Réf. : Cass. com., 2 février 2022, deux arrêts, n° 20-14.635, F-D N° Lexbase : A51847LL et n° 20-15.290, F-D N° Lexbase : A51147LY
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N0361BZE
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par Vincent Téchené
Le 09 Février 2022
► En l'absence de clause expresse, la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit la cession à la charge de l'acquéreur du passif des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui.
Deux arrêts de cassation rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 février 2022 rappellent ce principe pourtant largement acquis (v. par ex., Cass. civ. 3, 7 décembre 2005 n° 04-12.931, FS-P+B N° Lexbase : A9200DLC – Cass. com., 4 mars 2008, n° 07-11.642, F-D N° Lexbase : A3323D79).
Premier arrêt (n° 20-14.635). À la suite de la cession d’une branche d'activité par une société, l’une des clientes a fait opposition à l'ordonnance lui enjoignant de payer à la cédante une certaine somme au titre de factures. La cour d’appel (CA Caen, 9 mai 2019, n° 17/01463 N° Lexbase : A8153ZA9) ayant déclaré la cédante irrecevable en ses demandes, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation accueille favorablement le pourvoi et censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1690 du Code civil N° Lexbase : L1800ABB et L. 141-5 du Code de commerce N° Lexbase : L5670AIT.
Elle rappelle qu’il résulte en effet de ces textes qu'en l'absence de clause expresse, la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit la cession à la charge de l'acquéreur du passif des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui.
L'arrêt d’appel avait constaté que la société cédante a « vendu », notamment, les contrats en cours, à savoir les ordres de publicités (contrats des annonceurs) et les contrats de louage d'emplacements (contrats de bailleurs) pour retenir que seule la cessionnaire avait qualité à agir pour réclamer le paiement des factures restées impayées par les cocontractants de la cédante.
La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel : en se déterminant ainsi, sans constater que l'acte de cession de la branche d'activité prévoyait expressément, outre la cession pour l'avenir de certains contrats attachés à cette branche, la transmission des créances nées antérieurement des contrats ainsi cédés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Second arrêt (n° 20-15.290). À la suite de la mise en redressement judiciaire d’une société, son fonds de commerce a été vendu. Alléguant la présence de traces de corrosion sur un portail qu’avait posé la cédante, la cessionnaire a été assignée par le propriétaire du portail en remplacement du matériel et indemnisation de son préjudice.
La cour d’appel (CA Pau, 18 février 2020, n° 17/02211 N° Lexbase : A86393EP) ayant fait droit à ces demandes, la société cessionnaire a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au même visa des articles 1690 du Code civil et L. 141-5 du Code de commerce. Elle rappelle identiquement qu’il résulte de ce texte qu'en l'absence de clause expresse la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit la cession à la charge de l'acquéreur du passif des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui.
La cour d’appel avait alors relevé que l'acte de cession fait notamment mention de la vente du fonds de commerce de fabrication, commercialisation, pose de menuiserie alu, PVC, tous articles de fermetures, volets roulants et tous aménagements de la société cessionnaire. Dès lors, selon elle, « la cession du patrimoine de cette société a entraîné son transfert de propriété dans celui de la société [cessionnaire] ».
La cassation est ici encore inévitable : en se déterminant ainsi, sans constater que le contrat de cession prévoyait expressément le transfert à la société cessionnaire des obligations de garantie dont la société cédante pouvait être tenue en vertu d'engagements initialement souscrits par elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Pour aller plus loin : v. Modèle d’acte de cession de fonds de commerce, Droit commercial, Lexbase N° Lexbase : X7025ATD. |
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Réf. : CJUE, 10 février 2022, aff. C-522/20, OE c/ VY N° Lexbase : A24107NL
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N0435BZ7
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par Aude Lelouvier
Le 17 Février 2022
► Si le Règlement « Bruxelles II bis » propose des rattachements alternatifs différents en matière de divorce, fondés sur la durée de résidence habituelle du demandeur sur le territoire d’un État membre avant l’introduction de l’instance, cette durée peut valablement varier selon que le demandeur est, ou non, ressortissant de cet État membre.
Dans cet arrêt, une question préjudicielle était posée à la Cour de justice tendant à considérer que les dispositions de l’article 3 du Règlement « Bruxelles II bis » N° Lexbase : L0159DYK relatives à la compétence du juge en matière de divorce porte atteinte au principe de non-discrimination en raison de la nationalité garanti par l’article 18 du TFUE N° Lexbase : L9696IG9.
En l’espèce, un italien, vivant depuis un peu plus de six mois en Autriche, a introduit devant une juridiction autrichienne une demande en dissolution de son mariage avec son épouse allemande. Toutefois, les juridictions nationales se sont déclarées incompétentes dans la mesure où, conformément aux dispositions de l’article 3 du Règlement « Bruxelles II bis », la compétence des juridictions de l’État membre de la dernière résidence habituelle du demandeur ne peut être retenue que s’il y a résidé au moins une année avant l’introduction de l’instance.
Or, le requérant considérait que les dispositions contenues à cet article portaient atteinte au principe de non-discrimination en raison de la nationalité dans la mesure où une différence de traitement est opérée à l’égard du demandeur compte tenu de sa nationalité. En effet, l’article 3, qui propose des rattachements alternatifs, permet aussi de retenir la compétence des juridictions de l’État membre de la dernière résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé seulement six mois avant l’introduction de l’instance mais à la condition qu’il soit également ressortissant de cet État membre. Ainsi, le Règlement opère une distinction quant à la durée de la résidence habituelle selon que le demandeur possède ou non la nationalité de l’État membre dont la juridiction est saisie.
Cependant la Cour de justice estime que le principe de non-discrimination en raison de la nationalité ne s’oppose pas à une différence de traitement quant aux règles de conflit de juridictions retenues par le Règlement « Bruxelles II bis » dans la mesure où celle-ci a pour objectif d’assurer un lien de rattachement véritable avec l’État membre saisi de la demande en divorce.
Pour rappel, les règles de conflit de juridictions, contrairement aux règles de conflit de lois qui sont d’application universelle, doivent se vérifier grâce à un point de rattachement avec le territoire d’un État membre. C’est la raison pour laquelle, la Cour de justice n’a pas manqué de préciser que la situation n’est pas comparable selon que le demandeur soit un national de l’État membre des juridictions saisies ou ne le soit pas. Indéniablement, celui-ci entretient avec ledit État membre des liens de rattachement plus forts qu’un requérant dont la nationalité serait celle d’un autre État membre. De surcroît, ces liens de rattachement garantissent une certaine prévisibilité pour l’autre époux qui peut légitimement s’attendre à ce que la demande de divorce soit portée devant les juridictions de cet État membre.
Pour résumer, les dispositions du Règlement « Bruxelles II bis » quant aux règles de compétence en matière de divorce sont respectueuses du principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Quel soulagement à l’aune de l’entrée en vigueur de son successeur, le Règlement « Bruxelles II ter » N° Lexbase : L9432LQE qui prévoit exactement les mêmes règles de compétence générale…
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Réf. : Cass. civ. 3, 26 janvier 2022, n° 20-14.580, F-D N° Lexbase : A87857KL
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N0401BZU
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 17 Février 2022
► La présomption de mitoyenneté des murs de séparation n'est pas applicable au mur de soutènement.
Aux termes de l’article 653 du Code civil N° Lexbase : L3254AB7, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire.
En l’espèce, les propriétaires d'une parcelle dans un lotissement avaient assigné le propriétaire du lot voisin, ainsi que les précédents propriétaires, en démolition sous astreinte de constructions édifiées par ceux-ci, empiétant, selon eux, sur leur fonds, et en indemnisation.
Pour rejeter la demande de démolition formée contre le propriétaire actuel, la cour d’appel avait retenu que le mur de soutènement, édifié en limite séparative de deux parcelles, empiétait sur la propriété des demandeurs, mais que, compte tenu de la présomption de mitoyenneté instaurée par l'article 653 du Code civil, il existait un doute sur le caractère privatif des murs dont la démolition était demandée (CA Fort-de-France, 17 décembre 2019, n° 18/00222 N° Lexbase : A2715Z9G).
L’erreur est manifeste au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère de longue date que la présomption de mitoyenneté des murs de séparation n'est pas applicable au mur de soutènement (Cass. civ. 3, 15 juin 1994, n° 92-13487, publié au bulletin N° Lexbase : A6895ABY). La décision est donc censurée par la Cour suprême.
À noter qu’il s’agit d’une présomption simple, et que la preuve de la mitoyenneté d’un mur de soutènement peut donc pour autant être rapportée (Cass. civ. 3, 22 octobre 2003, n° 02-13.699, FS-D N° Lexbase : A9436C9D).
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Réf. : Cass. soc., 2 février 2022, n° 20-60.262, F-B N° Lexbase : A14067LN
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N0358BZB
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par Lisa Poinsot
Le 17 Février 2022
► Dans le cadre des élections professionnelles du CSE central, la répartition des sièges par établissement doit faire l’objet d’un accord collectif ;
En l’absence d’accord, l’autorité administrative est saisie ;
Dès lors que la décision administrative implicite de rejet d’une demande de procéder à la répartition des sièges entre les différents établissements au sein du CSE central n’a pas fait l’objet d’un recours judiciaire, cette décision ne peut pas être retirée et ne suspend plus le processus électoral.
Faits et procédure. La mise en place de CSE au sein d'une UES, constituée par diverses sociétés, a fait l’objet de négociations. Faute d’accord conclu à la double majorité, les sociétés saisissent le Direccte (aujourd’hui Dreets) pour fixer le nombre et la répartition entre établissements des sièges au CSE central. Ce dernier n’a pas statué dans le délai légal de deux mois. Pendant ce temps, les négociations ayant repris, un accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE a été conclu par deux organisations syndicales majoritaires. Cet accord prévoit la mise en place de 6 CSEE et un CSE central ainsi que la composition de ce dernier, en répartissant le nombre de sièges entre les établissements. À la suite des élections des membres des différentes CSEE et du CSE central, le Direccte a retiré sa décision implicite de rejet et a fixé une nouvelle répartition des sièges par établissement au CSE central distincte de celle prévue par l’accord collectif.
En conséquence, certaines sociétés ont saisi le tribunal judiciaire de Versailles dans l’optique de contester cette élection professionnelle. Le tribunal judiciaire de Nanterre a notamment été saisi par le syndicat CGT Fédération des bureaux d’études et le CSEE d’Île de France afin d’annuler la décision du Direccte et de fixer le nombre et la répartition des sièges au CSE central dans les mêmes termes que l’accord collectif.
Les sociétés ont formé un pourvoi incident en cassation à l’encontre du jugement du tribunal judiciaire de Versailles qui a rejeté la demande d’annulation de l’élection professionnelle. Elles soutiennent que leur demande d’annulation des élections professionnelles est recevable du fait de l’inopposabilité d’une partie de l’accord collectif à certaines sociétés. Elles arguent par ailleurs que les élections professionnelles, dont les modalités sont prévues par l’accord collectif, doivent être annulées du fait que ce dernier a été conclu à la majorité simple et que le Direccte, à la suite d’une demande de retrait de sa décision implicite de rejet, a décidé de retirer sa décision dans le délai de contestation des élections.
Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que le tribunal judiciaire de Versailles a légalement justifié sa décision de rejet de la demande d’annulation des élections des membres du CSEE d’Île de France au CSE, central en application des articles L. 2314-6, alinéa 3 N° Lexbase : L8504LG3 et L. 2316-8 du Code du travail N° Lexbase : L0987LTQ.
Le syndicat CGT et le CSEE Île de France ont formé un pourvoi principal afin de voir annuler la décision du tribunal judiciaire de Nanterre qui a rejeté la demande en annulation de la décision du Direccte modifiant la répartition et le nombre de représentants par établissement au CSE central. Ils soutiennent que ce jugement est inconciliable dans son exécution avec celui du tribunal judiciaire de Versailles.
En réponse, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que les deux décisions judiciaires sont inconciliables puisque, en rejetant toutes les deux la demande en annulation de la décision de la Direccte et de l’élection professionnelle, le CSEE d’Île de France aurait été représenté au CSE central par 5 titulaires et 5 suppléants selon l’accord collectif et deux titulaires et deux suppléants selon la décision du Direccte. La Cour de cassation choisit d’annuler la décision du tribunal judiciaire de Nanterre au motif que celle du tribunal judiciaire de Versailles est conforme à sa doctrine.
Pour aller plus loin :
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newsid:480358
Réf. : Cass. civ. 1, 16 février 2022, n° 20-19.333, F-B N° Lexbase : A33607NR
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N0443BZG
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par Laïla Bedja
Le 01 Mars 2022
► Si le paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15, alinéa 5, du Code de la santé publique doit, en principe, être supporté par l'assureur n'ayant pas présenté d'offre d'indemnisation, il incombe à l'établissement de santé dans le cas où celui-ci n'a pas mis en cause son assureur dans la procédure contentieuse.
Les faits et procédure. Après avoir été opérée d’un syndrome d’un canal carpien, une patiente a présenté des complications infectieuses et une expertise a estimé qu’elle avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de plein droit de la clinique et que la réparation des préjudices incombait à l’assureur de l’établissement. En l’absence de cette offre dans le délai de quatre mois, l’ONIAM, saisi par la patiente, lui a fait une offre d’indemnisation partielle qu’elle a acceptée le 25 octobre 2011.
La patiente a assigné le 29 novembre 2011 l’établissement de santé en indemnisation de ses préjudices complémentaires et mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie. Elle s’est ensuite désistée de ses demandes après avoir accepté, le 5 février 2013, une offre d’indemnisation complémentaire par l’ONIAM qui, subrogé dans les droits de la patiente, est intervenu volontairement à l’instance et a sollicité le remboursement des sommes versées, outre le paiement de l'indemnité
Le pourvoi. La cour d’appel (CA Orléans, 8 juin 2020, n° 18/02434 N° Lexbase : A29323NW) ayant condamné l’établissement au paiement de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 1142-15, alinéa 5, du Code de la santé publique, l’établissement a formé un pourvoi en cassation selon le moyen que dans l’hypothèse où l’assureur est resté silencieux ou a refusé de formuler une offre, le législateur, qui a mis en place l’indemnité forfaitaire, a entendu sanctionner l’assureur qui s’est abstenu d’exécuter les obligations auxquelles il était tenu par le contrat. Ainsi, en condamnant la clinique, la cour d’appel aurait violé l’article L. 1142-15 par fausse application.
Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi.
Pour aller plus loin : C. Lantero et C. Hussar, ÉTUDE : La procédure amiable : les commissions de conciliation et d’indemnisation et l’ONIAM, Dans les cas où l'assureur se substitue à l'assureur défaillant, in Droit médical, Lexbase |
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newsid:480443
Réf. : Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-15.164, FS-B N° Lexbase : A33527NH
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N0440BZC
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par Vincent Téchené
Le 23 Février 2022
► L'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, mais il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
Faits et procédure. À la suite de diverses opérations, un couple et leurs trois enfants se sont retrouvés respectivement usufruitiers et nus-propriétaires de parts sociales d’une SCI, l’une des enfants étant en outre gérante. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les parents, usufruitiers des parts, ont demandé à la gérante de provoquer la délibération des associés concernant la révocation de cette dernière de ses fonctions de gérante et la nomination de co-gérants. Exposant que la gérante avait gardé le silence, les parents et l’un des enfants ont assigné, sur le fondement de l'article 14 des statuts de la SCI et de l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 N° Lexbase : Z26227RX, les autres associés et la SCI aux fins de voir désigner un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés à l'effet de statuer sur la révocation de la gérante et la nomination de co-gérants.
Les usufruitiers ont alors formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 11 février 2020, n° 19/03127 N° Lexbase : A67403ED) qui a confirmé l'ordonnance, en ce qu'elle a déclaré irrecevable leur demande tendant à la désignation d'un mandataire.
Pourvoi. Au soutien de leur pourvoi, les usufruitiers faisaient valoir qu’en posant en principe que, dans le silence de la loi, l'usufruitier de parts sociales n'est pas un associé, que dès lors il n'a pas le pouvoir de demander au gérant de provoquer la délibération des associés et qu'a fortiori il est irrecevable à saisir le juge du tribunal de grande instance d'une demande tendant à la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés, la cour d'appel aurait violé l'article 1844 du Code civil N° Lexbase : L2412LRR, ensemble l'article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978.
Décision. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui avait saisi pour avis la Chambre commerciale, reprend ici expressément la solution énoncée par cette dernière (Cass. avis, 1er décembre 2021, n° 20-15.164, FS-D N° Lexbase : A63597GM ; V. Téchené, Lexbase Affaires, décembre 2021, n° 697 N° Lexbase : N0336BZH).
Ainsi, elle rappelle d’abord qu’aux termes de l'article 578 du Code civil N° Lexbase : L3159ABM, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.
En outre, selon l'article 39, alinéas 1er et 3, du décret du 3 juillet 1978, un associé non gérant d'une société civile peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée. Si le gérant s'oppose à la demande ou garde le silence, l'associé demandeur peut, à l'expiration du délai d'un mois à compter de sa demande, solliciter du président du tribunal, statuant en la forme des référés, la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.
Ainsi, selon la Cour, il résulte de la combinaison de ces textes que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, mais qu'il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
Par conséquent, en l’espèce, les usufruitiers n'ayant pas la qualité d'associés et n'ayant pas soutenu que la question à soumettre à l'assemblée générale avait une incidence directe sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l'usufruit, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que leur demande de désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable.
Observations. C’est la première fois que la Cour de cassation tranche clairement la question de savoir si l’usufruitier de parts sociales est ou non associé. La qualité d’associé du nu-propriétaire a, pour sa part, été consacrée par la Cour de cassation depuis longtemps (Cass. com., 4 janvier 1994, n° 91-20.25 N° Lexbase : A4835AC3). Elle en avait alors déduit que les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, à condition qu'il ne soit pas dérogé au droit du nu-propriétaire de participer aux décisions collectives (Cass. com., 22 février 2005, n° 03-17.421, F-D N° Lexbase : A8706DGK – Cass. com., 2 décembre 2008, n° 08-13.185, F-D N° Lexbase : A5368EBG). Pareillement, il a été jugé que la clause statutaire selon laquelle l'usufruitier représente valablement le nu-propriétaire pour toutes les décisions sociales ne peut avoir pour effet de priver le nu-propriétaire du droit de participer aux décisions collectives (Cass. civ. 2, 13 juillet 2005, n° 02-15.904, FS-P+B N° Lexbase : A9112DIC ; R. Kaddouch, Lexbase Affaires, octobre 2005, n° 186 N° Lexbase : N9721AIU).
La nouveauté tient bien au fait que la Cour énonce clairement que « l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé ». Nous étions alors en présence d'une controverse doctrinale. Pour certains auteurs, l'usufruitier a la qualité d'associé (A. Viandier, La notion d'associé, LGDJ, 1978, n° 248 et s.). Pour d'autres, ce n'est pas possible (M. Cozian, Du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, qui a la qualité d'associé ?, JCP éd. E, 1994, 374). Enfin, une solution médiane était également proposée (Fl. Deboissy et G. Wicker, Le droit de vote est une prérogative essentielle de l'usufruitier de droits sociaux, JCP éd. E, 2004, 1290).
Pour aller plus loin :
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Réf. : CE, 1° et 4° ch.-r., 31 janvier 2022, n° 449496, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A12707LM
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N0390BZH
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par Yann Le Foll
Le 17 Février 2022
► Il résulte de l'article L. 442-14 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L0933LNU que l'autorité compétente ne peut légalement surseoir à statuer, sur le fondement de l'article L. 424-1 du même code N° Lexbase : L7107L7D, sur une demande de permis de construire présentée dans les cinq ans suivant une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme (PLU).
Faits. Par une décision du 12 avril 2018, le maire de Rillieux-la-Pape ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de lotissement pour la division d'un terrain. Le 5 janvier 2019, le maire a tacitement délivré un permis de construire une maison individuelle et une piscine sur une parcelle issue de cette division. Ce permis de construire a ensuite été transféré le 7 janvier 2020.
Première instance. Le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande des voisins du projet tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire au motif que le projet autorisé étant de nature à compromettre et à rendre plus onéreux l'exécution du plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon en cours d'élaboration, le maire avait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'opposant par un sursis à statuer à la demande de permis de construire.
Décision - censure TA. Après avoir relevé que le maire de Rillieux-la-Pape avait, le 12 avril 2018, pris une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que ce maire avait entaché sa décision d'illégalité en n'opposant pas, le 5 janvier 2019, soit moins de cinq ans après cette décision de non-opposition, un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée sur une parcelle du lotissement ainsi autorisé, au motif que le projet litigieux était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon.
Position rapporteur public. Dans ses conclusions ayant orienté la décision du CE, le rapporteur public Arnaud Skzryerbak avait ainsi justifié sa position conduisant à écarter la possibilité d’un sursis à statuer motivé par une évolution en cours des règles d’urbanisme, notamment au regard de l’objectif poursuivi par l’article L. 442-14, à savoir « assurer une stabilisation du droit des sols applicable dans les lotissements afin d'encourager l'activité des professionnels de la construction […] La remise en cause de cette garantie de stabilité serait néfaste à l’équilibre économique des opérations de lotissement et dissuaderait les projets dans les secteurs où une révision du document d’urbanisme est en cours ».
Pour aller plus loin : voir ÉTUDE : Les aménagements, Les conséquences sur le permis de construire, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4794E7P. |
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