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N6024BTB
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Et de s'apercevoir, Candide mais beaucoup moins optimiste, que le relèvement de la taxation des assureurs et la modification du régime des acomptes de l'impôt pour les grandes entreprises n'auront plus d'effet en 2014, que le rendement de la taxe sur les transactions financières, alpha et omega de la fiscalité moderne, n'est pas au rendez-vous et que les hausses d'impôt, programmées mais non encore effectives, ne devraient pas être aussi salvatrices que prévues compte tenu de la conjoncture économique. Par conséquent, à niveau de prélèvements obligatoires constant, l'Etat prévoit, d'ores et déjà, un manque à gagner de 6 milliards d'euros. Et, malgré les cris d'orfraie de la majorité parlementaire, les neurones du Service de législation fiscale sont donc en alerte maximale : il va falloir faire montre d'une créativité hors pair pour trouver ce qui n'a pas encore été taxé et /ou pour améliorer le rendement des impôts existants sans paraître confiscatoires aux yeux constitutionnels. Gouverner, c'est prévoir, comme disait l'autre...
Là où l'affaire se corse un peu plus, c'est quand on apprend, dans le même temps, et bien que le rapport de la Cour des comptes le soulignait dès juillet dernier, que l'Etat français va devoir débourser près de 9 milliards d'euros d'ici 2015 pour régler la note des contentieux fiscaux perdus devant la Cour de justice de l'Union européenne. La persévérance dans l'erreur fiscale n'aura non seulement pas payé, au regard de nombre de régimes fiscaux déclarés contraire au droit communautaire ces dix dernières années, mais elle plombera le budget de l'Etat au moment le plus critique. Cette enveloppe devrait satisfaire les créanciers de trois régimes condamnés par le juge européen : le contentieux relatif au régime des OPCVM, celui sur la taxe "Copé" compensant les pertes de recettes publicitaires de France Télévision et celui sur le précompte mobilier. Et le ministre de préciser que 20 % de la somme qui sera, sans doute ainsi réclamée -et dont Bercy sait le bien-fondé-, sera due au titre des intérêts moratoires... C'est dire que l'absence de coopération avec la Commission pour certifier la sécurité juridique d'un régime fiscal présente un coût non négligeable ; un coût que le ministre, dans sa grande sagesse, entend réduire par l'instauration d'un dialogue, voire d'une négociation plus ouverte et plus systématique avec Bruxelles. C'est ainsi que le Minefi a interpellé la Commission en amont, notamment, sur l'application du crédit d'impôt aux coopératives agricoles. Désamorcer les litiges pour éviter les bombes fiscales à retardement, tel serait le nouveau credo de Bercy... Encore que "se trop ériger en négociateur n'est pas toujours la meilleure qualité pour la négociation" enseignait le Cardinal de Retz.
La stabilité fiscale et la sécurité juridique sont plus que jamais au coeur des débats, face au tonneau budgétaire des Danaïdes et au supplice fiscal de Sisyphe.
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Réf. : Cass. civ. 2, 17 janvier 2013, deux arrêts, n° 11-28.928, FS-P+B (N° Lexbase : A4826I37), n° 11-20.155, FS-P+B (N° Lexbase : A4814I3P)
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N5947BTG
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par Sébastien Beaugendre, Maître de Conférences à la Faculté de Droit de Nantes, Avocat, sous la direction de Véronique Nicolas, Professeur, doyen de la Faculté de droit de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances"
Le 28 Février 2013
- une obligation précontractuelle d'information à la charge de l'assureur ;
- une faculté de renonciation offerte au consommateur assuré que celui-ci pour exercer dans un délai de 14 jours calendaires en assurances dommages et 30 jours en assurance-vie. Le tout, sauf à tomber dans l'une des exceptions prévue par l'article L. 112-2-1-II-3°, qui dispose : "Le droit de renonciation ne s'applique pas :
a) Aux polices d'assurance de voyage ou de bagage ou aux polices d'assurance similaires à court terme d'une durée inférieure à un mois ;
b) Aux contrats d'assurance mentionnés à l'article L. 211-1 du présent code ; [comprendre l'assurance automobile]
c) Aux contrats exécutés intégralement par les deux parties à la demande expresse du consommateur avant que ce dernier n'exerce son droit de renonciation".
Ce dernier alinéa est particulièrement obscur.
Une lecture conjuguée avec les dispositions qui figurent dans le Code de la consommation pourrait permettre d'en éclairer le sens.
En effet, l'article L. 121-20-12-II du Code de la consommation (N° Lexbase : L6708IME) dispose :
"II.- Le droit de rétractation ne s'applique pas : [...]
2° Aux contrats exécutés intégralement par les deux parties à la demande expresse du consommateur avant que ce dernier n'exerce son droit de rétractation".
L'article L. 121-20-13 du même code (N° Lexbase : L6457G9Z) complète comme suit :
"I. - Les contrats pour lesquels s'applique le délai de rétractation mentionné à l'article L. 121-20-12 ne peuvent recevoir de commencement d'exécution par les parties avant l'arrivée du terme de ce délai sans l'accord du consommateur. Lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation, il ne peut être tenu qu'au paiement proportionnel du service financier effectivement fourni, à l'exclusion de toute pénalité".
Ainsi, le fournisseur de service financier, pour respecter l'effectivité du droit de rétractation, ne peut s'exécuter avant achèvement du délai de quatorze jours, sauf si le consommateur en fait la demande. Le cas échéant, si, par suite, le consommateur renonce alors que le contrat a reçu une exécution partielle, le consommateur n'aura droit qu'à un remboursement partiel, le fournisseur demeurant payé pour le service rendu entre la conclusion et l'exercice du repentir.
Cela vaut pour un service financier en cours au moment de la rétractation. En revanche, s'il n'est plus en cours, parce qu'il a été intégralement exécuté par chacune des parties, alors le droit de rétractation "ne s'applique pas" dispose l'article L. 121-10-12 précité (on pourrait dire ne s'applique plus !).
Tout semble donc tourner autour de la notion "d'exécution intégrale du contrat".
L'article L. 112-2-1-II-3° du Code des assurances transpose le texte à l'assurance qui prévoit que "Le droit de renonciation ne s'applique pas [...] aux contrats exécutés intégralement par les deux parties à la demande expresse du consommateur avant que ce dernier n'exerce son droit de renonciation".
La notion même "d'exécution intégrale" ne semble pas avoir de sens pour un contrat annuel qui, au quatorzième jour après sa conclusion, aurait par définition reçu simplement, de la part de l'assureur un commencement d'exécution !
Devant ces difficultés, l'apport de la jurisprudence sera décisif.
Il n'est pas sûr que les deux arrêts rapportés apportent toute la lumière nécessaire.
Ces deux arrêts du 17 janvier 2013 concernent la conclusion par téléphone d'un même contrat d'assurance par un consommateur : il s'agit d'une garantie panne mécanique souscrite par celui qui, auprès du journal "La centrale" publie une annonce pour vendre son véhicule. Cette garantie est de nature à rassurer l'acquéreur dans le cadre d'une vente entre particuliers. Elle permet de "concurrencer" les garanties d'assurance proposées par les professionnels de la vente automobile d'occasion.
Les difficultés litigieuses tenaient à deux aspects :
- d'une part, l'information du consommateur sur les conditions de renonciation à son "droit à la renonciation" (la terminologie est employée expressis verbis à l'article L. 112-2-1-III-5°) par le consommateur ;
- d'autre part, la notion de renonciation en tant que contrat "exécuté intégralement par les deux parties à la demande expresse du consommateur avant que ce dernier n'exerce son droit de renonciation".
Le premier point était au coeur de l'arrêt n° 11-28.928 : le consommateur souscripteur n'a été informé de l'existence de l'assurance et de ses modalités, spécialement de sa faculté de renoncer à tout droit à la renonciation en demandant une prise d'effet immédiate de la garantie, que par un robot électronique (les trop irritants "tapez 1", "tapez 2", "tapez la touche étoile", etc.). Etait-ce suffisant ?
Les juges du fond avaient considéré l'intéressé pleinement informé, relevant : "qu'en se faisant confirmer le caractère immédiat de ladite garantie et en fournissant le moyen de paiement, il a déclaré souscrire et a souscrit au contrat en toute connaissance de cause".
Les Hauts magistrats cassent l'arrêt aux motifs "qu'en statuant ainsi, sans constater que le contrat, qui avait seulement pris effet avec le paiement de la prime, avait été exécuté intégralement par les deux parties à la demande expresse du consommateur, le juge de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision".
C'est suivre à la lettre l'exigence légale d'une non-application du droit de renoncer, conditionnée à cette exécution intégrale "par les deux parties à la demande expresse du consommateur avant que ce dernier n'exerce son droit de renonciation" comme l'indique l'article L. 112-2-1-II-3 du Code des assurances.
Mais cela n'éclaire pas sur le sens de cette "exécution intégrale" du contrat d'assurance avant renonciation !
On l'a dit, l'expression est en soi peu logique : comment un contrat à exécution successive d'une durée d'un an comme l'assurance pourrait-il être exécuté intégralement par les deux parties, donc y compris par l'assureur, avant le quatorzième jour consécutif à le terme du contrat ?
Faut-il restreindre à l'hypothèse où un sinistre surviendrait pendant le délai de renonciation ? On ne voit pas l'intérêt pour l'assuré d'essayer de faire jouer une renonciation alors que, dans ce cas de figure, il va justement demander la couverture du sinistre ! Cette interprétation nous semble devoir être écartée.
Cela a poussé la doctrine à défendre une autre idée, selon laquelle la dérogation concernerait l'hypothèse où l'assuré demanderait expressément que le contrat soit exécuté (cf. en ce sens, notamment, Luc Grynbaum et Frédéric Leplat, JCP éd. G., 2005, I, 193).
Dans cette hypothèse, le consommateur, plutôt que de différer la prise d'effet du contrat d'assurance à l'achèvement de la période de quatorze jours pendant laquelle il pourrait renoncer, demanderait une exécution immédiate.
C'est bien ainsi que le juge de proximité l'avait compris dans l'affaire donnant lieu à l'arrêt n° 11-28.928, puisqu'il considérait que le consommateur assuré avait demandé une exécution immédiate de la garantie d'assurance et avait donc renoncé à pouvoir user de sa faculté de repentir. La Cour de cassation n'a visiblement pas été convaincue...
Dans le deuxième arrêt (n° 11-20.155), les Hauts magistrats s'en remettent à l'analyse souveraine du juge de proximité des faits et preuves pour retenir qu'il en résultait "que le contrat n'avait pas été exécuté intégralement par les deux parties à la demande expresse de l'assuré du seul fait du paiement de la prime".
L'affirmation est évidente : le paiement de la prime n'est pas un critère d'exécution intégrale.
L'expression conserve donc en grande partie son mystère.
A notre sens, dès lors que le Code de la consommation est le code pilote et celui des assurances un code "suiveur", il serait sans doute plus simple de s'inspirer de l'article L. 121-20-13 du Code de la consommation, qui autorise une rétractation malgré un commencement d'exécution sur demande du consommateur, instaurant alors un remboursement prorata temporis. Cela impliquerait la possibilité pour l'assuré consommateur ayant demandé une couverture immédiate puisse, lorsque aucun sinistre ne s'est réalisé pendant les quatorze jours du délai de rétractation, se repentir utilement moyennant conservation d'une quote-part de prime par l'assureur.
Le travail jurisprudentiel ne fait que débuter. Timidement...
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Réf. : CEDH, 6 décembre 2012, Req. 12323/11 (N° Lexbase : A3982IY7)
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N5830BT4
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par Bernard Thévenet, Conservateur des hypothèques honoraire, Avocat au barreau de Lyon
Le 28 Février 2013
Maître Michaud, avocat au barreau de Paris, a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme pour se plaindre du fait qu'à raison de l'obligation de déclaration de soupçon pesant sur les avocats, il était tenu, dans l'exercice de sa profession d'avocat, sous peine de sanctions disciplinaires, de dénoncer des personnes venues le consulter. Il considérait cette obligation incompatible avec les principes de protection des échanges entre l'avocat et son client avec le respect du secret professionnel et avec le devoir de loyauté de l'avocat à l'égard de ses clients.
Le requérant soutenait qu'étant avocat, il appartenait à une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets de cette obligation de déclaration de soupçon et que, dès lors, il pouvait s'estimer victime de la violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, aux termes duquel : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" (CESDH, art. 8 N° Lexbase : L4798AQR).
Pour sa part, le Gouvernement français, tout en admettant que l'article 8 de la Convention protège, effectivement, le secret professionnel des avocats, considérait, cependant, qu'il n'y avait pas eu "ingérence" des autorités publiques dans le droit au respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance du requérant, au sens du second paragraphe de cette disposition, dès lors que ce dernier n'invoquait aucun fait concret le concernant personnellement. Par conséquent, le Gouvernement soutenait que Maître Michaud ne pouvait pas se prétendre "victime" d'une violation des droits reconnus dans la Convention et ne pouvait donc pas introduire cette requête.
Sur ce point, la CEDH a considéré que l'avocat se trouvait en fait devant un dilemme : soit il se pliait au règlement et renonçait ainsi à sa conception du principe de confidentialité des échanges entre l'avocat et son client ; soit il ne s'y pliait pas et s'exposait à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'à la radiation. Compte tenu de ces éléments, le requérant subit directement les effets des dispositions litigieuses et peut donc se dire "victime" de la violation de l'article 8 de la Convention qu'il allègue.
Sur le fond, sans contester la nécessité de la lutte contre le blanchiment, Maître Michaud soutient, notamment, que la réglementation litigieuse manque de clarté : elle oblige à déclarer des "soupçons", sans définir cette notion ; le domaine des "activités" auxquelles elle s'applique est flou et il est difficile pour un avocat de scinder ou cloisonner ses activités afin de définir celles qui sont concernées. Il ajoute que le secret professionnel des avocats est indivisible : la loi qui régit les professions judiciaires précise qu'il s'applique tout autant aux fonctions de défense qu'à celles de conseil et concerne l'ensemble des activités et des dossiers des avocats. Selon lui, le caractère disproportionné de l'ingérence est d'autant plus manifeste que la lutte contre le terrorisme et le blanchiment peut reposer sur des moyens alternatifs moins destructeurs des droits fondamentaux et plus efficaces au regard du but poursuivi... En outre, le droit pénal français punit sévèrement le blanchiment et un avocat peut être poursuivi pour complicité s'il omet de dissuader un client de procéder à une opération financière douteuse, étant précisé que les maniements d'espèces sont interdits à la profession (voir infra).
Le Gouvernement français a répliqué qu'à supposer que l'obligation de déclaration de soupçon puisse constituer une ingérence, elle est, en tout état de cause, prévue par la loi. Il estime, de plus, que le droit interne est suffisamment clair pour qu'il n'y ait pas atteinte au principe de sécurité juridique. En particulier, la notion de déclaration de "soupçon" serait dénuée d'ambiguïté : le soupçon peut porter sur l'identité du client ou du bénéficiaire de l'opération, sur l'origine des fonds, sur le caractère inhabituel ou complexe de la transaction ou sur sa finalité. Selon l'article L. 561-15 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8423IMW), la déclaration s'impose dès lors que le professionnel a une connaissance avérée, au regard d'éléments d'information objectifs et précis, de l'origine délictueuse des fonds, ou dès lors que les caractéristiques de l'opération ou le manque de preuves ou d'éléments qui lui échappent ou qu'il n'a pu obtenir, font naître des suspicions de blanchiment et constituent des motifs raisonnables de penser que les fonds ont une origine douteuse. En outre, l'article D. 561-32-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7057IE4) fixe des critères auxquels se référer pour déclencher une opération de déclaration de soupçon en matière fiscale -l'utilisation de sociétés écrans, par exemple-, qui constituent autant d'éléments caractérisant une opération douteuse. Quant à la notion de "consultation juridique", il considère qu'aucun avocat ne saurait sérieusement en ignorer la signification, d'autant moins qu'elle est clairement définie tant par la doctrine et la jurisprudence que par l'assemblée générale du Conseil national des barreaux (qui, dans une résolution adoptée le 18 juin 2011, la définit comme "une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d'un avis ou d'un conseil sur l'application d'une règle de droit en vue, notamment, d'une éventuelle prise de décision")... Le Gouvernement ajoute que, visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et les infractions pénales associées, l'ingérence poursuit l'un des buts légitimes énumérés au second paragraphe de l'article 8 : la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales... En outre, tant le principe de la soumission des avocats aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment que la liste des activités visées, ainsi que les exceptions prévues, sont la transposition exacte du droit de l'Union européenne, lequel est le reflet des recommandations du GAFI.
Pour sa part, la CEDH constate que le secret professionnel des avocats est spécifiquement protégé par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, qui confère à la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients et les raisons qui la fondent, une protection renforcée et considère que la question qu'elle doit se poser est donc celle de savoir si, telle que mise en oeuvre en France et à l'aune du but légitime poursuivi, l'obligation de déclaration de soupçon porte une atteinte disproportionnée au secret professionnel des avocats ainsi compris.
Elle rappelle, à cet égard, que la notion de nécessité, au sens de l'article 8 de la Convention, implique l'existence d'un besoin social impérieux et, en particulier, la proportionnalité de l'ingérence au but légitime poursuivi et indique n'avoir rien à redire (approuve donc) à l'argumentaire développé par le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 23 juillet 2010 (CE 6° et 1° s-s-r., 23 juillet 2010, n° 309993, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9869E4B), en ces termes : "si, selon le requérant, les dispositions de cette directive sont incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui protègent notamment le droit fondamental au secret professionnel, cet article permet une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice d'un tel droit, notamment lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ; qu'eu égard, d'une part, à l'intérêt général qui s'attache à la lutte contre le blanchiment de capitaux et, d'autre part, à la garantie que représente l'exclusion de son champ d'application des informations reçues ou obtenues par les avocats à l'occasion de leurs activités juridictionnelles, ainsi que de celles reçues ou obtenues dans le cadre d'une consultation juridique, sous les seules réserves, pour ces dernières informations, des cas où le conseiller juridique prend part à des activités de blanchiment de capitaux, où la consultation juridique est fournie à des fins de blanchiment de capitaux et où l'avocat sait que son client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux, la soumission des avocats à l'obligation de déclaration de soupçon, à laquelle procède la directive litigieuse, ne porte pas une atteinte excessive au secret professionnel [...]".
Deux éléments sont, aux yeux de la Cour, décisifs dans l'appréciation de la proportionnalité de l'ingérence litigieuse.
Il s'agit, tout d'abord, du fait que les avocats ne sont astreints à l'obligation de déclaration de soupçon que dans deux cas. Premièrement, lorsque, dans le cadre de leur activité professionnelle, ils participent au nom et pour le compte de leur client à des transactions financières ou immobilières, ou agissent en qualité de fiduciaire. Deuxièmement, lorsque, toujours dans le cadre de leur activité professionnelle, ils assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant certaines opérations définies : l'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ; la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ; l'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ou de contrats d'assurance ; l'organisation des apports nécessaires à la création des sociétés ; la constitution, la gestion ou la direction des sociétés ; la constitution, la gestion ou la direction de fiducies ou de toute autre structure similaire ; la constitution ou la gestion de fonds de dotation. L'obligation de déclaration de soupçon ne concerne donc que des activités éloignées de la mission de défense confiée aux avocats, similaires à celles exercées par les autres professionnels soumis à cette obligation.
En outre, le Code monétaire et financier précise expressément que les avocats ne sont pas astreints à cette obligation lorsque l'activité dont il est question "se rattache à une procédure juridictionnelle, que les informations dont ils disposent soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une telle procédure, non plus que lorsqu'ils donnent des consultations juridiques, à moins qu'elles n'aient été fournies à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou en sachant que le client les demande aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme" (C. mon. fin., art. L. 561-3 N° Lexbase : L1184IWR). L'obligation de déclaration de soupçon ne touche donc pas à l'essence même de la mission de défense qui constitue le fondement du secret professionnel des avocats.
Il s'agit, ensuite, du fait que la loi met en place un filtre protecteur du secret professionnel : les avocats ne communiquent pas les déclarations directement à Tracfin mais, selon le cas, au président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou au Bâtonnier de l'Ordre auprès duquel ils sont inscrits. Il peut être considéré qu'à ce stade, partagé avec un professionnel non seulement soumis aux mêmes règles déontologiques mais aussi élu par ses pairs pour en assurer le respect, le secret professionnel n'est pas altéré. Le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou le bâtonnier, plus à même que quiconque d'apprécier ce qui est couvert ou non par le secret professionnel, ne transmet ensuite la déclaration de soupçon à Tracfin qu'après s'être assuré que les conditions fixées par l'article L. 561-3 du Code monétaire et financier sont remplies (C. mon. fin., art. L. 561-17 N° Lexbase : L2799IPD). Le Gouvernement précise, à cet égard, qu'ils ne procèdent pas à cette transmission s'ils considèrent qu'il n'existe pas de soupçon de blanchiment de capitaux ou s'il apparaît que l'avocat concerné a cru, à tort, devoir transmettre des informations reçues à l'occasion d'activités exclues du champ de l'obligation de déclaration de soupçon.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que, telle que mise en oeuvre en France et eu égard au but légitime poursuivi et à la particulière importance de celui-ci dans une société démocratique, l'obligation de déclaration de soupçon ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret professionnel des avocats. Partant, il n'y a pas violation de l'article 8 de la Convention.
II - Commentaires
Cette décision doit d'abord être replacée dans le contexte de la lutte contre le blanchiment de capitaux. Ensuite, il conviendra d'expliciter le blanchiment de capitaux et d'examiner les moyens et les acteurs de la lutte contre ce délit. Enfin, la question de l'atteinte que fait peser la déclaration de soupçon au principe du secret professionnel doit être posée.
A - Contexte politico-économique européen
"La fraude et l'évasion fiscales limitent la capacité des Etats membres à percevoir des recettes et à mettre en oeuvre leur politique économique. En période d'assainissement budgétaire, où de nombreux Etats membres doivent réduire leurs dépenses et augmenter leurs recettes, la fraude et l'évasion fiscales rendent encore plus difficile la conduite de la politique budgétaire. Les estimations concernant l'importance de l'économie souterraine dans l'Union européenne (UE), qui représenterait près d'un cinquième du PIB, donnent une première indication de l'ampleur du problème" (Commission européenne, communication du 27 juin 2012, COM(2012) 351 final). "Chaque année, la fraude et l'évasion fiscales coûtent environ 1 000 milliards d'euros à l'Union européenne (UE). Dans son nouveau plan d'action, la Commission appelle les pays de l'UE à coopérer pour prendre des mesures contre les entreprises et les particuliers qui ne payent pas les impôts qu'ils devraient" (cf. le portail internet de la Commission européenne : Fiscalité et Union douanière/Taxation/Lutte contre la fraude et l'évasion fiscales).
S'agissant de la France, le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un rapport du 1er mars 2007, a évalué le montant global d'irrégularité et de fraude comme étant compris entre 29 et 40 milliards d'euros, soit entre 1,7 et 2,3 % du PIB, fourchette considérée comme plutôt basse. Dans son bilan 2011 de la lutte contre la fraude, la Délégation nationale à la lutte contre la fraude fait notamment observer que la DGFIP a fait une évaluation de la fraude TVA pour l'année 2008 comprise entre 7,1 milliards d'euros et 9,1 milliards d'euros, ce qui représente entre 5,5 et 7 % des 130 milliards d'euros de la TVA collectée la même année.
B - Le GAFI et ses 40 recommandations
Sur le plan international, le Groupement d'action financière (GAFI) est en charge de l'élaboration de normes internationales pour lutter contre les menaces que constituent le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive.
Dans un document de février 2012, intitulé "Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération - Les Recommandations du GAFI", le GAFI fait notamment les recommandations suivantes, qui concernent particulièrement les professionnels du droit :
"- les obligations de vigilance relatives à la clientèle et de conservation des documents [...] s'appliquent aux [...]
- avocats, notaires, autres professions juridiques indépendantes et comptables lorsqu'ils préparent ou effectuent des transactions pour leurs clients concernant les activités suivantes : achat et vente de biens immobiliers ; gestion de capitaux, de titres ou autres actifs du client ; gestion de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ; organisation des apports pour la création, l'exploitation ou la gestion de sociétés ; création, exploitation ou administration de personnes morales ou de constructions juridiques, et achat et vente d'entités commerciales ;
- aux prestataires de services aux trusts et aux sociétés lorsqu'ils préparent ou effectuent des opérations pour un client en lien avec les activités suivantes : ils agissent en qualité d'agent pour la constitution de personnes morales ; ils agissent (ou ils prennent des mesures afin qu'une autre personne agisse) en qualité de dirigeant ou de secrétaire général d'une société de capitaux, d'associé d'une société de personnes ou de titulaire d'une fonction similaire pour d'autres types de personnes morales ; ils fournissent un siège social, une adresse commerciale ou des locaux, une adresse administrative ou postale à une société de capitaux, une société de personnes ou toute autre personne morale ou construction juridique ; ils agissent (ou ils prennent des mesures afin qu'une autre personne agisse) en qualité de trustee d'un trust exprès ou exercent une fonction équivalente pour une autre forme de construction juridique ; ils agissent (ou ils prennent des mesures afin qu'une autre personne agisse) en qualité d'actionnaire agissant pour le compte d'une autre personne (art. 22) [...] ;
- les avocats, les notaires, les autres professions juridiques indépendantes et les comptables devraient être obligés de déclarer les opérations suspectes lorsque, au nom ou pour le compte d'un client, ils effectuent une opération financière en lien avec les activités décrites supra [...] Les prestataires de services aux trusts et aux sociétés devraient être obligés de déclarer les opérations suspectes lorsque, au nom ou pour le compte d'un client, ils effectuent une opération en lien avec les activités visées supra (art. 23).
[...] Les pays devraient prendre des mesures pour empêcher l'utilisation des personnes morales à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Les pays devraient s'assurer que des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des personnes morales peuvent être obtenues ou sont accessibles en temps opportun par les autorités compétentes [...] (art. 24).
Les pays devraient prendre des mesures pour empêcher l'utilisation des constructions juridiques à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. En particulier, les pays devraient s'assurer que des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les trusts exprès, parmi lesquelles des informations sur le constituant, le trustee et les bénéficiaires, peuvent être obtenues ou sont accessibles en temps opportun par les autorités compétentes. Les pays devraient envisager de prendre des mesures pour faciliter l'accès aux informations sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des structures juridiques par les institutions financières et les entreprises et professions non financières [...] (art. 25)
Les pays devraient s'assurer que les autres catégories d'entreprises et de professions non financières désignées sont soumises à des dispositifs efficaces de surveillance assurant qu'elles respectent leurs obligations en matière de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Ces mesures devraient être prises en fonction des risques. Cette surveillance peut être effectuée par une autorité de contrôle ou par l'organisme d'autorégulation pertinent, à condition qu'un tel organisme puisse garantir que ses membres respectent leurs obligations en matière de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme" (art. 28).
C - Un satisfecit pour la France
Le GAFI considère qu'au cours des dernières années, la France a constamment renforcé, affiné et étendu son système. Le niveau de conformité de la France aux Recommandations du GAFI est très élevé, en particulier s'agissant du secteur financier et son système juridique. La France doit maintenant concentrer ses efforts sur certaines professions non-financières, dont le niveau de conformité avec les normes internationales doit être amélioré.
Dans un rapport d'évaluation mutuelle en date du 25 février 2011, le GAFI note, en particulier, que : "les infractions sous-jacentes au blanchiment les plus fréquentes sont, en France, en termes de nombre de condamnations, les escroqueries et le trafic de stupéfiants. L'infraction de blanchiment de capitaux, très largement conforme aux exigences du droit international, fait l'objet d'une appropriation progressive par la jurisprudence et la Cour de cassation. Les évaluateurs notent en outre que la France a introduit dès 2005 un délit de non justification des ressources, permettant de réprimer le blanchiment de proximité' en ce sens qu'il vise à sanctionner des individus dont la preuve d'une participation à un acte de blanchiment ne peut être directement apportée alors même que des éléments circonstanciés laissent présumer du contraire (C. pén., art. 324-1 N° Lexbase : L1789AM9). Malgré une augmentation constante du nombre de condamnations pour blanchiment, les évaluateurs ont noté une tendance assez marquée parmi les tribunaux à poursuivre sur le chef de condamnation de l'infraction sous-jacente. Ils souhaitent recommander que les moyens de la justice mis au service des enquêtes et plus généralement de la répression en matière de criminalité économique et financière soient renforcés. La France dispose d'un arsenal juridique très complet pour incriminer l'infraction de financement du terrorisme ; de même, les techniques et pouvoirs d'investigation dont disposent les autorités répressives en matière de lutte contre le financement du terrorisme comme de lutte contre le blanchiment de capitaux, sont conformes aux exigences du GAFI".
D - Le blanchiment, en quoi consiste-il ?
1 - Définition légale
Le blanchiment est défini par l'article 324-1 du Code pénal, qui dispose : "le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit...".
2 - Mécanisme du blanchiment
Selon TRAFIN, on décrit souvent le mécanisme du blanchiment par trois phases : le placement, l'empilage et l'intégration.
Tout d'abord, le placement consiste à introduire dans le système financier d'un pays des fonds provenant d'opérations délictueuses.
L'empilage, ensuite, permet de brouiller les pistes de l'origine des fonds par la multiplication des opérations bancaires ou financières successives faisant intervenir divers comptes, établissement, personnes, produits et pays.
Enfin, l'intégration vise à investir les fonds d'origine frauduleuse dans les circuits légaux de l'économie et en tirer des bénéfices. Evidemment, la réalité est souvent beaucoup plus complexe.
3 - Sanction du blanchiment
Le blanchiment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. Ces peines sont doublées (dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende), (i) lorsqu'il est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ; (ii) lorsqu'il est commis en bande organisée (C. pén, art. 324-1 et 324-2 N° Lexbase : L1958AMH).
Les peines d'amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent être élevées jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment (C. pén, art. 324-3 N° Lexbase : L1723AMR).
Lorsque le crime ou le délit dont proviennent les biens et les fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment est puni d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle de l'emprisonnement encouru en application des articles 324-1 ou 324-2, le blanchiment est puni des peines attachées à l'infraction dont son auteur a eu connaissance et, si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance (C. pén, art. 324-4 N° Lexbase : L1917AMX).
Le blanchiment est assimilé, au regard de la récidive, à l'infraction à l'occasion de laquelle ont été commises les opérations de blanchiment (C. pén, art. 324-5 N° Lexbase : L1832AMS).
La tentative de blanchiment est punie des mêmes peines (C. pén, art. 324-6 N° Lexbase : L2003AM7).
4 - Jurisprudence
Par un arrêt du 16 janvier 2013, la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d'appel de Paris qui avait condamné M. Gaydamak, poursuivi pour avoir, de 1995 à 1999, apporté son concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit direct ou indirect des délits de commerce illicite d'armes et de munitions par ailleurs reprochés et ce en rachetant son propre appartement sis 83, avenue Raymond Poincaré via des sociétés écran. Le fait ne pas déclarer coupable et ne pas condamner l'intéressé du chef de commerce illicite d'armement, ne fait pas disparaître les infractions commises en raison de l'utilisation des fonds tirés du commerce d'armes. Ces fonds, qui avaient une origine illicite ont été dissimulés afin d'échapper à l'impôt. Leur utilisation organisée de telle sorte qu'on en masque l'origine est bien constitutive de l'infraction de blanchiment.
Est condamné également l'avocat, qui ayant agi, en se servant des facilités procurées par sa profession d'avocat, a permis à l'un de ses clients, M. G., d'investir, de dissimuler et de convertir des fonds dont il connaissait l'origine frauduleuse. Il est établi que l'intéressé a participé activement en sa qualité d'avocat à ces opérations et qu'il ne fait aucun doute qu'il a eu connaissance de l'origine frauduleuse, pour être le produit d'un délit, de la somme de 8 330 000 francs (1 265 326,84 euros) ainsi placée et dissimulée.
La Cour de cassation a confirmé la condamnation de cet avocat à une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement assorti du sursis à concurrence de seize mois motivée de la manière suivante par la cour d'appel : "[...] le recours à des mécanismes juridiques et financiers complexes lors d'un blanchiment de capitaux réalisé par le biais d'au moins trois sociétés écrans... [...], mis en oeuvre grâce aux facilités que lui a procurées l'exercice de sa profession d'avocat, montre que l'intéressé s'est affranchi, sans aucun scrupule, des règles au respect desquelles il lui appartenait plus particulièrement de veiller en sa qualité de professionnel du droit et d'auxiliaire de justice [...]".
On notera, s'agissant de la prescription du délit de blanchiment, que, selon les juges, "[...] lorsque le blanchiment résulte de placements et de dissimulations successives constituant, non pas une série d'actes distincts mais une opération délictueuse unique, la prescription ne commence à courir qu'à partir de la date du dernier acte de placement ou de dissimulation [...]" (Cass. crim., 16 janvier 2013, n° 11-83.689, N° Lexbase : A4972I3K).
Egalement jugé que le blanchiment étant un délit autonome, la prescription qui le concerne est indépendante de celle qui s'applique à l'infraction originaire (Cass. crim., 13 mai 2012, n° 12-80.715, F-P+B N° Lexbase : A8952INU).
La Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 septembre 2010 (CA Paris, 8ème ch., 2ème sect., 29 septembre 2010), qui, pour tentative de blanchiment aggravé, faux et usage, a reconnu M. X., avocat, coupable du chef de tentative de blanchiment aggravé et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement assorti d'un sursis et lui a interdit, à titre définitif, d'exercer la profession d'avocat.
On relèvera, avec intérêt, les observations de la cour d'appel sur l'existence du délit de blanchiment :
- pour déterminer l'existence du délit de blanchiment, il est nécessaire de rechercher l'existence d'une infraction préalable ou principale ;
- tout mis en cause, alors que l'auteur ne l'est pas, doit pouvoir discuter librement de l'existence de l'infraction principale, les circonstances dans lesquelles elle a été commise ou qui l'ont accompagnée, ainsi que sa qualification délictuelle, et éventuellement sa nature ;
- il suffit d'établir que les biens blanchis provenaient d'un délit quel qu'il soit et que le prévenu savait que ces fonds avaient pour origine une infraction ;
- la connaissance de l'origine frauduleuse doit s'induire des constatations de fait, des faisceaux de présomptions des faits tirés essentiellement des circonstances même du fait constitutif de blanchiment ;
- lorsqu'un professionnel est mis en cause, on doit relever cette qualité et les devoirs de son état au regard de l'opération en question, des usages de la profession et de l'expérience professionnelle tout en écartant la négligence, l'imprudence ou la non vigilance car le blanchiment par imprudence n'existe pas en l'absence de texte ;
- en conséquence, la partie poursuivante doit prouver l'existence du délit principal (Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 10-87.503, F-D N° Lexbase : A9339HZW).
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 janvier 2013, n° 12-13.022, F-P+B (N° Lexbase : A4872I3T)
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par Karine Rodriguez, Maître de conférences HDR à l'Université de Pau et des pays de l'Adour, Responsable du M2 Droit de la consommation
Le 27 Février 2013
I - Les critères de la prise d'effet des obligations de l'emprunteur
C'est sur ce point que l'apport de l'arrêt est le plus important. Rappelons que l'article L. 311-20, ancien, du Code de la consommation (C. consom., art. L. 311-31, nouv.) dispose que, "lorsque l'offre préalable mentionne le bien ou la prestation de services financé, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation ; en cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci". Certains en ont plus généralement déduit que le contrat de prêt ne peut produire ses effets, tant que le contrat principal n'est pas exécuté (en ce sens, v. notamment, V. Vigneau, Le financement à crédit du contrat de consommation, Cont. conc. consom., 2006, étude 19, n° 9). Si le Code de la consommation ne va pas aussi loin, il n'en dispose pas moins que l'obligation de remboursement de l'emprunteur ne produit pas d'effet tant que le contrat principal n'est pas exécuté. Ce qui explique que le dispensateur de crédit commettrait un acte préjudiciable pour lui-même à délivrer les fonds avant que le contrat principal soit exécuté puisqu'il s'exposerait au risque que l'emprunteur ne soit jamais obligé de rembourser.
Mais quand doit-on alors considérer le contrat principal comme exécuté ? Les critères de l'exécution du contrat principal paraissent limpides. Il s'agit de la livraison du bien ou la fourniture de la prestation. Toutefois, la complexité des faits en pratique rend les choses plus délicates à apprécier. C'est le cas notamment lorsqu'un contrat de fourniture de bien et un contrat de prestations de services se combinent. En général, le professionnel s'engage à installer le bien vendu.
Dans un premier temps, et de manière pour le moins étonnante, la Cour de cassation s'est contentée d'une exécution partielle. Elle exige que l'opération financée ait été exécutée en tout ou partie, tolérance qui fut confirmée à plusieurs reprises en l'espace de quelques mois (Cass. civ. 1, 3 mai 1995, n° 92-21.693 N° Lexbase : A7887CLP, Cont. conc. consom., 1995, n° 175, G. Raymond ; Cass. civ. 1, 10 juillet 1995, n° 93-14.915 N° Lexbase : A7777ABN, Cont. conc. consom., 1995, n° 192, G. Raymond). Ainsi, pour la vente des meubles de cuisine suivie de leur installation, la remise des fonds a pu valablement avoir lieu après livraison des meubles, mais avant leur installation. Les termes du Code de la consommation qui exigeaient une exécution étaient pourtant clairs. Sauf pour les contrats à exécution successive où le prêt peut produire ses effets dès le début de la livraison ou de la prestation, une exécution est en effet exigée. La protection du consommateur, à l'origine du lien d'interdépendance entre le contrat principal et le contrat accessoire de crédit, ne guidait assurément pas une telle solution.
Revenant à plus de raison, la Cour de cassation a modifié sa position quelques années plus tard en exigeant, pour une simple livraison de meubles, qu'elle soit totale (Cass. civ. 1, 27 mai 1997, n° 95-14.413 N° Lexbase : A1140C4Y), sans que ce changement de position ait été véritablement souligné par la doctrine. L'arrêt du 16 janvier 2013 revêt d'autant plus d'importance. Il se prononce dans le même sens, et il le fait dans une hypothèse qui combine vente de bien et prestation de services. Après avoir affirmé que le prêteur qui délivre des fonds doit s'assurer que le vendeur a exécuté son obligation, la première chambre civile reproche à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si l'exécution de la prestation de service n'avait pas été seulement partielle lors du déblocage des fonds. En l'espèce, deux livraisons avaient été effectuées, d'abord le chauffe-eau électrique et ensuite la pompe à chaleur, suivies de l'installation du matériel. La remise des fonds avait eu lieu dès la première livraison, celle du chauffe-eau. A bien y regarder, les termes utilisés par la Cour de cassation sont explicites et d'autant plus significatifs qu'elle aurait pu se contenter de dire que la cour d'appel n'avait pas vérifié que tous les biens avaient été livrés, puisque la pompe à chaleur ne l'avait pas encore été. Au contraire, la Cour de cassation insiste sur le fait que l'exécution de la prestation de services doit être totale lors du déblocage des fonds. C'est dire l'importance qu'elle accorde à cet élément. Si la vente est combinée à une prestation de service, c'est donc l'exécution totale de l'ensemble, à la fois la livraison des biens et la réalisation de la prestation de services, qui implique la naissance des obligations de l'emprunteur.
Cette position acquise, se pose inévitablement la question de la charge de la preuve. On sait qu'il appartient au dispensateur de crédit de rapporter la preuve de l'exécution du contrat principal, en général, grâce à une attestation d'exécution signée par l'emprunteur (Cass. civ. 1, 3 mai 1995, n° 92-21.693, préc.). La Cour de cassation rappelle dans son arrêt du 16 janvier 2013 que le prêteur doit s'assurer que l'obligation principale a été exécutée. Il ne revient pas au consommateur de s'opposer à l'exécution du contrat de prêt (en ce sens pourtant, v. Cass. civ. 1, 10 juillet 1995, n° 93-14.915, préc. où la Cour estime qu'il appartient au consommateur de faire opposition entre les mains du prêteur afin qu'il ne verse pas les sommes prêtées au vendeur ou au prestataire).
II - La sanction de la remise prématurée des fonds par le prêteur
En vertu de l'article L. 311-21 du Code de la consommation (C. consom., art. L. 311-32, nouv. N° Lexbase : L9540IMB), la résolution ou l'annulation du contrat principal emporte résolution ou annulation du contrat de crédit. Il s'agit, là encore, d'une des manifestations du lien d'interdépendance entre le contrat principal et le contrat de crédit affecté. Or, dès lors qu'il y a résolution ou annulation du contrat de crédit, les parties devront procéder à des restitutions, y compris si les fonds ont été versés directement au fournisseur (v. not., Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 02-20.999, F-P+B N° Lexbase : A8438DDU, D., 2005, AJ, 76 ; RTDCom., 2005, 156, obs. D. Legeais ; Banque et Droit, mars-avril, 2006, 75, obs. D. Guiot). La restitution des fonds remis par l'emprunteur constitue un effet classique de la résolution ou de l'annulation. En l'espèce, divers vices ayant entaché le fonctionnement du matériel, il avait été repris par le fabricant et le contrat de prestation de services avait été résolu. La résolution du contrat de crédit résultait de la résolution du contrat principal, les restitutions en découlant.
Toutefois, la jurisprudence admet une exception à la règle des restitutions, en cas de faute imputable au prêteur. Elle affirme que "le prêteur qui a délivré les fonds au vendeur ou au prestataire de services sans s'assurer que celui-ci avait exécuté son obligation, commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l'égard de l'emprunteur, des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de la résolution du contrat principal" (Cass. civ. 1, 28 janvier 1992, n° 89-13.515, publié N° Lexbase : A3090ACG, Bull. civ. I, n° 34, pour la construction d'une piscine, le prêteur ayant remis les fonds en se contentant de la simple attestation du vendeur alors que le constructeur était proche de la liquidation judiciaire ce qui rendait difficile l'accomplissement de la prestation promise à l'emprunteur ; Cass. civ. 1, 8 juillet 1994, n° 92-19.586 N° Lexbase : A8062AH3, Cont. conc. consom., 1994, n° 213, G. Raymond). Les conséquences de la remise prématurée des fonds par le prêteur sont connues depuis longtemps : elle dispense l'emprunteur de procéder à la restitution consécutive à la résolution du crédit. La Cour de cassation reprend cette solution en des termes quasiment identiques.
On peut s'interroger sur le raisonnement qui conduit à paralyser les restitutions lors d'une remise prématurée des fonds. Selon un auteur, cette jurisprudence confond les conséquences de la non-survenance de la condition suspensive de celles de la survenance de la condition résolutoire (V. Vigneau, Le financement à crédit du contrat de consommation, préc., n° 19). Il ajoute d'ailleurs que, tant que le contrat principal n'est pas exécuté, le contrat de prêt n'est pas conclu. Mais, outre que la jurisprudence combine les conditions plus qu'elle ne les confond, le contrat de prêt n'en est pas moins conclu, même si certaines obligations qui en découlent prennent effet à compter de l'exécution du contrat principal (en ce sens, V. J. Calais-Auloy et F. Steinmetz, Droit de la consommation, Précis Dalloz, n° 359). Le contrat conclu voit simplement certains de ses effet suspendus à la réalisation de la condition (rappelons d'ailleurs que le contrat de prêt consenti par un professionnel n'est plus un contrat réel, la remise de la chose ne relevant pas de la formation du contrat mais de son exécution, Cass. civ. 1, 28 mars 2000, n° ° 97-21.422 N° Lexbase : A3516AUR, RTDCom., 2000, p.29, S. Sabathier).
Ceci étant précisé, il convient d'analyser le raisonnement suivi par la Cour de cassation. La résolution du contrat principal se traduit par la résolution du contrat de prêt, ce qui devrait se traduire par la restitution des fonds remis. Or, l'obligation de restitution de l'emprunteur ne produit pas d'effet tant que le contrat principal n'est pas exécuté. En l'absence d'exécution du contrat principal, l'emprunteur n'est donc tenu à rien en application de l'article L. 311-20, ancien, du Code de la consommation. Si le raisonnement est logique, la formule utilisée par la Cour de cassation paraît quelque peu ambiguë. Elle laisse en effet entendre que c'est la faute du prêteur, constituée par une remise anticipée des fonds, qui est à l'origine de la paralysie de la restitution. Or, c'est l'absence d'exécution du contrat principal qui prive le banquier de son droit à remboursement. Sa faute, la remise prématurée des fonds, rend simplement sa situation délicate en l'obligeant à demander un remboursement auquel il n'a pas droit. C'est pourquoi, la Cour de cassation a pu, par le passé, s'exprimer plus simplement en disposant que faute d'exécution du contrat principal, l'emprunteur n'était tenu à aucune obligation de restitution, le contrat de prêt fut-il résolu à la suite de la résolution du contrat principal (Cass. civ. 1, 7 février 1995, D., 1995, 314, obs. J.-P. Pizzio ; RTDCom., 1995, 828, obs. B. Bouloc ; Cont. conc. consom., 1995, comm. 156, G. Raymond).
Toutefois, si le raisonnement est parfait en l'absence d'exécution du contrat principal, tient-il encore lorsque, après une remise anticipée des fonds, le contrat principal est exécuté, des vices apparaissant par la suite ? En l'espèce, les appareils avaient été livrés et installés, les vices affectant le fonctionnement des appareils s'étant manifestés à la fin de l'installation. Si l'on considère que le contrat principal est exécuté, l'exécution fût-elle entachée de vices, rien ne justifie que la résolution du contrat de prêt ne se traduise pas par une restitution. En effet, l'obligation de remboursement de l'emprunteur doit produire ses effets, et l'adage nemo auditur, qui paralyse les restitutions, ne s'applique, en principe, qu'en cas de cause immorale, ce que ne constitue pas la mauvaise exécution d'un contrat. Si l'on estime, au contraire, que le contrat principal n'a pas été exécuté, cela justifie certes que l'obligation de restitution de l'emprunteur n'ait pas pris effet, mais cela implique aussi que le prêteur est susceptible de se heurter à un refus de restitution légitime, et donc, qu'il prendrait un risque à remettre les fonds, tant que l'emprunteur peut demander la résolution du contrat... Le raisonnement de la Cour de cassation mériterait donc quelques éclaircissements.
Faute de pouvoir demander la restitution à l'emprunteur, le dispensateur de crédit pourra se retourner contre le professionnel car la faute du prêteur ne constitue pas un obstacle à la restitution par le vendeur (Cass. civ.1, 13 novembre 2008, n° 07-16.898, F-P+B N° Lexbase : A2314EBC, D. Actualité, 2008, V. Avena-Robardet ; RTDCom., 2009, 189, obs. D. Legeais ; Dr. et Patr., mars 2009, 105, obs. J.-P. Mattout et A. Prüm). La remise prématurée des fonds n'est en effet fautive qu'à l'égard de l'emprunteur. La solution est parfaitement logique lorsque l'on sait que c'est lui en général qui bénéficie directement de la remise des fonds. Dans le cas contraire, le professionnel dont il convient de rappeler qu'il est à l'origine des résolutions, eut-été le grand gagnant de l'imprudence du prêteur. Rappelons que la garantie du vendeur est prévue par l'article L. 311-33, ancien, du Code de la consommation ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 4850658, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "L311-33", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L9541IMC"}}), en vertu duquel, si la résolution ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, outre d'éventuels dommages-intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
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par François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers - Institut de droit public (EA 2623)
Le 28 Février 2013
Les clubs sportifs professionnels bénéficient de nombreux soutiens des collectivités territoriales. Aux soutiens financiers directs s'ajoutent des soutiens plus indirects (mise à disposition d'équipements sportifs, de locaux, réalisation de travaux d'entretien ou de construction), dont certains se traduisent par l'achat de prestations de services. Plus précisément, il n'est pas rare que les collectivités territoriales achètent des places pour assister à des compétitions sportives, à charge ensuite pour elles de les redistribuer à des publics considérés comme prioritaires (bénévoles encadrant les jeunes sportifs, jeunes en difficultés, public scolaire, etc.) (1).
C'est précisément un tel achat qui était au coeur du litige porté devant le Conseil d'Etat et qui opposait le département du Rhône à une association de contribuables lyonnais. Cette dernière est bien connue des prétoires des juridictions administratives puisqu'elle conteste avec une vigueur toute particulière l'ensemble des achats effectués par le département du Rhône auprès des clubs sportifs (2). En l'espèce, par trois délibérations des 16 mai 2008, 12 juin 2009 et 11 juin 2010, la commission permanente du conseil général du Rhône avait lancé des consultations, sur le fondement des articles 28 (N° Lexbase : L3682IRS) et 30 (N° Lexbase : L6005IRT) du Code des marchés publics, afin de passer des marchés à bons de commande pour des abonnements, places et pass permettant d'assister à des matchs de l'Olympique Lyonnais pendant les trois saisons 2008/2009, 2009/2010 et 2010/2011, et avait autorisé le président du conseil général à signer les marchés. Saisi par l'association précitée, le tribunal administratif a rejeté le recours en annulation dirigé contre ces délibérations, avant que la cour administrative d'appel de Lyon ne les annule pour violation du principe de la liberté d'accès à la commande publique (3). La cour a considéré que l'objet des marchés litigieux était d'acheter des places pour "faciliter l'accès au spectacle sportif et de faire la promotion de l'activité physique pour encourager la pratique sportive et son encadrement bénévole". La cour avait alors déduit qu'une mise en concurrence entre les différents prestataires du secteur était, non seulement possible, mais aussi nécessaire. Le Conseil d'Etat casse cet arrêt pour dénaturation des faits, estimant à juste titre que l'objet des marchés était plus précis et visait à acheter des places pour assister aux matchs de football de l'Olympique Lyonnais et non à n'importe quel club sportif. Réglant ensuite l'affaire au fond, le Conseil d'Etat apporte deux précisions d'importance.
La première précision tient à la compétence du département pour acquérir de telles prestations de services. L'on sait que la compétence des collectivités territoriales est déterminée par la clause générale de compétence. La question posée en l'espèce était donc celle de savoir si de tels achats répondaient à un intérêt départemental au sens de l'article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9365AA4), aux termes duquel le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département et "statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et, généralement, sur tous les objets d'intérêt départemental dont il est saisi". La réponse à cette question réside dans les textes qui consacrent l'existence d'un tel intérêt public départemental. En effet, et comme le relève le Conseil d'Etat, l'article L. 100-2 du Code du sport (N° Lexbase : L6282HNY) dispose que "l'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements [...] contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives", lesquelles constituent, selon l'article L. 100-1 du même code (N° Lexbase : L6281HNX), "un élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale. Elles contribuent notamment à la lutte contre l'échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles, ainsi qu'à la santé. La promotion et le développement des activités physiques et sportives pour tous, notamment pour les personnes handicapées, sont d'intérêt général".
Plus encore, les travaux préparatoires issus de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000, modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (N° Lexbase : L0778AIN), montrent que l'intention du législateur a bien été, au travers de l'article L. 113-3 du Code du sport (N° Lexbase : L6291HNC), qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de conclure des contrats de prestation de services avec les clubs sportifs professionnels, d'autoriser ces personnes publiques à acquérir des places pour assister à des rencontres sportives. L'existence de cet intérêt public légalement défini est évidemment une garantie pour les collectivités territoriales qui disposent donc d'un titre juridique leur donnant compétence pour acquérir de telles prestations de services. Cependant, il leur faut faire montre de prudence en s'efforçant de toujours justifier leurs interventions en invoquant les missions d'intérêt général précitées. C'est précisément la précaution qu'avait prise le département du Rhône en l'espèce. Les délibérations attaquées et les rapports de présentation indiquaient que l'acquisition des places visait à promouvoir l'activité sportive auprès du jeune public du département, notamment des collégiens et des jeunes en difficulté, et d'encourager l'encadrement bénévole de cette activité. A contrario, on peut en déduire que seraient entachées d'irrégularité les délibérations qui seraient justifiées, par exemple, par le seul souci d'aider financièrement de club sportif en lui achetant les places qu'il pourrait avoir des difficultés à vendre aux supporters, notamment en période de mauvais résultats sportifs.
La deuxième précision apportée par l'arrêt rendu le 28 janvier 2013 tient aux conditions d'application du Code des marchés publics. Plus précisément, l'on sait que de tels achats s'apparentent à des marchés publics de prestations de services, ce qui suscite deux questions distinctes mais complémentaires.
La première a trait à la définition par le pouvoir adjudicateur de la nature et de l'étendue des besoins à satisfaire. L'article 5 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2665HPE) pose le principe selon lequel "la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminés avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ses besoins". Par le passé, le département du Rhône avait vu un certain nombre de ses achats remis en cause pour méconnaissance de cette obligation de définition de l'étendue des besoins à satisfaire. En pratique, les requérants dénonçaient le fait qu'aucune information relative à la redistribution des places achetées par le département n'était fournie. Par exemple, dans un jugement rendu en 2007, le tribunal administratif de Lyon (4) a annulé la délibération du conseil général au motif que, tout en ayant justifié l'achat des places par sa volonté de promouvoir la "pratique d'activités sportives auprès des jeunes du département, en particulier les collégiens et membres d'associations sportives, auxquels seraient pour l'essentiel' réservées les places", le département n'avait nullement prévu une affectation des places à un usage déterminé et avait d'ailleurs reconnu que celles-ci étaient réparties entre les conseillers généraux qui les distribuaient librement et sans contrôle.
Pour le tribunal administratif, cette absence de définition de la nature et de l'étendue des besoins était contraire au Code des marchés publics et révélait en creux l'absence d'intérêt public départemental. Une solution identique avait été retenue par le même tribunal au sujet de l'achat de places pour assister au Grand prix de tennis de Lyon (5). Faisant montre d'une plus grande prudence à la suite de ces jugements, le département du Rhône a pris soin par la suite de préciser dans ses délibérations le type de public auquel les titres seraient redistribués. Cela n'a malheureusement pas suffi à éviter la censure du juge administratif. Dans un arrêt du 7 avril 2011 (6), les juges d'appel se sont montrés encore plus exigeants en censurant le département pour ne pas avoir précisé les quantités de titres à acquérir dans chacune des trois catégories concernées (billets, pass, abonnements) au regard du montant prévisionnel du marché. Dans l'arrêt du 28 janvier 2013, le Conseil d'Etat rappelle les exigences découlant de cette obligation de définition de l'étendue des besoins à satisfaire, pour relever au final qu'elles ont été complètement respectées par le département. En effet, le conseil général avait fixé le montant prévisionnel des marchés à bons de commande et les catégories de personnes susceptibles de bénéficier des places acquises. De plus, les rapports de présentation annexés aux délibérations attaquées précisaient le nombre et les catégories d'abonnement ou de pass que le département souhaitait acheter en fonction des types de compétition.
La seconde interrogation liée à la soumission de ces achats au Code des marchés publics était celle de savoir si ces contrats avaient légalement pu être conclus sans publicité et mise en concurrence préalable. Les délibérations contestées visaient précisément à acheter des billets permettant d'assister aux matchs de l'Olympique Lyonnais. Or, cette précision est lourde de conséquences quant à la détermination des règles de passation des marchés publics. S'il est évidemment possible de mettre en concurrence plusieurs clubs sportifs professionnels pour promouvoir les missions d'intérêt général précitées, cela devient impossible à partir du moment où l'objet des marchés litigieux porte sur l'achat de places de spectacles auprès d'un club sportif clairement identifié. La prestation que souhaite obtenir le département possède alors "un caractère unique", comme le relève l'arrêt du Conseil d'Etat car seul le club nommément désigné est en mesure de délivrer les billets. Dans cette hypothèse, une dispense des obligations de publicité et de mise en concurrence est permise par l'article 28-II du Code des marchés publics. Aux termes de cet article, "le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables [...] lorsque ces formalités sont impossibles ou manifestement inutiles en raison notamment de l'objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré". En l'espèce, une mise en concurrence pour l'achat des billets vendus par le seul club de l'Olympique Lyonnais était impossible à réaliser et le département du Rhône pouvait donc conclure ces marchés sans publicité et mise en concurrence préalable.
Le département de l'Aveyron avait décidé de déléguer la gestion du laboratoire départemental d'analyses et avait créé, en même temps, une société d'économie mixte locale (SEML) dans les conditions prévues par les articles L. 1521-1 (N° Lexbase : L4241GTA) et suivants du Code général des collectivités territoriales (7). Cette dernière se présentait donc comme une société dédiée, c'est-à-dire une société spécialement constituée pour gérer la mission de service public que la collectivité territoriale souhaitait lui confier. Par une délibération du 24 octobre 1995, le conseil général a retenu l'offre de la SEML et écarté celle d'une SARL qui a alors exercé un recours pour excès de pouvoir contre plusieurs délibérations locales, dont celle attribuant la délégation de service public à la SEML. Saisi de ce litige, le Conseil d'Etat était appelé à préciser dans quelles conditions une société en cours de constitution pouvait présenter une offre en vue de l'attribution d'une délégation de service public.
L'on sait que depuis la loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002, tendant à moderniser le statut des SEML (N° Lexbase : L1436AW4), l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L0551IGI) dispose que "les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées peuvent être admises à présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes". Cette disposition répond à une préoccupation récurrente des opérateurs économiques et elle permet de ne pas pénaliser les entreprises en cours de constitution ou nouvellement créées. Surtout, elle permet de faciliter la candidature des SEML dédiées à l'attribution de contrats publics. Dans cette affaire, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait annulé la délibération attribuant la gestion du laboratoire départemental d'analyses à la SEML au motif que cette dernière n'était pas en cours de constitution au moment de la date limite de réception des candidatures (8).
Il faut préciser que, bien souvent, les élus locaux adoptent les statuts de la SEML qu'ils entendent créer, mais diffèrent leur dépôt et leur enregistrement jusqu'à la décision d'attribution du contrat. C'est-à-dire que les statuts ne sont déposés et enregistrés que si la SEML dédiée se voit finalement attribuer le contrat. Cette attitude n'est pas contestable en soi et se justifie par des considérations pratiques évidentes (ne pas avoir à administrer une SEML n'ayant aucune mission à exercer...). Il reste qu'elle peut poser problème comme l'illustre cette affaire. En effet, le département de l'Aveyron avait, certes, pris un certain nombre de décisions importantes en vue de la constitution de la SEML, mais ces actes se sont finalement révélés insuffisants pour assimiler la SEML à une "société en cours de constitution" au sens de l'article L. 1411-1 précité. Plus précisément, le département avait décidé du principe de la création de la SEML et adopté un projet de statut. Mais il n'avait pas clairement défini la liste des actionnaires, l'importance de leur participation et le montant du capital social de la SEML.
En l'espèce, le juge administratif a même considéré que la circonstance que le département avait pris un certain nombre d'engagements susceptibles d'être repris ensuite par la SEML dans les conditions prévues par l'article L. 210-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5793AIE) n'était pas décisive. Confirmant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le Conseil d'Etat a logiquement considéré que la candidature de la SEML n'était pas recevable. De cet arrêt, il ressort assez clairement que la qualification de société en cours de constitution exige que la procédure de création de la société soit suffisamment aboutie au moment de la date limite de dépôt des candidatures. Si elle peut paraître sévère de prime abord, cette solution s'avère finalement assez logique, car le pouvoir adjudicateur doit être en mesure, à partir de cette date, d'apprécier les garanties professionnelles et financières des entreprises candidates à l'attribution du contrat.
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 28 décembre 2012, n° 345111, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6837IZA).
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par Simon Ginesty, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine
Le 28 Février 2013
Pour contrôler l'application de ce principe, les administrations fiscales ne sont pas totalement démunies et ont introduit dans leur arsenal législatif des règlementations visant à lutter contre ce schéma de délocalisation du profit. En France, c'est l'article 57 du CGI (N° Lexbase : L3365IGQ) qui joue les garde-fous.
Las ! L'économie est aujourd'hui mondialisée et les administrations fiscales sont à la peine face à des entreprises dont le périmètre d'action se cantonne de plus en plus rarement à l'intérieur des frontières étatiques. La mise en oeuvre de l'article 57 du CGI repose alors sur la collaboration de la Direction générale des finances publiques avec ses homologues étrangers et l'obtention de précieux renseignements sur le transfert "supposé" de bénéfice à l'étranger. C'est ainsi que, dans le cas d'espèce, l'administration fiscale française avait adressé une demande de renseignements à l'administration allemande afin d'établir l'existence d'un transfert des bénéfices de la société française vers la société Hexagon Holdings Ltd.
L'administration fiscale entendait, dès lors, bénéficier des dispositions de l'article L. 188 A du LPF (N° Lexbase : L5372G74), qui prévoit une prorogation du délai de reprise (3) d'une durée maximum de deux années lorsqu'elle a demandé des renseignements au service homologue d'un Etat étranger concernant les relations d'un contribuable qui entrent dans les prévisions des articles 57 ou 209 B (N° Lexbase : L9422IT7) du CGI avec une entreprise, une société ou un groupement exploitant une activité ou établi dans cet Etat ou ce territoire.
La prorogation de ce délai de reprise requiert néanmoins le respect de trois conditions cumulatives, tenant :
- au délai dans lequel la demande de renseignements est formulée, à savoir dans le délai de reprise ;
- à l'information du contribuable sur l'existence de la demande de renseignements ; et enfin
- au destinataire de la demande de renseignements, à savoir celle de l'Etat vers lequel le transfert de bénéfice est suspecté.
C'est d'ailleurs cette dernière condition qui faisait défaut en l'espèce, la demande de renseignements ayant été adressée non pas aux autorités compétentes de Jersey mais aux autorités fiscales d'Allemagne.
Comme l'énonçait Jean de la Fontaine, "rien ne sert de courir, il faut partir à point" (4). Voici donc l'occasion pour nous de s'intéresser aux conditions d'application de ce délai spécial de reprise en cas de demande administrative internationale mais aussi, pour l'administration fiscale, de revoir ses classiques.
I - La demande de renseignements doit être formulée dans le délai initial de reprise
Les conventions fiscales internationales prévoient que les administrations peuvent procéder à des échanges de renseignements, dans le cadre de l'assistance administrative, échanges particulièrement utiles s'agissant du contrôle des prix de transfert.
Le délai de réponse des administrations étrangères étant, par nature, aléatoire (5), le législateur est venu au secours de l'administration, en prévoyant à l'article L. 188 A du LPF une prorogation du délai de reprise lorsque l'administration fiscale a, dans le délai initial de reprise, formulé une demande de renseignements auprès d'autorités fiscales étrangères.
Ainsi, lorsque certaines conditions sont remplies, "les omissions ou insuffisances d'imposition y afférentes peuvent être réparées, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réponse à la demande et au plus tard jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" (LPF, art. L. 188 A).
En l'espèce, le soupçon de transfert indirect de bénéfice par la société Technipex portait sur l'exercice clos en 1995. Dès lors, et conformément aux dispositions applicables, le délai de reprise de l'administration fiscale pouvait s'exercer jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, soit le 31 décembre 1998 (LPF, art. L. 169 N° Lexbase : L5755IRL).
Après avoir appris, par le ministère de la Défense, que l'entreprise produisant les jumelles militaires concernées était établie en Allemagne, l'administration fiscale avait adressé à son homologue germanique une demande de renseignements en décembre 2008, soit dans le délai normal de reprise.
Dès lors, sous réserve du respect des autres conditions d'application de ce régime, et conformément aux termes de l'article L. 188 A du LPF, le délai de reprise pouvait être prorogé jusqu'à la fin de l'année qui a suivi celle de la réponse à la demande de renseignements et, au plus tard, jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition était due.
L'administration fiscale a donc adressé une proposition de rectification auprès de Technipex par lettre en date du 20 janvier 2000, en réintégrant dans ses bases imposables les bénéfices indûment transférés en 1995, respectant ainsi la première condition pour pouvoir bénéficier de la prorogation du délai de reprise.
II - Le contribuable doit être informé de la demande de renseignements (et de sa réponse)
L'article L. 188 A du LPF s'applique "dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements, au moment où celle-ci a été formulée, ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire au moment où cette réponse est parvenue à l'administration".
Le législateur a donc expressément conditionné la prorogation du délai de reprise à l'information du contribuable sur la formulation d'une demande de renseignements, ce qui soulève deux interrogations.
La première a trait au type d'informations dont est redevable l'administration, l'article L. 188 A du CGI ne prévoyant, expressis verbis, qu'une information sur l'existence de la demande de renseignements, et non sur son contenu. Cette interrogation demeure toutefois essentiellement théorique, l'administration fiscale devant, en toute hypothèse, informer le contribuable des renseignements obtenus de la part de tiers, ce afin qu'il soit à même de les contester ou d'en demander communication (6).
La seconde porte sur le délai dans lequel le contribuable doit être informé par l'administration fiscale : celle-ci est-elle tenue de l'informer en même temps qu'elle adresse la demande de renseignements auprès de son homologue étranger ?
Sur ce sujet, on aurait pu imaginer que ce délai s'achève avec le terme du délai normal de reprise. En effet, s'agissant d'une prorogation du délai normal de reprise, le contribuable devrait pouvoir savoir, à la fin de ce délai, si la prescription lui est acquise ou non (7).
Cette question n'est pas sans intérêt : pour preuve, et au cas d'espèce, l'administration fiscale avait adressé sa demande de renseignements auprès de l'administration fiscale allemande en décembre 1998, soit quelques jours avant la fin du délai normal de reprise. Dès lors, quid si le contribuable n'avait été informé que quelques semaines plus tard, en janvier 1999 par exemple, c'est-à-dire après l'expiration du délai de reprise ?
Rien, à en croire la jurisprudence du Conseil d'Etat, lequel a récemment indiqué que, dès lors qu'un "délai raisonnable" a été respecté, les dispositions de l'article L. 188 A du CGI ont bien vocation à s'appliquer, même si le contribuable a été informé postérieurement au délai normal de reprise (8). Cette position de la Haute assemblée n'est pas sans inconvénient (9), mais peut sans doute s'expliquer par des considérations pratiques.
Ainsi, et bien que les termes de l'arrêt ne permettent pas de connaître la date à laquelle l'administration a informé la société Technipex, dès lors que cette dernière a bien fait l'objet d'une information dans un délai raisonnable, le délai de reprise pouvait ainsi être prorogé, sous réserve du respect de la troisième et dernière condition.
III - La demande de renseignements doit être adressée à l'Etat dans lequel l'entité liée au contribuable est établie
L'article L. 188 A du CGI vise deux groupes de renseignements :
- "les relations d'un contribuable qui entrent dans les prévisions des articles 57 ou 209 B du CGI avec une entreprise, une société ou un groupement exploitant une activité ou établi dans cet Etat ou ce territoire", d'une part, et
- "les biens, les avoirs ou les revenus dont un contribuable a pu disposer hors de France ou les activités qu'il a pu y exercer", d'autre part.
Ainsi, en matière de fiscalité d'entreprise, l'administration fiscale peut se prévaloir de la prorogation du délai normal de reprise lorsque sa demande de renseignements porte sur l'article 57 du CGI (c'est-à-dire les transferts de bénéfices entre entreprises dépendantes) et/ou sur l'article 209 B (relatif aux sociétés françaises ayant des filiales ou des établissements dans des Etats ou territoires à fiscalité privilégiée). On soulignera que l'application d'une demande de renseignements peut porter sur les deux articles simultanément.
Toutefois, et cela constitue le coeur même de l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 28 décembre 2012, la demande de renseignements doit être adressée à l'autorité compétente d'un autre Etat sur des renseignements concernant une entreprise ou une entité juridique exploitant une activité ou établie dans cet Etat.
Cette condition, a priori de bon sens, n'en soulève pas moins une problématique de fond. En effet, quand il s'agit de deux entreprises localisées dans des Etats coopératifs, elle ne pose pas de problème. Imaginons, par exemple, pour reprendre le cas d'espèce, que ce soit l'entreprise domiciliée en Allemagne qui ait facturé directement les jumelles militaires à la France. Dans une telle hypothèse, si l'administration fiscale française avait soupçonné un transfert indirect de bénéfice, la demande de renseignements adressée à son homologue allemande aurait eu l'effet escompté, à savoir démontrer que l'entreprise allemande avait bel et bien indûment facturé la société Technipex qui lui est liée et donc localiser le profit en Allemagne.
Or, tel n'était pas le cas, puisque les jumelles litigieuses, avant d'être revendues à la France, avaient été préalablement cédées à une société domiciliée à Jersey.
La demande de renseignements adressée par l'administration fiscale française ne portait donc pas sur des renseignements concernant les relations de la société Technipex avec une entreprise ou une entité juridique exploitant une activité ou établie en Allemagne. Elle visait -avant tout- à établir l'existence d'un transfert de bénéfice de la société française vers la société Hexagon Holdings Ltd, de sorte que cette demande aurait dû être adressée auprès des autorités de l'Etat où cette dernière est établie, soit Jersey, même si, en l'occurrence, ayant eu connaissance du prix facturé par l'entreprise allemande et connaissant celui payé par l'entreprise française, il était aisé de faire la soustraction pour déterminer le bénéfice laissé à Jersey.
La solution ne laissait donc pas de place au doute : la demande de renseignements n'étant pas adressée à l'Etat vers lequel le transfert de bénéfice était supposé, le délai de reprise ne pouvait être prorogé. La proposition de rectification étant parvenue auprès de la société Technipex après le délai normal de reprise, l'action de l'administration fiscale était donc prescrite.
Cette solution, favorable au contribuable, apparaît tout de même sévère, et pose la question des moyens dont dispose l'administration fiscale pour s'attaquer aux transferts indirects de bénéfice.
IV - Des conditions appréciées strictement
Selon une jurisprudence constante, toute disposition dérogatoire à un principe général est d'interprétation stricte. L'article L. 188 A du LPF, qui établit une prorogation spéciale du délai de reprise au profit de l'administration, déroge au délai normal de reprise. Les conditions d'application de ce régime dérogatoire doivent donc s'apprécier strictement.
On remarquera toutefois que cette interprétation restrictive comporte une marge de souplesse en ce qui concerne le délai dans lequel l'administration doit informer le contribuable lorsqu'elle formule une demande de renseignements.
Par ailleurs, l'interprétation retenue par la Haute assemblée, si respectueuse soit-elle des garanties fondamentales accordées au contribuable, constitue un frein à la mise en oeuvre par l'administration des moyens dont elle dispose pour le contrôle des prix de transfert. Il paraît ainsi assez douteux que, dans le cas d'espèce, l'administration aurait reçu une réponse si elle avait adressé sa demande de renseignements à l'administration fiscale de Jersey (10).
Nous avons vu en préambule à quel point la lutte contre les prix de transfert constituait une préoccupation brûlante des administrations fiscales. Dès lors, interpréter strictement les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 188 A est de nature à limiter le champ d'action de l'administration fiscale sur ce terrain.
Encore ce constat n'est-il fondé que dans la mesure où l'administration ne détournerait pas cette disposition de son objectif en recourant à l'assistance administrative alors que la vérification est déjà engagée depuis une longue période, ceci principalement pour allonger le délai normal d'investigation dont elle dispose et dont elle n'aurait pas fait bon usage.
Cependant, même si la prorogation du délai normal de reprise serait probablement compromise dans cette hypothèse, il n'en reste pas moins que l'administration fiscale dispose d'autres armes pour établir un éventuel transfert de bénéfices.
On rappellera ainsi qu'aux termes mêmes de l'article 57 du CGI, la condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France, dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A (N° Lexbase : L3230IGQ), ce qui devrait être le cas pour les entreprises établies à Jersey, par exemple.
De plus, le même article prévoit qu'en cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du LPF (N° Lexbase : L3346IGZ), les bases d'imposition concernées sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose. Le contribuable est alors prévenu : s'il ne peut justifier les prix de transfert qu'il pratique, l'administration fiscale pourra rectifier son résultat à partir des seuls éléments en sa possession.
En conséquence, même si l'administration fiscale est sans doute contrainte d'agir plus rapidement par l'interprétation donnée par la Haute assemblée dans son arrêt du 28 décembre 2012, elle conserve néanmoins des armes efficaces pour lutter contre les transferts de bénéfices.
(1) Selon la définition de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les prix de transfert sont "les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées".
(2) La presse s'est fait récemment l'écho d'un redressement fiscal en la matière qui vise la société Google (V. par exemple, Le Monde, en date du 2 novembre 2012) : la quasi-totalité des revenus générés en France seraient ainsi déclarés en Irlande, après un passage aux Pays-Bas par une société intermédiaire, puis transférés aux Bermudes, lieu où est établie la filiale Google Ireland Holdings, propriétaire des marques du groupe.
(3) Encore appelé "délai de prescription", c'est-à-dire le délai dans lequel l'administration fiscale est en droit de rectifier les résultats d'une entreprise.
(4) Le Lièvre et la Tortue, Jean de La Fontaine, 1668.
(5) Il serait d'ailleurs intéressant de connaître le délai de réponse moyen de l'administration fiscale française aux demandes formulées auprès d'elle par ses homologues étrangers.
(6) Voir, par exemple, CE 9° et 10° s-s-r., 30 juillet 2010 n° 306560, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9267E7D).
(7) CE, 10° et 9° s-s-r., 5 juillet 2010, n° 305563, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1301E4X), concl. J. Boucher : "puisqu'il s'agit de proroger un délai de prescription, il est assez tentant de considérer que, pour que cette prorogation soit acquise, il faut non seulement que la demande de renseignements ait été formée avant l'expiration du délai initial de reprise, mais encore que le contribuable ait été informé de son existence avant cette date, de façon à savoir que, contrairement à ce qu'il pouvait légitimement escompter, il ne pourra revendiquer le bénéfice de la prescription de droit commun". C'est d'ailleurs ce que semble indiquer la doctrine administrative : "si le contribuable n'a pas été informé d'une demande d'assistance, l'action du service se déroulera dans le délai général de reprise" (BOI-CF-PGR-10-60-20120912, n° 160 N° Lexbase : X5267ALN).
(8) CE 10° et 9° s-s-r., 5 juillet 2010, n° 305563, précité.
(9) Cette décision n'a-t-elle pas pour effet de priver le contribuable du maintien d'une situation légalement acquise ? V. Cons. const., décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, cons. 45 (N° Lexbase : A1204DMK) ; Cons. const., décision n° 2007-550 DC du 27 février 2007, cons. 4 (N° Lexbase : A3317DUE).
(10) On soulignera néanmoins que France a signé un accord avec le Gouvernement de Jersey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale et à l'imposition des pensions (Accord par échange de lettres, signées à Paris le 12 mars 2009 et à Saint-Hélier le 19 mars 2009 N° Lexbase : L2670IWS).
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Réf. : Cass. soc., 13 février 2013, n° 12-18.098, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7707I7L)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 28 Février 2013
Résumé
La représentativité des organisations syndicales, dans un périmètre donné, est établie pour toute la durée du cycle électoral. |
Observations
I - L'alternative offerte
La problématique. En application de l'article L. 2122-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3823IB9), "dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN) et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants".
Si ce texte trouve aisément à s'appliquer dans l'entreprise à structure unitaire, sa mise en oeuvre fait difficultés lorsque celle-ci est divisée en établissements distincts. Dans ce cas, en effet, la représentativité au niveau de l'entreprise dépend des résultats obtenus aux élections qui se déroulent dans chaque établissement, à tout le moins lorsque ces derniers sont dotés de comités d'établissement (1). Plus précisément, la représentativité dans l'entreprise toute entière découle de l'addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les établissements concernés. Le problème naît lorsque les élections dans ce périmètre se succèdent dans le temps (2). Dans ce cas, deux voies peuvent être empruntées pour apprécier la représentativité ou, plus exactement, l'audience électorale.
L'alternative. Ainsi qu'il est précisé dans le communiqué relatif à l'arrêt rapporté, la mesure de l'audience électorale dans les entreprises à structure complexe peut s'effectuer selon un calcul par cycle électoral ou tenir compte de toutes les élections intermédiaires ou partielles et s'effectuer "au fil de l'eau". Ce même communiqué révèle "qu'au regard de l'importance des données sociales et des choix des partenaires sociaux sur ce sujet, la Chambre sociale de la Cour de cassation, comme elle a pris l'habitude de le faire pour ce type de contentieux, a questionné les organisations syndicales et patronales pour recueillir leur avis. Tout en insistant sur l'importance d'une représentativité réellement en phase avec le choix des salariés, les partenaires sociaux ont, en grande majorité, souligné la nécessité pour la représentation en entreprise et pour la négociation collective de donner aux organisations syndicales représentatives une stabilité dans leur mission".
On l'aura compris, les partenaires sociaux ont, dans leur majorité, signifié à la Chambre sociale qu'ils souhaitaient privilégier le calcul par cycle électoral qui, seul, est de nature à offrir la stabilité recherchée. En effet, définie en fin de cycle (i.e. lorsque les élections ont eu lieu dans tous les établissements concernés), la représentativité perdure pendant quatre ans. Plus exactement, et nous y reviendrons, c'est la mesure de l'audience électorale qui est figée pendant quatre ans (3).
Ainsi, pendant cette même période, les mandats des représentants syndicaux, au sens large, conservent une certaine pérennité, tandis que l'employeur est assuré d'avoir face à lui les mêmes syndicats pour mener à bien des négociations. L'inconvénient majeur de la règle du cycle électoral est de générer un certain décalage entre la représentativité affichée et la réalité (4) ; inconvénient que ne présente à l'évidence pas la règle de l'appréciation au fil de l'eau. Dans ce cas, en effet, la représentativité au niveau de l'entreprise exige d'être revue à chaque fois qu'a lieu une élection dans un établissement distinct. Mais il faut alors admettre qu'un syndicat qui était représentatif peut, subséquemment, ne plus l'être, pour, éventuellement, le redevenir en fonction des résultats obtenus lors des élections dans un autre établissement...
II - Le choix opéré
La solution retenue. En l'espèce, les élections des membres des quatre comités d'établissement que comporte la société M. se sont déroulées entre 2009 et 2011. La Fédération générale des mines de la métallurgie CFDT a obtenu, au terme des quatre élections, un pourcentage de suffrages de 9,25 %. Le 17 novembre 2011, à la suite de la démission d'un représentant du collège cadre dans l'un des comités d'établissement de la société, une élection partielle a été organisée. Le 2 décembre suivant, estimant être devenu représentatif en tenant compte des résultats de l'élection partielle, le syndicat CFDT a désigné un délégué syndical central. La fédération Force ouvrière de la Métallurgie a contesté cette désignation devant le tribunal d'instance.
Pour valider la désignation du délégué syndical central, le jugement attaqué a retenu que c'est au jour de la désignation du délégué syndical que doit s'apprécier la représentativité du syndicat dans l'entreprise et qu'en l'occurrence le syndicat CFDT est devenu représentatif à la suite des élections partielles organisées le 17 novembre 2011.
Ce jugement est censuré par la Cour de cassation au visa des articles L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-5 (N° Lexbase : L6223ISB) du Code du travail. Après avoir affirmé que "la représentativité des organisations syndicales, dans un périmètre donné, est établie pour toute la durée du cycle électoral", la Chambre sociale relève "qu'en statuant comme il l'a fait, alors que les résultats obtenus lors d'élections partielles ne pouvaient avoir pour effet de modifier la mesure de la représentativité calculée lors des dernières élections générales, le tribunal a violé les textes susvisés".
La portée de la solution. La Cour de cassation a ainsi opté pour la règle du "cycle électoral", dans le souci, nous dit le communiqué accompagnant l'arrêt, de "privilégier la stabilité et la sécurité des négociations collectives". Par suite, et à compter des élections intervenues dans le dernier établissement de l'entreprise, la représentativité est établie à ce dernier niveau pendant une durée de quatre ans, ou une durée moindre si une convention ou un accord collectif de travail a fixé la durée des mandats entre deux et quatre ans. La solution vaut également, et à l'évidence, pour la représentativité au niveau du groupe de sociétés. Peu importe, en conséquence, que durant la durée du cycle électoral interviennent des élections intermédiaires, qu'il s'agisse, comme en l'espèce, d'élections partielles ou d'élections conduisant au renouvellement d'un comité d'établissement ou d'un comité d'entreprise dont le mandat serait arrivé à échéance. Le résultat de ces élections n'a pas à être pris en compte pour la mesure de l'audience électorale. Pour être plus précis, il convient de souligner que, tandis que le résultat des élections partielles ne pourra servir à autre chose qu'à investir un salarié d'un mandat de représentant du personnel pour le reste du cycle électoral, le résultat des secondes élections devra être réservé, pour être additionné aux autres en fin de cycle.
Ce faisant, et pour reprendre les propos d'un auteur, "on recrée [...] une sorte de présomption de représentativité à durée déterminée" (5). C'est ce que tend à confirmer l'arrêt rapporté, la Cour de cassation y affirmant, rappelons-le, que "la représentativité des organisations syndicales, dans un périmètre donné, est établie pour toute la durée du cycle électoral" (6). Si le choix du "cycle électoral" peut se comprendre, cette affirmation n'emporte pas la conviction. Ce qui est établi, pour la durée du cycle, c'est l'audience électorale et non la représentativité. Il n'est, en effet, guère besoin de rappeler que la représentativité ne dépend pas uniquement de ce critère. Or, à suivre la Cour de cassation, la représentativité ne pourrait être remise en cause pendant toute la durée du cycle, alors même que, par exemple, le syndicat viendrait à perdre la quasi-totalité de ses membres ou, plus grave, ne respecterait plus les valeurs républicaines ou ne ferait plus preuve d'indépendance à l'égard de l'employeur. Si cette solution était admise, elle aurait effectivement pour effet de rétablir la présomption irréfragable de représentativité, à laquelle la loi du 20 août 2008, à la suite de la Position commune, a pourtant précisément mis un terme !
Il n'est toutefois pas certain que l'arrêt rapporté doive être compris en ce sens, même si le motif de principe énoncé laisse place à semblable interprétation. Au demeurant, la même question se pose pour la représentativité au niveau des branches et au niveau interprofessionnel. Le problème pourrait cependant y être envisagé différemment, étant observé que la loi précise expressément que le ministre chargé du Travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives à ces niveaux (C. trav., art. L. 2122-11 N° Lexbase : L3832IBK) (7).
Pour en revenir à l'arrêt sous examen, il est, à notre sens, important de souligner que la Cour de cassation retient la règle du cycle à l'égard "d'un périmètre donné". Cette formule laisse à penser que la solution retenue ne doit pas être étendue aux situations dans lesquelles ce périmètre vient à être modifié, soit qu'un établissement ou une société fasse son entrée dans l'entreprise ou le groupe, soit qu'il la quitte. Dans ce cas, et sous réserve de certains ajustements (8), la représentativité ou, mieux, l'audience électorale dont dépend la représentativité, devrait être révisée.
(1) Dans l'hypothèse où ces établissements distincts ne comportent que des délégués du personnel et qu'un comité d'entreprise existe au niveau central seules les élections à ce dernier sont prises en compte pour la mesure de l'audience électorale.
(2) Il n'y a évidemment aucun problème lorsque les élections dans les établissements distincts se déroulent en même temps.
(3) Sous réserve d'une durée moindre prévue par convention ou accord collectif de travail.
(4) V. en ce sens, F. Favennec-Héry, L'accès à la représentativité, JCP éd. S, 2012, 1234, spéc., § 9.
(5) F. Favennec-Héry, op. et loc. cit.
(6) Nous soulignons.
(7) Une présomption irréfragable de représentativité à durée déterminée serait ainsi rétablie en application de la loi au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel. Cela n'en reste pas moins gênant, car on pouvait penser que cette présomption avait été chassée de notre droit positif...
(8) En raison du fait, notamment, qu'un établissement ou une société peut, lors de son entrée dans une entreprise ou un groupe, perdre toute autonomie.
Décision
Cass. soc., 13 février 2013, n° 12-18.098, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7707I7L) Cassation, TI Tours (contentieux des élections professionnelles), 16 avril 2012 Textes visés : C. trav., art. L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN), L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2143-5 (N° Lexbase : L6223ISB) Mots-clés : représentativité, audience électorale, entreprise à structure complexe, cycle électoral Liens base : (N° Lexbase : E1797ETQ) |
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