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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
En 2012, les débats succédant aux films projetés ont abordé des questions juridiques des plus clivantes : la télévision a-t-elle tous les droits ? La protection de l'enfance, un enjeu de société ? Les réseaux sociaux sur internet, des entreprises comme les autres ? Quand VIH et sexualité riment avec discrimination ! Le crédit à la consommation, un système qui frôle l'illégalité, etc.. Cette année encore, le climat économique et social a obligé tout un chacun, et les acteurs du monde cinématographique eux-mêmes, à s'interroger sur les questions juridiques les plus inattendues : la class action, est-elle un outil efficace pour les citoyens ? Existe-t-il un tabou de la criminalité sexuelle chez les mineurs ? Y a-t'il une instrumentalisation de la justice par le politique ? Ou encore des sujets pudiques et sensibles comme l'incarcération des femmes.
Je me souviendrai, longtemps, des Rencontres de 2011, sous le haut patronage de Robert Badinter. Ces Rencontres ont donné lieu, en ouverture, à une conférence sur le thème "L'instant criminel au cinéma". Plus que n'importe quel autre art, le cinéma nous plonge, en effet, dans l'intimité du crime, nous rend témoin de l'horreur, de cet instant où tout bascule. La question est, alors, celle des fins d'une telle représentation : témoignage ? Dénonciation ? Glorification ou vile satisfaction du voyeurisme du spectateur ? "Le cinéma n'est que l'expression actuelle d'un phénomène. Le 11 octobre 1789, on a jugé pour la première fois un criminel en public. Les dames envoyaient leurs valets retenir leurs places. A partir de ce moment-là, la fascination du spectacle judiciaire n'a jamais cessé [...]. Il s'agit de la fascination pour la face secrète, la face cachée de l'être humain", professait alors l'ancien ministre.
Mais, à la suite de Beccaria, l'abolitionniste de la peine de mort est un "récidiviste". A l'image de ces Académiciens qui avouent écrire toujours le même livre, car ils sont fascinés par l'amour, la vie, la joie et la mort, il ne suffisait plus à l'ancien Président du Conseil constitutionnel de parcourir le monde et d'expliquer en quoi et pourquoi la peine de mort devait être proscrite des sociétés modernes. Il est de ceux qui pensent que le message doit être véhiculé sur toutes les ondes, que l'abolition doit être entonnée sur toutes les portées ; et qu'il n'est pas un art qui doive en réchapper.
Alors, du 27 mars au 14 avril 2013, l'Opéra de Lyon propose Claude, sur un livret de Robert Badinter d'après Victor Hugo et une musique de Thierry Escaich. Claude est inspiré du Claude Gueux de l'exilé de Guernesey, l'un des premiers textes de l'auteur, ouvertement contre la peine de mort. Le pitch est saisissant : Claude est un ouvrier de la Croix-Rousse, qui mène une vie laborieuse et heureuse avec sa compagne et sa petite fille. Pour elles, pour lui, il refuse la misère à laquelle le condamne son patron, qui licencie ses ouvriers pour mettre des machines anglaises à leur place, nouvelle technologie de l'époque. On ne délocalisait pas alors, on dépersonnalisait. Claude, avec tant d'autres canuts, prend son fusil et court aux barricades. Condamné à sept ans de réclusion, il est enfermé à la prison atelier de Clairvaux. Son amour du métier et sa haine de l'injustice, font de lui un personnage charismatique pour les détenus de Clairvaux ; le directeur de la prison veut le briser, le séparant par exemple de son ami le plus précieux, Albin. Enchaînement de l'injustice et de la violence : Claude tue le directeur. Il sera lui-même guillotiné. Cette histoire, basée sur des faits réels de la première moitié du XIXème siècle, s'inscrit dans celle du "meurtre judiciaire" rampant sur le terreau de l'injustice sociale, de la misère et de l'abus de pouvoir. D'Eugène Sue à Victor Hugo, en passant par Lamartine, la guillotine est le pendant de "l'exploitation de l'homme par l'homme". Et, en ces temps difficiles de crise sociale conjuguée à une crise économique et financière violente, il n'est pas vain de dénoncer, encore, la sauvagerie de la peine de mort, alliée du droit.
Certes, il est à craindre que pour susciter l'adhésion, le Claude de Badinter provoque la même empathie que le Claude Gueux hugolien. La peine de mort nous paraît d'autant plus violente, sauvage et inappropriée dans une démocratie, que le sort du héros romanesque est des plus injustes : non qu'il n'ait pas commis ce crime vil sur un homme sans défense, mais qu'à son crime né du désespoir et de la négation même de son humanité ne peut répondre un autre crime inhumain auréolé du sceau de la Justice. En séparant Claude de son ami Albin, allégorie de la pureté et de l'innocence, le directeur de la prison a provoqué sa propre mort, ne laissant le condamné qu'à son sort de bête, un homme déchu. Au-delà d'une critique en règle de la peine de mort, c'est l'univers carcéral qui est décrié, tout entier, hier comme aujourd'hui. Les conditions de détention font, toujours, l'objet de toutes les critiques et condamnations, pour la salubrité et l'exiguïté des lieux ; mais plus encore, désormais la prison, lieu virtuel de réhabilitation, passe pour une école réelle de la récidive criminelle.
Enfin, la prison serait une zone de non-droit. Pour nous alarmer, le Centre de droit comparé du travail et de la Sécurité sociale organise à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV, les 11 et 12 avril 2013, un colloque sur le droit du travail en prison, partant d'un constat sévère et préoccupant : un véritable déni de droits pour les détenus travailleurs.
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 27 Mars 2014
Lors de cette première rencontre il va y avoir des échanges approfondis entre l'avocat et le client. L'avocat devra tout connaître ou presque de son client, de l'histoire du conflit et de la partie "adverse", pour le conseiller au mieux.
Il est donc important de procéder à un examen des besoins réels du client que l'avocat va beaucoup faire parler. Le problème qui l'amène ainsi que l'historique du conflit -à savoir comment il s'est constitué, comment il s'est construit- doivent être cernés. Bien évidemment, l'avocat va recueillir la version des faits du client, mais il doit surtout essayer de lui "soutirer" sa vision de l'avenir, à savoir ce qu'il aimerait obtenir comme modification de sa situation et les objectifs qu'il s'est donné.
Ensuite, pour Nathalie Tisseyre-Boinet, il convient d'essayer de savoir quel est le comportement de la personne avec qui le client est en conflit : quel est son profil psychologique ; comment le client voit-il la personne en face ; qu'est ce qu'il croit que l'autre pourrait demander au cours de la résolution du conflit ; a-t-il déjà un avocat ?
Cette partie est importante car l'intervenante estime qu'elle donnera alors l'atmosphère du conflit.
Elle rappelle qu'il est fondamental que l'avocat interroge son client avec des questions ouvertes. L'avocat doit également se mettre complètement en retrait et ne pas donner de solutions toutes faites au client. Il doit alors travailler à partir de toutes les informations entendues pour savoir ce qui sera le plus approprié au cas d'espèce : contentieux ou mode alternatif de règlement des conflits.
A ce stade l'avocat doit demander à son client s'il souhaite renouer le dialogue avec l'autre partie, puisque le principe des modes alternatifs de règlements des conflits, dont font partie le droit collaboratif et la procédure participative, dans l'une de ses phases entre autres, est de renouer le dialogue avec l'autre et de pérenniser les relations.
Il faut ensuite informer le client de tous les outils à sa disposition en dehors du seul contentieux. Souvent, les clients ne s'attendent pas à ce que l'avocat leur propose autre chose que la saisine d'un juge. Seul le procès leur semble être la voie envisageable.
Il faut donc présenter au client la procédure amiable et ses avantages.
Parmi ces derniers, Maître Tisseyre-Boinet en relève quelques-uns :
- un temps de négociation réduit ou restreint à quelques semaines ;
- un dialogue retrouvé grâce au tiers/aux tiers ;
- une évolution progressive et sensible de la situation ;
- tourner une page sur un conflit avec l'obtention d'un accord ;
- une solution forcément satisfaisante et sur mesure ;
- et la maîtrise du résultat : il n'y a pas plus compétentes que les parties pour résoudre leurs propres problèmes, souligne l'intervenante.
Enfin, l'efficacité des méthodes de négociation raisonnée est éprouvée puisque les statistiques établissent une réussite allant de 70 % à 80 %. La négociation raisonnée a été conceptualisée par Fischer et Ury en 1981 (R. Fisher et W. Ury, Comment réussir une négociation, Seuil, 1991, 2ème édition), mais elle est encore peu répandue en France car la mentalité, basée sur la logique de l'honneur, s'y prête moins que dans les pays de common law, qui eux ont la logique du contrat. La négociation raisonnée s'oppose à la négociation classique ou sur position. Il s'agit de décider de vouloir sortir d'un conflit. Et pour cela le premier principe est... "d'être intelligent". En effet, il est nécessaire de savoir séparer les problèmes personnels des problèmes de fond, les personnes des problèmes. Dans une négociation sur position, les parties sont en mode frontal et mettent leur énergie l'une contre l'autre. En négociation raisonnée, les énergies doivent être additionnées pour trouver une solution qui satisfera les deux parties.
Il faut également rassurer le client, puisque l'accord final obtenu avec une procédure amiable sera homologué. De plus il y a moins de risque d'appel, ou de risque d'exécution forcée puisque dans le cadre d'un accord amiable les deux personnes sont pleinement satisfaites de l'accord trouvé et, partant, l'exécution se fait spontanément.
Entrant un peu plus avant dans les détails, Nathalie Tisseyre-Boinet a présenté successivement la justice participative, la procédure participative et le droit collaboratif.
La justice participative. Il s'agit de la fameuse "boîte à outils" mise en avant par les canadiens (NDLR : le droit collaboratif est une pratique qui vient d'Amérique du Nord). Les avocats québécois veulent faire évoluer l'opinion que le public a sur la justice en général et sur les avocats en particulier. Ils présentent cette boîte à outils à leurs clients en parlant de tout ce qui existe : la négociation classique entre avocats, l'arbitrage, la conciliation, la médiation, le droit collaboratif, et bien entendu la solution contentieuse.
La procédure participative. Elle a été matérialisée dans le Code civil par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU) et par un décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 (N° Lexbase : L8264IRI). La procédure doit se situer avant la saisine d'un juge ou d'un arbitre. La convention de procédure participative doit être conclue pour une durée déterminée. Et elle doit préciser, à peine de nullité, son terme ; l'objet du litige ; les pièces nécessaires et les modalités de leur échange. Enfin, elle ne peut être menée qu'en présence d'un avocat par partie. Peuvent faire l'objet d'une telle convention toutes les matières dont les parties ont la libre disposition à l'exception des différends portant sur le contrat du travail régi par le droit du travail entre employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient. La signature de la convention de procédure participative emporte interdiction de saisir un juge pendant la durée déterminée sauf en cas de mesures conservatoires ou urgentes ou en cas d'inexécution par une partie de la convention avec dispense de la phase de conciliation ou de médiation. Comme en matière de médiation, la prescription est suspendue pour une durée de 6 mois (à compter de la conclusion de la convention et le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention). Le décret du 20 janvier 2012 insère dans le Code de procédure civile les articles 1542 (N° Lexbase : L8357IRX) à 1568 et vient distinguer deux phases successives possibles : la procédure conventionnelle et la procédure aux fins de jugement.
Pour Nathalie Tisseyre-Boinet la confidentialité peut être très relative avec le client dans le cadre d'une procédure participative. En effet, il y a cette phase amiable dans laquelle les clients vont être amenés à parler ensemble et, en cas d'échec, un passage en phase contentieuse avec les mêmes avocats qui auront entendus tout ce qui aura été dit pendant la partie amiable. Pour l'assemblée des avocats présents à cette réunion, c'est pour cela que la procédure participative est vouée à l'échec. Néanmoins, elle a un avantage important pour le client : l'avocat reste le même du début à la fin et cela peut le rassurer.
Le droit collaboratif. Le droit collaboratif est un mode alternatif de règlement des litiges qui n'apparaît pas dans le panel des textes nationaux. Il est né aux Etats-Unis dans les années 1990. L'idée était de trouver une solution pour des clients qui viennent présenter un litige. Pour faire du "droit collaboratif", les deux avocats et les deux parties doivent collaborer ensemble. Il s'agit donc d'un protocole d'entretien à quatre qui engage les participants à travailler ensemble à la résolution amiable du litige. Pour mettre en oeuvre ce processus, il est impératif que les deux avocats aient été formés au droit collaboratif. A noter, que si le dossier part au contentieux, les deux avocats doivent se retirer.
Ainsi, les réunions auront lieu à quatre, et c'est un travail en équipe qui va aboutir à la rédaction de la convention. Il faut bien préciser, estime Nathalie Tisseyre-Boinet, que chaque avocat reste l'avocat de son client ; ainsi il n'y a pas de confusion mais un travail d'équipe. Quant à la confidentialité des échanges, elle est extrêmement préservée puisque si les pourparlers n'aboutissent pas, les avocats se retirent et n'assistent pas au contentieux.
Elle précise néanmoins, qu'il existe au Québec ce que l'on appelle le droit collaboratif assoupli qui est une autre façon de procéder. Les avocats collaboratifs peuvent décider de ne pas se retirer en cas de contentieux.
En conclusion, l'avocat doit donc informer le client que le contentieux n'est pas la seule voie. Il peut également, avec accord du client, envoyer sa lettre d'usage en proposant à la partie d'en face un processus participatif ou collaboratif.
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Réf. : Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-23.676, F-P+B (N° Lexbase : A6180I4N)
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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et du Centre de droit du sport d'Aix-Marseille
Le 04 Avril 2013
Dans son pourvoi, le fournisseur mettait en exergue la nature éminemment personnelle du contrat de distribution, conclu donc en considération de la personne. Elément objectivement essentiel du contrat, la personne du distributeur justifiait à elle seule la rupture brutale du contrat en cas de changement. La Cour de cassation n'est toutefois pas sensible à cette argumentation. Tout en soulignant le caractère intuitu personae du contrat, elle estime que tant l'autonomie de la personne morale (I), que l'absence de stipulation contractuelle autorisant la rupture avant échéance en cas de cession de la totalité des parts ou actions d'une société ou de changement de ses dirigeants (II), ne permettent pas de rompre brutalement la relation commerciale établie (III).
I - Le principe de l'autonomie de la personne morale
En raison du principe d'autonomie de la personne morale, cette dernière reste inchangée en cas de cession de la totalité des parts ou actions composant son capital social ou de changement de ses dirigeants. Ici, incontestablement, le distributeur était resté juridiquement la même société. Seules avaient changé la personne de ses actionnaires et celle de son dirigeant. Mais la société, elle, perdurait. En effet, la société est un être juridiquement distinct des personnes qui la composent et des personnes qui la dirigent. Elle possède ainsi un patrimoine propre, une identité propre, un nom, une durée, une nationalité, une forme, une capacité, une responsabilité, un intérêt, etc., distincts de ceux des associés et des dirigeants (3).
C'est toute la force et la faiblesse du contrat de société, qui peut ainsi donner naissance à une société, juridiquement autonome par rapport à ses membres qui, dans certains cas, peuvent mal comprendre cette autonomie. Par exemple, dans les plus petites sociétés, celles dont les gérants et présidents sont associés uniques, la tentation est grande de confondre la personnalité juridique de la société avec celle de son dirigeant, très enclin à nier l'existence même de la personnalité morale, sans être nécessairement de mauvaise foi. En l'occurrence, même si la situation est différente, la mécanique est la même. Comment ne pas acquiescer un peu à la position du fournisseur qui voit sa société cocontractante changer du tout au tout (changement des actionnaires, changement du dirigeant...) ? La société reste la même, certes. Mais la société ne va plus du tout avoir la même politique, ne va plus du tout fonctionner de la même manière, etc..
Cela étant, ce principe d'autonomie de la personne morale, qui renvoie directement à l'intérêt social, est essentiel dans notre droit des sociétés. C'est lui, par exemple, qui empêche les associés d'une SARL (4) ou le gérant d'une EURL de s'octroyer sans contrôle et sans formalités des rémunérations importantes (5) ; c'est lui encore qui sanctionne un dirigeant déloyal se saisissant d'une opportunité d'affaire (6) ; c'est lui toujours qui sanctionne des fondateurs ayant passé des actes en leur nom et non au nom de la société en formation (7) ; c'est lui, en outre, qui permet à tout intéressé d'enjoindre à une société de déposer ses comptes sociaux (8) ; c'est lui qui reconnaît le préjudice moral d'une société (9)... Bref, c'est lui qui fait que la société est une société, c'est-à-dire une personne distincte des associés et des dirigeants, avec toutes les conséquences induites (10).
Aussi dur soit-il, ce principe doit être maintenu. En ce sens, l'arrêt sous commentaire doit être pleinement approuvé. Mais il faut aussi que ce principe puisse être aménagé, de manière indirecte, à travers des clauses du contrat essentialisant la -bonne- personne du cocontractant.
II - Le contrat n'était pas conclu intuitu personae
Traditionnellement, les contrats de distribution sont considérés comme des contrats conclus intuitu personae. Si l'on passe sur le fait qu'un contrat conclu intuitu personae n'est pas toujours un contrat conclu en considération de la personne, l'expérience montre qu'il vaut mieux expressément qualifier telle ou telle relation contractuelle de conclue en considération de la personne, plutôt que de s'en remettre à la seule nature du contrat. La jurisprudence en matière de fusion, scission et autre apport partiel d'actif fourmille d'exemples dans lesquels la considération de la personne n'était finalement pas aussi naturelle que cela, et qu'une clause du contrat venant essentialiser subjectivement la personne du cocontractant constituait la meilleure des garanties. Aucune loi en effet ne dispose que la considération de la personne est objectivement essentielle, hormis peut-être dans le cadre du mariage. Il est important dans ces conditions que les parties expriment clairement leurs intentions.
Tel a été le cas dans un arrêt de 2005 où un concessionnaire automobile avait conclu "un contrat d'agent revendeur" avec une société ayant été absorbée par voie de fusion, par une autre, pour former une nouvelle société, et où cette nouvelle société, fraîchement constituée, estimait qu'en vertu du principe de la transmission universelle du patrimoine, conséquence inéluctable de la fusion, ce "contrat d'agent revendeur" avait automatiquement intégré son patrimoine, ce qui lui permettait de contester la notification que lui avait faite le concessionnaire, après la fusion, de mettre un terme aux relations commerciales issues du contrat litigieux. C'était cependant faire abstraction d'une stipulation contractuelle qui empêchait sa transmission : "le contrat intitulé contrat d'agent revendeur' prévoyait qu'il était conclu intuitu personae' et que les droits et obligations du revendeur n'étaient pas cessibles ou transférables que ce soit totalement ou partiellement, sans accord préalable et écrit du concessionnaire" (11). Dès lors, si la fusion avait bien emporté la transmission universelle du patrimoine de l'absorbée à l'absorbante, les stipulations du contrat avaient toutefois mis obstacle à sa transmission sans l'accord du concessionnaire (12). En l'absence d'un tel accord, la société absorbante ne pouvait se prévaloir du contrat en cause. La transmission de l'actif n'était que partielle. Pour faire échec à la transmission universelle du patrimoine, certains commentateurs de l'arrêt avaient fait valoir que le contrat litigieux devait être effectivement et objectivement conclu intuitu personae, c'est-à-dire que les parties devaient essentialiser la considération de la personne uniquement sur le fondement d'éléments concrets et non abstraits, ce qui n'avait pas été le cas dans cette l'espèce (13). A priori, la considération de la personne devrait dépendre exclusivement de la volonté des parties, et non d'éléments qui leur seraient extérieurs, fussent-ils objectifs.
Autrement dit, la solution de cet arrêt de 2005 aurait-elle été identique en l'absence de telles stipulations contractuelles faisant du contrat d'agent revendeur un contrat conclu intuitu personae ? Et pour répondre à l'interrogation, faudrait-il analyser in concreto l'environnement du contrat et des parties, les éléments objectifs (14), ou faudrait-il estimer que la considération de la personne, faute d'avoir été essentialisée, n'était pas importante ? Une fois acquis que les contrats conclus intuitu personae résistent au principe de la transmission universelle du patrimoine, sauf accord du cocontractant cédé, encore faut-il définir et déterminer un contrat conclu intuitu personae (15). Or, un contrat est-il conclu en considération de la personne parce que les parties l'expriment, ou bien, parce qu'objectivement, la situation en cause exige de prendre en compte la personne du cocontractant ? Selon nous, dès lors que les parties expriment la volonté de conclure un contrat en considération de la personne (16), cette volonté doit être respectée, à moins de mettre en évidence une violence, ou une quelconque pression, lors de la conclusion du contrat. Cependant, un contrat peut aussi entrer dans cette catégorie si, de toute évidence, la personne du contractant est considérée comme essentielle par son cocontractant. Mais là, le doute sera toujours permis.
Au demeurant, et c'est toute la difficulté, la volonté des parties n'est pas toujours exprimée ou n'est pas toujours bien exprimée, comme dans l'arrêt du 29 janvier 2013. Afin d'éviter l'incertitude, il faudra expressément dire que le contrat est conclu intuitu personae, ou à tout le moins, ne pas insérer des clauses qui montrent que la personne du contractant n'a aucune importance, telle par exemple une faculté de substitution figurant dans une promesse unilatérale d'achat (17).
Par ailleurs, dans des arrêts de juin 2008, la Cour de cassation a affirmé, pour la première fois, la nécessité de l'accord du franchisé pour sa transmission à la suite d'une fusion ou d'un apport partiel d'actif englobant des contrats de franchise conclus en considération de la personne du franchiseur (18). Cette solution est critiquable. Même si le contrat de franchise est traditionnellement considéré comme un contrat conclu en considération de la personne, une clause essentialisant la personne des cocontractants ou une clause d'agrément ou une clause de non-transmission auraient permis de lever toute ambiguïté sur la nature du contrat. En l'absence de telles clauses, le caractère intuitu personae reste discutable. Plus exactement, les espèces en question contenaient de telles clauses, mais il s'agissait de clauses essentialisant la personne du franchiseur. En effet, dans le contrat de franchise, celui qui transmet le savoir-faire c'est le franchiseur et non le franchisé. Demander alors la permission du franchisé pour la transmission du contrat semble contraire à la nature même du contrat de franchise, d'autant que, dans l'une des deux espèces, il s'agissait d'un apport partiel d'actif intervenant au sein d'un même groupe.
Il n'empêche que faute de clause expresse, le caractère intuitu personae de telle ou telle relation contractuelle pourra toujours être remis en cause. D'autant plus lorsque cet intuitu personae prend la forme d'un intuitus societatis voire d'un intuitu socii (19). C'est précisément tout le mal qui ronge la relation commerciale ressortant de l'arrêt annoté. Tout en reconnaissant la nature éminemment personnelle du contrat, matérialisée par la formule "sans écarter le caractère intuitu personae du contrat", la Cour de cassation ne pouvait conclure, en l'absence d'une stipulation particulière, qu'au maintien de la convention, en dépit des changements survenus. Ces changements, les juges en ont bien eu conscience. Juridiquement toutefois la société restait la même. C'est difficile à comprendre pour le fournisseur, certes. Mais juridiquement c'est imparable.
Une fois énoncé que le changement d'actionnaire et de dirigeant ne permettaient pas de rompre brutalement la relation commerciale établie, restait alors à apprécier in concreto le comportement du fournisseur dans la rupture.
III - La relation commerciale établie brutalement rompue
Dans le cadre de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, l'arrêt précise que l'adéquation du préavis écrit qui est consenti, tenant compte de la durée de la relation commerciale, s'apprécie à la date à laquelle l'auteur de la rupture notifie son intention d'y mettre fin.
Dès lors, ayant relevé qu'après dix ans de relation commerciale établie, le fournisseur avait notifié au distributeur la caducité de la convention les liant, par une lettre reçue le 13 décembre 2007, lui demandant à compter de ce jour de ne plus faire usage ni du logo, ni de la marque sous licence, tout en lui proposant de maintenir les conditions d'achats et de règlements, à titre provisoire, dans l'attente d'une rencontre entre les parties, ce dont il se déduisait qu'inexistant à l'égard de l'usage de la marque, le préavis demeurait incertain à l'égard des conditions d'approvisionnement à la date de notification de la rupture, la cour d'appel avait bien caractérisé, selon la Cour de cassation, l'insuffisance du préavis reprochée à l'auteur de la rupture. De plus, ayant constaté que l'offre de maintenir les conditions d'approvisionnement avait cessé au bout de cinq mois après notification de la rupture, ce qui établissait le caractère effectif de cette dernière, et relevé qu'en dépit de la demande de cessation immédiate d'usage de la marque notifiée en décembre 2007, le distributeur n'avait obtempéré qu'en juin 2008, ce dont il ne se déduisait aucune poursuite de la relation commerciale jusqu'à cette date, la cour d'appel avait justement retenu, toujours selon la Cour de cassation, que la période de cinq mois correspondant au maintien effectif et provisoire de la relation commerciale établie devait être imputée sur le délai de préavis jugé nécessaire.
En somme, la rupture par le fournisseur était brutale puisqu'il demandait au distributeur, dès la lettre notifiant la cessation du contrat, de ne plus faire usage ni de la marque, ni du logo sous licence, tandis qu'il décidait dans le même temps de maintenir les conditions d'achats et de règlements à titre provisoire "dans l'attente d'une rencontre entre les parties", alors pourtant que les relations commerciales entre les partenaires avaient duré dix ans. Et puisque l'adéquation du préavis à la durée de la relation commerciale doit nécessairement s'apprécier à la date à laquelle l'auteur de la rupture notifie son intention d'y mettre fin, la Cour de cassation ne pouvait que constater son insuffisance, le préavis étant inexistant à l'égard de l'usage de la marque et incertain à l'égard des conditions d'approvisionnement qui, dans les faits, n'auront perduré que l'espace de cinq mois (20).
Deux remarques pour conclure.
D'abord, si la solution n'apporte rien en ce qui concerne la prise en compte de l'ancienneté de la relation pour fixer la durée du préavis adéquat (21), en revanche elle apporte considérablement quant au moment à retenir pour apprécier l'adéquation de ce préavis. La Cour de cassation indique que c'est à la date à laquelle l'auteur de la rupture notifie son intention d'y mettre fin. Tout au plus savait-on que le préavis court à compter du jour où le contractant informe son partenaire de sa volonté de ne pas poursuivre les relations contractuelles par la notification de son intention de recourir à un appel d'offres et non à compter de la date de notification de l'échec à cet appel d'offres (22). La nouvelle précision, logique et inédite, est d'importance.
Ensuite, le véritable apport de l'arrêt se situe bien entendu dans le premier moyen aux termes duquel le changement de personne (actionnaire et/ou dirigeant) n'est pas un motif de rupture brutale d'une relation commerciale établie. D'une part, il nous semble que, quand bien même ce serait un motif de rupture (en présence d'une clause en ce sens), celle-ci devrait a minima respecter un préavis proportionné. D'autre part, certains arrêts d'appel pouvaient laisser présager cette solution. Ainsi a-t-il été jugé que ne constitue pas une des causes prévues par la loi et justifiant la rupture d'une relation commerciale établie sans préavis la prise de contrôle d'une société anonyme par un actionnaire exerçant, sur un autre territoire, une activité de distribution d'une marque concurrente, dès lors qu'aucun élément de la procédure ne permet d'affirmer que le changement intervenu comporterait les germes d'une inexécution future du contrat (23). De même a-t-il été jugé que le changement consécutif au rachat d'une société ne peut justifier l'interruption des prestations sans préavis de rupture (24). De dernière part, pour contourner la difficulté, et la Cour de cassation y invite fortement, il faut penser à stipuler une clause essentialisant la personne du cocontractant. Mais quel type de clause ? Visiblement une clause qui viserait directement la société. Et une clause qui ne porterait pas atteinte au principe de libre révocabilité des dirigeants, donc assurément pas une clause prévoyant une résiliation de plein droit en cas de changement de dirigeant (25), ni une clause qui verrouillerait complètement le capital social, empêchant les actionnaires de quitter la société, donc pas une clause d'inaliénabilité des droits sociaux. Certainement donc une clause d'agrément, comme cela est finalement très fréquent en droit des sociétés et en droit de la distribution (26). Et une clause d'agrément d'application très large, concernant par exemple toutes les hypothèses de restructurations (cession, donation, transmission universelle du patrimoine, etc.), agrément dont le refus devra être motivé (27). Une clause, en tout cas, qui devra tenir compte du fait que, de plus en plus, une relation commerciale peut être "suivie" si elle a été nouée avec des partenaires différents (28).
(1) D., 2013, p. 361 ; Gaz. Pal., 14 février 2013, n° 45, p. 28 ; JCP éd. E, 2013, act. 115.
(2) La convention était, en effet, résiliable en cas de décision judiciaire rendue après une faute contractuelle découlant du non-respect par l'une des parties de ses obligations contractuelles, de cessation des paiements, de redressement ou de liquidation judiciaire de l'une des parties, du non-respect des conditions de paiement par le dépositaire, de désaccord du dépositaire sur l'augmentation des prix de la gamme. La résiliation pour cause de cessation des paiements, de redressement ou de liquidation judiciaire de l'une des parties est naturellement illicite.
(3) J. Mestre, M.-E. Pancrazi, I. Arnaud-Grossi, L. Merland et N. Tagliarino-Vignal, Droit commercial, Droit interne et aspects de droit international, 29ème éd., LGDJ, 2012 n° 359 et s..
(4) Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-22.754, F-P+B (N° Lexbase : A5922ITI), Dr. sociétés, décembre 2012, comm. 207, note D. Gallois-Cochet ; Ch. Lebel, Rémunération du gérant de SARL : au nom de la loi, remboursez !, Lexbase Hebdo n° 312 du 11 octobre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N3936BTX).
(5) Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-22.337, F-P+B (N° Lexbase : A6036ITQ), Dr. sociétés, décembre 2012, comm. 207, note D. Gallois-Cochet.
(6) Cass. com., 18 décembre 2012, n° 11-24.305, F-P+B (N° Lexbase : A1643IZU), Dr. sociétés, mars 2013, comm. 48, note M. Roussille ; J.-B. Lenhof, Variations sur le fondement juridique du devoir de loyauté, Lexbase Hebdo n° 327 du 14 février - édition affaires (N° Lexbase : N5758BTG).
(7) Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-16.069, F-D (N° Lexbase : A6898IL3), BRDA, 13/2012, inf. 4.
(8) Cass. com., 3 avril 2012, n° 11-17.130, F-P+B (N° Lexbase : A1168II4), Dr. sociétés juin 2012, comm. 100, note D. Gallois-Cochet ; D., 2012, p. 1006, obs. A. Lienhard ; V. Téchené, La demande d'injonction de procéder au dépôt des comptes sociaux, Lexbase Hebdo n° 293 du 19 avril 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N1539BT8).
(9) Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-10.278, F-P+B (N° Lexbase : A7036IL8), JCP éd. E, 2012, 1510, note R. Mortier ; B. Saintourens, Une société peut obtenir réparation pour un préjudice moral, Lexbase Hebdo n° 301 du 21 juin 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N2466BTI).
(10) C. Prieto, La société contractante, préf. J. Mestre, PUAM, 1994.
(11) Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-16.878, F-P+B (N° Lexbase : A9814DL3), Bull. civ. IV, n° 255 ; RTDCiv., 2006, p. 310, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP éd. E, 2006, 1669 et JCP éd. G, 2006, II, 10013, note H. Hovasse ; Dr. sociétés, 2006, comm. 23, obs. J. Monnet ; RLDC, 2006/24, n° 980, obs. S. Doireau ; Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 591, note X. Vamparys ; LPA, 2007, n° 120, p. 11, obs. D. Poracchia ; R. Kaddouch, La fusion face aux contrats intuitu personae, Lexbase Hebdo n° 201 du 9 février 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N4162AKD).
(12) Sur la vigilance des praticiens v., note X. Vamparys sous Cass. com., 13 décembre 2005, précit., spéc. n° 8.
(13) En ce sens v., Note H. Hovasse sous Cass. com., 13 décembre 2005, précit..
(14) Ibid. : ces éléments étant absents en l'espèce, le contrat ne doit pas être considéré comme conclu intuitu personae.
(15) Cf. N. Tagliarino-Vignal, Les contrats conclus intuitu personae, Lamy Droit du contrat, Etude 156, n° 156-45 et n° 156-50, qui distingue les contrats intuitu personae par essence et les contrats intuitu personae par volonté ; M.-E. André, L'intuitus personae dans les contrats entre professionnels in, Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999, p. 23 ; M. Contamine-Raynaud, L'intuitus personae dans les contrats, thèse Paris II, 1974 ; D. Krajeski, L'intuitus personae dans les contrats, thèse Toulouse I, 1998 ; Ph. Le Tourneau, J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 200, Contrat "intuitu personae".
(16) Selon A. Viandier, in Les contrats conclus intuitu personae face à la fusion des sociétés, Mélanges Ch. Mouly, Litec, 1998, p. 193, spéc. n° 18, "tous les contrats conclus en considération de la personne [...] ne sont pas pour autant conclus intuitu personae".
(17) CA Paris, 25ème ch., sect. B, 24 mars 2006, n° 04/23205 (N° Lexbase : A9650DP4), Dr. sociétés, 2006, comm. 83, H. Lécuyer. L'auteur approuve sans réserve cette solution des juges parisiens, que la promesse unilatérale d'achat soit analysée, traditionnellement, comme une obligation de faire ou, originalement, comme une véritable convention portant sur une offre, voire un contrat.
(18) Cass. com., 3 juin 2008, deux arrêts, n° 06-18.007, FS-P+B (N° Lexbase : A9219D8X) et n° 06-13.761, FS-P+B (N° Lexbase : A9213D8Q) ; JCP éd. E, 2008, Act. n° 317 ; JCP éd. G, 2008, II, 10154, note C. Maréchal ; JCP éd. E, 2008, 2210, note H. Hovasse ; G. de Foresta, La transmission de contrats de franchise dans le cadre d'une fusion-absorption et d'opérations assimilées : le problème de l'intuitu personae, Lexbase Hebdo n° 315 du 31 juillet 2008 - édition privée (N° Lexbase : N7030BGH).
(19) C. Prieto, La société contractante, préf. J. Mestre, PUAM, 1994, n° 695 et s. Du même auteur, Evènements affectant la personne de la société contractante in, La cessation des relations contractuelles, Colloque de l'Institut de Droit des Affaires, PUAM, 1997, p. 81, spéc. n° 12 (Catherine Prieto parle ainsi d'un intuitus societatis réduit à un intuitus socii).
(20) Obs. E. Chevrier, sous Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-23.676, F-P+B (N° Lexbase : A6180I4N), Dalloz actualité, 11 février 2013.
(21) Cass. com., 29 janvier 2008, n° 07-12.039, FS-P+B (N° Lexbase : A6109D4Z), D., 2008, p. 475, obs. E. Chevrier ; Cass. com., 2 novembre 2011, n° 10-25.323, F-D (N° Lexbase : A5217HZA), Cont. conc. consom., 2012, comm. 11, note N. Mathey, D., 2012, p. 795, note C. Mouly-Guillemaud ; Cass. com., 29 novembre 2009, n° 07-19.248, F-D (N° Lexbase : A1493EPY), Cont. conc. consom., 2010, p. 124, note M. Dany ; Cass. com., 11 septembre 2012, n° 11-14.619, FD (N° Lexbase : A7550ISG). V., toutefois, Cass. com., 31 janvier 2006, n° 03-13.739, F-D (N° Lexbase : A8377DM9), JCP éd. E, 2007, n° 11, p. 23, 1348, obs. D. Mainguy et J.-L. Respaud ; Concurrences, 2006, n° 3, p. 105, obs. Mitchell ; Rev. Lamy Concurrence, juillet-septembre, 2006, 47, obs. M. Béhar-Touchais ; RJ com., 2006, 125, obs. P. Decocq ; Lettre distrib., avril 2006, p. 4 (préavis de six mois pour dix ans de relations d'affaires).
(22) Cass. com., 6 juin 2001, 99-20.831 (N° Lexbase : A5127AT3), Cont. conc. consom., 2001, comm. 160, note M. Malaurie-Vignal ; Cass. com., 18 décembre 2007, n° 05-15.970, F-D (N° Lexbase : A1158D3B), RJDA, 2008, n° 719 ; Cass. com., 7 avril 2009, n° 08-11.572, F-D (N° Lexbase : A4988EGT), JCP éd E, 2009, n° 41, p. 28, obs. Bon-Garcin, Rev. Lamy Concurrence, juillet-septembre, 2009, 41, obs. M. Béhar-Touchais, Concurrences, 2009, n° 3, p. 100, obs. Mitchell. Sur la question de savoir si le point de départ du préavis doit être fixé à la date d'envoi ou à la date de réception de la lettre recommandée de rupture, v., Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-13.072, FS-P (N° Lexbase : A0828AZP), JCP éd. E, 2003, n° 15, p. 660, obs. André.
(23) CA Douai, 2ème ch., sect. 1, 29 septembre 2005, n° 03/00268 (N° Lexbase : A5126IIP), BICC n° 634, 15 février 2006, n° 325.
(24) CA Nancy, 18 février 2004.
(25) Note M. Caffin-Moi, sous Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-23.676, F-P+B, LEDC, mars 2013, p. 1.
(26) CA Montpellier, 16 septembre 2003, n° 01/05348 (N° Lexbase : A3608GBA), JCP éd. E, 2004, n° 12, p. 461, obs. P. Mousseron, Lettre distrib. novembre 2003, p. 2. ; CA Paris, 28 janvier 2004, BRDA, 7/2004, p. 8. Adde P. Le Floch et J.-M. Guégen, La transmission d'une entreprise membre d'un réseau de distribution intégré, in Mélange J. Paillusseau, Dalloz, 2003, p. 335.
(27) Cass. com., 5 octobre 2004, n° 02-17.338 FS-P+B (N° Lexbase : A5597DDN), Bull. civ. IV, n° 181, RTDCiv., 2005, p. 127, obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass. com., 3 novembre 2004, n° 02-17.078, F-D (N° Lexbase : A7573DDT), JCP éd. E, 2005, n° 31-34, p. 1324, obs. D. Mainguy ; Cass. com., 2 juillet 2002, n° 01-12.685, FS-P (N° Lexbase : A0661AZI), Bull. civ. IV, n° 113 ; RTDCiv., 2002, p. 810, obs. J. Mestre et B. Fages.
(28) Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-24.301, F-P+B (N° Lexbase : A6004ITK), BRDA, 19/2012, inf. 24 ; CA Versailles, 19 février 2013, 12ème ch., n° 11/04961 (N° Lexbase : A2173I8Y), BRDA, 5/2013, inf. 20.
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Réf. : Cass. soc., deux arrêts, 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8) et n° 12-11.690, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5935KA3)
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par Bernard Gauriau, Professeur à l'Université d'Angers, Avocat au barreau de Paris (Cabinet Idavocats)
Le 04 Avril 2013
Résumés
- Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I Le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L1277A98) n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. - Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690, FS-P+B+R+I Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et, si les dispositions du Code du travail ont vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires. |
Dans la première espèce (n° 11-28.845), une éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et halte-garderie gérée par l'association Baby Loup, fut licenciée à son retour de congé parental (qui suivait son congé de maternité) le 19 décembre 2008 pour faute grave aux motifs, notamment, qu'elle avait contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de l'association en portant un voile islamique. Estimant qu'elle avait été victime d'une discrimination au regard de ses convictions religieuses, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de son licenciement.
La cour d'appel a jugé que son licenciement était fondé et a rejeté en conséquence sa demande de nullité du licenciement. Les motifs retenus par les seconds juges s'articulaient de la façon suivante : tout d'abord, la cour d'appel a rappelé la teneur des statuts de l'association, lesquels tendent à : "développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et ...oeuvrer pour l'insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier, [...] répondre à l'ensemble des besoins collectifs émanant des familles, avec comme objectif la revalorisation de la vie locale, sur le plan professionnel, social et culturel sans distinction d'opinion politique ou confessionnelle". Elle en tire ensuite une première conséquence, à savoir une exigence de "neutralité du personnel dès lors qu'elle a pour vocation d'accueillir tous les enfants du quartier quelle que soit leur appartenance culturelle ou religieuse" étant entendu que "ces enfants, compte tenu de leur jeune âge, n'ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse, que tel est le sens des dispositions du règlement intérieur entré en vigueur le 15 juillet 2003, lequel, au titre des règles générales et permanentes relatives à la discipline au sein de l'association, prévoit que le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche". La cour juge, dans un second temps, que les restrictions ainsi prévues apparaissent justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché au sens des articles L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) et L. 1321-3 (N° Lexbase : L8833ITC) du Code du travail, étant considéré que la salariée, au titre de ses fonctions, était en contact avec les enfants.
Dans la seconde espèce (n° 12-11.690), une salariée avait été engagée par une caisse primaire d'assurance maladie en qualité de technicienne prestations maladie. Le règlement intérieur de la caisse a été complété le 10 février 2004 par une note de service interdisant "le port de vêtements ou d'accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit" et, notamment, "le port d'un voile islamique, même sous forme de bonnet". Elle fut licenciée le 29 juin 2004 aux motifs qu'elle portait un foulard islamique en forme de bonnet. Elle a pareillement saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la nullité de son licenciement en soutenant que celui-ci était discriminatoire au regard de ses convictions religieuses.
Comme dans la première espèce, la cour d'appel a rejeté la demande. Dans son pourvoi, la salarié fit valoir divers arguments. Tout d'abord, elle affirma que les principes de laïcité et de neutralité n'ont vocation à s'appliquer qu'à l'Etat, aux collectivités publiques, aux personnes morales de droit public et à leurs agents. En conséquence, celle-ci n'étant pas un agent de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'une personne morale de droit public, mais une salariée de droit privé travaillant pour le compte d'une personne morale de droit privé, elle ne pouvait se voir opposer semblables principes.
Ensuite, elle reprocha aux juges de ne pas avoir recherché si au regard des fonctions qu'elle exerçait, lesquelles ne la conduisaient pas à être en contact avec les assurés, l'interdiction qui lui était ainsi faite de porter un "foulard en bonnet", était justifiée au regard de la nature des tâches qu'elle avait à accomplir et proportionnée au but recherché. Enfin, elle rappela qu'un règlement intérieur ne saurait apporter de restriction générale à l'exercice d'une liberté fondamentale.
La Cour de cassation va rendre deux arrêts qui, pour être en sens contraires, n'en sont pourtant pas contradictoires.
Dans la première espèce, sous le visa des articles L. 1121-1, L. 1132-1 (N° Lexbase : L8834ITD), L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97) et L. 1321-3 du Code du travail, et de l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4799AQS), la Cour de cassation va casser l'arrêt rendu par la cour d'appel. Elle affirme dans un attendu de principe que "le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ; qu'il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail ; qu'il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du Code du travail que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché".
Dans un second temps, elle souligne ce que la cour d'appel a constaté elle-même à savoir que le règlement intérieur de l'association Baby Loup prévoit que "le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche". Elle en déduit que la clause du règlement intérieur, "instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l'article L. 1321-3 du Code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul".
Dans la seconde espèce, la Cour de cassation, va au contraire, rejeter le pourvoi. Elle approuve, en effet, la cour d'appel d'avoir retenu "que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du travail ont vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires".
Or, la salariée exerçait ses fonctions dans un service public en raison de la nature de l'activité exercée par la caisse, qui consiste notamment à délivrer des prestations maladie aux assurés sociaux, qu'elle travaillait en particulier comme "technicienne de prestations maladie" dans un centre accueillant en moyenne six cent cinquante usagers par jour, peu important que la salariée soit ou non directement en contact avec le public. La cour d'appel a eu raison d'en conclure que la restriction instaurée par le règlement intérieur de la caisse était nécessaire à la mise en oeuvre du principe de laïcité de nature à assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public.
C'est donc le domaine du principe de laïcité qui est ici précisé à l'occasion de deux arrêts qui ne resteront peut-être pas sans conséquences.
I - Domaine du principe de laïcité
Apparu en dehors du champ du droit du travail, il s'y manifeste désormais.
A - En dehors du champ du droit du travail
Selon l'article 1er de la Constitution, la République est laïque, "elle respecte toutes les croyances" tout en conservant une neutralité envers chacun d'entre elles (1).
Si le principe de laïcité n'a longtemps concerné que les programmes scolaires ou les enseignants eux-mêmes (2), la question a trouvé ces derniers temps à s'illustrer à propos de la réglementation du port des insignes religieux à l'école. Dans un avis rendu le 27 novembre 1989 (CE, Avis, 27 novembre 1989, n° 346893 N° Lexbase : X4358ADR, RFDA, 1990, 6), le Conseil d'Etat de souligner que "le principe de laïcité de l'enseignement qui est l'un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect d'une part de cette neutralité par les programmes et par les enseignants, d'autre part de la liberté de conscience des élèves". Les élèves ont donc le droit d'exprimer leurs croyances religieuses mais dans une certaine limite : "dans la mesure où [son exercice] ferait obstacle à l'accomplissement des missions dévolues par le législateur au service public de l'éducation lequel doit notamment, [...] contribuer au développement de sa personne , lui inculquer le respect de l'individu, de ses origines et de ses différences, garantir et favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes [...]" (3).
Depuis, fut promulguée la loi du 15 mars 2004 (loi n° 2004-228 N° Lexbase : L1864DPQ) qui prohibe dans les écoles, collèges et lycées publics "le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse", ce qui rend illégal le port du voile islamique ou le turban sikh (4).
Enfin, récemment, le Conseil constitutionnel (5) s'est prononcé après, saisine par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association pour la promotion et l'expansion de la laïcité, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes. Il y affirme qu'"il ressort tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu'en proclamant que la France est une 'République [...] laïque', la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte".
B - Au sein du droit du travail
La Chambre sociale opère une distinction.
- Tout d'abord, les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du Code du travail ont vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires. Il s'agit d'un écho lointain de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat du 13 mai 1938 (CE, 13 mai 1938, n° 57302, "Caisse primaire Aide et protection" N° Lexbase : A9731A7K, Rec. Lebon p. 417), dans lequel il a jugé que des personnes morales de droit privé pouvaient gérer des missions de service public, ce qui est le cas d'une caisse primaire d'assurance maladie.
- En revanche, le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail. Il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du Code du travail que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.
Comme la Cour de cassation le relève dans son communiqué, les articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du Code du travail intègrent les dispositions de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4). Cette référence explique la formulation employée par la Cour de cassation, qui n'est pas rigoureusement conforme à la lettre des articles issus du Code du travail.
L'article L.1121-1 du Code du travail dispose, en effet, que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions "qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
Tandis que la Directive en question indique dans son 24ème considérant que : "[...] les Etats membres peuvent maintenir ou prévoir des dispositions spécifiques sur les exigences professionnelles essentielles, légitimes et justifiées susceptibles d'être requises pour y exercer une activité professionnelle". Si l'article 1er (objet) dispose que "la présente Directive a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les Etats membres, le principe de l'égalité de traitement", l'article 4 ajoute (exigences professionnelles) que : "les Etats membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l'un des motifs visés à l'article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée".
Et la Cour de cassation de relever que "les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché", ce qui revient à faire la synthèse de tous ces textes.
N'oublions pas l'article 9 de la CESDH (liberté de pensée, de conscience et de religion), cité dans le visa de la première espèce, selon lequel "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".
II - Conséquences
Celles-ci sont de deux ordres.
- De lege lata, la Cour de cassation rappelle qu'un employeur privé s'il ne peut opposer aux salariés le principe de laïcité, lequel n'opère ni à l'intérieur, ni à l'extérieur du domaine privé de l'entreprise, peut limiter la liberté religieuse si cette limitation est justifiée par la nature de la tâche à accomplir, répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.
Techniquement, c'est la clause du règlement intérieur litigieuse qui ne répond pas aux exigences de l'article L. 1321-3 (pour contenir de dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché) et par ricochet le licenciement prononcé sur son fondement qui est nul. Il s'évince de ce constat qu'un règlement intérieur pourrait limiter la liberté religieuse dans le cas contraire. On imagine ici, au titre d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante, des raisons relevant de la sécurité voire de la santé de la salariée, mais il semble que le seul argument du contact avec la clientèle ne saurait suffire.
- De lege ferenda, l'arrêt "Baby Loup" a provoqué de la part d'une partie de la classe politique un certain nombre de réactions. Parmi celles-ci, s'est manifestée la proposition d'étendre par voie législative à différents secteurs de la vie économique, notamment aux institutions privées gérant des services à l'enfance, la règle existant dans les administrations et les services publics, déduite du principe de neutralité des pouvoirs publics, d'interdiction générale, pour les agents, du port de signes religieux. Il n'est toutefois pas certain, qu'une loi, si elle voyait le jour, passerait le filtre du Conseil constitutionnel. Outre le principe de non discrimination, l'article 9 de la CESDH protège la liberté religieuse. Pour autant, si la liberté de religion protège les salariés contre des restrictions injustifiées visant la manifestation de leurs convictions, elle ne leur permet pas de prétendre à un traitement spécifique.
(1) Ph. Ardant, B. Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, LGDJ, 2012, 24ème édition, n° 665.
(2) CE, 10 mai 1912, n° 46027, "Abbé Bouteyre" (N° Lexbase : A7183B78).
(3) V. L. Favoreux et alii, Droit des libertés fondamentales, Précis Dalloz, 2012, 6ème édition, n° 349.
(4) CE, 4° et 5° s-s-r., 5 décembre 2007, n° 285394 (N° Lexbase : A0203D3W), RFDA, 2008, 529, L. Favoreux et alii, op.cit. p.367.
(5) Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 (N° Lexbase : A2772I88) (Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle) ; v. aussi, Le Moehrling, Traité de droit français des religions, Lexis Nexis, 2ème édition, 2013.
Décisions
- Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8) Cassation, CA Versailles, 11ème ch., 27 octobre 2011, n° 10/05642 (N° Lexbase : A9204HZW) Textes visés : C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P), L. 1132-1 (N° Lexbase : L8834ITD), L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97) et L. 1321-3 (N° Lexbase : L8833ITC), CESDH, art. 9 (N° Lexbase : L4799AQS) Mots-clés : principe de laïcité, employeurs de droit privé, service public, crèche, liberté religieuse, règlement intérieur Liens base : (N° Lexbase : E2668ETY) - Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5935KA3) Rejet, CA Paris, Pôle 6, 6ème ch., 9 novembre 2011, n° 10/01263 (N° Lexbase : A9004H3U) Textes visés : néant Mots-clés : principe de laïcité, organismes de droit privé, service public, caisses primaires d'assurance maladie, liberté religieuse, règlement intérieur Liens base : (N° Lexbase : E2668ETY) |
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 04 Avril 2013
Le crédit d'impôt recherche (CIR), codifié à l'article 244 quater B du CGI (N° Lexbase : L0202IWE), constitue l'une des plus importantes niches fiscales depuis la réforme de 2008. Alors que le dispositif reste inchangé en 2012 par rapport à ce qui s'appliquait en 2011, à compter du CIR de 2013, les taux bonifiés pour les primo-déclarants sont supprimés. Ainsi, le taux de 40 % de CIR la première année et de 35 % la deuxième année n'existent plus. De plus, les professionnels ont assisté à une augmentation du nombre des vérifications de l'administration, qui opère un contrôle plus strict et attentif des critères d'éligibilité.
La situation entourant le crédit d'impôt recherche est ambiguë. D'un côté, le Gouvernement annonce qu'il souhaite aider les PME qui font de la R&D, mais, de l'autre côté, l'administration applique des contre-mesures afin de ne pas avoir à payer les créances qui naissent de l'imputation du CIR. Selon Manuel Gea, le guide du crédit d'impôt recherche, publié par le ministère de la Recherche, comporterait des erreurs, alors qu'il sert de fondement à l'administration et aux commissaires aux comptes. La définition des dépenses éligibles, notamment, fait l'objet de discordances entre la loi, les ministères et l'administration fiscale. Le durcissement opéré avec la fin des taux majorés pour les primo-déclarants rencontre l'incompréhension des professionnels.
Cette volonté affichée de vouloir aider les PME est contournée par les grands groupes qui créent des PME en-dehors du périmètre d'intégration, auxquelles ils attribuent les activités de R&D.
Le remboursement de la créance de crédit d'impôt recherche est traité par le département contentieux de Bercy. Or, les personnes le composant sont soumis à des objectifs chiffrés, qui freinent les remboursements. Malheureusement, et sous le hochement de tête des auditeurs, la loi n'est pas appliquée partout de la même façon par les contrôleurs des impôts, et il existe une carte officieuse des endroits les plus propices à l'implantation d'une activité de R&D, qui tient de l'animosité ou de la compréhension du service.
Malgré ces constatations pessimistes, les entreprises peuvent bénéficier, à compter de 2013, d'un nouveau crédit d'impôt, appelé "crédit d'impôt innovation", qui accompagne l'entreprise entre la phase de démarrage, durant laquelle elle a accès au CIR, et la phase de commercialisation. En outre, certaines dépenses qui échappaient jusqu'à présent au CIR entrent désormais dans son champ.
Les professionnels du droit le martèlent sans cesse : les entreprises ne sont pas assez préparées aux contrôles fiscaux. Or, un contrôle fiscal fait appel à des ressources de l'entreprise, en termes d'informations, auxquelles il est impossible d'échapper. On retrouve cette exigence pour le CIR.
Les activités éligibles touchent à la création ou l'amélioration d'un produit, d'un procédé, d'un processus, d'un programme ou d'un équipement, présentant une originalité ou une amélioration substantielle. Les dépenses retenues sont celles relatives au personnel, au fonctionnement (50 % des dépenses de personnel), les dotations aux amortissements, les frais d'investissement (75 % des dotations aux amortissements), les frais liés aux dépôts et à la maintenance des brevets, ainsi qu'à leur défense, les dépenses dédiées à la veille technologique (plafonnée à 60 000 euros), et le coût des travaux confiés à des organismes publics de recherche ou à des centres techniques.
Les cinq critères permettant de définir une dépense éligible sont les suivants :
- le critère d'innovation. Il s'agit de comparer l'objet du projet de recherche avec l'état de l'art, c'est-à-dire avec les connaissances que l'Homme a déjà ;
- le critère des progrès accomplis par l'entreprise. Ce critère demande à l'entreprise d'aller plus loi que les simples compétences et les problématiques internes qu'elle connaît déjà, il faut que le projet dépasse sa seule utilité en interne ;
- le critère de l'aléa technique ;
Ces trois critères concourent à 90 % de l'éligibilité du projet au CIR.
- le critère des ressources. L'entreprise doit mettre à la disposition de son projet de recherche du personnel et une certaine valeur ajoutée. En France, les contrôleurs ont tendance à demander les diplômes des salariés. Or, parfois, ces derniers ont été formés dans l'entreprise, et n'ont pas de diplôme dédié (c'est le cas des "ingénieurs maison"). L'entreprise devra donc prouver pourquoi cet employé est qualifié et compétent et pourquoi les dépenses qu'elle engage pour le rémunérer entrent dans l'assiette du CIR ;
- le critère du processus. Le projet va rencontrer des difficultés, parfois des retours en arrière. L'entreprise doit démontrer qu'il n'est pas linéaire.
L'administration peut présenter à l'entreprise une demande d'information complémentaire (DIC). Le contribuable est appelé à fournir les éléments précis et directement utilisables par l'administration en rapport avec le CIR. L'administration doit indiquer explicitement les points sur lesquels porte sa demande. Elle fixe au contribuable le délai de réponse, sachant que ce délai est de trente jours minimum (LPF, art. L. 11 N° Lexbase : L8436AE8). Le contribuable peut faire une demande de prorogation de délai, qui est presque toujours accordée.
La réponse du contribuable doit être appuyée par des preuves convaincantes ou requises par la loi. Le contribuable qui ne répond pas dans un délai de deux mois (délai et prorogation de délai), s'expose à une procédure de taxation d'office (LPF, art. L. 66 N° Lexbase : L8954IQP). Si la réponse est insuffisante, l'administration le met en demeure de préciser ses dires sous 30 jours sinon la taxation d'office lui est opposable. Et, en effet, si la seconde réponse est à nouveau insuffisante, l'administration met en place cette procédure.
Le contribuable ne dispose pas des mêmes armes de recours que lors d'un contrôle fiscal. Il peut uniquement utiliser les recours contentieux (réclamation préalable puis saisine du tribunal administratif). Un recours hiérarchique peut toujours être tenté mais n'est pas de droit.
L'entreprise doit donc préparer sa documentation bien en amont du contrôle fiscal. Elle doit répondre à deux objectifs : tout d'abord, les contrôleurs vérifient les chiffres, les montants des dépenses. Il faut donc justifier chaque dépense qui donnera lieu à l'application du CIR, avec les factures, les DADS, etc.. Pour le personnel, il est nécessaire de montrer les CV, les diplômes, les publications scientifiques et autres réalisations. Les informations doivent être les plus explicites possibles concernant la méthodologie de calcul, par exemple concernant la valorisation du personnel. L'entreprise doit montrer "patte blanche". Le second objectif que doit remplir la documentation porte sur la partie technique. L'entreprise doit justifier la valorisation des projets. Elle partira de l'objectif qu'elle cherche à atteindre, en montrant son caractère innovant, puis elle montrera le cahier des charges et expliquera le contexte (cette partie n'est pas critique lors d'un contrôle mais elle est importante pour renseigner le contrôleur). Enfin, et cette partie est critique lors du contrôle, l'entreprise doit démontrer l'originalité de son projet par rapport à l'état de l'art, avec une bibliographie scientifique, notamment, ou des brevets.
Cette documentation doit être en état de présentation à l'administration lors du dépôt de la déclaration CIR. L'élaboration de cette documentation est longue, puisqu'elle prend 60 à 80 % du temps passé sur la déclaration qu'elle va accompagner.
Trois phases se dessinent ensuite pour l'entreprise : la phase de contrôle ; la phase administrative ; et la phase juridictionnelle.
La phase de contrôle est très courte, elle se situe, en terme de temps, entre l'avis de vérification et la proposition de redressements. Si cette phase est courte, sa préparation est longue et fastidieuse. La documentation doit être opérationnelle, car, lors de cette phase, et après l'éventuel recours hiérarchique, les discussions sur le fond seront plus ténues. En effet, l'entreprise peut discuter avec le contrôleur et son expert de sa bonne foi concernant l'éligibilité des dépenses de recherche en raison de leur nature, alors que cela est beaucoup plus difficile lors de la réclamation, et encore plus devant le juge. Depuis février 2013, un décret est venu préciser les modalités d'intervention de l'administration. Il encadre des pratiques qui, jusqu'ici, étaient tacites, comme la prorogation de délai (de trente à soixante jours). De plus, l'entreprise peut solliciter un entretien avec un expert du ministère. Celui-ci n'est, toutefois, tenu que de discuter de l'éligibilité des dépenses dans leur ensemble, et pas projet par projet, même si la plupart du temps, ils se prêtent à cette précision.
Lors de la phase de réclamation, l'entreprise va réunir un maximum de preuves visant à empêcher le redressement, mais aussi à préparer une éventuelle saisine du juge. Un des membres de l'auditoire nous fait part d'une technique que peuvent utiliser les entreprises qui effectuent de la recherche. Elles peuvent demander à l'administration, par le biais d'un rescrit notamment, si leur projet est éligible au CIR. En cas de réponse positive de l'administration, l'entreprise peut réclamer l'application du CIR sur les trois années précédentes. En effet, la réclamation ne devient plus seulement un moyen pour l'entreprise de se défendre, mais elle se transforme en moyen de récupérer un dû ! Ce type de réclamation n'entre pas dans le cadre d'un contrôle fiscal, mais permet de diminuer les risques de contrôle.
Enfin, la phase contentieuse est celle qui demande le plus de temps. En cas d'erreur flagrante de l'administration, le juge ne prononce pas de dommages-intérêts, mais l'entreprise peut obtenir le remboursement des frais irrépétibles (droits de timbre, envois postaux, reprographies ou frais d'avocat).
En termes de chiffres, on dénombre environ 15 000 déclarants CIR. Selon le cabinet Arsene Taxand, 5 % de leurs clients déclarants CIR subissent un contrôle. Chez F. Iniciativas, ce taux est plutôt porté à 20 %. Les contrôles visent, le plus souvent, les entreprises qui demandent le remboursement de leur créance CIR et celles qui opèrent des fusions-acquisitions avec des entreprises de recherche. Pour plus d'information, un agent de l'administration indique à l'auditoire qu'un rapport CIR, rédigé par Laurent Martel et Alexis Masse, en septembre 2010, est disponible.
Le crédit d'impôt innovation
En 2013, la grande nouveauté est l'apparition du crédit d'impôt innovation (CII). Emanation du crédit d'impôt recherche, ce dispositif vise à accompagner l'entreprise qui ne peut plus bénéficier du CIR sans pouvoir, pour autant, commercialiser son produit fini. En effet, les phases d'expérimentation, l'essai des prototypes, n'entrent plus dans le champ du CIR. Elles sont accueillies au sein du CII.
Le législateur a cadré les dépenses éligibles au CII sur les prototypes et les installations pilote. Le CII est à destination des PME, puisqu'il porte sur une assiette limitée à 400 000 euros. Son taux est de 20 %, ce qui signifie que, chaque année l'entreprise pourra bénéficier d'un crédit d'impôt innovation de 80 000 euros. On attend le BoFip - Impôts sur le CII pour en savoir plus sur les dépenses éligibles à son assiette, sachant qu'a priori elles seraient calquées sur celles éligibles au CIR. La loi dispose que le CII porte sur les opérations de conception de prototypes de nouveaux produits ou installations pilotes de même nature autres que les prototypes et installations pilotes valorisés dans le CIR. Les conditions cumulatives d'appréciation de la nouveauté d'un produit sont les suivantes : le produit n'est pas encore mis sur le marché, et ses performances sont supérieures à l'existant sur le plan technique, de l'éco-conception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités. Sont comprises, les dépenses de personnel, les dotations aux amortissements, les frais de fonctionnement (un forfait est appliqué), les dépenses externes sous conditions, les frais de brevet, de composés organiques volatiles et de dessins et modèles. Il est à noter que, contrairement à ce qui se passe dans le cadre du CIR, les subventions et les avances remboursables n'entrent pas dans l'assiette du CII.
En Espagne, un tel dispositif existe déjà. Les entreprises placent sous l'égide du CII les dépenses qui échappent au CIR. Alors qu'en France, le CII doit succéder au CIR, il est probable qu'une telle utilisation soit reprise. Ainsi, l'entreprise va chercher à regrouper toutes ses dépenses de R&D, et les ventilera selon qu'elles entrent dans le champ du CIR (qui aura la priorité, son taux étant plus élevé et son assiette illimitée), ou selon qu'elles n'y entrent pas, et dans ce cas elles intègreront l'assiette du CII. Le crédit d'impôt innovation financera des phases et des projets complémentaires à la R&D. Encore une fois, le BoFip - Impôts devrait éclairer les professionnels sur la nature des dépenses éligibles.
Une telle utilisation devra, bien entendu, être particulièrement documentée. L'entreprise devra démontrer à l'administration pourquoi telle dépense donne lieu au CIR et non au CII et pourquoi en phase de recherche certains postes de crédit sont soumis au CII.
Le rescrit
Pour sécuriser le crédit d'impôt recherche, l'entreprise peut faire usage d'une procédure de rescrit qui lui est dédiée (LPF, art. 80 B, 4° N° Lexbase : L0201IWD). En effet, le contribuable peut, avant le dépôt de la déclaration 2069 A, questionner l'administration fiscale sur l'éligibilité d'une valorisation du CIR.
La demande doit être complète, précise et exacte. Il est interdit de saisir d'une même demande plusieurs services simultanément ou successivement. Le dépôt du rescrit s'opère obligatoirement six mois avant la date de dépôt de la déclaration. L'administration fiscale, qui peut faire appel au ministère de la Recherche ou à l'un des organismes chargés de soutenir l'innovation (Oseo,...), doit répondre sous trois mois à compter de la réception du dossier complet, sinon elle est réputée avoir tacitement validé le projet. En cas de rejet de la demande, elle doit en motiver les raisons. Deux mois après la notification du rejet, un second examen est possible.
Lorsque le projet a été validé, le droit de reprise est supprimé. La réponse de l'administration peut, en outre, servir de position lors d'un contrôle fiscal.
Jusqu'à aujourd'hui, une demande de rescrit posait des problèmes, car elle devait intervenir avant que le projet ait commencé. Désormais, cette demande peut être adressée à l'administration jusqu'à six mois après le début du projet.
Les demandes de rescrit sont surtout intéressantes dans le cas des entreprises IT (technologies de l'information), car la jurisprudence n'a pas encore clarifié tout à fait les choses, alors que, dans le monde de l'industrie, les réponses aux éventuelles questions des entreprises ont été apportées par le juge. Attention aussi au fait que le rescrit donne l'accord de l'administration sur la nature des dépenses éligibles, mais pas sur leur montant ou leur mode de calcul.
Les avances d'Oséo
Oséo, entreprise publique, qui fonctionne comme une banque, aide les PME et autres entreprises à se financer. Notamment Oséo intervient en parallèle au CIR, en prêtant aux entreprises qui ont une créance CIR mais qui ne peuvent encore en obtenir le remboursement. En effet, les PME peuvent obtenir le remboursement immédiat de leur créance CIR, mais pas les autres entreprises. Elles doivent attendre trois ans. Oséo prête donc aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) en attendant qu'elles reçoivent le remboursement de leur créance. Malheureusement, alors que la créance CIR ne comporte pas d'intérêt, le prêt d'Oséo en est assorti. Mais cela constitue une avance de trésorerie.
Le financement s'opère dès le début des travaux. L'entreprise présente à Oséo son dossier CIR et la banque lui prête sur deux ans, avec un différé de remboursement sur dix-huit mois. Le remboursement s'opère donc sur les derniers six mois du prêt. Le prêt est accordé lorsque le montant du CIR dépasse 30 000 euros, c'est-à-dire lorsque le montant de l'assiette éligible est de 90 000 euros minimum.
Deux méthodes sont utilisées par les entreprises pour déterminer leur assiette de crédit d'impôt recherche :
- la méthode soustractive (approche "top-down"). L'entreprise évalue l'ensemble des coûts associés à la R&D, et élimine les coûts représentant des travaux trop proches de la production et les coûts marketing. Dans cette masse, elle identifie différents projets "éligibles" et les documente. Pour chaque projet, elle répète l'étape précédente afin d'atteindre un taux de couverture (projets éligibles / coût de R&D à valoriser) satisfaisant. Cette méthode n'est pas recommandée par les intervenants. En effet, cette méthode est remise en question par l'administration car elle ne permet pas de justifier l'ensemble des travaux valorisés ;
- la méthode additive (approche "bottom-up"). L'entreprise déterminer les projets éligibles, évalue les dépenses associées à ces projets et documente tous les projets identifiés.
Les requêtes du ministère de la Recherche s'inscrivent logiquement dans le cadre des recommandations de l'administration en termes de présentation de dossiers CIR (héritées du manuel OCDE de Frascati). Ces recommandations se résument en trois points principaux : la documentation est présentée par projet scientifique et technique ; pour chaque projet, il doit être possible de ne retenir que certaines phases ou activités, et d'en exclure d'autres qui ne seraient pas éligibles ; pour chaque projet ou chaque phase de projet retenue, l'entreprise doit lister les salariés impliqués, le temps qu'ils ont passé à cette phase, et les dépenses qui en découlent (au prorata du salaire).
En conclusion, le dispositif du crédit d'impôt recherche reste un outil unique au monde pour le financement de la R&D, et est attractif. Toutefois, en tant que dispositif coûteux, il fait logiquement l'objet d'une attention particulière de la part de l'administration fiscale. Le nouveau crédit d'impôt innovation satisfait certaines requêtes des PME seulement, en raison du plafonnement de son assiette. Mais sa mise en place soulève de nombreuses questions.
La sécurisation globale des ces dispositifs devient plus que jamais un enjeu primordial pour les entreprises de R&D.
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Le 04 Avril 2013
Matinée : politique pénale générale
Ouverture des Etats Généraux - Accueil des participants
Nathalie Barbier, Membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers
Jean-Luc Forget, Président de la Conférence des Bâtonniers
Eric Azoulay, Membre du Bureau du CNB
Robert Feyler, Bâtonnier du barreau de la Seine-Saint-Denis
Médiateur permanent
Elisabeth Cédile, Expert près la cour d'appel de Paris, Psychologue clinicienne
La politique publique de l'aide aux victimes
Elisabeth Moiron-Braud, Magistrat, Adjointe au chef de service et Chef du B.A.V. et de la politique associative, Service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes, Ministère de la Justice
La défense des victimes devant les juridictions
Rémi Heitz, Président du tribunal de grande instance de Bobigny
L'évolution de la politique des femmes victimes de violences, l'organisation pratique
Sylvie Moisson, Procureur du Tribunal de Grande Instance de Bobigny
Ernestine Ronai, Responsable de l'Observatoire des Violences faites aux femmes
Médiateur, Michelle Liccioni, Avocat au barreau des Yvelines
La gestion des plaintes des victimes par le Parquet
Monsieur Ribes, Procureur de la République Adjoint du TGI de Meaux
Médiateur, Monsieur Gerphagnon, Bâtonnier du barreau de Meaux
Le rôle des associations de victimes
Sabrina Bellucci, Directrice de l'INAVEM
Jérôme Jannic, Directeur de SOS Victimes 93
Médiateur, Zohra Primard, Bâtonnier du barreau de l'Essonne
Véronique Dagonet, Bâtonnier du barreau du Val-de-Marne
L'Europe et la Directive européenne
Jean-Jacques Forrer, Président de la DBF
Michel Bénichou, 3ème vice Présidence du CCBE
- Déjeuner Maison de l'Avocat -
Après midi : techniques et mise en pratique
L'accueil et la prise en charge des plaignants dans les commissariats
Thierry Poilvert, Commandant de police, chef de circonscription par intérim, Sens
Serge Costello, Directeur adjoint de la sécurité publique de la Seine-Saint-Denis
Médiateur, David Kahn, Bâtonnier de Sens
Rapport "Dinthilac" : synthèse et évolution
Blandine Heurton, Avocat au barreau du Val d'Oise
Delphine Casadei, Avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis
Laurence Imbert, Avocat au barreau de Melun, Présidente de la conférence régionale
des Barreaux d'IDF
Docteur Bejui-Hugues, délégué général de l'AREDOC
Les assurances et la loi de 1985, la protection juridique
Pascal Eydoux, ancien Président de la Conférence des Bâtonniers
Les accidents du travail et maladies professionnelles
Fabrice Grout, Directeur du Service Juridique Fédéral de la FNATH
Médiateur, Sylvie Leroy, Ancien Bâtonnier du barreau de l'Eure-et-Loir
Le recouvrement des dommages et intérêts
Jean-Pierre Choquet, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine
Conclusions et propositions
Nathalie Barbier, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers
Jean Gaston Moore, Avocat Honoraire
Alain Marter, ancien Président UNCA, membre du CNB
Elisabeth Cédile, psychologue clinicienne
Remerciements
Catherine Dominique-Droux, Zakia Bey, Zouina Lalam Crèze, Barbara Wallaert, Axelle Volkaert, Rebecca Stenne, Isabelle Zouaoui Avocats au barreau de la Seine-Saint-Denis
7 heures validées pour la formation continue obligatoire des avocats
Palais de Justice
Salle de la Cour d'Assises numéro 1
173, avenue Paul Vaillant Couturier - 93000 Bobigny
Nombre de places limité, inscription préalable impérative à :
Maison de l'Avocat et du Droit
11/13 rue de l'indépendance - 93011 Bobigny
Tel : 01 41 60 80 80 - Télécopie : 01 41 60 80 89
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par Guillaume Beaussonie, maître de conférences en droit privé, membre du CRDP de l'Université François-Rabelais de Tours (EA 2116), et Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice
Le 22 Octobre 2014
L'article 385, alinéa 1er, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3791AZG) interdit au prévenu de se prévaloir des nullités antérieures de la procédure lorsque la saisine du tribunal correctionnel résulte d'une ordonnance de renvoi du juge d'instruction ou d'un arrêt de la chambre de l'instruction suivant la même finalité. Les dérogations à cette règle, destinée à purger les vices de la procédure antérieure afin de ne pas la fragiliser indéfiniment, sont limitativement prévues par les alinéas suivants et concernent les hypothèses dans lesquelles les formalités de la fin d'information édictées par l'article 175 du même code (N° Lexbase : L3780IG4) n'ont pas été respectées.
C'est sur la base de la première disposition que la Chambre criminelle de la Cour de cassation décide, par un arrêt en date du 16 janvier 2013, qu'un prévenu en fuite, qui n'a pas profité de la fin de l'information pour soulever les nullités de l'instruction devant la chambre du même nom, ne peut ensuite s'en prévaloir devant le tribunal correctionnel (1).
Rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 17 janvier 2012, la Cour de cassation décide qu'"en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que, d'une part, en application de l'article 385, alinéa 1er, dudit Code, la juridiction correctionnelle, saisie par une ordonnance de renvoi, n'a pas qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, d'autre part, le prévenu qui n'ignorait pas qu'il était recherché, s'est mis volontairement en fuite, afin de se soustraire à la justice et ne peut donc bénéficier des autres dispositions dudit article".
La lecture de cet attendu rappelle immédiatement un arrêt récent de la Cour européenne des droits de l'Homme, "Abedlali contre France", en date du 11 octobre 2012 (2). La France avait alors été condamnée pour violation du droit à un procès équitable, faute d'avoir permis à un prévenu, considéré comme étant en fuite, de soulever la nullité des actes de l'instruction à l'occasion de son nouveau jugement par le tribunal correctionnel, après opposition. Dans cette décision, la Cour de Strasbourg analyse d'abord l'éventuelle situation de fuite et estime que "la simple absence du requérant de son lieu de résidence habituel ou du domicile de ses parents ne suffit pas pour considérer que le requérant avait connaissance des poursuites et du procès à son encontre. On ne saurait donc en déduire qu'il était en fuite' et a essayé de se dérober à la justice" (§ 54). Elle ajoute que, "dans ces conditions, la Cour est d'avis qu'offrir à un accusé le droit de faire opposition pour être rejugé en sa présence, mais sans qu'il puisse contester la validité des preuves retenues contre lui, est insuffisant et disproportionné et vide de sa substance la notion de procès équitable" (§ 55) et conclut à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
Dans l'affaire tranchée le 16 janvier 2013 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, la situation différait puisqu'il ne s'agissait pas, pour le prévenu, de bénéficier d'un nouveau procès après opposition. Néanmoins, elle était comparable. En effet, le prévenu contestait avoir été en fuite et soutenait n'avoir été ni informé des recherches le concernant, ni avisé de la fin de l'information, ce qui l'autorisait, selon lui, à soulever les nullités de la phase de l'instruction en vertu de l'exception édictée par l'article 175 du Code de procédure pénale. Pour la cour d'appel, c'est sa situation de personne en fuite, démontrée par la réunion de plusieurs éléments factuels, qui le rendait irrecevable à se prévaloir des mêmes nullités.
La Cour de cassation valide cette solution et la deuxième partie de son attendu principal laisse penser que, malgré une première phrase d'apparence péremptoire, la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme a été prise en compte puisque la Chambre criminelle a vérifié, en l'espèce, la réalité de l'état de fuite du prévenu qui entendait soulever les nullités de l'instruction devant le tribunal correctionnel.
En outre, elle ajoute, au sein du même attendu et dans un troisième temps, une garantie destinée à se prémunir de tout reproche quant au respect du droit à un procès équitable. Elle relève, en effet, que le prévenu "a été mis en mesure de discuter, devant la juridiction de jugement, la valeur probante de l'ensemble des éléments réunis contre lui". Néanmoins, cet ajout présenté comme une garantie supplémentaire, n'est pas très utile. Il vaut pour tout prévenu, indépendamment de la question des nullités et il ne peut, en soi, suffire à justifier l'interdiction de soulever une nullité dans un système fondé sur la libre appréciation des preuves par la juridiction de jugement. En effet, contester une preuve sur le seul fond, alors même qu'elle a été irrégulièrement recueillie, ne permet pas de réparer le vice qui l'affecte.
Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice
II - Le juge des libertés et de la détention et la cour d'assises
Alors que le rôle du juge d'instruction cesse avec le règlement de l'information, la fonction du juge des libertés et de la détention s'opère jusqu'à la décision relative à la culpabilité. Ce dernier ne représente donc pas que "l'autre juge" de la phase d'instruction. Telle pourrait être la leçon de cet arrêt du 22 janvier 2013.
En l'espèce, un accusé comparaissant libre lors d'une audience de cour d'assises prenait la fuite. La juridiction criminelle délivrait alors un mandat d'arrêt à son encontre et renvoyait l'examen de l'affaire à une audience ultérieure. Finalement arrêté au Portugal, puis remis à la France en exécution d'un mandat d'arrêt européen, l'accusé était incarcéré, sans avoir été préalablement présenté à un juge des libertés et de la détention. Du point de vue des juges du fond, une telle présentation n'était effectivement pas nécessaire, le mandat d'arrêt de la cour d'assises valant mandat de dépôt, et le juge des libertés et de la détention n'étant pas compétent pour réformer ou apprécier la validité d'un titre de détention émis par elle.
Au visa de l'article 135-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9777IPS), la Chambre criminelle de la Cour de cassation censure cette interprétation, déduisant, de l'inapplicabilité de l'article 379-4 relatif à la cour d'assises (N° Lexbase : L9709HEC), l'applicabilité de l'article 135-2 relatif au juge des libertés et de la détention. Si la nécessité de trancher entre ces deux textes, dont le champ d'application paraît pour partie commun, ne souffre pas contestation, le sens finalement retenu par la Cour de cassation est susceptible d'étonner.
En effet, ces deux textes se recoupent puisque, d'une part, l'article 135-2 autorise le juge des libertés et de la détention, même en matière criminelle, à délivrer un mandat de dépôt après l'ordonnance de règlement de l'information, mais avant la condamnation de l'accusé à une peine, à l'encontre d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt ; d'autre part, l'article 379-4 précise que le mandat d'arrêt, même délivré avant l'arrêt de condamnation, vaut mandat de dépôt.
Il était donc nécessaire de trancher, une circulaire du 21 septembre 2004 relative à la présentation de la loi "Perben 2" -loi qui a notamment réformé la procédure du défaut en matière criminelle- (loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité N° Lexbase : L1768DP8) ayant précisément énoncé que, dans pareille hypothèse, les dispositions de l'article 135-2 du Code de procédure pénale prévoyant la présentation devant le juge des libertés et de la détention d'une personne arrêtée sur mandat d'arrêt après clôture de l'instruction ne devaient pas recevoir application (3). Plus encore, c'est, à la suite du constat par ladite circulaire d'un oubli textuel, la loi du 12 décembre 2005 (loi n° 2005-1549, relative au traitement de la récidive des infractions pénales N° Lexbase : L4971HDH) qui a précisé que l'évolution du mandat d'arrêt en mandat de dépôt valait aussi lorsque le premier avait été délivré avant l'arrêt de condamnation.
Erreur de la Chambre criminelle de la Cour de cassation ou volonté de cette dernière d'asseoir l'autorité d'un juge dont on remet souvent en cause l'utilité ? Difficile à dire !
Guillaume Beaussonie, MCF en droit privé, CRDP Tours
III - Le juge pénal et le droit civil
L'article 464 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9941IQA) décrit les issues concevables d'un procès correctionnel, tant du point de vue de l'action publique que de celui de l'action civile. Le tribunal peut alors être amené à prononcer une peine, en cas de culpabilité établie du prévenu, mais aussi des dommages-intérêts, au profit de tout individu ayant "personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction" (4). Dans ce dernier cas, une question risque de persister encore longtemps : quelle est l'étendue exacte des pouvoirs du juge pénal lorsqu'il a pour devoir de résoudre des problèmes de pur droit civil ? Par exemple, en cas de condamnation de plusieurs auteurs à réparer le dommage causé à une victime donnée, le juge pénal est-il en mesure de prononcer un partage de leur responsabilité ? De même, en présence de plusieurs fautes commises par une seule personne, le juge pénal peut-il tirer les conséquences d'une telle situation en déterminant des parts de responsabilité proportionnelles à la gravité et/ou la causalité respective desdites fautes ?
Ces questions persistent, et pourtant les réponses qui y sont apportées ne sont pas vraiment inconnues : aujourd'hui comme hier (5), la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise qu'il résulte de l'article 464 "qu'en matière civile la compétence de la juridiction pénale, limitée à l'examen des demandes formées par les parties civiles contre les prévenus, ne s'étend pas aux recours de ces derniers entre eux". Selon elle, "il s'ensuit qu'il n'appartient pas à cette juridiction de prononcer un partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage dont la réparation a été ordonnée". Dans la même idée, "si l'auteur est unique, mais a commis des fautes en concours, il n'appartient pas davantage à la juridiction pénale de déterminer la part de responsabilité découlant de chacune de ces fautes ni d'en tirer de quelconques conséquences quant à la garantie d'un assureur". Autrement dit, en matière civile, tout partage de responsabilité, quelle que soit sa cause, ressortit à la compétence exclusive des juridictions civiles.
En l'espèce, le gérant d'une société de construction, par ailleurs maître d'ouvrage de travaux réalisés par cette société, a été déclaré responsable des conséquences dommageables d'un accident survenu durant ces travaux, un artisan indépendant ayant été assez grièvement blessé. Les juges du fond ont cependant cru bon de fractionner sa responsabilité, d'une part, parce que la victime avait partiellement contribué à la réalisation de son dommage et, d'autre part, parce que le prévenu avait une double qualité au moment de faits -et avait fauté au titre des deux- : maître d'ouvrage et gérant de la société de construction. Pour les raisons qui viennent d'être exposées, la Chambre criminelle de la Cour de cassation censure cet excès de droit civil commis par les juges du fond. Les choses semblent donc entendues.
Toutefois, comment justifier de telles solutions ? La plupart des auteurs se contentent de dire qu'il s'agit alors de manifestations, parmi beaucoup d'autres, d'une nécessaire et logique conception restrictive de l'action civile devant le juge pénal portée par l'article 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9908IQZ) : le juge pénal ne pratiquerait le droit civil que par autorisation, et ne devrait donc pas trop étendre sa compétence en la matière.
En réalité, une telle raison ne suffit pas à convaincre. De bien des façons, le juge pénal assume sa compétence civile et, outre que cette coexistence d'autorisations et d'interdictions en la matière rend leur appréhension difficile, voire impossible, il paraît très paradoxal de demander au juge pénal, par souci de cohérence entre actions, de se prononcer à la fois sur l'action publique et l'action civile, tout en lui enjoignant, par souci de cohérence de l'action publique, de ne pas se prononcer sur les actions accessoires à l'action civile (6).
Tout au plus pourrait-on penser que c'est en considération de l'article 480-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9921IQI) que cette position s'explique. Ce texte disposant que "les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts", il paraît, par ce présent normatif à valeur d'impératif, imposer la solidarité au juge pénal, qui ne serait donc pas compétent pour décider d'autres modalités de réparation au profit de la victime... Cette explication, qui s'inscrirait finalement dans une logique d'autorisation, apparaît au surplus dans certains arrêts, qui visent de concert les articles 464 et 480-1 pour fonder leur solution (7), ce qu'a, hélas, oublié de faire la Chambre criminelle en l'espèce.
Guillaume Beaussonie, MCF en droit privé, CRDP Tours
IV - Les enquêteurs et le juge d'instruction
Une fois mis en examen, un suspect ne peut plus être entendu que par le juge d'instruction, et dans le respect d'un certain formalisme.
Telle est la règle rappelée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation à la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-provence, au visa des articles préliminaire, 114, alinéa 1 (N° Lexbase : L8632HWM), et 152, alinéa 2 (N° Lexbase : L5551DYA), du Code de procédure pénale. C'est ce dernier qui prévoit expressément que "les officiers de police judiciaire ne peuvent pas procéder aux interrogatoires et confrontations des personnes mises en examen. Ils ne peuvent procéder à l'audition des parties civiles ou du témoin assisté qu'à la demande de ceux-ci".
En l'espèce, un individu venait d'être mis en examen, puis placé en détention provisoire. Alors qu'il avait souhaité garder le silence lors de son interrogatoire de première comparution, il s'était livré à des confidences sur sa participation aux infractions et sur le déroulement des faits auprès des officiers de police judiciaire chargés de son transport vers la maison d'arrêt. Les enquêteurs, auxquels le juge d'instruction avait, le même jour, délivré une commission rogatoire aux fins de poursuivre les investigations, avaient dressé un procès-verbal visant cette délégation afin de retranscrire ces propos. Le mis en examen avait déposé une requête en annulation de ce procès-verbal et de tous les actes subséquents, les officiers de police judiciaire ayant, selon lui, procédé à son audition, postérieurement à sa mise en examen, et hors la présence de son avocat, en violation des articles 114 et 152, alinéa 2, du Code de procédure pénale.
La chambre de l'instruction avait rejeté cette requête, estimant que la retranscription des propos du mis en cause dans un simple procès-verbal de renseignements ne constituait pas un interrogatoire.
La réponse de la Chambre criminelle, qui casse l'arrêt de la cour d'appel, est ferme : "en prononçant ainsi, alors que le recueil, dans ces conditions, des propos par lesquels le mis en examen s'incriminait lui-même, avait pour effet d'éluder les droits de la défense et que les officiers de police judiciaire auraient dû se borner, constatant la volonté du mis en examen de s'exprimer plus amplement sur les faits, à en faire rapport au juge d'instruction, seul habilité à procéder à un interrogatoire dans les formes légales, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principe susvisés". Nulle ambiguïté dans la motivation qui précède, et une sanction sévère qui suivra nécessairement : l'annulation de l'acte litigieux et de tous les actes subséquents, alors que la procédure n'en était qu'à ses prémisses.
La prohibition posée par l'article 152, alinéa 2, du Code de procédure pénale entraîne d'autres conséquences pratiques.
Ainsi, lors de la rédaction des commissions rogatoires, s'il est prévu un acte, comme une perquisition, en présence du mis en examen mais hors celle du magistrat instructeur, ce dernier a tout intérêt à préciser que cet acte se fera "en la présence taisante" de l'intéressé, afin de rappeler à l'attention des enquêteurs une règle connue, mais dont la violation entraîne de lourds effets, tels que l'annulation même de la perquisition, le cas échéant.
Néanmoins, cette formule peut ne pas suffire. C'est ce qu'illustre une précédente décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendue dans une hypothèse proche de celle jugée en l'espèce. Un juge d'instruction avait donné commission rogatoire à un service d'enquête de procéder à une reconstitution d'itinéraire avec le mis en examen, en précisant "sans l'interroger" dans sa délégation. L'intéressé s'était exécuté et avait, spontanément, apporté des précisions. La Cour de cassation avait alors expliqué que la commission rogatoire litigieuse appelait une réponse de la part du mis en examen, "quelle que soit la forme dans laquelle celle-ci devait se manifester ; [et que] son exécution, loin d'assigner à l'inculpé un rôle purement passif, impliquait nécessairement sa participation active aux opérations qu'elle ordonnait ; [...] l'acte accompli revêtait le caractère d'un véritable interrogatoire" (8) prohibé par l'article 152 du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle ajoutant même qu'il "appartenait à la chambre d'accusation de reconnaître, même d'office, l'existence de ce vice de l'instruction préparatoire" (nous soulignons) et d'annuler l'acte litigieux.
La solution rendue le 5 mars 2013 n'étonne donc pas, tant elle est conforme à la lettre même des articles 114 et 152 du Code de procédure pénale et à une jurisprudence établie.
Enfin, hors le cas de la commission rogatoire, le juge d'instruction ne peut lui non plus s'autoriser, à l'occasion d'un acte autre que l'interrogatoire, à entendre librement le mis en examen, ce que la Chambre criminelle rappelle en l'espèce en visant l'article 114, alinéa premier, du Code de procédure pénale et en indiquant, dans son attendu de principe, qu'"une personne [...] mise en examen, ne peut plus [...] être interrogée que par le juge d'instruction, son avocat étant présent ou ayant été dûment convoqué". En effet, un certain formalisme, prévu par l'article 114 du Code de procédure pénale, protège les droits de la défense de l'intéressé, comme la convocation de son avocat au plus tard cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire, ce qui prohibe les interrogatoires improvisés, lors d'une reconstitution ou d'une perquisition par exemple. Le juge d'instruction doit donc se prémunir de toute irrégularité en respectant les prescriptions de l'article précité dès lors qu'il envisage la possibilité d'entendre le mis en examen, en dehors de tout interrogatoire au sens strict.
Pour finir, une remarque doit être faite au sujet des textes visés par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. En effet, le pourvoi se fondait, en plus des dispositions relevées au visa et précitées, sur l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et sur "les droits de la défense". En ne retenant que l'article préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8532H4R), s'agissant de la disposition relative aux principes bafoués, la Cour de cassation entend affermir la force de cet article, estimant qu'il se suffit dès lors que l'un des principes directeurs du procès pénal qu'il garantit est invoqué.
Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice
(1) Pour une solution identique, voir un autre arrêt du même jour, Cass. crim., 16 janvier 2013, n° 11-83.689, FS-P+B (N° Lexbase : A4972I3K) ; antérieurement, voir Cass. crim., 3 avril 2007, n° 06-89.315, F-P+F+I (N° Lexbase : A9203DUE), Bull. crim., n° 103.
(2) CEDH, 5ème sect., 11 octobre 2012, Req. 43353/07, Abdelali c/ France (N° Lexbase : A3066IU4).
(3) Circulaire du 21 septembre 2004, Crim-04-16-E8-21.09.04 (N° Lexbase : L5213IWY), 3.2.4 : "l'article 379-3 vaut mandat de dépôt et l'accusé demeure détenu jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises. Cette règle vaut également s'agissant d'un mandat d'arrêt qui aurait été délivré avant la condamnation, même si le texte ne le précise pas. Il convient de noter que la personne ainsi arrêtée doit être immédiatement incarcérée, et que les dispositions de l'article 135-2 du Code de procédure pénale prévoyant la présentation devant le procureur de la République puis sa présentation devant le juge des libertés et de la détention d'une personne arrêtée sur mandat d'arrêt après la clôture de l'instruction ne sont donc pas applicables".
(4) C. proc. pén., art. 2 (N° Lexbase : L9908IQZ).
(5) Voir déjà Cass. crim., 18 juin 1980, n° 78-93.304 (N° Lexbase : A0181CIK), Bull. crim., n° 197 ; Cass. crim., 12 février 1985, n° 83-95.082 (N° Lexbase : A1335CHW), Bull. crim., n° 68 ; Cass. crim., 16 octobre 2007, n° 07-81.850, F-P+F (N° Lexbase : A4303DZE), Bull. crim., n° 244 ; Cass. crim., 16 décembre 2008, n° 08-80.205 ; Cass. crim., 7 avril 2009, n° 08-85.519, F-P+F (N° Lexbase : A7629EGN), Bull. crim., n° 65.
(6) Dans le même sens, voir L. Boré, J.-Cl. Proc. pén., art. 478 à 484, fasc. 20, n° 67.
(7) C'est le cas dans la plupart des arrêts cités en note 3.
(8) Cass. crim., 4 octobre 1968, n° 67-93.741 (N° Lexbase : A0655CGD), Bull. crim., n° 245.
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen
Le 04 Avril 2013
Les communes prennent parfois les déclarations de travaux un peu trop à la légère, surtout lorsqu'elles n'en gèrent pas l'instruction qui est alors assurée par les services de l'Etat. Les échanges écrits qui peuvent s'établir entre le pétitionnaire et les services de la collectivité constituent un facteur de complication supplémentaire, auquel viennent s'ajouter les divers courriers d'attente dont le sens réel est parfois assez éloigné de la volonté de leur auteur. En bref, les déclarations de travaux sont souvent mal gérées. Le Conseil d'Etat a saisi l'occasion pour clarifier certains points en la matière dans un arrêt du 30 janvier 2013. Une commune avait reçu, le 18 décembre 2007, une déclaration de travaux portant sur l'édification d'un "kiosque" de vente de sandwiches et boissons à emporter. Par un arrêté du 10 janvier 2008, le maire s'était opposé à ces travaux. Un recours gracieux avait été déposé le 25 janvier 2008. Le maire s'était, à nouveau, opposé aux travaux par un arrêté du 13 mai 2008. Par jugement en date du 25 mars 2010, le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté les recours en annulation dirigés contre les deux décisions d'opposition à travaux. Le Conseil d'Etat va annuler le jugement de première instance.
I - L'obligation de notifier la décision d'opposition à travaux
On sait que le Code de l'urbanisme a prévu un mécanisme de non-opposition implicite à déclaration de travaux afin de simplifier la procédure d'autorisation et de faciliter la tâche de l'administration. Ce mécanisme n'interdit, néanmoins, jamais au maire, qui est le plus souvent compétent, de se prononcer explicitement sur la demande. L. 424-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3439HZE) prévoit, en effet, que "l'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable".
Il reste que la non-opposition implicite demeure la règle pour les déclarations de travaux. L'article R. 424-1 (N° Lexbase : L7557HZW) précise, en effet, qu'à "défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction [...] le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) décision de non-opposition à la déclaration préalable [...]". En l'occurrence, le délai d'instruction de droit commun est fixé à un mois pour les déclarations préalables par l'article R. 423-23 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7505HZY). Il faut, enfin, rappeler que la sanction de ce mécanisme pour l'administration est particulièrement rigoureuse. L'article L. 424-5 (N° Lexbase : L4088IRT) prévoit, ainsi, que "la décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait". Dès lors, l'expiration du délai d'instruction emporte édiction de la décision de non-opposition à travaux et le pétitionnaire peut donc se prévaloir d'une autorisation administrative valable que rien ne peut venir contrarier.
Le Conseil d'Etat, après avoir rappelé les dispositions applicables, va préciser leur portée. Il se réfère à l'objectif général des textes qui vise à assurer une meilleure sécurité juridique des pétitionnaires. Il relève "que l'auteur d'une déclaration préalable doit être mis en mesure de savoir de façon certaine, au terme du délai d'instruction prévu par le Code de l'urbanisme, s'il peut ou non entreprendre les travaux objet de cette déclaration". Or, cet objectif peut être contrarié si l'administration décide de s'opposer explicitement à la demande, sans porter attention à la notification de sa décision d'opposition. En effet, si la notification de l'opposition intervient avant l'expiration du délai d'instruction, aucune difficulté n'apparaît. En revanche, la notification de la décision après l'expiration du délai d'instruction se heurte à l'interdiction de retrait de l'autorisation implicite née de l'expiration du délai d'un mois. Le Conseil en conclut que "la notification de la décision d'opposition avant l'expiration du délai d'instruction, constitue, dès lors, une condition de la légalité de cette décision".
Il censure donc le jugement pour erreur de droit. Le tribunal avait, en effet, opéré la distinction traditionnelle entre la décision et les conditions de sa notification, les deux éléments étant considérés comme indépendants : "le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit en jugeant que l'absence de notification régulière de la décision d'opposition à travaux ne pouvait emporter de conséquences que sur les délais de recours contentieux et non sur la légalité de la décision attaquée elle-même". Le Conseil d'Etat reconnaît donc une exception à la règle classique selon laquelle l'illégalité qui entache la notification d'une décision ne déborde pas sur la décision elle-même. La jurisprudence considère, en effet, que l'absence, ou l'illégalité, de la notification d'une décision individuelle est sans influence sur la légalité de ladite décision (1). Tel n'est pas le cas ici : pour être légale, une décision d'opposition à déclaration doit donc impérativement être notifiée au pétitionnaire avant l'expiration du délai d'instruction et le non-respect de ce délai emporte automatiquement l'illégalité de l'opposition.
II - L'importance d'une notification régulière
Le Conseil d'Etat ayant décidé de régler l'affaire au fond va pouvoir constater les approximations de la procédure. Il constate, tout d'abord, que la décision prise sur la demande initiale n'a pas fait l'objet d'une notification régulière. En effet, l'arrêté du 10 janvier 2008, s'il a bien été notifié à l'adresse indiquée par le pétitionnaire lors du dépôt de sa déclaration préalable, a été remis au nouvel exploitant du restaurant précédemment exploité par le pétitionnaire. La notification régulière ne se heurtait pourtant à aucun obstacle particulier puisque le domicile du pétitionnaire était situé dans le même immeuble. Le Conseil d'Etat en conclut "que cette notification ne peut, par suite, avoir fait courir le délai de recours contentieux contre l'arrêté du 10 janvier 2008", appliquant, ainsi, une jurisprudence traditionnelle selon laquelle le défaut de notification interdit de faire courir les délais de recours.
Le juge relève, ensuite, que le recours gracieux du pétitionnaire, daté du 25 février 2008, n'a pas fait l'objet de l'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE). En outre, la formulation de la réponse de la mairie du 18 mars 2008 interdit de la considérer comme un rejet du recours gracieux. En effet, ce courrier constituait en réalité une réponse d'attente, indiquant que le dossier serait à nouveau présenté à la commission d'urbanisme lors de sa prochaine séance.
Le Conseil peut donc en conclure "que, par suite, le délai du recours contentieux contre l'arrêté du 10 janvier 2008 n'a recommencé à courir qu'à compter du 13 mai 2008, date à laquelle [M. X] a reçu notification de l'arrêté du même jour confirmant l'opposition de la commune aux travaux objet de la déclaration préalable, avec l'indication des voies et délais de recours, et n'était pas expiré le 15 juillet 2008, lendemain d'un jour férié, date à laquelle la demande de [M. X] a été enregistrée au greffe du tribunal administratif". Le Conseil d'Etat écarte donc la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours.
La question de la légalité des deux décisions d'opposition n'appelle pas de commentaires particuliers. En effet, ayant constaté que la décision du 10 janvier 2008 n'avait pas été régulièrement notifiée dans le délai d'instruction d'un mois, le Conseil d'Etat ne peut que conclure à son illégalité et prononcer l'annulation des deux décisions d'opposition.
Le recours anarchique aux énergies renouvelables ne cesse de provoquer des ravages économiques et écologiques dont on prendra conscience lorsque leurs conséquences auront dépassé le niveau de visibilité médiatique. En attendant, n'importe qui peut décider de faire installer des unités de production à la rentabilité électrique insuffisante dans le seul objectif de bénéficier de tarifs de rachat encore attrayants. Dans l'espèce commentée, le pétitionnaire n'a imaginé rien de moins que couvrir 8500 m2 de panneaux photovoltaïques en zone de montagne. Fort heureusement, le préfet s'est opposé à cette demande sur le fondement de l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme qui organise la protection des zones de montagnes. La décision a été annulée par le tribunal administratif. Le Conseil d'Etat fait droit au pouvoir du ministre et censure le juge de première instance pour erreur de droit.
I - La protection des zones de montagne
Selon le I de l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme, "les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition [...]". Malgré le caractère apparemment général de ces dispositions, la jurisprudence a déjà considéré qu'il s'agit de dispositions effectives. Il résulte, en effet, de la combinaison des articles L. 145-2 (N° Lexbase : L7329ACG) et L. 145-3 du Code de l'urbanisme que les dispositions de ce dernier s'imposent aux décisions individuelles d'urbanisme (2). Les prescriptions de l'article L. 145-3 s'imposent également aux demandes de permis de construire. Le permis de construire délivré pour une construction autre que celles qui sont autorisées par le I de cet article, dans une zone dédiée aux activités agricoles et pastorales est, par conséquent, illégal (3). Ces prescriptions s'imposent aussi aux autorisations de lotir (4) et déterminent le contenu des certificats d'urbanisme (5).
L'arrêt du 7 février 2013 confirme la portée opérationnelle du I de l'article L. 145-3. Le Conseil d'Etat énonce, en effet, que "ces dispositions, qui ont pour objet la préservation des terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles en zone de montagne, énumèrent les critères permettant d'apprécier la nécessité de préserver ces terres". Faisant une interprétation stricte de ces critères ainsi mentionnés, il relève "que l'absence de pression foncière dans la commune ne figure pas parmi ces critères". En effet, la question de la pression foncière "n'est mentionnée, dans le point c) du III du même article, que comme une des conditions permettant d'autoriser, lorsque la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, une dérogation au principe d'urbanisation en continuité avec les groupes d'habitation existants, l'autre condition étant que la dérogation envisagée soit compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II de l'article L. 145-3 de ce code".
Cette interprétation rigoureuse participe de l'objectif de protection institué par le Code de l'urbanisme. De manière générale, il faut rappeler que le législateur a entendu interdire toute construction isolée en zone de montagne et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle (6). En dehors du cas spécifique des constructions isolées, traitées par le III de l'article L. 145-3, le seul critère général qui doit être mis en oeuvre dans le cadre d'une utilisation des sols réside exclusivement dans l'appréciation des systèmes d'exploitation locaux. Si un terrain est nécessaire à un tel système, il doit bénéficier de la protection prévue par le code.
II - La pression foncière n'est pas un critère d'application générale du I de l'article L. 145-3
C'est donc la question du rapport du terrain avec le mécanisme selon lequel il est exploité qui permet de faire application de l'article L. 145-3. On relèvera que les notions de "rôles" et de "place" ne sont pas très explicites et sont finalement assez généraux : il s'agit de déterminer comment les terrains sont intégrés dans l'exploitation. Les critères de situation de relief, de pente et d'exposition viennent préciser cette situation des terrains par rapport à la nécessité de les préserver. On rappellera que, dans le cadre de la protection de la montagne, objectif poursuivi par le Code de l'urbanisme, il a été jugé que, pour satisfaire à la compatibilité prévue au II de l'article L. 145-3 entre les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols et les exigences de préservation, ces documents et décisions doivent comporter des dispositions de nature à concilier l'occupation du sol projetée et les aménagements s'y rapportant avec l'exigence de préservation de l'environnement montagnard prévue par la loi (7).
En revanche, la pression foncière n'a pas à être prise en compte. Une telle solution n'est guère surprenante. D'une part, comme le relève le Conseil d'Etat, elle ne figure pas dans le texte applicable. Le seul fait que le III de l'article L. 145-3 mentionne ce critère n'est, en effet, nullement un argument pour soutenir son applicabilité. En effet, les trois parties de cet article concernent des domaines différents et si le législateur a regroupé ces éléments dans un seul article, il aurait pu tout aussi bien les séparer dans des articles différents. On relèvera, également, que le moyen tiré de la méconnaissance par un permis de construire des dispositions du III de l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme relatives à la règle de constructibilité limitée en zone de montagne ne constitue pas un moyen d'ordre public qu'il appartiendrait au juge de soulever d'office (8). D'autre part, au vu de la nature même de la demande, le critère de la pression foncière, bien que n'étant pas nécessairement inapproprié en lui-même, n'était évidemment pas déterminant puisqu'il ne s'agissait pas de construire un immeuble à usage d'habitation.
En l'occurrence, le tribunal administratif avait pris en compte l'absence de pression foncière pour en déduire que les terres faisant l'objet du projet du pétitionnaire n'étaient pas nécessaires au maintien des activités agricoles, pastorales, et forestières. Ce faisant, il a donc fondé sa décision sur un critère qui n'était pas prévu par les dispositions applicables. Très logiquement, le Conseil d'Etat rappelle que seuls les critères figurant au I de l'article L. 145-3 doivent être pris en compte pour apprécier la nécessité de préserver, ou non, les terrains concernés par le projet. Il ne peut que censurer la décision pour erreur de droit.
Le classement d'un secteur en espace boisé classé par un document d'urbanisme a pour objectif de protéger ledit secteur en réduisant le droit des propriétaires à aménager leur terrain à leur guise et en soumettant les abattages d'arbres à une autorisation de défrichement. Dans l'espèce commentée, une SCI avait acquis, en 2003, une propriété située dans un espace boisé classé en application des dispositions de l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1581IWH) par le plan d'occupation des sols d'une commune littorale de la presqu'île de Saint-Tropez. Elle a fait procéder, en 2004, à des abattages d'arbres en vue, d'une part, d'élargir un chemin d'accès aux bâtiments sis sur cette propriété et, d'autre part, d'aménager un chemin autour de ces bâtiments. Elle a, toutefois, réalisé ces travaux sans demander, au préalable, l'autorisation de défrichement. Elle a régularisé sa situation en sollicitant ultérieurement deux autorisations qui lui ont été refusées. Le maire a rejeté les deux demandes, rejets dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif. Il est vrai que le concept même de régularisation dans le cadre d'un abatage d'arbres laisse toujours un peu perplexe au regard du caractère définitif, à vue humaine, de l'opération. Toutefois, la cour administrative d'appel de Marseille (9) a annulé le jugement de première instance et les arrêtés litigieux. Le Conseil d'Etat annule l'arrêt d'appel et donne partiellement raison à la commune sur l'un des deux arrêtés.
I - La protection du littoral par les dispositions de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme
Il faut rappeler que l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme prévoit que "les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements [...]".
Cette protection se combine avec les dispositions de l'article L. 146-6 (N° Lexbase : L8034IMI) qui disposait, dans sa rédaction alors applicable, que "les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières [...] toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements [...] le plan local d'urbanisme doit classer en espaces boisés, au titre de l'article L. 130-1 du présent code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale des sites". On rappellera utilement que, s'agissant des seuls espaces boisés situés sur le territoire d'une commune littorale, la protection résultant de l'article L. 146-6 ne s'applique qu'à ceux situés à proximité du rivage (10) et que la liste des espaces et milieux de cet article n'est pas limitative (11).
L'article R. 146-6 du même code (N° Lexbase : L1889IRE) fixe la liste des aménagements légers susceptibles d'être admis en dérogation à l'interdiction de principe formulée implicitement par l'article L. 146-6. Ce texte prévoit, en effet, qu'"en application du deuxième alinéa de l'article L. 146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à cet article, après enquête publique dans les cas prévus par le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 (N° Lexbase : L1450IEG), les aménagements légers suivants, à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux". Au titre de ces aménagements légers, l'article R. 146-6 prévoit, notamment, les cheminements piétonniers et cyclables et les sentes équestres ni cimentés, ni bitumés, lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à l'ouverture au public de ces espaces ou milieux.
Le juge d'appel, après avoir estimé que la propriété de la SCI était située dans un espace remarquable entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme, avait annulé les deux arrêtés au motif, pour le premier, que l'élargissement du chemin d'accès aux bâtiments n'était pas susceptible d'entraîner une altération significative du site et, pour le second, qu'il n'était pas établi que l'abattage des arbres nécessité par l'aménagement d'un chemin autour des bâtiments porterait atteinte au caractère ou à l'intérêt de ce paysage remarquable, ou qu'il serait visible à partir du littoral.
Le Conseil d'Etat censure cette analyse au motif qu'en "statuant ainsi, sans rechercher si les deux chemins pour la réalisation desquels la SCI [...] avait présenté ses demandes pouvaient légalement être réalisés eu égard aux dispositions de l'article R. 146-2 du même code, la cour administrative n'a pas légalement justifié ses décisions".
Ce faisant, le Conseil éclaire les conditions d'application de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme. Les modalités du contrôle du juge de cassation sur la qualification d'espaces remarquables ont déjà été précisées par la jurisprudence. Les critères retenus par les juges du fond sont soumis à un contrôle d'erreur de droit, mais le juge de cassation contrôle, également, la qualification juridique des faits (12). En revanche, le juge d'appel apprécie souverainement si les aménagements litigieux sont, ou non, des aménagements légers au sens de l'article L. 146-6 (13). Il en va de même du juge des référés (14).
L'article L. 146-6 s'applique donc non seulement aux documents d'urbanisme, mais également aux décisions individuelles. Toutefois, il n'ouvre pas un pouvoir d'appréciation générale à l'autorité administrative et, par voie de conséquence, au juge. La Cour a apprécié la légalité de l'ouverture des chemins au seul regard des objectifs généraux de protection évoqués par l'article L. 146-6. Il lui appartenait, en réalité, d'apprécier les demandes au regard des exceptions prévues à l'article R. 146-6. En effet, l'article L. 146-6 pose une règle de protection qui n'ouvre pas de possibilité de dérogation susceptible d'être appréciée en fonction des critères évoqués par le juge. Ce dernier doit, ainsi, appliquer rigoureusement les règles du code et vérifier si la demande présentée par le pétitionnaire est susceptible de rentrer dans le champ d'application des exceptions prévues par décret. L'arrêt d'appel est donc censuré.
II - Des chemins d'accès peuvent constituer des aménagements légers
C'est le second apport de cet arrêt. Après avoir prononcé la cassation de l'arrêt, le Conseil d'Etat décide de faire oeuvre pédagogique et statue au fond sur le fondement de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3298ALQ). La démarche mérite d'être signalée car elle n'est plus la norme, du fait de la réduction des stocks d'affaires des cours administratives d'appel.
Le Conseil va faire un sort différent aux deux refus d'autorisations en cause. Au sujet du premier, qui concerne l'abattage des arbres destiné à la création du chemin d'accès aux bâtiments, il relève que l'arrêté de refus est "motivé par la circonstance que la réalisation du projet emporterait un changement d'affectation du sol de nature à compromettre la conservation et la protection de l'espace boisé classé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme, et qu'elle affecterait un espace remarquable au sens de l'article L. 146-6 du même code".
Il précise, d'une part, que "la légalité du refus opposé à la SCI [...] doit être appréciée au vu des mentions de la demande d'autorisation et non au vu des travaux illégalement exécutés sans autorisation dans l'espace boisé classé". L'affirmation peut surprendre au premier abord puisqu'elle donne le sentiment que l'affaire est réglée de manière purement théorique sans qu'on prenne en compte la réalité des travaux exécutés. Toutefois, bien que faisant partie d'un processus de régularisation, la demande ne pouvait être traitée de manière différente des demandes régulières.
Le Conseil énonce, d'autre part, qu'au vu de la nature des travaux demandés qui consistent en l'aménagement d'une voie d'accès aux bâtiments à usage d'habitation laissée à l'état naturel et d'une largeur limitée à quatre mètres, ceux-ci peuvent être considérés comme constituant des aménagements légers au sens de l'article R. 146-2. Il précise, tout d'abord, "qu'en raison de leur faible ampleur, les travaux mentionnés dans la demande d'autorisation [...] n'entraînent pas un changement d'affectation ou d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements de l'espace boisé classé, qui serait prohibé par les dispositions de l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme". Il constate, ensuite, que le secteur constitue un espace protégé au titre de l'article L. 146-6, s'agissant d'un espace boisé classé par le plan d'occupation des sols, appartenant à un ensemble boisé continu qui s'étend presque jusqu'au rivage de la presqu'île de Saint-Tropez. Enfin, usant largement de son pouvoir prétorien, il énonce que les dispositions applicables et, notamment, l'article R. 146-2, n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interdire la réalisation des aménagements nécessaires à la lutte contre l'incendie "à la condition qu'il s'agisse d'aménagements légers strictement nécessaires à cette fin". Il faut bien reconnaître que l'extension est particulièrement contraire à la lettre même de l'article R. 146-2, qui ne supporte aucune exception autre que celles qu'il énonce. Néanmoins, on ne s'étonne plus de voir le Conseil d'Etat jouer avec les textes qu'il applique et, selon les cas, en faire une application conforme à ses objectifs, qu'elle soit littérale ou non.
En l'occurrence, le juge de cassation relève que le secteur comporte des bâtiments à usage d'habitation et que l'accès à ces bâtiments par les véhicules de lutte contre l'incendie depuis la route existante ne peut être correctement assuré par l'entrée ordinaire de la propriété, qui présente un tracé sinueux et ne se prête pas à des travaux d'aménagement. Il constate que les travaux de faible ampleur mentionnés dans la demande d'autorisation n'excèdent pas ceux que le service départemental d'incendie et de secours a estimé nécessaires pour permettre aux véhicules de lutte contre l'incendie d'accéder aux bâtiments, dans un secteur exposé à un risque majeur de feu de forêt. Il peut ainsi, se référant à l'objectif de protection de la législation, en conclure que "les travaux mentionnés dans la demande d'autorisation et décrits ci-dessus n'entraînent pas un changement d'affectation ou d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements de l'espace boisé classé, qui serait prohibé par les dispositions de l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme".
On ne manquera pas de relever le caractère un peu paradoxal du caractère général de la démarche. Même si le motif de censure de l'arrêt d'appel apparaît, pris isolément, comme étant justifié au regard de la méthode de raisonnement, il est tout de même surprenant de censurer les juges du fond en ce qu'ils ont apprécié le refus d'autorisation sur la base de l'objectif général de protection des lieux, tout en créant une nouvelle exception au sein de l'article R. 146-2 sur la base de ce même objectif de protection.
Appliquant le même raisonnement, le Conseil confirme, en revanche, la légalité du second arrêté de refus qui concernait l'aménagement d'un chemin autour des bâtiments situés sur la propriété du pétitionnaire. Cette opération, qui impliquait la réalisation d'un chemin, laissé à l'état naturel et d'une largeur de quatre mètres, nécessitait, également, l'abattage d'une soixantaine d'arbres, en majorité des chênes lièges et, pour le reste, des pins maritimes sur une surface de 800 m2. Constatant que, "si le service départemental d'incendie et de secours du Var estimait que la réalisation de ce chemin pouvait présenter une utilité, il ne le jugeait pas indispensable à la protection des bâtiments contre l'incendie, se bornant à préconiser, outre l'aménagement du chemin d'accès aux bâtiments d'une largeur de quatre mètres, de simples travaux d'élagage et de débroussaillage", le Conseil d'Etat en déduit que la réalisation de ce chemin ne peut constituer un aménagement léger au sens de l'article R. 146-2 du Code de l'urbanisme. Après avoir relevé que le maire aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif, le Conseil confirme la légalité du second arrêté de refus et enjoint au maire de statuer à nouveau sur la demande de création du chemin d'accès dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt.
(1) CE Sect., 7 juillet 1967, n° 63219, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5113B7I), p. 306.
(2) CAA Lyon, 1ère ch., 23 mars 2004, n° 00LY00071, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3303KBX).
(3) CE 3° et 5° s-s-r., 9 juillet 1997, n° 123341, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0631AE4), T. 1114.
(4) CE 2° et 6° s-s-r., 22 septembre 1997, n° 137416, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7671ADH), T. 1114.
(5) CAA Lyon, 1ère ch., 23 mars 2004, n° 00LY00071, inédit au recueil Lebon, préc. ; sur ce sujet, lire nos obs., Chronique de droit de l'urbanisme - Mai 2012 (N° Lexbase : N1861BT4), Lexbase Hebdo - édition publique n° 246 du 16 mai 2012.
(6) CE 6° s-s., 16 juillet 2010, n° 324515, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6426E4R).
(7) CE 1° et 6° s-s-r., 24 avril 2012, n° 346439, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4188IKC).
(8) CE 1° et 6° s-s-r., 13 juillet 2012, n° 349747, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8417IQS).
(9) CAA Marseille, 1ère ch., 10 février 2011, n° 09MA01528, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3825GXX).
(10) CE 1° et 6° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 307893, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0328EQ9), p. 545.
(11) CE 1° et 4° s-s-r., 30 décembre 1996, n° 102023, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2063AP4).
(12) CE 4° et 5° s-s-r., 3 septembre 2009, n° 306298 et n° 306468, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7466EKQ), T. 983 ; CE 4° et 5° s-s-r., 14 novembre 2011, n° 333675, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9253HZQ).
(13) CE 5° et 7° s-s-r., 13 novembre 2002, n° 219034, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0757A4S).
(14) CE 4° et 6° s-s-r., 30 décembre 2002, n° 245621, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7100A4Q).
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