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N3429BZZ
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par Vincent Vantighem
Le 29 Novembre 2022
C’est peu dire qu’il était agacé, ce jour-là… Invité de France 3, le 27 mars, quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait mis au défi ses détracteurs qui pensent qu’il y a eu une « combine » avec le cabinet de conseils McKinsey. « Que quiconque a la preuve d’une manipulation, mette le contrat en cause au pénal ! S’il y a des preuves, que ça aille au pénal ! » Le chef de l’État a été pris au mot. Après avoir reçu « des dizaines et des dizaines de lettres, de signalements et de plaintes », le parquet national financier a confirmé l'ouverture de deux informations judiciaires sur le rôle des cabinets de conseils dans les campagnes présidentielles de 2017 et 2022.
L’ouverture de ces deux procédures date des 20 et 21 octobre derniers. Bien installé au 20e étage du tribunal judiciaire de Paris, le parquet national financier aurait bien voulu que l’information reste secrète. Mais Le Parisien l’a contraint à sortir du bois en révélant l’information jeudi 24 novembre en début d’après-midi. Dans un communiqué, Jean-François Bonhert, le procureur, a donc confirmé que deux procédures distinctes avaient bien été ouvertes. La première pour « tenue non conforme de comptes de campagne » et « minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne ». Autrement dit pour un financement illégal d’une campagne présidentielle. La seconde pour « favoritisme » et « recel de favoritisme ».
Dans son court communiqué, le PNF se garde bien de confirmer que les investigations visent l’actuel locataire de l’Élysée. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Il n’a, en effet, pas fallu attendre la semaine passée pour découvrir qu’Emmanuel Macron entretenait des liens privilégiés avec le cabinet américain McKinsey. Celui-là même qu’on surnomme « La Firme » dans les arcanes du pouvoir… Dès 2017, la diffusion des « MacronLeaks » avait permis de voir que plusieurs salariés de McKinsey, une vingtaine environ, avaient travaillé bénévolement pour élaborer la campagne du candidat Macron et son programme. L’un d’eux utilisant même son adresse mail d’entreprise pour les besoins de l’exercice. Que des professionnels, sur leur temps personnel, choisissent de militer pour un candidat en collant ses affiches ou distribuant ses tracts ne pose aucun problème. Mais si des salariés sont détachés à temps complet, sciemment, par la direction de leur entreprise pour mettre leur savoir-faire, leurs compétences et leurs moyens au bénéfice d’un homme politique n’est pas la même chose. C’est donc pour vérifier si tout cela devait faire l’objet d’une intégration dans le compte de campagne d’Emmanuel Macron que cette première information judiciaire a été ouverte.
Une aide pendant la campagne contre des contrats publics ensuite ?
Car McKinsey n’est pas du genre à être philanthrope. Et la justice se demande aujourd’hui si l’entreprise n’a pas filé un coup de main pendant la campagne pour bénéficier de juteux contrats une fois son candidat élu. C’est pour cela qu’une seconde information judiciaire a été ouverte du chef de « favoritisme ». Le recours aux cabinets de conseil en général, et à McKinsey en particulier, par le pouvoir macroniste a été largement documenté. Dans un rapport de 385 pages [lire notre article du 12 avril 2022], une commission du Sénat avait dénoncé le « recours massif » aux cabinets de conseil depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017. Parlant même d’une gestion « tentaculaire ».
Dans les faits, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont bien souvent délégué des contrats à ces cabinets de conseil pour pouvoir élaborer leurs stratégies et mettre en place leurs politiques. Ici une étude sur la baisse de 5 euros des aides pour le logement… Là un dispositif logistique pour la mise en place de campagne de prévention contre le Covid. Et, comme tous les autres, McKinsey a eu sa part du gâteau. À titre d’exemple, entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2022, le cabinet américain a bénéficié de trente-six commandes de l’État pour un montant total de 24,66 millions d’euros. Essentiellement pour des missions d’appui auprès du ministère de la Santé, nous apprend l’annexe au projet de loi finances 2023 baptisée « Recours aux conseils extérieurs ». Ce n’est pas le mieux loti. En guise de comparaison, le cabinet Capgemini a, lui, reçu quatre-vingt commandes pour 43,5 millions d’euros sur la même période. Mais cela pose question.
Après la publication du rapport du Sénat, le PNF avait déjà décidé d’ouvrir une enquête préliminaire du chef de « fraude fiscale aggravée » visant McKinsey. Le but étant de vérifier s’il échappait bien, de façon légale, à une partie de l’impôt en France. Mais aujourd’hui, c’est autre chose qui se joue. Les procédures ouvertes récemment visent à savoir s’il n’y a pas eu un deal entre le cabinet de conseil et Emmanuel Macron. Une forme d’aide fournie gratuitement durant la campagne qui aurait été, ensuite, grassement rémunérée par des commandes publiques une fois le candidat d’En Marche parvenu à l’Élysée.
L’immunité présidentielle dans les esprits
Sur le plan judiciaire, Emmanuel Macron sait bien qu’il ne risque rien. Pour l’instant. Bénéficiant de son immunité présidentielle, il ne peut être directement poursuivi ou même entendu. Mais, dans cette affaire, son problème est plus d’ordre politique que judiciaire. Déjà visé par de nombreuses critiques durant la campagne présidentielle de 2022, il sait bien qu’il va devoir composer avec cette nouvelle donne dont les médias se sont fait l’écho.
En déplacement à Dijon (Côte-d’Or), vendredi 25 novembre, le chef de l’État n’a pas pu éviter la question. Dans une drôle de réponse presque paradoxale, il a d’abord indiqué qu’il avait simplement « vu le communiqué » du parquet national financier et appris l’ouverture des procédures dans la presse. « Personne ne m’a écrit, personne ne m’a appelé », a-t-il assuré. S’il n’a aucune information, le chef de l’État estime pourtant qu’il ne pense pas être « au cœur de l’enquête ».
Méthode Coué ou façon de détourner le sujet ? Emmanuel Macron est trop brillant pour ne pas avoir déjà compris que cette affaire aller lui coller à la peau pendant des mois comme le sparadrap au Capitaine Haddock dans Tintin. Difficile d’imaginer que des éléments de langage n’ont pas d’ores et déjà été établis pour gérer cette crise. La preuve ? Alors que le Gouvernement avait toujours nié toute dérive en la matière, Bruno Le Maire a reconnu, dimanche midi, qu’il y avait pu y avoir « des abus » dans le recours aux cabinets de conseils extérieurs durant les années passées.
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Réf. : TA Versailles, du 8 novembre 2022, n° 2102988 N° Lexbase : A88838T8
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N3421BZQ
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par Helena Viana
Le 29 Novembre 2022
► La méconnaissance des règles de publicité lors des épreuves orales de l’examen d’entrée au CRFPA, même lorsqu’elle est justifiée par la situation sanitaire, constitue un vice de procédure de nature à entacher d’illégalité la décision d’ajournement prise.
Faits et procédure. Dans un passé pas si lointain, Covid-19 oblige, la situation sanitaire a bouleversé les quotidiens et les habitudes, obligeant notamment les institutions et administrations à réorganiser leur fonctionnement. Plus spécifiquement, les universités ont notamment été confrontées à cette difficulté, en particulier pour l’organisation de l’examen d’entrée au centre régional de formation professionnel des avocats (CRFPA). Dans les faits de l’espèce, une candidate inscrite à l’Institut d’études judiciaires (IEJ) de l’Université Paris-Saclay a formé un recours gracieux contre la délibération du 2 décembre 2020 l’ayant déclarée ajournée à l’issue de la phase d’admission. Ce recours ayant été rejeté, l’intéressée a formé un recours contentieux en annulation de ladite délibération et de la décision de rejet de son recours gracieux.
En substance, elle reprochait à l’Université Paris-Saclay de n’avoir pas respecté le principe de publicité de l’épreuve d'admission d'exposé-discussion, en ce que cette épreuve s’était déroulée à huis clos, hors la présence d’un éventuel public.
Décision du tribunal administratif. Le tribunal administratif de Versailles a favorablement accueilli l’argumentaire développé par la requérante.
Les juges du fond ont d’abord rappelé les dispositions en vigueur à l’époque des faits :
Les juges ont ensuite énoncé que pour qu’un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable soit de nature à entacher d’illégalité la décision prise, c’est à la seule condition que ce vice ait été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il ait privé les intéressés d’une garantie.
Et ils concluent que tel est justement le cas en l’espèce. L’argumentaire de l’Université consistait à faire valoir que son objectif était de limiter autant que possible les déplacements et regroupements des personnes et que ce faisant elle n’agissait que conformément au décret du 29 octobre 2020. Le tribunal ne valide pas une telle argumentation, au motif qu’il ressort justement de la disposition précitée que l’épreuve litigieuse aurait pu être rendue publique en limitant les personnes admises en qualité de public à un nombre très restreint. Le tribunal conclut que la méconnaissance de l’exigence de publicité a nécessairement privé la candidate de la garantie du droit d’accès à un jury impartial et de l’égalité de traitement entre les candidats.
Partant, le tribunal administratif annule la délibération et la décision de refus du recours gracieux de la requérante.
Contexte de la décision. Cette décision est salutaire en ce qu’elle vient encadrer l’extension des mesures restrictives d’exceptions mises en place par l’administration et liées à la crise sanitaire en méconnaissance des droits des administrés. Elle intervient dans le prolongement de deux autres jugements ouvrant cette voie dans des procédures identiques concernant l’Université de Paris-Saclay (TA Versailles, du 27 octobre 2022, n° 2101505 N° Lexbase : A26938R8 et n° 2101500 N° Lexbase : A31308RD).
On notera que la solution est différente dans une autre espèce dans laquelle un candidat à l’examen du CRFPA contestait son ajournement par l’Université de Nanterre en raison de la discrimination qu’il aurait subi, ainsi que de l’absence de publicité de l’épreuve, laquelle s’est tenue à huis clos selon ses écritures. Ici le tribunal administratif de Cergy Pontoise a estimé que le requérant ne rapportait pas la preuve que l’épreuve litigieuse s’était tenue à huis clos. Au contraire, la juridiction du fond relevait les éléments de preuve apportés par l’Université de Nanterre et contredisant la version du requérant. En l’espèce, sa requête devait donc être rejetée, aucun élément ne venant corroborer le fait que les épreuves se soient déroulées en méconnaissance du principe de publicité.
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Réf. : Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-23.505, FS-B N° Lexbase : A29198TB
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N3393BZP
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 28 Novembre 2022
► L’usufruitier ne peut pas agir sur le fondement de la responsabilité civile décennale des constructeurs ;
► il peut, toutefois, initier un recours à l’encontre du constructeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle.
Le droit spécial de la responsabilité des constructeurs est de nature contractuelle. Pour autant, tous les cocontractants du constructeur n’ont pas la qualité pour agir sur ce fondement. Tous ne sont pas bénéficiaires de la responsabilité civile décennale. La jurisprudence le rappelle régulièrement à propos du locataire (pour exemple, Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, n° 11-18.850, F-D N° Lexbase : A0560IWN) mais elle le fait bien plus rarement à l’égard de l’usufruitier. Rien qu’en cela, l’arrêt rapporté mérite, non seulement, d’être publié mais, également, cette brève.
En l’espèce, une société a confié la réalisation de travaux de la charpente métallique et du revêtement d’un bâtiment à usage commercial à une société. Cette société assigne le constructeur sur le terrain décennal, aux fins d’obtenir la réparation des désordres. La cour d’appel de Bastia, dans un arrêt rendu le 15 septembre 2021 (CA Bastia, 15 septembre 2021, n° 19/00863 N° Lexbase : A620844P), rejette sa demande, faute de qualité pour agir. Au visa de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ, les conseillers estiment que seul le propriétaire ou le maître d’ouvrage peut agir sur le terrain décennal ce qui ne serait pas le cas de l’usufruitier.
L’usufruitier forme un pourvoi, également rejeté. L'usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n'en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d'usufruitier, l'action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l'ouvrage et non à sa jouissance. Le démembrement du droit de la propriété est connu. Il faudrait, pour en être autrement, que l’usufruitier justifie être mandaté par le nu-propriétaire.
La Haute juridiction le confirme. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé que la société reconnaissait être usufruitière de l'ouvrage et devant laquelle elle ne prétendait pas avoir été mandatée par le nu-propriétaire, a retenu que cette société ne pouvait agir contre le constructeur et son assureur sur le fondement de la garantie décennale.
La solution n’est donc pas surprenante mais reste critiquable. Il ressort de la lettre de l’article 1792 la possibilité d’agir du maître d’ouvrage sans évoquer sa qualité de propriétaire.
C’est encore de manière trop générale que la Cour de cassation, dans son arrêt du 23 octobre 2012 (Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, précité), prive le preneur pourtant maître d’ouvrage des travaux litigieux de son droit à agir sur le fondement de l’article 1792, en reprenant l’expression utilisée à l’occasion de son arrêt du 1er juillet 2009 (Cass. civ. 3, 1er juillet 2009, n° 08-14.714, FS-P+B N° Lexbase : A5830EIR), à savoir que le locataire n’était titulaire « que d’un simple droit de jouissance sur l’ouvrage dont il n’avait pas la propriété » et n’était donc pas recevable à agir.
Si certaines cours d’appel distinguent, selon nous à juste raison, la qualité de propriétaire de celle du maître de l’ouvrage réalisé à l’intérieur d’un bâtiment (pour exemple, CA Nîmes, chambre 1, section A, 27 juin 2006, n° 04/01006), d’autres ne le font malheureusement pas (pour exemple, CA Dijon, 18 décembre 2007, n° 07/00476 N° Lexbase : A6560GYM).
La Haute juridiction rappelle, toutefois, que l’usufruitier n’est pas pour autant démuni de recours puisqu’il peut exercer son action à l’encontre du constructeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité.
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Réf. : Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-18.527, FS-B N° Lexbase : A28728TK
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N3401BZY
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 29 Novembre 2022
► Le conjoint du preneur à bail décédé, dès lors qu’il a participé de manière régulière et effective aux travaux de l'exploitation depuis plus de cinq ans avant celui-ci, peut, sur le fondement de l’article L. 411-34, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime, bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire, peu important qu'il n'ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès.
Pour rappel, selon l'article L. 411-34, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4467I49, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès.
Il faut savoir que ces dispositions sont d’ordre public, ainsi que l’a précisé la Cour de cassation, qui a retenu que si, en application de l'article 1390 du Code civil, les conventions matrimoniales conclues entre les époux sont licites et opposables à tous, le principe de la liberté des conventions matrimoniales ne peut faire obstacle au respect des dispositions d'ordre public contenues dans le statut du fermage et du métayage et notamment à celles de l'article L. 411-34 du Code rural relatives au sort du bail en cas de décès du preneur (Cass. civ. 3, 28 juin 2006, n° 05-20.860, FS-P+B N° Lexbase : A1195DQC).
S’agissant de la qualité d’époux bénéficiaire de la continuation du bail au décès du preneur, il résulte d’un arrêt rendu en 1977 que le texte précité n'est pas applicable au partage d'une communauté à la suite d'un divorce ou d'une séparation de corps, et donc que l'attribution du bail prévue par l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime concerne seulement le cas du décès du preneur, et non son divorce, de sorte que l’époux divorcé ne saurait se prévaloir d’un droit à continuation du bail rural (Cass. civ. 1, 23 novembre 1977, n° 76-10.343, publié au bulletin N° Lexbase : A7540CI4).
L’arrêt rendu le 16 novembre 2022 apporte une précision inédite et intéressante, en ce qu’il relève que la -courte- durée du mariage importe peu, de sorte que la participation à l’exploitation qui peut être prise en compte n’est pas exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d'ascendant ou de descendant, et que peut ainsi être prise en compte la participation antérieure à l'acquisition d'une telle qualité.
Car c’est bien l’argument contraire qui était précisément avancé par les bailleurs, demandeurs au pourvoi, faisant alors grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier le 6 mai 2021 (CA Montpellier, 6 mai 2021, n° 19/06872 N° Lexbase : A02324RZ) d’avoir admis que l’épouse survivante pouvait bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire, après avoir constaté que celle-ci n'avait épousé le preneur que 49 jours avant son décès, et que les conseillers ne pouvaient alors refuser de rechercher si cette durée était suffisante et prendre en considération une participation à l'exploitation antérieure au mariage, violant ainsi l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime.
L’argument est écarté par la Haute juridiction qui approuve la décision de la cour d’appel : ayant constaté que l’intéressée était l'épouse du preneur au jour de son décès et souverainement retenu qu'elle avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l'exploitation depuis plus de cinq ans avant celui-ci, elle en avait exactement déduit qu'elle pouvait bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire, peu important qu'elle n'ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès.
Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : Résiliation du bail rural, spéc. Continuation du bail par un membre de la famille du preneur , in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9027E99. |
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Réf. : Cass. com., 23 novembre 2022, n° 21-13.386, F-B N° Lexbase : A10638UW
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N3425BZU
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par Vincent Téchené
Le 28 Novembre 2022
► Si en vertu de l’article L. 631-20 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193, du 15 septembre 2021, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette règle ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure.
Faits et procédure. Une société (la débitrice) a souscrit un contrat d'ouverture de crédit en compte courant auprès d’une banque, un cautionnement ayant été souscrit en faveur de la banque.
Le 13 mars 2009, la société a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 6 avril 2009, laquelle a été admise par une ordonnance du 5 février 2010. Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 12 mars 2010. Le plan a été résolu et la société a été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013.
Le 23 décembre 2016, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement.
La cour d'appel de Grenoble, par un arrêt du 26 novembre 2020 (CA Grenoble, 26 novembre 2020, n° 19/01847 N° Lexbase : A809437W), ayant jugé que la prescription avait atteint l’action de la banque, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 2241 N° Lexbase : L7181IA9 et 2246 N° Lexbase : L7176IAZ du Code civil et de l'article L. 631-20 du Code de commerce N° Lexbase : L3508ICW, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8998L7E.
Elle énonce qu’il résulte des deux premiers textes, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.
Elle poursuit en estimant que si en vertu de l’article L. 631-20 du Code de commerce, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure.
Or, pour déclarer prescrite l'action de la banque, l'arrêt d’appel a retenu qu'après l'arrêté du plan de redressement, aux termes de l'article L. 631-20 du Code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique, ce qui lui ouvrait un délai de cinq ans pour agir. Ainsi, la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, quand le plan de redressement était antérieur de plus de cinq ans, la demande était prescrite.
Mais la banque avait déclaré sa créance le 6 avril 2009, le plan de redressement de la société, arrêté le 12 mars 2010, avait été résolu et la société avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013. Dès lors pour la Haute juridiction, la cour d’appel ne pouvait déclarer prescrite l'action introduite par la banque le 23 décembre 2016.
Observations. La décision de la Cour de cassation ne peut donc qu’être approuvée : l’interruption de la prescription dure bien jusqu’à la clôture de la procédure, c’est-à-dire la fin du plan, ce qui autorisait donc la banque créancière à agir à compter de la résolution du plan et à poursuivre la caution pendant cinq ans.
Précisons par ailleurs que l’ordonnance n° 2021-1193, du 15 septembre 2021, a aligné le sort des garants personnes physiques d’un débiteur en sauvegarde et celui des garants personnes physiques d’un débiteur en redressement judiciaire. Les deux garants pourront désormais bénéficier des dispositions du plan, du fait de l’abrogation, par l’article 48, II de l’ordonnance, de l’article L. 631-20 du Code de commerce N° Lexbase : L9179L74, qui consacrait une dualité de traitement.
Pour aller plus loin :
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Réf. : CE, 1° et 4° ch. réunies, 15 novembre 2022, n° 449317, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A13048TH
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N3372BZW
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par Charlotte Moronval
Le 28 Novembre 2022
► Lorsque le salarié protégé refuse les modifications des clauses de son contrat, il incombe au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de se prononcer lui-même sur le bien-fondé de l’appréciation qui a été faite par l’autorité administrative sur le lien entre la modification du contrat et le motif économique du licenciement projeté.
Faits et procédure. Un salarié, élu délégué du personnel et membre du comité d’entreprise au sein de la délégation unique de personnel, saisit le tribunal d’une demande tendant à l’annulation de la décision de l’inspectrice du travail autorisant son licenciement pour motif économique.
Le tribunal administratif annule la décision de l’inspectrice du travail. L’appel formé par l’employeur est rejeté. En effet, la cour administrative d’appel relève que :
L’employeur forme un pourvoi devant le Conseil d’État.
Rappel. Lorsque l’employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d’accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. À cet égard, lorsque la demande d’autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, l’autorité administrative doit s’assurer du bien-fondé d’un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l’entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d’activité dont relève l’entreprise en cause au sein du groupe. |
La position du Conseil d’État. Le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel. Il considère que :
Pour aller plus loin : rappr., s'agissant de l'appréciation de la réalité des motifs économiques dans le cas où la société fait partie d'un groupe, CE, 1° et 4° ch. réunies, 29 juin 2020, n° 417940, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78253PI. |
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newsid:483372
Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 7 novembre 2022, n° 461418, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A01228SC
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N3385BZE
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par Yann Le Foll
Le 28 Novembre 2022
► Dès lors qu’un jugement de première instance a été annulé pour défaut de réponse à un moyen, cette irrégularité n'affecte qu'une partie divisible du jugement, ce qui implique l’impossibilité d'annuler, pour ce motif, une partie du jugement non affectée par cette irrégularité, ou de l'examiner par la voie de l'évocation.
Application. L'insuffisance de motivation retenue par la cour n'avait pas pour effet d'entacher d'irrégularité l'ensemble du jugement de première instance, mais n'affectait la régularité que de la seule partie divisible de ce jugement statuant sur les conclusions au soutien desquelles avait été soulevé le moyen demeuré sans réponse.
Dès lors que cette insuffisance de motivation était sans portée sur la création par la délibération attaquée de la zone UCg « secteur urbain du golf », divisible du reste du plan local d'urbanisme, la cour ne pouvait, pour ce motif, annuler comme irrégulier le jugement de première instance en tant qu'il statuait sur la création de cette zone. La cour ne pouvait, par suite, statuer sur cette partie du litige par la voie de l'évocation.
Comme elle n'avait été saisie, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'aucun moyen d'appel portant sur cette zone UCg « secteur urbain du golf », elle ne pouvait, dès lors, prononcer l'annulation de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle portait sur la création de cette zone.
Décision. La commune de Biscarrosse est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque (CAA Bordeaux, 14 décembre 2021, n° 20BX03693 N° Lexbase : A29487GB) en tant qu'il a annulé la création, par la délibération du 6 mars 2017, de la zone UCg « secteur urbain du golf ».
Précisions rapporteur public. Selon Arnaud Skzryerbak, « en l’espèce l’erreur de la cour a bien modifié l’issue du litige. Cette erreur peut être utilement invoquée mais seulement dans la mesure où elle a conduit la cour à se prononcer sur un moyen qui n’était pas repris en appel. C’est donc à une cassation partielle qu’il vous faut procéder […] ».
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’appel, Les règles concernant la procédure d’appel, in Procédure administrative, (dir. C. De Bernardinis), Lexbase N° Lexbase : E4611EX3. |
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Réf. : Cass. com., 16 novembre 2022, n° 21-13.561, F-D N° Lexbase : A83138T3
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N3390BZL
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par Perrine Cathalo
Le 28 Novembre 2022
► La garantie légale d’éviction entraîne, pour le cédant des parts d’une société, l’interdiction de se rétablir si ce rétablissement est de nature à empêcher l’acquéreur de ces parts de poursuivre l’activité économique de la société cédée et de réaliser l’objet social.
Faits et procédure. Aux termes d’un protocole du 24 juin 2011, une SAS a acquis les parts sociales de deux sociétés spécialisées dans l’outillage pneumatique pour la maintenance automobile.
Le prix a été fixé suivant une clause dite de earn out, soit une partie forfaitaire payée comptant lors de la cession, et un complément de prix payable ultérieurement, en fonction des résultats de la société cédée au cours des trois exercices suivant la cession.
Les cédants sont devenus cadres salariés d’une des deux sociétés cédées, devenue filiale de la SAS, afin d’accompagner l’acquisition et de permettre la transmission de la clientèle. Un engagement de non-concurrence et de non-rétablissement des cédants était stipulé dans l’acte de cession, ainsi qu’une clause de non-concurrence et d’exclusivité dans les contrats de travail.
Un litige est survenu entre les parties sur le paiement du prix de cession et, par acte du 24 septembre 2013, les cédants ont assigné la SAS en paiement de diverses sommes au titre du complément de prix prévu dans l’acte de cession. La SAS a quant à elle formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, invoquant la violation par les cédants de leur obligation de non-concurrence et de leur obligation de garantie contre l’éviction.
Par décision du 3 décembre 2020, la cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 3 décembre 2020, n° 18/03132 N° Lexbase : A775738S) a rejeté les demandes reconventionnelles de la SAS en indemnisation de ses préjudices aux motifs que la garantie d’éviction était inapplicable en l’espèce, dans la mesure où la société était incapable de justifier une quelconque restriction de son activité économique par le fait des activités des cédants.
La société a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1626 du Code civil N° Lexbase : L1728ABM. En particulier, la Haute juridiction rappelle que la garantie légale d’éviction entraîne, pour le cédant des parts d’une société, l’interdiction de se rétablir si ce rétablissement est de nature à empêcher l’acquéreur de ces parts de poursuivre l’activité économique de la société cédée et de réaliser l’objet social.
Dans cette logique, la garantie d’éviction implique de rechercher l’empêchement pour l’acquéreur de poursuivre l’activité économique de la société cédée et de réaliser son objet social. Or, en l’espèce, les juges de la Cour de cassation constatent que les juges du fond ont exclu l’application de la garantie d’éviction aux motifs que le cessionnaire se trouvait dans l’incapacité de justifier une quelconque restriction de son activité économique par le fait des activités des cédants, alors qu’il leur revenait de rechercher si les agissements des cédants étaient susceptibles de faire obstacle à la poursuite de l’activité économique de la société.
Observations. Cette décision est l’occasion pour la Cour de cassation de réaffirmer les conditions de mise en œuvre de la garantie d’éviction à la suite d’une cession de droits sociaux. En effet, la Chambre commerciale censurait déjà en 2003 les juges du fond pour ne pas avoir recherché si les agissements retenus à l’encontre des cédants avaient empêché les cessionnaires de poursuivre leur activité économique (Cass. com., 26 novembre 2003, n° 00-18.005, F-D N° Lexbase : A2951DAK).
Il est donc de jurisprudence constante qu'il appartient aux juridictions d'appel de rechercher l’empêchement pour l’acquéreur de poursuivre l’activité économique de la société cédée et de réaliser son objet social lorsque ce dernier souhaite mettre en œuvre la garantie légale d'éviction.
Pour aller plus loin : v. B. Saintourens, Cession de droits sociaux : entre liberté du commerce et garantie d’éviction due par le cédant, Lexbase Affaires, décembre 2021, n° 697 N° Lexbase : N9582BYK. |
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Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 23 novembre 2022, n° 450008, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A23208UH
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par Yann Le Foll
Le 30 Novembre 2022
► Il résulte de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L8483IC8 que, lorsqu'un projet de construction comprend des éléments en surplomb du domaine public, le dossier de demande de permis de construire doit comporter une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire (AOT) de ce domaine.
Rappel. Aux termes de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme : « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public » (voir pour l’office du juge en cas de contestation de la qualité de pétitionnaire habilité à déposer une demande de PC incluant des aménagements sur le domaine public, CE, 1°-4° ch. réunies, 23 novembre 2022, n° 449443, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A23178UD).
Position TA. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que les balcons en surplomb du domaine public prévus par le projet (de construction d'un immeuble collectif comprenant six logements et deux cellules commerciales après démolition d'un bâtiment) n'avaient pas pour effet de compromettre l'affectation au public du trottoir qu'ils surplombent et n'excédaient pas, compte tenu de la faiblesse du débord et de l'élévation par rapport au sol, le droit d'usage appartenant à tous.
Décision CE. En recherchant ainsi, non pas si le dossier de demande comportait la pièce qui était requise par l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme dès lors que le projet portait sur une dépendance du domaine public, mais si ce projet pourrait être légalement poursuivi au regard des règles de la domanialité publique, le tribunal a commis une erreur de droit.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le dossier de demande de permis de construire, L'immeuble situé sur le domaine public, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4707E7H. |
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