Réf. : Cass. crim., 9 novembre 2021, n° 20-87.078 (N° Lexbase : A44987B9)
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par Aurélie Cappello, Maître de conférences à l'Université de Bourgogne Franche-Comté
Le 30 Décembre 2021
Mots-clés : question prioritaire de constitutionnalité • application de la loi pénale dans le temps • application des décisions du Conseil constitutionnel dans le temps • article 112-4 du Code pénal • article 62 de la Constitution • abrogation de la loi • interprétation de la loi • revirement de jurisprudence • application dans le temps des revirements de jurisprudence • rétroactivité in mitius • interprétation stricte de la loi pénale.
Le 9 novembre 2021, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt remarquable tant en raison de la solution qu’il consacre que de la motivation qu’il expose. La Haute juridiction y affirme que l’article 112-4, alinéa 2, du Code pénal est applicable en cas d’abrogation de la loi par le Conseil constitutionnel.
Un individu avait été condamné à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, du chef de recel d’apologie d’actes de terrorisme sur le fondement des articles 321-1 (N° Lexbase : L1940AMS) et 421-2-5 (N° Lexbase : L8378I43) du Code pénal, pour avoir téléchargé et enregistré des documents et vidéos faisant une telle apologie.
Dans un arrêt du 7 janvier 2020, la Chambre criminelle avait validé cette condamnation considérant que « le fait de détenir, à la suite d’un téléchargement effectué en toute connaissance de cause, des fichiers caractérisant l’apologie d’actes de terrorisme » entrait dans les prévisions de ces dispositions légales [1].
Toutefois, dans une affaire distincte, un autre individu ayant également été condamné pour des faits similaires, avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) mettant en cause cette interprétation des dispositions en question. La Cour de cassation avait accepté de renvoyer cette QPC au Conseil constitutionnel [2]. Celui-ci s’était prononcé le 19 juin 2020 et avait contredit la Cour : « Il résulte de tout ce qui précède que le délit de recel d’apologie d’actes de terrorisme porte à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée » ; par conséquent, les termes employés à l’article 421-2-5 du Code pénal (N° Lexbase : L8378I43), « ne sauraient, sans méconnaître cette liberté, être interprétés comme réprimant un tel délit » [3]. Dès lors, le 1er décembre 2020, la Cour de cassation avait cassé l’arrêt ayant condamné ce second individu [4]. Restait alors à déterminer ce qu’il adviendrait du premier individu qui, bien que n’ayant pas soulevé la QPC, se trouvait dans une situation comparable et entendait lui aussi bénéficier de la décision du Conseil constitutionnel.
Pour y parvenir, il saisit la cour d’appel d’une requête en incident d’exécution sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7690LPI) estimant que la peine à laquelle il avait été condamné ne devait plus être exécutée au regard de l’article 112-4, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN), selon lequel « la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction pénale ». Les juges du fond ont fait droit à sa requête et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le procureur général : « les décisions du Conseil constitutionnel s’imposant aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en vertu de l’article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L1328A93), les déclarations de non-conformité ou les réserves d’interprétation qu’elles contiennent et qui ont pour effet qu’une infraction cesse, dans les délais, conditions et limites qu’elles fixent, d’être incriminée, doivent être regardées comme des lois pour l’application de l’article 112-4, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN) ».
La Cour de cassation consacre donc l’application de l’article 112-4, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN), aux cas d’abrogation constitutionnelle de la loi. Autrement dit, elle considère que l’exécution de la peine doit cesser non seulement lorsque l’incrimination a été abrogée par une loi, comme le prévoit le texte, mais aussi lorsqu’elle a été abrogée par une décision du Conseil constitutionnel, comme dans le cas d’espèce. Cette solution doit être saluée d’abord parce qu’elle est conforme aux principes fondamentaux à valeur constitutionnelle (I), ensuite parce qu’elle invite à s’interroger sur l’application dans le temps des décisions juridictionnelles (II).
I. Une solution conforme aux principes fondamentaux
La solution retenue par la Cour de cassation est conforme à l’ensemble des principes fondamentaux susceptibles d’être invoqués dans le cadre de la question soulevée, qu’ils soient généraux, applicables à toutes les disciplines (A), ou propres au droit pénal (B).
A. Les principes non spécifiques au droit pénal
C’est d’abord aux principes fondamentaux à dimension générale qu’il convient de confronter l’arrêt de la Chambre criminelle. Deux en particulier attirent l’attention, le premier étant cité par la Cour de cassation, le second étant invoqué par la cour d’appel.
L’application de l’article 112-4 du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN) se justifie, dans un premier temps, au regard du principe exposé à l’article 62, alinéa 3, de la Constitution (N° Lexbase : L1328A93) : « les décisions du Conseil constitutionnel […] s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Comme le rappelle la Cour de cassation, cette règle concerne aussi bien « les déclarations de non-conformité » que « les réserves d’interprétation ». S’agissant des déclarations de non-conformité rendues dans le cadre d’une QPC, celles-ci emportent, en principe, en vertu de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution l’abrogation de la loi, ou, autrement dit, son annulation pour l’avenir.
S’agissant des réserves d’interprétation émises dans le même cadre, il n’en est pas fait mention à l’article 62. Mais, par extension, elles doivent être considérées comme applicables immédiatement à l’image des déclarations de non-conformité. Aucun mécanisme « n’est prévu pour contraindre les juridictions ordinaires à respecter l’autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel » [5]. Mais la « contrainte est remplacée par le principe de l’exécution volontaire » [6] auquel la Cour de cassation se soumet le plus souvent et auquel elle se soumet avec force dans l’arrêt commenté, allant jusqu’à citer l’article 62. En effet, c’est sous la forme d’une réserve d’interprétation émise au sujet de l’article 421-2-5 du Code pénal (N° Lexbase : L8378I43), que le Conseil a considéré qu’une personne ayant téléchargé des contenus faisant l’apologie d’actes de terrorisme en toute connaissance de cause ne pouvait être condamnée au titre du recel d’apologie d’actes terroristes. La Cour de cassation lui donne ici plein effet : certes, aucune condamnation ne peut plus être prononcée sur ce fondement, mais encore les peines prononcées en cours d’exécution doivent cesser.
L’application de l’article 112-4 du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN), repose, dans un second temps, sur le principe constitutionnel d’égalité de tous devant la loi. Dans la jurisprudence du Conseil, ce principe impose de traiter également les personnes placées dans des situations identiques et permet de traiter différemment les personnes placées dans des situations différentes, mais à la condition que la différence de situation prise en compte soit « objective et rationnelle » et que la différence de traitement qui en résulte soit « adaptée, proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi ». En l’espèce, des situations différentes et des traitements distincts peuvent sans aucun doute être relevés entre plusieurs personnes ayant toutes téléchargé des contenus faisant l’apologie d’actes de terrorisme : le requérant de l’espèce qui a été condamné au titre du recel et qui exécute sa peine, le requérant de l’autre espèce envisagée en amont qui a été condamné, qui a soulevé une QPC et dont la condamnation a été annulée, et bien d’autres individus encore qui ne seront pas jugés compte tenu de la décision du Conseil et qui n’exécuteront donc aucune peine.
Or, le traitement particulièrement sévère réservé au premier ne tient qu’à des considérations qui ne sont ni rationnelles, ni proportionnées : il n’a pas soulevé de QPC et sa condamnation est intervenue avant la décision du Conseil. En appliquant l’article 112-4, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN), l’égalité est rétablie au moins en partie, au regard des outils traditionnels qu’offrent le droit pénal : sa condamnation devenue définitive demeure et ne peut être remise en cause, mais l’exécution de sa peine cesse.
B. Les principes propres au droit pénal
Si la solution retenue par la Cour de cassation est conforme aux principes constitutionnels à portée générale, elle est également conforme aux principes constitutionnels propres au droit pénal.
Le principe de nécessité des peines inscrit à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1372A9P) peut ici être invoqué. Il signifie que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », et impose, dans le prolongement, que le juge ne prononce que des peines strictement et évidemment nécessaires également. Dans la jurisprudence constitutionnelle, c’est d’ailleurs sur ce principe que repose la rétroactivité in mitius, c’est-à-dire, la règle selon laquelle les lois de fond plus douces doivent s’appliquer aux faits commis avant leur entrée en vigueur et non définitivement jugés. Selon le Conseil, « le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires » [7]. Il semble que, de la même manière, l’article 112-4, alinéa 2 du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN), permette au juge de faire cesser l’exécution d’une peine que le législateur ne considère plus nécessaire puisqu’il a abrogé le texte d’incrimination.
Par extension, en tirant tous les enseignements pertinents de ces observations et en partant de la philosophie première du principe de nécessité des peines, il est possible d’affirmer que ce principe implique aussi que seules des peines strictement et évidemment nécessaires soient exécutées et que l’article 112-4, alinéa 2 (N° Lexbase : L2044AMN), doit permettre au juge de faire cesser l’exécution d’une peine qui n’est plus nécessaire dans la mesure où le Conseil constitutionnel a abrogé le texte d’incrimination.
Plus délicate est sans doute la question de la conformité de la solution retenue au principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Celui-ci impose au juge de s’en tenir à une interprétation qui demeure dans les limites légales fixées, sans les étendre ni les restreindre et qui exclut ainsi tout arbitraire dans la répression. On peut penser que ce principe n’est pas respecté en l’espèce. En effet, l’article 112-4, alinéa 2 du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN), prévoit que les peines en cours d’exécution cessent lorsqu’elles ont été prononcées pour un fait qui n’est plus une infraction pénale « en vertu d’une loi postérieure au jugement », non « en vertu d’une décision constitutionnelle postérieure au jugement ». La Cour de cassation procède ici à une interprétation par analogie puisqu’elle étend la loi à un cas qu’elle ne prévoit pas expressément mais qui est proche de celui qu’elle encadre. C’est d’ailleurs l’un des arguments invoqués par le pourvoi. Pour l’avocat général, seul le Conseil constitutionnel aurait pu donner à sa décision un tel effet, en assortissant sa réserve d’une « mention expresse tendant à remettre en cause […] les effets passés des condamnations prononcées ». Toutefois, cette conclusion est un peu hâtive dans la mesure où l’on enseigne traditionnellement que l’interprétation par analogie est admise lorsqu’elle est favorable au prévenu [8], comme c’est le cas en l’espèce. C’est d’ailleurs cette même logique qui explique le principe de la rétroactivité in mitius comme exception au principe de non-rétroactivité, le premier et le seul des deux à avoir été consacré à l’origine dès la fin du XVIIIème siècle. On précisera d’ailleurs que l’article 112-4, alinéa 2 (N° Lexbase : L2044AMN), est plus ancien que la QPC si bien que le législateur, lors de sa rédaction, ne pouvait y intégrer l’hypothèse d’une abrogation de la loi par le Conseil constitutionnel [9].
Admettre l’application de l’article 112-4, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L2044AMN) aux peines prononcées pour un fait qui, en vertu d’une décision du Conseil constitutionnel, n’a plus le caractère d’une infraction, est donc conforme aux principes fondamentaux énoncés. Mais, en réalité, il est à peine besoin d’invoquer ces principes tant le bon sens et la raison appellent cette solution. Comment pourrait-on, dans un État de droit, dire à un individu que sa peine repose sur une condamnation contraire à la Constitution et qu’aucune autre personne, pour les mêmes faits, ne pourra plus être condamnée, mais que lui devra exécuter sa peine et dormir en prison ?
II. La question de l’application dans le temps des décisions juridictionnelles
La solution retenue par la Cour de cassation soulève également la question, bien délicate, de l’application dans le temps des décisions juridictionnelles, qu’il s’agisse des décisions du Conseil constitutionnel (A) ou des arrêts de la Cour de cassation (B).
A. Les décisions du Conseil constitutionnel
L’application dans le temps des décisions du Conseil constitutionnel rendues sur question prioritaire de constitutionnalité est envisagée à l’article 62, alinéa 2, de la Constitution. Lorsqu’une loi est déclarée inconstitutionnelle, elle est, en principe, abrogée à compter de la publication de la décision [10].
En cas d’abrogation, la loi sort de l’ordonnancement juridique, et, lorsqu’il s’agit d’un texte d’incrimination, aucune condamnation ne peut plus être prononcée sur son fondement, y compris pour des faits commis avant la publication de la décision. C’est bien ce que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’affirmer à plusieurs reprises, par exemple au sujet du délit de harcèlement sexuel déclaré inconstitutionnel dans une décision du 4 mai 2012 [11]. C’est bien aussi la même règle qu’applique la Cour de cassation, y compris lorsque le Conseil ne l’a pas expressément affirmée. Ainsi en a-t-il été au sujet de la peine de publication et d’affichage du jugement de condamnation prévue par l’ancien article 1741, alinéa 4, du Code général des impôts et abrogée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 décembre 2010 [12]. Cela revient finalement à appliquer le régime de l’application dans le temps des lois de fond plus douces, soit la rétroactivité in mitius prévue à l’article 112-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2215AMY), aux décisions d’abrogation du Conseil constitutionnel. Ainsi, lorsqu’une loi abroge un texte d’incrimination, cette loi rétroagit, et lorsqu’une décision constitutionnelle abroge un texte d’incrimination, cette décision « rétroagit » également. Or, si le fait que l’abrogation soit l’œuvre du législateur ou du Conseil constitutionnel n’importe pas au regard de l’article 112-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2215AMY), il n’y a aucune raison de donner un quelconque effet à cette distinction au regard de l’article 112-4, alinéa 2, du même code. Ces deux dispositions ont pour objet d’éviter qu’une peine qui n’est plus nécessaire ne soit prononcée ou appliquée et se présentent comme des mesures favorables au prévenu.
Le Conseil constitutionnel ne s’oppose d’ailleurs pas à cette analogie et a même parfois saisi l’occasion de consacrer implicitement l’application de l’article 112-4, alinéa 2 (N° Lexbase : L2044AMN), en cas d’abrogation d’un texte d’incrimination. C’est, en effet, ce qui ressort d’une décision du 7 juin 2013 dans laquelle le Conseil a déclaré l’article L. 3124-9, 4° du Code des transports (N° Lexbase : L0029IXD) contraire à la Constitution : « Considérant que la déclaration d’inconstitutionnalité […] prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ; que les peines définitivement prononcées avant cette date sur le fondement de cette disposition cessent de recevoir application » [13]. Il est toutefois regrettable que le Conseil constitutionnel ne prononce pas davantage cette solution et qu’il ne l’ait pas formulée dans la décision du 19 juin 2020 sur le problème qui nous occupe, ce qui aurait dissipé tout doute. Ceci est d’autant plus vrai que, dans l’affaire de l’espèce, aucune loi n’a été abrogée par une décision de non-conformité ; le Conseil a simplement « anéanti » l’interprétation jurisprudentielle d’une loi dans une réserve d’interprétation. Nous ne voyons dans cette spécificité aucune raison d’écarter l’application de l’article 112-4, alinéa 2, mais une telle précision par le juge constitutionnel lui-même aurait été la bienvenue.
B. Les arrêts de la Cour de cassation
Dans son arrêt, la Cour de cassation affirme que « les déclarations de non-conformité ou les réserves d’interprétation qu’elles contiennent […] doivent être regardées comme des lois pour l’application de l’article 112-4, alinéa 2, du Code pénal ». On peut se demander si cette affirmation n’a pas une portée plus générale, comme assimilant l’interprétation jurisprudentielle de la loi à la loi elle-même et, par conséquent, s’interroger sur l’application dans le temps des revirements de jurisprudence de la Cour de cassation.
L’idée d’assimiler l’interprétation jurisprudentielle de la loi à la loi n’est pas nouvelle et, depuis son entrée en vigueur, la QPC y invite fortement. D’abord, en l’espèce, la Cour assimile expressément la décision du Conseil et, plus spécifiquement la réserve d’interprétation qu’il a émise, à une loi. Ensuite, en l’espèce également, ce n’est pas une loi qui est abrogée mais une interprétation jurisprudentielle de la loi, plus précisément de l’article 421-2-5 du Code pénal (N° Lexbase : L8378I43), qui est déclarée inconstitutionnelle. La Cour assimile donc l’interprétation de la disposition à la disposition elle-même. Enfin, et de manière plus générale, il est admis, depuis plusieurs années, que le contrôle de constitutionnalité a posteriori n’a pas vocation à porter exclusivement sur une disposition législative mais également sur l’interprétation constante qu’en livre la Cour de cassation. Ont ainsi par exemple été renvoyées au Conseil constitutionnel des QPC portant sur l’interprétation jurisprudentielle des articles 11 (N° Lexbase : L7022A4T) et 56 (N° Lexbase : L5530LZT) du Code de procédure pénale au sujet de la présence d’un journaliste au cours d’une perquisition [14] ou de l’article 7 du même code (N° Lexbase : L2666L4I) relativement au point de départ du délai de prescription de l’action publique des infractions continues [15]. De tout cela, il résulte que l’interprétation jurisprudentielle fait corps avec la loi et qu’elle peut être « regardée comme » une loi, au moins dans le cadre de la QPC.
Or, ces observations invitent nécessairement à s’interroger sur l’application dans le temps des revirements de jurisprudence. Ne devraient-ils pas suivre le régime de l’application dans le temps de la loi ? La question a souvent été mise en avant en doctrine et de nombreuses propositions ont été faites [16], sans qu’aucune n’ait véritablement était privilégiée. Pourtant, depuis quelques années, qui coïncident étrangement avec l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité et donc la possibilité pour le Conseil de moduler les effets dans le temps de ses décisions, la Cour de cassation semble vouloir elle aussi déterminer l’application temporelle de ses arrêts. C’est, par exemple, ce qu’elle a fait dans un arrêt du 25 novembre 2020 relativement à la responsabilité pénale de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant l’opération de fusion : « cette interprétation nouvelle, qui constitue un revirement de jurisprudence, ne peut s’appliquer aux fusions antérieures à la présente décision sans porter atteinte au principe de prévisibilité juridique » [17]. C’est aussi ce que l’on retrouve dans un arrêt du 30 mai 2018 qui consacre l’obligation nouvelle de motivation des peines en matière contraventionnelle : « l’objectif, reconnu par le Conseil constitutionnel, d’une bonne administration de la justice, commande que la nouvelle interprétation […] donnée n’ait pas d’effet rétroactif, de sorte qu’elle ne s’appliquera qu’aux décisions prononcées à compter du présent arrêt » [18]. L’arrêt ici commenté s’inscrit dans la même logique et poursuit le chemin vers l’assimilation de l’interprétation jurisprudentielle à la loi et la modulation de ses effets dans le temps.
[1] Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.136, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5582Z9M); J. Perrot, Validité du recel d’apologie d’actes de terrorisme à l’aune de la liberté d’expression, Lexbase Pénal, janvier 2020 (N° Lexbase : N1825BYA) ; D. Roets, D., 2020, n° 5, p. 312 ; Y. Mayaud, Gaz. Pal., 2020, n° 7, p. 20 ; G. Beaussonie, JCP G, 2020, n° 12, p. 573.
[2] Cass. crim., 24 mars 2020, n° 19-86.706, F-D (N° Lexbase : A18073K7).
[3] Cons. const., décision n° 2020-845 QPC, du 19 juin 2020 (N° Lexbase : A85303NA) : Ph. Conte, Dr. pén., 2020, n° 9, p. 34 ; F. Malhière, Gaz. Pal, 2020, n° 39, p. 32 ; A. Gogorza, Recel de biens provenant d’apologie d’actes de terrorisme : rétablir l’ordre ne règle pas nécessairement le problème, Lexbase Pénal, juillet 2020 (N° Lexbase : N4051BYP).
[4] Cass. crim., 1er décembre 2020, n° 19-86.706, F-D (N° Lexbase : A947238C); A. Léon, Recel d’apologie d’actes de terrorisme : la Cour de cassation applique la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, Lexbase Pénal, décembre 2020 (N° Lexbase : N5650BYW).
[5] A. Cappello, La constitutionnalisation du droit pénal, Pour une étude du droit pénal constitutionnel, LGDJ, Bibliothèque des sciences criminelles, Tome 58, 2014, p. 151.
[6] V. Bacquet-Bréhant, L’article 62 alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, contribution à l’étude de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Tome 120, 2005, p. 217.
[7] Cons. const., décision n° 80-127 DC, du 20 janvier 1981 (N° Lexbase : A8028ACC).
[8] Voir, par exemple, J. Larguier, Ph. Conte, P. Maistre de Chambon, Droit pénal général, Dalloz, Mementos, 2018, p. 126 ; J-C. Saint-Pau, L’interprétation des lois – Beccaria et la jurisprudence moderne, RSC, 2015, n° 2, p. 273.
[9] Il a pourtant été invité à réfléchir à cette question par plusieurs auteurs. Voir, Par exemple, V. Tellier, Brèves réflexions sur la QPC en matière pénale, Gaz. Pal., 2010, n° 223-224, p. 6 ; A. Cappello, La constitutionnalisation du droit pénal, Pour une étude du droit pénal constitutionnel, op. cit., p. 204 ; Réflexions communes sur la QPC en matière pénale, Dr. pén., 2020, n° 11, p. 10.
[10] On précisera que le Conseil constitutionnel peut choisir de reporter l’abrogation et peut remettre en cause les effets passés de la loi.
[11] Cons. const., décision n° 2012-240 QPC, 4 mai 2012, ; A. Lepage, JCP G, 2012, n° 23, p. 1094 ; G. Roujour de Boubée, D., 2012, n° 21, p. 1344 ; Y. Mayaud, RSC, 2012, n° 2, p. 380.
[12] Cass. crim., 16 mai 2012, n° 11-86.334, F-P+B (N° Lexbase : A3840INK) ; Cons. const., décision, n° 2010-72/75/82 QPC, du 10 décembre 2010 (N° Lexbase : A7111GMC) ; A. Darsonville, Constitutions, 2011, n° 4, p. 531 ; J.-B. Perrier, AJ pénal, 2011, n° 2, p. 76 ; B. Bouloc, D., 2011, n° 13, p. 929.
[13] Cons. const., décision n° 2013-318 QPC, du 7 juin 2013 (N° Lexbase : A1525KGL) ; JH Robert, Dr. pén., 2013, n° 10, p. 40 ; R. Fraisse, Revue juridique de l’économie publique, 2013, n° 714, p. 27 ; A. Haquet, RFDA, 2015, n° 6, p. 1135. On peut également faire un rapprochement avec la décision du 16 septembre 2011 dans laquelle le Conseil constitutionnel abrogea la qualification de l’inceste : « À compter de (la date de publication de la décision), aucune condamnation ne peut retenir la qualification de crime ou de délit incestueux […] ; lorsque l’affaire a été définitivement jugée à cette date, la mention de cette qualification ne peut plus figurer au casier judiciaire » (Cons. const., décision n° 2011-163 QPC, du 16 septembre 2011 (N° Lexbase : A7447HX4) ; A. Lepage, JCP G, 2011, n° 43-44, p. 1930 ; J. Buisson, Procédures, 2011, n° 11, p. 26 ; M. Véron, Dr. pén., 2011, n° 11, p. 19).
[14] Cons. const., décision n° 2017-693 QPC, du 2 mars 2018 (N° Lexbase : A8169XEB) ; B. de Lamy, RSC, 2018, n° 4, p. 997 ; H. Leclerc, Légipresse, 2018, n° 360, p. 262.
[15] Cons. const., décision n° 2019-785 QPC, du 24 mai 2019 (N° Lexbase : A1992ZCR) ; J.-B. Perrier, D., 2019, n° 31, p. 1815 ; O. Cahn, LPA, 2020, n° 156, p. 18 ; S. Papillon, AJ pénal, 2019, n° 7-8, p. 398.
[16] Voir, par exemple, W. Dross, La jurisprudence est-elle seulement rétroactive ?, D., 2006, n° 7, p. 472 ; Ch. Radé, De la rétroactivité des revirements de jurisprudence, D., 2005, n° 15, p. 988 ; G. Marraud des Grottes, Pour ou contre la modulation dans le temps des revirements de jurisprudence, LPA, 2005, n° 21, p. 3 ; Groupe de travail présidé par N. Molfessis, Les revirements de jurisprudence, rapport remis à M. le Premier Président Guy Canivet, Litec, Cour de cassation, 2005.
[17] Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, FP-P+B+I ([LXB=A551437]) : A. Léon, Revirement sur la fusion-absorpt on : la société absorbante peut désormais voir sa responsabilité pénale engagée pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion, Lexbase Pénal, décembre 2020 (N° Lexbase : N5461BYW) ; Ph. Conte, Dr. pén., 2021, n° 1, p. 27 ; E. Dreyer, Gaz. Pal., 2021, n° 7, p. 52.
[18] Cass. crim., 30 mai 2018, n° 16-85.777 (N° Lexbase : A7130XPR) ; Ph. Collet, JCP G, 2018, n° 25, p. 1211 ; O. Bachelet, Gaz. pal., 2018, n° 23, p. 23 ; E. Bonis, Dr. pén., 2018, n° 7, p. 46.
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 19-26.090, F-B (N° Lexbase : A30287GA)
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par Marie Le Guerroué
Le 30 Décembre 2021
► Si la déclaration d'appel peut être faite par mandataire, aucun texte n'impose qu'un avis doit être adressé au conseil du demandeur, qui a, lui-même, été destinataire de cet avis et a, dès lors, été mis en mesure de se présenter à l'audience et de faire valoir ses droits.
Faits et procédure. Saisi par une commission de surendettement, qui a déclaré recevable la demande d’un des défendeurs au pourvoi tendant au traitement de sa situation de surendettement, le juge d'un tribunal d'instance avait prononcé à l'égard de ce dernier l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation. À la suite de la publication au BODACC de cette décision, la société demanderesse avait déclaré deux créances, à titre hypothécaire. Le juge du tribunal d'instance avait arrêté le plan des créances, et notamment fixé la créance de la société à une certaine somme à titre chirographaire. Cette dernière avait interjeté appel de cette décision par l'intermédiaire d'un avocat. Devant la Cour de cassation, la société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement, en retenant que la demanderesse régulièrement convoquée n'avait pas comparu à l'audience ni n'était représentée, de sorte qu'aucun moyen n'a été présenté devant elle.
En cause d’appel. L'arrêt, après avoir constaté qu'un appel avait été formé au greffe le 13 février 2019, par la société demanderesse, par l'intermédiaire de son conseil, retient que, bien que régulièrement convoqué à l'audience du 1er juillet 2019, par lettre recommandée, dont l'avis de réception avait été retourné le 6 mai 2019, signé par la destinataire, la demanderesse n'avait pas comparu ni n'était représentée et n'avait soutenu aucun moyen à l'appui de sa déclaration d'appel.
Réponse de la Cour. Selon l'article 937 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1431I8I), applicable à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience. Si, selon l'article 932 du même code (N° Lexbase : L1007H43), la déclaration d'appel peut être faite par mandataire, aucun texte n'impose qu'un avis doit être adressé au conseil du demandeur, qui a, lui-même, été destinataire de cet avis et a, dès lors, été mis en mesure de se présenter à l'audience et de faire valoir ses droits. C'est, dès lors, pour la Cour de cassation, sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.
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Réf. : CNIL, 28 décembre 2021, délibération n° SAN-2021-020 (N° Lexbase : X1397CN3)
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N9875BYE
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
Le 05 Janvier 2022
► Le 28 décembre 2021, la formation restreinte de la CNIL a sanctionné la société Slimpay d’une amende de 180 000 euros pour avoir manqué aux obligations d’encadrer, par un acte juridique formalisé, les traitements effectués par un sous-traitant, d’assurer la sécurité des données personnelles, et d’information d’une violation de données personnelles aux personnes concernées.
Contexte. La société Slimpay est un établissement de paiement agréé qui propose notamment des solutions de paiements récurrents à ses clients.
Courant 2015, elle a effectué un projet de recherche interne, lors duquel elle a utilisé les données personnelles contenues dans ses bases de données. Lorsque le projet de recherche s’est terminé en juillet 2016, les données sont restées stockées sur un serveur, qui ne faisait pas l’objet d’une procédure de sécurité particulière et qui était librement accessible depuis internet. Ce n’est qu’en février 2020 que la société Slimpay s’est aperçue de la violation de données, qui a concerné environ 12 millions de personnes.
La CNIL a effectué un contrôle auprès de la société Slimpay en 2020.
Les personnes concernées par la violation de données se trouvant dans plusieurs pays de l’Union européenne, la CNIL a coopéré avec les autorités de contrôle d'Allemagne, d'Espagne, d'Italie et du Pays-Bas.
Un manquement à l’obligation d’encadrer, par un acte juridique formalisé, les traitements effectués par un sous-traitant (« RGPD », art. 28). Certains des contrats conclus par la société Slimpay avec ses prestataires ne contiennent pas toutes les clauses permettant de s’assurer que ces sous-traitants s’engagent à traiter les données personnelles en conformité avec le « RGPD » (l’article 28-3 du « RGPD » liste plusieurs obligations devant figurer dans les contrats). Certains des contrats ne contiennent même aucune de ces mentions.
Un manquement à l’obligation d’assurer la sécurité des données personnelles (« RGPD », art. 32). La formation restreinte a relevé que l’accès au serveur en question ne faisait l’objet d’aucune mesure de sécurité : il était possible d’y accéder à partir d’internet entre novembre 2015 et février 2020. Les données d’état civil (civilité, nom, prénom), les adresses postales et électroniques, les numéros de téléphone et des informations bancaires (BIC/IBAN) de plus de 12 millions de personnes ont ainsi été compromis.
Si la société s’est défendue en indiquant que les données n’ont probablement pas été utilisées frauduleusement, la CNIL a tout de même retenu un manquement à l’article 32 du « RGPD », considérant que l’absence de préjudice avéré pour les personnes concernées n’a pas d’incidence sur l’existence du défaut de sécurité.
Un manquement à l’obligation d’information d’une violation de données personnelles aux personnes concernées (« RGPD », art. 34). La CNIL a considéré que, compte tenu de la nature des données personnelles (comportant notamment des informations bancaires), du volume de personnes concernées (plus de 12 millions), de la possibilité d’identifier les personnes touchées par la violation à partir des données accessibles et des conséquences possibles pour les personnes concernées (risques d’hameçonnage ou d’usurpation d’identité), le risque associé à la violation devait être considéré comme élevé. La société aurait donc dû informer toutes les personnes concernées, ce qu’elle n’a pas fait.
Sanction. À l’issue de ce processus, la formation restreinte a prononcé une amende de 180 000 euros et a décidé de rendre publique sa décision.
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Réf. : CE, 1° et 4° ch.-r., 8 décembre 2021, n° 435919, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A95907EW)
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N9804BYR
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par Laïla Bedja
Le 30 Décembre 2021
► Si le respect de la règle de motivation prévue par l’article L. 1233-57-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8638LGZ) n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen ; doivent ainsi notamment y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel ; en outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration, d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation ; tel est notamment le cas lorsqu'en application du troisième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du Code du travail (N° Lexbase : L2833LT4), applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, l'administration prend, à titre exceptionnel, une décision d'homologation, malgré l'absence de mise en place du comité social et économique (CSE) et alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi ;
► Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui est en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer sur les moyens autres que celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, en réservant, à ce stade, un tel moyen ; lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit ensuite se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, lorsqu'il est soulevé.
Faits et procédure. Un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité d’une société, qui fait partie d’un groupe. Le DIRECCTE a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. Plusieurs salariés ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir de la décision d’homologation.
La cour administrative d’appel (CAA Lyon, 12 septembre 2019, n° 19LY02277 N° Lexbase : A3345ZPL) ayant rejeté leur requête, les salariés se sont pourvus en cassation.
Annulation. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction annule les arrêts rendus par la cour administrative d’appel. Il ressort des énonciations des arrêts attaqués qu'après avoir relevé qu'à l'expiration, en 2017, du mandat des institutions représentatives du personnel de la société, aucune élection n'avait été organisée, que le comité social et économique n'avait ainsi pas été mis en place, en dépit des dispositions de l'article L. 2311-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8241LGC), et qu'aucun procès-verbal de carence n'avait été établi par l'employeur. C’est donc à tort que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que la décision d'homologation du document unilatéral était suffisamment motivée, alors même qu'elle ne comportait aucune mention relative à ces circonstances, et notamment aux motifs de nature à justifier l'absence de procès-verbal de carence et aux considérations ayant conduit l'administration à retenir qu'elles ne faisaient pas, en l'espèce, obstacle à l'homologation demandée.
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newsid:479804
Réf. : Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-18.237, FS-B (N° Lexbase : A30187GU)
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N9859BYS
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 05 Janvier 2022
► La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021, vient dans la continuité de ses décisions antérieures (Cass. QPC, 24 septembre 2020, n° 20-40.056, FS-D N° Lexbase : A85243UA ; Cons. const., décision n° 2020-866 QPC, du 19 novembre 2020 N° Lexbase : A944634M ; Cass. civ. 1, 1er décembre 2021, n° 20-17.067, FS-B N° Lexbase : A77637DU ; Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-20.443, FS-B N° Lexbase : A30277G9) préciser que dans le cadre de la procédure sans audience, l’intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables n'est pas privé du droit de s'opposer à la décision de statuer sans audience.
Faits et procédure. Dans cette affaire, un conseil de prud’hommes a condamné l’employeur à verser diverses sommes à son ancien salarié au titre d’une clause de non-concurrence et d'une indemnité compensatrice de congés payés. La défenderesse a interjeté appel, et par ordonnance du 9 mai 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé l’irrecevabilité des conclusions de l’intimé. La cour d’appel a statué sans audience en application de l’article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : Z98877SQ), modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (N° Lexbase : L1697LX7).
Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l’arrêt (CA Dijon, 18 juin 2020, n° 18/00456 N° Lexbase : A96353N8) d’avoir rejeté sa demande de renvoi, et infirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes et en statuant à nouveau, de dire qu’il avait violé la clause de non-concurrence de son contrat de travail et en conséquence de l’avoir condamné à verser diverses sommes à ce titre. L‘intéressé soutient la violation des articles 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR). En l’espèce, l’arrêt d’appel retient qu’après avoir informé de la mise en application de la procédure sans audience, le conseil de l’intimé a sollicité un renvoi de l’affaire pour plaider, et que son confrère ne s’était pas associé à cette demande.
Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges d’appel, et casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel. Les Hauts magistrats relèvent que les conclusions de l’intimé ont été déclarées irrecevables, du fait que l’intimé n’avait pas respecté les délais de remise. Cependant, dans le cas d’espèce, son conseil ne pouvait faire valoir aucun moyen de défense oralement.
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Réf. : Cass. civ. 1, 24 novembre 2021, n° 20-11.098, F-D (N° Lexbase : A50607DR)
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N9818BYB
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
Le 30 Décembre 2021
► L’exploitation d’un magasin dont l’entrée est libre ne peut être engagée que sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er, du Code civil (responsabilité du fait des choses) et non sur le fondement de l’article L. 421-3 du Code de la consommation.
Faits et procédure. La cliente d’un magasin se blesse à l’intérieur du magasin, en trébuchant sur une marche ; elle assigne en responsabilité et en indemnisation l’assureur du magasin et obtient la condamnation de l’assureur à verser une somme au titre de provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice. Pour cela, la cour d’appel se fonde sur l’article L. 421-3 du Code de la consommation, lequel édicte une obligation générale de sécurité des produits et des services (CA Aix-en-Provence, 21 novembre 2019, n° 18/16.989 N° Lexbase : A4715Z7R). Pourvoi est formé par l’exploitant. Aussi fallait-il déterminer si l’exploitant d’un magasin est soumis à l’obligation générale de sécurité des produits et services consacrée par l’article L. 421-3 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1081K78) ou si sa responsabilité ne pouvait être engagée que sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L0948KZ7).
Solution. La Cour de cassation rappelle les principes. S’agissant de la responsabilité de l’exploitant d’un magasin dont l’entrée est libre, elle rappelle que seul l’article 1242, alinéa 1er, du Code civil permet d’engager la responsabilité de l’exploitant. L’obligation générale de sécurité des produits et des services, consacrée par l’article L. 421-3 du Code de la consommation, ne saurait fonder l’action. La solution avait été précédemment posée par cette même première chambre civile (Cass. civ. 1, 9 septembre 2020, n° 19-11.882, FS-P+B N° Lexbase : A53733T8). Une fois la règle de droit spécial exclue, la Cour de cassation rappelle alors les conditions de la mise en cause de la responsabilité de droit commun à laquelle l’exploitant est soumis : il incombe à la victime de « démontrer que cette chose, placée dans une position anormale ou en mauvais état, a été l’instrument du dommage ».
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