Lexbase Contentieux et Recouvrement n°1 du 30 mars 2023

Lexbase Contentieux et Recouvrement - Édition n°1

Baux commerciaux

[Brèves] Congé délivré par le preneur par LRAR : quelle est la date de la notification ?

Réf. : Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 21-22.240, FS-B N° Lexbase : A80129H9

Lecture: 5 min

N4751BZY

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par Vincent Téchené

Le 27 Mars 2023

► Le congé délivré par le preneur par lettre recommandée avant l'entrée en vigueur du décret n° 2016-296, du 11 mars 2016 est régi par l'article 668 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6845H7N. Par conséquent, la lettre envoyée le dernier jour du délai dans lequel la notification doit être réalisée, est régulière si elle est présentée par les services de La Poste au destinataire habilité à la recevoir, peu important la date de réception par le destinataire.

Faits et procédure. Un bail commercial à effet du 1er août 2001 a été consenti à une société. Cette dernière a donné congé pour l'échéance triennale du 31 juillet 2016, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, expédiée le 31 janvier 2016.

Les bailleurs ont contesté la validité du congé reçu le 5 février 2016. Ils ont alors délivré, le 29 mars 2017, un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis ont assigné la locataire en paiement de loyers et charges.

Déboutés de leurs demandes (CA Versailles, 10 juin 2021, n° 18/08227 N° Lexbase : A62254U4), les bailleurs ont formé un pourvoi en cassation. Ils soutenaient que le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier de justice et non de la date de son envoi.

Décision. La Cour de cassation approuve toutefois l’arrêt d’appel et rejette en conséquence le pourvoi.

Elle retient en effet qu’ayant été délivré avant l'entrée en vigueur du décret n° 2016-296, du 11 mars 2016 N° Lexbase : L9982K4H, le congé était régi par l'article 668 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6845H7N, en sorte qu'une lettre envoyée le dernier jour du délai dans lequel la notification doit être réalisée, est régulière si elle est présentée par les services de La Poste au destinataire habilité à la recevoir, peu important la date de réception par le destinataire. Tel était bien le cas en l’espèce : la lettre recommandée expédiée le 31 janvier 2016 pour le 31 juillet suivant a respecté le délai de préavis de six mois.

Pour rappel l’article 668 visé précise que « sous réserve de l'article 647-1 N° Lexbase : L0172IP3, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre ».

Observations. Rappelons que la loi « Pinel » (loi n° 2014-626, du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D) avait modifié le dernier alinéa de l'article L. 145-9 du Code de commerce pour introduire la possibilité de notifier un congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire « au libre choix de chacune des parties » (C. com., anc. art. L. 145-9 N° Lexbase : L5043I38). Mais la loi « Macron » de 2015 (loi n° 2015-990, du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC) a modifié de nouveau l'article L. 145-9 du Code de commerce pour supprimer toute référence à la notification du congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui doit donc de nouveau, en principe, « être donné par acte extrajudiciaire » (v. C. com., art. L. 145-9, mod. N° Lexbase : L2009KGI).

Cependant, parallèlement, la loi « Macron » a également modifié l'article L. 145-4 du Code de commerce N° Lexbase : L9957LMQ pour permettre au preneur « de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire » (al. 2).

La faculté de donner congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception a donc été maintenue, mais au seul profit du preneur. C’était le cas dans l’affaire rapporté. À propos du congé du preneur, il a été jugé que les dispositions applicables à sa forme sont celles en vigueur au jour où il est notifié, même si le bail a été conclu antérieurement (Cass. civ. 3, 24 octobre 2019, n° 18-24.077, FS-P+B N° Lexbase : A4722ZSP, J. Prigent, obs., Lexbase Affaires, novembre 2019, n° 615 N° Lexbase : N1381BYS).

Quant à la date de notification à prendre en compte, le décret du 11 mars 2016 cité par la Cour a créé un nouvel article R. 145-38 du Code de commerce N° Lexbase : L0177K7P prévoyant désormais que « lorsqu’[…] une partie a recours à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date de notification à l'égard de celui qui y procède est celle de l'expédition de la lettre et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de première présentation de la lettre. Lorsque la lettre n'a pas pu être présentée à son destinataire, la démarche doit être renouvelée par acte extrajudiciaire » (v. J.-P. Dumur, Baux commerciaux - Notification des actes : nouvel article R. 145-38 du Code de commerce, Parcours du combattant - Chemin de croix - Retour à la case départ !, Lexbase Affaires, mai 2016, n° 465 N° Lexbase : N2580BWH).  

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La résiliation du bail commercial, Le délai du préavis et la date d'effet du congé du preneur, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E8606AEH.

 

newsid:484751

Baux d'habitation

[Brèves] Droit de préemption subsidiaire du locataire : quid de la commission d’agence ?

Réf. : Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 21-22.073, FS-B N° Lexbase : A17999GQ

Lecture: 3 min

N4535BZY

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 13 Mars 2023

► Le locataire qui exerce son droit de préemption subsidiaire en acceptant l'offre notifiée par le notaire, qui n'avait pas à être présentée par l'agent immobilier mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien.

Dans un arrêt rendu le 3 juillet 2013, la troisième chambre civile avait été amenée à se prononcer sur la question de savoir si le locataire exerçant son droit de préemption peut être tenu au paiement de la commission d’agence, en y apportant une réponse négative : « Le locataire titulaire d'un droit de préemption acceptant l'offre de vente du bien qu'il habite qui n'a pas à être présenté par l'agent immobilier, mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien » (Cass. civ. 3, 3 juillet 2013, n° 12-19.442, FS-P+B N° Lexbase : A5601KIB).

La question s’est posée à nouveau dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 1er mars 2023, à ceci près qu’il ne s’agissait pas du droit de préemption initial du locataire, mais du droit de préemption subsidiaire, qui naît à son profit lorsque, après avoir refusé d’exercer son droit de préemption, la vente est finalement proposée à un tiers à un prix ou à des conditions plus avantageuses. C’est l’article 15, II, alinéa 4, de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989 N° Lexbase : Z87268SM, qui octroie ce droit au preneur : « dans le cas où le propriétaire, après un refus de l'offre initiale de vente adressée au locataire, décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente et cette notification vaut offre de vente au profit du locataire ».

La solution ainsi retenue dans l’arrêt rendu le 3 juillet 2013 pouvait-elle être étendue dans le cas du droit de préemption subsidiaire du locataire ?

La cour d’appel d’Amiens ne l’avait pas admis, ayant retenu qu'à la suite du refus initial des locataires, les bailleurs avaient conclu un mandat avec l'agence immobilière, laquelle avait effectué une réelle prestation de recherche d'acquéreurs qu'elle avait ensuite présentés aux vendeurs afin que soit signé le « compromis » de vente, que ce n’était que treize jours plus tard qu'une offre avait été faite aux locataires qui avaient exercé leur droit de préemption, que la prestation de l'agence immobilière ne s’était pas limitée à la présentation d'une offre aux locataires et que, compte tenu du caractère déterminant de l'intervention de celle-ci, la commission était justifiée, que les locataires, en se substituant aux acquéreurs, avaient accepté d'acquérir aux mêmes conditions et en étaient redevables (CA Amiens, 11 mai 2021, n° 19/05641 N° Lexbase : A46984RG).

Mais sa décision est censurée par la Cour suprême, qui énonce la solution précitée en introduction, au visa de l’article  15, II, alinéa 4, de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989, et de l’article 6 de la loi n° 70-9, du 2 janvier 1970 N° Lexbase : L7536AIX, dont il résulte que « le droit à rémunération de l'agent immobilier, auquel un mandat de recherche a été confié, suppose une mise en relation entre le vendeur et l'acquéreur ».

newsid:484535

Baux d'habitation

[Brèves] Établissement de l’état des lieux par huissier : imputation de la totalité des frais au bailleur responsable de l’absence d’établissement d’état des lieux amiable

Réf. : Cass. civ. 3, 15 février 2023, n° 21-24.024, F-D N° Lexbase : A46669D8

Lecture: 2 min

N4610BZR

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 15 Mars 2023

► Ayant constaté que la bailleresse, qui avait seule mandaté l'huissier de justice, n'avait procédé à l'état des lieux de sortie qu'après le départ de la locataire à l'expiration du délai de préavis, en dépit des sollicitations en temps utile de celle-ci, la cour d'appel a pu en déduire que sa demande de partage des frais d'établissement de l'état des lieux devait être rejetée.

En l’espèce, les locataires d'une maison d'habitation avaient donné congé puis quitté les lieux ; par déclaration au greffe, la locataire avait sollicité la restitution du dépôt de garantie. La bailleresse avait assigné les locataires en paiement de dégradations locatives. Elle demandait par ailleurs le partage par moitié des frais d’huissier d'établissement de l'état des lieux de sortie.

L’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L8461AGH dispose en effet que « si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et à un coût fixé par décret en Conseil d'État ».

Cette demande est toutefois rejetée par la cour d’appel, approuvée par la Cour suprême, qui avait constaté que la bailleresse, qui avait seule mandaté l'huissier de justice, n'avait procédé à l'état des lieux de sortie qu'après le départ de la locataire à l'expiration du délai de préavis, en dépit des sollicitations en temps utile de celle-ci. Selon la Haute juridiction, elle avait à en déduire que sa demande de partage des frais d'établissement de l'état des lieux devait être rejetée.

On peut donc retenir de cet arrêt que la responsabilité d’une des parties quant à l'absence d’établissement d'un état des lieux à l’amiable peut donc être retenue pour justifier que l’entièreté des frais soit mis à sa charge.

À noter qu’à l’inverse, dans un arrêt rendu le 4 juillet 2019 (Cass. civ. 3, 4 juillet 2019, n° 18-18.905, F-D N° Lexbase : A3037ZIC), la Cour de cassation avait retenu que viole les dispositions précitées, le jugement qui, pour condamner la locataire au paiement de la totalité du constat d'état des lieux de sortie, retient qu'en l'absence d'état des lieux de sortie amiable rendu impossible par la carence de la locataire, dûment convoquée, la bailleresse a dû faire appel aux services d'un huissier de justice dont les frais resteront à la charge de la locataire.

newsid:484610

Commissaires de justice

[Textes] Le constat métavers

Lecture: 19 min

N4748BZU

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par Sylvian Dorol - Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Intervenant à l’ENM - EFB - Legal Logion Officer et Sébastien Racine - Commissaire de justice associé, Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Intervenant à l’ENM, EFB, Legal Logion Officer

Le 06 Septembre 2023

Mots-clés : métavers • constat • NFT • lieux de constatations • réalité virtuelle • internet • achat

L’actualité récente, et notamment l’affaire des sacs Birkin d’Hermès en NFT, met en lumière le contentieux naissant dans le metavers, espace virtuel régulièrement présenté comme le futur internet, ainsi que la nécessité d’y collecter et conserver des preuves. Confronté à cette nouvelle matière, qui peut paraître incompréhensible pour le néophyte, le constat de commissaire de justice doit connaître certaines adaptations pour déployer sa pleine force probante. Ainsi sera-t-il possible d’assister à la naissance du commissaire de justice 3.0.


 

                                                                                                    

Pilule bleue ou rouge ?

C’est le choix offert par Morpheus, installé dans un fauteuil rouge, à Néo, la pilule rouge symbolisant la rébellion, la bleue signifiant le confort…

Extraite de Matrix, cette séquence cinématographique a marqué des générations, au point que son écho résonne encore aujourd’hui lorsque le commissaire de justice est confronté au metavers et à la nécessité d’y collecter des preuves. Cependant, à la différence de la scène filmée, aucun choix n’est offert au commissaire de justice, même s’il est « Néo »phyte en la matière puisqu’une de ses fonctions est de constater les faits litigieux, matériels ou numériques. Il lui appartient donc de se confronter à cette nouvelle problématique, de la même manière que son aïeul l’huissier de justice l’a fait aux balbutiements des contentieux sur Internet en l’an 2000. Avant de s’y confronter, encore faut-il savoir ce qu’est le métavers, à part un mot introuvable dans les dictionnaires juridiques.

Le terme « metavers » désigne un monde virtuel, régulièrement présenté comme le futur Internet. Ce monde virtuel est ancré dans la technologie blockchain, assurant à la fois la sécurisation et la décentralisation des informations et des échanges. Il s’agit d’une réalité virtuelle parallèle, immersive (il faut utiliser un casque de réalité virtuelle pour y accéder pleinement), en trois dimensions, où chacun peut évoluer (à travers un avatar ou un hologramme), y jouer, y travailler, y discuter, y apprendre... Bien que monde virtuel, les interactions y sont cependant bien réelles, d’où l’opportunité d’en constituer des preuves matérielles. Ainsi existe-t-il dans le metavers des contrefaçons de produits de luxe [1], des diffusions de spectacles non autorisées, d’usurpation d’identité, de diffamation, de publicité mensongère…

Le commissaire de justice (ou huissier selon les pays) n’a donc pas le choix puisqu’au final, les faits litigieux qu’il aura à constater dans le metavers sont à peu près les mêmes que ceux qu’il constate sur internet. Pour autant, et parce que le support est nouveau, il apparaît opportun que l’officier public et ministériel s’interroge avant de prêter son ministère sur la manière de rapporter la preuve de fait metavers litigieux.

Ainsi, la question n’est pas de déterminer s’il est envisageable de réaliser un constat dans le métavers, mais de savoir quels types d’actes y seront établis et selon quelles méthodologies. Ces interrogations en suscitant d’autres, dont la possibilité ou non pour le commissaire/huissier de justice d’utiliser un avatar identifié pour se connecter au metavers, une réflexion profonde sur la preuve dans le metavers est nécessaire.

Ainsi, la réflexion sur la réalisation d’un constat dans le métavers ne doit pas se limiter en l’analyse d’un simple nouveau lieu de constat (I) puisque le métavers est un nouveau monde régi par ses propres règles nécessitant une adaptation des pratiques actuelles (II).

I. Le constat métavers en théorie

Des définitions précédentes, il apparaît évident que le métavers doit être placé dans la catégorie des lieux virtuels. En revanche, il ne découle pas directement de celles-ci la qualification de lieu privé ou public de ce monde.

L’interrogation est pourtant primordiale dans le cadre de la collecte de la preuve, car il est nécessaire de déterminer si le monde virtuel est un lieu privé, un domicile, un lieu public ou un lieu mixte puisque le caractère public ou non conditionne l’accès ou non au metavers pour l’huissier.

C’est donc à la lumière de la théorie du lieu de constatation dit virtuel [2] que la qualification des Métavers doit être réalisée (A), tout en évoquant les modalités pratiques d’accès, notamment la nécessité de recourir à un tiers selon la méthode du constat d’achat aujourd’hui pratiquée (B).

A. Lieu virtuel « augmenté  » 

Initialement pensée et développée à l’occasion de la réalisation des constats sur les sites internet, cette théorie s’est fondée, par analogie, sur les analyses et conclusions tirées de la pratique ancienne des constats dans les lieux réels. En effet, outre des définitions techniques de ce que sont un blog, un site internet, ou encore un réseau social, la qualification juridique en tant que lieu privé ou non n’est pas textuellement établie.

C’est ainsi que des règles initialement applicables aux lieux physiques ont trouvé application dans l’écosystème juridique d’internet, générant une dichotomie lieux publics/lieux privés.

Dans le cas du lieu virtuel public, identifiant les « sites internet », doctrine et jurisprudence fixent deux critères cumulatifs : la publicité sur internet et sa libre accessibilité. Dans la pratique, l’utilisation fréquente d’un moteur de recherche prouve la publicité du site objet des constatations, même si cela ne couvre pas le deepweb [3]. Concernant la libre accessibilité, elle se résume à la possibilité de naviguer anonymement sur ledit site, et ce malgré l’existence d’un filtrage parfois en vigueur sur certains sites (eu égard à l’âge, la qualité ou la localisation géographique).

À ce jour, un commissaire de justice peut procéder à un constat sur un site internet, et ce indifféremment de la localisation géographique de celui-ci, ou des serveurs l’ hébergeant. Le critère retenu par la jurisprudence est bien celui de l’accessibilité depuis le territoire nationale. D’autres éléments peuvent être appréciés par le juge pour déterminer que ce site est accessible depuis la France, notamment la langue, l’extension, ou la mention d’une livraison possible en France.

Dans le cas du lieu virtuel privé, l’accès à son contenu n’est pas simplement filtré, mais sélectionné par une inscription préalable, à l’aide d’un identifiant ou d’un mot de passe. Le commissaire de justice s’en trouve limité dans sa mission, à l’instar de ce qui est prévu pour les lieux privés physiques, puisqu’il lui appartient de se présenter et exposer l’objet de sa mission conformément à ses règles déontologiques [4]. Ce qui est librement accessible reste à sa portée, le reste ne lui est pas accessible sauf accord expresse de l’administrateur du site internet, ou recours à l’assistance d’un tiers [5].

Appliquée au métavers, la théorie classique de lieu virtuel peut paraître insuffisante de prime abord puisque, par définition, ce n’est pas un simple lieu, mais un « monde » virtuel. Il est donc difficile d’assimiler un métavers à un site internet, tant le premier dépasse le second sur les plans fonctionnels et techniques. En effet, l’utilisation de métavers tels que Roblox, Minecraft, The Sandox ou encore Discord, est très éloignée de la navigation internet traditionnelle. En effet, l’aspect immersif du metavers et le fait que l’utilisateur navigue dans certains d’entre eux à l’aide d’un avatar, plaident pour décrire la navigation dans les métavers comme nouvelle. De plus, pour les exemples évoqués, il est nécessaire de s’inscrire avant d’accéder au contenu...

Il apparaît en réalité que les métavers sont plus à apprécier comme des sites internet augmentés à mi-chemin entre les jeux vidéo et le réseau social. Par voie de conséquence, il semble prudent d’envisager les métavers comme des lieux privés virtuels, à minima.

B. Un lieu virtuel contrôlé

Bien souvent, l’accès au metavers (Roblox, Minecraft, The Sandox, Discord) est soumis à une authentification préalable (compte utilisateur) et nécessite la création d’un avatar. L’indication de la seule adresse IP, obligatoire concernant les constats dressés sur internet, est donc insuffisante. Deux solutions sont envisageables : l’une vise à ce que le commissaire de justice s’identifie directement (soit avec son identité professionnelle soit avec une identité d’emprunt), l’autre se fonde sur le recours à un tiers comme en constat d’achat.

La première solution est l’identification directe. Elle semble imprudente eu égard tout d’abord à la définition de constatations matérielles, expression qui doit s’entendre comme « toute situation personnellement constatée par l’huissier de justice au moyen de ses sens, et qu’il n’a pas provoquée par une opération intellectuelle de nature à troubler sa qualité de tiers neutre, indépendant et impartial » [6]. Pour ce motif, il a été jugé que l’ouverture d’un compte [7] ou la création d’un profil constitue une démarche active du commissaire de justice.

De plus, la déontologie du commissaire de justice lui commande d’exposer sa mission au début des constatations dans un lieu privé, ce pourquoi il est juridiquement difficilement défendable qu’il puisse accéder à des pages Internet privées à la faveur d’un traitement automatique des données, lequel est incapable de distinguer l’internaute lambda de l’officier public et ministériel [8].

C’est pourquoi la deuxième solution, qui consiste à recourir à un tiers, est à privilégier. En effet, pour accéder à un lieu virtuel privé, il est admis par la jurisprudence que le commissaire de justice puisse recourir à l’assistance d’un tiers, qui pourra personnellement accéder à lieu privé virtuel. Outre le choix du tiers, qui doit être fait de manière restrictive eu égard du lien qu’il pourrait entretenir avec les parties ou le commissaire de justice [9], les constatations seront réalisées selon une méthodologie dite « par-dessus l’épaule ». Concrètement, le tiers procède à son identification et à la navigation sur l’ordinateur, alors que le commissaire constate ce qu’il voit à l’écran en distinguant dans son procès-verbal les manipulations réalisées avec l’assistance du tiers et celle effectuées par lui personnellement. Cette technique ressemble à s’y méprendre à une stratégie de cheval de Troie en ce qu’elle s’analyse davantage à une ruse qu’à un stratagème déloyal.

Pour conforter cette opinion, il convient d’évoquer une décision du 2 juillet 2007 rendue par le tribunal de grande instance de Paris au sujet de l’affaire Second Life [10]. Pour mémoire, Second Life était déjà un embryon de metavers (les joueurs y évoluaient avec des avatars) et un huissier de justice y avait effectué des constatations en utilisant un avatar dont l’apparence était celle d’une jeune enfant. Dans ce jugement iconique, les juges avaient écarté le procès-verbal de constat, non en raison du fait que l’huissier avait utilisé un avatar, mais en ce que cet avatar correspondait à une personne fictive, créé de toute pièce et était donc le fruit d’un stratagème. Il serait possible d’extrapoler en imaginant qu’elle aurait été la solution si l’huissier avait utilisé un « vrai » avatar correspondant à sa véritable identité, mais ce serait faire preuve d’imprudence et imprévision.

Le recours à un tiers pour constater dans les métavers semble s’imposer, même si cette solution n’est pas sans inconvénients. Se pose notamment la question de la confidentialité de la procédure (le tiers est nécessairement mis au courant du litige mais n'est légalement soumis à aucun secret professionnel-en pratique la signature d’un accord de confidentialité peut suffire), ainsi que de la réactivité en cas d’urgence manifeste à procéder aux constatations (puisqu’il faut trouver un tiers disponible sur le champ).

Les précédents développements démontrent que la question de l’identité numérique est centrale dans le metavers, avec l’idéal d’une identité numérique unique pour chaque individu, par opposition à la multitude d’identité dite numériques actuelles correspondant à chaque compte créé sur chaque plateforme. Cependant, s’il existe une signature numérique professionnelle pour les commissaires de justice dans le cadre de l’exercice de leur fonction (notamment en matière de saisie-attribution dématérialisée), ce n’est pas à proprement parler une identité numérique… Cela, ajouté à l’obligation d’exposer préalablement la mission, éloigne l’espoir de l’utilisation d’un avatar numérique du commissaire de justice. La solution serait la modification des textes pourque le commissaire de justice soit dispensé de cette formalité, voire puisse utiliser un avatar dédié, comme aujourd’hui les textes permettent à certains agents d’utiliser des identités d’emprunts [11].

Il faut retenir de ce qui précède qu’il est possible de dresser constat dans les metavers. Cette interrogation résolue, vient le moment de se pencher sur la méthode à utiliser.

II. Le constat métavers en pratique

La proximité du metavers avec internet amène à envisager un rapprochement du cadre prétorien des constats internet, avec celui fait dans les métavers (A), même si le cas du constat d’achat nécessite des développements particuliers (B).

A. Le constat métavers : un constat internet « augmenté »

Le constat internet aujourd’hui nécessite la connexion au web via un outil technologique dédié pour accéder à un contenu virtuel, ce à des fins probatoires. Cette interprétation du constat internet s’applique naturellement au constat dans un métavers, puisque seul le lieu des constatations diffère. Ainsi, le protocole des constats sur internet doit être respecté (1), même si la spécificité du métavers nécessite le recours à de nouveaux moyens technologiques (2).

1) Un protocole prétorien opportun

La réalisation d’un constat internet, et de manière plus générale d’un constat informatique, nécessite au préalable de préciser l’environnement technique des constatations. En effet, cette pratique vise à s’assurer que le commissaire de justice constatant avait la maitrise matérielle des constatations.

Pour figer l’environnement des constatations deux voies sont traditionnellement évoquées :  la norme AFNOR NFZ67-147 et le protocole prétorien (ou jurisprudentiel).

La norme AFNOR, non sanctionnée par la jurisprudence, étant devenue obsolète au fil des années, et notamment avec l’apparition des constats sur les smartphones, et les applications, n’a pas vocation à s’appliquer dans le métavers.

Quant au protocole prétorien [12], son cadre souple constitue une base de constat dans le metavers. Ce protocole, respecté par le commissaire de justice en guise de prérequis, est prévu à peine de sanction [13] et consiste notamment à une description du matériel informatique et des logiciels utilisés (la vérification de l’heure et la date de son matériel ; la mention de son adresse IP et du détail de sa connexion Internet. Il convient également mentionner l’absence de serveur proxy, et de procéder au vidage du cache, des cookies, de l’historique et des fichiers temporaires de son ordinateur). Ce protocole souffre de quelques observations s’il doit être appliqué au metavers.

Dans le cas du métavers, il doit être précisé que le nettoyage du navigateur n’aura pas d’impact sur les constatations, puisque le métavers en tant que monde virtuel est intrinsèquement persistant, que l’utilisateur soit connecté ou non, et que le contenu est techniquement mis à jour même en son absence.

Par ailleurs, l’accès au métavers se faisant généralement par un logiciel tiers, et non par navigateur, il semble préférable d’identifier en détail le logiciel d’accès, en relevant notamment le nom de l’éditeur, ou encore le numéro de version.

Enfin, le recours à l’assistance d’un tiers entrainera l’identification de ce dernier, ainsi que la mention de sa qualité de tiers indépendant, et éventuellement des spécifications concernant son avatar.

2) Un protocole prétorien adapté

L’immersion dans le métavers nécessite de dépasser le matériel traditionnellement requis dans le cadre de la navigation sur l’internet.

Là où un écran, un ordinateur, un clavier et une souris suffisent pour naviguer sur des pages internet, de nouveaux modes de navigation apparaissent (smartphone, tablettes…). L’utilisation d’un casque VR (ou de réalité virtuelle) doit semble-t-il être appréciée au même titre que le smartphone, avec notamment la présence de magasin d’application et d’un système d’exploitation propre. Il faut néanmoins préciser que le casque VR peut voir son utilisation être simplement optionnelle, lorsqu’il s’agit de l’utiliser en lieu et place d’un ordinateur, ou alors être obligatoire lorsque le métavers n’est pas compatible avec les ordinateurs (comme Horizon Worlds).

Une problématique apparaît néanmoins lorsque l’accès au métavers se fait uniquement par un casque VR. Dans la mesure où il est préconisé le recours à un tiers indépendant pour assister le commissaire de justice, cela signifie que c’est ce dernier qui porte le casque et s’immerge dans le monde virtuel. Dans cette hypothèse, pour que le commissaire de justice puisse procéder à des constatations, il doit être prévu dans le protocole un retour vidéo depuis le casque (soit filaire, soit par live streaming). Cette particularité entraine, comme en constat d’achat, une adaptation du protocole prétorien et une rédaction laissant apparaître de manière distincte les actions du tiers et celles du commissaire de justice.

B. Le constat d’achat dans le métavers

Un constat sur le métavers peut donc être réalisé à la lumière de nos connaissances et pratiques actuelles, à l’exception notable du constat d’achat qui soulève deux nouvelles problématiques.

D’abord, le caractère immersif de l’expérience utilisateur dans le métavers, et notamment lorsque la navigation se fait par l’utilisation d’un casque VR, interroge quant à l’étendue acceptable des constatations (1). Puis, le cas d’un achat de NFT[14] est à envisager spécifiquement compte tenu de sa nature particulière (2).

1) Méthode

L’expérience immersive du metavers permet à l’utilisateur de pénétrer dans une boutique virtuelle et s’y comporter de la même manière que dans un magasin physique, avec les mêmes codes et limites. Ainsi est-il possible d’acheter un vêtement de marque pour son avatar sous forme de NFT, ou un produit bien réel dans un boutique virtuelle dans le métavers, comme il est possible aujourd’hui de faire ses achats sur internet. De la même manière que dans la vie réelle, l’avatar va se rendre dans un lieu en le faisant déplacer à l’aide de son casque VR et des manettes qui y sont connectés, pousser la porte de la boutique virtuelle et peut-être même rencontrer un avatar « vendeur ». Il pourra alors regarder les produits en vente, la publicité éventuelle, les prix, les promotions, et peut être même assisté à un discours commercial du vendeur.

Un problème pratique se pose. En effet, dans le monde physique, lorsque le constat d’achat est réalisé par le commissaire de justice, ce dernier se contente à rester sur la voie publique[15], pendant que le tiers acheteur pénètre dans le magasin et en ressort quelques minutes plus tard avec le produit objet des constatations. Procéder à un décalque de cette méthode dans le metavers obligerait donc le commissaire de justice à user de son propre avatar, avec toutes les réserves émises précédemment.

Mais, puisque la jurisprudence a écarté la possibilité pour le tiers acheteur d’effectuer des photographies dans le magasin physique pour ensuite remettre les clichés à l’huissier de justice[16], il pourrait être critiquable que le commissaire de justice « accompagne », à l’aide du retour vidéo du casque VR, l’avatar du tiers acheteur dans le magasin virtuel… Une solution intermédiaire, relevant du bricolage juridique, serait alors que le commissaire de justice suspende ses constatations lorsque l’avatar du tiers pénètre dans l’établissement virtuel, puis les reprenne quand il en ressort.

2) Cas du NFT

L’achat réalisé, deux possibilités s’offrent au commissaire de justice selon qu’il s’agit d’une marchandise physique ou d’un NFT.

Dans le cas d’une marchandise physique, le commissaire de justice peut bien évidemment dresser un constat de réception du produit, contenant des photographies et y apposer des scellés.

Dans le cas où la marchandise achetée est un NFT, la tâche du commissaire de justice s’en trouve plus ardue puisque chacune des étapes du processus du traditionnel constat d’achat est impactée. En effet, en amont de l’achat, le tiers acheteur doit disposer d’un Wallet[17] alimenté en cryptomonnaie. En aval de l’achat, le NFT est rattaché au Wallet du tiers acheteur et se pose alors la question des constatations portant sur ce NFT. La description du NFT acheté se fait par capture écran avec la précision du « certificat » rattaché au NFT (qui s’assimile à une étiquette apposée sur un produit manufacturé). Enfin, le tiers acheteur doit remettre le NFT au commissaire de justice, qui dispose donc d’un Wallet, lequel est idéalement un support de stockage physique (de type LEDGER) afin de rendre transportable le NFT et d’y apposer un scellé. Cette méthode, qui peut sembler lourde à première lecture mais qui ne l’est pas en pratique, présente l’avantage de matérialiser le NFT sans le limiter à sa représentation graphique.

La preuve dans le metavers est donc possible, et le commissaire de justice peut y tenir la même place qu’il a dans le monde physique. Pourtant, afin de protéger les droits des justiciables dans les metavers, il apparaît opportun que le monde juridique, et notamment celui de la saisie-contrefaçon, se penche sur le contentieux croissant des NFT [18] avant que les premiers jugements en la matière soient perçus comme des signes d’insécurité juridique, comme ce fut le cas au début des années 2000 concernant la preuve sur internet.


[1] Il est possible de penser notamment à l’affaire des sacs Birkin d’Hermès, S. Touzani, NFT : même en « virtuel », personne ne peut copier les Birkin d'Hermès, LesEchos, 9 février 2023 [en ligne].

[2] S.Dorol , Droit et pratique du constat d’huissier, LexisNexis, 3ème éd. 2022, avec le concours de J.-L. Bourdiec, P. Gielen, X. Louise-Alexandrine et S.Racine.

[3] Il s’agit de l’ensemble des pages internet non référencées par les moteurs de recherche.

[4] Art. 41 du Règlement Déontologique National des huissiers de justice du 5 décembre 2018

[5] S.Dorol, Droit et pratique du constat d’huissier, LexisNexis, 3ème éd. 2022, avec le concours de J.-L. Bourdiec, P. Gielen, X. Louise-Alexandrine et S.Racine- Chapitre : Le lieu du constat.

[6] S. Dorol : JCl. Encyclopédie des Huissiers de Justice, Bloc Preuve, Fasc. 30, V° Les constats, n° 4.

[7] Cass. civ. 1, 20 mars 2014, n° 12-18.518, FS-P+B N° Lexbase : A7370MHG, obs. R. Perrot, Procédures 2014, n° 1018 , comm. 133, p. 12.

[8] S. Dorol, La loyauté dans les constats Internet : rappel de mise en œuvre : Gaz. Pal. 2015, n° 318, p. 16, note ss CA Paris, 7 octobre 2015, n° 11/03744 N° Lexbase : A9044SA9.

[9] S.Dorol et S.Racine, La preuve de l’indépendance du tiers acheteur, Propr. Industr., 2020, ét.13, p.24.

[10] TGI paris, 2 juillet 2007, UDAF de l'Ardèche et autre / Linden Research et autres.

[11] C. proc. pén. art. 28-1 N° Lexbase : L0748IKW.

[12] S.Dorol, Droit et pratique du constat d’huissier, LexisNexis, 3ème éd. 2022, avec le concours de J.-L. Bourdiec, P. Gielen, X. Louise-Alexandrine et S.Racine, Chapitre : Le constat sur internet

[13] De la nullité à la dévaluation de la force probante

[14] Un NFT (de l’anglais non-fungible token) ou jeton non fongible est une donnée valorisée composée d'un type de jeton cryptographique qui représente un objet (souvent numérique), auquel est rattachée une identité numérique (reliée à au moins un propriétaire) – source : wikipédia [en ligne].

[15] V. Vigneau, Les constats d’achats, Procédures 2008, étude 10.

[16] TGI Paris, 12 juillet 2013 : PIBD 2013, III, p. 1480.

[17] Portefeuille électronique pour crypto-monnaie.

[18] La presse rapporte que 80 % des NFT sur OpenSea sont des faux, alors que c’est une des principales plateformes de ventes !

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Commissaires de justice

[Chronique] Chronique de jurisprudence (décembre 2022 à mars 2023)

Lecture: 2 min

N4823BZN

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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Expert près l’UIHJ, Intervenant ENM/EFB

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : PV 659 • annuaire papier • lieu de travail • expédition • assignation • Covid 19 • message vocal • intérêt légal • saisie-conservatoire • aéronef • saisie-vente • saisie véhicule terrestres à moteur • absence préalable amiable • SIV • saisie-attribution • mainlevée • restitution des clés • expulsion • procès-verbal d'expulsion • preuve • tiers assistant au constat • ordonnance sur requête

La revue Lexbase Contentieux et recouvrement vous propose de retrouver la première chronique illustrée par les plus récentes décisions jurisprudentielles sous la forme d’un contenu original rédigé par Sylvian Dorol, correspondant également à l’évolution du Bulletin d’informations de Vénézia & Associés, édité en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase


Sommaire

I. Signification et PV 659 : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie !

CA Caen, 7 février 2023, n° 22/00723

CA Aix-en-Provence, 5 janvier 2023, n° 22/01628

CA Bordeaux, 16 février 2023, n° 22/02273

CA Aix-en-Provence, 2 mars 2023, n° 22/05647

CA Orléans, 15 mars 2023, n° 22/01915

II. Expédition d’une assignation

CA Paris, 4, 9-A, 1er décembre 2022, n° 20/15424

III. Point de départ de l’intérêt légal majoré

Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 20-20.063, F-B

IV. Saisie-conservatoire d’aéronef : envole-moi loin de cette fatalité ?

Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-17.459, FS-B

V. Saisie-vente, saisie des véhicules terrestres à moteur : ça marche

CA Paris, 1, 10, 16 février 2023, n° 22/08052

CA Bordeaux, 27 octobre 2022, n° 22/00888

CA Nancy, 26 janvier 2023, n° 22/01654

VI. Saisie-attribution

CA Paris, 1, 10, 16 février 2023, n° 22/01073

Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 20-16.800, F-B

VII. Fin du bail et restitution des clés

Cass. civ. 3, 18 janvier 2023, n° 21-23.309, F-D

IX. Paiement de la dette cause de l’expulsion avant celle-ci

CA Lyon, 19 janvier 2023, n° 22/02914

X. Procès-verbal d’expulsion : de l’exhaustivité de l’inventaire

CA Paris, 1, 10, 2 février 2023, n° 22/08170

XI. Preuve contraire d’un procès-verbal dressé par les douanes

Cass. com., 4 janvier 2023, n° 19-21.884, FS-B

XII. Mention relative au tiers assistant au constat

CA Paris, 5, 2, 27 janvier 2023, n° 22/03973

XIII. Preuve du bruit

CA Aix-en-Provence, 1er décembre 2022, n° 21/13222

XIV. Ordonnance sur requête

Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 21-10.469, F-B


I. Signification et PV 659 : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie !

Contexte général. Les dispositions de l’article 659 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6831H77 constituent le canot de sauvetage du droit de la signification, l’ultime recours quand toutes les tentatives pour remettre l’acte à son destinataire ont pris l’eau. C’est principalement son alinéa 1er qui concentre le contentieux puisqu’il dispose « Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ». En témoignent les cas du trimestre écoulé.

Il est fréquent que, parmi les diligences effectuées par les commissaires de justice en vue de contacter le destinataire de l’acte, il est indiqué « qu’aucune nouvelle adresse n’a été trouvée après consultation des pages blanches internet. »

Dans l’affaire tranchée par la cour d’appel de Caen le 7 février 2023, l’huissier de justice avait écrit « Le débiteur n'habite plus à ladite adresse, le nom de [Ab] ne figure plus sur aucune des boîtes aux lettres ni sur les interphones. Nous avons tenté de le joindre téléphoniquement, en vain. Celui-ci n'a laissé aucune adresse où le contacter et il n'a ni résidence ni lieu de travail connus. Les recherches effectuées sur les pages jaunes et les pages blanches sont restées vaines, tout comme l'enquête de voisinage ».

La partie adverse conteste ces mentions et verse aux débats, « en original, les annuaires téléphoniques (pages blanches) des années 2015/2016 et 2017/2018, documents qui, tous deux, mentionnent l'adresse qui était alors celle de l'intéressée, soit le [Adresse], à quelques centaines de mètres seulement de son ancien domicile ».

La cour annule l’acte au motif que, si l’huissier avait réellement consulté l'annuaire téléphonique, du moins s'il l'avait fait correctement, il n'aurait pas manqué de découvrir la nouvelle adresse de l’intéressée, ce qui lui aurait permis de signifier son acte à la personne de l'intéressée.

Dans quelles circonstances le commissaire de justice est-il tenu de se rendre sur le lieu de travail pour remettre un acte à son destinataire ?

Le 8 décembre dernier, la Cour de cassation l’a fermement rappelé: avant de recourir aux dispositions de l’article 659 du Code de procédure civile, le commissaire de justice doit rechercher le lieu de travail du destinataire de l’acte (Cass. civ.2, 8 décembre 2022, n° 21-14.145, F-B N° Lexbase : A10288YQ) et effectuer de sérieuses diligences en appelant le numéro de téléphone qui figure sur une enseigne plutôt que de se limiter à chercher dans un annuaire téléphonique (CA Paris, 5, 9, 2 février 2023, n° 22/16784 N° Lexbase : A89529B8).

Pour autant, signifier sur un lieu de travail peut être délicat, notamment car le commissaire de justice brise alors la frontière vie privée/vie professionnelle dans les locaux de l’employeur du destinataire de l’acte. C’est ainsi que la cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que le déplacement du commissaire de justice sur le lieu de travail n’est exigé qu’en dernier recours avant l’établissement du procès-verbal de recherches infructueuses de l’article 659 du Code de procédure civile (CA Aix-en-Provence, 5 janvier 2023, n° 22/01628 N° Lexbase : A3339888)

Il est peu fréquent que quelqu’un se plaigne de ne pas avoir de message d’un huissier/commissaire de justice ! C’est pourtant le cœur du contentieux tranché par la cour d’appel de Bordeaux, dans lequel une partie critique un acte d’huissier/commissaire de justice.

En l’espèce, elle reproche à l’huissier de justice d’avoir signifié un acte selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile (pas d’adresse, résidence, lieu de travail connus), alors que l’officier public et ministériel indique dans son procès-verbal avoir appelé son numéro de téléphone, vainement.

L’article 659 du Code de procédure civile impose au commissaire/huissier de justice d’effectuer toutes diligences pour trouver la nouvelle adresse du destinataire de l’acte et le contacter. C’est pourquoi lorsque l’huissier dispose du numéro de téléphone du destinataire de l’acte, il ne doit pas hésiter à l’appeler et lui parler pour obtenir sa nouvelle adresse. En cas de refus, cette précision est appréciée par les magistrats qui sont très exigeants en la matière. Dans l’hypothèse où l’huissier tombe sur la messagerie vocale du destinataire de l’acte, doit-il lui laisser un message en espérant être rappelé ? L’absence de message vocal laissé doit-elle se comprendre comme une insuffisance de diligences ?

Comme le juge de l’exécution bordelais, la cour d’appel de Bordeaux valide le procès-verbal de l’huissier/commissaire de justice en estimant que ses diligences sont suffisantes.

Elle juge qu’il ne peut aucunement être reproché à l’huissier de ne pas avoir consulté les pages blanches d’un autre département ni (…) de ne pas avoir laissé de message sur le numéro appelé, alors que rien ne permettait de dire qu'il s'agissait toujours du numéro de téléphone de l'intéressé. Elle en conclut, entre autres motifs, à la validité de l’acte attaqué.

Cet arrêt rappelle que les diligences de l’huissier de justice doivent être réelles, mais qu’il n’a pas à attendre un comportement positif du destinataire de l’acte, comme un rappel après un message téléphonique, pour exercer son ministère.

Un boulanger poursuivi par l’Urssaf fait l’objet d’une saisie-vente de ses biens meubles corporels sur le fondement d’un jugement signifié le 20 avril 2020, durant le premier confinement. L’huissier de justice qui se rend sur place le 19 janvier 2021 procède à la saisie de 4 frigidaires et meubles vitrés froids, une lampe et une panetière. Le boulanger, pour contester la signification de la décision de justice, invoque l'absence de diligences suffisantes de l'huissier de justice pour une remise à personne.

En période de confinement, l’huissier de justice devait-il absolument tenter la signification à personne, ou la Covid-19 est-elle une excuse pour limiter cette tentative ?

Le juge de l’exécution toulonnais ayant annulé la saisie-vente, la cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme son jugement. Pour ce faire, la Cour juge que l'impossibilité d'une signification à personne résulte de la période de confinement liée à l'épidémie de Covid-19 ordonnée par le gouvernement à compter du 17 mars 2020, en cours à la date de la signification litigieuse.

L’affaire est une nouvelle fois relative à une signification effectuée selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile.

L’huissier de justice instrumentaire avait pourtant réalisé des diligences très concrètes : il avait vérifié sur place qu'il n'y avait pas de nom à cette adresse, que les nouveaux locataires depuis trois ans ne connaissaient pas les destinataires de l’acte, comme les voisins et la mairie, et que la consultation de l’annuaire électronique était vaine.

Le destinataire de l’acte reproche à cet officier ministériel de n'avoir pas consulté l'administration fiscale, et de n'avoir pas fait des recherches sur 'Internet' pour obtenir des informations permettant de localiser, en particulier son profil 'LinkedIn'.

Pour statuer, la Cour d’appel d’Orléans rappelle tout d’abord que si l'article 659 du Code de procédure civile impose à l'huissier de relater « avec précision les diligences qu'il a accomplies », ce texte ne comporte aucune liste desdites diligences qui seraient ainsi imposées.

Pour valider l’acte et juger que les recherches faites ont été suffisantes au regard des exigences légales, la cour retient « qu'il ne peut être exigé d'un huissier de rechercher le destinataire de l'acte sur l'ensemble des réseaux sociaux, dont la fiabilité est toute relative, différents utilisateurs faisant usage de pseudonymes, les renseignements pouvant être obtenus ayant été mentionnés et diffusés sur les réseaux par les intéressés eux-mêmes sans aucun contrôle, alors qu'il est de notoriété publique que de nombreuses personnes utilisent lesdits réseaux sociaux en y faisant figurer des renseignements fantaisistes, et ce outre les difficultés que pose la présence de nombreux homonymes ».

II. Expédition d’une assignation (CA Paris, 4, 9-A, 1er décembre 2022, n° 20/15424 N° Lexbase : A15948YP)

L’expédition d’une assignation remise au requérant peut porter la signature d’un autre commissaire de justice que celui qui a signé la copie remise au destinataire. L’assignation ainsi placée n’encourt pas l’irrecevabilité.

Faits. Un couple a contacté un entrepreneur pour terminer et reprendre des travaux de rénovation de l'appartement dont ils sont propriétaires, et précédemment réalisés par un autre entrepreneur lequel ne leur avait pas donné satisfaction. L’entrepreneur a contacté une société X. pour des travaux dans la cuisine.  La société X. a réalisé ces travaux et adressé une facture au couple. Non réglée, elle mandate un huissier de justice pour délivrer une assignation en paiement. L’assignation est délivrée par un clerc assermenté. Comme la loi le prévoit, l’acte porte la signature d’un huissier exerçant dans l’office. Détail qui a son importance : l’huissier qui a signé la copie de l’acte remis aux époux n’est pas le même que celui qui a signé l’exemplaire remis au client, lequel est remis au juge.

Problème de droit. L’expédition et la copie d’un acte signifié par un clerc assermenté doivent-ils être signées par le même huissier ?

En théorie, les mentions d’un acte de huissier/commissaire de justice doivent être identiques sur l’original et ses expéditions.

L’article 648 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6811H7E prévoit notamment que l’acte doit porter, à peine de nullité, « Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice [du commissaire de justice] ».

Cependant, les textes sont silencieux sur la question de savoir si, bien que l’acte signifié par clerc assermenté soit signé par un huissier, un des exemplaires peut ou non être signé par un autre huissier du même office. Une assignation ainsi réalisée peut-elle être remise au tribunal ? Le tribunal judiciaire de Paris avait répondu par l’affirmative le 21 octobre 2020, mais c’est ce jugement qui est critiqué.

Quelle est la réponse de la cour d’appel de Paris ?

Solution. Qu’importe le signataire, pourvu que l’acte soit signé. La cour d’appel parisienne juge que « Le nom de l'huissier signataire n'est pas le même sur l'acte délivré et la copie remise mais l'acte a été délivré par clerc assermenté et la signature de l'huissier atteste ce qu'a fait le clerc.

Le fait que sur la copie remise au greffe les diligences du clerc soient attestées par un autre des huissiers de l'étude n'est pas davantage de nature à permettre de considérer que la copie qui a été déposée au greffe pour saisir le premier juge présente des différences telles qu'elles soient de nature à rendre l'assignation caduque et ce d'autant que ce qui est sanctionné par la caducité est le non-respect du délai ».

Elle en conclut que l’assignation est valable, non susceptible d’encourir une caducité.

Comment, en pratique, un tel cas peut se poser ?

Comme l’indique la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 2 juin 2022, n°21/09699 N° Lexbase : A84417YB), « l'acte à signifier est préalablement signé par l'huissier de justice qui, après la signification, a visé les mentions faites par le clerc assermenté, permettant d'établir que la diligence a été accomplie par ce dernier ».

L’acte est donc signé en deux temps : à l’arrivée et à la sortie de l’office. Le changement de signataire peut donc intervenir a posteriori de la remise de l’acte, si l’huissier qui a signé le départ de l’acte est alors absent par exemple.

Même si le changement de signataire peut arriver, cela reste exceptionnel. Pour preuve, à notre connaissance, il s’agit de l’unique décision sur cette question puisque nous n’avons pas trouvé de précédent jurisprudentiel.

III. Point de départ de l’intérêt légal majoré (Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 20-20.063, F-B N° Lexbase : A647187S)

Problématique. Comme c’est souvent le cas, le texte est simple, mais non la pratique. En témoigne la lecture de l’article L. 313-1 du Code monétaire financier N° Lexbase : L7599HIB qui dispose que le taux d’intérêt légal est majoré de cinq points deux mois après que la décision de justice soit devenue exécutoire.

La doctrine (Verdun, Une question d'intérêt : les intérêts des dommages-intérêts, Bull. Ch. Avoués 1986, 2e trim. p. 33 à 45 ; R. Perrot, RTD civ. 1991 p. 409 ; J. Cl. proc. civ., fasc. 515, Y. Lobin et J. Miguet) a pointé très tôt les difficultés soulevées par ce texte lorsque la décision de justice en question est un arrêt d’appel : faut-il compter la majoration à compter de son prononcé, ou de sa signification effectuée en application de l’article 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C ?

Solution. Il y a plus de trente ans, partant du principe qu’une condamnation civile prononcée par un arrêt d'appel est immédiatement exécutoire ; la Cour de cassation courir le délai de majoration des intérêts légaux à compter de son prononcé (Cass. civ.2., 13 mars 1991, n° 89-11.896 N° Lexbase : A4348AHI). Tout à fait fondée dans sa logique juridique, cette position prêtait le flanc à critique dans certaines situations, notamment lorsque le greffe submergé rend l’arrêt un certain temps après son prononcé. La Cour de cassation a donc changé de position, faisant de la notification de l'arrêt d'appel une condition de la force exécutoire (Cass. civ.3, 3 juin 1992, n° 90-16.792 N° Lexbase : A5044ACS), confirmant sa position en 2002 et 2003.

C’est donc sans surprise que la Cour de cassation, le 12 janvier 2023, la Cour de cassation a à nouveau confirmé sa position (Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 20-20.063, F-B N° Lexbase : A647187S): la majoration de l’intérêt égal ne peut intervenir que deux mois après la signification de la décision de justice.

IV. Saisie-conservatoire d’aéronef : envole-moi loin de cette fatalité ? (Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-17.459, FS-B N° Lexbase : A25989BT)

Faits. La saisie d’un aéronef est d’une redoutable efficacité, proportionnelle à sa délicate mise en œuvre.

Souvent effectuée pour de très importantes sommes, elle peut être réalisée à titre d’exécution ou de mesure conservatoire, comme ce fut le cas dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 février 2023.

Dans cette affaire, une saisie conservatoire d’un aéronef, immatriculé en Grande-Bretagne et appartenant à une société de droit hongrois, a été pratiquée sur ordonnance du juge de l’exécution. Le procès-verbal a été dénoncé à la société saisie dans les délais.

Problématique. Celle-ci conteste la mesure au motif de l'incompétence du juge de l'exécution pour autoriser une telle mesure. Elle évoque en effet l’article R. 123-9 du Code de l'aviation civile N° Lexbase : L4950LTI qui prévoit en son premier alinéa que « Lorsque le propriétaire de l'aéronef n'est pas domicilié en France ou que l'aéronef est de nationalité étrangère, tout créancier a le droit de pratiquer une saisie conservatoire avec l'autorisation du juge du tribunal judiciaire du lieu où l'appareil a atterri ».

La cour d’appel de Nîmes rejette son argumentation en retenant la compétence du juge de l’exécution pour autoriser une telle mesure (CA Nîmes, 31 mars 2021, n° 20/03071 N° Lexbase : A99514MI).

Solution. Les Hauts magistrats rejette le pourvoi et valide la décision de la Cour d’appel. Cette décision est fondée puisque, par décision du 14 octobre 2022, le Conseil d’État (CE, 2°-7° ch. réunies, 14 octobre 2022, n° 462518 N° Lexbase : A68448P8), « a jugé que le législateur a conféré au juge de l'exécution une compétence exclusive en matière d'autorisation des saisies conservatoires, y compris en matière de saisie des aéronefs étrangers, sous réserve de la compétence concurrente du président du tribunal de commerce prévue par les dispositions de l'article L. 721-7 du Code de commerce N° Lexbase : L2063KGI». Elle écarte donc les dispositions de l'article R. 123-9 du Code de l'aviation civile.

Une solution à saluer, qui conforte le droit commun des mesures conservatoires.

V. Saisie vente, saisie des véhicules terrestres à moteur : ça marche

Dans une affaire somme toute classique, une personne conteste la mesure de saisie-vente dont il a fait l’objet. Parmi les éléments contestés, il émet un doute sur l’existence du serrurier ayant assisté l’huissier de justice puisque, malgré sa porte blindée et codée, l’officier public et ministériel a pu pénétrer dans son appartement sans dégât !

A cette contestation, la cour parisienne indique qu’il n’appartient pas à l’huissier de justice les modalités d’intervention et technique d’ouverture de la porte, mais simplement de préciser l’assistance d’un serrurier.

Le 28 janvier 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Libourne a ordonné la mainlevée d’une saisie de véhicule au motif, notamment, qu’aucun préalable amiable n’avait été diligentée. Pourtant, le créancier saisissant avait usé de plusieurs voies de recours préalables, infructueuses...

La cour bordelaise rappelle d’abord que l'article L. 111-7 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5795IR3 dispose que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. Toutefois, l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour assurer l'exécution de l'obligation.

Elle relève ensuite que, si les mesures d'exécution concernant les véhicules terrestres à moteur sont soumises à ce principe de proportionnalité, leur validité n'est pas subordonnée à la mise en œuvre par le débiteur de démarches amiables de recouvrement.

La cour bordelaise conclut donc qu’il ne peut être tiré aucune conséquence juridique de ce qu'aucune démarche amiable n'a été mise en œuvre par le créancier avant la signification d'un commandement de payer intervenue le 27 décembre 2019.

Tout commissaire de justice chargé de l’exécution peut interroger directement le Service d’Immatriculation des Véhicules (SIV). Par arrêt du 26 janvier 2023, la cour d’appel de Nancy rappelle que le modèle du véhicule saisi n’est pas une mention obligatoire de la déclaration valant saisie de véhicule prévue par l’article R. 223-2 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L2669ITZ.

VI. Saisie-attribution

Après la réalisation d’une saisie-attribution, l’huissier/commissaire de justice doit la dénoncer dans un délai de huit jours, qu’elle soit créditrice ou non. Le code des procédures civiles d’exécution prévoit alors que l’acte doit indiquer clairement que le débiteur saisi dispose d’un délai d’un mois pour élever une contestation.

Pour des motifs légaux, notamment en cas de prorogation de délai (Cass. civ.2, 4 juin 2020 n° 19-12.260, F-P+B+I N° Lexbase : A95723MH), le délai indiqué peut être supérieur à un mois. Mais quelle est la validité de l’acte si l’huissier de justice a indiqué par erreur un délai supérieur à un mois ?

La cour d’appel parisienne apporte une réponse de bon sens en validant l’acte puisque l’irrégularité n’a causé aucun grief, le saisi ayant pu former sa contestation.

Faits. Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière et à la suite de l’audience adjudication, la société adjudicataire a fait pratiquer sur le fondement d’une ordonnance de référé lui octroyant une indemnité d’occupation, une saisie-attribution entre les mains du Bâtonnier.

Par jugement du 15 novembre 2016, un juge de l’exécution a prononcé la mainlevée de la saisie-attribution. Par ordonnance du 18 mai 2017, un juge des référés a ordonné au séquestre de remettre le solde du prix d’adjudication à la mandataire successorale.

La demanderesse fait grief à l’arrêt (CA Versailles, 21 avril 2020, n° 19/03937 N° Lexbase : A93393K4) rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 19 mai 2022, n° 20-16.800, F-D N° Lexbase : A14997Y8) d’avoir rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du Bâtonnier, en recouvrement d’une certaine somme et dire que cette saisie était privée de son effet attributif. L’intéressée fait valoir la violation des articles 561 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7232LEL et R. 121-22 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L6806LES.

Elle énonce notamment que l'infirmation de la décision de mainlevée fait retrouver à la saisie-attribution sa validité et autorise le débiteur à se voir remettre la chose objet de la saisie.

En l’espèce, la cour d’appel a conclu qu’en l’absence de décision de sursis à exécution, et après avoir constaté que le jugement ordonnant la mainlevée de la saisie-attribution a été signifié l'effet d'indisponibilité et d'attribution de la saisie-attribution avait cessé. Dès lors la saisie était privée de son effet attributif. Dans le cas présent, le jugement de mainlevée ayant été signifié au Bâtonnier de l’Ordre des avocats en qualité de séquestre des fonds, ce dernier s’était dessaisi des fonds.

La Cour de cassation, valide le raisonnement de la cour d’appel, déclare le moyen non fondé et rejette le pourvoi. Les Hauts magistrats rappellent qu’aux termes des dispositions de l’article R. 121-18 du Code des procédures civiles d’exécution, « la décision de mainlevée des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires emporte, dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification ».

VII. Fin du bail et restitution des clés (Cass. civ. 3, 18 janvier 2023, n° 21-23.309, F-D N° Lexbase : A339589M)

Contexte. C’est bien souvent le moment tant attendu par le bailleur, celui où le locataire lui rend les clés du logement. Mais, dans certaines situations, le bailleur fuit cet instant...

Dans cette situation, la loi autorise le locataire à restituer les clés à son bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (LRAR). Mais quelques questions se posent en pratique :

  • à qui incombe la charge de la preuve en cas de contestation sur le contenu de la LRAR;
  • le loyer ou l’indemnité d’occupation continue-t-il à courir jusqu’à ce que le bailleur ait reçu les clés ?

En l’espèce, le bailleur avait attendu quinze mois pour reprendre les lieux, prétendant a posteriori avoir bien reçu une LRAR de l’occupant, mais que l’enveloppe était vide.

La cour d’appel d’Agen (CA Agen, 26 juillet 2021, n° 20/00121 N° Lexbase : A36534ZC) avait fait droit à la demande du bailleur et condamné le locataire au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la date de la reprise des lieux par le bailleur, quinze mois plus tard…

Le locataire critique cet arrêt et reproche au bailleur d'avoir attendu quinze mois pour procéder à la reprise des lieux, alors que les clés de l'appartement lui avaient été adressées par LRAR, et qu’il lui appartenait, en supposant que les clés ne fussent pas jointes au courrier recommandé, de se manifester auprès du locataire.

Relevant que le bailleur ne contestait pas avoir reçu la LRAR, l’argument trouve écho auprès de la Cour de cassation.

IX. Paiement de la dette cause de l’expulsion avant celle-ci (CA Lyon, 19 janvier 2023, n° 22/02914 N° Lexbase : A7701894)

Il est assez fréquent que le juge conditionne l’acquisition de la clause résolutoire au non-respect d’un échéancier par le débiteur.

C’était ainsi le cas dans l’espèce tranchée par la cour d’appel de Lyon le 19 janvier 2023. Dans cette affaire, la société avait finalement réglé la totalité de l'arriéré visé dans l'ordonnance de référé, mais pas dans les délais fixés judiciairement, et le bailleur avait donc fait procéder à son expulsion.

Plus encore, la société expulsée soutenait que le bailleur avait consenti à l'octroi de délais de paiement qui valait renonciation à mettre en œuvre la procédure d'expulsion, en se fondant sur un courriel de l'agence gestionnaire de la location qui stipulait 'avoir indiqué à l'étude d'huissier en charge du dossier de la mise en place d'un échéancier et de la suspension des poursuites jusqu'à nouvel ordre'.

La cour d’appel valide la mesure, rappelant l’efficacité de l’acquisition de la clause exécutoire et indiquant que le courriel « ne caractérise pas une renonciation, même implicite, à reprendre la procédure d'expulsion. Il se comprend, au contraire, comme suspendant cette poursuite pour une période indéterminée en « fonction du respect de l'échéancier à mettre en place ».

X. Procès-verbal d’expulsion : de l’exhaustivité de l’inventaire (CA Paris, 1, 10, 2 février 2023, n° 22/08170 N° Lexbase : A88199BA)

Il est constat qu’en matière d’expulsion, le procès-verbal doit contenir un inventaire des biens laissés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié (CPCEx, art. R. 433-1 N° Lexbase : L5601LTM).

Cette disposition doit-elle être comprise comme instituant une obligation pour le commissaire de justice d’inventorier tous les biens laissés sur place, y compris ceux qui se trouvaient dans des meubles ?

C’est la question que pose une personne expulsée, contestant la validité du procès-verbal d’expulsion réalisé à son encontre notamment parce que « l'huissier de justice ne s'était pas donné la peine d'ouvrir les meubles pour dresser une liste de leur contenu ».

Pour écarter cet argument et admettre la validité du procès-verbal d’expulsion, la cour d’appel de Paris relève que l’expulsé étant présent lors des opérations, « il ne tenait qu'à lui, pour le cas où, comme il le prétend, les meubles et valises contenaient des papiers et documents administratifs ou biens de valeur, ou qu'il souhaitait transporter, de les ouvrir lui-même ». Les magistrats relèvent également qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que l’inventaire du procès-verbal d’expulsion soit parfaitement exhaustif et recense l'intégralité des objets présents. Le juge de l'exécution avait d'ailleurs relevé que s'agissant, notamment, de ceux présents en quantité tels que livres ou produits d'hygiène, il ne pouvait être exigé de l'huissier de justice d'en dresser une liste complète !

XI. Preuve contraire d’un procès-verbal dressé par les douanes (Cass. com., 4 janvier 2023, n° 19-21.884, FS-B N° Lexbase : A009187I)

C’est un arrêt qui est passé inaperçu qui a été rendu le 4 janvier 2023 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l’espèce, une société avait, à la suite d'un contrôle de ses entrepôts, été notifié par l'administration des douanes plusieurs infractions à la réglementation en matière de contributions indirectes le 1er octobre 2015 et a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement (AMR) le 19 octobre 2015.

Elle conteste le contrôle, relevant une erreur de l’agent des douanes, comme il ressortait de la consultation des images de vidéosurveillance de l’entrepôt où s’était déroulée l’inspection. Cette vidéo est constatée par huissier. Pourtant, l’administration des douanes conteste la recevabilité de cette preuve au motif que la production de ces images enregistrées sans preuve du consentement tacite, certain et non équivoque de ses agents est irrecevable comme contraire aux dispositions des articles 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au principe de loyauté dans l'administration de la preuve.

La Cour de cassation écarte cependant cet argument au motif que qu'aucune atteinte aux droits de la personnalité des agents de l'administration des douanes pouvant résulter de l'utilisation de ces images à titre de preuves n'était alléguée.

XII. Mention relative au tiers assistant au constat (CA Paris, 5, 2, 27 janvier 2023, n° 22/03973 N° Lexbase : A19359BB)

Le tiers au constat d’huissier continue à concentrer les critiques en matière de propriété intellectuelle.

Pourtant, il est constant que l’identité du tiers doit être précisée dans l’acte d’huissier de justice, au contraire de sa qualité dont l’absence ne suffit pas à invalider un procès-verbal de constat. Cela est justifié par le fait que, bien souvent, l’anonymat est le nid de suspicions quant à la dissimulation de la vérité.

Les modalités d’identification du tiers auxiliaire du constat varient selon le cadre judiciaire ou non du procès-verbal de constat. Dans le cas d’un constat extrajudiciaire, c’est-à-dire à la requête d’un particulier, aucun texte ne précise comment le tiers auxiliaire du constat doit être désigné.

En toute hypothèse, la désignation du tiers doit être suffisante pour pouvoir l’identifier : la seule mention de sa qualité est insuffisante à cette fin.

Cela étant, une question demeure : incombe-t-il au commissaire de justice de préciser quel rôle le tiers joue dans le cadre des constatations, même s’il ne fait qu’assister aux opérations ?

C’est cette nouvelle question qui a été posée et tranchée par la cour d’appel parisienne le 27 janvier dernier. Dans cette affaire, un huissier de justice avait instrumenté en présence d’un tiers neutre et indépendant selon les déclarations de ce dernier.

La partie adverse conteste cette mesure en faisant valoir que le constat a été réalisé en présence d'un tiers dont le rôle ne serait pas clairement déterminé.

La Cour d’appel parisienne juge l’argument sans portée, tout en soulignant que la nullité du constat n'est pas sollicitée, et que cette personne a déclaré “agir en qualité de tiers neutre et indépendant“.

Plus que de valider le procès-verbal de constat, la vertu de l’arrêt commenté est qu’il confirme qu’il existe une présomption simple d’indépendance du tiers dans le constat, de sorte que sa déclaration suffit.

XIII. Preuve du bruit (CA Aix-en-Provence, 1er décembre 2022, n° 21/13222 N° Lexbase : A16158YH)

Pour prouver une nuisance sonore constituant un trouble de voisinage, le commissaire de justice n’a pas obligation d’utiliser un sonomètre homologué. Son acte n’a pas non plus à faire état de l'émergence globale et des valeurs résiduelles.

Faits. Un homme habite près de la plage de Pampelonne, haut-lieu touristique limitrophe de la mythique ville de Saint-Tropez.

Il subit d’importantes nuisances sonores de la part d’un établissement recevant du public qui exerce une activité de restauration, bar, piscine avec animation par un DJ et club pour enfants.

Il fait appel à un huissier de justice pour constater ce trouble de voisinage. Ce dernier dresse cinq constats avec un sonomètre en une semaine.

Notamment sur cet élément de preuve, le juge des référés ordonne à la société de cesser sans délai toute diffusion de musique au-delà des limites prévues par le Code de la santé publique, et ce sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée conformément à la règlementation en vigueur et avec un matériel homologué.

Problème de droit. La société conteste la sanction prononcée par le juge des référés, en ce qu’elle considère comme inefficaces à prouver un trouble les constats dressés par l’huissier de justice.

En plus de ne jamais avoir reçu de contravention pour nuisances sonores (amende de 5ème classe), elle relève que l’officier public et ministériel n’a pas respecté les prescriptions du Code de la santé publique. Il aurait ainsi dû utiliser un sonomètre homologué et faire état des émergences (différences entre le bruit critiqué et le bruit ambiant) dans son acte. Le particulier conteste en évoquant le fait que, s’agissant d’un trouble anormal de voisinage, c’est le Code civil qui s’applique, et non le code de santé publique. Selon lui, l’utilisation d’un sonomètre homologué n’est donc pas obligatoire.

Qu’en pense la cour d’appel d’Aix-en-Provence ?

Solution. La cour retient tout d’abord que la responsabilité de l’établissement festif est recherchée sur le plan civil, et non sur le plan pénal, ce qui explique que la juridiction civile soit compétente et ne se fonde pas sur les dispositions du code de la santé publique.

Elle juge ensuite que la qualité du sonomètre employé pour relever les bruits environnants et la méthode employée par l'huissier de justice ne peut être celle d'un expert ; elles sont discutables au même titre qu'un autre élément de preuve de même valeur. Elle retient que la validité du procès-verbal de constat n'est pas conditionnée par le respect des formes du code de la santé publique.

Dans ces conditions, la Cour conclut que les procès-verbaux de constat de l’huissier sont des éléments de preuve valables et recevables devant la juridiction civile.

XIV. Ordonnance sur requête (Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 21-10.469, F-B N° Lexbase : A645987D)

En matière d’ordonnance sur requête, le Code de procédure civile impose que copies de la requête et de l’ordonnance soient remises à la partie qui subit les mesures, avant le constat.

Dans le cas où l’ordonnance a été refusée, puis acceptée en appel, la remise de l’ordonnance infirmée est prudente.

Faits. Une société soupçonne un de ses anciens salariés de violer son obligation de confidentialité chez son nouvel employeur. Elle demande au président du tribunal de commerce une ordonnance sur requête (CPC. art. 145 N° Lexbase : L1497H49) afin de prouver la matérialité de ces faits, ce qui lui est refusé. Elle interjette donc appel, et obtient gain de cause. L’ordonnance de rejet est infirmée, et la mesure de constat a lieu quelques semaine après. Au début de la mesure d’instruction, l’huissier de justice ne remet que l’arrêt ayant autorisé la mesure, sans la requête initiale et sans l’ordonnance de rejet. Par la suite, et après les opérations, il transmet copie de la requête initiale.

Problème de droit. À quel moment la requête doit-elle être remise ? Une ordonnance de rejet doit-elle être remise ?

L’article 495 alinéa 3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6612H7Z dispose en son troisième alinéa que « Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ».

Problème : rien n’est dit dans le texte au sujet du moment de la remise de ces documents…

Pire encore, rien n’est prévu lorsque la mesure d’instruction a lieu sur le fondement d’un arrêt ayant annulé une ordonnance de rejet…

Pour le bénéficiaire de la mesure, la remise de la requête « peut être accomplie à tout moment pourvu que les droits de la défense ne s'en trouvent pas compromis, ce qui est le cas lorsque la personne qui subit la mesure est mise à même de former un recours en rétractation de cette ordonnance ».

Quelle est la position de la Cour de cassation ?

Solution. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 janvier 2023 est très clair : dès lors qu’il est établi que la requête et l’ordonnance n’ont pas été remises avant les opérations, celles-ci sont entachées de nullité, qu’importe que la requête ait été remise par la suite.

Quant à la question de la remise de l’ordonnance de rejet, elle ne se prononce pas plus sur ce point. La cour d’appel de Nancy, dont l’arrêt est confirmé (CA Nancy, 9 septembre 2020, n° 19/01013 N° Lexbase : A09693T3), avait estimé que l’ordonnance ayant rejeté la requête initiale aurait dû être remise. Sa motivation était que « le but poursuivi est en effet de permettre, dès avant l'exécution de la mesure d'instruction, le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu, ce qui a déterminé la décision tant du juge que, le cas échéant, de la cour d'appel, et partant, d'appréhender immédiatement l'opportunité d'un éventuel recours ».

La remise préalable de la requête et de l’ordonnance fondant la mesure est traditionnellement exigée, étant ici précisé que la personne à qui est opposée l’ordonnance n’a pas à se prévaloir d’un grief pour obtenir la nullité d’un constat sur ordonnance dressé sans que l’huissier de justice ne remette copie de la requête (Cass. civ. 2., 1er septembre 2016, n° 15-23.326, F-P+B N° Lexbase : A9374RYT). C’est donc une confirmation en ce sens.

Il est possible de regretter l’absence de précision concernant la nécessité de la remise de l’ordonnance de rejet, ce que la prudence peut commander. Pourtant, la production de celle-ci peut affecter le bon déroulement de la mesure d’instruction, la partie la supportant étant encline à se concentrer davantage sur ce document que sur l’arrêt qui autorise la mesure. Il appartient alors à l’huissier/commissaire de justice de faire preuve de pédagogie !

newsid:484823

Commissaires de justice

[Pratique professionnelle] Le jour où : j’ai voulu poser un sabot de Denver sur un véhicule terrestre à moteur !

Lecture: 7 min

N4669BZX

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par Odile Blanchet, Commissaire de justice associée, membre du Jury de l’examen professionnel d’accès à la profession de commissaire de justice, intervenante EJT (Editions juridiques et techniques), et INCJ

Le 03 Avril 2023

Mot-clés : saisie• véhicule • VTM • Denver • commissaire de justice

La revue Lexbase Contentieux et recouvrement a le plaisir de vous présenter la rubrique « Le jour où » qui laisse la parole libre à des professionnels du droit, ayant rencontré des difficultés pratiques lors de la mise en œuvre d’une procédure. L’objectif de cette rubrique est, au-delà de constituer un retour d’expérience, de démontrer en quoi la réalité du droit peut être éloignée des textes, contraignant le professionnel à improviser pour parvenir à ses fins


                                                    

« Je me rappelle d’une anecdote à mes débuts, quand j’ai eu à me frotter au fameux sabot de Denver.

Les faits sont assez courants et le dossier ne présentait à l’origine aucune difficulté particulière.

En l’espèce, un particulier, propriétaire d’une maison à usage d’habitation donnée à bail à un couple marié, engage une procédure en paiement et en expulsion à l’encontre de ses locataires pour nombreux impayés de loyers.

Matière fréquente, le juge saisi rend une décision de justice condamnant solidairement les occupants au paiement des arriérées de loyers et ordonnant leur expulsion du logement.

Ma mission est donc de deux ordres :

  • recouvrer la créance de mon mandant d’une part (presque 15 000 euros quand même !) ;
  • récupérer le bien libre de toute occupation et de tout garnissement mobilier d’autre part.

Quoi de plus ordinaire dans notre quotidien de Commissaire de Justice ?

J’engage donc concomitamment la procédure d’expulsion et la procédure de recouvrement … Toutes les mesures initiées et diligentées en vue du recouvrement demeurent vaines et infructueuses. Je propose alors à mon mandant d’interroger le Système d’Immatriculation des Véhicules, ce que ce dernier refuse, persuadé de ce que ses locataires indélicats utilisaient des véhicules de location !

Je cherche encore la solution dans d’autres procédures…

Aussi, alors que je me transporte sur site pour procéder à la tentative d’expulsion, je constate la présence d’un superbe véhicule haut de gamme : un modèle X6 de BMW de couleur blanche, stationné devant le portillon d’entrée de la propriété. Interrogé par mes soins, le voisin me confirme l’appartenance du véhicule stationné aux débiteurs poursuivis.

Ni une, ni deux, de retour à l’Office, j’en informe mon mandant qui accepte évidemment la consultation par nos soins du Système d’Immatriculation des Véhicules. Le retour est positif : ce véhicule appartient au débiteur.

Je suis alors rassurée car j’ai alors identifié une mesure me permettant de recouvrer la créance et de contenter mon mandant.

Se pose alors la question attendue : quelle mesure d’exécution pour saisir ce BMW qui, en droit, est qualifié de « Véhicule Terrestre à Moteur » (VTM) ?

Plusieurs voies sont possibles, saisie par déclaration, saisie par immobilisation.

En pratique il convient de scinder les difficultés.

Certes dans le cadre de la procédure, j’ai pu localiser un instant le véhicule du requis et envisager la procédure de saisie du VTM, mais je n’ai aucune certitude et il est même peu probable que le véhicule identifié et localisé un jour soit toujours stationné et localisable lors de mon prochain déplacement sur site. Il s’agit d’une première difficulté.

Ensuite dans l’hypothèse où le véhicule est de nouveau localisé, comment procéder à la procédure de saisie par immobilisation du véhicule, en l’espèce un X6 de BMW ? La seconde difficulté se révèle matérielle.

Concernant la première difficulté, l’urgence et la prudence me conduisent à initier une procédure de saisie par déclaration auprès de l’autorité administrative. Procédure prévue aux articles L. 223-1 N° Lexbase : L5859IRG et R. 223-1 N° Lexbase : L9694MG7 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, cette mesure est possible à tout créancier détenteur d’un titre exécutoire.

Dans l’urgence, j’ai procédé à ma saisie par déclaration et décidé, ayant un titre exécutoire condamnant les occupants au paiement et ordonnant leur expulsion, de mettre en œuvre une procédure de saisie par immobilisation.

N’ayant jamais eu à initier ou réaliser une telle mesure d’exécution, je me suis penchée sur les textes prévoyant cette saisie et précisément sur les dispositions des articles L. 223-2 N° Lexbase : L5860IRH et R. 223-6 N° Lexbase : L2337ITQ et suivants du Code des procédures civiles d’exécution. Consciente de ce que cette mesure permettait d’empêcher l’utilisation par le saisi de son véhicule par un « dispositif approprié » il était urgent de m’intéresser à l’outil nécessaire pour mettre en œuvre la saisie : le sabot Denver.

J’ai donc décidé de sortir le sabot du carton de rangement dans lequel il était entreposé et conservé à l’Office et de procéder à une lecture attentive du mode d’emploi fourni avec ! C’est alors que mes compétences techniques ont été mises à mal et que je me suis intéressée à l’existence sur le net de tutos afférents à la pose d’un sabot sur un véhicule terrestre à moteur. Puis, afin de réussir parfaitement ma mission, je me suis entrainée sur mon propre véhicule. En effet, manipuler cette dizaine de kilos de métal n’est pas chose aisée, surtout accroupie près d’une voiture… Sur ce point d’ailleurs, il m’avait été conseillé de ne pas agir seul mais accompagné d’un de mes collaborateurs car cette saisie expose le commissaire de justice grandement : il est accroupi, concentré sur ce qu’il fait, et ne voit pas ce qu’il se passe autour. Même si la présence du collaborateur n’empêche pas une agression, elle peut me préserver et gagner quelques précieuses secondes en cas de problèmes.

Prête ;

Je me suis de nouveau rendue sur site pour procéder à l’immobilisation du véhicule.

Je me suis exposée à deux reprises à l’absence du véhicule – difficulté d’exécution connue et redoutée de cette saisie, justifiant auprès de mon mandant la mise en œuvre préalable de la saisie par déclaration.

Après échange avec le créancier, ce dernier habitant à proximité du saisi, nous avons convenu de ce qu’il m’informe de la présence du véhicule sur la voie publique.

C’est ainsi que le jour « J » arriva.

Le cœur battant, je me suis approchée du véhicule objet de la mesure pour procéder à la pose du sabot de Denver, procédé approprié permettant d’immobiliser le véhicule stationné.

C’est alors qu’un sentiment de solitude m’envahit.

Mon sabot état trop petit pour les larges pneumatiques de ce mastodonte…

En effet le sabot de Denver « classique » ne peut être posé sur des pneumatiques de X6, beaucoup trop larges…..

Tout droit sortie de l’école, ce « petit » détail pratique ne m’avait pas été exposé avant, ce qui m’a valu quelques déboires supplémentaires avec mon mandant, lorsqu’il m’a fallu lui exposer cette nouvelle difficulté d’exécution et la nécessité de recourir dans notre cas à un enlèvement avec dépanneuse.

J’ai donc opté pour la poursuite de la procédure par la réalisation d’une saisie du véhicule par immobilisation avec enlèvement, telle que prévue à l’article R. 223-8,3° du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2339ITS.

C’est ainsi qu’une société de dépannage est intervenue à mes côtés et a apporté son concours pour réaliser l’enlèvement sur plateau du véhicule X6, objet de ma procédure.

Lors de mes opérations, le débiteur saisi n’était pas présent. Avant de me retirer, je l’ai avisé de la réalisation de la mesure par une lettre simple déposée le jour même dans sa boite aux lettres, lui précisant le lieu de dépôt du véhicule (CPCEx, art. R. 223-9 N° Lexbase : L2340ITT).

J’avais enfin réussi matériellement la mesure de saisie mais le dossier n’était pas terminé pour autant !!

En l’espèce, alors même que le débiteur saisi avait pris attache avec l’office le jour même de l’enlèvement, il a de nouveau joint le cabinet quelques jours plus tard et nous a interrogé sur les démarches à entreprendre pour espérer récupérer son véhicule.

C’est ainsi que dans les sept jours suivants la mesure, le saisi a réglé l’intégralité de sa dette entre nos mains, récupéré son véhicule et sollicité la mainlevée de la mesure de saisie par déclaration.

Ne restait plus au dossier que la procédure d’expulsion en cours qui, pour l’histoire, s’est terminée avec le départ spontané des occupants ».

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Commissaires de justice

[Pratique professionnelle] Infographie : devenir commissaire de justice spécialisé

Lecture: 1 min

N4780BZ3

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 24 Mars 2023

Pour accéder à l'infographie, INFO681, Devenir commissaire de justice spécialisé, voies d'exécution N° Lexbase : X8135CNM.

newsid:484780

Droit comparé

[Communiqué] Présentation de Union internationale des huissiers de justice (UIHJ)

Lecture: 1 min

N4635BZP

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Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/93838027-edition-n-1-du-30032023#article-484635
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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement et Expert près de l’UIHJ

Le 29 Mars 2023

L’Union internationale des huissiers de justice (UIHJ) a pour vocation de représenter ses membres auprès des organisations internationales et d’assurer la collaboration avec les organismes professionnels nationaux. 

Elle pourvoit à l’amélioration des droits procéduraux nationaux et des traités internationaux. Elle s’efforce de promouvoir les idées, les projets et les initiatives tendant au progrès et à l’élévation de l’indépendance de l’huissier de justice. L’UIHJ participe à des missions d’expertise auprès des gouvernements et des organismes internationaux. 

L’UIHJ se positionne également au cœur d’e-Justice en présentant les huissiers de justice comme les tiers de confiance incontournables et souhaitant occuper la position d’autorité racine.

L’Union internationale des huissiers de justice, regroupant plus de 100 membres ou organisations de 98 pays, consciente de l’impératif de formation, en a fait l’un des piliers de son action en l’ancrant définitivement dans l’article 2 de ses statuts.

Cela explique le souhait de nouer un partenariat avec notamment la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement et les éditions Lexbase et, dont la dématérialisation, l’expertise et la large diffusion internationale correspondent à l’état d’esprit de l’UIHJ. 

Les articles siglés UIHJ traiteront de thèmes internationaux à forte résonnance nationale, démontrant que la territorialité de l’exécution forcée peut s’inspirer et se renforcer par la connaissance des droits et actualités étrangers. 

L'actualité de UIJH est accessible sur leur site.

newsid:484635

Droit comparé

[Textes] Mention des voies de recours : analyse comparée Belgique / France

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N4705BZB

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par Sylvian Dorol - Commissaire de justice associé - Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement - Intervenant à l’ENM - EFB - Legal Logion Officer et Patrick Gielen, Huissier de justice associé, Secrétaire de l’UIHJ

Le 06 Septembre 2023

Mots-clés : signification • voie de recours • responsabilité • droit comparé

Qu’il soit huissier ou commissaire de justice, le professionnel de l’exécution ne peut plus exercer son ministère en totale ignorance de la loi étrangère.

En effet, ils sont appelés tous deux à signifier des actes provenant d’un pays étranger, et ce plusieurs fois par mois. L’Europe s’est saisie de la problématique de la signification européenne en créant des formulaires génériques, peu lisibles.

Ces formulaires influencent les droits internes, comme en témoigne la loi belge du 26 décembre 2022 relative à la mention des voies de recours et portant dispositions diverses en matière judiciaires qui instaure une notice de recours à joindre aux significations de décisions de justice civile belges.

 « Et alors, en quoi ça me concerne ? » pourrait penser le commissaire de justice français « Un papier en plus ? » pourrait maugréer l’huissier de justice belge.

C’est à ces questionnements que répondent les développements qui suivent.


Contexte juridique. La Cour constitutionnelle belge, dans un arrêt [1] du 10 février 2022, a dit pour droit que l’article 43 du Code judiciaire, en ce qu’il ne prévoit pas, lors de la signification d’un jugement, l’indication des voies de recours, le délai dans lequel ce ou ces recours doivent être introduits ainsi que la dénomination et l’adresse de la juridiction compétente pour en connaître, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les principes généraux garantissant le droit d’accès au juge [2].

Cet arrêt a d’ailleurs été confirmé par une nouvelle décision similaire rendue par la Cour constitutionnelle belge le 30 juin 2022 [3].

Le législateur, qui avait jusqu’au 31 décembre 2022 pour rectifier cette inconstitutionnalité, a adopté, en date du 26 décembre 2022 dernier, la loi relative à la mention des voies de recours et portant dispositions diverses en matière judiciaires [4].

Principe général. Assez logiquement, le législateur a opté pour un partage de responsabilité entre les magistrats, les greffiers et les huissiers de justice en ce qui concerne l’obligation d’information vis-à-vis de la partie signifiée. Il appartiendra dès lors à ces professionnels, chacun en ce qui le concerne, d’informer la partie signifiée, à l’aide d’une fiche informative annexée à la signification de la décision de justice, sur certains éléments bien précis [5].

Portée. La portée du nouvel article 780/1 du Code judiciaire [6] est limitée aux jugements rendus en matière civile dans tous les cas où la signification fait courir les voies de recours. La fiche informative ne doit dès lors pas être délivrée en cas de jugement rendu en matière pénale comportant un volet civil et lorsque la signification d’un jugement ne fait courir aucune voie de recours.

Nous pouvons distinguer deux momentum dans l’application de cette nouvelle loi.

Au moment du jugement. Au moment où le jugement est rendu, une fiche informative [7], dressée par le juge ou le greffier [8], reprenant les informations suivantes doit comprendre les mentions légales suivantes [9] :

  • les voies de recours d'appel, d'opposition ou du pourvoi en cassation qui sont d'application contre le jugement ou l'absence de ces voies de recours ;
  • la dénomination et l'adresse de la juridiction compétente pour connaître de ces recours;
  • la manière d'introduire ces recours ;
  • le délai dans lequel ces recours doivent être introduits avec mention des motifs légaux de prolongation du délai;
  • l'acte juridique qui fait courir le délai ;
  • un avertissement explicite que la partie qui utilise la procédure à des fins manifestement dilatoires ou abusives peut être condamnée à une amende sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés et au paiement de l'indemnité de procédure ;
  • le cas échéant, la possibilité de tierce opposition avec les mêmes données.

Au moment de la signification. Au moment de la signification d’une décision de justice, l’huissier de justice instrumentant doit mentionner les informations suivantes dans son exploit [10] :

  • que cet exploit fait courir le délai de recours indiqué dans la fiche informative ;
  • ainsi que le premier jour de ce délai lorsqu’il peut être déterminé au moment de la signification ;
  • reproduire l’article 47bis, al. 2 du Code judiciaire stipulant que « lorsque la signification ou la notification d'une décision est nulle, ou quand la fiche d'information visée à l'article 780/1 fait défaut, le délai pour introduire un recours ne commence pas à courir. Il en va de même si l'information reprise dans la fiche d'information est incomplète ou inexacte, à condition que l'omission ou l'inexactitude ait pu induire la partie de bonne foi en erreur ».

Entrée en vigueur. Cette obligation de joindre la fiche d’information lors de la signification des décisions de justice s’applique non seulement aux jugements rendus à partir du 1er janvier 2023 mais également aux jugements rendus avant cette date mais n’ayant pas encore été signifiés.

Avantages. Par l’adoption de cette loi le justiciable se verra incontestablement plus éclairé quant aux possibilité de recours qui s’offrent à lui pour contester une décision qui a été prise à son encontre. Ceci doit tout naturellement s’accompagner avec la qualité du travail de terrain de l’huissier de justice afin d’informer valablement le justiciable des droits dont il dispose et qu’il peut utiliser. Nous pouvons souligner que le législateur a tenté de faciliter la vie du justiciable en adoptant un modèle unique de fiche informative [11] permettant de respecter l’uniformité cruciale entre les diverses juridictions du pays.

Désavantages. Nous pouvons néanmoins émettre quelques doutes quant à cette loi qui vient non seulement tardivement mais rend également la justice un peu moins compréhensible pour le justiciable. Non seulement la mise en œuvre de cette loi a posé divers problèmes dans la délivrance des fiches d’informatives par les greffes des juridictions créant un retard, au préjudice des créanciers, dans la signification d’un nombre important de décisions de justice. Par ailleurs, la complexité du système judiciaire belge et des voies de recours rend la compréhension du document par le justiciable extrêmement difficile de sorte que, quand la signification ne peut pas être faite à personne, le justiciable n’aura d’autre possibilité, dans la majorité des cas, que de contacter un avocat pour qu’il soit valablement informé des voies de recours qu’il pourra exercer à l’encontre de la décision qui lui a été signifiée.

Questions soulevées par la pratique lors de l’entrée en vigueur de cette loi. Nous remarquons que cette obligation des mentions des voies de recours en droit belge n’est pas simple, particulièrement au regard du partage de responsabilité entre le juge, le greffe et l’huissier de justice. Cette loi engendre quelques questionnements pour le praticien que nous exposons brièvement ici.

À défaut pour une juridiction de dresser cette fiche informative il n’appartient pas à l’huissier de justice de là dresser dès lors qu’il s’agit, à la lecture combinée des articles 43 et 780/1 du Code judiciaire, d’une compétence exclusive du magistrat et du greffier.

Que doit dès lors faire l’huissier de justice qui se retrouve sans cette fiche informative ? Il faut ici distinguer deux hypothèses :

La première, il existe une ou plusieurs voies de recours et la signification de l’exploit fait courir les délais de recours.

  • En cas de prescription imminente de l’actio judicati, l’huissier n’a pas le choix, il devra procéder à la signification de la décision même sans fiche informative. Les intérêts de la partie requérante seront ainsi préservés même si l’exploit ne fera pas courir valablement les délais de recours à l’encontre de la partie signifiée en application de l’article 47bis, al. 2 du Code judiciaire.
  • Si dans cette hypothèse il y a encore une nécessité à faire courir les délais de recours, une seconde signification sera alors nécessaire lorsque la fiche informative sera délivrée par le greffe compétent. La question de l’économie de procédure peut se poser dès lors que cette double signification fait augmenter les frais de procédure à charge de la partie qui a succombée [12].
  • Si nous ne sommes pas en présence d’une prescription imminente de l’actio judicati. Nous pouvons distinguer les cas suivants :
  • l’huissier de justice peut décider de renvoyer l’expédition à son mandant en lui indiquant qu’il manque la fiche informative devant être jointe au jugement par le greffe pour faire valablement courir les délais de recours à la suite de la signification du titre. Il reviendra alors au mandant de s’adresser au greffe.
  • l’huissier de justice peut choisir de s’adresser lui-même au greffe en vue d’obtenir la fiche informative et en informe le mandant.
  • À la demande expresse du mandant, l’huissier de justice peut signifier le jugement sans la fiche informative aux risques et péril de son requérant. Ce dernier devra alors supporter les frais d’une éventuelle seconde signification.

La seconde, il existe une ou plusieurs voies de recours et la signification de l’exploit ne fait pas courir les délais de recours ou il n’existe aucune voie de recours.

Dans ce cas, la signification ne fait logiquement courir aucun délai et la fiche informative ne doit donc pas être jointe. Les instructions données aux greffes à ce sujet sont sans équivoque et mentionnées expressément dans le modèle de fiche [13].

Spécifiquement, en cas d’absence de voie de recours, il est indiqué que l’huissier de justice le mentionne expressément dans l’exploit de signification.

Impact pour le professionnel français. L’effet papillon existe non seulement en météorologie, mais également dans la matière juridique. En témoigne la loi belge du 26 décembre 2022 dernier, la loi relative à la mention des voies de recours et portant dispositions diverses en matière judiciaires.

Pour le commissaire de justice français, la connaissance de cette règle de procédure civile belge peut apparaître inutile. Ce serait là une erreur, notamment parce qu’il existe un contentieux, rare mais réel, autour de la signification d’un jugement étranger en droit français.

Dans ce type de contentieux, la question qui se pose constamment est de savoir si la signification en France d’une décision de justice étrangère doit respecter les dispositions de l’article 680 du Code de procédure civile (et donc indiquer ses voies de recours), ou seulement respecter les prescriptions du droit interne du pays d’origine de la décision signifiée. Dans ce dernier cas, afin de soutenir la nullité de l’acte de signification, la partie qui conteste la validité de l’acte argue régulièrement du fait qu’il n'existe aucune présomption de connaissance d'une loi étrangère, de sorte que le fait de ne pas rappeler les voies de recours ouvertes contre une décision étrangère lui est par nature préjudiciable…

Étonnamment, la cour d’appel de Nîmes a jugé le 20 janvier 2021 [14], comme celle de Douai le 20 janvier 2011 [15], que l'article 680 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1240IZX n'est applicable qu'aux jugements rendus par les juridictions françaises. Les notifications des actes judiciaires provenant de l'étranger sont quant à elles régies par les règles prévues à la section V intitulée « Règles particulières aux notifications internationales ». Les juges concluent que l'huissier de justice instrumentaire français en charge de la signification en France du jugement rendu par le Tribunal belge devait procéder conformément à la législation française, et donc conformément aux dispositions de l'article 683 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6759LE3, ce qu'il a fait.

Si la solution retenue emporte la satisfaction du commissaire de justice dont la responsabilité civile professionnelle n’est pas engagée, elle laisse en suspens une question : comment être alors informé de l’existence de voies de recours en pareil cas ? Sur ce point, la cour d’appel de Nîmes indiquait que le débiteur devait prendre attache avec la juridiction ayant rendu le jugement, laquelle était identifiée dans l’acte de signification.

Ces deux décisions, tout autant respectueuses des voies d’exécution de droit interne et de droit étranger, laissent cependant un sentiment étrange, semblable à une sensation de gêne à constater que la partie française condamnée par une juridiction belge devait s'enquérir des voies et délais de recours auprès des autorités judiciaires belges compétentes, qu’il pouvait identifier grâce aux informations délivrées au moyen de l'acte de signification. Mais comment obtenir cette information lorsque l’autorité judiciaire belge ne parle pas français ? C’était laisser le justiciable français dans une insécurité juridique intolérable en droit interne.

C’est ainsi que la loi belge du 26 décembre 2022 impacte le droit français, en ce que le commissaire de justice ne saurait occulter que les arrêts sus-évoqués sont devenus obsolètes. Requis pour signifier en France un jugement rendu par une autorité judiciaire belge, le commissaire de justice français devra être vigilant quant à la signification de la notice des voies de recours, notamment si une exécution forcée est envisagée par la suite, laquelle se déroulera selon la procédure civile française et sous sa seule responsabilité.

Du point de vue strictement comparatif, il peut paraître choquant aux yeux du commissaire de justice français que son homologue belge ne soit pas rédacteur de la notice, mais uniquement chargé de la porter à son destinataire. Le partage de responsabilité en droit belge sur la question entre les magistrats, les greffiers et les huissiers de justice explique certainement le recours à une notice prérédigée, dont la multitude des cas envisagés la rend inintelligible pour le justiciable lambda. Il serait même possible de penser à un échec de la loi du 26 décembre 2022 si le justiciable doit contacter un avocat pour comprendre les voies de recours qu’il pourra exercer à l’encontre de la décision qui lui a été signifiée. Afin d’éviter cet écueil, et parce que signifier n’est pas remettre un document, mais une information, l’huissier de justice belge qui rencontrera le destinataire de l’acte devra le renseigner pour que la signification soit effective. Cette obligation pratique sera peut-être concrétisée en droit par la possibilité pour l’huissier de justice belge d’informer, sous ses seules plume et responsabilité, le destinataire de l’acte des recours qui lui sont ouverts, à la manière du commissaire de justice français qui le fera lorsqu’il signifiera la notice belge en France.

Il est vrai que nul texte n’impose à l’huissier de justice belge de procéder à une information positive du destinataire de l’acte autrement que par la remise de la notice qu’il n’aura pas forcément rédigée. Mais, en l’absence de texte, c’est la réalité de la pratique qui le contraindra. En effet, comme en matière française (CPC, art. 503 N° Lexbase : L6620H7C), l’article 1495 du Code judiciaire belge impose que le titre exécutoire soit signifié avant d’être exécuté. En cas de contestation, le juge des saisies est compétent… Nul doute qu’à l’occasion de contestations de saisies, la question de la régularité de la signification de la décision de justice et de sa notice sera soulevée. En pareil cas, il est à fort à parier que seule la responsabilité de l’huissier belge sera engagée, d’où sa nécessité de s’approprier la rédaction des voies de recours et de cette notice.


[1] Cour Cons., 10 février 2022, n° 23/2022, R.G. 7469 [en ligne].

[2] Voy. R. De Rubeis, L’effectivité des significations en sursis : arrêt de la Cour constitutionnelle du 10 février 2022, Bull. proc., n° 18, mars 2022, p. 3.

[3] Cour Cons., 30 juin 2022, n° 92/2022, R.G. 7772 [en ligne].

[4] MB 30 décembre 2022 [en ligne]. 

[5] Voy aussi R. De Rubeis, La loi du 26 décembre 2022 : une réponse encourageante à l’inconstitutionnalité de l’article 43 du Code judiciaire, Bull. proc., n° 23, janvier 2023, p. 1.

[6] Article 780/1 du Code judiciaire : « Dans les cas expressément prévus par la loi, est jointe au jugement en matière civile une fiche informative dans laquelle il est fait mention, pour chaque partie, des données suivantes:

a) les voies de recours d'appel, d'opposition ou du pourvoi en cassation qui sont d'application contre le jugement ou l'absence de ces voies de recours; b) la dénomination et l'adresse de la juridiction compétente pour connaître de ces recours; c) la manière d'introduire ces recours; d) le délai dans lequel ces recours doivent être introduits avec mention des motifs légaux de prolongation du délai; e) l'acte juridique qui fait courir le délai; f) un avertissement explicite que la partie qui utilise la procédure à des fins manifestement dilatoires ou abusives peut être condamnée à une amende sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés et au paiement de l'indemnité de procédure. Le cas échéant, la fiche informative mentionne également la possibilité de tierce opposition avec les mêmes données. Les données de la fiche informative peuvent être rectifiées ou complétées d'office ou à la demande d'une des parties ou de l'huissier de justice mandaté par elle, par simple lettre ou déclaration au greffe, dans les huit jours de la demande. La fiche informative ne fait pas partie du jugement. Elle est jointe à l'expédition visée à l'article 790. Le Roi peut déterminer le modèle de cette fiche informative. »

[7] Dont le modèle a été fixé par le Roi et dont l’utilisation est obligatoire. La loi précise également que si la fiche est incomplète ou contient une erreur, une procédure simplifiée de celle-ci est prévue.

[8] Au choix de la juridiction saisie.

[9] Article 780/1 du Code judiciaire belge [en ligne].

[10] Article 43 du Code judiciaire belge [en ligne].

[11] Voy. AR du 26 décembre 2022 fixant le modèle de fiche informative (MB 30 décembre 2022, p. 104185) [en ligne].

[12] Ces frais ne pourront pas être mis à la charge de la partie contre laquelle l’huissier de justice exécute.

[13] Nous voyons cependant que cette uniformité c’est que relative dès lors que, peu de temps après l’entrée en vigueur de cette loi, le tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles n’adopte pas la même interprétation de la loi que le tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles en matière de faillite. En effet, en droit belge, la signification ne fait courir une voie de recours en matière d faillite uniquement s’il s’agit d’une faillite déclarée par défaut. Dans le cadre de l’information du justiciable le tribunal d’entreprise néerlandophone de Bruxelles délivre la fiche informative mentionnant trois voies de recours (l’opposition, l’appel et la tierce opposition) donc également des voies de recours dont le délai ne débute pas par la signification de la décision alors que le tribunal d’entreprise francophone d Bruxelles ne délivre une fiche informative uniquement pour les faillites prononcées par défaut. A notre sens c’est le raisonnement du tribunal d’entreprise francophone qui doit être suivi dès lors que dans les autres cas ce n’est pas la signification de ces jugements qui fait courir le délai de recours et cette loi n’y est dès lors pas applicable. Nous voyons donc que même au sein des tribunaux, qui se trouvent dans le même arrondissement, l’application de la loi est différente ce qui creuse sans nul doute le fossé entre la justice et le justiciable.

[14] CA Nîmes, 20 janvier 2021, n° 19/01480 N° Lexbase : A13344DR.

[15] CA Douai, 20 janvier 2011, n° 09/06572 N° Lexbase : A1181GR8.

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Droit comparé

[Textes] Notification of the rights of appeal in the service of documents: comparative analysis Belgium/France

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N4772BZR

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par Sylvian Dorol - Associate Commissaire de Justice - Scientific Director of the review - Expert at the UIHJ - and Patrick Gielen Judicial Officer (Modero Brussels) Secretary of the UIHJ

Le 04 Avril 2023

Keywords : service of documents appeal liability comparative law

Whether we are considering a Belgium judicial officer or a French “commissaire de justice”, the enforcement professional can no longer exercise his official function in complete ignorance of foreign law.

Indeed, both parties are called upon to serve documents emanating from a foreign country, on a monthly basis. Europe has reacted to the problem of the European service of documents by creating generic forms, which are difficult to comprehend. 

These forms influence domestic law, as shown by the Belgian law of 26 December 2022, in respect of the means of appeal and various other provisions in judicial matters, which introduces a guidance note to be attached to the service of Belgian civil court decisions.

" Et alors, how will that impact me?", might think the French “commissaire de justice” ... "More paper?" might grumble the Belgian judicial officer...

It is as a result of these question, that this recent development has attempted to resolve


Legal background. The Belgian Constitutional Court, in a decision [1] of 10th February 2022, ruled that article 43 of the Judicial Code, insofar as it does not provide that when serving a judgment, any indication of the means of appeal, or the time limit for lodging the appeal or appeals, as well as the name and address of the competent court, violates articles 10 and 11 of the Constitution, read in conjunction with article 6 of the European Convention on Human Rights along with the general principles guaranteeing the right of access to the judge [2].

This ruling was ratified by a similar decision of the Belgian Constitutional Court on 30th June 2022 [3].

The legislator, who had until the 31st December 2022, to rectify this constitutional anomaly, adopted, on 26th December 2022, a law requiring the notification of the means of appeal, including various provisions in judicial matters [4]

General principle. Quite logically, the legislator has opted for a sharing of responsibility between the judges, the court clerks, and the judicial officers as regards the obligation to inform the party served. It will thus be up to these professionals, each in their area of responsibility, to inform the party served, with the provision of a guidance note attached to the service of the court decision, including specific elements [5].

Scope. The scope of the new article 780/1 of the Judicial Code[6] is limited to decisions issued in civil matters, in all cases where service of a decision gives rise to an appeal. This guidance note must therefore not be issued in respect of a judgment rendered in criminal, with a civil component and where the service of a decision does not give rise to any appeal.

We can distinguish between two different circumstances in the application of this new law.

At the time of the decision. When the decision is issued, an information sheet [7], drawn up by the judge or the court clerk [8], containing relevant information, must include the following legal notices [9]:

  • the method of appeal, opposition, or appeal in cassation that are applicable against the judgment or the absence of these means of appeal.
  • the name and address of the court, with jurisdiction to hear the appeal.
  • the manner in which such an appeal may be submitted.
  • the time limit within which such an appeal must be submitted, with an indication of the legal grounds for extending the time limit.
  • the legal act which authorizes the time limit to run.
  • an explicit warning that the party who uses the procedure for manifestly dilatory or abusive reasons may be fined, without prejudice to any damages that may be claimed and to the payment of procedural costs.
  • if necessary, the option for a third-party opposition with the same regulations.

At the time of service. At the time of service of a court decision, the judicial officer must intimate the following information within his document [10]:

  • that this document initiates the time limit for an appeal as indicated within the information sheet.
  • the first day from when this period will start to take effect, following the date of service.
  • to reproduce article 47bis, paragraph 2 of the Judicial Code, which stipulates that "when the service of a decision is invalid, or when the guidance note referred to in article 780/1 is missing, the time limit for submitting an appeal does not start to run. The same shall apply if the information contained in the guidance note is incomplete or inaccurate, provided that the omission or inaccuracy could have misled the party acting in good faith”.

Entry into force. This obligation to attach the guidance note when serving court decisions applies not only to judgments rendered on or after 1st January 2023, but also to judgments rendered before that date, but not yet served.

Advantages. By the adoption of this law, the citizen will undoubtedly be better informed of their options for an appeal and to dispute a decision which was taken against him. Naturally, it must be within the scope and responsibility of the judicial officer working in the field, to ensure that the citizen is properly informed of their rights. We must emphasize that the legislator tried to protect the life of the citizen, by adopting a single model of information sheet[11] to allow for crucial uniformity between the various jurisdictions of the country.

Disadvantages. We can nevertheless express some doubts about this law which not only arrives late, but also makes justice a little less understandable for the litigant. Not only has the implementation of this law caused various problems in the delivery of the information sheets by the courts' clerks, creating a delay to the prejudice of the creditors, in respect of a significant number of court decisions. Moreover, the complexity of the Belgian judicial system and the appeal procedures, makes it extremely difficult for the litigant to understand the document, so that when service cannot be made in person, the litigant will have no other option in most cases, than to contact a lawyer, to ensure that they are properly informed of the appeal procedures in respect of the decision which has been served upon them.

Practical issues caused by the timing of the enactment of this law. We notice that this obligation to notify the means of appeal in Belgian law is not simple, particularly with regard to the division of responsibility between the judge, the court clerk, and the judicial officer. This law gives rise to some questions for the practitioner, which we will briefly explain.  

If a court does not draft this information sheet, it is not the responsibility of the judicial officer to draft it, as according to the combined reading of articles 43 and 780/1 of the Judicial Code, this is the exclusive competence of the judge and the court clerk.

What should the judicial officer do when he finds himself without this information sheet? It is necessary to consider two possibilities here:

There is one or more means of appeal and the service of the document starts the time limits for appeal.

  • In case of imminent prescription of the actio judicati, the judicial officer has no choice, he has to serve the decision even without an information sheet. The interests of the instructing party will thus be preserved even if the document will not validly start the time limits for appeal, against the party served in application of article 47bis, paragraph 2 of the Judicial Code.
  • If in this case, there is still a need to start the time limits for appeal, then a second service will be necessary when the guidance note is issued by the competent court. The question of the procedural costs may arise, since this double service, increases the costs of the proceedings for the unsuccessful party [12].
  • If we are not in the situation of an imminent prescription of the actio judicati. We can consider the following cases:
    • the judicial officer can decide to send back the copy judgment to his client, noting that the mandatory guidance note to be attached to the judgment by the court clerk's office is missing, which would properly start the time limits for appeal following the service of the title. It will then be up to the client to contact the court clerk.
    • the judicial officer can decide himself to make contact with the court clerk's office in order to obtain the guidance note and inform the principal.
    • At the express request of the client, the judicial officer can serve the judgment WITHOUT the guidance note at the risk of the claimant. The claimant will then have to bear the costs of a possible second service.

There are one or more means of appeal and the service of the document does NOT start the time limit for appeal or there are no means of appeal.

In this case, the service of the writ logically does not set any time limit and the guidance note should therefore not be attached. The instructions given to the court clerks in this respect are quite clear and are expressly mentioned in the model form [13].

Specifically, where an appeal is not possible, it’s required that the judicial officer must expressly explain this in the document to be served.

Impact for the French professional. The butterfly effect exists not only in meteorology but also in the legal field. The Belgian law of 26th December 2022, concerning the notification of the means of appeal and various provisions in judicial matters, is a proof of this.

For the French “commissaire de justice”, being aware of this rule of Belgian civil procedure may seem unnecessary. This would be a mistake, especially because there is a rare but real procedure surrounding the service of a foreign judgment in French law.

In this type of procedure, the question which constantly arises is to know if the service in France, of a foreign court decision must respect the provisions of article 680 of the French Code of civil procedure (and thus inform the relevant means of appeal), or only respect the prescriptions of the internal law of the country of origin of the decision to be served. In this later situation, in order to support the nullification of the document served, the party who contests the validity of the document, regularly argues that there is no presumption of knowledge of a foreign law, so that the fact of not pointing out the ways of appeal available, for opposing a foreign decision, is by nature, prejudicial to that person…

Curiously, the Court of Appeal of Nîmes judged on 20th January 2021 [14], as did the Court of Appeal of Douai on 20th January 2011 [15], that article 680 of the Code of Civil Procedure N° Lexbase : L1240IZX is only applicable to judgments rendered by French courts. The service of judicial documents from abroad is governed by the rules set out in section V entitled "Special rules for international service". The judges concluded that the French judicial officer in charge of the service in France, of the judgment rendered by the Belgian Court, had to proceed in accordance with French law, and thus in accordance with the provisions of article 683 of the Code of Civil Procedure N° Lexbase : L6759LE3, which he did.

If the solution adopted is satisfactory for the “commissaire de justice”, whose professional indemnity insurance is not effected, it leaves open the question: how to be informed of the existence of remedies in such a case? On this point, the Court of Appeal of Nîmes indicated that the debtor had to contact the court which had delivered the judgment, which was identified in the document of service.

These two decisions, are equally considerate of the civil procedures of national and foreign law, however, leaves a strange feeling similar to that of embarrassment, to note that the French party condemned by a Belgian jurisdiction, had to inquire about the methods and deadlines of recourse with the competent Belgian judicial authorities, which it could identify thanks to the information delivered by way of the document of service. But how to obtain this information when the Belgian judicial authority does not speak French? as it would leave the French citizen in an intolerable legal insecurity in domestic law.

The Belgian law of 26th December 2022 impacts French law, in that the “commissaire de justice” cannot ignore the fact, that the above-mentioned judgments have become obsolete. When required to serve in France, a judgment rendered by a Belgian judicial authority, the French “commissaire de justice” will have to be careful in respect of the service of the notice of appeal, in particular, if a forced execution is envisaged thereafter, which will take place according to the French civil procedure and under their personal responsibility...

From a strictly comparative point of view, it can appear shocking to the French “commissaire de justice”, that his Belgian counterpart is not the author of the notice, but only in charge of delivering it to its addressee. The division of responsibility in Belgian law on the question between the judges, the clerks of the court and the judicial officers, certainly explains the recourse to a pre-written notice, whose multitude of envisaged circumstances, makes it unintelligible for the average citizen. It is possible to regard it as a failure of the law of 26th December 2022, where the citizen must contact a lawyer to understand the means of recourse that they will be able to exercise, against the decision which was served upon them. In order to avoid this obstacle and because to serve, is not to simply deliver a document, but to inform the parties, then the Belgian judicial officer who will meet the addressee, to explain their rights so that the service is effective. This practical obligation will perhaps be codified in law, with the opportunity for the Belgian judicial officer, by his own pen and initiative, by notifying the addressee of the document, of the options available, in the same manner as the French “commissaire de justice” as if he is serving the Belgian notice in France.

It is true that no text obliges the Belgian judicial officer to proceed by offering additional information to the addressee of the document, other than by the handing-over of the notice which he may not have necessarily written. But, in the absence of such text, it is the practical reality which obliges him. Indeed, as in French matters (Art. 503 CPC N° Lexbase : L6620H7C), article 1495 of the Belgian Judicial Code, requires that the writ of execution be served before it is enforced. In the event of a dispute, the judge of seizures is competent... There is no doubt that in respect of disputes relating to seizures, the question of the regularity of the service of the legal decision and its notice will be considered. In such a case, it is likely that only the authority of the Belgian judicial officer will be considered, which is why it is necessary for the judicial officer to facilitate the drafting of the remedies and this notice.


[1] Cour Cons., 10 february 2022, n° 23/2022, R.G. 7469 [on line].

[2] See R. De Rubeis, L’effectivité des significations en sursis : arrêt de la Cour constitutionnelle du 10 février 2022, Bull. proc., n° 18, march 2022, p. 3.

[3] Cour Cons., 30 june 2022, n° 92/2022, R.G. 7772 [on line].

[4] MB 30 décember 2022 [on line].

[5] See also R. De Rubeis, « La loi du 26 décember 2022 : une réponse encourageante à l’inconstitutionnalité de l’article 43 du Code judiciaire », Bull. proc., n° 23, january 2023, p. 1.

[6] Article 780/1 of the Judicial Code: "In the cases expressly provided for by law, a guidance note shall be attached to the judgment in civil matters, in which the following data shall be mentioned for each party.

a) the remedies of appeal, opposition or cassation that are applicable against the judgment or the absence of such remedies; b) the name and address of the court competent to hear such remedies; c) the manner in which such remedies are to be lodged; d) the time limit within which such remedies are to be lodged, with an indication of the legal grounds for extension of the time limit; f) an explicit warning that the party who uses the procedure for manifestly dilatory or abusive purposes may be fined, without prejudice to any damages that may be claimed and to the payment of the procedural indemnity. If necessary, the guidance note also mentions the possibility of third-party opposition with the same data. The data in the guidance note may be rectified or completed ex officio or at the request of one of the parties or the judicial officer mandated by him, by simple letter or declaration to the clerk's office, within eight days of the request. The guidance note is not part of the judgment. It shall be attached to the copy referred to in Article 790. The King may determine the model of the information sheet".

[7] The model of which has been fixed by the King and whose use is compulsory. The law also specifies that if the form is incomplete or contains an error, a simplified procedure is provided.

[8] At the choice of the court seized.

[9] Article 780/1 of the Belgian Judicial Code [on line].

[10] Article 43 of the Belgian Judicial Code [on line]. 

[11] See AR of December 26, 2022, establishing the model guidance note (MB December 30, 2022).

[12] These costs cannot be charged to the party against whom the judicial officer enforces.

[13] However, we see that this uniformity is only relative, since shortly after the entry into force of this law, the French-speaking Business Court of Brussels did not adopt the same interpretation of the law as the Dutch-speaking Business Court of Brussels in bankruptcy matters. Indeed, under Belgian law, the service of a notice of default only gives rise to a right of appeal in bankruptcy matters, if the bankruptcy is declared by default. Within the framework of the information for the litigant, the Dutch-speaking Business Court of Brussels delivers the guidance note noting three options (the opposition, the appeal, and a third-party appeal), thus where the time limit does not begin with the service. Whereas the French-speaking Business Court of Brussels, delivers an guidance note only for bankruptcies pronounced by default. In our opinion, it is the reasoning of the French-speaking Business Court that should be followed, since in other cases it is not the service of the judgment that starts the time limit for appeal and this law is therefore not applicable. We see therefore that even within the courts, which are located in the same region, the application of the law is different, which undoubtedly widens the gap between justice and the litigant.

[14] CA Nîmes, 20 januari 2021, n° 19/01480 N° Lexbase : A13344DR.

[15] CA Douai, 20 januari. 2011, n° 09/06572 N° Lexbase : A1181GR8.

newsid:484772

Entreprises en difficulté

[Brèves] Vérification des créances : incompétence du juge de l'exécution pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance

Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 21-10.465, F-B N° Lexbase : A23969GT

Lecture: 5 min

N4570BZB

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par Vincent Téchené

Le 14 Mars 2023

► Le juge de l'exécution et à sa suite la cour d'appel statuant avec les pouvoirs de ce dernier ne sont pas compétents pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire.

Faits et procédure. Les faits étaient ici assez complexes mais leur totale restitution est indispensable à la parfaite compréhension de la décision.

Deux époux se sont portés cautions solidaires de plusieurs prêts octroyés par une banque à une société suivant acte notarié du 16 décembre 2004. Les cautions ont, en outre, consenti une hypothèque sur certains de leurs biens.

Le 5 février 2008, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, procédure étendue aux garants pour confusion de patrimoine le 2 décembre 2008.

Le 18 février 2008, la banque a effectué une première déclaration de créances au passif de la société et, le 22 décembre 2008, une autre au passif des garants, ces deux déclarations comportant les prêts susmentionnés et d'autres créances.

Par une ordonnance du 24 septembre 2009, confirmée par l'arrêt d'une cour d'appel du 21 juin 2011, le juge-commissaire a, sur contestation de la société, admis au passif de cette dernière des créances relatives à un plafond de trésorerie et un crédit en compte courant, mais dit qu'il n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la contestation relative aux créances nées d'effets de commerce. Les créances afférentes aux prêts du 16 décembre 2004 ne sont pas visées par cette décision.

La Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt en ce que le juge-commissaire avait le pouvoir de statuer sur la créance relative aux effets de commerce (Cass. com., 26 mars 2013, n° 11-24.148, F-D N° Lexbase : A2753KBL), et renvoyé l'affaire devant une cour d'appel.

Le 6 octobre 2009, un tribunal de grande instance a validé un plan de continuation sur quinze ans.

Le 20 mars 2014, à la demande du commissaire à l'exécution du plan, ce tribunal a prononcé la résolution du plan pour non-respect des engagements des débiteurs et la liquidation judiciaire de la société et des garants. Le 1er juillet 2014, une cour d'appel a confirmé la résolution du plan mais infirmé le jugement sur la liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire. Par arrêt du 18 mai 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre cet arrêt (Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-23.859 et n° 14-24.313, F-D N° Lexbase : A0881RQP).

La cour d'appel de renvoi, qui, saisie de la contestation des créances au passif de la société, avait sursis à statuer dans l'attente de l'issue du pourvoi sur la résolution du plan par arrêt du 28 janvier 2016, a, par arrêt distinct du 22 novembre 2018, constaté la péremption d'instance.

C’est dans ces conditions que, le 23 avril 2018, la banque a fait délivrer aux garants, sur le fondement de l'acte notarié du 16 décembre 2004, un commandement aux fins de saisie-vente que ceux-ci ont contesté devant un juge de l'exécution. En dernier lieu, un arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier a confirmé le jugement en ce qu'il a dit bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 23 avril 2018. Les garants ont formé un pourvoi en cassation. Contestant la régularité des déclarations de créance effectuées par la banque à leur passif en décembre 2008, ils considéraient qu’il appartenait au juge de l'exécution de se prononcer sur cette régularité, puisque les créances litigieuses fondaient les poursuites dirigées contre eux.

Décision.  La Cour de cassation ne l’entend toutefois pas ainsi et rejette le pourvoi.

Elle rappelle qu’en application de l'article L. 624-2 du Code de commerce N° Lexbase : L9131L7C, le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire.

Par conséquent, c'est à bon droit que l'arrêt d’appel a retenu que la contestation de la déclaration de créance relevait exclusivement de la compétence du juge-commissaire et n'était pas recevable devant la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution.

Observations. En matière d’admission des créances au passif, le pouvoir du juge-commissaire peut être ainsi résumé : toutes les difficultés, aussi complexes soient-elles, qui concernent la régularité de la déclaration de créance doivent être tranchées par le juge-commissaire ; en revanche, s’il est question de trancher le fond de la créance, le juge-commissaire statue ici en juge de l’évidence, comme le ferait le juge des référés car il ne peut trancher une contestation sérieuse (C. com., art. L. 624-2) sans dépasser son office juridictionnel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La décision du juge-commissaire en matière de déclaration et de vérification des créance, La compétence exclusive du juge-commissaire en matière de vérification et d'admission des créances, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0425EXZ.

 

newsid:484570

Habitat-Logement

[Brèves] La procédure administrative d’expulsion du domicile d’autrui, validée, sous réserve d’interprétation, par le Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1038 QPC, du 24 mars 2023 N° Lexbase : A50169KY

Lecture: 5 min

N4884BZW

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 29 Mars 2023

► Sont jugées conformes à la Constitution, sous une réserve d’interprétation, les dispositions de l’article 38 de la loi n° 2007-290, du 5 mars 2007, permettant d’obtenir du préfet l’évacuation forcée de l’occupant irrégulier d’un domicile ; ces dispositions ne sauraient alors être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l'occupant dont l'évacuation est demandée.

Les dispositions contestées. Les dispositions contestées étaient celles de l'article 38 de la loi n° 2007-290, du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L5929HU7, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525, du 7 décembre 2020, d’accélération et de simplification de l’action publique N° Lexbase : L9872LYB.

Aux termes de ces dispositions, la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement.

Critiques. La requérante reprochait à ces dispositions d'instituer une procédure administrative permettant l'expulsion de l'occupant d'un logement sans prévoir d'examen contradictoire de sa situation personnelle et familiale, ni de recours suspensif garantissant qu'un juge se prononce avant qu'il soit procédé à son évacuation forcée. Elle prétendait qu’il en résultait une méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif ainsi que du droit au respect de la vie privée et du droit à l'inviolabilité du domicile.

Elle critiquait, par ailleurs, la différence de traitement injustifiée entre les occupants d'un logement selon qu'ils font l'objet de la procédure d'expulsion prévue par ces dispositions ou de la procédure d'expulsion juridictionnelle de droit commun.

Contrôle du Conseil constitutionnel. Après rappel de la teneur des articles 2 N° Lexbase : L1366A9H (droit au respect de la vie privée et, en particulier, inviolabilité du domicile) et 16 N° Lexbase : L1363A9D (droit à un recours effectif devant une juridiction) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, les Sages relèvent les points suivants.

1°) En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l'évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l'inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers.

2°) En deuxième lieu, d'une part, la mise en demeure ne peut être demandée au préfet qu'en cas d'introduction et de maintien à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un domicile. D'autre part, elle ne peut être mise en œuvre qu'après que le demandeur a déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile, et fait constater par un officier de police judiciaire cette occupation illicite. Dès lors, le préfet ne peut mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux que dans le cas où il est constaté que ce dernier s'est introduit et maintenu dans le domicile en usant lui-même de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.

3°) En troisième lieu, ces dispositions prévoient que le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d'intérêt général. Toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l'inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l'occupant dont l'évacuation est demandée.

4°) En quatrième lieu, le délai laissé à l'occupant pour déférer à la mise en demeure de quitter les lieux ne peut être inférieur à 24 heures.

5°) En dernier lieu, d'une part, les dispositions contestées ne privent pas l'occupant de la possibilité d'introduire un référé sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3059ALU ou d'exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 N° Lexbase : L3057ALS et L. 521-2 N° Lexbase : L3058ALT du même code, peut suspendre l'exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. D'autre part, le caractère non suspensif d'une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, en cas d'illégalité de la décision administrative d'évacuation forcée de l'occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.

Selon le Conseil constitutionnel, il résulte de ce qui précède que, compte tenu des garanties mentionnées précédemment et sous la réserve énoncée au 3° ci-dessus, les dispositions contestées ne peuvent pas être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée ou le principe de l'inviolabilité du domicile. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif.

newsid:484884

MARD

[Questions à...] Amiable, exécution forcée et commissaires de justice : un dîner avec Soraya Amrani-Mekki, Professeure agrégée à l’école de droit de Sciences Po-Paris

Lecture: 8 min

N4829BZU

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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Expert près l’UIHJ, Intervenant ENM/EFB

Le 04 Avril 2023

Dans son discours de présentation à la presse du plan d’action issu des États généraux de la Justice en date du 5 janvier 2023, le garde des Sceaux a annoncé une « véritable politique de l’amiable » pour aider la justice civile, ce qui passera par « la recodification des modes alternatifs de règlement des différends dans le code de procédure civile ».

Lors de la présentation détaillée de ce plan le 13 janvier dernier, Madame Soraya Amrani-Mekki était la modératrice de la première table ronde et commençait son discours ainsi « Pourquoi 2023 serait-elle l’année de l’amiable ? ».

L’exécution étant l’issue du procès civil, il m’apparaissait important d’échanger avec elle sur la place de l’amiable dans l’exécution des décisions de justice. L’occasion pour moi de l’inviter à dîner.

Un dîner avec Soraya Amrani-Mekki commence avec quinze minutes de retard, causé par un bus qui s’arrête près de la place de l’Opéra pour ne pas en repartir, obligeant le professeur Amrani-Mekki à finir à pied et m’envoyer un texto pour m’informer qu’elle aura un petit retard.

Tant mieux. Car, il est difficile de faire court pour la présenter, tant il y à dire !

Pour cerner ce professeur de droit peu commun, aussi accessible que brillante, il faut rappeler quelques lignes de sa biographie disponible sur le site internet de Sciences Po, où elle enseigne. Ainsi y apprend-on que Soraya AMRANI-MEKKI a été membre du Conseil supérieur de la magistrature, vice-présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, membre du comité déontologie et indépendance de la Haute autorité de santé et de l’observatoire national de la laïcité, membre du conseil scientifique du GIP Justice et directrice du pôle Justice civile de Trans Europe Expert. Elle est régulièrement consultée sur des projets de textes concernant la justice (Réforme de procédure civile, action de groupe, modes amiables, inspections des services de la justice…) ou les droits de l’homme (accès aux droits et non recours ; approche par les droits, mariage pour tous, réforme de la procédure pénale, radicalisation...). Elle a été experte à la commission texte du Conseil national des barreaux (2017-2020) et l’est désormais à la commission Amiable (2021-2024). Elle est également en charge des ateliers des voies d’exécution, dont la dernière édition a eu lieu à la Chambre nationale des commissaires de justice à l’automne 2022.

Ce n’est donc pas n’importe quel professeur de droit avec qui j’ai le plaisir de dîner autour du thème de l’amiable dans le contentieux de l’exécution au lendemain de la présentation de la réforme du procès civil. Et c’est avec bien moins de retard qu’annoncé que Soraya Amrani-Mekki arrive au restaurant d’un pas décidé.

Médiateur judiciaire et commissaire de justice, je m’attable avec des questions ciblées auxquelles le professeur Amrani-Mekki répond avec une incroyable facilité, au point de me faire oublier à quel point le plat que j’ai commandé est épicé.

La première question qui me vient à l’esprit était la suivante : existe-t-il une place pour la médiation dans l’exécution forcée ? D’un « oui » franc et massif, le Professeur Amrani-Mekki commence son argumentation, en évoquant notamment la brillante thèse de mon confrère Ludovic Lauvergnat sur l’insaisissabilité. Dans cette thèse, trop peu connue alors qu’elle a été récompensée par le prestigieux prix de la recherche de l’ENM de 2021, Ludovic Lauvergnat introduit l’idée de l’amiable dans l’exécution forcée afin de contourner les insaisissabilités pour arriver à un nouveau concept, la « saisie-échange ». S’il est possible d’aménager des concepts comme l’insaisissabilité, où le saisi pourrait renoncer à cette protection en faveur du créancier, alors l’exécution forcée n’est pas incompatible avec la médiation, bien que celle-ci ne doive pas devenir un dogme.

Naturellement, cette réponse appelle une autre interrogation de ma part : comment préserver le créancier de la mauvaise foi du débiteur, qui détournerait une médiation pour organiser son insolvabilité ? Après avoir reconnu l’opportunité de la question, Madame le Professeur Amrani-Mekki rappelle qu’en effet, le règlement amiable d’un litige doit être effectué de bonne foi par les parties. Afin de protéger et inciter le créancier à échanger avec le débiteur en vue d’un règlement amiable, elle indique que le créancier peut, même engagé dans un processus amiable, diligenter des mesures conservatoires (saisies ou sûretés).

« Quid des intérêts au cours de cette médiation alors ? » dis-je à haute voix, provoquant le regard étonné de la table voisine. En effet, si le cours des intérêts est suspendu, alors le créancier « paie » le coût de la médiation, comme le débiteur si les intérêts continuent de courir. Le professeur Amrani-Mekki écarte cependant mon observation d’un revers de main entre deux coups de fourchette : que les parties en conviennent entre elles ! À défaut donc, et conformément aux règles légales, les intérêts continueront de courir.

N’ayant pas fini nos assiettes, nous avons donc le temps pour une nouvelle interrogation. Et si la médiation avait une place dans le contentieux de l’exécution ? D’un sourire, Soraya Amrani-Mekki m’indique qu’il existe déjà des médiations devant le juge de l’exécution, notamment à Paris, principalement dans le contentieux de la liquidation de l’astreinte. L’efficacité est réelle puisqu’il arrive même que les parties, après l’ordonnance faisant injonction de rencontrer un médiateur, se concilient et ne prennent même pas attache avec le médiateur !

Est-il envisageable alors de subordonner la saisine du juge de l’exécution à une tentative de règlement amiable, notamment en matière mobilière où le juge est bien souvent saisi en vue de l’octroi de délais d’exécution ? Sur ce point, mon interlocutrice répond négativement, insistant sur le fait que la médiation ne doit pas être obligatoire, mais que c’est la rencontre d’un médiateur qui doit l’être.

Dès lors, vient le moment de commander le dessert, et de poser la dernière question. Pourquoi les professionnels du droit, dont les commissaires de justice, ressentent quelques réticences à la médiation ? Sur ce point, le professeur Amrani-Mekki ne manque pas de lucidité et répond franchement que cette méfiance peut d’abord s’expliquer, en partie, par la peur de perdre une partie de son activité professionnelle, notamment car le commissaire de justice médiateur ne peut intervenir dans une affaire où il a déjà instrumenté (constat, exécution…) pour le compte d’une partie. Afin d’apaiser cette crainte légitime, elle m’expose le projet OMAR (Observatoire des Modes Amiables de Règlement des différends) qu’elle va bientôt initier à Sciences Po. L’idée est la suivante : de nombreux professionnels du droit pratiquent la médiation (avocat, notaire, commissaires de justice) et sont donc soumis à une interdiction d’instrumenter s’ils ont déjà eu à connaître de l’affaire. Alors, le projet OMAR permettrait, en créant un réseau interprofessionnel du droit fondé sur le critère de la pratique de la médiation, de pouvoir confier à un autre professionnel du droit une médiation. Ce système permettrait de favoriser la médiation puisque le notaire médiateur, commissaire médiateur ou avocat médiateur, serait rassuré sur le risque de « perdre » le client puisqu’il n’irait pas chez un de ses confrères concurrents. OMAR permettrait donc de sécuriser dans leurs affaires les professionnels du droit médiateurs, tout en créant un nouveau réseau.

Ensuite, le professeur Amrani-Mekki m’explique que l’incompréhension de la médiation par le commissaire de justice peut également naître du fait que l’exécution d’une décision de justice ne vide pas nécessairement le litige au fond. En témoigne le contentieux de l’astreinte, où le demandeur réclame en justice l’exécution d’une obligation de faire, et non le versement d’une somme d’argent qui ne sanctionne que l’inexécution ou le retard ! Ainsi, le commissaire de justice médiateur doit comprendre que la médiation dans l’exécution peut avoir un résultat différent de l’exécution du titre exécutoire, la décision de justice n’étant pas un dogme.

Hélas, l’heure passant, il faut chacun chez soi rentrer, la discussion ne pouvant s’éterniser… Même si je n’ai pas pu finir ma tarte aux pommes, je reste sur ma faim après ce dîner car je pressens que 2023 réserve bien des surprises pour les commissaires de justice médiateurs !

newsid:484829

Procédure civile

[Brèves] Illustration sur la titularité d’un titre exécutoire et la demande de condamnation du débiteur

Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2023, n° 21-22.091, F-B N° Lexbase : A17829G4

Lecture: 2 min

N4640BZU

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 28 Mars 2023

►Il incombe au juge de trancher la contestation dont il est saisi ; les Hauts magistrats censurent la cour d’appel qui dit n'y avoir lieu de statuer sur une demande en paiement du prix d'un marché de travaux au motif que le créancier disposait déjà d'un titre exécutoire délivré par un huissier de justice en application de l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier ; il ressort du cas d’espèce que la titularité d'un titre exécutoire établi en application de l’article précité n'est pas en soi de nature à priver d'objet la demande d'un créancier de condamnation de son débiteur à lui payer sa créance.

Faits et procédure. Dans cette affaire, des époux ont confié la réalisation de travaux de rénovation de leur maison. En mai 2018, M. A a livré les équipements et matériaux commandés et a établi un bon de commande. Les époux ont émis un chèque en paiement du solde du prix du marché, mais ce dernier n'a pas été honoré en raison d'une absence de provision suffisante. Un huissier de justice a délivré un titre exécutoire après la signification d’un certificat de non-paiement.

Par la suite, l’époux a sollicité par assignation l’annulation du contrat, la restitution des sommes versées et une indemnisation. Le défendeur a de son côté demandé la condamnation du demandeur à lui payer le solde du prix du marché.

Sur les moyens du pourvoi principal, la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée, car ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident. Le demandeur fait grief à l’arrêt (CA Agen, 5 juillet 2021, n° 19/01156 N° Lexbase : A26794YU) de ne pas statuer sur sa demande en paiement du solde du prix de la commande. L’intéressé fait valoir la violation de l’article 4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2229AB8. En l’espèce, la cour d’appel pour ne pas statuer sur cette demande a retenu que le défendeur ne pouvait demander à la cour de condamner son débiteur, alors qu’il disposait déjà d’un titre exécutoire pour ce montant établi par l’huissier de justice.

Solution. Énonçant la solution précitée, au visa de l’article 4 du Code de procédure civile la Cour de cassation, censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l'arrêt en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande en paiement du solde du prix de la commande.  

newsid:484640

Procédure civile

[Brèves] Nullité de signification d'un acte introductif d'instance destiné à une personne morale

Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 21-19.904, F-B N° Lexbase : A23979GU

Lecture: 4 min

N4548BZH

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 28 Mars 2023

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de préciser que la signification d'un acte destiné à une personne morale dont le siège social est connu est faite au lieu de ce siège et, à défaut, en tout autre lieu de son établissement ; ce n'est qu'en l'absence d'établissement de la personne morale destinataire de l'acte, que la signification est valablement faite à l'un de ses membres habilité à la recevoir.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une société a été condamnée sous astreinte par deux jugements du 9 avril 2018 à faire cesser des nuisances sonores, respectivement au profit de deux demandeurs dont l’un depuis décédé. Le demandeur a assigné devant le juge de l’exécution la société à fin de liquidation de l'astreinte. Cette dernière a soulevé une exception de litispendance au profit de la cour d'appel de Bastia en raison de l'appel interjeté par elle dans le litige l'opposant à la demanderesse décédée. Par assignation du 2 juillet 2019, la défunte avait également assigné la société devant le juge de l'exécution en liquidation d'astreinte.

Par jugement réputé contradictoire du 18 juillet 2019, la société a été condamnée à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'astreinte liquidée provisoirement et une nouvelle astreinte provisoire a été fixée. Devant la cour d'appel, les deux instances ont été jointes, devant laquelle les ayants droit de la défunte sont intervenus volontairement.

Le pourvoi. La société fait grief à l'arrêt (CA Bastia, 5 mai 2021, n° 19/00821, N° Lexbase : A99144QA), de ne pas avoir annulé l'acte introductif d'instance délivré le 2 juillet 2019, au motif que la signification d'un acte introductif d'instance à une personne morale n'est valable qu'au lieu de son siège social ou de l'un de ses établissements. L’intéressée fait valoir la violation par la cour d’appel des articles 654 N° Lexbase : L6820H7Q et 690 N° Lexbase : L6891H7D du Code de procédure civile et d’avoir privé sa décision de base légale.

En l’espèce, la cour d’appel a rejeté la demande de nullité de l’assignation retenant que la signification d'un acte introductif d'instance destiné à une personne morale, délivrée à une personne se déclarant habilitée à le recevoir, est valable et ce, quand bien même, comme en l'espèce, l'huissier de justice a fait preuve d'une particulière légèreté en délivrant un acte pour une société exerçant sous l'enseigne Carrefour market à une autre société exploitant sous l'enseigne Carrefour et en indiquant dans son procès-verbal que le nom du destinataire « figure sur l'enseigne commerciale », confondant ainsi deux entités juridiquement différentes, Carrefour market et Carrefour, mais que cet élément ne permet pas de soutenir la nullité de l'acte introductif d'instance.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 690 du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel. La Haute juridiction relève qu’en statuant ainsi, tout en constatant que la signification de l'assignation n'avait pas été effectuée au lieu du siège social ou de l'établissement de la société et que la copie de l'acte avait été remise à une personne représentant une entité juridique distincte de la société destinataire de l'acte, la cour d’appel a violé le texte précité. Elle casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bastia, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de nullité de l’assignation et renvoie l’affaire.

Pour aller plus loin : S. Dorol, ÉTUDE, Le déroulement de l’instance : notifications et significations, Le lieu de la signification, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E9602B4E.

 

newsid:484548

Procédure civile

[Brèves] Représentation par avocat : l'État bénéficie d'une dispense générale

Réf. : Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 21-16.833, FS-B N° Lexbase : A69159YR

Lecture: 5 min

N5932BZQ

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par Marie Le Guerroué

Le 20 Juin 2023

► L'État bénéficie d'une dispense générale pour se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de son administration lorsque la représentation par avocat est obligatoire.

Procédure. Dans le cadre d’un pourvoi devant la Cour de cassation, un notaire faisait grief à un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris de déclarer recevables les conclusions qui avaient été signifiées par le ministre de la Justice.

Rappel des textes. La Cour rappelle que d'une part, selon l'article 2, I, de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit N° Lexbase : L5483H3H, dans sa rédaction issue de l'article 5, I, de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 N° Lexbase : L6740LPC et de l'article 35 de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 N° Lexbase : L4046LSN, par dérogation au 1er alinéa de l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal judiciaire, outre par un avocat, par l'une des personnes énumérées aux numéros 1° à 5° de ce texte. Ce texte prévoit, en outre, que, sous réserve des dispositions particulières, l'État, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. Si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire.

Interprétation de la Cour. Ainsi l'article 2, I, de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 N° Lexbase : L5483H3H doit être interprété en ce sens que la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et les établissements publics de se faire représenter ou assister devant le tribunal judiciaire par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, autonome dans sa mise en œuvre, n'est pas restreinte aux seules matières dans lesquelles les parties sont dispensées de constituer avocat, de sorte qu'elle s'applique également lorsque la représentation par avocat est, en principe, obligatoire, sauf disposition particulière présentant alors un caractère dérogatoire.

La Cour ajoute, d'autre part, que ne présente pas de caractère sérieux la contestation de la légalité du dernier alinéa de l'article 761 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8600LY8, dont le libellé reprend les termes de la loi organisant le mécanisme de représentation de l'État et des entités publiques devant le juge judiciaire, et qui ne tend en conséquence qu'à remettre en discussion l'interprétation de la loi telle qu'elle résulte des § 8 à 10 et qui ne démontre pas en quoi le texte serait contraire à une norme de nature législative.

Ayant retenu que, si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, cette situation étant au demeurant régie par l'article 762 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9303LTQ qui ne comprend pas le texte litigieux, et qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 761, qui énonce les cas de dispense à l'obligation de constituer avocat prévue par l'article 760, que l'État bénéficie d'une dispense générale et peut dès lors se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de son administration lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le tribunal, statuant en matière de procédure avec représentation obligatoire, hors cas dérogatoire, en a exactement déduit que les conclusions du ministre de la justice, dispensé de l'obligation d'être représenté par un avocat, étaient recevables. Le moyen n’est donc selon la Haute juridiction pas fondé.

Jurisprudence (ant.). Dans un avis du 18 février 2021 (Cass. avis, 18 février 2021, n° 15001 N° Lexbase : A83484HN), la Cour de cassation était déjà venue préciser que dans les instances introduites postérieurement au 1er janvier 2020 devant le juge de l'exécution, l'État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, même lorsque la demande n'est pas relative à l'expulsion ou a pour origine une créance ou tend au paiement d'une somme excédant 10 000 euros.

Pour en savoir plus : v. ETUDE : La représentation en justice et défense, Les exceptions au monopole judiciaire de l'avocat, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase, N° Lexbase : E36283RS.

 

newsid:485932

Procédure civile

[Brèves] Quid de la compétence du JEX pour se prononcer sur une demande de radiation du FICP ?

Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 21-13.545, F-B N° Lexbase : A23889GK

Lecture: 3 min

N4551BZL

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 07 Mars 2023

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de préciser que si le juge de l'exécution est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de radiation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ; dès lors qu'une telle demande ne constitue pas une contestation de la mesure d'exécution au sens du texte précité, le juge de l'exécution ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur celle-ci ; or, le défaut de pouvoir juridictionnel d'un juge constitue une fin de non-recevoir, qui peut être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du Code de procédure civile.

Faits et procédure. Dans cette affaire, sur le fondement de prêts notariés, une banque a fait délivrer à ses débiteurs, un commandement de payer valant saisie immobilière. Après plusieurs décisions de justice, un juge de l’exécution a constaté la caducité du commandement. Le 3 septembre 2018, une banque venant au droit de la précédente a signifié aux défendeurs un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière.

Le pourvoi. Dans un premier temps, les demandeurs font grief à l'arrêt (CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 19/11415 N° Lexbase : A21484KR), de les avoir déboutés de l’ensemble de leurs demandes et valider la procédure de saisie immobilière. Ils font valoir la violation de l’article 455 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6565H7B. En l’espèce, la cour d’appel a retenu que les défendeurs affirment avoir versé une somme globale pour un certain montant et que le décompte qu’ils communiquent constitue la pièce numéro 5 de leur dossier, et qu’il s’agit, à défaut de pièces justificatives, d’une simple affirmation de leur part qui n’a pas de portée probatoire.

Solution. La Cour de cassation rappelle au visa de l’article précité, que tout jugement doit être motivé. Elle censure le raisonnement de la cour d’appel relevant qu’elle avait statué, sans analyser, même sommairement, des autres pièces constituées d’ordres de virement et de relevés de compte sur la période visée par le décompte.

Dans un second temps, sur le moyen relevé d’office, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, au visa de l’article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire N° Lexbase : L7740LPD, relève que la cour d’appel a violé le texte précité, en se déclarant incompétente pour statuer sur la demande de radiation du FICP. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Haute juridiction a statué sur le fond de cette demande et l’a déclarée irrecevable. Elle casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, sauf en ce qu’il a validé la demande de validité de la saisie immobilière.

Pour aller plus loin :

  • R. Laher, ÉTUDE, La détermination de la juridiction compétente, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E93694YN ;
  • ÉTUDE, Le juge de l’exécution, La compétence exclusive du juge de l'exécution (COJ, art. L. 213-6) et d'ordre public (CPCEx, art. R. 121-4), in Voies d’exécution, (dir. N. Fricero et G. Payan), Lexbase N° Lexbase : E8238E8M.

 

newsid:484551

Professions réglementées

[Brèves] Publication au JO du décret relatif aux opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et au Conseil des maisons de vente

Réf. : Décret n° 2023-119 du 20 février 2023 relatif aux opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et au Conseil des maisons de vente N° Lexbase : L9928MGS

Lecture: 2 min

N4554BZP

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 25 Janvier 2024

 Un décret du 20 février 2023, publié au Journal officiel du 22 février 2023 relatif aux opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et au Conseil des maisons de vente pour l’application de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022 vise à moderniser la régulation du marché de l'art.

Le décret vient définir les modalités de la formation professionnelle continue des commissaires-priseurs.

Il procède à des aménagements relatifs aux qualifications, au stage avec notamment la formation professionnelle continue et également ceux relatifs aux obligations d'information des commissaires-priseurs.

Il vient organiser les modalités d'élection des représentants élus, membres du collège du Conseil des maisons de vente et précise le rôle du commissaire du Gouvernement.

Jusqu’à l’installation du futur Conseil des maisons de vente, le Conseil des ventes assurera ses missions.

Il vient modifier les dispositions relatives à la discipline et aux recours et définit les modalités de mise en œuvre de l'accès partiel aux activités de vente volontaire de meubles aux enchères publiques au bénéfice des ressortissants des États membres de l'Union européenne et des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen.

Il désigne par ailleurs l'ordonnateur compétent pour le recouvrement des astreintes et amendes prononcées par les instances professionnelles et les juridictions disciplinaires en application du décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels N° Lexbase : L1594MDE, et le recouvrement des sanctions pécuniaires prononcées par le Haut Conseil du commissariat aux comptes.

Le décret prévoit également les conditions de la prestation de serment du notaire salarié devant la cour d'appel ainsi que les modalités de la fusion de plusieurs sociétés d'exercice libéral de notaires en une seule.

Entrée en vigueur. Le décret est entré en vigueur le 23 février 2023, à l’exception des dispositions de l'article 39 qui entrent en vigueur le 1er mars 2023, et celles de l'article 37 et des 2° et 3° de l'article 38 qui entrent en vigueur le 1er mars 2024.

newsid:484554

Voies d'exécution

[Textes] Le commissaire de justice face aux nouveaux registres des sûretés mobilières

Réf. : Décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 N° Lexbase : L1955MAN et décret n° 2023-97 du 14 février 2023 N° Lexbase : L8179MGZ

Lecture: 19 min

N4725BZZ

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par Claire Séjean-Chazal, Professeur à l'Université Sorbonne Paris Nord, Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : sûretés mobilières • gage • nantissement • saisie • saisie-vente • opposabilité • publicité • registre • Véhicule terrestre à moteur (VTM) • recherche d’informations • Code des procédures civiles d’exécution (CPCEx)

Registre des sûretés mobilières, registre de gage sur véhicule isolé, portail des sûretés mobilières. Tous ces outils techniques permettant la concrétisation de la réforme des sûretés mobilières sont désormais effectifs ! Le commissaire de justice doit les intégrer dans sa pratique professionnelle, afin de ne saisir un bien qu’en connaissance de cause de la part grevée au profit d’un créancier titulaire d’une sûreté.


Deux récents décrets d’application (décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 N° Lexbase : L1955MAN [1] et décret n° 2023-97 du 14 février 2023 N° Lexbase : L8179MGZ [2]) parachèvent la réforme du droit des sûretés, opérée elle-même en deux temps, par les ordonnances du 23 mars 2006 (n° 2006-346) N° Lexbase : L8127HHH et du 15 septembre 2021 (n° 2021-1192) N° Lexbase : L8997L7D. Le premier a créé le « registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes », le second, le « registre des gages portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés ».

Grâce à ces deux textes réglementaires, le système de publicité prévu par le nouveau droit des sûretés mobilières est désormais pratiquement opérationnel. Les impacts sur les procédures civiles d’exécution sont nombreux. Il est donc nécessaire que les commissaires de justice aient une bonne connaissance de ces nouveaux outils, afin d’adapter leur pratique professionnelle en conséquence. Une compréhension claire de l’utilité des registres (I) est la garantie de leur bonne utilisation (II).

I. L’utilité des registres

L’opposabilité est la clé de l’efficacité des sûretés réelles. En effet, la sûreté réelle ne déploie ses effets qu’à l’encontre des tiers au contrat de sûreté - les autres créanciers du débiteur - à l’égard de qui s’exerce la préférence. Dès lors, sans un outil permettant d’assurer efficacement la publicité des droits de préférence, toute sûreté serait vaine, quoique valable. Le constat des difficultés pratiques liées à l’absence ou l’insuffisance des registres existant jusqu’à présent (A) a conduit le gouvernement à intervenir en instaurant deux nouveaux registres dédiés à l’inscription des sûretés mobilières (B).

A. Les difficultés liées à l’insuffisance des registres

Les ordonnances de 2006 et 2021 réformant le droit des sûretés ont profondément modifié le régime des sûretés mobilières. En particulier, depuis 2006, le gage peut être constitué sans dépossession [3]. Ce changement impliquait de consacrer une technique d’opposabilité autre que la dépossession, qui était jusqu’alors une condition de la validité de cette sûreté. Le législateur a donc instauré la possibilité de rendre le gage opposable par inscription sur un registre, le registre des gages sans dépossession [4]. Les informations contenues dans ce registre étaient consultables gratuitement, grâce à un portail en ligne. Cependant, en dépit de l’existence et de l’accessibilité de ce registre, le système n’était pas parfaitement efficace en 2006, à défaut de réforme consécutive des procédures civiles d’exécution. En effet, en raison de l’absence de dépossession, le bien grevé risquait de faire l’objet d’une saisie entre les mains du débiteur, pour le compte d’un créancier autre que le titulaire du gage. Or aucune mesure destinée à purger les droits du gagiste en cas de saisie du bien grevé n’avait été prévue. Cela entraînait une double insécurité.

Tout d’abord, l’insécurité touchait les droits du créancier gagiste lui-même. L’intervention de ce dernier dans la procédure de saisie du bien grevé n’étant pas prévue, il était probable qu’il n’ait pas connaissance de la procédure d’exécution. Le gagiste risquait donc de voir le bien sortir du patrimoine de son débiteur sans avoir été désintéressé sur le prix de vente. Certes, il conservait son droit de suite grâce à l’inscription sur le registre. Cependant, il faut rappeler que le droit de préférence ne peut être opposé qu’à celui qui acquiert le bien directement du constituant [5], le droit de suite n’est donc plus efficace à partir du second transfert de propriété. C’est la conséquence de la fragilité de la publicité mobilière, effectuée nécessairement à partir de l’identification du propriétaire, et non du bien meuble. Partant, dès que l’adjudicataire revendra le bien saisi, le gage ne sera plus opposable au nouveau propriétaire du bien et la sûreté perdra toute son utilité.

L’insécurité se manifestait également du côté des procédures civiles d’exécution. À défaut de procédure organisant le désintéressement du créancier garanti à l’occasion de la saisie, l’adjudicataire, en sa qualité d’ayant-cause à titre particulier du constituant, s’exposait au droit de suite du gagiste. Cela risquait nécessairement de freiner les potentiels acquéreurs, car cela implique la menace de perdre le bien après son acquisition.

En 2021, une problématique similaire s’est présentée avec la consécration de la faculté de constituer un gage sur un bien meuble immobilisé par destination [6]. Un même ensemble immobilier peut aujourd’hui être grevé à la fois d’une hypothèque sur l’ensemble et d’un gage sur une partie. L’articulation devait donc être faite entre le droit des sûretés et la procédure de saisie immobilière de l’ensemble immobilier ainsi que celle de la saisie-vente de la partie mobilière immobilisée, sans quoi cette nouveauté demeurerait parfaitement inefficace.

Quant à la publicité du gage sur véhicule terrestre à moteur, l’ancien article 2351 du Code civil N° Lexbase : L1178HIH, issu de l’ordonnance de 2006, prévoyait que son opposabilité était garantie par une « déclaration faite à l'autorité administrative dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État ». Or ce décret ne fut jamais pris.

En définitive, les sûretés mobilières ne pouvaient être pleinement efficaces tant que les procédures de saisie des biens grevés ne tenaient pas compte de l’existence de créanciers titulaires de sûretés sur les biens. Cela ne pouvait se faire qu’au prix de deux améliorations : une réforme des procédures civiles d’exécution elles-mêmes, afin de les adapter aux nouveautés du droit des sûretés, mais également l’instauration d’un système d’information fiable permettant d’avoir connaissance de l’existence de ces sûretés mobilières. Le premier objectif a été pleinement atteint par la réforme du 15 septembre 2021 [7]. En effet, depuis le 1er janvier 2023, les créanciers ayant publié leur sûreté mobilière avant le déclenchement d’une saisie sur le bien grevé peuvent faire valoir leurs droits sur le prix dégagé par la vente [8]. C’est le second changement, dernier chaînon manquant, que mettent en œuvre les deux décrets précités, en créant les registres opportuns.

B. Les nouveaux registres des sûretés mobilières

La création des registres des sûretés devait se faire par voie réglementaire. La satisfaction est unanime face à l’arrivée rapide de ces deux décrets instaurant les registres des sûretés mobilières et des gages sur véhicule, lorsque l’on se rappelle que l’on attendait toujours le précédent registre des gages automobiles… Le fonctionnement de ces registres est aligné sur le modèle bien connu du fichier immobilier, clé de voûte de l’opposabilité des droits réels sur les immeubles, si ce n’est que la publicité en est assurée de manière personnelle et non réelle (par le nom du propriétaire, et non par identification du bien). Les deux décrets créent respectivement le registre des sûretés mobilières et opérations connexes (1) et le registre de publicité du gage portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés (2).

1) Le registre des sûretés mobilières et opérations connexes

Le décret n° 2021-1888 du 29 décembre 2021 N° Lexbase : L1938MAZ a institué un nouveau registre des sûretés mobilières, entré en vigueur le 1er janvier 2023 [9]. Il a permis de réunir les inscriptions mobilières en un seul endroit, mettant ainsi fin à l’ancien éparpillement de registres [10]. Ce nouveau registre est régi par les articles R. 521-1 N° Lexbase : L5100MA7 et suivants du Code de commerce. Il est tenu localement par chaque greffe du tribunal de commerce, du tribunal mixte de commerce (outre-mer) ou du tribunal judiciaire statuant commercialement (Alsace-Moselle) [11]. Il rassemble la publicité de plus de dix sûretés, ainsi que d’autres opérations portant sur les meubles. Ainsi, selon l’article R. 521-2 du Code de commerce N° Lexbase : L5187MAD, le registre réunit les inscriptions « 1° Des gages sans dépossession à l'exception des gages mentionnés au second alinéa de l'article 2338 du Code civil [LXB=] ; 2° Des nantissements conventionnels de parts de sociétés civiles, de société à responsabilité limitée et de société en nom collectif ; 3° Du privilège du vendeur de fonds de commerce ; 4° Du nantissement du fonds de commerce ; 5° Des déclarations de créances en application de l'article L. 141-22 du Code de commerce N° Lexbase : L0118L8U; 6° Des hypothèques maritimes à l'exclusion de celles qui portent sur les navires enregistrés au registre mentionné à l'article L. 5611-1 du Code des transports N° Lexbase : L6537ING; 7° Des actes de saisie sur les navires à l'exclusion de ceux qui portent sur les navires enregistrés au registre mentionné à l'article L. 5611-1 du Code des transports ; 8° De tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou de droits réels portant sur un bateau au sens de l'article L. 4111-1 du Code des transports N° Lexbase : L7548INU ; 9° Des hypothèques fluviales ; 10° Des actes de saisie de bateaux ; 11° Parmi les mesures d'inaliénabilité décidées par le tribunal en application des articles L. 626-14 N° Lexbase : L3327IC9 et L. 642-10 [LXB= L3410ICB] du présent code, de celles qui, le cas échéant, portent sur un bien ayant préalablement fait l'objet d'une inscription au présent registre conformément aux dispositions du premier alinéa des articles R. 626-25 [LXB= L5119MAT] et R. 642-12 N° Lexbase : L5124MAZ du même code ou, à défaut, de celles pour lesquelles les débiteurs sont inscrits au registre du commerce et des sociétés ainsi que de celles qui portent sur des biens d'équipement en application des articles R. 626-26 N° Lexbase : L5120MAU et R. 642-13 N° Lexbase : L5125MA3 du même code ; 12° Des contrats portant sur un bien qui ont fait l'objet d'une publicité, conformément aux dispositions de l'article L. 624-10 N° Lexbase : L9070LT4 du présent code et dans les conditions fixées par l'article R. 624-15 N° Lexbase : L0915HZW du même code ; 13° Du privilège du Trésor ; 14° Des privilèges de la sécurité sociale et des régimes complémentaires prévus à l'article L. 243-5 du Code de la sécurité sociale N° Lexbase : L0400L8C; 15° Des warrants agricoles ; 16° Des opérations de crédit-bail en matière mobilière ». L’inscription de la sûreté mobilière se fait par le dépôt d’un bordereau au greffe compétent [12], et est en principe valable 5 ans renouvelables [13], sauf exceptions [14].

Ce registre ne serait que de peu d’utilité sans la possibilité, pour le justiciable, de le consulter aisément. À l’image de ce qui existait depuis 2006 pour les gages sans dépossession, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a développé et mis à la disposition du public un portail national de consultation des sûretés mobilières [15]. Ce portail, accessible gratuitement en ligne, permet de prendre connaissance de l’ensemble des données inscrites dans ces registres locaux [16]. Ce registre se présente comme le recueil de droit commun des informations relatives aux sûretés mobilières. À titre exceptionnel, le gage sur un véhicule isolé relève, lui, d’un autre système de publicité.

2) Le registre des gages de véhicule terrestre à moteur ou remorque immatriculés

La publicité du gage portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés a quant à elle été organisée par le tout récent décret du 14 février 2023. Ce texte a été pris en application de l’article 2338 al.2 du Code civil N° Lexbase : L0207L88, c’est-à-dire qu’il concerne uniquement la publicité des gages pris sur un meuble isolé, par opposition à un gage portant sur une flotte de véhicules, lequel est régi par la publicité de droit commun des sûretés mobilières. Le gage sur un véhicule isolé devra être inscrit sur un registre dématérialisé, tenu par le ministre de l’Intérieur [17]. L’inscription, valable cinq ans, est renouvelable [18], et fait obstacle à l’inscription d’un nouveau gage sur le même bien [19].

Les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution ont dans le même temps été modifiées pour tenir compte de ce nouveau registre. L’article R. 223-5 N° Lexbase : L9695MG8 du code précité notamment, précise que « les effets de la déclaration ne peuvent préjudicier au créancier titulaire d'un gage régulièrement inscrit conformément aux dispositions du décret ». L’articulation entre la procédure de saisie du bien grevé par déclaration auprès de l'autorité admnistrative et l’existence d’un gage est ainsi assurée.

Ces innovations répondent à l’objectif, rappelé par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, de favoriser « l’efficacité des sûretés : les droits du créancier gagiste seront mieux respectés lorsque le bien gagé est saisi ». Elles constituent également un outil précieux pour le commissaire de justice, qui a vocation à en être un des plus grands usagers.

II. L’utilisation des registres

En plus d’assurer l’efficacité des droits de préférence en organisant leur opposabilité, ces registres présentent un autre avantage pratique pour le commissaire de justice : permettre d’obtenir en amont de la saisie des informations relatives à l’état des biens du débiteur, dans le but de déclencher la procédure en pleine connaissance de cause. Le commissaire de justice devrait donc développer une utilisation préventive de ces registres (A), au stade de la recherche d’informations préalables à la saisie. En cas de saisie d’un bien grevé, il devra nécessairement en respecter l’utilisation impérative (B).

A. Préventive

La consultation du portail des sûretés mobilières [20], ainsi que du registre des gages automobiles, est un atout considérable pour le commissaire de justice. C’est un outil précieux au stade des recherches sur l’étendue du patrimoine saisissable du débiteur, car elle permet de déterminer l’utilité de la saisie envisagée.

Au stade des recherches préalables, le commissaire de justice a intérêt à effectuer une recherche sur le portail des sûretés mobilières. « Chaque consultation ne peut porter que sur une même personne et une ou plusieurs catégories d'inscription » [21]. La consultation se fera donc à partir du nom du débiteur dont le commissaire de justice entend saisir les biens [22]. Que la sûreté, prise sur un bien dont le saisi est propriétaire, soit constituée en garantie de sa propre dette (constituant-débiteur) ou de la dette d’un tiers (constituant non débiteur) [23], il importe de connaître la part du prix qui sera destinée à désintéresser prioritairement un autre créancier que le saisissant. C’est ce que permet cette consultation, en faisant « apparaître l'absence d'inscription ou, en présence d'inscription, les informations inscrites dans les registres des sûretés mobilières tenus par chaque greffier ainsi que l'identification des greffiers qui tiennent ces registres. L'inscription radiée ou périmée n'apparait plus dans les résultats des demandes de consultation du portail » [24]. En présence d’inscriptions, il est ensuite possible de demander au greffier concerné la délivrance d’un état certifié des inscriptions inscrites sur son registre local [25].

Quant au gage sur véhicule isolé pris en application de l’alinéa 2 de l’article 2338 du Code civil N° Lexbase : L0207L88, l’article R. 223-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L9694MG7, relatif à la saisie d’un véhicule par déclaration auprès de l’autorité administrative, prévoit également que l'autorité administrative communique au commissaire de justice qui en fait la demande les mentions portées sur ce registre spécifique, ainsi que tous renseignements relatifs aux droits du débiteur sur ce véhicule.

Grâce aux informations ainsi obtenues (existence d’un gage sur le meuble ou sur le véhicule, d’un nantissement sur les parts ou sur le fonds de commerce, d’une hypothèque ou d’une précédente saisie sur le navire ou le bateau…), il devient possible d’apprécier l’état d’endettement du débiteur, mais surtout l’opportunité de la saisie. En effet, la comparaison de la valeur estimée du bien, du montant des créances garanties, et du montant de la créance cause de la saisie permettra de ne déclencher la mesure qu’avec la certitude, pour le saisissant, d’être en rang utile pour être payé. Le cas échéant, il faudra alors suivre la nouvelle procédure permettant d’associer les créanciers inscrits, ainsi identifiés.

B. Impérative

Pour la bonne mise en œuvre de cette construction d’ensemble, de nouvelles obligations pèsent sur le commissaire de justice.

Depuis le 1er janvier 2023, en cas de déclenchement d’une saisie-vente, lorsque la consultation – obligatoire - du fichier fait apparaître que le bien saisi est grevé d’inscriptions, il appartient à l’officier ministériel de signifier aux créanciers inscrits le procès-verbal de saisie dans les huit jours de son établissement [26]. À l’image de ce qui advient en matière de saisie immobilière, cela enclenchera l’intégration des créanciers inscrits dans la procédure et en particulier, leur participation à la distribution des deniers. Dans l’hypothèse d’une vente amiable du bien, le commissaire de justice doit transmettre les propositions de vente par lettre recommandée avec accusé de réception aux créanciers inscrits [27]. Les créanciers ont quinze jours pour y répondre, à défaut de quoi leur acceptation de l’offre est présumée [28]. En cas de vente forcée, c’est au créancier saisissant qu’il revient de transmettre les informations relatives à la saisie aux créanciers inscrits sur le registre [29]. Dans les quinze jours suivants, la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception, les créanciers inscrits doivent transmettre à leur tour les informations relatives à la nature et au montant de leur créance, sans quoi ils ne pourront participer à la distribution des deniers conformément à leurs droits [30]. À l’issue de la procédure, le commissaire de justice délivre un récépissé de paiement, en y annexant un extrait des inscriptions obtenues grâce à la consultation du registre [31]. Une fois qu’il aura été procédé au paiement des créanciers inscrits titulaires d’un titre exécutoire dans le cadre de la procédure de distribution des deniers [32], il sera possible d’obtenir la radiation des inscriptions au registre [33].

Si le commissaire de justice ne respecte pas ces nouvelles exigences, non seulement les créanciers inscrits conserveront leur droit de suite et la vente s’en trouvera fragilisée, mais ils pourront également engager la responsabilité professionnelle de l’huissier qui ne leur aura pas permis de faire valoir leur préférence dans la procédure.

Dans la même logique, le commissaire de justice doit prêter une attention particulière aux meubles susceptibles d’être immobilisés par destination. La réforme de 2021 ayant autorisé la conclusion d’un gage sur un bien immobilisé par destination [34], il faut gérer le conflit potentiel entre une inscription mobilière sur le bien immobilisé et une inscription hypothécaire sur l’ensemble immobilier. Il faut donc prendre l’habitude de consulter le fichier immobilier en cas de saisie-vente du bien immobilisé seul, et inversement, de consulter le registre des sûretés mobilières en cas de saisie immobilière d’un ensemble immobilier comprenant des biens meubles immobilisés par destination, car il est nécessaire de purger les droits de tous les créanciers inscrits sur ce bien à la nature mixte [35].

Par précaution, et bien que les textes ne le précisent pas, les mêmes diligences devraient être attendues dans le cadres des autres saisies, telles que les saisies de droits incorporels ou de navires.

Les inscriptions mobilières étant désormais réunies par principe dans un registre unique et facilement accessible, l’on pourrait, pour l’avenir, souhaiter que le parallélisme avec la publicité immobilière soit poussé jusqu’au bout. Le registre accueillant d’ores et déjà des « opérations connexes » aux sûretés, et notamment certaines opérations de saisie [36], pourquoi ne pas espérer de le voir bientôt accueillir la publicité des opérations de saisie, ce qui ferait de ce registre un des outils les plus précieux du commissaire de justice ?

À retenir : au stade des recherches préalables comme au stade du déclenchement de la saisie, que la procédure soit mobilière ou immobilière, il est désormais utile, voire impératif, de consulter les registres des sûretés mobilières (de droit commun, ou sur véhicule), afin de connaître l’existence d’inscriptions sur le bien objet de la saisie et l’étendue des droits des créanciers titulaires de sûreté, lesquels sont désormais intégrés à la procédure.

 

[1] S. Piédelièvre, La dernière étape de la réforme du droit des sûretés ?, Lexbase Affaires, Février 2022, n° 704 N° Lexbase : N0259BZM.

[2] V. Téchéné, Publicité du gage portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés, Lexbase Affaires, février 2023, n° 747 N° Lexbase : N4401BZZ

[4] C. civ. art. 2338 N° Lexbase : L0207L88 et décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006 N° Lexbase : L9636HT3.

[5] C. civ. art. 2337 al. 3 N° Lexbase : L0199L8U.

[6] C. civ. art. 2334 N° Lexbase : L0196L8R.

[7] V. C. Séjean-Chazal, L’impact de la réforme des sûretés sur les procédures civiles d’exécution, JCP N 2021, n°48, ét. 1340.

[8] CPCEx, art. L. 221-5 N° Lexbase : L5851IR7.

[9] Sauf pour les hypothèques maritimes et les saisies de navires pour lesquelles l'entrée en vigueur était préalablement fixée au 1er janvier 2022.

[10] En ce sens, Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 15 septembre 2021. Ainsi, l’on trouvait jusqu’à présent un registre pour les gages sans dépossession, un registre pour les nantissements, un registre pour les privilèges du vendeur…

[11] C. com. art. R.521-5 N° Lexbase : L5190MAH.

[12] C. com. art. R.521-6 N° Lexbase : L5191MAI.

[13] C. com. art. R.521-11 N° Lexbase : L5191MAI.

[14] C. com. art.  R.521-12 N° Lexbase : L5105MAC, par exception au premier alinéa de l'article R. 521-11, l'inscription produit effet durant :
- dix ans pour le privilège du vendeur de fonds de commerce, le nantissement du fonds de commerce, les hypothèques maritimes et fluviales ;
- quatre ans pour le privilège du Trésor ;
- deux ans et six mois pour le privilège de la sécurité sociale, l'inscription n'est pas renouvelable ;
- la durée fixée par la décision du tribunal, pour la mesure d'inaliénabilité.

[15] suretesmobilieres.fr, C. com. art. R. 521-1 [LXB=] et R.521-29 [LXB=].

[16]C. com. art. 521-30 N° Lexbase : L5196MAP : « Le portail mentionné à l'article R. 521-29 N° Lexbase : L5195MAN est consultable gratuitement. Il permet de télécharger un document faisant apparaître les informations prévues à l'article R. 521-33 N° Lexbase : L5163MAH ».

[17] Décret n° 2023-97 du 14 février 2023, art. 1er N° Lexbase : Z42608UP.

[18] Décret n° 2023-97 du 14 février 2023, art 5 N° Lexbase : Z42590UP.

[20] C. com. art. R.521-29s. N° Lexbase : L5195MAN.

[21] C. com. art. R. 521-32 N° Lexbase : L5198MAR.

[22] L’article R. 521-32 du Code de commerce prévoit la liste des éléments d’identification du débiteur et du bien requis pour procéder à la consultation du portail.

[23] C. com. art. R. 521-5 N° Lexbase : L5190MAH.

[24] C. com. art.  R. 521-33 N° Lexbase : L5163MAH.

[25] C. com. art. R. 521-31 N° Lexbase : L5197MAQ.

[26] CPCEx, art. R. 221-14-1 N° Lexbase : L4646MAC: « L'huissier de justice qui a procédé à la saisie des biens consulte le registre prévu à l'article R. 521-1 du code de commerce et signifie le procès-verbal de saisie dans un délai de huit jours à compter de son établissement aux créanciers titulaires d'une sûreté publiée sur ces biens ».

[27] CPCEx, art. R. 221-31 al. 2 N° Lexbase : L4647MAD.

[28] CPCEx, art. R. 221-31 al.3 N° Lexbase : L4647MAD.

[29] CPCEx, art. R. 221-36-1 N° Lexbase : L4649MAG.

[30] CPCEx, art. R. 221-31 al.4 N° Lexbase : L4647MAD.

[31] CPCEx, art. R. 221-32 N° Lexbase : L4648MAE.

[32] CPCEx, art. R. 251-5 N° Lexbase : L4398MA7.

[33] CPCEx, art. R. 221-32 N° Lexbase : L4648MAE et R. 221-39 et N° Lexbase : L4650MAH.

[34] C. civ, art. 2334 N° Lexbase : L0196L8R.

[35] CPCEx, art. R. 331-4 N° Lexbase : L5095MAX et R. 331-5 N° Lexbase : L5096MAY.

[36] L’article R. 521-2, 7° & 10° du Code de commerce N° Lexbase : L0086HZ9 prévoit en effet la publication des actes de saisie sur les navires et les bateaux.

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Voies d'exécution

[Jurisprudence] Sort et transport des meubles en matière d’expulsion

Réf. : CA Paris, 1, 10, 2 février 2023, n° 22/08170 N° Lexbase : A88199BA

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N4715BZN

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par Arnaud Leon, Commissaire de Justice associé (Selarl Bonnamy-Vizoso & Leon), Chargé d’enseignement à l’INCJ (Institut National des Commissaires de Justice), IJA (Institut Juridique d’Aquitaine), intervenant EDA (École des Avocats de Bordeaux)

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : commissaire de justice • procès-verbal d’expulsion • diligences• sort des meubles • transport des meubles • inventaire • séquestre • déménagement

Cet arrêt rendu par la cour d’appel de Paris réaffirme la confiance accordée par le juge au commissaire de justice lorsque ce dernier est particulièrement rigoureux dans ses diligences s’agissant notamment du sort des meubles lors des opérations d’expulsion et de son issue.


Afin d’appréhender tous les enjeux de cet arrêt au regard de la réalité de terrain à laquelle est confronté le commissaire de justice, un rappel exhaustif des faits ainsi que des arguments soulevés par la partie appelante sont nécessaires.

Selon jugement rendu par le tribunal d’instance de Paris le 6 décembre 2019, une procédure d’expulsion est initiée à l’encontre d’un locataire indélicat par la signification d’un commandement de quitter les lieux en date du 11 février 2020. Ce commandement est contesté devant le juge de l’exécution de Paris lequel déboute l’appelant le 4 mars 2021. L’expulsion finit par être réalisée le 14 septembre 2021 suivie d’un procès-verbal de déménagement le 16 septembre 2021. C’est alors que la procédure est à nouveau contestée devant le juge de l’exécution de Paris lequel par jugement en date du 28 mars 2022 déboute le débiteur de l’ensemble de ses demandes lesquelles visaient à l’annulation du procès-verbal d’expulsion, à une réintégration dans le logement outre une demande de dommages-intérêts… Et puisqu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin, il est relevé appel de la décision où tous azimuts, il est reproché au commissaire de justice :

  • que si le procès-verbal d’expulsion contenait un inventaire des biens qui avaient été séquestrés, il n’avait pas pu obtenir du commissaire de justice les coordonnées du garde-meuble auprès duquel ils avaient été déposés et que le commissaire de justice avait refusé de prendre contact avec lui ;
  • que si un procès-verbal de déménagement avait été réalisé le 16 septembre 2021, les biens avaient été détruits entretemps sans signification du procès-verbal alors même que la société disposait de son adresse électronique ;
  • que ses papiers et documents administratifs ne lui avaient pas été restitués ni mis sous scellé si bien que le 5 janvier 2022, il n’avait pu en récupérer qu’une partie seulement ;
  • que le procès-verbal d’expulsion ne contenait pas un inventaire complet et précis des biens, ni d’indication du local où ceux-ci sont entreposés, que ces derniers n’avaient pas été laissés dans les lieux, que notamment le commissaire de justice ne s’était pas donné la peine d’ouvrir les meubles pour dresser une liste de leur contenu et qu’il en était de même des sacs sanglés et des valises ;
  • que la valeur marchande des biens était de 10 000 euros et que ceux-ci n’auraient pas dû être détruits mais vendus ;
  • que le commissaire de justice avait refusé de lui donner des informations sur les conditions d’accès dans lesquelles ses biens avaient été entreposés, se contentant de lui adresser des mails à une adresse qui n’était pas la bonne.

À toutes ces demandes, la cour d’appel répond factuellement en tenant compte des contraintes temporelles et matérielles auxquelles sont confrontés les commissaires de justice. Il est d’ailleurs important de relever que l’argumentation du débiteur se fonde sur des supposées absences de diligences du commissaire de justice, ce qui est totalement faux, puisque ce dernier est même allé au-delà des textes afin d’assurer la sécurité juridique des parties. Et la cour d’appel ne s’y trompe pas (« les opérations d’expulsion ainsi que celles subséquentes ayant été menées dans des conditions exemptes de critiques ») ; elle nous éclaire sur les diligences pouvant être accomplies par le commissaire de justice s’agissant du sort des meubles lors de l’expulsion et de son issue.

I. Le sort des meubles lors de l’expulsion

Chaque commissaire de justice connaît les difficultés liées à l’organisation d’une procédure d’expulsion. En effet, une fois le concours obtenu, il doit se mettre en rapport avec de multiples intervenants dont l’assistance et/ou le concours dépendront du contexte connu sur place : force publique, serrurier, déménageur, entreprise de sécurisation des lieux, entreprise de nettoyage spécialisée, maître-chien, assistance médicale etc… Si les textes imposent au commissaire de justice de maîtriser le déroulé des opérations d’expulsion, la jurisprudence vient en soutien de ses contraintes.

A. Rigueur des textes et temporalité lors de la rédaction du procès-verbal de l’expulsion

Les premiers alinéas des articles R. 432-1 N° Lexbase : L2518ITG et R. 433-1 N° Lexbase : L5601LTM du Code des procédures civiles d’exécution imposent une véritable gymnastique de terrain au commissaire de justice. En effet, non seulement « l'huissier de justice doit décrire les opérations auxquelles il a été procédé (ainsi que l'identité des personnes dont le concours a été nécessaire) mais aussi, si les biens ont été laissés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié, le procès-verbal d'expulsion contient un inventaire de ces biens, avec l'indication qu'ils paraissent avoir ou non une valeur marchande et mention du lieu et des conditions d'accès au local où ils ont été déposés ».

Comme nous l’avons évoqué supra, il est reproché au commissaire de justice de n’avoir accompli aucune de ces diligences ou de ne les avoir accomplies que sommairement…Ce qui est faux. En effet, dans les faits de l’espèce, le commissaire de justice a listé les biens présents dans le logement et pour ceux présents en quantité, inventorié par lots (tels les produits d’hygiène, livres…) ; aussi le débiteur n’a pas déclaré de lieu où il convenait de faire transporter les meubles, ils ont alors été séquestrés sur place (lesquels seront par la suite déménagés par le commissaire de justice, voir II). Rappelons d’ailleurs au praticien que les indemnités d’occupation cessent d’être dues dès la signification du procès-verbal d’expulsion et non à compter de la reprise matérielle des biens.

Aussi, il peut-être légitime de s’interroger sur cet inventaire des biens et son exhaustivité. En effet, lorsque le commissaire de justice dresse un inventaire lato sensu, celui-ci est supposé être complet [1] et comprendre l’intégralité des biens meubles jusqu’à la dernière petite cuillère…(sic)…Mais le praticien de terrain est régulièrement confronté à une temporalité et/ou matérialité qu’il ne maîtrise pas. Outre l’impossibilité tenant à l’encombrement des lieux (syndrome de Diogène), bien souvent, la force publique est appelée sur d’autres opérations et vous informe au début des opérations ne pouvoir prêter leur concours que sur une durée réduite (1h, 2h…), et il peut en être de même pour les autres intervenants... La gestion de la procédure sur place (coordination des parties, opposition du débiteur, présence de nouveaux occupants du chef…) qui doit être relatée point par point dans la description des opérations ne permet pas au commissaire de justice de lister de manière exhaustive les biens. Cet inventaire doit-être suffisant comme le rappel la jurisprudence.

Enfin, s’agissant de la valeur marchande des biens, rappelons qu’un procès-verbal d’expulsion n’est pas un procès-verbal de saisie-vente. Il n’existe pas de principe d’insaisissabilité et l’ « appréciation d’apparence » [2] se fait sur l’ensemble des biens. La valeur doit-être suffisante pour couvrir à minima les frais de procédure en cas de vente.

B. Une jurisprudence continue

Il est constant en jurisprudence que lorsqu’une personne est atteinte du syndrome de Diogène, le commissaire de justice est confronté à « un événement de force majeure empêchant l’établissement d’un inventaire détaillé » (voir CA Aix-en-Provence, 20 mai 2021, n° 18/06955 N° Lexbase : A42374SQ et aussi CA Aix-en-Provence, 30 juillet 2020, n° 19/07696 N° Lexbase : A89503RW) ou « lorsque l’ensemble du mobilier est en ruine et extrêmement vétuste ».

Cet arrêt est intéressant car il s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle lorsque le commissaire de justice relate avec précision (ce qui permet au juge d’exercer son pouvoir souverain d’appréciation) les raisons pour lesquelles un inventaire détaillé n’est pas réalisable, et ce en dehors du syndrome sus évoqué. En effet, la cour d’appel fait observer qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose que l’inventaire des biens soit parfaitement exhaustif et recense l’intégralité des objets présents (voir aussi en ce sens CA Versailles, 18 novembre 2021, n° 20/05713 N° Lexbase : A17077C9). Aussi, elle reprend la motivation du juge de l’exécution lequel avait relevé que « s’agissant des biens présents en quantité, il ne pouvait être exigé du commissaire de justice d’en dresser une liste complète ». Il a été aussi jugé (CA Colmar, 10 mai 2021, n° 20/02900 N° Lexbase : A79254RX) l’impossibilité de réaliser un inventaire lorsque « le coût des moyens de manutention dépasserait largement la valeur des choses en place ». D’ailleurs, il ne sera trop recommandé au commissaire de justice d’appuyer son descriptif de photographies ou de vidéos qu’il joindra à son original en cas de contestation.

L’acte du commissaire de justice dans le cas d’espèce répond parfaitement à toutes ces prescriptions et précise bien la possibilité de retirer les biens dans un délai de deux mois à compter de la signification, l’acte ayant été remis de surcroît le jour même à l’expulsé. Quant à l’inventaire des papiers et documents administratifs contenus dans les meubles ou valises, l’arrêt retient que le commissaire de justice n’a pas à procéder à leur ouverture, le débiteur étant présent, il appartient à ce dernier de les ouvrir. Cela signifie donc que le commissaire de justice doit procéder à leur ouverture avec inventaire lorsque l’expulsion se fait en l’absence de l’occupant.

II. Le transport des meubles à l’issue de l’expulsion

L’organisation des opérations d’expulsion suppose que les divers tiers à la procédure soient tous disponibles à la même date. En fonction des contraintes de la force publique, de la date de l’expulsion souvent imposée, de l’urgence (squat, conjoint violent), de l’impossibilité pour le débiteur d’indiquer un lieu où les biens seront transportés le jour des opérations, du besoin du bailleur de reprendre rapidement possession du bien (donc impossibilité de séquestrer les biens sur place), le commissaire de justice peut-être amené à déplacer les biens ultérieurement.

A. Pragmatisme juridique du commissaire de justice : le procès-verbal de déménagement

La procédure d’expulsion impose au commissaire de justice de s’adapter à la réalité du terrain. Et lorsque les textes ne prévoient pas d’actes idoines, il convient d’assurer la sécurité juridique des parties. Le commissaire de justice a créé dans notre cas d’espèce un acte sui generis : un procès-verbal de déménagement.

Le 16 septembre 2021, soit deux jours après l’expulsion, le commissaire de justice a régularisé cet acte qu’il a signifié au débiteur par procès-verbal de recherches infructueuses selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile à l’adresse des lieux antérieurement loués, contrairement à ce qui est soulevé par la partie appelante (laquelle relève que l’acte ne lui a pas été signifié). Et à la suite de cet acte, le commissaire de justice n’a pas manqué de rigueur. En effet, par mails en date des 12 octobre et 15 novembre 2021, il a informé le débiteur qu’il avait procédé au transport des biens lequel a répondu « vu à bientôt ». La cour d’appel soutient cette heureuse initiative du commissaire de justice et ajoute qu’il incombe à la partie expulsée, sachant qu’elle vient d’être expulsée et qu’un délai lui est imparti pour récupérer ses effets personnels, de communiquer ses coordonnées au commissaire de justice et/ou à la société demanderesse pour pouvoir être jointe utilement. Si ce dernier l’a finalement fait par deux lettres recommandées avec demande d’avis de réception, elles ont été adressées hors délai, les deux mois à compter du procès-verbal d’expulsion étant expiré.

La cour d’appel ne relève donc pas cet acte comme frustratoire et/ou inutile. Bien au contraire, tout comme l’information par mail. Ce qui est louable. En effet, et comme il a été évoqué plus haut, tant que le commissaire de justice justifie ses actions au regard d’un contexte particulier, ces actes en deviennent même nécessaires.

B. La nature juridique et les mentions du procès-verbal de déménagement

Dans l’hypothèse de l’arrêt commenté, le procès-verbal de déménagement vise le cas où les biens n’ont pas pu être déménagés sur le champ et que le commissaire de justice se transporte à nouveau sur place pour ce faire après l’expulsion. Cela ne peut être confondu avec la reprise des biens par la partie expulsée, où il n’y a aucune contrainte. En effet, dans le procès-verbal de déménagement, la contrainte sera exercée sur les biens de l’expulsé qui seront déplacés sans son accord ni avertissement préalable. Il ressort de ce qui précède que ce procès-verbal de déménagement constitue un acte d’exécution forcée relevant de la compétence exclusive du commissaire de justice, non en raison de la pénétration dans les lieux (la partie a déjà été expulsée) mais parce que les biens de l’expulsé seront déplacés sans son consentement.

Le procès-verbal de déménagement suppose donc que le commissaire de justice procède à nouveau à l’ouverture des portes. Il va de soi que le propriétaire des lieux n’ait pas eu accès au logement entretemps et que les clés soient restées en possession du commissaire de justice. Cette ouverture devra néanmoins être réalisée dans un délai inférieur à deux mois afin de respecter la temporalité du procès-verbal d’expulsion puisque le procès-verbal de déménagement ne fait pas courir un nouveau délai pour que l’expulsé récupère ses biens.

S’agissant du procès-verbal en lui-même, il n’apparaît pas nécessaire d’établir un nouvel inventaire puisque qu’il s’agit d’un déplacement des biens dans un lieu autre que celui de l’expulsion.

Quelles mentions peuvent alors être indiquées dans l’acte ? Il nous paraît important de préciser, outre les mentions intrinsèques à tous les actes de commissaires de justice, a minima :

  • l’heure de début et de fin des opérations
  • l’identité des personnes ayant assisté aux opérations
  • la description des opérations de déplacement des biens avec indication des biens qui auraient subi des dégradations pendant le transport
  • le lieu de transport des biens.

Demeure une ultime interrogation ? Cet acte est-il répétible auprès du débiteur ?

De prime abord, il serait possible de répondre négativement puisque cet acte n’est pas prévu par le tarif des commissaires de justice. Pourtant, il serait possible de lui attribuer la même base tarifaire du procès-verbal d’expulsion s’agissant de la continuité des opérations d’expulsion.

Cependant, cette position peut être discutée. En effet, et puisque le procès-verbal de déménagement est un acte d’exécution forcée selon nos développements, l’alinéa 1er de l’article L. 111-8 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L7794IZP prévoit expressément qu’il soit à la charge du débiteur puisque cet acte se justifie compte tenu du contexte auquel peut être confronté le commissaire de justice et permet d’assurer la sécurité juridique de toutes les parties.

Pour conclure, la mauvaise foi assumée du débiteur dans notre cas d’espèce et la multiplication des moyens n’ont aveuglé ni le commissaire de justice quant à la réalisation de sa procédure, ni le magistrat quant au prononcé de sa décision. L’expulsé tentera-t-il in fine le pourvoi en cassation ?

 

[1] Revue détaillée, minutieuse, recensement de quelque chose. Définition Larrousse.

[2] Voir L. Assouline,  L’inventaire contenu dans un procès-verbal d’expulsion, EJT, février 2022.

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Voies d'exécution

[Jurisprudence] D’utiles précisions sur le titre exécutoire européen

Réf. : CJUE, 16 février 2023, aff. C-393/21, Lufthansa Technik AERO Alzey GmbH N° Lexbase : A39609DZ

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N4567BZ8

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par Noëmie Reichling, Docteure en droit et Avocate au barreau de Caen

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : Règlement (CE) n°805/2004 • titre exécutoire européen • créances incontestées • circonstances exceptionnelles • suspension ou limitation de l’exécution

Par un arrêt du 16 février 2023, la Cour de justice de l’Union européenne fournit des précisions importantes sur la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen.


Le Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, dit Règlement TEE [1], a pour objet de créer un titre exécutoire européen pour les créances incontestées en vue, grâce à l’établissement de normes minimales, d’assurer la libre circulation des décisions, des transactions judiciaires et des actes authentiques dans tous les États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure intermédiaire (exequatur) dans l’État membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution (Règl., art. 1er). Une fois certifiée en tant que titre exécutoire européen par la juridiction d’origine, la décision pourra être directement exécutée dans les autres États membres. C’est de ce règlement qu’il est question dans l’arrêt rendu le 16 février 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne.

I. Les faits et la procédure

Le 14 juin 2019, l’Amtsgericht Hünfeld (tribunal de district de Hünfeld, Allemagne) a émis une injonction de payer à l’égard de la société Arik Air en vue du recouvrement d’une créance de 2 292 993 32 euros au bénéfice de la société Lufthansa. Sur le fondement de cette injonction, cette juridiction a délivré, le 24 octobre 2019, un titre exécutoire européen et, le 2 décembre 2019, un certificat de titre exécutoire européen.

Un huissier de justice exerçant en Lituanie a été saisi par la société Lufthansa afin qu’il exécute ce titre exécutoire conformément à ce certificat. La société Arik Air a introduit devant les juridictions allemandes une demande tendant au retrait du certificat de titre exécutoire européen et à la cessation du recouvrement forcé de la créance. Elle a également demandé à l’huissier lituanien de suspendre la procédure d’exécution jusqu’à ce que la juridiction allemande statue à titre définitif sur la demande de retrait du certificat de titre exécutoire européen et de cessation du recouvrement forcé, ce que l’huissier a refusé de faire.

Par une ordonnance du 9 avril 2020, la juridiction allemande a subordonné la suspension de l’exécution du titre exécutoire européen, du 24 octobre 2019, au dépôt par la société Arik Air d’une garantie d’un montant de 2 000 000 euros.

La société Arik Air a formé devant le Kauno apylinkės teismas (tribunal de district de Kaunas, Lituanie) un recours contre la décision de l’huissier refusant de suspendre cette procédure d’exécution. Par une ordonnance du 11 juin 2020, cette juridiction a rejeté le recours.

Par une ordonnance du 25 septembre 2020, le Kauno apygardos teismas (tribunal régional de Kaunas, Lituanie), statuant sur l’appel interjeté par la société Arik Air, a annulé l’ordonnance du Kauno apylinkės teismas (tribunal de district de Kaunas), du 11 juin 2020, et décidé de suspendre la procédure d’exécution en cause dans l’attente de la décision définitive de la juridiction allemande sur les demandes de la société Arik Air.

La société Lufthansa a saisi la Cour suprême de Lituanie d’un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du Kauno apygardos teismas (tribunal régional de Kaunas) du 25 septembre 2020.

La Cour suprême de Lituanie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :

1) Eu égard aux objectifs du Règlement n° 805/2004, notamment celui d’accélérer et de simplifier l’exécution des décisions juridictionnelles des États membres ainsi que de protection effective du droit à un procès équitable, comment convient-il d’interpréter la notion de « circonstances exceptionnelles » prévue à l’article 23, sous c), du règlement n° 805/2004 ? Quelle est la marge d’appréciation des autorités compétentes de l’État membre d’exécution pour interpréter cette notion ?

2) Des circonstances telles que celles de la présente affaire, liées à une procédure juridictionnelle dans l’État d’origine qui vise à faire trancher une question relative à l’annulation d’une décision juridictionnelle sur le fondement de laquelle un titre exécutoire européen a été délivré, doivent-elles être considérées comme pertinentes pour se prononcer sur l’application de l’article 23, sous c), du Règlement n° 805/2004 ? Selon quels critères convient-il d’apprécier la procédure de recours dans l’État membre d’origine et quel niveau d’exhaustivité doit comporter l’appréciation de la procédure ayant lieu dans l’État membre d’origine qui est opérée par les autorités compétentes de l’État membre d’exécution ?

3) Quel est l’objet de l’appréciation lorsqu’il est statué sur l’application de la notion de « circonstances exceptionnelles » figurant à l’article 23 du Règlement n° 805/2004 : l’incidence des circonstances concernées du litige doit-elle être appréciée lorsque la décision juridictionnelle de l’État d’origine est contestée dans l’État d’origine, les avantages et les dommages éventuels de la mesure concernée à l’article 23 de ce règlement doivent-ils être analysés, ou la capacité économique du débiteur d’exécuter la décision juridictionnelle ou bien d’autres circonstances doivent-elles être analysées ?

4) Est-il possible, en vertu de l’article 23 du Règlement n° 805/2004, d’appliquer en même temps plusieurs des mesures prévues à cet article ? Si la réponse à cette question est positive, sur quels critères les autorités compétentes de l’État d’exécution doivent-elles s’appuyer pour se prononcer sur la justification et la proportionnalité de l’application de plusieurs des mesures prévues ?

5) Le régime juridique prévu à l’article 36, paragraphe 1, du Règlement n° 1215/2012 N° Lexbase : L9189IUU doit-il s’appliquer à une décision juridictionnelle de l’État d’origine en matière de suspension de la force exécutoire (d’annulation) ou un régime juridique semblable à celui défini à l’article 44, paragraphe 2, de ce règlement est-il applicable ?

En répondant à ces questions, la Cour de Justice opère d’utiles précisions sur la question de la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen.

II. Les apports de l’arrêt

Le débat s’est développé au regard des dispositions du Règlement (CE) n° 805/2004, du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, et en particulier de son article 23 qui prévoit des cas de suspension ou de limitation de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen.

Cet article 23 énonce que « Lorsque le débiteur a : - formé un recours à l’encontre d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen, y compris une demande de réexamen au sens de l'article 19, ou - demandé la rectification ou le retrait d’un certificat de titre exécutoire européen conformément à l’article 10, la juridiction ou l’autorité compétente dans l'État membre d’exécution peut, à la demande du débiteur : a) limiter la procédure d'exécution à des mesures conservatoires ; ou b) subordonner l’exécution à la constitution d’une sûreté qu’elle détermine ; ou c) dans des circonstances exceptionnelles, suspendre la procédure d’exécution ».

L’arrêt de la Cour de justice du 16 février 2023 présente trois apports principaux :

Le premier apport, le plus attendu aussi, est de fournir pour la première fois une définition de la notion de « circonstances exceptionnelles » justifiant la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen. Dans le silence du règlement, la Cour opte pour une définition européenne autonome et propose ainsi de considérer cette notion de « circonstances exceptionnelles » comme « une situation dans laquelle la poursuite de la procédure d’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen, [lorsque le débiteur a introduit, dans l’État membre d’origine, un recours contre cette décision ou une demande de rectification ou de retrait du certificat de titre exécutoire européen], exposerait ce débiteur à un risque réel de préjudice particulièrement grave dont la réparation serait, en cas d’annulation de ladite décision ou de rectification ou retrait du certificat de titre exécutoire, impossible ou extrêmement difficile ». Elle précise que cette notion de « circonstances exceptionnelles » ne renvoie pas à des circonstances liées à la procédure juridictionnelle dirigée dans l’État membre d’origine contre la décision certifiée en tant que titre exécutoire européen ou contre le certificat de titre exécutoire européen.

Selon la définition retenue par la Cour de justice, les « circonstances exceptionnelles » s’apprécient en considération des seules conséquences de l’exécution de la décision certifiée en tant que titre exécutoire européen. Contrairement à ce qu’avait suggéré M. l’avocat général Priit Pikamäe dans ses conclusions du 20 octobre 2022, aucune condition d’urgence n’est requise. Les conditions dans lesquelles s’exerce le recours contre la décision certifiée ou le certificat de TEE sont également indifférentes. À suivre la Cour, la suspension de l’exécution de la décision certifiée ne peut intervenir que dans l’hypothèse où la poursuite de la procédure d’exécution risque d’entraîner pour le débiteur un préjudice particulièrement grave. Tel sera le cas chaque fois que l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen risquera de causer un préjudice irréparable ou quasi irréparable au débiteur en cas d’anéantissement de la décision certifiée ou de rectification ou retrait du certificat de TEE. En pratique, cette condition risque d’être difficile à satisfaire. L’appréciation s’opérera nécessairement in concreto en fonction des circonstances propres à chaque espèce, avec l’inconvénient que cette appréciation puisse alors varier d’un juge à l’autre.

Le deuxième apport de l’arrêt a trait à la question du cumul des mesures prévues à l’article 23 (i.e. la limitation de la procédure d’exécution à des mesures conservatoires, la constitution d’une sûreté et la suspension de l’exécution « dans des circonstances exceptionnelles »). La Cour de justice retient que si le Règlement permet l’application simultanée des mesures de limitation de l’exécution et de constitution d’une sûreté, il ne permet pas l’application simultanée d’une de ces deux mesures avec celle de suspension de la procédure d’exécution. La solution se comprend aisément.

Enfin, le troisième apport de l’arrêt est de préciser que lorsque le caractère exécutoire d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen a été suspendu dans l’État membre d’origine et que le certificat indiquant la suspension de la force exécutoire (certificat visé à l’article 6, paragraphe 2) a été présenté à la juridiction de l’État membre d’exécution, cette juridiction est tenue de suspendre, sur la base de cette décision, la procédure d’exécution engagée dans ce dernier État.

Cet arrêt fournit donc des précisions utiles sur la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen. Il est évident qu’il ne passera pas inaperçu.

À retenir : le débiteur qui a formé un recours à l’encontre d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen ou qui a demandé la rectification ou le retrait d’un certificat de TEE, peut demander la suspension de l’exécution de la décision. Pour ce faire, il doit démontrer que la poursuite de la procédure d’exécution l’exposerait à un risque réel de préjudice particulièrement grave dont la réparation serait, en cas d’annulation de ladite décision ou de rectification ou retrait du certificat de titre exécutoire, impossible ou extrêmement difficile.

[1] JOCE L 143 du 30 avril 2004, p. 15 ; C. Nourissat, Le Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, Europe, n°8, août 2005 ; H. Péroz, Le Règlement (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, JDI, 2005, p.637 ; K. H. Beltz, Le titre exécutoire européen (TEE), D., 2005, chron. p. 2707. ; L. D’avout, La circulation automatique des titres exécutoires imposée par le règlement n°805/2004 du 21 avril 2004, Rev. crit. DIP, 2006, p.1 ; C. Roth, Le règlement n°805/2004 portant création d’un titre exécutoire européen : un pas décisif vers la création d’un "Code européen de procédure civile" , Gaz. Pal., 21 août 2008, p. 28 ; F. Ferrand, Le nouveau titre exécutoire européen, Dr. et patr., octobre 2004, p. 70 ; M. Nioche, Le règlement (CE) n°805/2004 du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, in L. Cadiet, E. Jeuland et S. Amrani-Mekki (dir.), Droit processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, coll. Droit et Professionnels, 2011, p. 161 ; F. Ferrand, Le titre exécutoire européen ou les possibles tensions entre jugement sans frontières et procès équitable, in Mélanges en l’honneur de M. Revillard, Défrénois, 2007, p. 107 à 130 ; A. Huet, Titre exécutoire européen, in Rép. Dr. internat., Dalloz, 2006, [màj février 2020] ; M. Lopez De Tejada, Titre exécutoire européen, J-Cl. Europe, Fasc. 2810.

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Voies d'exécution

[Jurisprudence] Le secret professionnel du notaire à l’épreuve des procédures civiles d’exécution

Réf. : Cass. civ. 1, 11 janvier 2023, n° 20-23.679, FS-B N° Lexbase : A647387U

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N4700BZ4

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par Aude Alexandre Le Roux, avocat associé AARPI Trianon Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : secret professionnel • notaire • notariat • exécution • commissaire de justice • saisie-attribution • déclaration • tiers saisi • héritiers

Si le secret professionnel du notaire est, par essence, absolu, il ne saurait tenir en échec le droit à l’exécution du créancier. Pour mener cette exécution à son terme, le créancier devra toutefois veiller au strict respect des conditions légales.


Une fois n’est pas coutume, la poursuite d’une procédure civile d'exécution est l’occasion de s’intéresser au secret professionnel du notaire.

Un arrêt de la première chambre de la Cour de cassation rendu en date du 11 janvier 2023 (Cass. civ. 1, 11 janvier 2023, n° 20-23.679, FS-B) est en effet venu rappeler le contexte précis dans lequel le notaire doit contribuer à la procédure d'exécution engagée par un créancier.

Cet arrêt a déjà été abondamment commenté. La doctrine s’accorde unanimement pour rappeler le caractère sacré du secret professionnel que le notaire doit à son client.

Attention toutefois ce n’est pas la seule portée de cet arrêt. Nous y reviendrons.

Les faits ayant donné lieu à la décision commentée sont de prime abord, relativement classiques.

Un compromis de vente est déclaré caduc par décision d’un tribunal de grande instance. L’acheteur est condamné à payer une clause pénale ainsi que des dommages et intérêts au vendeur. La mainlevée du séquestre conservé à l’étude notariale est en outre ordonnée. Pour obtenir le paiement du solde des condamnations de l’acheteur, le vendeur est contraint de saisir un huissier afin de procéder à l’exécution forcée du jugement.

Mauvaise surprise pour le créancier-vendeur : l’acheteur a disparu dans l’intervalle. L’huissier de justice ne parvient pas à toucher la débitrice-acheteur afin de mener à son terme l’exécution.

C’est dans ce contexte qu’il interpelle donc son notaire afin que ce dernier lui communique la nouvelle adresse de sa cliente. Le notaire refuse de répondre.

Le créancier-vendeur saisit donc le tribunal de grande instance afin de voir condamner le notaire à lui payer des dommages et intérêts. Il soutient que le silence gardé par ce dernier caractériserait une faute de nature à faire obstruction à l’exécution de la décision de justice précédemment obtenue.

Contre toute attente, le tribunal judiciaire fait droit à la demande du créancier-vendeur et après avoir rappelé les dispositions de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI oppose que ce secret ne saurait dispenser le notaire de révéler, à l’autorité judiciaire qui le requiert, l’adresse de son client alors que cette révélation est indispensable à l’exécution d’une décision et que l’huissier est également débiteur d’un tel secret.

Le tribunal caractérise donc la faute du notaire et le condamne au paiement de dommages et intérêts à l’endroit du créancier-vendeur. La décision étant rendue en dernier ressort, le notaire se pourvoit en Cassation.

Par l’arrêt du 11 janvier 2023, la première chambre civile casse et annule en toutes ses dispositions le jugement précité.

Si cet arrêt consacre à nouveau le caractère sacré du secret professionnel dû par le notaire à son client, il est surtout l’occasion de rappeler pour les praticiens que ce secret n’est pas sans limite (I) et qu’il ne doit pas faire l’objet d’une interprétation extensive lors d’une saisie-attribution (II).

I. La possibilité de délier le notaire de son secret professionnel en amont de l’exécution

A. Le principe

Les praticiens de l’exécution sont régulièrement confrontés à des difficultés dans la mise en œuvre de voies d’exécution notamment dans l’hypothèse du décès du débiteur. Difficultés pour identifier le notaire en charge de la succession puis une fois ce dernier identifié, difficultés pour obtenir l’identité des héritiers. Autre hypothèse d’école, le créancier est informé de l’imminence d’une vente d’un bien du débiteur, il sera alors tenté de bénéficier de l’attribution immédiate du produit de la vente en règlement de sa créance par l’effet d’une saisie-attribution diligentée entre les mains du notaire.

Le créancier interroge régulièrement le notaire pour connaître l’avancée de ses opérations. Celui-ci lui opposera au mieux une réponse de circonstance « je ne peux vous répondre ces informations sont couvertes par le secret professionnel ».

Le règlement national et du règlement intercours du Conseil supérieur du notariat le consacre en ces termes : "Le secret professionnel du notaire est général et absolu. Confident nécessaire de ses clients, le notaire est tenu au secret professionnel dans les conditions prévues par le Code pénal ou toutes autres dispositions législatives ou réglementaires". (article 3.4)

Sa violation pourra être sanctionnée non seulement pénalement, civilement mais également disciplinairement.

Toutefois cette obligation de secret n’est pas sans limite, le créancier ne saurait se laisser paralyser dans son action par sa simple évocation.

Ainsi, l’article 226-14 du Code pénal alinéa premier N° Lexbase : L7491L9C rappelle que la sanction pénale dont est passible celui qui contreviendrait au secret professionnel, à savoir un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, n’est pas applicable lorsque la loi impose ou autorise la révélation du secret.

L’autorisation de révélation du secret n’est pas nouvelle puisqu’expressément prévue à l’article 23 de Loi du 25 ventôse an XI, une disposition vieille de plus de deux cents ans mais qui reste, largement méconnue au regard des circonstances d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt commenté.

À la faveur de ces dispositions, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d'une amende.

Ainsi, le président du tribunal judiciaire pourra autoriser la divulgation d’informations détenues par le notaire aux termes d’actes établi par ses soins ou ordonner la délivrance de la copie d’actes à des tiers sur requête.

Pour être favorablement accueillie, la demande de levée du secret doit porter sur un élément jugé « indispensable à l’exécution d’une décision de justice », tel sera notamment le cas d’une partie qui dissimulerait son adresse de façon illégitime (Cass. civ. 1, 20 juillet 1994, n° 91-21.615 N° Lexbase : A7436ABZ).

Sur présentation de l’ordonnance ainsi obtenue, le notaire devra répondre à la sollicitation du tiers par la transmission de l’acte dont la communication a été autorisée.

Attention toutefois un arrêt récent est venu préciser que le notaire ne saurait transmettre des informations protégées par le secret professionnel alors que celles-ci ne seraient contenues dans aucun acte qu’il aurait établi (Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-23.160, F-B N° Lexbase : A08847UB).

Stratégiquement, le créancier ne devra donc pas confondre vitesse et précipitation en déposant sa requête auprès du président du tribunal judiciaire de façon anticipée au risque de se voir opposer une fin de non-recevoir lors de la présentation de l’ordonnance au notaire alors que celui-ci n’aurait pas encore dressé son acte… 

B. Une situation d’espèce critiquable

Dans l’arrêt commenté, le créancier a omis de solliciter l’autorisation de l’autorité judiciaire c’est la violation de cette obligation qui est sévèrement sanctionnée par la première chambre civile.

Ainsi, en constatant la faute du notaire et en le condamnant à des dommages et intérêts sans avoir recherché si une ordonnance du président du tribunal de grande instance avait délié le notaire du secret professionnel, le tribunal a privé sa décision de base légale.

Le créancier devra systématiquement solliciter cette autorisation du président du tribunal judiciaire en prenant soin de justifier de la nécessité d’obtenir le renseignement convoité tout en veillant à ne pas déposer sa demande trop en amont.

Lorsqu’il initie une procédure d’exécution, le créancier doit en outre garder en mémoire que le commissaire de justice peut, dès lors qu’il détient un titre exécutoire, obtenir des informations permettant de déterminer l'adresse du débiteur, l'identité et l'adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles et la composition de son patrimoine immobilier auprès de diverses administrations de l’État, des régions et départements et ce, depuis la loi du 22 décembre 2010 dite loi Béteille n° 2010-1609 N° Lexbase : L9762INU . Rappelons que cette possibilité a été étendue récemment à l’hypothèse dans laquelle le commissaire de justice détiendrait uniquement une autorisation afin de procéder à une saisie conservatoire sur compte bancaire (CPCEx, art. L. 152-1 N° Lexbase : L1721MAY).

Cette réquisition apparait donc particulièrement efficace et reste naturellement à privilégier en première intention compte tenu notamment de sa célérité

II. Le secret du notaire à l’épreuve de la saisie-attribution

En dépit de ses caractéristiques générales et absolues, le secret professionnel que le notaire doit à son client ne peut en outre résister à l’hypothèse dans laquelle un créancier procéderait à une saisie-attribution entre les mains du notaire. Ce dernier aurait alors la qualité de tiers-saisi.

En effet, en pareille hypothèse c’est encore la loi qui l’autorisera à se délier du secret par application de l’article L. 211-3 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L0427L8C faisant peser sur le tiers saisi une obligation d’informations de l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur saisi.

Ces informations devront être fournies sur le champ (CPCEx, art. R. 211-4 N° Lexbase : L6670LT9). Le tiers saisi qui, sans motif légitime ne fournit pas les renseignements sollicités pourra être condamné à payer les sommes dues au créancier.

« Aucune obligation professionnelle, fût-elle aussi justifiée que le secret des confidences reçues, ne saurait tenir l’intérêt général en échec » [1].

Dans cette hypothèse, le droit à l’exécution du créancier prévaut, le secret professionnel du notaire devra être écarté afin de répondre à la demande du commissaire de justice et ne saurait s’analyser comme le motif légitime visé à l’article R. 211-5 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2211IT3.

À défaut de déférer à la demande du commissaire de justice, le notaire s’expose à une demande de condamnation personnelle aux causes de la saisie par application de l’article R. 211-4 du Code des procédures civiles d’exécution.

 

[1] J. De Poulpiquet, Responsabilité des notaires : civile, disciplinaire, pénale, Dalloz, 2009, n°92.131, p. 282.

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Voies d'exécution

[Le point sur...] Brèves réflexions sur les obstacles à la numérisation des procédures civiles d’exécution

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N4557BZS

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par Rudy Laher, Professeur à l’Université de Limoges, Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement

Le 16 Mai 2023

Mots-clés : procédures civiles d'exécution • numérisation • obstacle • saisie • signification • Imperium • droits fondamentaux

La numérisation des procédures civiles d'exécution est en cours mais les avancées législatives ou réglementaires restent encore limitées. C'est qu'un certain nombre d'obstacles s'opposent à l'idéal de la dématérialisation. Obstacles factuels, tout d'abord, car un acte d'exécution ne peut bien souvent se passer d'une opération sur le terrain. Obstacles juridiques, ensuite, en raison des liens que le droit de l'exécution entretient avec le droit commun procédural ainsi que de la nécessité de respecter les droits fondamentaux de chaque partie.


Le sujet que je voulais évoquer avec vous est celui des obstacles à la numérisation des procédures civiles d’exécution car je pense que l’exemple français peut être utile à la compréhension des obstacles qui se présentent au niveau de l’Union européenne. En effet, sauf à changer de paradigme, c’est encore un exécuteur civil national – l’huissier, hier ; le commissaire de justice, aujourd’hui –, soumis à un droit national, qui met à exécution le titre exécutoire en France. Faute de temps, je n’aborderai pas directement les questions liées à la préparation de l’exécution forcée comme la notification de la décision de justice. Je n’aborderai pas, non plus la question de la recherche des informations concernant le patrimoine du débiteur. Pour ceux que cela intéresse, j’indiquerai seulement que la numérisation a, sur ce point, progressé dans le bon sens ces dernières années en France. Je pense, notamment, à la consultation du fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA). Auparavant, l’huissier devait interroger par voie postale le procureur de la République et il obtenait les informations après deux à trois semaines d’attente [1]. Aujourd’hui, la question est posée par un formulaire dématérialisé et une réponse est obtenue en quelques heures afin de connaître les agences bancaires où le débiteur a ouvert un compte [2]. De la même façon, le commissaire de justice peut interroger le service d’immatriculation des véhicules (SIV) sur une plate-forme dédiée pour se faire communiquer des informations concernant les véhicules du débiteur poursuivi. Et je ne parle même pas des cas où cet officier ministériel utilise les informations en libre accès sur internet pour enquêter sur la solvabilité du débiteur : consultation de Google earth, Facebook, Linkedin, etc. Je ne doute pas que la chose soit pratiquée par les exécuteurs du monde entier !

Si le numérique a progressé concernant le droit et les pratiques de la recherche des informations, ce n’est pas forcément le cas pour l’exécution proprement dite. Pourtant, les commissaires judiciaires français comme les pouvoirs publics y seraient plutôt favorables. Les premiers pour les gains que permettrait une plus grande automatisation des tâches. Les seconds pour les économies qui pourraient être réalisées sur le budget de la Justice. Et pourtant, le Code des procédures civiles d’exécution semble encore, à certains égards, figé dans le XXe siècle. Pourquoi ? Sans parler des limites liées à la technique informatique pour lesquelles je ne suis guère compétent, j’y vois deux séries d’obstacles. Les premiers sont factuels (I) et les seconds sont juridiques (II).

I. Des obstacles factuels

Les obstacles factuels sont liés à la nature même de l’exécution forcée : un acte de contrainte publique portant sur les biens ou la personne du débiteur. Puisque nous ne sommes pas des intelligences artificielles et que nos biens ne sont pas tous dématérialisés, le numérique trouve ses limites naturelles lorsque l’acte d’exécution porte sur un bien corporel du débiteur ou sur sa personne même (A). Les limites paraissent matériellement moins insurmontables pour la communication des informations relatives à l’exécution (B).

A. L’acte d’exécution

Chacun sait qu’une procédure civile d’exécution est en grande partie tributaire du type de bien visé. En France, il existe ainsi une saisie propre aux créances de sommes d’argent, aux meubles corporels, aux salaires, aux immeubles, etc. Les biens incorporels n’ayant pas d’existence tangible, leur saisie est théoriquement tout à fait envisageable par voie numérique. Le législateur en a parfaitement conscience. Depuis 2021 [3], le commissaire de justice a ainsi l’obligation de transmettre l’acte de saisie-attribution par voie électronique au tiers saisi lorsque celui-ci est un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt [4]. En revanche, cette voie numérique n’est pas obligatoire pour la saisie des valeurs mobilières dont le portefeuille pourrait être géré par une banque. On ne voit pas bien pourquoi. Surtout, il existe en France de graves lacunes concernant la saisie des avoirs numériques comme les cryptomonnaies. Faute de procédure adaptée, ces biens sont de facto insaisissables [5] si bien qu’une réforme en ce domaine apparaît plus que jamais nécessaire.

À première vue, la numérisation semble bien plus ardue pour les meubles corporels. Comment pourrait-on saisir numériquement une commode Louis XV ou une collection de timbres ? Il faut bien que le commissaire de justice se déplace physiquement pour constater leur existence et procéder à leur enlèvement. Toutefois, la saisie numérique des meubles corporels paraît techniquement faisable pour une catégorie très particulière de biens : les biens immatriculés. C’est ainsi que le Code des procédures civiles d’exécution autorise le commissaire de justice à procéder à la saisie d’un véhicule terrestre à moteur par simple déclaration en préfecture par voie numérique [6]. Cet acte ne fait qu’interdire toute aliénation future du véhicule mais n’empêche pas le saisi d’en user. Si le créancier souhaite enlever le véhicule pour le vendre, le commissaire devra encore se déplacer physiquement afin de l’immobiliser en utilisant un sabot de Denver. Peut-être, un jour prochain, les praticiens pourront-ils immobiliser à distance un véhicule connecté ? En revanche, et quoiqu’il s’agisse également de biens immatriculés, le Code des transports n’envisage aucune procédure numérique qui permettrait de rendre inaliénable un navire [7], un bateau [8] ou un aéronef [9] après déclaration auprès de l’autorité compétente. Une telle évolution serait théoriquement possible pour les engins immatriculés en France mais elle ne manquerait sans doute pas de poser quelques difficultés pratiques dans l’hypothèse où ils ne se trouveraient pas sur le territoire national. Reste que la récente création d’un fichier national des gages sans dépossession [10] a peut-être ouvert une porte vers la numérisation – partielle – des saisies des meubles corporels. En tout cas, la piste mérite d’être explorée. De même que celle d’une procédure qui permettrait de saisir à distance des objets connectés comme une télévision, un smartphone ou un ordinateur tout en bloquant leur fonctionnement afin de favoriser les paiements « résignés » [11].

B. L’acte d’information

Les actes d’exécution ne sont pas les seuls actes procéduraux mis en place dans le cadre d’une procédure civile d’exécution. De nombreux actes doivent être signifiés par voie de commissaire de justice afin d’informer le débiteur d’une exécution passée ou future. On songe, par exemple, au commandement de payer [12] ou de quitter les lieux [13] adressé au débiteur avant la saisie-vente ou l’expulsion ou à la dénonciation réalisée au débiteur après une saisie-attribution [14] ou une saisie de droits d’associés [15]. Aux stades de la vente forcée et de la distribution, on songe aussi aux nombreuses informations qui doivent impérativement être communiquées par lettre recommandée avec accusé de réception aux créanciers ou au débiteur [16]. On songe, enfin, aux réponses que doit donner le tiers saisi quant aux biens qu’il détiendrait [17].

Pour l’heure, un seul de ces actes doit, en principe, être réalisé par voie numérique [18] : la réponse de l’établissement bancaire lorsqu’une saisie-attribution lui est signifiée par voie électronique [19]. Il s’agit d’une conséquence logique de la numérisation de l’acte d’exécution qui, par définition, impose une réponse du tiers « au plus tard le premier jour ouvré suivant la signification » [20]. Pourquoi ne pas être allé plus loin dans la numérisation d’acte qui n’implique pourtant aucune contrainte publique, aucun imperium ? J’y vois deux raisons matérielles. La première est que, paradoxalement, la numérisation priverait l’acte de communication d’une partie de son efficacité. On prête souvent moins d’attention aux courriels qu’aux courriers – et a fortiori aux actes délivrés par un commissaire de justice ! La signification du commandement ou de la dénonciation est aussi très souvent, pour le commissaire de justice, l’occasion d’un premier contact avec le débiteur qui permet de trouver une solution d’exécution négociée plus avantageuse pour tous. La seconde est que l’outil numérique n’est pas encore aussi démocratisé qu’on ne le croit et les personnes souffrant d’illectronisme ou dépourvues de tout accès à internet sont encore nombreuses[21]. Les choses évolueront sans doute au fil du XXIe siècle mais lorsque le numérique éloigne le justiciable de la justice, le risque d’atteinte aux droits des parties ne doit pas être ignoré.

II. Des obstacles juridiques

Les obstacles juridiques sont liés aux règles de droit qui limitent – directement ou indirectement – une numérisation plus poussée des procédures civiles d’exécution. Le premier obstacle concerne la place qu’occupe le droit de l’exécution forcée dans l’ordre juridique français (A). Le second obstacle tient au nécessaire respect de la hiérarchie des normes (B).

A. La soumission au droit commun procédural

En France, les actes d’exécution sont nécessairement signifiés par acte de commissaire de justice tandis que l’immense majorité des actes d’information sont signifiés mais peuvent aussi être notifiés par lettre recommandée avec accusé de réception. Les règles relatives à la signification et à la notification de ces actes ne figurent pas au Code des procédures civiles d’exécution. Elles se trouvent dans le Code de procédure civile [22]. Même si la création du Code des procédures civiles d’exécution en 2012 a symbolisé une certaine prise d’autonomie de la matière par rapport au droit du procès civil, la France considère, depuis l’Ancien Régime, que les voies d’exécution ne sont qu’une branche de la procédure civile [23]. Les procédures civiles d’exécution demeurent donc, mutatis mutandis et sauf indication contraire, soumises à certaines règles du droit commun procédural tel qu’il est défini au Livre Ier du Code de procédure civile. C’est particulièrement vrai pour les saisies qui prennent encore la forme d’un procès comme la saisie immobilière ou la saisie des rémunérations [24]. Mais c’est également le cas pour les saisies extrajudiciaires concernant la computation des délais ou la forme des actes [25].

Naturellement, une telle articulation n’est pas sans poser quelques problèmes d’interprétation des textes car juger et exécuter sont deux choses différentes [26]. Elle explique aussi, d’après moi, l’absence de toute numérisation audacieuse des voies d’exécution. En effet, si la communication électronique des actes de procédure est autorisée en France, elle reste encore marginale en dehors des rapports entre professionnels du droit [27]. Elle n’est pas le principe mais l’exception et demeure, à certains égards, relativement archaïque car conceptuellement dépendante du modèle papier [28]. Certes, en vertu de l’adage specialia generalibus derogant, rien n’interdit normalement au législateur de renforcer la numérisation des voies d’exécution tout en laissant le droit du procès civil dans son état actuel. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et il me semble assez improbable que le droit de l’exécution fasse sa mue numérique tant que le droit commun procédural n’aura pas été réformé.

B. La protection des droits fondamentaux

En France, le droit de l’exécution dépend à la fois du domaine législatif et du domaine réglementaire. Le principe de hiérarchie des normes leur impose donc de respecter le bloc de constitutionnalité et les traités internationaux. Depuis le fameux arrêt Hornsby [29], la Cour européenne des droits de l’Homme impose à la France de garantir un droit à l’exécution des titres exécutoires. Un droit à l’exécution qui ne doit pas se contenter d’une proclamation mais qui doit être « concret et effectif » [30]. Il pourrait donc être tentant de penser que la numérisation des procédures civiles d’exécution devrait s’imposer aux États signataires dans un souci d’efficacité. Seulement, les procédures civiles d’exécution ne visent pas seulement à garantir les intérêts du créancier. Elle vise aussi à les équilibrer avec les droits du débiteur dont certains sont tout autant protégés au niveau européen comme le droit à la dignité [31], le droit au respect de la vie privée [32] ou le droit à une procédure équitable [33].

Avec le numérique, l’équilibre entre les droits des uns et ceux des autres me semble encore plus délicat à trouver. Il pourrait être utile d’autoriser des dénonciations numériques de saisie-attribution le dimanche et les jours fériés mais ne porterait-on pas atteinte au droit à la vie privée et familiale ? Un commandement de payer ou de quitter les lieux signifié électroniquement pourrait également être opportun mais l’absence de contact avec le commissaire de justice, garant de l’équité de l’exécution, ne risque-t-elle pas de tromper le débiteur sur l’étendue de ses droits ? Et que dire d’une éventuelle saisie numérique des objets connectés ? Leur caractère expéditif et pour le moins contraignant ne risque-t-il pas de générer des abus ? Tout cela peut être encadré et je n’y vois pas d’obstacles insurmontables. Mais le conflit de droits fondamentaux et le respect de la hiérarchie des normes expliquent, en partie, la grande prudence du législateur français. C’est le grand mérite du programme EFFORTS [34] d’avoir réuni des chercheurs européens qui s’intéressent à ces questions et je suis convaincu que nos travaux passés et futurs permettront de lever certains de ces obstacles pour renforcer l’efficacité de l’exécution forcée dans le respect des droits de tous.

*Ce texte est la traduction enrichie d’une conférence prononcée en anglais à la fondation de la Vrije Universiteit Brussel le 8 octobre 2022 dans le cadre d’un congrès international sur la numérisation et l’exécution des décisions civiles au sein de l’Union européenne. Le ton oral a été conservé.


[1] V. S. Dorol, Numérique et exécution de la décision, in C. Bléry, L. Raschel, Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, 2018, p. 71 et s.

[2] Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires N° Lexbase : L9762INU.

[3] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC.

[4] CPCEx, art. L. 211-1-1 N° Lexbase : L7199LPC ; La règle s’applique également en matière de saisie conservatoire de créances. V. CPCEx, art. L. 523-1-1 N° Lexbase : L7200LPD.

[5] J. Risser, Crypto-actifs et exécution : saisie impossible ?, Rev. prat. rec. novembre 2020, p. 3 et s.

[6] CPCEx, art. L. 223-1 N° Lexbase : L5859IRG.

[7] C. transp. art. L. 5114-20 N° Lexbase : L7269INK.

[8] C. transp. art. R. 4123-2 N° Lexbase : L4359IWD.

[9] C. transp. art. L. 6123-1 N° Lexbase : L3860MA9.

[10] Décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 relatif au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes N° Lexbase : L1955MAN.

[11] R. Perrot, Ph. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd., Paris, 2013, p. 52.

[12] CPCEx, art. L. 223-2 N° Lexbase : L5860IRH.

[13] CPCEx, art. L. 221-1 N° Lexbase : L5851IR7.

[14] CPCEx, art. L. 411-1 N° Lexbase : L9116IZN.

[15] CPCEx, art. L. 211-1 N° Lexbase : L5837IRM.

[16] En matière de saisie-attribution, par exemple, « les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie. L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience ». CPCEx, art. R. 211-11 N° Lexbase : L6795LEE.

[17] CPCEx, art. L. 211-3 N° Lexbase : L0427L8C.

[18] Il existe d’autres actes où la voie numérique est expressément prévue par le Code des procédures civiles d’exécution comme simplement optionnelle. Ainsi en va-t-il de la copie du commandement d’avoir à libérer les locaux à délivrer au préfet en matière d’expulsion. V. CPCEx, art. R. 412-2 N° Lexbase : L5637LTX.

[19] CPCEx, art. R. 211-4 N° Lexbase : L6670LT9.

[20] Ibid. La règle s’applique également en matière de saisie conservatoire de créances. V. CPCEx, art. R. 523-4 N° Lexbase : L5605LTR.

[21] R. Bogot, Le fossé numérique en France, Cahier de Recherche, CREDOC, novembre 2002, n° 177, p. 1 et s.

[23] E.-N. Pigeau, La procédure civile du Châtelet de Paris et de toutes les jurisdictions ordinaires du Royaume, t. I, Paris, 1779, p. 477 et s.

[24] Le Ministre de la Justice a cependant annoncé une future déjudiciarisation de la saisie des rémunérations. V. D. Bauer, « Benoît Santoire, président de la CNCJ : « Après la défiance est venu le temps de la confiance » ! », Actu-Juridique.fr 2023, AJU007j0 [en ligne].

[25] S. Poisson, Pour une approche procédurale de la nullité des actes d’exécution forcée, Dr. et proc. 2013, p. 78 et s.

[26] R. Laher, Imperium et jurisdictio en droit judiciaire privé, Mare & Martin, 2016.

[27] L’article 748-2 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1440I8T impose de recueillir le consentement exprès des particuliers alors que la seule adhésion par un auxiliaire de justice à un réseau de communication électronique vaut consentement. V. sur le sujet : M. Dochy, V° Communication électronique, JurisClasseur Procédures Formulaire, Fasc. 10.

[28] V. C. Bléry, J.-P. Teboul, Numérique et échanges procéduraux, in C. Bléry, L. Raschel, Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, 2018, p. 7 et s.

[29] CEDH, 19 mars 1997, n° 18357/91, Hornsby c/ Grèce N° Lexbase : A8438AWG.

[30] CEDH, 4 décembre 1995, n° 23805/94, Bellet c/ France N° Lexbase : A8327AWC.

[31] B. Maurer, Le principe de respect de la dignité humaine et la Convention européenne des droits de l’homme, La Documentation française (Monde européen et international), 1999.

[34] Towards more EFfective enFORcemenT of claimS in civil and commercial matters within the EU ; programme de recherche financé par l’Union européenne. V. efforts.unimi.it [en ligne].

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Voies d'exécution

[Le point sur...] Fin de l’effet interruptif de prescription en matière de saisie immobilière lors de la distribution du prix : quelles dates, quelles formalités ?

Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 20-20.776, F-B N° Lexbase : A23899GL

Lecture: 18 min

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par Isabelle Faivre, Avocate au Barreau de Toulouse, Spécialisée en droit des garanties, des sûretés et des mesures d'exécution, Médiatrice, Formatrice, Présidente d’Honneur de l’AAPPE

Le 27 Avril 2023

Mots-clés : saisie immobilière • distribution du prix • effet interruptif de prescription • fin-créancier unique • information du débiteur • contestation

Par décision du 2 mars 2023, la Cour de cassation rappelle quelques principes relatifs à l’effet interruptif de prescription en procédure de saisie immobilière et précise sa position sur la fin de cet effet interruptif lors de la distribution du prix, tout particulièrement lorsqu’il n’existe qu’un créancier répondant aux critères de l'article L. 331-1 du Code des procédures civile d'exécution.

Elle indique que l'effet interruptif de prescription d'une instance de saisie immobilière se poursuit soit jusqu'à une ordonnance d'homologation du projet ou de l'accord de répartition du prix de vente de l'immeuble, soit jusqu'à un état de répartition établi par le juge, ou, lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier répondant aux critères de l'article L. 331-1 du Code des procédures civiles d’exécution, à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai ; rappelant que dans cette dernière hypothèse, le débiteur ou le créancier poursuivant peuvent contester le paiement quinze jours après la notification qui leur en est faite.


L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 2 mars 2023 est l’occasion de faire le point sur les dates et les formalités de début (I) et fin (III) de l’effet interruptif de prescription en matière de saisie immobilière.

Pour apporter quelques précisions sur l’issue de la procédure de saisie immobilière, la cour suprême déroule une partie des formalités propres à interrompre la prescription et revient sur un certain nombre de principes généraux en saisie immobilière (II). Le principe qu’elle pose sur la formalité qui constitue la fin de l’effet suspensif de prescription de l’action en cas de créancier unique dans la distribution du prix n’est malgré tout pas sans questionnements sur les conséquences pratiques quant à la gestion de cette fin de procédure (IV).

I. Rappels sur le début de l’effet interruptif de la procédure de saisie immobilière et principes généraux

Pour la démonstration de son raisonnement, et sans véritable surprise désormais, la Cour de cassation rappelle que l’action est interrompue par deux actes.

A. Les interruptions du délai de prescription

1) Le commandement de payer valant saisie immobilière

Tout d’abord, le commandement valant saisie immobilière interrompt le délai de prescription, au visa de l’article 2244 du Code civil N° Lexbase : L4838IRM.

Cet article prévoit : « Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée ».

Étant rappelé quand même que la Cour suprême était venue préciser que « les dispositions de l'article 2241, alinéa 2, du code civil ne sont pas applicables aux actes d'exécution forcée » (Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n° 16-25.746, F-P+B N° Lexbase : A0577XGH).

2) L’assignation à l’audience d’orientation

Ensuite, l’assignation à l’audience d’orientation interrompt le délai de prescription, au visa de l’article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9.

Cet article prévoit : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. »

C’est ce qui avait été du reste clairement affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 1er mars 2018 (Cass. civ 2, 1er mars 2018, n° 17-11.238, F-P+B N° Lexbase : A0629XGE).

II. Quelques rappels sur le déroulement de la procédure et tout particulièrement en lien avec l’issue de la saisie immobilière.

La Cour de cassation indique que :

  • a. cette interruption produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance de la procédure de saisie immobilière, en application de l’article 2242 du Code civil N° Lexbase : L7180IA8.

Cet article prévoit : « L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. »

  • b. la saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d’une même procédure…

On se souvient que par un avis publié du 16 mai 2008, elle avait en effet indiqué « La saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d’une même procédure ». (Avis, 16 mai 2008, 08-00.002 N° Lexbase : A6677D8S).

Ce principe ne fait plus l’objet d’aucune discussion, même si lors de la réforme de la procédure de saisie immobilière, la question avait peut-être pu se poser dans la mesure où auparavant la phase de la « procédure d’ordre » était déconnectée.

Du reste, l’article L. 311-1 du Code des procédures civiles d’exécutions N° Lexbase : L0429L8E indique bien que : « La saisie immobilière tend à la vente forcée de l’immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers acquéreur en vue de la distribution de son prix. ».

  • c. La Cour de cassation pose ensuite un principe important selon lequel : « L’instance engagée par la saisine du juge de l'exécution à l’audience d’orientation ne s’éteint que lorsque le Juge de l'Exécution ne peut plus être saisi d’une contestation à l’occasion de la saisie immobilière. ».

On peut alors rappeler que l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire en son alinéa 3 N° Lexbase : L7740LPD prévoit que c’est bien le juge de l'exécution qui « connait de la procédure de saisie immobilière […) ainsi que de la procédure de distribution qui en découle ».

III. Fin de l’effet interruptif de prescription dans le cadre de la distribution du prix

L’intérêt majeur de l’arrêt de la Cour de cassation réside :

- dans le principe qu’elle pose : « lorsqu’il n’y a qu’un seul créancier, le débiteur ou le créancier poursuivant peuvent… contester le paiement 15 jours après la notification qui leur en est faite » au visa de articles R. 311-5 N° Lexbase : L2391ITQ et R. 332-1 N° Lexbase : L5346MAA du Code des procédures civiles d’exécution.

- dans le résumé qu’elle fait de la fin de la procédure de la saisie immobilière, en ce qui concerne l‘effet interruptif de prescription :

« Il en résulte que l'effet interruptif de prescription d'une instance de saisie immobilière se poursuit soit jusqu'à une ordonnance d'homologation du projet ou de l'accord de répartition du prix de vente de l'immeuble, soit jusqu'à un état de répartition établi par le juge, ou, lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier répondant aux critères de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai. »

Il s’agit donc des formalités liées à la fin de la phase de la distribution du prix, qui sont variables en fonction d’une part de l’existence d’un seul créancier ou de plusieurs créanciers pouvant participer à la répartition du prix, et d’autre part de l’existence ou non de contestations de cette distribution du prix.

Rappelons donc que l’article L. 331-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L0434L8L fixe une liste limitative de ces créanciers pouvant participer à la distribution du prix (qui a été, au passage, complétée avec la création d’une nouvelle catégorie de créanciers issus de la réforme des sûretés).

Concrètement, deux cas de figure se présentent alors pour déterminer la fin de l’effet interruptif de prescription :

  • s’il existe ans plusieurs créanciers, l’effet se termine :

- soit à l’ordonnance d’homologation du projet de distribution du prix (s’il n’y a pas de contestation : article R. 332-6 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2500ITR) ou de l’accord de répartition du prix de vente (s’il y a eu une contestation puis un procès-verbal d’accord lors de la réunion : article R. 332-8 alinéa 3 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2502ITT),

- soit jusqu’à un état de répartition établi par le juge, c’est-à-dire un jugement définitif ou un arrêt (lorsque la distribution du prix est devenue judiciaire - CPCEx, art. R. 333-3 N° Lexbase : L4661MAU) ;

  • S’il n’existe qu’un seul créancier : jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement au débiteur (CPCEx, art. R. 333-3), ou le cas échéant, jusqu’à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai.

Il est vrai que l’article R. 332-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5346MAA prévoit une procédure « de distribution du prix » lorsqu’il n’y a qu’un seul créancier, mais il était source d’incertitudes notamment sur la fin de cette procédure.

En effet, en sa dernière phrase du dernier alinéa (et même pas dans son dernier alinéa complet), il est dit : « En cas de contestation, le Juge de l'Exécution est saisi par le créancier poursuivant ou le débiteur ».

On subodorait alors que l’une ou l’autre de ces parties (créancier poursuivant ou débiteur) pouvait saisir le juge de l'exécution sans qu’il ne soit spécifiquement prévu à partir de quand, jusqu’à quand et selon quelle forme…

La Cour de cassation apporte une réponse en se référant à l’une des dispositions générales de procédure applicables en saisie immobilière, à savoir l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2391ITQ. Celui-ci prévoit in fine que pour « les actes de procédure postérieurs à l’audience d’orientation, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’acte ».

La combinaison des articles R. 332-1 et R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution tels que visés par la Cour suprême permet d’apporter cette réponse, sans contestation possible.

On peut rajouter que la Cour de cassation tenait manifestement à faire la démonstration de sa position, compte tenu des moyens qui avaient été soulevés, voire retenus par la cour d’appel pour dire que la créance invoquée n’était pas prescrite…

Le pourvoi invoque notamment que l’effet interruptif de prescription prend fin lorsqu’il n’existe qu’un seul créancier, au jour du jugement d’adjudication, sur surenchère le cas échéant, le juge se trouvant alors dessaisi…

Cet argument qui n’a pas été retenu, peut paraitre surprenant au regard de l’esprit du texte de 2006 et des dispositions qui sont issues de la réforme de la saisie immobilière ; il peut s’expliquer notamment si, devant la cour d’appel, il n’a pas été versé aux débats d’autres éléments ou actes de procédure que le jugement d’adjudication : il aurait ainsi pu être produit et argumenté sur la publication de l’adjudication au service de la publicité foncière, ou encore, sur le paiement du prix par l’adjudicataire, voire peut-être sur un paiement provisionnel, etc ; et on peut s’interroger sur le fait de savoir s’il a été produit le courrier d’envoi au débiteur de l’information du versement d’une somme au créancier, ce qui ne semble pas être le cas.

En outre, la cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 9 juillet 2020, n° 19/08198 N° Lexbase : A88733QP) retient que « c’est au jour de la distribution du prix de vente que le commandement valant saisie immobilière cesse son effet interruptif, la distribution du prix marquant la fin de la procédure de saisie immobilière, peu important que cette distribution résulte de la libération amiable des fonds par le bâtonnier ou d' une ordonnance d'homologation d'un projet de répartition du prix de vente en cas de concours de créanciers, et que l'effet interruptif s'est poursuivi jusqu'à la date de la déconsignation des fonds par le bâtonnier au bénéfice de l'avocat du créancier poursuivant. »

Elle ne distingue donc pas en fonction de l’existence ou non de plusieurs créanciers et se base seulement sur la déconsignation effective des fonds par le bâtonnier.

Ce qui a été retenu par la cour d’appel évoque en fait certains débats lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire intervient en cours de saisie immobilière, et la position retenue par la cour de cassation qui prévoit que les fonds séquestrés doivent être remis au mandataire judiciaire pour être répartis conformément aux règles de la procédure collective et que la procédure de distribution du prix est caduque, dès lors qu’elle constate que le prix de vente n’a pas été réparti entre les créanciers avant l’ouverture du redressement judiciaire (Cass. Com 17 avril 2019, n° 17-615.960, F-P+B N° Lexbase : A5970Y9Y et rectification d’erreur matérielle 14 novembre 2019, n° 17-15.960, F-D N° Lexbase : A6585ZYK).

La Cour de cassation écarte ainsi, comme élément marquant la fin de l’effet interruptif de prescription, la libération amiable des fonds par le bâtonnier, à savoir la date de déconsignation des fonds par le bâtonnier au bénéfice de l’avocat du créancier poursuivant.

C’est donc vraisemblablement compte tenu des motifs invoqués et de la position de la cour d’appel, que la Cour de cassation a entendu reprendre les fondamentaux de la procédure de saisie immobilière et arriver sur la fin de la procédure de saisie immobilière en matière de distribution du prix, en faisant bien la distinction entre les deux hypothèses : créancier unique ou pluralité des créanciers.

Elle n’avait pas jusqu’alors eu l’occasion d’être aussi précise, même si elle avait pu par exemple indiquer que l'effet interruptif de prescription attaché au commandement aux fins de saisie immobilière se poursuit jusqu'à l'abandon de la procédure de saisie immobilière, la clôture de l'ordre ou le jugement de distribution du prix (Cass. civ 2, 8 janvier 2015, n°13-27.631, F-D N° Lexbase : A0825M9G)… et sans compter les décisions rendues sur la fin de l’effet interruptif de prescription en cas d’anéantissement du commandement ou de l’assignation ( pour nullité, caducité, péremption, etc, ce qui n’est pas l’objet du présent article)…

IV. Conséquence pratiques et questionnements

Ainsi, en cas de créancier unique, l’effet interruptif de prescription attaché à la procédure de distribution du prix, et donc de la saisie immobilière se termine à l’issue du délai de quinze jours pendant lequel le juge de l'exécution peut être saisi, ou en cas de recours, lorsqu’un juge aura tranché la contestation (jugement, arrêt).

Reste le problème du point de départ de ce délai de quinze jours de contestation possible et de sa forme… et ses incertitudes.

L’article R. 332-1 du Code des procédures civiles prévoit que « Le séquestre ou la Caisse des Dépôts et Consignations procède au paiement dans le mois de la demande… et que dans le même délai il informe le débiteur du montant versé aux créanciers… ».

C’est donc à partir de cette notification qui est faite par le séquestre ou le consignataire au débiteur, que court le délai de quinze jours.

La difficulté pratique est que les cabinets d’avocats ne sollicitent pas systématiquement la production par le séquestre ou le consignataire de cette lettre, encore moins de l’accusé de réception du courrier. Les cabinets devraient donc peut être prendre l’habitude de solliciter du séquestre ou du consignataire, la communication du courrier d’information adressé au débiteur. A tout le moins il conviendrait d’obtenir également la communication de la notification par lettre recommandée avec accusé de réception… et si l’on suit les règles générales de la procédure civile, en l’absence de retour de l’accusé de réception signé par le débiteur, il conviendrait de procéder par une signification d’un acte extrajudiciaire pour suivre les règles classiques de notification en procédure civile… C’est en tous cas une question procédurale à se poser…

La dernière difficulté que l’on peut également rencontrer est que désormais, par le biais de la plateforme de la Caisse des Dépôts et Consignations (qui s’occupe des procédures de distribution au moins en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire), il n’est pas possible de solliciter directement la production de ce courrier et des éléments de notification…

Outre le problème de la notification, une autre difficulté pratique réside dans le fait que le consignataire ou le séquestre n’envoie pas forcément un courrier spécifiant au débiteur qu’il a la possibilité de contester en intégrant les articles R. 311-4 N° Lexbase : L2390ITP, R. 311-5 N° Lexbase : L2391ITQ et R. 311-6 N° Lexbase : L9456LTE du Code des procédures civiles d’exécution, et en précisant quelle est la juridiction compétente (Juge de l’exécution du ressort de tel tribunal judiciaire).

Il a été rappelé que la Cour de cassation a combiné expressément les articles R. 332-1 et R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution pour apporter sa réponse.

Même si la cour ne le précise pas, il faudra alors se reporter également aux dispositions générales en matière de saisie immobilière sur la forme des contestations, prévues en son article R. 311-6 du Code des procédures civiles d’exécution. Il s’agit alors de procéder par voie de conclusions déposées au Greffe avec communication des conclusions et des pièces entre avocats, ou par signification au débiteur qui n’a pas constitué avocat ; et c’est le greffe qui convoque les parties à une audience qu’il fixe, « par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de la contestation ou de la demande ».

Il est évident qu’il faudra faire également application de l’article R. 311-4 du Code des procédures civiles d’exécution qui dispose que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat ».

En conséquence, en l’absence de ces formalités et informations, le débiteur pourrait éventuellement considérer n’avoir jamais été valablement informé et en conséquence former une contestation bien plus tard… à l’occasion d’une autre procédure d’exécution par exemple, comme cela semble apparaît avoir été le cas en l’espèce.

On pourrait également tirer de cet arrêt un autre enseignement plus général, qui ne correspond pas forcément à la position ni à la pratique de tous les créanciers : celui qui consiste à considérer que la saisie immobilière doit se terminer impérativement par une distribution du prix, même dans l’hypothèse où le créancier poursuivant de premier rang se fait régler par un paiement provisionnel du principal de sa créance (CPCEx, art. R. 334-1 N° Lexbase : L2508IT3) et qu’il n’existe pas suffisamment de fonds pour régler le reste des créanciers.

Dans cette hypothèse, certains praticiens n’effectuent pas de procédure de distribution du prix, qu’ils soient seul créancier ou lorsqu’il y a plusieurs créanciers, se contentant d’obtenir une requête auprès du juge de l'exécution et le paiement des fonds par le consignataire ou le séquestre. Or, manifestement la procédure de distribution du prix n’est pas réalisée puisqu’il ne s’agit que d’un paiement provisionnel et dès lors la saisie immobilière n‘est pas terminée.

On pourrait alors estimer que la saisie immobilière doit se poursuivre jusqu’à la procédure de distribution du prix, inclue.

Ainsi, les précisions de la Cour de cassation sur la date de fin de la saisie immobilière et plus précisément de l’effet interruptif de prescription sont les bienvenues, même si elles peuvent paraître sans véritable surprise pour un certain nombre de rappels ou certaines de ces indications, voire pour un certain nombre de praticiens ou de juges de l’exécution qui ont pu avoir eu cette approche.

Cet arrêt publié est finalement assez complet et pédagogique sur la procédure. Sur le moyen de droit soulevé d’office, il a le mérite de poser à nouveau les règles ou de les préciser ou encore d’affirmer clairement des principes. Restent encore quelques difficultés pratiques qui en sont leurs conséquences, qui doivent être affinées par les praticiens, et la cour d’appel de renvoi devra vraisemblablement s’y pencher, au moins en partie…

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Voies d'exécution

[Brèves] Saisie immobilière et redressement judiciaire : quid des dispositions du Code de commerce relatives à la reprise de la procédure ?

Réf. : Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-18.722, FS-B N° Lexbase : A92199GK

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N4690BZQ

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 28 Mars 2023

L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire entraîne la suspension de la procédure de saisie immobilière en cours, cette suspension emporte le maintien des actes de procédure et juridictionnels afférents à cette procédure intervenus avant le jugement d’ouverture qui conservent leur fondement juridique et qui ne sont pas rétroactivement anéantis.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une banque a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à son débiteur sur un bien immobilier lui appartenant. La créance de la banque a été fixée par un juge de l’exécution dans le jugement d’orientation et l’affaire a été renvoyée à une audience d’adjudication ultérieure. Par la suite le débiteur a été mis en redressement judiciaire et une société a été nommée en qualité de mandataire judiciaire. Par décision, le juge de l’exécution a constaté la suspension de la procédure de saisie immobilière en raison du redressement judiciaire. Le mandataire judiciaire a formé tierce opposition à ce jugement. Il a notamment sollicité de constater l'arrêt des poursuites du fait de l'ouverture du redressement judiciaire et l'anéantissement rétroactif des actes de cette procédure d'exécution. La banque s’est opposée à ces demandes.

Le pourvoi. La banque fait grief à l’arrêt (CA Toulouse, 18 mars 2021, n° 20/02008 N° Lexbase : A55644LN), d’avoir ordonné la rétractation du jugement du 24 janvier 2019, et de constater l'arrêt de la procédure de saisie immobilière et l'anéantissement rétroactif des actes d'exécution forcée, dont le commandement aux fins de saisie immobilière, et de l'ensemble de la procédure de saisie immobilière. La banque fait valoir la violation des articles L. 622-21, II N° Lexbase : L9125L74 et L. 631-14 N° Lexbase : L9175L7X du Code de commerce.

En l’espèce, les juges d’appel ont jugé que les dispositions de l’article L. 642-18 du Code de commerce N° Lexbase : L7335IZP relatives à la procédure de saisie immobilière ne pouvaient s’appliquer dans le cadre d’un redressement judiciaire, dès lors, que ces dispositions figurent dans la partie du Code de commerce relative à la liquidation judiciaire.

Solution. Énonçant la solution précitée, au visa l'article L. 622-21, II, du Code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 et les articles L. 642-18, alinéa 2 N° Lexbase : L7335IZP et L. 643-2, alinéas 1er et 3 N° Lexbase : L3367ICP, du même code, la Cour de cassation, censure le raisonnement de la cour d’appel, et casse et annule l’arrêt. Cependant, statuant sur le fond dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, les Hauts magistrats rejettent la tierce opposition formée par le mandataire judiciaire.

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