Réf. : TA Nancy, 26 novembre 2021, n° 2103426 (N° Lexbase : A42427ET)
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par Yann Le Foll
Le 14 Décembre 2021
► Estimant la mesure générale, absolue et excessive dans le temps, le juge des référés suspend un arrêté préfectoral interdisant, pour la période du 19 novembre 2021 au 2 janvier 2022, les manifestations dans le périmètre du centre-ville de Nancy occupé par les installations et spectacles des fêtes de la Saint-Nicolas.
Faits – antécédents. Le périmètre défini par l’arrêté attaqué a été fixé en référence à la localisation des chalets, marchés, attractions et spectacles déployés au sein de la ville dans le cadre des Fêtes de Saint-Nicolas, pour accueillir environ 300 000 personnes durant toute la durée des festivités dont 100 000 simultanément le 4 décembre 2021 à l’occasion du traditionnel défilé. Il ressort également des pièces du dossier que les manifestations revendicatives, qui ont lieu quasiment hebdomadairement depuis dix-huit semaines sur des itinéraires situés aux limites intérieures de ce périmètre, ont donné lieu à des débordements. Enfin, il appartient à l’autorité compétente d’assurer l'ordre public dans le contexte particulier des fêtes de fin d’année, du niveau « sécurité renforcée risque attentat » du plan Vigipirate et du contexte sanitaire actuel et à venir dans les prochaines semaines.
Position TA. Le tribunal administratif relève que, toutefois, en admettant même que le périmètre défini par l’arrêté attaqué puisse être regardé comme un périmètre de protection au sens de l’article L. 226-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L4218L7D), l’interdiction édictée, qui s’étend sur une période particulièrement longue de quarante- cinq jours, excède la durée d’un mois prévue au dernier alinéa de ce même article. Par ailleurs, cette interdiction ne fait aucune distinction en fonction de la nature et de l’objet des manifestations, de leurs modalités d’organisation, des trajets, des jours ou des horaires projetés, ou encore des périodes de faible ou de forte affluence du public aux fêtes de Saint-Nicolas et revêt ainsi un caractère général et absolu.
Bien que limitée dans le temps, elle ne peut être regardée comme une mesure nécessaire et adaptée et, ainsi, proportionnée à l’objectif de préservation de l’ordre public.
En effet, d’une part, les manifestations sur la voie publique sont soumises à une obligation de déclaration préalable en vertu de l’article L. 211-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L5202ISH) et sont susceptibles d’être interdites, au cas par cas, en application de l’article L. 211-4 du même code (N° Lexbase : L5205ISL), notamment au vu des informations que comporte cette déclaration ou à l’occasion des échanges avec les organisateurs qu’elle peut susciter, si des troubles à l’ordre public sont avérés (Cass. crim., 16 mars 2021, n° 20-85.603, F-P+I N° Lexbase : A89654LM).
D’autre part, les pièces du dossier ne comportent aucun élément de nature à établir en quoi les circonstances locales rendraient ce dispositif de déclaration préalable et d’examen au cas par cas inapproprié ou inapplicable durant toute la période des fêtes de Saint-Nicolas et nécessiteraient une interdiction de principe des manifestations sur le seul fondement des dispositions de l’article L. 2214-4 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8591HW4) (voir de même pour la suspension partielle de l’exécution de deux arrêtés « couvre-feu », TA Cergy-Pontoise, 26 août 2019, n° 1910034 N° Lexbase : A4279ZL3 et n° 1910057 N° Lexbase : A4280ZL4).
Décision TA. Les requérants sont donc fondés à soutenir que l’arrêté attaqué porte à la liberté de manifester une atteinte qui n’est ni nécessaire, ni adaptée ni proportionnée et, en conséquence, à en demander la suspension.
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Réf. : Loi n° 2021-1576, du 6 décembre 2021, permettant de nommer les enfants sans vie (N° Lexbase : L8158L9Z)
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par Isabelle Corpart, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace Lexbase
Le 15 Décembre 2021
Mots-clés : enfant mort-né • nom de famille • acte d'enfant sans vie • deuil périnatal
Grâce à la loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021, les enfants mort-nés peuvent désormais bénéficier d’un nom de famille. Votée le jour de la Saint-Nicolas, elle traduit une profonde bienveillance au bénéfice des parents éplorés dont l’enfant est mort avant l’accouchement ou mort immédiatement après car il n’était pas viable. Elle revient sur la règle applicable jusque-là qui liait le port du nom au début de la personnalité juridique.
Face à la tragédie des familles qui perdent un enfant, les textes ont évolué depuis la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 (N° Lexbase : L8449G8G) qui a créé un acte d’enfant sans vie afin que puisse être admise l’appartenance de l’enfant à sa famille en deuil, même si aucun lien de filiation ne peut être établi. C’est sentimental mais essentiel. Modifiant l’article 79-1 du Code civil (N° Lexbase : L8459L98) avec la loi du 6 décembre 2021, le législateur revoit encore la situation des enfants mort-nés et prend en considération la douleur des géniteurs qui ne peuvent pas devenir parents au sens juridique du terme car ces êtres chers ne se voient pas attribuer de personnalité juridique, faute d’être nés vivants et viables, c’est-à-dire physiologiquement capables de survivre.
Cette nouvelle avancée complète celle opérée en 1993 qui, pour soutenir les familles en deuil, avait inséré dans le Code civil la possibilité pour les parents de garder la trace de leur enfant en accédant à un acte d’enfant sans vie rédigé par un officier d’état civil (I). Pour entendre d’autres revendications des géniteurs, le législateur vient de leur accorder de nouveaux droits. Ils pouvaient déjà choisir un prénom mentionné dans leur livret de famille et ils peuvent désormais aussi transmettre leur nom de famille à l’enfant à naître qui n’a pas vu le jour, prénom et nom pouvant figurer dans l’acte d’enfant sans vie (II).
I. La possibilité de faire dresser un acte d’enfant sans vie par l’officier d’état civil
Quel drame pour les familles de perdre un enfant avant même l’accouchement de la mère ou lors de l’accouchement s’il décède, faute d’avoir été viable ! Pendant longtemps, ce drame humain se complétait d’un drame juridique car l’enfant à naître ne faisait l’objet d’aucune reconnaissance juridique. Son existence était effacée, la grossesse était oubliée et les géniteurs étaient anéantis. Les choses ont pu changer grâce à la loi du 8 janvier 1993 (A), elle-même complétée à plusieurs reprises pour renforcer le soutien offert aux familles éplorées (B).
A. Les conditions du recours à un acte d’enfant sans vie
Lors d’une première étape très marquante, la réforme de 1993 était venue au soutien des familles n’ayant pas vu naître un enfant vivant ou viable en modifiant l’article 79-1 du Code civil afin de préciser la situation des enfants décédés à la naissance [1]. Il convient depuis lors d’opérer une distinction, les règles d’état civil différant selon que l’enfant décédé à la naissance est à la fois né vivant et viable ou mort-né ou encore vivant mais non viable.
Ainsi, lorsque l’enfant meurt avant la déclaration de naissance mais était bien vivant et viable, il revient à l’officier d’état civil de rédiger un acte de naissance puis un acte de décès sur la base d’un certificat médical fourni par les géniteurs. Ce certificat doit indiquer que l’enfant est né vivant et viable en précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès (C. civ., art. 79-1, al. 1er). À l’inverse, si l’enfant est mort-né ou s’il est né vivant mais non viable puis est décédé, aucun acte de naissance et de décès ne peut être rédigé (il n’y a aucune obligation de déclarer l’enfant dans les cinq jours de l’accouchement comme le prévoit l’article 55 du Code civil N° Lexbase : L2616LBI modifié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 N° Lexbase : L1605LB3). Toutefois depuis 1993, l’officier d’état civil peut rédiger un acte d’enfant sans vie mentionné dans le registre des décès (al. 2). Cet acte énonce les jour, heure et lieu de l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant. Cette exigence avait été critiquée car il est vrai que l’établissement d’un lien de filiation n’est pas admis et pourtant le texte impose que l’identité des père et mère prenne place dans l’acte d’enfant sans vie.
Néanmoins, un tel acte n’est pas envisageable dans tous les cas où les géniteurs ne parviennent pas à devenir père et mère, car nul ne peut y accéder en cas d’interruption spontanée précoce de grossesse ou d’interruption volontaire de grossesse.
Ce point ayant dû être affiné pour savoir dans quel cas il était envisageable de parler d’un enfant mort-né, la Cour de cassation a précisé que l’établissement de l’acte d’enfant sans vie n’est pas subordonné au poids du fœtus ou à la durée de la grossesse [2]. Selon elle, à l’époque, l’instruction générale de l'état civil avait ajouté à la loi des conditions non prévues en se référant aux seuils de viabilité de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En conséquence, elle avait supprimé les seuils à partir desquels la reconnaissance du statut était possible.
B. Les autres formes de soutien offert aux familles
D’autres évolutions des textes sont intervenues pour tenir compte de la tragédie vécue par des géniteurs perdant leur enfant à naître et leur offrir d’autres possibilités de bien faire leur deuil, s’ajoutant à l’inscription d’un acte d’enfant sans vie dans le registre des décès.
Pour que l’enfant reste bien présent dans l’histoire familiale et ne soit pas oublié, le décret n° 2008-798 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7430IAG) leur a ainsi offert, outre l’opportunité de faire mention de la grossesse dans le livret de famille s’ils en détenaient déjà un, la possibilité de se voir délivrer un livret de famille : il accorde ainsi un livret de famille à des parents non mariés, encore sans enfant lors de l’accouchement de l’enfant mort-né [3]. Cette reconnaissance de l’enfant sans vie avait également eu un effet sur les obsèques car, depuis le décret n° 2006-965 du 1er août 2006 (N° Lexbase : L4522HKP), les géniteurs ont pu procéder aux funérailles, parce que dans un délai de dix jours à compter de l’accouchement, ils ont alors été admis à réclamer le corps (autrefois ils n’y avaient pas accès car on parlait de déchets hospitaliers) afin de procéder à son inhumation dans un cimetière ou à sa crémation.
Les parents se sont encore vus accorder le droit d’obtenir un congé de paternité ou de maternité pour leur enfant mort-né par le décret n° 2008-32 du 9 janvier 2008 (N° Lexbase : L7498H34) [4], ainsi que des congés de deuil et des allocations spécifiques délivrées par les caisses d’allocations familiales (CAF) ou de mutualité sociale agricole (MSA). Le montant de l'allocation est forfaitaire et varie en fonction des ressources de la famille et de sa composition.
Enfin la circulaire interministérielle DGCL/DACS/DHOS/DGS/DGS/2009/182 du 19 juin 2009 (N° Lexbase : L4615IEN) [5] relative à l'enregistrement à l'état civil des enfants décédés avant la déclaration de naissance et de ceux pouvant donner lieu à un acte d'enfant sans vie, à la délivrance d'un livret de famille et à la prise en charge des corps des enfants décédés, des enfants sans vie et des fœtus [6] a confirmé la possibilité accordée aux parents de prénommer leur enfant mort (possibilité déjà offerte aux familles : IGEC, n° 467-2), quand bien même aucun acte de naissance ne pouvait être dressé.
En revanche, avant la nouvelle réforme, les géniteurs n’avaient pas l’opportunité de transmettre l’un de leurs noms ou les deux accolés, dans la mesure où l’enfant sans vie ne bénéficie pas de la personnalité juridique [7] et ne peut pas être concerné par l’établissement d’un lien de filiation (il ne peut pas être reconnu et aucune action n’est reçue quant à la filiation d’un enfant qui n’est pas né viable : C. civ., art. 318 N° Lexbase : L8819G9I), point confirmé par la circulaire n° 2009-182 du 19 juin 2009.
II. L’ajout du nom de famille dans l’acte d’enfant sans vie
Opérant une réforme bienveillante, le législateur revient sur la rédaction des actes d’enfant sans vie, autorisant, à la demande des familles, la mention du nom de famille de l’enfant mort-né ou sans vie. Cette avancée significative qui permet de soutenir les familles en deuil (A) ne répond toutefois pas à l’ensemble des attentes, en particulier parce que la transmission du nom de famille est une mesure insuffisante pour modifier le statut des enfants (B).
A. L’accompagnement du deuil périnatal renforcé par la loi
La transmission d’un nom de famille est assurément une reconnaissance symbolique de l’appartenance de l’enfant à sa famille. Avec cette loi qui, dans son article unique, permet de nommer les enfants sans vie, le législateur choisit de compléter la reconnaissance mémorielle de l’enfant sans vie en permettant aux géniteurs qui pleurent la perte d’un enfant à naître de lui transmettre leurs noms de famille, en plus de l’octroi d’un ou plusieurs prénoms. L’article 79-1 du Code civil (N° Lexbase : L8459L98) est ainsi modifié de sorte que figure désormais dans l’acte d’enfant sans vie à la demande des père et mère « le ou les prénoms de l'enfant ainsi qu'un nom qui peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux ». Il apparaît ainsi dans le Code civil que les familles peuvent choisir un prénom à leur convenance, prénom mentionné non seulement dans le livret de famille mais aussi dans l’acte d’enfant sans vie. Cette identification dans l’acte d’enfant sans vie [8] peut à présent être complétée, là encore à la demande des intéressés, par leur nom de famille dans le but de créer un lien avec le défunt quand bien même il n’est pas reconnu officiellement comme leur enfant.
Les familles en pleurs ont fini par être entendues alors que dans une récente réponse ministérielle [9], il était noté qu’ « il n’est pas envisagé de modifier l’état du droit sur cette impossibilité d’attribution d’un nom de famille à un enfant sans vie qui procède d’un équilibre délicat et sensible entre d’une part, la douleur des parents confrontés à la naissance d’un enfant sans vie et la reconnaissance symbolique du lien qui les unit à celui-ci et d’autre part, nos principes de droit concernant la personnalité juridique ».
Même si l’inscription à l’état civil donne l’apparence d’une existence juridique assortie d’un lien de filiation, la réforme se veut avant tout symbolique et mémorielle. En effet, dans sa nouvelle rédaction, l’article 79-1 du Code civil prévoit in fine que « cette inscription de prénoms et noms n’emporte aucun effet juridique ».
Seul un enfant né vivant et viable peut bénéficier de la personnalité juridique et de liens de filiation. L’enfant mort-né, quant à lui n’appartient pas à la catégorie des personnes juridiques [10] et il n’est pas entré officiellement dans sa famille, si bien que ses géniteurs ne sont pas ses père et mère au niveau du droit [11]. On peut dès lors s’étonner que l’enfant qui n’est pas membre de cette famille ait droit au port du nom de famille mais il s’agit bien pour le législateur d’une reconnaissance mémorielle de l’enfant sans vie, admise pour que ses proches gardent sa trace.
La reconnaissance de la souffrance des parents perdant un enfant avant sa naissance qui émanait déjà de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 et avait permis la création d’un acte d’enfant sans vie (C. civ., art. 79-1), connaît ainsi une nouvelle étape, le législateur ayant décidé de renforcer le soutien aux familles en deuil en retenant la proposition de loi n° 189 visant à nommer les enfants sans vie enregistrée au Sénat le 7 décembre 2020 [12].
On peut dorénavant faire mention de la perte de cet être cher et surtout le mettre en lien avec ceux qui le pleurent puisqu’il peut être désigné sous le nom de sa mère et de son père. Dans sa nouvelle rédaction, l’article 79-1 du Code civil leur permet désormais à la fois de faire inscrire le prénom qu’ils avaient choisi pour l’enfant à naître et de donner à l’enfant un nom de famille, quand bien même ce dernier n’entre pas juridiquement dans la famille de ses géniteurs. À présent, comme pour les enfants désignés dans leur acte de naissance, les parents peuvent choisir le nom paternel ou le nom maternel ou accoler les deux noms dans l’ordre qu’ils souhaitent et, ce, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux.
Même si le texte ne le dit pas clairement, il semble que toutes les familles puissent réclamer ce nouveau droit. En effet, selon la déclaration du ministre de l’Intérieur [13] qui considère que la proposition de loi a vocation à s’appliquer également aux enfants nés sans vie dans le passé car « les actes déjà dressés pourront être complétés » avec un nom de famille, on peut penser que cette loi est rétroactive. Il devrait donc être possible de faire compléter l’ancien acte d’enfant sans vie rédigé pour des enfants disparus dans le passé. L’article 79-1 du Code civil indique effectivement que ce nom peut être mentionné « à la demande des père et mère » sans autre précision. On peut néanmoins regretter que la loi ne mentionne pas expressément sa rétroactivité, de même que l’on peut faire quelques reproches au législateur concernant quelques imprécisions ou incohérences quant au statut de l’enfant mort-né.
B. Les conséquences de la transmission du nom de famille
Avec cette nouvelle réforme, le législateur entend bien aider les familles à faire leur deuil mais cela ne change rien quant au statut de l’enfant, l’auteure de la proposition de loi, Anne-Marie Loisier n’ayant pas souhaité un changement qui aurait pu avoir des retombées sur le plan successoral, fiscal ou social.
Cette avancée est dès lors symbolique car elle ne modifie ni l’absence de personnalité juridique, ni l’absence d’entrée officielle de l’intéressé dans sa famille, l’article 79-1 du Code civil prévoyant in fine que « cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ».
Précisément, le législateur n’a pas suivi la piste abordée dans une autre proposition de loi [14] qui envisageait d’assouplir les exigences en matière de filiation. Son auteur proposait de rédiger ainsi l’article 318 du Code civil (N° Lexbase : L8819G9I) : « l’action quant à la filiation peut être reçue, que l’enfant soit né vivant ou non, s’il a fait l’objet d’une gestation d’au moins 20 semaines ou pèse au moins 500 grammes ». Cette piste n’a pas été suivie, la loi nouvelle n’autorisant nullement la création d’un lien de famille. Une telle avancée aurait pourtant été cohérente avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui, en 2005 [15], a condamné la Russie sur le fondement de l’article 8 de la Convention (N° Lexbase : L4798AQR) pour avoir refusé l’établissement d’un lien de filiation et ses retombées en matière d’état civil. Néanmoins, revoir le statut de l’enfant mort-né pour lui accorder légalement un père et une mère aurait supposé qu’il détienne la personnalité juridique et un tel changement n’était pas souhaitable.
Il y a toutefois une certaine incohérence dans le dispositif mis en place. En effet, malgré les changements opérés, la démarche menée dans le cadre de l’article 79-1 du Code civil continue de reposer sur le libre arbitre des familles. Elles ne sont pas obligées de demander la rédaction d’un acte d’enfant sans vie, le législateur rappelant que c’est à la demande des père et mère d’une part, que l’acte est rédigé et d’autre part, qu’il mentionne des prénoms et noms.
Le texte parle précisément de père et mère alors qu’ils ne sont que géniteurs en raison de l’impossibilité de créer un lien de filiation maternelle ou paternelle faute d’avoir affaire à une personne au sens juridique du terme et, par ailleurs, il octroie un nom et un prénom à l’enfant mort-né. Cela crée une certaine ambiguïté avec l’identification d’une personne alors que le mort n’entre pas dans la catégorie des personnes puisque les conditions présidant à l’attribution de la personnalité juridique ne sont pas réunies.
Surtout, l’enfant pourra désormais porter le nom d’une personne qui ne sera ni son père ni sa mère au regard du droit, alors que normalement l’attribution du nom est le fruit d’un rapport de filiation.
À partir du moment où le législateur ouvre une nouvelle voie aux familles en leur permettant de choisir un nom pour l’enfant mort-né, on peut s’étonner de quelques imprécisions en la matière. D’abord, il est dommage que rien ne prévoie le désaccord du couple parental lié à la fois à la rédaction de l’acte d’enfant sans vie et au choix des noms et prénoms. Il aurait été intéressant de faire un parallèle avec l’article 311-21 du Code civil (N° Lexbase : L4370L7Y) qui aborde la déclaration conjointe relative au nom à faire figurer dans l’acte de naissance, ainsi que les solutions en cas de mésentente parentale.
Ensuite, on peut se demander si des couples qui pleurent ainsi leur premier enfant seront obligés de transmettre aux enfants nés plus tard le ou les mêmes noms de famille, comme le prévoit l’article 311-23 du Code civil (N° Lexbase : L4371L7Z) pour les enfants bénéficiant d’un lien de filiation. La réponse est négative car la loi précise expressément que l’inscription des noms et prénoms n’a aucun effet juridique, toutefois le texte aurait pu le mentionner clairement.
Enfin, il aurait fallu envisager le cas de l’enfant mort-né d’un couple de femmes ayant porté un projet parental issu d’une assistance médicale à la procréation avec donneur depuis la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 (N° Lexbase : L4001L7C) et viser alors deux mères dans l’article 79-1 du Code civil.
Avec cette évolution législative qui se traduit par des modifications apportées au registre des décès, ce n’est pas l’état civil d’un individu qui est visé car l’intéressé n’est pas une personne au regard du droit. Il s’agit clairement d’une nouvelle reconnaissance mémorielle de l’enfant mort-né ou mort car non viable qui est accordée aux familles éplorées. Le statut de l’enfant mort-né n’est effectivement pas affecté par la réforme qui n’a pas eu pour ambition de revoir la question de la personnalité juridique. Celui qui est mort n’est donc pas une personne et n’entre pas dans la famille de ses auteurs, même si désormais leur nom de famille peut lui être transmis si et seulement s’ils en font la demande. De plus, dépourvu de personnalité juridique, il n’a toujours pas d’état civil même si l’on s’adresse bien à un officier d’état civil.
Pour autant, même s’il n’est que symbolique, ce changement inscrit par l’officier d’état civil dans le registre des décès traduit la bienveillance du législateur face au drame que vivent des familles qui attendaient un enfant qui ne verra jamais le jour et qui, forcément en souffrent. En effet, grâce aux réformes qui se sont succédées depuis 1993 autour du deuil périnatal, cet enfant est parfaitement inscrit dans l’histoire familiale et un lien peut enfin être créé avec le père grâce à la transmission du nom paternel, en complément du lien maternel issu de la grossesse et de l’accouchement.
Restera à savoir si les familles vont faire une telle demande car beaucoup de géniteurs endeuillés n’ont pas entrepris de démarche pour obtenir un acte d’enfant sans vie ou n’ont pas souhaité attribuer de prénom à l’enfant mort-né, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne lui ont pas accordé sa place dans sa fratrie ou sa famille.
Rien n’est obligatoire en ce domaine, l’acte d’enfant sans vie avec les précisions sur les noms et prénoms demeure optionnel, la loi rappelant que tout cela se fait « à la demande des père et mère ». L’essentiel est de parvenir à soulager les parents éprouvés par un deuil périnatal en leur laissant un libre choix. Néanmoins que faire s’ils ne partagent pas le même point de vue ? S’ils sont d’accord, cette réforme est la bienvenue car elle apporte un réel soutien bienveillant aux familles en deuil et en pleurs.
[1] V. Balestriero, La situation de l’enfant mort-né, D. 1999, n° 8, p. 81.
[2] Cass. civ. 1, 6 février 2008, n° 06-16.498 (N° Lexbase : A6715D4H), n° 06-16.499 (N° Lexbase : A6716D4I) et n° 06-16.500 (N° Lexbase : A6717D4K), FS-P+B+R+I ; D. 2008, pan. 1371, obs. F. Granet-Lambrechts ; D. 2008, AJ 483, obs. P. Guiomard ; D. 2008. 638, comm. P. Chauvin ; JCP 2008. II. 10045, note G. Loiseau ; AJ famille 2008. 165, obs. Fr. Chénedé ; Defrénois 2008. 866, note J. Massip ; Dr. famille 2008, comm. n° 34, obs. P. Murat ; RTDC 2008. 268, obs. J. Hauser ; Médecine & Droit n° 91, juillet-août 2008, 121, note I. Corpart). Il faut toutefois produire un certificat médical attestant de l'accouchement de la mère spontané ou provoqué pour raison médicale (décret n° 2008-800 du 20 août 2008 N° Lexbase : L7432IAI ; JCP N 2008, actu 611, note J.-R. Binet ; AJ famille 2008, 392, note J. Sauvage.
[3] A. Gouttenoire, Acte d’enfant sans vie : un statut plus clair, Lexbase Droit privé, septembre 2008, n° 316 (N° Lexbase : N7367BGX).
[4] M. Bruggeman, Un congé de paternité sans « paternité », Dr. famille 2008, alerte 18.
[5] D. Dutrieux, Enfants nés sans vie-Publication d’une circulaire, JCP N 2009, n° 36 p. 3 ; J. Hauser, RTDC 2010. 75 ; M. Lamarche, Actes d’enfant sans vie, livret de famille et certificat médical : peut-on se satisfaire de la nouvelle règlementation ?, Dr. famille 2008, focus 67 ; P. Murat, Circulaire du 19 juin 2009 sur l’établissement d’acte d’enfant sans vie, Dr. famille 2009, n° 10, comm. 123, p. 19 ; F. Sauvage, L’acte d’enfant sans vie discrètement réglementé, AJ famille 2008. 392.
[6] I. Corpart, Une circulaire précise le sort des enfants sans vie, RJPF 2010-1/14.
[7] N. Baillon-Wirtz, Condition juridique de l’enfant sans vie, Dr. famille 2007. Étude 13.
[8] Le ministre de l’Intérieur a annoncé la parution prochaine d’un décret pour permettre aussi la mention du nom dans le livret de famille (Le Parisien du 7 décembre 2021 [en ligne]).
[9] QE n° 2823 de M. Thomas Mesnier, JOANQ, 14 novembre 2017, réponse publ. 16 janvier 2018 p. 355, 15ème législature (N° Lexbase : L6911LIS).
[10] I. Corpart, Décès périnatal et qualification juridique du cadavre, JCP 2005, I, 171.
[11] I. Corpart, Le fœtus mort, enfant de personne, in De code en code, Mélanges en l’honneur de Georges Wiederkehr, Dalloz, 2009, 133.
[12] I. Corpart, Focus sur les enfants sans vie, sans filiation, sans nom mais avec prénom, RJPF 2021-7*8/2 ; G. Rousset, Quelle « identité » pour les enfants nés sans vie ?, JCP G 2021, 75.
[13] Propos rappelés dans Le Parisien du 7 décembre 2021 [en ligne].
[14] Proposition de loi n° 562 visant à définir et nommer les enfants sans vie et à permettre une action relative à la filiation pour les enfants nés sans vie, présentée par le sénateur Arnaud de Belenet et enregistrée à la Présidence du Sénat le 6 mai 2021 [en ligne].
[15] CEDH, 2 juin 2005, aff. 77785/01, Znamenskaya c/ Russie.
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Réf. : Cass. crim., 8 décembre 2021, n° 21-83.220, F-B (N° Lexbase : A46127EK)
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par Adélaïde Léon
Le 13 Décembre 2021
► Aucune disposition n’impose que l’ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels constatant un désistement d’appel, insusceptible de recours sauf excès de pouvoir, soit notifiée et, en l’absence de toute règle contraire, une telle décision produit effet dès sa signature.
Rappel des faits. Un individu est cité devant le tribunal correctionnel du chef de violences aggravées. L’intéressé est déclaré coupable et condamné à un an d’emprisonnement et à cinq ans d’interdiction de détenir ou porter une arme. Il est délivré un mandat d’arrêt à son encontre.
Le prévenu forme par la suite un appel contre la décision de première instance. Le ministère public forme quant à lui appel incident.
Le 3 février 2021, le prévenu se désiste de son appel.
Le 5 février, le président de la chambre des appels correctionnels rend une ordonnance constatant le désistement d’appel du prévenu et du ministère public.
Ladite ordonnance est notifiée au prévenu le 8 février 2021. Le même jour, l’intéressé se rétracte de son désistement.
En cause d’appel. Le 22 avril 2021, la chambre correctionnelle déclare l’appel du prévenu recevable et le relaxe du chef de violences aggravées. La juridiction d’appel estime que l’ordonnance du 5 février 2021 qui a pris acte du désistement d’appel n’ayant été notifiée au prévenu que le 8 février 2021, le désistement n’était pas devenu parfait au moment de la rétractation puisque rien ne permettait d’établir que ladite ordonnance avait été portée à la connaissance du prévenu avant sa rétractation.
Le procureur général près la cour d’appel forme un pourvoi contre l’arrêt d’appel.
Moyens du pourvoi. Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré l’appel du prévenu recevable alors que l’ordonnance donnant acte du désistement d’appel était intervenue le 5 février et que l’intéressé ne pouvait se rétracter après cette date.
Décision. La Chambre criminelle casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 500-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5046K8E).
La Cour affirme que, selon cet article, le prévenu qui se désiste de son appel ne peut se rétracter après que son désistement a été constaté par ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels.
La Haute juridiction ajoute que c’est à tort que la cour d’appel s’est référé au moment de la notification de l’ordonnance donnant acte de la rétractation. En effet, aucune disposition n’impose que l’ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels constatant un désistement d’appel, insusceptible de recours sauf excès de pouvoir, soit notifiée et, en l’absence de toute règle contraire, une telle décision produit effet dès sa signature.
Pour aller plus loin : v. J.-B. Thierry, ÉTUDE : Les voies de recours, Les modalités de l’appel, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E0749ZMP). |
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Réf. : Cass. civ. 1, 1er décembre 2021, n° 20-10.956, F-B (N° Lexbase : A77557DL)
Lecture: 2 min
N9719BYM
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 13 Décembre 2021
► L'aide personnalisée au logement accordée à l'acquéreur d'un bien affecté à sa résidence principale, selon la composition et les ressources de son foyer, constitue pour son bénéficiaire un substitut de revenus, de sorte que celle-ci entre en communauté, peu important qu'elle soit versée directement à l'organisme prêteur.
La précision ainsi apportée par la Cour de cassation (approuvant sur ce point la décision rendue par la cour d’appel de Colmar) est inédite à notre connaissance et vient ainsi compléter la longue liste des sommes assimilées aux substituts de gains et salaires, considérés comme biens communs en vertu de l’article 1401 du Code civil (N° Lexbase : L1532ABD) (cf. notamment : indemnité de départ anticipé à la retraite, Cass. civ. 1, 31 mars 1992, n° 90-16.343 N° Lexbase : A3162AC4 ; indemnité de licenciement, Cass. civ. 1, 3 janvier 2006, n° 04-13.734, F-P+B N° Lexbase : A1717DMK ; indemnité compensant une incapacité de travail, Cass. civ. 1, 23 octobre 1990, n° 89-14.448 N° Lexbase : A4511AHK ; indemnité perçue au titre d'une police d'assurance « perte d'emploi », Cass. civ. 1, 3 février 2010, n° 08-21.054, F-P+B N° Lexbase : A6039ER4 ; indemnité compensant la perte de valeur d’un fonds professionnel propre, Cass. civ. 1, 17 avril 2019, n° 18-15.486, FS-P+B N° Lexbase : A6091Y9H).
La conséquence de cette qualification de bien commun est la suivante dans le cas où, comme en l’espèce, la communauté s'était acquittée du remboursement de l'emprunt contracté par l’épouse, bénéficiaire de l’APL, pour l'acquisition d'un bien propre ayant servi de logement familial : l'aide personnalisée au logement versée directement par la caisse d'allocations familiales à l'organisme de crédit ayant consenti le prêt ne pouvait être soustraite de la récompense due par l’épouse à la communauté au titre de la fraction en capital des échéances dont celle-ci s'était acquittée.
Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : La répartition des biens, Les gains et salaires, in Droit des régimes matrimoniaux, (dir. J. Casey), Lexbase (N° Lexbase : E8897ETP). |
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newsid:479719
Réf. : Cons. const., décision n° 2021-955 QPC, du 10 décembre 2021 (N° Lexbase : A67337E4)
Lecture: 3 min
N9764BYB
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par Yann Le Foll
Le 13 Décembre 2021
► L’application rétroactive des nouvelles modalités de renversement de la présomption de causalité dans le cadre de l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires constitue une violation de la garantie des droits du citoyen protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) (sur renvoi CE 7° ch., 5 octobre 2021, n° 451407, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3012483).
Rappel. L'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, de finances pour 2019 (N° Lexbase : L6297LNK), a modifié l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français (N° Lexbase : L2038IGL), afin de prévoir que la présomption de causalité peut être renversée s'il est établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants à laquelle la personne a été exposée est inférieure à un seuil déterminé par la loi (voir pour une application de ce principe, CE 2° et 7° ch.-r., 6 novembre 2020, n° 439003, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A009934G).
Objet QPC. Les dispositions contestées prévoient que les dispositions de l'article 232 de la loi du 28 décembre 2018 sont applicables aux demandes déposées avant son entrée en vigueur, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, contrairement aux décisions du Conseil d'État du 27 janvier 2020 (CE 2° et 7° ch.-r., 27 janvier 2020, n° 429574, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A65083CZ), appliquer de manière rétroactive les règles ainsi modifiées par la loi du 28 décembre 2018 aux demandes d'indemnisation déposées avant l'entrée en vigueur de cette loi. Les dispositions contestées ne présentent donc pas un caractère interprétatif.
Position des Sages. D'une part, l'application de ces règles soumet ces demandes à un régime moins favorable d'indemnisation en élargissant la possibilité pour l'administration de renverser la présomption de causalité dont bénéficient les personnes qui remplissent les conditions prévues par la loi.
D'autre part, la volonté du législateur d'appliquer, conformément à ce qu'aurait été son intention initiale, un même régime à l'ensemble des demandes d'indemnisation, quelle que soit la date de leur dépôt, ne constitue pas un motif impérieux d'intérêt général justifiant l'atteinte ainsi portée au droit des personnes qui avaient engagé une procédure administrative ou contentieuse avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2018.
Décision. Les dispositions contestées méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution à compter du 10 décembre 2021.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La responsabilité administrative pour faute, Les autres activités régaliennes de l'administration, spéc. Engagement de la responsabilité de l'État du fait des essais nucléaires, in Responsabilité administrative, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E3802EUD). |
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Réf. : AMF, rapport 2021 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, 2 décembre 2021
Lecture: 6 min
N9665BYM
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par Vincent Téchené
Le 13 Décembre 2021
► L'AMF a publié, le 2 décembre 2021, son rapport annuel sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées.
Comme le relève l’Autorité, dans le contexte de la crise sanitaire, l’édition 2021 est l’occasion de revenir sur le fonctionnement des assemblées générales (AG) et d’évoquer les thématiques de l’ajustement des rémunérations et des interactions du conseil d’administration avec la direction générale et les actionnaires. Pour la deuxième année consécutive, le rapport examine l’information fournie par les conseillers en vote.
Cette année encore, les sociétés cotées ont pour l’essentiel tenu leur AG à « huis clos », faculté offerte par le régime d’exception instauré par l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5727LWZ ; lire V. Téchené, Covid-19 : adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants, Lexbase Affaires, avril 2020, n° 630 N° Lexbase : N2808BYN) – 96 % des sociétés de l’indice SBF 120. Prenant en considération les recommandations que l’AMF avait formulées dans son rapport 2020, l’ordonnance n° 2020-1497 du 2 décembre 2020 (N° Lexbase : L8585LYM) et le décret n° 2020-1614 du 18 décembre 2020 (N° Lexbase : L1791LZD) ont complété ce régime d’exception de nouvelles obligations afin de limiter l’atteinte aux droits des actionnaires, dont l’AMF a vérifié l’application par les sociétés du SBF 120 ayant leur siège en France (B. Brignon, Réunion des assemblées générales et organes dirigeants et covid-19 : à propos de l’ordonnance n° 2020-1497 et son décret d’application n° 2020-1614, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 660 N° Lexbase : N5927BY8). Comme le relève le rapport, toutes ont proposé une retransmission en direct et en différé de leur AG. À 87 %, elles ont désigné les deux scrutateurs parmi les dix principaux actionnaires et 66 % ont publié sur leur site internet les questions écrites des actionnaires et leurs réponses.
Cette année, les actionnaires d’une société cotée ont eu la possibilité d’exprimer leur vote à distance et en direct. L’AMF indique en outre que les conditions du développement d’une telle procédure de vote font l’objet de travaux menés par les associations professionnelles dont elle attend avec intérêt l’issue.
La seconde partie du rapport est consacrée à l’information publiée par un échantillon composé des 50 premières sociétés du SBF 120. Parmi les thématiques abordées, figure cette année le choix du mode de gouvernance, entre unicité des fonctions avec un président-directeur général (PDG) et dissociation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général.
Parmi les 45 sociétés anonymes à conseil d’administration de l’échantillon, 25 sociétés ont opté pour la dissociation dont 5 au second semestre 2020 ou en 2021.
Le rapport examine ensuite les mesures mises en place par le conseil pour organiser ses interactions avec la direction générale, assurer l’équilibre des pouvoirs et prévenir et gérer les risques de conflits d’intérêts. S’agissant des interactions avec les actionnaires, l’AMF évoque notamment les « résolutions climatiques » soumises aux actionnaires en 2021.
Selon le rapport, l’année 2020 a été marquée par une baisse des rémunérations versées aux dirigeants mandataires sociaux exécutifs. Dans 35 sociétés sur les 50 composant l’échantillon, un ou plusieurs dirigeants ont renoncé à une partie de leur rémunération 2020.
La majorité des sociétés cotées n’a procédé à aucun ajustement de rémunération par rapport à la politique de rémunération 2020 applicable. Cependant, dans 18 sociétés de l’échantillon, le conseil d’administration a pris la décision d’ajuster, en cours d’exercice 2020 ou en fin d’exercice, les règles de détermination de la rémunération des dirigeants, en modifiant la nature des critères de performance, les objectifs cibles, ou le niveau d’atteinte. Seules 6 ont soumis ces modifications à l’approbation de l’AG, via un nouveau say on pay ex ante.
L’AMF rappelle que toute modification importante par rapport à la politique de rémunération approuvée nécessite un nouveau vote de l’AG. Les éventuels ajustements doivent rester exceptionnels, être justifiés et leur impact chiffré, et rester exigeants. Pour permettre un dialogue actionnarial de qualité, les sociétés devraient les communiquer le plus en amont possible.
Pour l’exercice 2021, 36 sociétés (contre 23 en 2020) ont introduit dans leur politique de rémunération la possibilité pour le conseil de déroger à cette politique en cours d’exercice. L’AMF recommande aux sociétés de veiller à ce que ces clauses d’ajustement soient rédigées de façon aussi détaillée que possible.
Conformément à la loi « PACTE » (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK), l’AMF a examiné l’information publiée par les conseillers en vote. Elle revient sur les principaux apports du premier rapport du comité de surveillance du Best Practice Principles Group (le BPPG), chargé de superviser la mise en œuvre de son code de conduite.
Sur la base d’un questionnaire adressé aux émetteurs, l’AMF constate que d’importants progrès ont été réalisés quant à la qualité du dialogue entre les sociétés cotées et les conseillers en vote.
Elle rappelle que l’information sur les conflits d’intérêts et leur gestion est un élément clé pour les investisseurs. Elle incite par ailleurs les conseillers en vote à prendre en considération, dans leur nouvelle politique de vote, les spécificités nationales françaises en termes de marché, de législation et de réglementation. Elle recommande enfin que le processus décisionnel des conseillers en vote soit clarifié.
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Réf. : Cass. civ. 1, 1er décembre 2021, n° 20-12.315, FS-B (N° Lexbase : A77617DS)
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N9720BYN
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 13 Décembre 2021
► Les biens reçus de son ascendant par le défunt en règlement d'une créance de salaire différé échappent au droit de retour légal des collatéraux privilégiés.
Droits du conjoint survivant versus droit de retour légal des collatéraux privilégiés. Pour rappel, l'article 757-2 (N° Lexbase : L3479AWR), introduit par la réforme de 2001, prévoit qu’ « en l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ».
En contrepartie de cette revalorisation de la place du conjoint dans la dévolution successorale, l’article 757-3 (N° Lexbase : L9838HNP) prévoit que, par dérogation à l'article 757-2, « en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus de ses ascendants par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission ».
Cas des biens reçus en règlement d’une créance de salaire différé. Le contrat de travail à salaire différé tend à accorder au descendant qui a collaboré à la mise en valeur de l'entreprise agricole de ses parents une créance de salaire qui s'ajoute aux droits successoraux. Concrètement, il s'agit d'une sorte de « rétro-salaire » justifié par un enrichissement sans cause (Ch. Lebel, Caractéristiques de la créance de salaire différé du descendant de l'exploitant, Lexbase Droit privé, décembre 2013, n° 552 N° Lexbase : N9908BT7).
S’agissant du règlement de cette créance, l'article L. 321-17, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0323HPN), le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession ; cependant l'exploitant peut, de son vivant, remplir le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors de la donation-partage à laquelle il procéderait.
Au regard du droit de retour légal des collatéraux privilégiés, la Cour de cassation retient qu’il résulte des textes précités que les biens reçus de son ascendant par le défunt en règlement d'une créance de salaire différé échappent au droit de retour légal des collatéraux privilégiés.
C’est ainsi que, dans l’affaire qui lui était soumise, la Haute juridiction a retenu que le droit de retour légal ne pouvait porter sur les biens attribués à l’épouse prédécédée en règlement de sa créance de salaire différé.
Elle a ainsi censuré la décision rendue par la cour d’appel de Limoges qui, pour dire que l'ensemble des biens attribués à l’épouse prédécédée par l'acte de partage du 8 novembre 1986, présents en nature au jour de l'ouverture de sa succession, constituait l'assiette du droit de retour légal de ses soeurs, avait relevé que cet acte avait attribué à la défunte des parcelles à concurrence des trois-cinquièmes au titre de sa créance de salaire différé et des deux-cinquièmes au titre de ses droits dans l'actif net de succession de sa mère et retenu que, si le droit de retour légal ne pouvait porter, en valeur, que sur la moitié des biens que celle-ci avait recueillis dans l'actif net de succession et non au titre de la créance de salaire différé, il devait pouvoir s'exercer sur l'intégralité des biens qui avaient été attribués à celle-ci, sans que le juge ne puisse, en l'état et en l'absence d'accord entre les parties, se prononcer sur l'attribution de lots indivis entre le conjoint survivant et les collatéraux privilégiés.
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Réf. : CE, 1° et 4° ch.-r., 22 novembre 2021, n° 431431, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A561148C)
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N9742BYH
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par Charlotte Moronval
Le 13 Décembre 2021
► Si les personnels enseignants mentionnés à l'article L. 442-5 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L7524L7S), qui sont des agents publics, bénéficient de la qualité d'électeur pour les élections des institutions représentatives du personnel dans les établissements de l'enseignement privé non lucratif couverts par la Convention collective nationale de l'enseignement privé non lucratif et sont éligibles, leurs votes ne peuvent être pris en compte pour la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche professionnelle de l'enseignement privé non lucratif, laquelle est couverte par une convention collective qui ne régit que les relations entre les employeurs relevant de son champ et leurs salariés de droit privé.
Faits et procédure. La ministre du Travail a pris, le 10 novembre 2017, un arrêté fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans la Convention collective nationale de l'enseignement privé non lucratif. L'article 1er de l'arrêté dresse la liste des organisations syndicales représentatives dans le champ de cette convention, en l'espèce :
Son article 2 définit, dans cette branche, pour la négociation des accords collectifs, le poids de chacune des organisations syndicales représentatives.
Par un arrêt du 4 avril 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur les requêtes, d'une part, de la Fédération nationale de l'enseignement de la culture et de la formation professionnelle Force Ouvrière, et d'autre part, du syndicat national de l'enseignement privé CFE-CGC (SYNEP CFE-CGC), du syndicat national des personnels de l'enseignement et de la formation privés CGT (SNPEFP-CGT), du syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et de la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), annulé pour excès de pouvoir cet arrêté. La ministre du Travail se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Solution. Énonçant la solution susvisée, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris. Celle-ci a commis une erreur de droit en annulant l'arrêté du 10 novembre 2017 au motif que la ministre du Travail n'avait pas pris en compte, pour mesurer l'audience des organisations syndicales de la branche de l'enseignement privé non lucratif, les suffrages émis, lors des élections professionnelles, dans les urnes réservées aux agents publics mentionnés à l'article L. 442-5 du Code de l'éducation.
Il relève que lors des élections professionnelles organisées au niveau de la branche de l'enseignement privé non lucratif, les suffrages des personnels de droit privé et des agents de droit public de l'enseignement privé non lucratif n'ont pas fait l'objet de décomptes séparés, faute de mise en place d'urnes distinctes lors des opérations électorales, sauf en ce qui concerne certains établissements représentant environ 5% des suffrages. Par ailleurs, pour la confection de l'arrêté attaqué, la ministre du Travail a mesuré l'audience des organisations syndicales dans cette branche en prenant en compte l'ensemble des suffrages émis, à l'exception de ceux émis par les agents publics dans les établissements qui avaient séparé le vote des personnels de droit privé et celui des agents publics. Or, à défaut de la mise en place générale d'urnes spécifiquement dédiées au vote des agents de droit public pour les élections professionnelles organisées au sein de la branche de l'enseignement privé non lucratif, permettant de distraire leurs suffrages de ceux émis par les personnels de droit privé seuls régis par la convention collective nationale de l'enseignement privé non lucratif, les résultats pris en compte par la ministre du Travail afin de fixer la liste des organisations syndicales reconnues comme représentatives dans le champ de cette convention ne satisfaisaient pas l'exigence de fiabilité requise.
Pour en savoir plus : rappr., s'agissant de la circonstance que les maîtres et documentalistes des établissements d'enseignement sous contrat ne sont ni électeurs, ni éligibles aux élections prud'homales, CE 1° et 6° s-s-r., 28 novembre 2008, n° 319620, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4554EBB). |
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Réf. : Décret n° 2021-1607, du 8 décembre 2021, révisant le barème des saisies et cessions des rémunérations (N° Lexbase : L9036L9K)
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N9753BYU
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 15 Décembre 2021
► Un décret, publié au Journal officiel du 10 décembre 2021, revalorise le barème des saisies et cessions des rémunérations à compter du 1er janvier 2022.
L’article L. 3552-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0920H9X) fixe les seuils permettant de calculer la fraction saisissable et cessible des rémunérations.
Le présent décret modifie cet article et fixe cette fraction, à compter du 1er janvier 2022, de la manière suivante :
Il convient de noter que ces tranches sont modifiées en fonction du nombre de personnes à la charge du débiteur.
Ces seuils, déterminés à l’article R. 3252-2 du Code du travail (N° Lexbase : L4254LU4), sont augmentés d’un montant de 1 520 euros par personne à la charge du débiteur saisi ou du cédant, sur présentation d’un justificatif présenté par l'intéressé.
Enfin, rappelons qu’il existe une fraction insaisissable ou incessible qui est égale au montant du revenu de solidarité active (RSA), dont le montant est fixé à 565,34 euros depuis le 1er avril 2021.
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