Réf. : CE, 3° et 8° ch.-r., 9 décembre 2021, n° 432608, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A87207EP)
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N9780BYU
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par Yann Le Foll
Le 20 Décembre 2021
► Afin de se prononcer sur la reprise d'ancienneté d'un agent contractuel de droit privé de l'Office national des forêts (ONF), il convient de rechercher si l'intéressé, dans l'exercice de ses fonctions, participait directement à l'exécution des missions de service public administratif dont se trouve également investi l'ONF nonobstant sa qualification par la loi d'établissement public à caractère industriel et commercial.
Rappel. Le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 (N° Lexbase : L0061HUS) fixe, en cas de nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'État, les règles de reprise d'ancienneté applicables, d'une part, aux agents qui justifient de services d'agent public non titulaire (article 7) et, d'autre part, aux personnes qui justifient de l'exercice d'une ou plusieurs activités professionnelles accomplies sous un régime juridique autre que celui d'agent public (article 9).
Faits. La requérante a été employée par l'ONF pour exercer les fonctions d'ingénieur forestier, sous couvert d'un contrat de droit privé du 15 février 1996 au 31 décembre 2006, cet engagement ayant été renouvelé, à compter du 1er janvier 2007, par un contrat de droit public. Par un arrêté du ministre de l'Agriculture du 18 mai 2015, complété par une décision du même jour dite de « notification de situation administrative » procédant à son reclassement, l’intéressée a été nommée dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement, à la suite de sa réussite au concours réservé aux agents non titulaires pour l'accès à ce corps.
Position CE. Afin de se prononcer sur la reprise d'ancienneté de la requérante par l'administration pour l'application du décret du 23 décembre 2006, il appartenait à la cour de rechercher si l'intéressée, dans l'exercice de ses fonctions d'ingénieur forestier au sein de l'ONF, participait directement à l'exécution des missions de service public administratif dont se trouve également investi l'office, nonobstant sa qualification par la loi d'établissement public à caractère industriel et commercial.
Rappel. Par un arrêt du 25 mars 1996, le Tribunal des conflits a affirmé que « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi » (T. confl., 25 mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône et autres, n° 03000 N° Lexbase : A2712ATM).
Décision – censure CAA. En se bornant à examiner les missions des services où elle a successivement été affectée, avant de relever qu'il n'était pas établi que les fonctions particulières qu’elle occupait en leur sein portaient à titre principal sur des missions ressortissant des prérogatives de puissance publique de l'ONF, alors que pour l'application des dispositions du décret du 23 décembre 2006 la circonstance qu'une partie de ses missions la faisait participer aux missions de service public administratif de l'office suffisait à la faire regarder comme exerçant comme agent public, la cour administrative d’appel (CAA Nancy, 14 mai 2019, n° 17NC00973 N° Lexbase : A4319ZDC) a commis une erreur de droit.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La notion d’agent public, Les conséquences du changement de la nature juridique de l’employeur, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E96203I7). |
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N9492BY9
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par Benjamin Desaint, Avocat associé au Barreau de Paris et Montréal, Myriam Tourneur et Christophe Leite Da Silva, Avocats of Counsel, cabinet Factorhy Avocats
Le 20 Décembre 2021
Qualifiée de fin de non-recevoir par l’article 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47), la question de la prescription en droit du travail est complexifiée à l’extrême du fait de ses sources multiples.
Pourtant motivées par des objectifs louables (sécurisation juridique, simplification du droit, etc.), les différentes réformes en la matière n’ont eu de cesse de rendre le sujet de la prescription très technique et donc source de complexité.
Non seulement le droit commun et le droit spécial du travail se côtoient sur la question de la prescription qui trouve donc sa source dans de nombreux articles et Codes (Code du travail, Code civil et Code de la Sécurité sociale), mais au surplus, son régime a été largement modelé par la jurisprudence, de sorte que cet outil procédural apparait régulièrement comme une question centrale en matière de contentieux prud’homal.
Durées et points de départ de la prescription varient ainsi d’une action à une autre. Situation qui n’est pas sans engendrer une situation d’insécurité juridique pour l’employeur qui peut donc, dans certains cas, voir sa responsabilité engagée plusieurs années après la fin de la relation contractuelle.
Conscients que « la complexité ne donne pas de la valeur aux choses, elle les rend seulement moins accessibles » [1], Maîtres Benjamin Desaint, Myriam Tourneur et Christophe Leite Da Silva ont synthétisé, de la façon la plus exhaustive possible, les différentes règles relatives à la prescription en droit social sous forme de tableaux.
1. Actions portant sur l’exécution du contrat de travail
Objet de l’action | Délai de prescription | Point de départ du délai de prescription |
Cas général de l’action portant sur l’exécution du contrat | 2 ans [2] | Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. |
Action en requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée | 2 ans [3] | Le point de départ varie selon le motif de la demande de requalification : |
| ||
En raisonnant par analogie, ce point de départ devrait concerner toute action en requalification ayant pour motif tout manquement aux règles de formalisme de la conclusion du CDD (délai de signature etc.). | ||
Action en requalification du contrat de mission des salariés temporaires en contrat à durée indéterminée | 2 ans [6] | Si l’action est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat [7]. |
Antérieurement à l’arrêt du 3 mai 2018, rendu au sujet de l’action en requalification du CDD pour un motif tenant au non-respect du formalisme relatif à sa conclusion, la Cour de cassation semblait considérer, au sujet de l’action en requalification du contrat de mission, que le délai de prescription ne courait qu'à compter du terme du dernier contrat de mission. Cette position pourrait donc être remise en cause au regard de l’arrêt du 3 mai 2018 suscité. | ||
Action en contestation d’une sanction disciplinaire autre que le licenciement | 2 ans [8] | Date de la notification de la sanction |
2. Actions en paiement ou en répétition du salaire
Objet de l’action | Délai de prescription | Point de départ du délai de prescription |
Cas général d’une demande de rappel de salaire | 3 ans [9] | L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat [10]. La jurisprudence a précisé que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible [11], à condition que le salarié ait connaissance des éléments ouvrant droit à une rémunération [12]. |
Rappel de salaire en raison de l'inopposabilité de la convention de forfait jours | 3 ans [13] | Dans son arrêt du 30 juin 2021, la Cour de cassation ne se prononce pas sur le point de départ du délai de 3 ans. Dans la mesure où la Cour de cassation qualifie la demande de rappel de salaire, bien que découlant d’une demande d’inopposabilité de la convention de forfait jour, il convient selon nous de raisonner simplement en retenant comme point de départ de la prescription, la date d’exigibilité du paiement des heures supplémentaires si le salarié est toujours en poste, et la date de la rupture du contrat s’il a été rompu. |
Action en rappel de salaire fondée sur une discrimination | 5 ans [14] | L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination [15]. |
Action en rappel de salaire pour requalification d’un contrat à temps partiel | 3 ans [16] | Comme précédemment, dans la mesure où la Cour de cassation qualifie la demande de rappel de salaire, il convient selon nous de raisonner simplement en retenant comme point de départ de la prescription la date d’exigibilité du paiement des salaires au titre du temps plein si le salarié est toujours en poste, et la date de la rupture du contrat si celui-ci a été rompu. |
Action en rappel de salaire pour inégalité de traitement | 3 ans [17] | L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. |
3. Actions portant sur la rupture du contrat de travail
Objet de l’action | Délai de prescription | Point de départ du délai de prescription |
Cas général | 1 an [18] | Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. |
Contestation du licenciement pour motif personnel | 1 an [19] | Le délai commence à courir à compter de la notification du licenciement [20]. |
Contestation du licenciement pour motif économique | 1 an [21] | Le délai commence à courir à la notification du licenciement [22]. |
Contestation de la rupture conventionnelle | 1 an [23] | La prescription commence à courir à compter de l’homologation de la convention, ou en cas de fraude au jour où celui qui l’invoque en a connaissance [24]. |
Contestation portant sur le licenciement pour motif économique (dans le cadre d’un PSE) | 12 mois [25] | La prescription court à compter de :
|
4. Actions fondées sur une situation de harcèlement ou de discrimination
Objet de l’action | Délai de prescription | Point de départ du délai de prescription |
Reconnaissance d’une situation de harcèlement (moral ou sexuel) | 5 ans [26] | La prescription des actions en réparation pour harcèlement moral commence à courir à compter du dernier acte de harcèlement [27]. |
Reconnaissance d’une discrimination | 5 ans [28] | La prescription court à compter de la révélation de la discrimination [29]. L’écoulement de la prescription est néanmoins retardé tant que les faits de discrimination perdurent [30]. |
5. Actions fondées sur une faute inexcusable de l’employeur et dommage corporel du salarié
Objet de l’action | Délai de prescription | Point de départ du délai de prescription |
Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur | 2 ans [31] | Le délai commence à courir à compter du plus récent des évènements suivants :
|
Réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail | 10 ans [33] | La prescription court à compter de la consolidation du dommage. |
6. Interruption et suspension de la prescription
Au-delà des délais de prescription multiples que recouvre la matière prud’homale, le législateur, mais également la jurisprudence, ont, au fil du temps, davantage complexifié la matière en créant des spécificités relatives à l’interruption et à la suspension de certains délais de prescription.
Effet sur la prescription | Objet |
Interruption | La reconnaissance par l'employeur de sa dette envers un salarié et son acceptation de la régler même partiellement, interrompt la prescription pour la totalité de la créance [34]. |
Interruption | La saisine d’une juridiction, même incompétente, ou en référé, interrompt le délai de prescription [35]. |
Interruption | Le délai de 2 mois, offert à l’employeur pour engager des poursuites disciplinaires à l’égard d’un salarié est interrompu, en cas de poursuites pénales (même si elles ne font pas suite à une plainte de l’employeur) [36]. Le délai est interrompu :
|
Suspension | La prescription est suspendue à compter du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation (ou à défaut d’écrit, à compter de la première réunion de médiation ou de conciliation) [37]. |
Suspension | La prescription est suspendue pour les mineurs, jusqu’à la date de leur majorité [38]. Exemple : accident du travail d’un salarié mineur [39]. |
Suspension | La prescription est suspendue en cas d’impossibilité d’agir, notamment dans une situation de force majeure [40]. |
[1] Faya Dequoy.
[2] C. trav., art. L. 1471-1 (N° Lexbase : L1453LKZ).
[3] C. trav., art. L. 1471-1, préc. ; Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-15.359, FS-P+B+I (N° Lexbase : A83183C3).
[4] C. trav., art. L. 1471-1, préc. ; Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-19.727, F-D (N° Lexbase : A12363R9).
[5] Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.437, FS-P+B (N° Lexbase : A4401XMX).
[6] Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-16.655, FS-B (N° Lexbase : A20064YX).
[7] Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-16.655, préc..
[8] C. trav., art. L. 1471-1 ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 10 mars 2020, n° 18/03439 (N° Lexbase : A48373IY) ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 1er décembre 2020, n° 18/08036 (N° Lexbase : A350738E).
[9] C. trav., art. L. 3245-1 (N° Lexbase : L0734IXH).
[10] C. trav., art. L. 3245-1, préc..
[11] Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-17.409, FS-P+B (N° Lexbase : A6294KPS).
[12] Cass. soc., 26 janvier 2012, n° 10-13.825, F-D (N° Lexbase : A4348IBN).
[13] Cass. soc., 30 juin 2021, n° 18-23.932, FS-B (N° Lexbase : A21214Y9).
[14] Cass. soc., 30 juin 2021 n° 19-14.543, FS-B (N° Lexbase : A20744YH) ; C. trav., art. L. 1134-5 (N° Lexbase : L5913LBM).
[15] C. trav., art. L. 1134-5, préc. ; Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 20-13.572, F-D (N° Lexbase : A4509477).
[16] Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-10.161, FS-B (N° Lexbase : A21654YT).
[17] Cass. soc., 30 juin 2021, n° 20-12.960, FS-B (N° Lexbase : A20724YE).
[18] C. trav., art. L. 1471-1 (N° Lexbase : L1453LKZ).
[19] C. trav., art. L. 1471-1, préc..
[20] Cass. soc., 6 novembre 2019, n° 18-22.874, F-D (N° Lexbase : A4007ZUX).
[21] C. trav., art. L. 1471-1, préc..
[22] Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-18.414, FS-P+B (N° Lexbase : A4772ZN3).
[23] C. trav., art. L. 1237-14 (N° Lexbase : L8504IA9).
[24] Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-16.994, FS-P+B (N° Lexbase : A2407RUP).
[25] C. trav., art. L. 1235-7 (N° Lexbase : L7304LHY).
[26] Les actions civiles relatives à des faits de harcèlement moral ou sexuel ou à des mesures de rétorsion exercées sur des victimes ou témoins de tels faits se prescrivent en principe par 5 ans, en application du délai de droit commun prévu par l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC), ces actions étant exclues du champ de l’article L. 1471-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1453LKZ).
[27] Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-21.931, FS-P (N° Lexbase : A41064UM).
[28] C. trav., art. L. 1134-5 (N° Lexbase : L5913LBM).
[29] C. trav., art. L. 1134-5, préc. ; Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 20-13.572, F-D (N° Lexbase : A4509477).
[30] Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-22.557, F-P (N° Lexbase : A47804ND).
[31] CSS, art. L. 431-2 (N° Lexbase : L9585GQ3).
[32] Cass. civ. 2, 29 juin 2004, n° 03-10.789, publié (N° Lexbase : A9044DCX).
[33] C. civ., art. 2226 (N° Lexbase : L7212IAD).
[34] Cass. soc., 22 octobre 1996, n° 93-44.148, publié (N° Lexbase : A4031AAK).
[35] C. civ., art. 2241 (N° Lexbase : L7181IA9).
[36] Cass. soc., 15 juin 2010 n° 08-45.243, FS-P+B (N° Lexbase : A0911E37).
[37] C. civ., art. 2238 (N° Lexbase : L1053KZZ).
[38] C. civ., art. 2234 (N° Lexbase : L7219IAM).
[39] Cass. soc., 14 mars 1958, Bull. civ. IV, n° 411.
[40] C. civ., art. 2234, préc..
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Réf. : Cons. const., décision n° 2021-829 DC, du 17 décembre 2021, Loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire (N° Lexbase : A52787GL)
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N9841BY7
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par Marie Le Guerroué
Le 20 Décembre 2021
► Par sa décision du 17 décembre 2021, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire et a validé l’essentiel du texte dont les dispositions relatives au secret professionnel de l’avocat qui avaient été abondements critiqués par les institutions représentatives de la profession (v., infra).
► Les Sages ont, toutefois, estimé que devait être censurées les dispositions relatives à l'enregistrement et à la diffusion des audiences devant la Cour de justice de la République faute qu'elles aient suffisamment précisé les conditions et modalités de cet enregistrement.
Saisine. Le Premier ministre avait saisi le Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur la loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire.
L’article 1er relatif à l'intégration provisoire à temps partiel dans le corps judiciaire de magistrats exerçant à titre temporaire et de magistrats honoraires (conformité sous réserves d'interprétation). Le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution, sous trois réserves d'interprétation, de cet article. Le Conseil constitutionnel s'est notamment prononcé sur des dispositions fixant la part des contentieux ou la proportion des services susceptible d'être confiée à un magistrat exerçant à titre temporaire au sein de la juridiction dans laquelle il est nommé et prévoyant que, lorsque de telles fonctions sont également exercées par un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, cette part ou proportion s'applique à l'ensemble des magistrats intégrés provisoirement dans le corps judiciaire à temps partiel. Il juge que ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, être interprétées comme permettant qu'au sein d'un tribunal plus d'un tiers des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées par des magistrats recrutés provisoirement, que ce soit à temps partiel ou à temps complet. La même réserve d'interprétation est énoncée par le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen des dispositions relatives à la part des contentieux ou la proportion des services susceptible d'être confiée à un magistrat honoraire.
Le Conseil constitutionnel s'est également prononcé sur les dispositions relatives aux modalités de formation des magistrats exerçant à titre temporaire, qui prévoient que la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut dispenser de toute formation, ou uniquement du stage en juridiction, une personne recrutée en cette qualité à titre exceptionnel et au vu de son expérience professionnelle. Il juge qu'il appartiendra à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, avant de rendre son avis sur le projet de nomination du candidat, de s'assurer que ce dernier présente, au vu de sa compétence et de son expérience, les capacités pour exercer ces fonctions.
L'article 3 relatif au statut des avocats honoraires pouvant être nommés pour exercer les fonctions d'assesseur des cours criminelles départementales (conformité). Le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution de l'article 3. Il a relevé à cet égard que le législateur organique avait prévu que les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles présentent des garanties d'indépendance et d'impartialité, de compétence, qu'ils sont soumis aux droits et obligations applicables aux magistrats et enfin qu'ils ne peuvent, seuls ou avec des magistrats à titre temporaire ou des magistrats honoraires, composer majoritairement la cour criminelle départementale.
L'article 4 relatif à l'enregistrement et à la diffusion des audiences devant la Cour de justice de la République (censuré). Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 4. Le Conseil constitutionnel juge qu'il est loisible au législateur organique, au regard de l'intérêt public qu'elles présentent, d'autoriser l'enregistrement des audiences devant la Cour de justice de la République en vue de leur diffusion. Cependant, il lui revient alors d'adopter des dispositions propres à garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L6813BHS). Le Conseil constitutionnel juge que, en prévoyant que l'enregistrement des audiences devant la Cour de justice de la République est « de droit » sans déterminer précisément les conditions et modalités de cet enregistrement, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et privé de garanties légales les exigences découlant des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789. Il déclare en conséquence contraire à la Constitution l'article 4 de la loi organique.
► Lire, à ce propos : « La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement et des parlementaires » - Questions à Maître Matthieu Boissavy à propos de la proposition de modification de l’article 3 du projet de loi « Confiance dans l’institution judiciaire », Lexbase Avocats, novembre 2021 (N° Lexbase : N9317BYQ) : V. Vantighem, Secret professionnel : « On sait désormais ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas » - Questions à Antoine Vey, avocat aux barreaux de Paris et de Genève, Lexbase Pénal, novembre 2021 (N° Lexbase : N9490BY7). |
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Réf. : Cons. const., décision n° 2021-832 DC, du 16 décembre 2021, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 (N° Lexbase : A36067GN)
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par Laïla Bedja
Le 21 Décembre 2021
► Par sa décision du 16 décembre 2021, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022, dont il avait été saisi par un recours émanant de plus de soixante sénateurs ; pour des raisons de procédure, le Conseil constitutionnel censure vingt-sept dispositions de la loi déférée.
La saisine. Plus de soixante sénateurs ont demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022. Ils contestent la conformité à la Constitution de son article 6 et sa place dans la loi de financement de la Sécurité sociale ainsi que son article 35. Ils contestent également la place dans la loi de financement de la Sécurité sociale des articles 28, 41, 46, 68, 70, 73, 74, 75, 76, 86, 87, 90, 94, 95 et 105 ainsi que la procédure d'adoption de certaines dispositions des articles 37 et 93.
Les Sages ont alors censuré plusieurs articles car considérés comme des « cavaliers sociaux » :
Parmi les articles, les Sages ont notamment censuré les dispositions qui déterminent les conditions d’exécution des mesures de contention ou d’isolement des personnes hospitalisées sans consentement (art. 41 de la loi déférée) que le Conseil constitutionnel a déjà retoqué deux fois en 2020 (Cons. const., décision n° 2020-844 QPC, du 19 juin 2020 N° Lexbase : A85293N9) et 2021 (Cons. const., décision n° 2021-912/913/914 QPC, du 4 juin 2021 N° Lexbase : A95164TM).
En revanche, le Conseil valide le reste des articles qui lui était soumis dont notamment la mesure prévoyant la possibilité pour les plateformes de mise en relation par voie électronique (de conduite et de livraison) de proposer à leurs travailleurs des prestations de protection sociale complémentaire bénéficiant à titre collectif à l'ensemble des travailleurs de la plateforme et qui sont versées par des mutuelles, institutions de prévoyance ou entreprises d'assurance.
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 1er décembre 2021, n° 20/09348 (N° Lexbase : A81517DA)
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par Vincent Téchené
Le 21 Décembre 2021
► Si l'expert saisi dans le cadre de l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L1737LRR) ne peut s'appuyer sur un juge en cas d'insuffisance d'information et a alors l'obligation de rendre son rapport en utilisant les informations dont il dispose, les parties peuvent en revanche saisir le juge d'une demande d'injonction de communication de pièces nécessaires à l'exécution de la mission d'évaluation de l'expert.
Faits et procédure. Les actionnaires d’une SAS ont voté l'exclusion de certains associés en application des statuts.
Les parties n'ayant pas pu s'accorder sur la valorisation des actions, un expert a été nommé à la demande de la SAS. L'expert a rendu un rapport d'étape et a invité les parties à produire des documents complémentaires.
Les associés exclus ont alors saisi le juge des référés, sur le fondement des articles 11 (N° Lexbase : L1126H4H) et 872 (N° Lexbase : L0848H48) du Code de procédure civile, pour obtenir qu'il soit enjoint à la SAS de communiquer sous astreinte à l'expert, les documents nécessaires à l'expertise. Le juge des référés ayant fait droit à cette demande, la SAS a interjeté appel.
Décision. La cour d’appel d’Aix-en-Provence confirme l’ordonnance du premier juge. Elle énonce que si l'expert saisi dans le cadre de l'article 1843-4 du Code civil ne peut s'appuyer sur un juge en cas d'insuffisance d'information et a alors l'obligation de rendre son rapport en utilisant les informations dont il dispose, les parties peuvent en revanche saisir le juge d'une demande d'injonction de communication de pièces. En effet, selon la cour, si en application des dispositions de l'article 1843-4 du Code civil qui est d'ordre public, le président du tribunal a seul le pouvoir, à défaut d'accord des parties, de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux, ce texte ne fait pas obstacle à ce que l'une des parties saisisse le juge pour obtenir les documents nécessaires à l'exécution de la mission d'évaluation de l'expert.
Dès lors, c'est à juste titre, après avoir constaté que la SAS estimait que les parts doivent être évaluées selon les comptes de l'exercice 2019, et ne justifiait pas de ce que la communication de pièces serait illégitime en ce que le secret des affaires serait en cause, que le juge des référés a enjoint à la société de communiquer les éléments comptables visant l'année 2019.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'expertise sur la valeur des droits sociaux, La mission de l'expert chargé d'évaluer les droits sociaux, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase (N° Lexbase : E9597ASA). |
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