Le Quotidien du 26 décembre 2022

Le Quotidien

Construction

[Brèves] Interruption de la prescription : insuffisance de la mise en demeure

Réf. : Cass. civ. 3, 30 novembre 2022, n° 21-19.309, F-D N° Lexbase : A34828XA

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N3681BZD

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 15 Décembre 2022

►La prescription s’interrompt par une demande une justice ;
► une lettre de mise en demeure n’est donc pas interruptive de prescription.

La prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC est, en application des articles 2240 N° Lexbase : L7225IAT et 2241 N° Lexbase : L7181IA9 du Code civil, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire ou un acte d’exécution forcée. La liste est limitative comme le rappelle la décision rapportée.

En l’espèce, une société commande à une entreprise la pose d’une porte d’entrée à deux vantaux dans le local commercial qu’elle exploite. Contestant la conformité au devis de la porte installée, elle assigne l’entreprise pour demander sa condamnation sous astreinte à poser une porte conforme. L’entreprise forme une demande reconventionnelle en paiement du solde du prix. La société est condamnée au paiement du prix de la porte. À cet effet, les juges du fond ont considéré que la lettre de mise en demeure aux fins de paiement avait interrompu le délai de prescription.

La Haute juridiction censure. La prescription quinquennale, entre commerçants, ne peut pas être interrompue par une lettre de mise en demeure. La solution n’est pas nouvelle et avait d’ailleurs été récemment rappelée (pour exemple, Cass. civ. 3, 18 mai 2022, n° 20-23.204, F-B N° Lexbase : A33937XX).

La solution, quoique classique (pour exemple encore, Cass. com., 13 octobre 1992, n° 91-10.066, publié au bulletin N° Lexbase : A4807ABN), peut en étonner certains. Il est vrai, de première part, que certains délais spéciaux peuvent être interrompus par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception valant mise en demeure. L’exemple de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances N° Lexbase : L2081MAC est topique. De deuxième part, la lettre de mise en demeure est toujours un préalable utile et nécessaire pour constater la défaillance du débiteur. De troisième part, la lettre de mise en demeure produit des effets juridiques comme, par exemple, les intérêts de retard.

Pour autant, le constat de ce défaut du débiteur est, en lui-même, insuffisant à tenir en échec la prescription.

Les causes d’interruption de la prescription sont donc limitatives (Cass. civ. 2, 16 décembre 2010, n° 09-70.735, F-P+B N° Lexbase : A2639GN3).

La solution mérite d’être saluée surtout dans le domaine de la construction où les délais d’action, de dix ans à compter de la réception pour la responsabilité civile décennale des constructeurs, pour ne prendre que cet exemple, est déjà long. Il serait, sans doute, trop simple de permettre aux parties d’interrompre ce délai par l’envoi d’une LRAR d’autant que cette façon d’échanger est, en la matière, très fréquente ne serait-ce que d’un point de vue probatoire.

Aussi, cette solution s’inscrit dans la droite ligne du contrôle strict et rigoureux auquel se livre la Cour de cassation s’agissant de l’interruption de la prescription, étant rappelé que chacun doit interrompre son propre délai.

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Covid-19

[Brèves] Activité de service à la personne : respect de l’obligation de prévention en matière de risques biologiques et recommandation de la fourniture de masques FFP2 aux salariés

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2022, 2 arrêts, n° 21-19.454 N° Lexbase : A85228XW et n° 21-12.996 N° Lexbase : A85348XD, FS-B

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N3674BZ4

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par Lisa Poinsot

Le 14 Décembre 2022

Toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce une activité de service à la personne, en sa qualité d'employeur de droit privé, est soumise aux dispositions relatives à la prévention des risques biologiques ;

La mise à disposition par l'employeur d'un masque FFP2 aux salariés intervenant au domicile d'une personne positive ou symptomatique est de nature à réduire l'exposition au Covid-19.

Faits et procédure. Une inspectrice du travail saisit le juge des référés du tribunal judiciaire compétent aux fins de voir ordonner à l’association d’aide à la personne de mettre en œuvre des mesures ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés, ou susceptibles de l’être, au risque biologique lié au Covid-19, notamment en procurant à chaque salarié des masques FFP2 ou FFP3.

Dans l’affaire n° 21-19.454, la cour d’appel relève que la fourniture de masques FFP2 et FFP3 n’est pas obligatoire ou même recommandée dans le secteur de l’aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs au Covid-19 ou ne présentant pas de symptômes.

Elle en déduit que la mise à disposition par l'employeur d'un masque FFP2 aux salariés intervenant au domicile d'une personne positive ou symptomatique était de nature à réduire l'exposition au Covid-19.

Par conséquent, les juges du fond ordonnent à l’association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif au Covid-19 ou symptomatique, au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile.

L’inspectrice du travail conteste cette décision en formant un pourvoi en cassation. Elle fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande d’astreinte et de dire que les mesures ordonnées prendront terme avec la disparition du risque sanitaire.

Concernant l’affaire n° 21-12.696, la cour d’appel constate, tout d’abord, l'activité d'aide à domicile pouvait conduire à exposer les salariés qui exécutent les prestations au domicile des clients, dont on ignore s'ils sont contaminés, à des agents biologiques et actuellement au Covid-19.

Ensuite, elle retient que le document unique d'évaluation des risques professionnels établi par l'employeur identifiait un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une pandémie ou une épidémie en le classifiant de risque mortel et permettait d'écarter l'exception prévue à l'alinéa 2 de l'article R. 4421-1 du Code du travail.

Enfin, elle relève que l'objet de l'arrêté du 27 décembre 2017 était, non seulement de fixer les règles de confinement applicables aux laboratoires, mais aussi d'actualiser la liste des agents pathogènes prévue par l'arrêté du 18 juillet 1994 pris en application de l'article R. 4421-4 du Code du travail.

Elle en déduit que les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques étaient applicables au sein de l'association et déclare recevable l'action engagée par l'inspectrice du travail.

En conséquence, les juges du fond déclarent l’inspectrice du travail recevable en son action. L’association conteste cette décision en formant un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette les pourvois formés en application des articles R. 4423-3 N° Lexbase : L0965IAY et R. 4321-4 N° Lexbase : L2286IAW du Code du travail (n° 21-19.454) et sur le fondement des articles L. 4111-1, alinéa 1 N° Lexbase : L4721LCT, L. 4732-1 N° Lexbase : L5707K7I, R. 4421-1 N° Lexbase : L0999IAA et R. 4421-4 N° Lexbase : L0989IAU du Code du travail (n° 21-12.696).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels, Les risques liés à des substances biologiques, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3532ETY.

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Environnement

[Brèves] Annulation de la liste des fruits et légumes pouvant être encore vendus sous emballage plastique

Réf. : CE 9°-10° ch. réunies, 9 décembre 2022, n° 458440, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A11588YK

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N3643BZX

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par Yann Le Foll

Le 13 Décembre 2022

► Est annulée la liste des fruits et légumes pouvant être encore vendus sous emballage plastique.

Faits. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi n° 2020-105 N° Lexbase : L8806LUP), a interdit la vente de fruits et légumes frais dans des emballages plastiques à partir du 1er janvier 2022. Elle a toutefois prévu des exceptions, notamment pour les fruits et légumes pouvant se détériorer lors de leur vente en vrac, en laissant au Gouvernement la tâche de les identifier.

Par un décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 N° Lexbase : L4741L84, le Gouvernement a établi une liste d’une quarantaine de fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac pouvant encore être vendus sous emballage plastique, en précisant pour chacun jusqu’à quand ils pourront être vendus avec ce conditionnement.

Position CE. Toutefois, cette liste prévue au II de l'article D. 541-334 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5063L8Z a été établie, d’une part, en y incluant les fruits et légumes qui, bien que ne présentant pas nécessairement un risque de détérioration lors de leur vente en vrac, ne bénéficiaient pas encore d’alternative au conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique à la date du 1er janvier 2022, et d’autre part, en fixant un terme aux exemptions prévues.

Dès lors, en étendant ainsi le champ de l’exemption et en lui conférant un caractère temporaire, le pouvoir réglementaire a méconnu le seizième alinéa du III de l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6933L7W.

Décision. Le décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 est annulé et le Gouvernement devra redéfinir une liste par décret pour répondre à la mission que lui a confiée la loi.

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Fiscalité immobilière

[Brèves] Adaptation des modalités d'application des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement outre-mer

Réf. : Décret n° 2022-1551, du 10 décembre 2022, pris pour l'application de l'article 108, de la loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et des articles 16 et 73, de la loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 N° Lexbase : L0988MGP

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N3625BZB

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par Marie-Claire Sgarra

Le 14 Décembre 2022

► Le décret n° 2022-1551, du 10 décembre 2022, publié au Journal officiel du 11 décembre 2022, adapte les modalités d’application des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre-mer.

Rappel. L'article 108 de la loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 a modifié les modalités de détermination de la base éligible à la déduction fiscale prévue à l'article 217 undecies du CGI N° Lexbase : L3864MAD au titre des investissements réalisés dans les DOM dans le secteur du logement intermédiaire, en introduisant notamment une mesure de plafonnement de l'assiette de l'aide, apprécié par mètre carré de surface habitable.

De plus, l'article 108 a créé une réduction d'impôt sur les sociétés, prévue à l'article 244 quater Y du CGI N° Lexbase : L5703MAH, au titre, notamment, des investissements réalisés dans le secteur du logement intermédiaire, du logement social ou de la location-accession à la propriété immobilière. L'assiette de cette réduction d'impôt fait l'objet, pour l'ensemble des investissements réalisés dans le secteur du logement, d'un plafonnement par mètre carré de surface habitable. En outre, les loyers mis à la charge des personnes physiques locataires sont limités à des montants fixés par mètre carré de surface habitable.

Que prévoit ce texte ? Le décret précise les modalités d'appréciation de la surface habitable au titre des investissements réalisés dans le secteur du logement en application des articles 217 undecies et 244 quater Y du CGI.

Le II de l'article 16 de la loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 aménage les modalités d'application de la réduction d'impôt prévue à l'article 244 quater Y du CGI s'agissant des investissements réalisés dans le secteur du logement social. À ce titre, il subordonne le bénéfice de la réduction d'impôt à la cession, à l'issue de la période légale de location, des logements, parts ou actions des sociétés qui en sont propriétaires à l'organisme locataire ou à des personnes physiques choisies par celui-ci et dont les ressources n'excèdent pas certains plafonds. Il procède à un ajustement rédactionnel en précisant, dans le secteur du logement locatif social, qu'une part minimale de la surface habitable des logements compris dans un programme d'investissements d'un montant supérieur ou égal au seuil d'agrément, doit être louée à des personnes physiques dans le respect de plafonds de ressources inférieurs aux plafonds appliqués aux autres logements (en sus d'être loués à des personnes physiques dans le respect de plafonds de loyers inférieurs aux plafonds appliqués aux autres logements).

Le décret précise les modalités de détermination des ressources et de la composition du foyer occupant applicables dans le cadre de ces dispositions. Il fixe en outre le montant du plafond des ressources de la personne physique acquéreuse du logement social au terme de la période de location.

Par ailleurs, les articles 16 et 73, de la loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 ouvrent le bénéfice des aides fiscales respectivement prévues aux articles 244 quater Y et 199 undecies C du CGI aux travaux de démolition préalables à la construction de logements sociaux neufs situés dans les COM et en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le B du III de l'article 16 et le quatrième alinéa du II de l'article 73, de la loi de finances, pour 2022 prévoient que les dispositions du II de l'article 16 et du I de l'article 73, de la loi de finances pour 2022, entrent en vigueur, pour les investissements réalisés à Saint-Martin, à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État.

Le texte est entré en vigueur le 12 décembre 2022.

 

newsid:483625

Fiscalité locale

[Brèves] TFPB : calcul de la valeur locative d’une immobilisation industrielle dans le cas de locaux ayant fait l’objet d’une remise sans indemnité au bailleur au terme d’un bail à construction

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 5 décembre 2022, n° 463427, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36708X9

Lecture: 3 min

N3725BZY

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par Marie-Claire Sgarra

Le 21 Décembre 2022

La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est fixée à partir de leur prix de revient, lequel correspond à la valeur d'origine pour laquelle ces immobilisations doivent être inscrites au bilan de leur propriétaire ;

► Lorsqu'elles ont été acquises à titre onéreux, leur valeur d'origine s'entend, en l'absence de dispositions y dérogeant, de leur prix d'acquisition intégral.

Les faits :

  • une société D a consenti à la société MPO International plusieurs baux à construction pour une durée de trente ans sur des terrains situés à Crennes-sur-Fraubée et à Averton
  • à l'issue de cette période, la société MPO International lui a remis sans indemnité les bâtiments industriels construits et exploités par elle sur ces terrains
  • après avoir prononcé, du fait de ce transfert de propriété, le dégrèvement des cotisations de TFPB qui avaient initialement été établies au titre de l'année 2016 au nom de la société MPO International, l'administration fiscale a mis à la charge de la société D des cotisations de TFPB au titre de l'année 2016, établies selon une valeur locative déterminée à partir du prix de revient pour la société MPO International des constructions qu'elle avait édifiées
  • le TA de Nantes a rejeté la demande de la société D tendant à ce que soit prononcée la décharge de ces impositions.

Le tribunal administratif a jugé que l'administration fiscale pouvait, après avoir écarté la valeur d'un euro à laquelle la société D avait comptabilisé à l'actif de son bilan les bâtiments industriels reçus sans indemnité de la société MPO International, déterminer la valeur locative de ces locaux en se fondant sur leur prix de revient pour la société MPO International, tel qu'il ressortait des documents comptables produits par cette société dans le cadre de la réclamation qu'elle avait formée en contestation des cotisations de TFPB auxquelles elle avait initialement été assujettie au titre de l'année 2016.

À tort selon le Conseil d’État qui censure l’arrêt du tribunal administratif.

Dans le cas où des locaux industriels ont fait l'objet, au terme d'un bail à construction, d'une remise sans indemnité au bailleur, ils doivent être regardés comme ayant été acquis à titre onéreux par ce dernier, dès lors qu'une telle remise constitue la fraction en nature de la rémunération par le preneur de la prestation qui lui a été fournie par le bailleur en exécution du contrat. La valeur d'origine de tels biens doit être déterminée :

  • soit directement à partir de leur valeur vénale en fin de bail telle qu'elle aurait pu être estimée à la date de signature de celui-ci,
  • soit indirectement à partir de la fraction, également appréciée à cette date, de la valeur de marché des loyers que le bailleur a renoncé à percevoir sous forme monétaire pendant la durée du bail.

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