de juillet 2019 [9], rendus en Grande chambre, ferment la voie à l’interprétation française d’une « méta-exception » [10] qui serait constituée par le droit à la liberté d’expression. Mais ils indiquent aussi que les droits fondamentaux peuvent servir de guide à l’interprétation des exceptions et même des droits.
Dès lors, si l’adage – exceptio est strictissimae interpretationis – commande une interprétation stricte des exceptions, il n’impose pas une lecture restrictive non plus. D’autant que l’exception européenne semble plus accueillante que l’exception française. En effet, l’article 5, § 3, d) de la Directive n° 2001/29 soustrait du monopole les « citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue, pour autant qu’elles concernent une œuvre ou un autre objet protégé ayant déjà été licitement mis à la disposition du public, […] qu’elles soient faites conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi ». Outre que les buts énoncés ne sont qu’exemplatifs, suggérant donc d’autres destinations, la condition de brièveté n’est pas clairement énoncée, même si un critère de mesure raisonnable est rappelé. Surtout, la CJUE, dans une tendance à l’harmonisation forcée du droit d’auteur [11], considère que si l’exception, qui déroge au principe d’exclusivité, doit recevoir une interprétation stricte, celle-ci ne doit pas faire obstacle à son « effet utile » et elle doit respecter sa finalité [12]. Or cette limitation vise justement à maintenir un juste équilibre entre la liberté d’expression des utilisateurs et les droits des auteurs. Aussi, « le point de savoir si la citation est faite dans le cadre d’une œuvre protégée par le droit d’auteur ou, au contraire, d’un objet non protégé par un tel droit, est dépourvu de pertinence » [13]. On rappellera ici que la condition d’œuvre citante était pourtant exigée par la jurisprudence française.
3. La vérification des conditions de l’exception. En l’espèce, confirmant la décision des juges du premier degré, la cour d’appel a accueilli l’exception de citation [14]. Elle a ainsi, traditionnellement, apprécié la condition de brièveté au regard de l’œuvre citante et de l’œuvre citée. En outre, la Cour de cassation reprend en partie la motivation, justifiant les citations par référence à un principe de nécessité ; en ce sens, elle relève que la société Librairie Arthème Fayard avait démontré que chacune des citations « était nécessaire à l’analyse critique de la chanson », que ces citations « ne s’inscrivaient pas dans une démarche commerciale ou publicitaire mais étaient justifiées par le caractère pédagogique et d’information de l’ouvrage qui, richement documenté, s’attachait à mettre en perspective les textes des chansons au travers des étapes de la vie de [Jean Ferrat] ».
L’approche est, de ce point de vue, classique et constitue un intéressant rappel des conditions internes de l’exception de citation. L’originalité de la décision réside dans l’articulation qui est faite avec le droit moral.
II. Les conditions externes de l’exception de citation
4. Articulation explicite avec le droit moral. Le droit moral est caractéristique du droit d’auteur « à la française », où l’auteur dispose d’une place centrale dans l’équilibre des intérêts. Il projette la conception subjective et profondément humaniste du droit national. En permettant à l’auteur, puis à ses héritiers, de garder une maîtrise perpétuelle sur l’œuvre, il manifeste ce lien inaltérable entre l’auteur et sa création, laquelle reflète justement sa personnalité.
Parce que les exceptions sont susceptibles d’y porter atteinte, la loi réalise partiellement leur articulation. D’abord, il faut rappeler la condition de divulgation de l’œuvre faisant l’objet d’un usage libre, condition partagée par toutes les exceptions, comme l’indiquent les premiers mots de l’article L. 122-5 – « Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire […] » (nous soulignons). Ensuite, pour un certain nombre d’exceptions dont la courte citation, le texte impose que « soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source ». Le respect du droit à la paternité est à ce prix. D’ailleurs, en l’espèce, la cour d’appel avait pris soin de relever que la condition était remplie.
Même si le droit moral n’est pas harmonisé à l’échelle européenne, la disposition européenne reprend l’exigence, tout en la relativisant, sans doute aussi par pragmatisme – « à l’impossible nul n’est tenu ». Ainsi, les droits patrimoniaux sont suspendus en cas de citation d’une œuvre protégée à la condition que, « à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur, soit indiquée » [15].
5. Articulation implicite avec le droit à l’intégrité. L’arrêt pose encore la question de la citation d’un texte qui formait un tout avec une musique. En effet, la reprise ne concerne, quantitativement comme qualitativement, qu’une partie de l’œuvre de collaboration constituée par la chanson.
La problématique dépasse d’ailleurs largement le cadre de l’exception. On sait déjà que l’exploitation séparée des apports d’une telle œuvre, dès lors que la contribution des coauteurs relève de genres différents, est autorisée par la loi, sous réserve que cela ne porte pas préjudice « à l’exploitation de l’œuvre commune », comme l’indique l’article L. 113-3, alinéa 4, du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3339ADZ. On voit mal comment et pour quelles raisons le même raisonnement pourrait être écarté dans le cadre du bénéfice d’une exception.
La reprise dissociée du texte ne saurait dès lors, par principe, porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre dans sa globalité. La Cour de cassation affirme en ce sens que « le texte et la musique d’une chanson relevant de genres différents et étant dissociables, le seul fait que le texte ait été séparé de la musique ne portait pas nécessairement atteinte au droit moral de l’auteur ».
Si l’auteur jouit du droit au respect de son œuvre, en vertu de l’article L. 121-1, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3346ADB, la dénaturation arguée, qu’elle soit matérielle (sur la forme) ou intellectuelle (sur l’esprit de l’œuvre), doit être démontrée et il ne peut exister aucune automaticité sur ce point. Dans le cas contraire, l’exception même de courte citation pourrait être remise en cause dans sa légitimité.
6. In medio stat virtus. C’est un rappel au raisonnable que la Cour de cassation opère dans cet arrêt. Les règles protectrices de la personne de l’auteur ne peuvent servir de prétexte pour brider une liberté accordée par le législateur et qui participe de l’équilibre du droit.
[1] La question du titre a été tranchée par les juges du fond (CA Paris, 5-1, 12 janvier 2021, n° 15/19803 N° Lexbase : A04754CL) qui ont décidé que l’utilisation de celui-ci en couverture constituait une atteinte aux droits patrimoniaux de la société titulaire des droits.
[2] CA Paris, 5-1, 12 janvier 2021, n° 15/19803, préc.
[3] Directive n° 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information N° Lexbase : L8089AU7.
[4] Directive (UE) n° 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les Directives 96/9/CE et 2001/29/CE N° Lexbase : L3222LQE.
[5] Cass. civ. 1, 4 juillet 1995, n° 92-20.199, publié N° Lexbase : A7347ABQ, D., 1996, 4, note B. Edelman ; ibid. somm. 74, obs. Cl. Colombet ; JCP G, 1995, II, 22486, note J.-C. Galloux ; Légicom, 1995, n° 8, p. 159, obs. Ch. Caron.
[6] M. Vivant, Pour une compréhension nouvelle de la notion de courte citation en droit d’auteur, JCP G, 1989, I, 3372.
[7] Cass. civ. 1, 14 juin 2005, n° 02-17.196, FS-P+B N° Lexbase : A7448DIP, Propr. intell., 2005, p. 438, 1er arrêt, obs. A. Lucas : sur l’article L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L2489K93.
[8] Cass. civ. 1, 15 mai 2015, n° 13-28.116, F-D N° Lexbase : A8684NH4, CCE, 2015, comm. 55, note Ch. Caron ; JCP G, 2015, 967, note C. Geiger ; Legipresse, 2015, p. 474, note V. Varet ; Propr. intell., 2015, p. 281, obs. A. Lucas, et p. 285, obs. J.-M. Bruguière ; RTD com., 2015, p. 515, obs. F. Pollaud-Dulian. Adde A. Bensamoun et P. Sirinelli, Droit d’auteur vs liberté d’expression : suite et pas fin…, D. 2015, p. 1672.
[9] CJUE, gr. ch., 29 juill. 2019, trois arrêts, aff. C-469/17 N° Lexbase : A7366ZKZ ; aff. C-476/17 N° Lexbase : A7367ZK3 et aff. C-516/17 N° Lexbase : A7369ZK7.
[10] A. Bensamoun et P. Sirinelli, Droit d’auteur vs liberté d’expression : suite et pas fin…, op. cit.
[11] V. not. V.-L. Benabou, Retour sur dix ans de jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de propriété littéraire et artistique : les méthodes, Propr. intell., avril 2012, p. 140.
[12] CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10, point 133 N° Lexbase : A4925H3S.
[13] Ibid., point 136.
[14] CA Paris, 5-1, 12 janvier 2021, n° 15/19803, préc.
[15] Directive n° 2001/29, art. 5, § 3, d) – nous soulignons.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484666
Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1036 QPC, du 10 mars 2023 N° Lexbase : A20229HD
Lecture: 2 min
N4694BZU
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Laïla Bedja
Le 15 Mars 2023
► Eu égard à la nature et aux risques spécifiques que présentent les éléments du corps humain et produits issus de celui-ci, le législateur a pu prévoir que, en cas de dommages causés par ces derniers, le producteur ne peut pas se prévaloir de la cause d’exonération pour risque de développement ; ainsi, la différence de traitement, tel qu’elle ressort de l’article 1386-12 du Code civil, qui est fondée sur une différence de situation entre les personnes victimes d’un produit issu du corps humain et celles victimes d’autres produits de santé, est en rapport avec l’objet de la loi.
La QPC. Les requérants reprochent aux dispositions prévues à l’article 1386-12 du Code civil N° Lexbase : L9248GU3, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-1343, du 9 décembre 2004, de simplification du droit N° Lexbase : L4734GUU, de n’empêcher un producteur d’invoquer la cause d’exonération de responsabilité pour risque de développement que dans le cas où le dommage a été causé par un élément du corps humain ou un produit issu de celui-ci. Il en résulterait, selon eux, une différence de traitement injustifiée entre les victimes d’un tel dommage et les victimes de dommages causés par d’autres produits de santé, seules ces dernières pouvant se voir opposées cette cause d’exonération et être ainsi privées d’indemnisation (Cass. QPC, 5 janvier 2023, n° 22-17.439, FS-B N° Lexbase : A154387B, lire notre brève N° Lexbase : N3884BZU).
La décision. Après avoir exposé la différence de situation entre les personnes victimes d’un dommage lié à un produit de santé et celles victimes d’un dommage lié à un produit issu du corps humain, les Sages ont conclu à la conformité des dispositions de l’article 1386-12 du Code civil. En effet, les éléments du corps humain et les produits issus de celui-ci sont définis par les dispositions du livre II de la première partie du Code de la santé publique qui, avec les dispositions des articles 16 à 16-9 du Code civil
Pour aller plus loin : v. Étude : La responsabilité sans faute des établissements de santé privés, Les conditions d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux, in Droit médical, Lexbase N° Lexbase : E16253SY. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484694
Réf. : Loi n° 2023-171, du 9 mars 2023, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture N° Lexbase : L1222MHQ
Lecture: 7 min
N4641BZW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Lisa Poinsot
Le 16 Mars 2023
► Publié au Journal officiel du 10 mars 2023, la loi n° 2023-171, du 9 mars 2023, dite loi « DDADUE », transposte plusieurs Directives européennes et met en cohérence le droit national français avec un certain nombre de règlements européens.
Les périodes d’essai fixées par les accords de branche plus longues que celles prévues par la loi sont supprimées.
À noter. Cette mesure entre en vigueur six mois après la promulgation de la loi, soit le 10 septembre 2023.
Pour aller plus loin :
|
.
La loi transpose la Directive n° 2019/1158, du 20 juin 2019, concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants N° Lexbase : L0265LRA qui fixe des exigences minimales « conçues pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les opportunités sur le marché du travail et le traitement au travail, en facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants ».
→ Congé paternité et d’accueil de l’enfant :
Pour aller plus loin :
|
→ Congé parental :
Pour aller plus loin :
|
→ Le congé proche aidant et le congé de solidarité familiale : la loi étend aux salariés des particuliers employeurs (C. trav., art. L. 7221-1 N° Lexbase : L7371K9U) et aux assistants maternels la possibilité de bénéficier de ces congés.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le congé de proche aidant, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0177ETQ. |
La loi transpose la Directive n° 2019/1152, du 20 juin 2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne N° Lexbase : L0121LRW.
→ Informations sur les éléments essentiels de la relation de travail :
Rappel. Le droit du travail français prévoit déjà la communication aux salariés d’informations par la déclaration préalable à l’embauche ou par le bulletin de paie.
Plusieurs documents doivent être remis au salarié lors de son embauche pour lui transmettre des informations complémentaires (C. trav., art. L. 1221-5-1 N° Lexbase : L1579MHX). Un décret devra fixer la liste des informations devant figurer dans ces documents.
À noter. Les salariés dont le contrat de travail est en cours à la date de promulgation de la présente loi peuvent demander à leur employeur de leur fournir ou de compléter, selon des modalités fixées par décret, les informations principales relatives à la relation de travail. |
Toutefois, par dérogation, ne sont pas soumis à cette obligation, les employeurs de salariés dont le temps de travail ne dépasse pas une durée de 3 heures par semaine au cours d’une période de référence de quatre semaines et qui sont rémunérés en chèque emploi service universel (C. trav., art. L. 1271-5 N° Lexbase : L1457MHG).
Les salariés peuvent par ailleurs former un recours juridictionnel pour obtenir le respect de cette obligation d’information. La recevabilité de ce recours est conditionnée à l’exigence d’une mise en demeure préalable du salarié à son employeur.
→ Procédures d’information obligatoire sur les emplois à durée indéterminée ou à temps plein :
La loi impose à l’employeur d’informer les salariés en CDD ou intérimaires, justifiant d’une ancienneté continue d’au moins six mois, et les salariés à temps partiel des emplois disponibles à durée indéterminée ou à temps plein dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1251-25 N° Lexbase : L1583MH4 et L. 1242-17 N° Lexbase : L1582MH3). Un décret devra fixer les modalités d’application.
Pour aller plus loin :
|
La loi prévoit la mise en œuvre du Règlement européen n° 2019/1238, du 20 juin 2019, relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP) N° Lexbase : L5388LRY.
Le Règlement indique que «les pensions de retraite représentent une part essentielle du revenu des retraités et, pour de nombreuses personnes, une prestation de retraite suffisante fait la différence entre passer ses vieux jours à l’abri du besoin ou dans la pauvreté. Elles sont une condition préalable à l’exercice des droits fondamentaux énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment à l’article 25 sur les droits des personnes âgées qui dispose que "l’Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle"».
Le fonctionnement et le régime fiscal et social du PEPP sont alignés sur le plan d’épargne retraite individuel (PER individuel).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les dispositifs d’épargne salariale, Le plan d’épargne retraite individuel, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E18543LA. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484641