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N4923BTI
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Ouf ! La France vient d'échapper à un examen de conscience des plus pénibles grâce à la sagacité calendaire des magistrats strasbourgeois. En plein débat sur le "mariage pour tous", qui renvoie inévitablement à la libre orientation sexuelle, il n'aurait pas été de bon ton que l'Etat et les Français dans leur ensemble envisageassent l'insoupçonnable sexualité des personnes handicapées et, plus particulièrement, des personnes handicapées mentales. En effet, celle-ci "fait peur, non pas qu'elle revête des formes différentes, mais parce que penser la sexualité des autres, surtout quand il s'agit de personnes différentes, renvoie à son propre regard sur la sexualité", estime un rapport sur les problèmes posés par les pratiques de stérilisation des personnes handicapées, datant de mars 1998. Aussi, est-ce sans doute soulagé que l'Etat français accueille cet arrêt rendu, de manière plutôt discrète, par la Cour européenne des droits de l'Homme, le 23 octobre 2012, et qui rejette le recours formé par cinq handicapées mentales se déclarant victimes d'une stérilisation à leur insu, dans les années 1990. La requête de ces cinq femmes a été déclarée irrecevable en raison d'un délai de recours non respecté. Voilà comment, "à raison", le juge européen évacue la question de l'eugénisme et du traitement des jeunes femmes handicapées en Europe et plus singulièrement en France où malgré l'illicéité de l'acte, la pratique fut avérée au point d'avoir été reconnue par l'inspection générale des affaires sociales, dans le rapport public évoqué ci-dessus et publié à la Documentation française.
Les plaignantes, salariées d'un centre d'aide par le travail (CAT) (désormais ESAT), avaient subi à leur insu, entre 1995 et 1998, des opérations chirurgicales de ligature des trompes dans un but contraceptif. En 2007, la cour d'appel de Paris a estimé que la "preuve d'une politique eugéniste concertée au sein du CAT" n'avait pas été apportée et que les stérilisations n'étaient pas irréversibles. Par conséquent, l'atteinte aux articles 214-1 et 214-3 du Code pénal n'était pas caractérisée ; fermez le ban. La Cour de cassation ne dira pas mieux et il ne restait guère que la CEDH pour protéger les "intérêts familiaux" de ces femmes, au regard de l'obligation qui est imposée à l'Etat de contrôler ces centres de travail et au regard de l'incontournable droit au procès équitable -il faut dire que la seule plaignante entendue par la juge l'a été sans avocat et en présence de personnels impliqués dans les stérilisations...-.
Toujours est-il que le couperet est tombé et que la crainte de Marie-Laure Lagardère, Hélène Strohl et Bernard Even, auteurs du fameux rapport, ne se réalisera pas. En effet, bien que la stérilisation contrainte fut pratiquée en France, même sur des personnes handicapées, en nombre peu élevé, bien que cet acte fut illicite, l'affirmation de l'illégalité de ces stérilisations aurait un fort impact et susciterait le trouble. Mais, les auteurs du rapport estimaient, toutefois, que le risque contentieux était faible ; l'argument de l'illégalité n'ayant pas été invoqué devant un tribunal depuis 1937.
Pour ainsi dire, il faut remonter aux heures sombres de l'Histoire pour retrouver la trace des programmes officiels de stérilisations contraintes. Point besoin de se cantonner aux programmes eugéniques nazis, le Japon et les Etats-Unis avaient ouvert le bal auparavant, stérilisant les handicapés mentaux et les personnes sujettes à des troubles psychiques, quand ce n'étaient pas les sourds, les aveugles et les épileptiques, au début du XXème siècle.
Au sein de l'Union européenne, l'eugénisme est désormais clairement prohibé par Charte des droits fondamentaux et la France, bien entendu, réprime sévèrement ce "crime contre l'espèce humaine".
Pour autant, même si l'on peut considérer que "la stérilisation des handicapés est une négation de leur dignité", rien ne prouve que le centre d'aide par le travail avait mis en application une politique eugénique, comme le soulignaient les juges parisiens. En effet, le texte pénal ne prend en considération qu'une seule acceptation de l'eugénisme, celle qui s'inscrit dans le cadre d'une "organisation de la sélection des personnes" : pour qu'il y ait eugénisme, il faut qu'il y ait une politique délibérée. Or, ne peut-on pas considérer que l'eugénisme puisse être, également, le résultat collectif d'une somme de décisions individuelles convergentes ? Une acceptation que l'Etat ne peut envisager, d'abord et avant tout, parce qu'elle ferme la voie à l'avortement après diagnostique prénatal d'un handicap. Ensuite, il est probable que, bien que conscient de ses défaillances en la matière vis-à-vis des femmes ainsi stérilisées, l'Etat n'a nulle envie de se justifier sur un sujet aussi sensible. Car, si ce n'est pas le scandale de la stérilisation comme atteinte à l'intégrité physique des jeunes femmes handicapées qui l'éclabousse, ce serait celui de ces centres de travail où les conditions de travail de ces mêmes personnes sont des plus singulières -les dispositions du Code du travail ne s'appliquant pas aux travailleurs handicapés des ESAT, sauf celles concernant la sécurité, l'hygiène et la médecine du travail et ces travailleurs pouvant être rémunérés à hauteur de 55 % du Smic horaire-.
Désormais, la question de l'eugénisme par le biais de la stérilisation contrainte est remisée pour un temps, mais celle du droit à l'eugénisme pourrait bien ressurgir à l'occasion d'une affaire "Kruzmane c/ Lettonie" sur laquelle doit prochainement se pencher la Cour de Strasbourg. Selon les observations en tierce intervention, il sera, alors, demandé à la "conscience de l'Europe" de se prononcer sur la question suivante : "La Convention garantit-elle aux parents un droit à l'eugénisme, et en particulier à la procédure de dépistage-élimination prénatale des foetus malades ou handicapés ? Si oui, l'Etat a-t-il une obligation positive à cet égard ?".
Le pavé est dans la marre ; les Etats et l'Europe dans son ensemble vont-ils continuer à esquiver la question fondamentale qui leur est ainsi posée, sans pour autant contrarier le droit à l'avortement reconnu dans la majorité des Etats parties à la Convention ?
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Réf. : CA Besançon, 31 octobre 2012, n° 12/01872 (N° Lexbase : A2369IWN)
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N4785BTE
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 12 Janvier 2013
Sur "l'agrément" de la convention d'association. Rapidement, aux termes de la disposition évoquée, les rétributions allouées pour les missions d'aide juridictionnelle en matière pénale peuvent être majorées dans une proportion maximum de 20 % au bénéfice des barreaux ayant souscrit des engagements d'objectifs assortis de procédures d'évaluation visant à assurer une meilleure organisation de la défense pénale. Ces engagements sont l'objet d'un protocole passé avec le tribunal de grande instance près lequel le barreau est établi. Les protocoles sont "homologués" par un arrêté du Garde des sceaux, ministre de la Justice, qui fixe le montant de la majoration appliquée lors de la liquidation de la dotation annuelle. Or, la cour d'appel de Besançon fait remarquer que ce texte n'a vocation à s'appliquer que lorsque la convention signée entre le barreau et le tribunal de grande instance prévoit une majoration de la rétribution allouée au titre de l'aide juridictionnelle ; et qu'au cas particulier, aucune des pièces produites devant elle ne permettait de retenir qu'il ait été envisagé une quelconque majoration de la rétribution des avocats intervenants dans le défense pénale des mineurs. Dès lors, la convention créant ou renouvelant le "Collectif Mineurs" n'avait nul besoin d'être revêtue d'un "agrément" ministériel, dés lors qu'elle ne comportait pas une majoration de la rétribution à la charge de l'Etat.
Sur l'atteinte portée aux principes fondamentaux. Le collectif en cause regroupait des avocats spécialisés dans la défense des mineurs. L'arrêt prend soin de rappeler qu'en soi ce type d'association professionnelle ne peut qu'être approuvé et répond aux attentes tant du ministère de la Justice que du Conseil national des barreaux. En effet, le ministère de tutelle et le CNB ont signé, le 8 juillet 2011, une convention ayant pour objectif de développer la défense personnalisée des mineurs en matière pénale. Cette convention encourage les barreaux et les chefs de juridictions à définir localement les modalités d'interventions des avocats. Au niveau national, les deux signataires s'engagent à proposer des actions de formation communes, notamment sur les dispositifs de prise en charge éducative et la défense pénale des mineurs. Au niveau local, les barreaux et les tribunaux pour enfants doivent s'accorder et réfléchir à une organisation favorisant la défense personnalisée des mineurs en matière pénale. Ainsi, la désignation du même avocat pour le même mineur dans toutes les procédures pénales qui le concernent, permet d'améliorer l'assistance. L'avocat connaît mieux le mineur et son parcours. En retour, le mineur ne se trouve pas confronté à chaque fois qu'il comparait en justice, à un avocat différent auprès de qui il doit répéter sans cesse son histoire personnelle. La continuité de l'intervention d'un avocat auprès d'un même mineur contribue ainsi à l'amélioration de la qualité de la défense pénale et de la décision judiciaire, en assurant une connaissance également partagée, entre la juridiction et le défenseur, de la personnalité du mineur et des actions menées auprès de lui, tant en matière civile que pénale.
Voilà pour le communiqué de presse ! Mais dans les faits, la mise en oeuvre d'une telle organisation n'est pas chose aisée. Elle peut se heurter, assez facilement convenons-en, aux principes fondamentaux régissant l'exercice de la profession d'avocat. L'espèce rapportée en est un exemple caractérisé.
En effet, pour faire partie du "Collectif Mineurs" en cause, dont les membres bénéficiaient d'un monopole de désignation au titre des commissions d'office, il était imposé à l'avocat, qui souhaitait s'investir dans un tel domaine d'intervention de rédiger une "lettre de motivation" destinée à la Présidente du Collectif, puis de se soumettre à un entretien individuel avec celle-ci avant que la demande d'inscription à ce collectif ne soit examinée par le conseil de l'Ordre. Pour la cour, "à l'évidence", l'exigence d'une lettre de motivation et la soumission à un entretien, dont la finalité était mal définie et qui pourrait s'analyser en une forme de cooptation, portaient atteinte au principe fondamental de la liberté d'exercice de la profession. Ce faisant, et en filigrane, la cour d'appel rappelle le principe évoqué à la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) aux termes duquel la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante quel que soit son mode d'exercice.
Pour autant, si tout avocat de par sa formation et le serment qu'il a prêté devant la cour d'appel peut exercer la plénitude des attributions attachées par la loi à la profession d'avocat, on peut s'étonner que le juge rejette les conditions d'adhésion des avocats à ce collectif de défense des mineurs. En effet, compte tenu de la sensibilité des justiciables en cause, compte tenu de la technicité et de la disponibilité requise pour mener à bien la défense des mineurs, le fait de demander à un candidat à l'adhésion à une telle organisation ses motivations et le fait de s'entretenir avec lui pour déterminer s'il adhère véritablement au projet et aux ambitions du collectif, ne semblent pas "à l'évidence" des plus incongrus. Quant au risque de cooptation, s'il n'est pas plus élevé que dans toute organisation professionnelle créée au sein des Ordres ou dans tous les cabinets d'avocats eux-mêmes, rappelons que c'est le conseil de l'Ordre qui avait le dernier mot ; et qu'il lui appartenait, dès lors, de rappeler à l'ordre le collectif en cause, si les candidats soumis à son approbation ne correspondaient pas aux ambitions d'une telle organisation dans l'intérêt de la défense pénale des mineurs.
La cour constate, ensuite, qu'en raison des règles adoptées quant à l'attribution de l'aide juridictionnelle à la suite d'un accord entre le barreau et le tribunal, les parents d'un mineur délinquant se voyaient proposer une alternative qui restreignait "à l'évidence" -encore une fois- leur possibilité de libre choix. Ainsi, ils pouvaient faire appel (ou il leur était proposé de faire appel) à un avocat du "Collectif Mineurs" et bénéficier, quelles que soient leurs ressources, de l'aide juridictionnelle et ne pas avoir à rémunérer le conseil qui défendrait leur enfant. Pour les juges bisontins, les justiciables pouvaient certes faire confiance à l'avocat de leur choix ; mais, dans une telle hypothèse, ils étaient soumis aux règles habituelles d'attribution de l'aide juridictionnelle, en particulier quant à la justification de leurs ressources. Aussi, il ne pouvait pas être sérieusement contesté que cette situation créait une limite forte au libre choix du défendeur pour les parents dont un enfant est concerné en tant qu'auteur dans une procédure pénale. Or, la liberté de choix du conseil est un principe essentiel de la profession et la convention incriminée y porte dès lors atteinte, selon les juges.
A la lecture de l'arrêt, nos yeux s'écarquillent "à l'évidence" -nous aussi-, puisque c'est finalement le principe même du collectif qui serait remis en cause, autant que son organisation. D'abord, évoquer la liberté de choix du conseil en pareille circonstance est des plus singuliers, la jurisprudence se référant à ce principe, le plus souvent, en faveur du client qui souhaite changer de conseil en cours d'instance (cf. Cass. civ. 2, 28 avril 2011, n° 10-17.405, FS-D N° Lexbase : A5412HP7). Ensuite, si c'est bien une "organisation favorisant la défense personnalisée des mineurs" et "la désignation du même avocat pour le même mineur dans toutes les procédures pénales" qui sont promues par la convention du 8 juillet 2011, on s'étonnera que le juge brandisse, en la matière, l'oripeaux de la liberté de choix du conseil. Une organisation ente le barreau et le tribunal ne nécessite-t-elle pas un encadrement et un fonctionnement que seule une structure déterminée (association, collectif ou autre) est à même d'assurer ? C'est bien "l'éparpillement" de l'offre de conseil au mépris des intérêts des mineurs justiciables que l'accord du 8 juillet 2011 condamne. L'arrêt de la cour d'appel de Besançon semble donc aller à contre-courant des ambitions de la Chancellerie et du barreau en cause. Nous disons "semble", car en fait c'est l'attribution automatique de l'aide juridictionnelle et la gratuité des services de l'avocat du collectif qui sont, ici, remis en cause.
En effet, pour les juges bisontins, toute l'organisation de la profession d'avocat doit mettre en oeuvre le principe de l'égalité de tous les membres d'un même barreau. Le principe est acquis, il a souvent été invoqué en matière de fixation des cotisations ordinales (cf. Cass. civ. 1, 14 novembre 2001, n° 99-12.735, inédit N° Lexbase : A0935AXW). Mais, l'attribution automatique de l'aide juridictionnelle, en dehors des cas limitativement fixés par la loi aux seuls membres du "Collectif Mineurs" créait, "à l'évidence" -décidément-, une disparité entre les membres du barreau, alors qu'ils supportaient les mêmes charges et contraintes. Dès lors, le principe énoncé était bafoué par les pratiques en vigueur, même s'il résultait d'un accord entre le barreau et la juridiction. C'est oublier, peut-être, que l'égalité ne prévaut que pour autant que les situations soient elles-mêmes équivalentes. Or, faire partie du "Collectif Mineurs", au-delà de pouvoir assurer la défense des jeunes justiciables devant les juridictions pénales, oblige certainement ses adhérents à une certaine disponibilité, à une formation régulière, à un investissement extraprofessionnel, voire personnel, qui n'est pas égalitairement partagé dans la profession. La rationalisation de l'organisation de la défense pénale des mineurs par le truchement d'une association conventionnée souffrait, sans doute, que l'aide juridique, bras armé de l'Etat pour sa politique d'accès à la Justice, serve d'abord et avant tout, les ambitions que le ministère fixe ; quitte à faire une entorse à "la libre concurrence entre avocats", principe jamais invoqué à notre connaissance, dans le cadre de l'exercice de la profession d'avocat, sauf à évoquer la libre concurrence entre les avocats et d'autres professions dans l'exercice du droit.
Enfin, "encore plus fondamentalement", tout avocat doit pouvoir dans l'exercice de sa mission de défense des intérêts de son client disposer de tous les moyens que lui donne la loi. Or, la convention créant ou renouvelant le "Collectif Mineurs" imposait à tout avocat intervenant en son nom de ne pas solliciter la délivrance de la copie du dossier pénal, sauf cas exceptionnels. Il s'agit là, pour le juge, d'une restriction inadmissible à l'effectivité et à l'efficacité des droits de la défense. Le choix d'une telle obligation pourrait-elle avoir un lien avec son caractère payant, au-delà du premier exemplaire délivré (C. proc. pénal, art. R. 165 N° Lexbase : L0076H39) ?
Par conséquent, les conditions de fonctionnement du "Collectif Mineurs" devaient être réformées pour prendre en compte tant les préconisations de la convention du 8 juillet 2011 (sic), ne serait ce que sur la formation devant être délivrée aux avocats volontaires pour participer à de telles structures -prescriptions auxquelles le collectif ne satisfaisait pas a priori-, que les observations de l'arrêt rapporté, sauf à envisager qu'une nouvelle convention soit établie et soumise à la signature des chefs de la juridiction.
Finalement, l'arrêt est bien plus parcimonieux qu'il ne le laisse transparaître. Ce n'est ni l'institution d'un tel collectif, ni l'instauration d'une telle convention d'organisation de la justice pénale des mineurs que les juges bisontins remettent en cause. C'est assurément le fait de confier l'organisation fonctionnelle de l'association à ses représentants selon des critères d'adhésion contestables ; une telle association devant limiter ses ambitions à la coordination des actions de défense des mineurs, plus qu'à l'organisation de l'offre de conseil, la liberté de choix du conseil devant prévaloir avant tout. Or, pour ce faire, l'égalité d'accès à la Justice, par l'intermédiaire ou non du collectif, doit être effective. C'est le monopole de représentation par les avocats des justiciables devant les tribunaux qui est, ici, réaffirmé : ce monopole est acquis à la profession d'avocat et à tous les avocats de la profession.
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N4867BTG
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par Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, membre du CRDP de Tours (EA 2116), et Madeleine Sanchez, Docteur en droit, Auditrice de justice
Le 12 Janvier 2013
L'article 427 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3263DGX) pose le principe de la liberté de la preuve ajoutant, dans son alinéa 2, que "le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui". La Chambre criminelle de la Cour de cassation applique, de façon constante (1) et quelle que soit la nature de l'affaire (2), cette disposition à la lettre. Elle doit régulièrement s'intéresser à la portée du second alinéa et répondre aux questions suivantes : jusqu'à quand peut-on produire la preuve et quelle preuve peut-on produire ?
En l'espèce, un homme condamné par la cour d'assises de la Dordogne le 10 novembre 2011 pour viol aggravé et viol, à dix ans de réclusion criminelle et cinq ans de suivi socio-judiciaire, a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de condamnation. Il arguait principalement du fait que, lors des débats, à l'issue de l'audition d'un enquêteur de personnalité, le ministère public avait fait état d'un réquisitoire, en date du 11 avril 2011, tendant à sa mise en accusation dans une procédure distincte concernant encore des faits de viol. L'auteur du pourvoi estimait ce procédé contraire, notamment, à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) protégeant le droit à un procès équitable, et à l'article 310 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3706AZB), qui réserve au président de la cour d'assises un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut "en son honneur et en sa conscience, prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité". Selon l'auteur du pourvoi, de telles dispositions interdisaient au ministère public de produire le réquisitoire définitif litigieux lors des débats.
Le 3 octobre 2012, la Chambre criminelle de la Cour de cassation lui a répondu que "le ministère public a le droit de produire tous documents qui lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité, sauf le droit, pour les autres parties, d'examiner les pièces produites et de formuler toutes observations à leur sujet". Se fondant sur cette règle, elle a rejeté le pourvoi.
La solution n'est pas nouvelle et elle a conduit à la censure de décisions par lesquelles les juridictions du fond rejetaient un élément de preuve produit à l'audience par une partie au seul motif qu'il n'avait pas été communiqué préalablement aux débats aux autres parties (3). Elle s'applique à la production de preuve quelle que soit la partie qui en est à l'origine. En l'espèce, l'auteur de la production tardive était le ministère public. Dans d'autres procédures, il s'agissait des prévenus, qui bénéficient de la même solution que celle dégagée en l'espèce (4).
Il s'en déduit qu'il n'est pas nécessaire pour les parties de se faire connaître avant l'audience les moyens de preuves sur lesquels elles entendent s'appuyer. La Cour de cassation répond donc aux deux questions posées en préalable de la façon suivante : la preuve peut être produite jusqu'aux débats et, même, jusqu'au prononcé de la décision (5), et ce quel que soit l'élément de preuve en cause, même s'il s'agit, comme en l'espèce, d'une pièce tirée d'une autre procédure.
Ce faisant, la décision du 3 octobre 2012 illustre l'importance de l'oralité dans le procès pénal, particulièrement devant la cour d'assises, l'oralité se conjuguant ici avec le principe de liberté de la preuve. Ce qui peut alors être désigné sous l'expression d'exigence d'immédiateté de la preuve, tirée de l'article 427 du Code de procédure pénale, gouverne l'audience pénale. Cette exigence ressort de l'emploi des expressions "preuves [...] apportées au cours des débats" et "contradictoirement discutées devant [le juge]" à l'alinéa 2 de l'article 427 du Code de procédure pénale. Une telle insistance sur la discussion et le débat met en évidence l'importance de l'oralité. Celle-ci fait partie du triptyque traditionnel caractérisant le système accusatoire, -oralité, publicité et contradictoire-, qui régit la phase d'audience. Le dossier pénal, mémoire des investigations, est un outil précieux destiné aux juges et aux parties afin de préparer l'audience de jugement. A l'audience, l'oralité contrebalance le caractère écrit de la procédure suivie antérieurement et, ce qui semblait figé par les procès-verbaux, s'anime. Dès lors, et grâce au système de l'intime conviction qui pousse jusqu'au bout le principe de liberté de la preuve, rien n'est considéré comme acquis, ni le résultat des investigations préalablement réalisées (6), ni leur portée.
La seule limite à la solution dégagée par l'alinéa 2 de l'article 427 du Code de procédure pénale, comme par l'espèce tranchée le 3 octobre 2012 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, est celle du respect de la contradiction, dont le juge est le garant (7). En l'espèce, la Cour de cassation a ainsi vérifié que le réquisitoire définitif litigieux avait été, préalablement à sa production, communiqué aux parties ; aucune d'entre elles n'ayant formulé d'objection, la pièce avait été versée aux débats. La prégnance du principe du contradictoire, dont le respect suffit, selon la Chambre criminelle à purger les procédures de leurs vices (8), est patente. Elle l'est d'autant plus que la Cour de cassation va très loin, la Chambre criminelle ayant déjà pu admettre qu'une note en délibéré produite par la partie civile et soumise aux autres parties, qui avaient eu la possibilité d'y répondre, était susceptible de fonder sa décision (9). Ce faisant, le principe du contradictoire ne se voit-il pas conférer un rôle excessif ?
Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice
II - Les nullités de la garde à vue
Dans la continuité des arrêts ayant déclaré l'impossibilité de la garde à vue du ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne lorsque celle-ci est fondée sur le seul motif de son séjour irrégulier (10), la première chambre civile de la Cour de cassation a été une nouvelle fois amenée à se prononcer sur la régularité d'une telle garde à vue.
Les faits étaient les suivants : un ressortissant de nationalité indienne en situation irrégulière en France fait l'objet d'une garde à vue pour séjour irrégulier. Lors de la notification de ses droits, il demande à être examiné par un médecin. Toutefois, avant que celui-ci n'arrive, le gardé à vue est victime d'un malaise. Il est alors conduit à la clinique afin de faire l'objet d'un examen médical, à la suite duquel il est finalement déclaré apte à subir la mesure répressive. A la garde à vue, succède bientôt un placement en rétention administrative consécutif à un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet, avant que le juge des libertés et de la détention mette fin à ces privations de liberté successives en refusant de prolonger la rétention.
C'est qu'en effet, pour le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d'appel, qui confirme sa décision, la garde à vue était nulle, comme tout ce qui l'avait suivie, par subséquence : un délai de trois heures aurait dû être respecté pour faire intervenir le médecin auquel le mis en cause avait droit (11). Or, son malaise s'est produit plus de trois heures après qu'il a demandé à voir un médecin, alors que ni le médecin contacté, ni un remplaçant, ne se sont finalement déplacés dans ce délai. En conséquence, le gardé à vue a, du point de vue des juges du fond, subi une atteinte à l'exercice de ses droits.
L'affaire aurait pu être entendue rapidement, puisqu'il aurait sans doute suffi, à n'importe quel stade, de relever d'office l'inconventionnalité de la garde à vue au droit de l'Union européenne.
La première chambre civile de la Cour de cassation préfère cependant répondre à la question qui lui est posée, après avis pris de la Chambre criminelle : le simple fait de ne pas avoir respecté le délai susvisé emporte-t-il nullité de la garde à vue ? Par suite, aurait-il fallu saisir un autre médecin en raison de la défaillance du premier ?
Dans la droite ligne de sa jurisprudence (12), celle-ci conseille à celle-là, -qui suit ce conseil-, d'encourager au recours d'un nouveau médecin à la suite de la carence du premier, "l'absence de [...] cette diligence par l'officier de police judiciaire ne [pouvant] être admise, s'agissant d'une mesure dont l'objectif essentiel était de vérifier la compatibilité de l'état de la personne gardée à vue avec la mesure". Pour autant, en vertu des articles 171 (N° Lexbase : L3540AZ7) et 802 (N° Lexbase : L4265AZY) du Code de procédure pénale, une telle carence n'aurait pu conduire à l'annulation de la mesure qu'à la condition qu'elle ait porté atteinte aux intérêts du mis en cause, ce qu'il aurait donc fallu démontrer et ne l'a pas été en l'espèce.
Autrement dit, la nullité dont il était question n'est ni d'ordre public, ni à grief présumé, seule la démonstration d'un préjudice causé au mis en cause par la méconnaissance de la formalité en question autorisant l'annulation.
En l'occurrence, le préjudice subi par le mis en cause a en réalité été plus grave que cela, puisque sa garde à vue n'a finalement constitué qu'une sorte de pré-rétention administrative. Mais c'est une autre histoire !
Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, CRDP Tours (EA 2116)
III - La présomption d'innocence
En l'espèce, une vente de sept batteries pour automobiles a eu lieu entre deux sociétés, à la suite de quoi l'acquéreur a dénoncé le vendeur à la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, laquelle a ultérieurement saisi le procureur de la République. L'acquéreur soupçonnait en effet son vendeur de lui avoir cédé de la marchandise contrefaite.
Parallèlement, le vendeur est condamné au civil à procéder à l'enlèvement des sept batteries automobiles contrefaites et, en contrepartie, à la remise à l'acquéreur de sept nouvelles batteries authentiques. Pour fonder sa décision, la juridiction civile utilisait exclusivement l'enquête diligentée par les services de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Le vendeur condamné a alors formé un pourvoi en cassation, percevant dans ce raisonnement une atteinte portée à sa présomption d'innocence. A cet égard, il faut préciser que l'issue du procès pénal n'était pas encore connue lorsque la juridiction civile s'est prononcée.
La réponse de la première chambre civile de la Cour de cassation est intéressante.
Dans un premier temps, celle-ci explique que la juridiction civile n'avait pas à surseoir à statuer en attendant que la juridiction pénale ait éprouvé l'innocence de la société en l'occurrence mise en cause à la fois au civil et au pénal. La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 (N° Lexbase : L5930HU8) a effectivement réduit la portée de la règle "le criminel tient le civil en l'état" à peau de chagrin, le sursis à statuer ne s'imposant désormais, selon le nouvel article 4, alinéa 3, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9885IQ8), qu'en matière d'action purement réparatrice (13).
Or, en l'espèce, il était question d'une action à fin civile, bref d'une action de nature civile dont la finalité n'était pas principalement réparatrice, pour laquelle le sursis à statuer n'est qu'une option au profit du juge civil. Ce dernier a alors préféré poursuivre la voie civile sans attendre de connaître l'issue de la voie pénale.
Dans un second temps, la Cour de cassation explique que les interactions entre procès civil et procès pénal ne conduisent pas ipso facto à ce qu'il soit porté atteinte à la présomption d'innocence d'une personne mise en cause, si la juridiction civile se prononce en premier.
Encore faut-il bien comprendre ce que cette affirmation suppose : admettre que la juridiction civile puisse se prononcer en premier implique nécessairement que ce qui se déroule parallèlement dans le procès pénal n'a pas à s'imposer au juge civil. A défaut de quoi, il n'y aurait strictement aucun sens à donner à ce dernier la primeur de dire un droit qu'il n'aurait pas, seul, déterminé.
Pour autant, ce raisonnement devrait-il conduire à ce que le juge civil ne puisse utiliser le dossier pénal ? En un sens, cette utilisation ne constituerait-elle pas un aveu de la nécessité d'attendre que le procès pénal ait été mené jusqu'à son terme ?
Quoi qu'il en soit exactement, l'article 9-1 du Code civil (N° Lexbase : L3305ABZ) pose que, chacun ayant droit au respect de la présomption d'innocence, "lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte". A peu de chose près, l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales pose la même règle.
La règle s'appliquant en l'occurrence, le mis en cause ayant bien fait l'objet d'une enquête -que la Cour européenne qualifierait d'"accusation"-, il reste à savoir s'il a été présenté comme étant coupable des faits en question. Or, la juridiction civile n'a pas le pouvoir de se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence d'une personne, ce dont on peut déduire, semble-t-il, que sa décision, quelle qu'elle soit, ne peut être de nature à constituer l'affirmation d'une telle culpabilité.
Il n'y a donc pas eu d'atteinte à la présomption d'innocence en l'espèce.
Passées ces objections, soulignons pour finir que tout ce qui vient d'être dit ne vaut bien sûr que si aucune décision pénale juridictionnelle irrévocable n'a été rendue avant que la juridiction civile se prononce. C'est le cas ici, où seules une plainte et une saisine consécutive du procureur de la République sont en cause. Dans le cas inverse, il y aurait autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, et il ne pourrait plus y avoir atteinte à la présomption d'innocence puisque, outre le fait que l'on serait alors sorti du procès pénal, le juge civil aurait précisément pour obligation -positive- de considérer comme acquis ce qu'a dit le juge pénal.
Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, CRDP Tours (EA 2116)
IV - L'opportunité des poursuites
Les procédures accélérées, qu'elles constituent des alternatives aux poursuites ou au jugement, posent de façon récurrente le problème de leur articulation avec la procédure de droit commun. On se souvient, par exemple, de la légalisation contestable du chantage à l'article 390-1 (N° Lexbase : L9602IAU) : en vertu de l'article 495-15-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2045IEH), le procureur de la République peut, en effet, procéder, simultanément, à la mise en oeuvre de la procédure de comparution préalable de culpabilité et à une convocation en justice sur le fondement de l'article 390-1. Autrement dit, si la première échoue, la seconde, dont les conséquences peuvent être plus graves, vient en renfort, ce qui incite -c'est le but- le futur prévenu à accepter la procédure rapide (14).
En l'espèce, c'est la comparution immédiate qui était en cause, deux personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel en vertu de cette procédure ayant, par la suite, fait l'objet d'une convocation à une audience ultérieure. Cela revenait finalement à réorienter le dossier sur la voie de droit commun, ce qu'autorise tout à fait l'article 397-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0903DY4).
Le problème résidait alors dans la volonté de la juridiction initialement saisie. Celle-ci avait, en vertu de l'article 397-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3722IGX), renvoyé le dossier au procureur de la République afin qu'il soit procédé à des investigations supplémentaires, entendant de la sorte que ce dernier saisisse le juge d'instruction. Or, tel n'a pas été le choix effectué par le ministère public, qui a préféré convoquer les prévenus par procès-verbal à une audience ultérieure du tribunal correctionnel, dans le but de les faire juger à raison des mêmes faits.
A la demande des prévenus, le tribunal correctionnel a, en conséquence, constaté l'irrégularité de sa saisine, ce que la cour d'appel a confirmé, percevant dans l'attitude du ministère public une violation de la raison d'être de la loi, ainsi qu'une atteinte portée à l'autorité de la chose jugée.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel, considérant que, "si c'est à tort que la cour d'appel a estimé que le renvoi du dossier au procureur de la République [...] obligeait celui-ci à procéder à des investigations supplémentaires quelle qu'en soit la forme et que ce magistrat avait méconnu l'autorité de la chose jugée en convoquant, sans avoir fait procéder aux investigations voulues par la juridiction correctionnelle, les mêmes prévenus, pour les mêmes faits, pour une audience ultérieure, l'arrêt n'encourt cependant pas la censure", car "il se déduit de l'article 397-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale que, lorsque le tribunal renvoie le dossier au procureur de la République en raison de la complexité de l'affaire et des investigations supplémentaires approfondies qu'elle implique, ce magistrat requiert l'ouverture d'une information judiciaire".
Deux commentaires doivent être formulés sur cette solution, de laquelle il ressort que, dans une telle situation, ce n'est donc pas le tribunal qui engage le ministère public à saisir le juge d'instruction, mais le législateur.
D'une part, cette solution renseigne sur la nature et sur la portée de l'acte de renvoi du dossier au procureur de la République. Il s'agit bien, semble-t-il, d'un acte juridictionnel, puisque celui-ci conduit au dessaisissement du juge (15). Mais il est alors difficile de déterminer la mesure de son autorité corrélative. Le Conseil constitutionnel semble pourtant l'avoir fait, dans une décision du 3 septembre 1986 (16). Selon lui, en effet, la décision de renvoi implique -exclusivement- un abandon de la procédure de comparution immédiate. Au final, le ministère public devrait donc recouvrer toute son opportunité relativement à l'action publique dont il est titulaire. Bref, il devrait pouvoir saisir le juge d'instruction, ou ne pas le saisir, si tel apparaît pour lui le choix le plus opportun.
Pour la Cour de cassation, ce serait cependant sans compter avec l'esprit de la disposition contenue par l'alinéa 2 de l'article 397-2.
D'autre part, il est effectivement vrai cette disposition paraît impliquer le caractère inéluctable de l'ouverture d'une information : le tribunal peut, "s'il estime que la complexité de l'affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies, renvoyer le dossier au procureur de la République". Or, outre que la complexité est, avec la gravité, l'un des critères qui justifient habituellement la saisine d'un juge d'instruction, le caractère approfondi des investigations ne semble pouvoir ressortir qu'à son intervention. Au surplus, l'alinéa 3 de l'article 397-2 n'a pour but que d'organiser l'attente de la comparution du prévenu devant le juge d'instruction.
Toutefois, si tel est vraiment l'esprit de ces dispositions, on ne comprend pas bien l'utilité du premier alinéa de l'article 397-2 du Code de procédure pénale, qui permet au tribunal, "à la demande des parties ou d'office, [de] commettre par jugement l'un de ses membres ou l'un des juges d'instruction de la juridiction désigné dans les conditions de l'article 83, alinéa premier, pour procéder à un supplément d'information"...
Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, CRDP Tours (EA 2116)
V - L'égalité dans les droits des parties
Le 23 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a censuré une partie de l'alinéa 1er de l'article 161-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5214IUN) à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise le 11 septembre 2012 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. La disposition concernée était rédigée de la façon suivante : "Copie de la décision ordonnant une expertise est adressée sans délai au procureur de la République et aux avocats des parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour demander au juge d'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81, de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix figurant sur une des listes mentionnées à l'article 157".
En l'espèce, c'est la formule "aux avocats des parties" qui était critiquée par la requérante. En effet, la réserve prévue par l'article excluait du bénéfice de la communication de l'ordonnance concernée du juge d'instruction une partie se défendant sans l'assistance d'un avocat. La requérante estimait qu'une telle exclusion portait atteinte aux droits de la défense, au principe du contradictoire et au principe d'égalité des citoyens devant la loi.
C'est la deuxième fois que le Conseil est amené à répondre à cette question, une formule identique apparaissant dans divers articles du Code de procédure pénale. Ainsi, par une décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 (17), le Conseil constitutionnel a déjà déclaré contraire à la Constitution les mots "avocats des" dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du même code (N° Lexbase : L3780IG4), dès lors qu'il réservait aux avocats des parties la notification du réquisitoire définitif du procureur de la République à l'issue de l'instruction, excluant là encore les parties se défendant seules (18).
C'est sur le terrain des droits de la défense que la même censure peut être envisagée sous l'angle européen, l'article 6-3, c) de la Convention des droits de l'homme prévoyant expressément le droit de se défendre seul. Après avoir relevé que la notification de l'ordonnance de commission d'expert permet à ses destinataires d'être "à même, dans le délai imparti, de demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre un expert de leur choix", le Conseil constitutionnel utilise le même principe, ainsi que ceux du contradictoire et de l'égalité des citoyens devant la loi, pour parvenir au même résultat. Il constate "qu'en l'absence d'une telle notification, les parties non assistées par un avocat ne peuvent exercer ce droit" et que "la différence de traitement ainsi instituée entre les parties selon qu'elles sont représentées ou non par un avocat ne trouve pas de justification dans la protection du respect de la vie privée, la sauvegarde de l'ordre public ou l'objectif de recherche des auteurs d'infraction, auxquels concourt le secret de l'instruction". Avant de censurer l'exclusion critiquée, le Conseil constitutionnel précise que la rédaction de l'article 167 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8642HWY), qui dispose que "le juge d'instruction donne connaissance des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après les avoir convoqués" et ne procède donc à aucune exclusion des parties non représentées, ne suffit pas à compenser l'inégalité relevée préalablement. Il conclut que les termes "avocats des" doivent être déclarés contraires à la Constitution, avec effet immédiat.
En annotant la décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 (19), nous relevions que d'autres dispositions du Code de procédure pénale étaient susceptibles de suivre le même sort, prenant pour exemple l'article 114 (N° Lexbase : L8632HWM) qui réserve l'accès au dossier pénal avant tout interrogatoire par le juge d'instruction aux seuls avocats des parties (20).
Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice
(1) Voir par exemple Cass. crim., 13 janvier 1970, n° 68-93.408 (N° Lexbase : A2461CHM), Bull. crim., n° 21.
(2) L'article 427 du Code de procédure pénale, prévu pour la matière correctionnelle et, par renvoi de l'article 536 (N° Lexbase : L8075G79), en matière contraventionnelle, n'a aucun équivalent devant la cour d'assises, ce qui n'a jamais empêché la jurisprudence de l'appliquer aux procédures criminelles.
(3) Voir, par exemple, Cass. crim., 19 juin 1991, n° 90-86.630 (N° Lexbase : A3539AC3), Bull. crim., n° 267 ; Cass. crim., 10 novembre 2004, n° 03-87.628, F-P+F (N° Lexbase : A1376DEP), Bull. crim., n° 285.
(4) Voir notamment Cass. crim., 19 juin 1991 et 10 novembre 2004, préc..
(5) Voir infra la décision relative à la production d'une note en délibéré ayant pu servir à forger la conviction de la juridiction de jugement.
(6) Sous réserve de la force probante renforcée de certains procès-verbaux.
(7) La Chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l'occasion de décider que "le juge ne peut refuser d'examiner les preuves qui lui sont apportées lors des débats, au motif qu'elles n'auraient pas été préalablement communiquées à la partie adverse" (Cass. crim., 12 janvier 2005, n° 04-81.982, F-P+F N° Lexbase : A6425DG3 Bull. crim., n° 17), et lui rappelle dans le même arrêt qu'il lui appartient "d'assurer le débat contradictoire en ordonnant la communication des documents susvisés [à la partie adverse]".
(8) Le visa de l'article 427 et l'attendu de principe selon lequel "aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale [...] ; il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à la discussion contradictoire" est régulièrement rappelé par la Chambre criminelle lorsqu'elle accepte une preuve obtenue déloyalement, voire illégalement par une partie privée. Voir, par exemple, Cass. crim., 15 juin 1993, n° 92-82.509 (N° Lexbase : A4067ACM), Bull. crim., n° 210 ; Cass. crim., 6 avril 1994, 93-82.717 (N° Lexbase : A1967AA4), Bull. crim., n° 136 ; Cass. crim., 11 juin 2002, n° 01-85.559, F-P+F (N° Lexbase : A8856AYN), Bull. crim., n° 131, Cass. crim., 27 janvier 2010, n° 09-83.395, F-P+F (N° Lexbase : A0686ES9), Bull. crim., n° 16.
(9) Cass. crim., 6 novembre 1979, n° 78-94.345 (N° Lexbase : A3810CG9), Bull. crim., n° 307.
(10) Voir Chronique de procédure pénale - Octobre 2012, Lexbase Hebdo n° 500 du 4 octobre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N3703BTC).
(11) Délai imposé par l'ancien article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9742IPI), mais aussi par le nouvel article 63-3 (N° Lexbase : L9745IPM), postérieurement à la réforme du 14 avril 2011.
(12) Voir Cass. crim., 25 février 2003, n° 02-86.144, FS-P+F (N° Lexbase : A5279A7N), Bull. crim., n° 50 ; Cass. crim., 10 décembre 2008, n° 08-83.408 (N° Lexbase : A7713IYC).
(13) Voir A. Botton, Contribution à l'étude de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, Bibl. sc. crim., t. 9, LGDJ, nos 143 et s. et 362 et s. ; L. Miniato, La jurisprudence contre la loi ? Vers une interprétation encore audacieuse de l'article 4 du Code de procédure pénale, Petites affiches, 24 juillet 2008, n° 148, p. 7.
(14) Voir Chronique de procédure pénale - Février 2011, Lexbase Hebdo n° 427 du 9 février 2011 - édition privée (N° Lexbase : N3516BRN).
(15) Voir, en ce sens, CA Limoges, 8 avril 1998 : BICC, 1er octobre 1998, n° 1020.
(16) Cons. const., décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986 (N° Lexbase : A8141ACI) cons. n° 17.
(17) Cons. const., décision n° 2011-160 QPC, du 9 septembre 2011 (N° Lexbase : A5328HXM).
(18) Voir Chronique de procédure pénale - novembre 2011, Lexbase Hebdo n° 460 du 3 novembre 2011 - édition privée (N° Lexbase : N8505BSS).
(19) Cons. const., décision n° 2011-160 QPC, précité (N° Lexbase : A5328HXM).
(20) Dans le même sens, voir B. de Lamy : Les fonctions du principe d'égalité : lutte contre les discriminations et améliorations de la qualité de la législation pénal, Rev. sc. crim., 2012, p. 233.
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par Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université
Le 12 Janvier 2013
Il peut arriver que l'administration et un contribuable rencontrent quelques difficultés à communiquer, et à se comprendre, non seulement sur des questions fiscales, mais aussi tout simplement parce qu'ils ne pratiquent pas la même langue.
En l'espèce, un couple de contribuables a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle (ESFP) au titre des années 1997 et 1998. Des rectifications leur ont été notifiées dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire mais, pour des revenus d'origine indéterminée, la procédure de taxation d'office a été suivie.
Il est établi que l'époux détenait environ la moitié des parts d'une société et percevait, à ce titre, des dividendes. Après avoir dressé une balance de trésorerie, l'administration a constaté le caractère répété du solde débiteur de celle-ci. Les contribuables se sont montrés dans l'incapacité d'apporter aucune des justifications demandées. Le Conseil d'Etat retient qu'ils ne pouvaient ignorer que ces revenus étaient taxables en France avec l'ensemble de leurs revenus, y compris ceux d'origine étrangère. Tout ceci a été de nature à établir le manquement délibéré (qualifié naguère de mauvaise foi) et à justifier l'application de la majoration afférente.
La balance de trésorerie permet à l'administration de vérifier si le montant total des dépenses, pendant la période vérifiée, est égal à celui des ressources dont le contribuable a pu avoir la disposition au cours de la même période, et de mettre éventuellement en évidence un déséquilibre qui, s'il n'est pas expliqué, établit la preuve de l'existence de revenus non déclarés. Dans le cadre d'un ESFP, la balance de trésorerie des dirigeants, ou des principaux associés d'une société peut révéler un excédent de disponibilités de ces derniers et ainsi fournir des indications quant aux dissimulations éventuelles de recettes de la part de la société.
L'équilibre concernant la balance de trésorerie s'apprécie globalement, par année vérifiée, entre les disponibilités dégagées et celles qui sont engagées. En effet, le Conseil d'Etat refuse de comparer la chronologie des dépenses et celle des ressources (CE 7° et 8° s-s-r., 21 octobre 1985, n° 44371, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3026AMZ, RJF, 1985, 12, comm. 1494). En raison du principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu, un contribuable ne peut pas faire valoir qu'une balance établie sur une base biennale permettrait de constater une compensation entre excédents et insuffisances (CE 8° et 7° s-s-r., 3 février 1988, n° 60226, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6914APR, RJF, 1988, 5, comm. 553). Le juge doit s'assurer que le solde de la balance ne résulte pas de l'inclusion dans les disponibilités engagées d'éléments de patrimoine dont rien ne permet de présumer l'acquisition au cours de la période vérifiée (CE 8° et 9° s-s-r., 16 février 1994, n° 116460, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9705ARU, RJF, 1994, 4, comm. 374), ni d'une évaluation arbitraire des dépenses de train de vie (CE 8° et 9° s-s-r., 6 novembre 1991, n° 68866, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9718AQY, RJF, 1992, 1, comm. 4).
Le dispositif peut être complété par une balance espèces, qui permet au vérificateur de s'assurer que les espèces utilisées par le contribuable pendant la période vérifiée n'excédent pas celles dont il a pu disposer pendant la même période. L'établissement de la balance des espèces suit l'examen des comptes financiers ouverts au nom des membres du foyer fiscal. En s'attachant plus particulièrement aux débits bancaires, le vérificateur s'efforce de tirer des enseignements de nature à compléter son information sur l'importance des opérations en espèces réalisées par le contribuable.
Tout ceci est assez classique.
Plus originale est la solution retenue par les juges du Palais Royal quand ils affirment que le contribuable ne peut pas se prévaloir des stipulations de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) relatif au droit de tout accusé de demander l'assistance gratuite d'un interprète s'il ne comprend pas, ou ne parle pas, la langue employée à l'audience. Il est fait obligation à l'Etat, non seulement de garantir la valeur de la traduction, mais encore d'exonérer l'accusé des frais d'interprète en cas de condamnation. Le respect des droits de la défense constitue un des aspects essentiels du droit à un procès équitable.
Pour le Conseil d'Etat, l'absence d'interprète mis à la disposition du contribuable dans le cadre de la procédure de contrôle n'est pas contraire à la Convention précitée au motif que cette situation n'est pas de nature à porter une atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure ultérieurement engagée devant le juge.
Autrement dit, l'absence d'interprète pendant la procédure de contrôle n'emporte pas violation du droit au procès équitable.
Rappelons que les stipulations conventionnelles, notamment les articles 6 (procès équitable), 8 (respect de la vie privée) (N° Lexbase : L4798AQR) et 10 (liberté d'expression et d'information) (N° Lexbase : L4743AQQ) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ne font pas obstacle à la mise en oeuvre de l'examen de situation fiscale personnelle (CE 8° s-s., 15 décembre 1993, n° 84181, 143226 et 143228, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1693ANZ, RJF, 1994, 2, comm. 167).
Par conséquent, le pourvoi des contribuables ne pouvait qu'être rejeté.
L'examen de situation fiscale personnelle (ESFP) peut être le moyen de révéler une activité professionnelle occulte. Dans l'affaire qui nous occupe, cet examen, au titre des années 2001, 2002 et 2003, a permis à l'administration de découvrir une activité de vente de pièces détachées. Corrélativement, l'administration a engagé une vérification de comptabilité concernant cette activité au titre des années 1998 à 2003. A cette occasion, elle a constaté que le contribuable avait inscrit son activité au registre du commerce des sociétés le 22 janvier 2002, mais qu'antérieurement celle-ci était exercée de façon occulte.
L'article L. 169 du LPF (N° Lexbase : L5755IRL) caractérise l'activité occulte quand le contribuable exerce une activité alors qu'il n'a pas accompli les formalités auxquelles il était tenu lors de la création de son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, et s'il n'a pas rempli ses obligations fiscales déclaratives dans les délais légaux. Ces deux conditions doivent être cumulativement remplies.
Devant les hésitations de la jurisprudence quant à savoir s'il convenait ou non d'adresser un avis de vérification de comptabilité afin de contrôler une activité occulte, l'article 86 de la loi de finances pour 1998 (loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 N° Lexbase : L6930HU9) a fixé pour principe que l'administration est autorisée à tirer toutes les conséquences, à l'égard de tous les impôts et taxes, de l'exercice d'une activité occulte, sans avoir à engager une nouvelle procédure de vérification. L'administration n'a pas à envoyer un avis de vérification de comptabilité (CE 3° et 8° s-s-r., 5 novembre 2003, n° 241201, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0905DAR, RJF, 2004, 1, comm. 41).
La faculté dont dispose l'administration de tirer toutes les conséquences de la découverte de revenus provenant de l'exercice d'une activité occulte, directement et dans la proposition de rectification clôturant l'ESFP, est strictement limitée aux cas dans lesquels l'administration a effectivement découvert cette activité au cours de l'ESFP à l'occasion, par exemple, de l'examen des crédits portés sur les comptes bancaires.
Conformément aux dispositions de l'article L. 73 du LPF (N° Lexbase : L0715ITN), l'administration a évalué d'office, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les résultats de cette activité pour laquelle aucune comptabilité n'avait été tenue. Il appartient à l'administration qui souhaite procéder à l'évaluation d'office d'un revenu catégoriel professionnel, pour défaut de déclaration, d'établir que le contribuable exerce une activité professionnelle génératrice d'un revenu (CAA Nantes, 27 mai 1992, n° 92NT00496, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1762BHQ, RJF, 1992, 10, comm. 1411).
En mettant en oeuvre son droit de communication (LPF, art. L. 81 N° Lexbase : L8857IRH et suivants), il est un fait que l'administration peut, pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les éléments recueillis auprès des tiers. Ceux-ci permettent généralement de corroborer des constatations propres à l'entreprise.
En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé que l'administration est fondée à ne retenir que les éléments recueillis dans le cadre du droit de communication, dès lors que le contribuable ne fournit aucun élément propre à son entreprise, à ses activités ou à sa situation. Par conséquent, puisque le contribuable n'a pas tenu de comptabilité et qu'il n'a pas produit d'éléments relatifs aux conditions d'exploitation de son activité, l'administration peut se fonder, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité, sur des éléments obtenus auprès de deux de ses clients, dans le cadre de son droit de communication, sans avoir à corroborer ses informations avec les éléments propres à l'entreprise.
Rappelons qu'actuellement la découverte d'une activité occulte emporte les conséquences suivantes :
- l'allongement du délai de reprise de trois à dix ans (LPF, art. L. 176-3 N° Lexbase : L0705ITB et L. 174-2 N° Lexbase : L2782IG7) ;
- l'allongement d'un an de la durée de l'ESFP lorsque l'activité occulte est découverte lors de cette procédure (LPF, art. L. 12 N° Lexbase : L6793HWI) ;
- l'application de la procédure de taxation d'office (LPF, art. L. 68 N° Lexbase : L2895IGC) ou d'évaluation d'office (LPF, art. L. 73 N° Lexbase : L0715ITN), sans envoi préalable d'une mise en demeure, même si l'administration le préconise à ses agents dans l'hypothèse de poursuites pénales ultérieures ;
- l'exclusion du régime simplifié de TVA et en BIC (CGI, art. 302 septies A N° Lexbase : L4900IQK et 302 septies A bis N° Lexbase : L4899IQI) et du régime de la franchise en base de TVA lorsque l'activité occulte est soumise à cette dernière ;
- l'application d'une majoration de 80 % sur les droits rappelés mis à la charge du contribuable (CGI, art. 1728-1-c N° Lexbase : L1715HNT).
A l'impossible nul n'est tenu...
Dans cette affaire, un contribuable et son conjoint ont fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle (ESFP). A l'issue du contrôle, une proposition de rectification leur a été adressée, portant sur un avantage occulte dont aurait bénéficié l'époux, en raison de l'insuffisance de prix de la cession de parts d'une société.
La proposition de rectification a été envoyée, par pli recommandé avec accusé de réception, au domicile de l'époux, qui était la seule adresse connue de l'administration, puis acheminée par voie postale à l'adresse d'un hôtel installé à Mayotte, conformément à l'ordre de réexpédition donné par le contribuable. Le Conseil d'Etat a jugé qu'est régulière la notification faite à la seule adresse connue par l'administration (CE 9° et 8° s-s-r., 16 janvier 1983, n° 33831, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8380ALX, Droit fiscal, 1983, comm. 35907, concl. Schricke). De la même façon, est régulière la notification faite à l'adresse figurant sur la déclaration souscrite par le contribuable bien que, celui-ci ayant changé d'adresse sans en avertir l'administration, le pli ne lui soit pas parvenu (CE 9° et 8° s-s-r., 17 novembre 1986, n° 65920, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4577AMH, RJF, 1987, 1, comm. 44).
Aux termes de l'article L. 189 du LPF (N° Lexbase : L8757G8T), la prescription est interrompue par une proposition de rectification, mais aussi par des déclarations ou la notification de procès-verbaux, ainsi que par tous actes interruptifs de droit commun.
Concernant la distribution du courrier, la nomenclature postale comporte cinq motifs pour lesquels une correspondance doit être regardée comme un pli non distribuable : "boîte non identifiable", "boîte inaccessible", "non réclamé", "refusé", "anomalie d'adresse". Dans une instruction en date du 11 janvier 1990, l'administration rappelle les règles applicables en la matière et les principes jurisprudentiels dégagés par le Conseil d'Etat (Droit fiscal, 1990, 19, p. 8629) (voir le BoFip N° Lexbase : X6311ALC et N° Lexbase : X4232ALC).
Toutefois, la notification est régulière lorsque le préposé des services postaux n'a pu laisser un pli recommandé avec avis de réception au destinataire, l'établissement étant fermé et dépourvu de boîte à lettres (CE 9° et 7° s-s-r., 16 octobre 1989, n° 77528, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1458AQ3, RJF, 1989, 6, comm. 730).
Le contentieux en la matière étant relativement abondant, la jurisprudence est venue solutionner un certain nombre de situations qui ne sont pas toutes évidentes, sachant qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve que le pli postal, contenant la proposition de rectification, a été régulièrement présenté par les services postaux.
A noter que la proposition de rectification peut valablement être remise en mains propres au contribuable (CE, 23 décembre 1981, n° 16631 N° Lexbase : A4159AKA, RJF, 1982, 2, comm. 180), à un mandataire (CE 7° et 8° s-s-r., 23 novembre 1986, n° 51141, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4554AMM, RJF, 1987, 1, comm. 29), en cas de décès de celui-ci être adressé à l'un quelconque des ayants droit (CE 7° et 9° s-s-r., 26 juillet 1982, n° 20662, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9053AKI, RJF, 1982, 10, comm. 942), à l'exploitant désigné au registre du commerce, même s'il y a un mandataire général (CE 9° et 8° s-s-r., 25 octobre 1989, n° 67367, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1437AQB, RJF, 1989, 12, comm. 1414), ou encore à un seul des gérants d'une SARL en liquidation (CE 9° et 7° s-s-r., 16 octobre 1989, n° 77528, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1458AQ3, RJF, 1989, 12, comm. 1407).
Précisons également que la notification est régulière quand l'avis de réception est signé par l'épouse du contribuable (CE 9° et 8° s-s-r., 24 janvier 1986, n° 50779, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3995AMW, RJF, 1986, 3, comm. 306), quand le pli recommandé n'a pas été retiré auprès des services postaux (CE 9° et 8° s-s-r., 6 mars 1985, n° 29138, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2931AMI, RJF, 1985, 5, comm. 790), mais aussi si le pli a été reçu par le contribuable bien que portant une adresse erronée (CE 20 février 1985, n° 39700, RJF, 1985, 4, comm. 575).
Lorsque le contribuable n'a pas signalé au service d'assiette son changement d'adresse mais a averti, par lettre recommandée, le service chargé du recouvrement dont il dépendait de sa nouvelle adresse, celle-ci doit être regardée comme celle où le service d'assiette devait adresser les propositions de rectifications, dès lors qu'il pouvait en obtenir communication auprès du service du recouvrement (CAA Paris 27 mai 1993, n° 92PA00512, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0055AXC, RJF, 1993, 10, comm. 1379). L'indication donnée par le contribuable de sa dernière adresse est opposable à tous les services de la direction générale des finances publiques.
En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé que la prescription n'est pas interrompue par l'envoi d'une proposition de rectification à l'adresse du contribuable, dès lors que celui-ci a déménagé et fait suivre tout à fait normalement son courrier à une nouvelle adresse. C'est le fait que le contribuable ait réceptionné son pli après l'expiration du délai de prescription qui a emporté l'invalidité de la notification (proposition de rectification). Autrement dit, les juges du Palais Royal ont jugé suffisant le fait que le contribuable ait fait des diligences près des services postaux pour que le courrier lui soit adressé.
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Réf. : Cass. soc., 21 novembre 2012, n° 11-10.625, FS-P+B (N° Lexbase : A5026IXG)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 12 Janvier 2013
Résumé
En vertu de l'article L. 2323-6 du Code du travail (N° Lexbase : L2734H97), le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la mise en oeuvre de ces mesures résulte d'une décision unilatérale de l'employeur ou lui soit imposée par un accord collectif étendu. |
Observations
I - La source des mesures soumises au comité d'entreprise
La consultation et la décision de l'employeur. L'article L. 2323-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2720H9M) définit la mission générale d'information et de consultation du comité d'entreprise, en affirmant qu'il "a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail professionnelle et aux techniques de production". L'article L. 2323-2 du Code du travail (N° Lexbase : L2722H9P) précise, quant à lui, que "les décisions de l'employeur sont précédées de la consultation du comité d'entreprise [...]".
A la lecture de ces deux textes, on pouvait légitimement penser que les attributions consultatives du comité d'entreprise n'avaient vocation à jouer que lorsqu'étaient en cause des décisions unilatérales de l'employeur. On sait, toutefois que, dans un important arrêt rendu le 5 mai 1998, la Cour de cassation a donné une portée plus large aux attributions précitées, en décidant que "la décision du chef d'entreprise doit être précédée par la consultation du comité d'entreprise quand elle porte sur l'une des questions ou mesures visées par [la loi], sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la décision en cause est une décision unilatérale ou prend la forme de la négociation d'un accord collectif d'entreprise portant sur l'un des objets soumis légalement à l'avis du comité d'entreprise" (1). Cette solution procède, à l'évidence, d'une interprétation extensive des textes, étant simplement observé qu'il est difficile d'admettre qu'un accord collectif puisse être assimilé à une décision du chef d'entreprise. Il n'en reste pas moins compréhensible que le comité d'entreprise, qui aurait eu son mot à dire si une mesure s'était traduite par une décision unilatérale de l'employeur, ne soit pas dépossédé de ses attributions lorsque cette même mesure procède d'un accord collectif d'entreprise (2).
L'arrêt, rendu le 21 novembre 2012, conduit la Cour de cassation à franchir un pas supplémentaire puisque le respect des attributions consultatives du comité d'entreprise sont assurées en l'absence de toute décision de l'employeur ; ce qui ne manque pas de surprendre, au moins dans un premier temps.
L'affaire. Etait en cause, en l'espèce, l'unité économique et sociale (UES) reconnue entre les sociétés du groupe (sic !) M., par un accord signé en 2000, avec mise en place d'un comité central d'entreprise. Par un arrêté du 16 décembre 2008 ([LXB=??]), le ministre du Travail a étendu à l'ensemble des employeurs et salariés compris dans le champ d'application de la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires du 30 juin 2000 (N° Lexbase : X0636AEB) l'annexe du 31 mars 2008 relative à la classification des différents emplois de la profession. A la suite de la mise en oeuvre dans l'UES de la nouvelle classification, le comité central d'entreprise a saisi la juridiction des référés afin qu'il soit ordonné aux sociétés composant l'UES de procéder à la consultation du comité central d'entreprise.
Les sociétés composant l'UES reprochait à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le défaut de consultation du comité central d'entreprise sur la mise en oeuvre de la nouvelle classification constitue un trouble manifestement illicite et d'ordonner la transmission d'un certain nombre de pièces au comité sous astreinte. La partie demanderesse arguait notamment, à l'appui de son pourvoi, que l'obligation pour l'employeur d'informer et de consulter le comité d'entreprise en application des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 (N° Lexbase : L2796H9G) du Code du travail ne concerne que les décisions, projets ou manifestations de volonté de l'employeur. En ayant décidé que la mise en place de la nouvelle classification professionnelle, prévue par l'annexe du 31 mars 2008 à la Convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du ministre du Travail, obligatoire pour les entreprises rentrant dans son champ d'application, devait faire l'objet de l'information et de la consultation du comité d'entreprise et que leur absence caractérisait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes précités (3).
La Cour de cassation n'a pas retenu ces arguments, pourtant non dénués de pertinence pour décider "qu'en vertu de l'article L. 2323-6 du Code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la mise en oeuvre de ces mesures résulte d'une décision unilatérale de l'employeur ou lui soit imposée par un accord collectif étendu".
La consultation en l'absence de toute décision de l'employeur. La solution retenue peut être diversement appréciée. Il est possible de la trouver franchement critiquable, en ce sens qu'elle déconnecte complètement les attributions du comité d'entreprise de toute décision de l'employeur. A la différence de l'arrêt de principe de 1998, n'était pas en cause en l'espèce un accord d'entreprise, dont on peut à la limite admettre qu'il est une forme de décision de l'employeur, mais un accord de branche étendu. En d'autres termes, il ne pouvait être en l'occurrence question, ni de près, ni de loin, d'une quelconque "décision de l'employeur", dont il faut rappeler qu'il n'a d'autre choix que d'appliquer la norme conventionnelle en cause. Partant, la solution n'apparaît pas conforme aux articles L. 2323-1 et L. 2323-2 du Code du travail dont il a été fait état plus haut.
Il faut toutefois relever que la Cour de cassation n'évoque nullement ces textes, préférant fonder sa solution sur l'article L. 2323-6 du Code du travail. Or, cette dernière disposition ne vise à aucun moment une quelconque décision, et encore moins celle de l'employeur. Elle se contente de prévoir l'intervention du comité d'entreprise sur les questions intéressant la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur certaines mesures qu'elle énumère. A s'en tenir à ce texte, la solution semble alors pouvoir échapper à la critique.
Mais il faut précisément se demander si ce texte peut être lu seul, en laissant de côté ceux qui le précèdent et, notamment, les articles L. 2323-1 et L. 2323-2. Tandis que ces derniers précisent la source des mesures susceptibles d'être soumises au comité d'entreprise, l'article L. 2323-6 précise, quant à lui, l'objet de ces mesures. Il aurait, par suite, pu être retenu que les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle doivent être soumises au comité d'entreprise que dans la mesure elles procèdent d'une "décision de l'employeur", au sens où l'entend la Cour de cassation depuis 1998.
La Chambre sociale a souhaité faire prévaloir une application autonome de l'article L. 2323-6 du Code du travail. Il reste à savoir si la portée de cette solution pourra être maîtrisée. En effet, on ne voit pas pourquoi, ni d'ailleurs comment, elle devrait être limitée aux seuls accords collectifs étendus. Tout accord de branche, tout accord interprofessionnel pourrait être concerné. Mais il y a plus, la loi et le règlement peuvent-ils échapper à l'exigence posée par la Cour de cassation dans le présent arrêt ? On peut, là encore, en douter, dès lors qu'ils portent sur une question intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise.
Cette condition, qui concerne non plus la source de la mesure, mais son objet, doit désormais être examinée. Cela s'avère d'autant plus nécessaire qu'elle est, d'une part, au coeur de l'arrêt et qu'elle peut, d'autre part, éventuellement convaincre du bien-fondé de la solution énoncée par ailleurs.
II - L'objet des mesures soumises au comité d'entreprise
La compétence générale du comité d'entreprise. La consultation du comité d'entreprise n'est obligatoire que si la mesure que l'employeur envisage d'arrêter ou, désormais, celle qui lui est imposée par un accord collectif entre dans le domaine de ses attributions consultatives, tel qu'il a été fixé par le législateur.
Ce dernier a, à cet égard, procédé de deux manières. Tandis que certaines dispositions du Code du travail prévoient la consultation du comité d'entreprise dans des cas déterminés et relativement délimités (4), d'autres lui donnent une compétence générale. Il en va précisément ainsi de l'article L. 2323-6 dont il faut rappeler qu'il commence par prévoir l'information et la consultation du comité d'entreprise "sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise", pour ensuite donner quelques exemples des mesures devant être soumises au comité d'entreprise, introduits par l'adverbe "notamment" (5).
Si cette disposition a l'avantage de donner un large champ d'intervention au comité d'entreprise, elle présente, par là-même, l'inconvénient d'être pour le moins imprécise, le risque étant que l'employeur soit tenu de soumettre au comité toutes sortes de mesures, même les plus insignifiantes, paralysant la gestion de l'entreprise.
Soucieuse d'éviter cela, la Cour de cassation s'est, par le passé, efforcée de circonscrire quelque peu l'intervention du comité d'entreprise dans le domaine de l'organisation et de la marche générale de l'entreprise. Elle a notamment jugé à plusieurs reprises que, dans le domaine précité, le comité ne devait être consulté qu'au sujet des décisions revêtant une certaine importance (6) et ne revêtant pas un caractère ponctuel, temporaire ou individuel (7). La décision sous examen trouve certainement sa place dans cette jurisprudence.
L'application au cas d'espèce. A l'appui de leur pourvoi, les sociétés composant l'UES arguait également qu'en n'ayant pas caractérisé en quoi la mise en place d'une nouvelle classification professionnelle en application de l'annexe du 31 mars 2008 à la Convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, dont il était expressément constaté qu'elle ne pouvait avoir pour effet une diminution des appointements nets mensuels d'un salarié ni un déclassement, intéressait l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, constituait une mesure de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-6 du Code du travail.
Pas plus que l'argument relatif à la source de la mesure, celui relatif à son objet n'aura pas été entendu par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "ayant constaté que l'accord étendu du 30 mars 2008 avait pour objet l'évaluation et le positionnement des différents emplois de la profession selon des règles communes, la nouvelle classification devenant le support des appointements minimaux, qu'au sein du groupe M., le nombre des intitulés d'emplois avait été réduit des deux tiers tant pour le siège que pour les magasins et que le regroupement de certains emplois sous un même intitulé tel celui d'électricien hautement qualifié devenant agent de maintenance, était susceptible d'avoir une incidence sur les tâches exercées par les salariés, ce dont il se déduisait que les mesures en cause intéressaient la marche générale de l'entreprise et notamment étaient susceptibles d'affecter la structure des effectifs, la cour d'appel a pu décider, que le défaut de consultation du comité central d'entreprise constituait un trouble manifestement illicite".
Outre qu'il précise ce que recouvre la "structure des effectifs" visée par la loi, le motif énoncé par la Cour de cassation, dont on relèvera le caractère inhabituellement long et précis, révèle l'importance de la mesure qui était en cause en l'espèce, à savoir la nouvelle classification. On ne doutait, en effet, pas qu'un tel dispositif intéresse la "marche générale" de l'entreprise. Au-delà, son impact profond sur la situation des salariés peut convaincre de la nécessité qu'il y avait à soumettre cette mesure au comité d'entreprise, alors même qu'elle est imposée à l'employeur par un accord de branche étendu.
On peut, par suite, légitimement penser, qu'à l'avenir, les mesures comprises dans un accord de branche étendu et, peut-être, dans tout accord de branche, voire dans une loi et un règlement n'auront à être soumises au comité d'entreprise que si elles sont de nature à avoir des conséquences importantes sur la situation de l'ensemble des salariés de l'entreprise. C'est, pourrait-on dire, le minimum, dans la mesure où ces dispositions ne sont pas le fait de l'employeur.
(1) Cass. soc., 5 mai 1998, n° 96-13.498, publié (N° Lexbase : A2677AC7), Bull. civ. V, n° 219 ; Dr. soc., 1998, p. 579, rapp. J.-Y. Frouin ; D., 1998, jsp. p. 608, avec nos obs..
(2) On pourrait toutefois avancer que, ce qui compte avant tout, c'est que les intérêts des salariés soient pris en compte. Or, tel est évidemment le cas lors d'une négociation collective, même si c'est alors, et en règle générale, les syndicats qui assurent l'expression collective des salariés.
(3) Nous verrons, en seconde partie, que les sociétés composant l'UES soutenaient également que la mise en place d'une nouvelle classification professionnelle n'entrait pas dans les prévisions de ces textes et n'avait donc pas à être soumise au comité central d'entreprise.
(4) V. par ex., l'article L. 2323-12, alinéa 1er du Code du travail (N° Lexbase : L2751H9R), qui dispose que, "chaque année, le comité d'entreprise est consulté sur la politique de recherche et de développement de l'entreprise".
(5) L'article L. 2323-27 du Code du travail donne également une compétence générale au comité d'entreprise dans le domaine des conditions de travail.
(6) V. par ex., Cass. soc., 29 mars 1994, n° 93-80.962, inédit (N° Lexbase : A9293C4X), RJS, août-septembre, 1994, p. 594 ; Cass. crim., 3 mai 1994, n° 93-80.911, publié (N° Lexbase : A8741CEH), Bull. crim., n° 375.
(7) V. par ex., Cass. crim. 9 février 1988, n° 87-82.061, publié (N° Lexbase : A7216AAI), Bull. crim., n° 67 ; Cass. crim., 7 mars 2000, n° 99-83.398, inédit (N° Lexbase : A0265CPI), RJS, juillet-août, 2000, n° 821.
Décision
Cass. soc., 21 novembre 2012, n° 11-10.625, FS-P+B (N° Lexbase : A5026IXG) Rejet, CA Paris, 17 novembre 2012 (référé) Texte concerné : C. trav., art. L. 2323-6 (N° Lexbase : L2734H97) Mots-clés : consultation du comité d'entreprise ; accord collectif étendu Lien base : |
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Réf. : Cass. com., 23 octobre 2012, n° 11-23.376, F-P+B (N° Lexbase : A0595IWX)
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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Le 12 Janvier 2013
I - Le droit des sociétés, à l'appui du raisonnement civiliste sur la cause
La cause de l'obligation est classiquement analysée comme étant spécifique à chaque contrat ou à chaque type de contrat (A), soit qu'on puisse en établir la structure à raison de la typologie que nous en donne le Code civil, soit, à défaut, que l'examen de la convention puisse permettre de l'établir, puis d'en constater l'absence. L'évolution de la jurisprudence a toutefois permis d'élargir la recherche de l'absence de cause, au-delà, de l'obligation stricto sensu, dans ce qu'on a pu appeler la subjectivisation de la cause objective. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans cet arrêt, va user de façon détournée de cette faculté, tout en demeurant fidèle à la conception classique, objective, de l'absence de cause (B).
A - Absence de cause et analyse de la convention
Pothier enseignait que pour déterminer la cause, il convenait de se poser la question "cur debetur", à savoir : "pourquoi je m'engage". Les rédacteurs du Code civil se sont largement inspirés de cette doctrine en y introduisant l'idée de ce qu'on nomme communément la cause objective dans l'article 1131 (N° Lexbase : L1231AB9), qui dispose : "est sans effet, l'obligation sans cause ou sur fausse cause". Ainsi, à défaut de contrepartie pour le débiteur d'un engagement, le contrat encourt la nullité pour absence de cause de l'obligation (2). Cette contrepartie, née du concept de la condictio sine causa correspond, dans les contrats synallagmatiques, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (3), à l'obligation "devant être effectivement exécutée, de l'autre contractant". Elle répond, dans l'ensemble des contrats dont la typologie est établie aux articles 1102 (N° Lexbase : L1191ABQ) à 1107, à ce que la doctrine appelle parfois la cause catégorique, c'est-à-dire celle qui s'établit génériquement, par exemple, pour chaque contrat nommé du Code civil (ainsi, la cause de l'obligation de l'emprunteur réside dans la remise de fonds, etc.) (4) . Ainsi peut-on la définir, abstraitement, comme la justification de l'engagement souscrit, mais il s'agit d'une justification, trouvée dans l'obligation, c'est-à-dire dans une contrepartie, qu'on décèlera même dans le contrat de bienfaisance, niché dans l'intention libérale. Cette cause est parfois dite objective pour cette raison.
S'agissant de la convention conclue entre la SA et l'EURL, on ne pouvait que relever la structure synallagmatique du contrat dans l'accord emportant "[la] création et le développement de filiales à l'étranger, l'organisation et/ou la participation à des salons professionnels, la définition de stratégie de vente dans les différents pays visés et la recherche de nouveaux clients à l'étranger". On devait, donc, en déduire, pour reprendre la formule précitée, que la cause devait être, ici, recherchée dans l'obligation "devant être effectivement exécutée, de l'autre contractant". Toute la question se plaçait, par suite, devant l'appréciation souveraine des juges du fond, seuls susceptibles de constater l'existence d'éléments de fait pouvant démontrer que la convention était dépourvue de contrepartie pour la SA.
Sur ce point, l'arrêt est, pour le moins, peu explicite. En effet, ce n'est pas dans la convention en elle-même que le juge du fond relève l'absence de contrepartie, mais dans une construction logique qui s'appuie sur des considérations étrangères au contrat en lui-même, car elles relèvent du droit des sociétés. L'arrêt d'appel établit, selon les motifs rapportés, qu'"une telle convention constitue une délégation à la société unipersonnelle dont [l'ex-directeur général] est le gérant d'une partie des fonctions de décision, de stratégie et de représentation incombant normalement à ce dernier en sa qualité de directeur général de la [SA] et qu'elle fait double emploi, à titre onéreux pour cette société, avec lesdites fonctions sociales".
Le juge raisonne, de la sorte, en deux temps. Il qualifie, d'abord, le contrat, l'analysant comme une délégation de fonctions du directeur général à une autre société, ce constat permettant de faire apparaître la contrepartie attendue. Ensuite, c'est au constat que cette dernière faisait "double emploi" avec les fonctions de directeur général de la SA, "que les obligations stipulées à la charge de [la SA] étaient dépourvues de contrepartie réelle".
B - L'absence de contrepartie justifiée par des éléments extérieurs à la convention
On mesure, donc, à partir de la décomposition du raisonnement du juge du fond, que la solution n'aurait pas pu être établie sans passer par une qualification ou requalification (l'arrêt n'est pas suffisamment explicite à ce sujet) préalable du contrat passé entre la SA et la SARL. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement qui, semble-t-il, pourrait faire peser un risque sur ces conventions passées entre sociétés. Plus subtilement, au-delà de cette articulation rationnelle, il convient de s'interroger sur la logique qui anime le prononcé de la nullité pour absence de cause de l'obligation (5). S'inscrirait-il, dans le courant jurisprudentiel tendant à la subjectivisation de la cause (dite objective) ? En effet, dans la théorie "classique" de la cause objective, l'absence de contrepartie, par définition, peut se constater. En l'espèce, ainsi, en appliquant strictement la théorie classique de la cause, le juge, s'il s'était limité à une analyse purement "objective", n'aurait pu que constater la réalité ou l'absence des missions réalisées par l'EURL en application de la convention. En conséquence, il n'aurait pu que mener, en pratique, des investigations destinées à mesurer la matérialité des prestations de l'EURL. Même en retenant la qualification de convention emportant délégation de compétence, la recherche eut été pratiquement équivalente : il se serait agi de mesurer la réalité de ladite délégation.
Le juge du droit a, toutefois, élargi cette vision restrictive, notamment à travers deux illustrations jurisprudentielles célèbres : les arrêts "Point vidéo" (6) et "Chronopost" (7), en vertu desquels la recherche de la contrepartie a été opérée en dehors de l'obligation, ce champ étroit fixé par la vision traditionnelle du régime de l'absence de cause. Pour l'arrêt "Point vidéo", par exemple, le juge a pu le trouver dans la diffusion certaine des cassettes vidéos, mobile économique pour les parties qui entendaient les louer alors que la cause de l'obligation, dans cette affaire, si elle avait dû être analysée strictement, n'aurait pu être entendue que de la mise à disposition des cassettes aux diffuseurs. Dans l'arrêt "Chronopost", un raisonnement similaire a été tenu pour retenir que l'absence de cause pouvait être constatée dans le fait que le retard de livraison des plis "vidait de sa substance l'obligation essentielle de rapidité" alors qu'il aurait, toujours dans une vision classique, dû se contenter de rechercher si le pli avait été remis au destinataire. Ce mouvement de subjectivisation fait, ainsi, ressortir l'élargissement du champ de la recherche d'absence de cause de l'obligation, cette dernière pouvant s'entendre assez largement et analysée, en définitive, -dans un trait simplificateur- en fonction de l'économie du contrat (8).
L'arrêt de la Chambre commerciale pourrait-il s'inscrire dans cette évolution, désormais consacrée (9) et qui redonne vigueur à la notion de cause de l'obligation ? En recherchant, en effet, la contrepartie dans l'analyse des fonctions du directeur général de la SA et non dans la contrepartie substantielle, réalisée ou réalisable, le but immédiat qui anime les cocontractants, le juge du droit semble ouvrir la voie à une nouvelle application de la cause objective subjectivisée dans un domaine qui touche cette fois le droit des sociétés.
La rédaction adoptée, cependant, ne permet que d'entrevoir une telle issue, qui méritera, sans doute une confirmation plus franche, dans des arrêts à venir. En effet, si la recherche de la contrepartie a pris, en pratique, le détour d'une analyse des fonctions de directeur général, c'est, en définitive, pour établir que les missions confiées à l'EURL ne pouvaient être réalisées, puisqu'elles l'étaient déjà au titre du statut de directeur général de la SA. Ainsi le juge du droit confirme l'analyse de la cour d'appel de Chambéry qui avait estimé que la convention "faisait double emploi" avec les fonctions précitées. Elles ne pouvaient, de la sorte, être confiées à l'EURL et dès lors, la cause de l'obligation de la convention litigieuse n'avait pas de contrepartie. En ce sens, l'arrêt en revient par un habile détour, à une application classique de la cause de l'obligation, loin des approches subjectives initiées par les arrêts "Point vidéo" et "Chronopost" (10).
II - L'absence de cause, mécanisme supplétif de contrôle des conventions passées entre sociétés
C'est, en définitive, un mouvement naturel que celui que la Chambre commerciale vient d'illustrer en utilisant le droit commun pour résoudre les difficultés nées d'une situation ne pouvant être régie par le droit des sociétés. En effet, l'absence de cause prend ici une place particulière, suppléant artificiellement le régime applicable aux conventions dites réglementées (A). De là à imaginer un nouveau champ d'application pour les dispositions de l'article 1131 du Code civil (B), il n'y a qu'un pas que nous hésiterons à franchir si, comme nous le pensons, l'arrêt commenté s'avère impossible à généraliser à toutes les conventions comparables conclues entre sociétés, et plus particulièrement au sein de groupes.
A - La place de l'absence de cause dans les conventions entre sociétés
La convention annulée présentait, à l'évidence, une autre vulnérabilité que celle que le juge du droit vient de mettre en évidence. Indiscutablement placée sous le contrôle du régime applicable aux conflits d'intérêts, elle constituait, ce qu'il est convenu d'appeler, une convention réglementée, régie par les dispositions de l'article L. 225-38 du Code de commerce (N° Lexbase : L5909AIP). Ce dernier, en effet, établit, dans son alinéa 3, que "sont [...] soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général, l'un des directeurs généraux délégués ou l'un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise".
En l'espèce, la situation de l'ex-directeur général de la SA, qui était également gérant et associé unique de la SARL contractante, plaçait la convention conclue par les deux sociétés sous le régime de l'autorisation préalable du conseil d'administration de la SA. Les dérogations à ce contrôle ne pouvaient, par ailleurs, être invoquées, l'article L. 225-39 (N° Lexbase : L3100IQU) établissant qu'elles ne concernent que "les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales", critères qui ne pouvaient, manifestement, être ici appliqués.
Ce contrôle aurait-il été effectué avant la conclusion de la convention ? L'arrêt ne permet pas de le déterminer, mais autorisation, ou pas, on ne peut que relever le manque d'efficacité, dans certains cas, de ce contrôle car, même en cas d'absence de l'autorisation préalable, la convention peut être approuvée, in fine, par l'assemblée générale des actionnaires. Quant aux sanctions, l'article L. 225-42 du Code de commerce (N° Lexbase : L5913AIT) laisse toute latitude auxdits actionnaires pour engager des recours contre le dirigeant puisqu'il établit que "sans préjudice de la responsabilité de l'intéressé, les conventions visées à l'article L. 225-38 et conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société". En d'autres termes, l'assemblée générale, par son vote, peut écarter, au bénéfice du dirigeant, les conséquences dommageables de ses agissements, la sanction, facultative, demeurant entre ses mains.
La cause pourrait ainsi constituer une notion juridique précieuse, permettant de suppléer les faiblesses de ce régime, en ouvrant une investigation judiciaire dans ce que le législateur a conçu comme devant être un contrôle protecteur des associés et de la société, c'est-à-dire un mécanisme volontairement placé entre les mains des acteurs économiques. La question de cette extension de la cause et de son hypertrophie en droit des sociétés n'est pas mineure car il semble que l'arrêt commenté ouvre la possibilité, pour les magistrats, d'utiliser un mécanisme intrusif, emportant un régime de nullité plus sévère que celui que prévoit l'article L. 225-41 du Code de commerce (N° Lexbase : L5912AIS) (11). L'absence de cause, en conséquence, pourrait permettre de sanctionner des conventions dépourvues de contrepartie et matérialisant une situation de conflit d'intérêt, alors même que les organes de la société, par ignorance ou par laxisme, n'avaient ni contrôlé ni sanctionné la conclusion de convention favorisant le dirigeant. Concrètement, cependant, le pouvoir du juge, en la matière, risque d'être plus modéré que ce que l'arrêt commenté semblerait pouvoir suggérer. En effet, des décisions récentes, dont l'une rendue, d'ailleurs, en matière de cause dans l'engagement d'un société (12), confirment le caractère de nullité relative en matière d'absence de cause, ce qui prive le juge du pouvoir de se saisir d'office de la nullité constatée.
B - Place de l'absence de cause dans la validité des conventions intra-groupes
Ainsi, à moins qu'il faille considérer que l'arrêt constitue une espèce isolée, la mesure de la portée de cette jurisprudence est ailleurs, plus précisément dans les suites qui pourront lui être données en matière de délégation des fonctions légales des dirigeants de la société. A l'évidence on ne saurait, en l'état, qu'approuver la solution qui ne fait, indirectement, que mettre en oeuvre l'ordre public sociétaire. Satisfaisante, toutefois, dans ses aspects théoriques, la logique qui sous-tend l'arrêt pourrait, cependant, s'avérer moins pertinente si, systématisée, elle devait être étendue aux groupes de sociétés les plus importants.
Dans l'hypothèse, en effet, où l'arrêt devrait recevoir une application généralisée on pourrait imaginer que la délégation des fonctions par convention à un tiers pourrait être frappée de nullité au motif qu'elle fait "double emploi" avec les attributions légales des fonctions des dirigeants. A suivre cette analyse, excessivement pessimiste, la rédaction d'éventuelles délégations consenties dans les mêmes conditions devraient, à l'avenir, faire l'objet d'une vigilance accrue. L'arrêt nous enseigne, à ce titre, que les risques de requalification pourraient, par ailleurs, être importants. On se souvient qu'en l'espèce, c'est bien le juge du fond qui, en décidant que le contrat passé entre la SA et l'EURL était une "délégation", a désigné indirectement la nature de la contrepartie (ou en creux, de son absence) qu'il convenait de rechercher dans l'obligation.
Heureusement, la rédaction de l'arrêt laisse à penser que les Hauts magistrats n'ont pas entendu donner à l'arrêt une portée générale, en dépit des honneurs du Bulletin. La référence, en effet, aux fonctions matériellement dévolues au directeur général de la SA et non aux dispositions générales du Code de commerce, laisse augurer que c'est la nature particulière de la mission du dirigeant de la SA et de son décalque dans la convention qui ont été pris en considération. C'est, de la sorte, le caractère quelque peu audacieux de la convention passée qui débouche sur l'absence de contrepartie et non le seul transfert de certaines compétences du directeur général. Cette absence de référence aux fonctions génériques des directeurs généraux, telles que définies dans le Code de commerce, pour analyser le défaut de contrepartie dans la délégation, permet, ainsi, d'estimer que sous réserve d'évolution de la jurisprudence, l'arrêt ne trouvera qu'un débouché limité. Cantonnée, ainsi, à suppléer le défaut de contrôle des conventions emportant conflits d'intérêt, la jurisprudence sur l'absence de cause pourra prendre efficacement sa place dans les mécanismes de gouvernance appliqués aux sociétés.
(1) Pour les développements, cf. Marcel Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. 2, 11ème éd., LGDJ, 1931, plus spécialement, Théorie générale des contrats, Théorie de la cause, n° 1037 et suivants.
(2) J. Ghestin, L'absence de cause de l'engagement : absence de la contrepartie convenue , JCP, éd. E, n° 41, 11 octobre 2006, I, 177.
(3) Cass. civ., 30 décembre 1941, D.A., 1942, J. 98.
(4) Cass. civ. 1, 20 novembre 1974, publié (N° Lexbase : A3269CIW), Bull civ. n° 311, JCP, 1975, II, 18109, n. J. Calais-Auloy.
(5) J. Ghestin, Cause de l'engagement et validité du contrat, LGDJ, 2006, n° 394 et s..
(6) Cass. civ. 1, 3 juillet 1996, n° 94-14.800, publié (N° Lexbase : A8518AB4), Bull. civ. I, n° 286 ; Defrénois, 1996, p. 1015, obs. Ph. Delebecque ; D., 1997, p. 500, note Ph. Reigné ; RTDCiv., 1996, p. 903, obs. J. Mestre ; JCP. éd. G, 1997, I, 4015, n° 4 et s., obs. F. Labarthe.
(7) Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18.632, publié (N° Lexbase : A2343ABE), Bull. civ IV, n° 261 ; D., 1997. 121 note A Sériaux ; D., 1997 somm., note Ph. Delebecque ; JCP. éd G, 1997, II, 22881, note D. Cohen ; JCP. éd G, 1997. I. 4025, n° 17, obs. G. Viney ; JCP. éd. G., 1997, I, 4002, n°1, obs. M. Fabre-Magnan ; JCP, éd. G,1996, éd. G, IV, 2477. note M. Fabre-Magnan ; RTDCiv., 1997, obs J. Mestre ; J.-P Chazal, JCP, éd E., n° 29, 15 Juillet 1998, I ,152, Théorie de la cause et justice contractuelle : A propos de l'arrêt Chronopost (Cass. com., 22 oct. 1996).
(8) J. Mestre, RTDCiv., 1996, p. 901 et s. ; J. Moury, Une embarrassante notion : l'économie du contrat, D., 2000, p. 382 ; S. Pimont, L'économie du contrat, préf. J. Beauchard, th. Poitiers, PUAM, 2004 ; J. Ghestin, Cause de l'engagement et validité du contrat, op. cit., n° 1216 et s..
(9) Cass. com., 27 mars 2007, n° 06-10.452, F D (N° Lexbase : A8022DUN), JCP éd.G, 2007, II, 10119, note Y.-M. Serinet.
(10) Dans ces colonnes, voir D. Bakouche, Chronique de droit des contrats, Lexbase Hebdo n° 508 du 6 décembre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N4748BTZ).
(11) C. com., art. L. 225-41 (N° Lexbase : L5912AIS) : "Les conventions approuvées par l'assemblée, comme celles qu'elle désapprouve, produisent leurs effets à l'égard des tiers, sauf lorsqu'elles sont annulées dans le cas de fraude".
(12) Cass. civ. 3, 29 mars 2006, n° 05-16.032, FS-P+B (N° Lexbase : A8693DNB).
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen
Le 12 Janvier 2013
L'arrêt rendu à l'occasion de la révision du PLU d'une commune apporte deux précisions relatives au déroulement de cette procédure. Le remplacement des POS par les PLU n'a pas opéré de modifications majeures de la limite entre révision et modification du document d'urbanisme. D'une part, le critère de distinction réside dans la prise en compte de l'économie générale du plan : la révision s'impose si les évolutions envisagées sont de nature à remettre en cause les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable (PADD). D'autre part, les procédures de révision et de création sont identiques, la mise d'un POS en forme de PLU ne pouvant passer par une simple modification. La révision opère donc des évolutions importantes dans les orientations du document et constitue une opportunité pour de nombreux contentieux. L'arrêt du 14 novembre 2012 vient préciser deux points particuliers. En l'espèce, une commune avait procédé à la révision de son PLU en créant, notamment, une décharge de déchets inertes. La cour administrative d'appel (1) avait prononcé l'annulation du jugement de première instance et de la délibération attaquée. Le Conseil d'Etat rejette le pourvoi après avoir délimité le régime d'information des conseillers municipaux (I) et le contrôle exercé sur l'avis du commissaire enquêteur (II).
I - L'information des conseillers municipaux
Le droit à l'information des conseillers municipaux est très souvent invoqué dès qu'un recours est intenté contre une délibération. Il permet essentiellement au requérant, lorsqu'il est fondé, de gagner du temps, puisque, s'agissant d'un moyen de pure procédure, il est dépourvu de tout lien avec le contenu même de la délibération attaquée. Ce droit est prévu à l'article L. 2121-13 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8562AAD), qui dispose de manière très générale que, "tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération". Il se traduit concrètement par le respect d'un délai franc entre la convocation et le déroulement de la séance : trois jours pour les communes de moins de 3 500 habitants (CGCT, art. L. 2121-11 N° Lexbase : L8560AAB), et cinq jours pour les autres. Il se traduit, également, par l'obligation, faite au maire, de porter à la connaissance des conseillers municipaux, à l'occasion de cette convocation, une information suffisante. Elle se limite, pour les petites communes, à l'ordre du jour : le législateur a souhaité ne pas alourdir le travail des exécutifs locaux et des agents et a compté sur la faible dimension des communes en question pour assurer une diffusion informelle de l'information. Pour les communes de plus de 3 500 habitants, la convocation doit être accompagnée d'une notice explicative de synthèse (CGCT, art. L. 2121-12 N° Lexbase : L8561AAC).
Le juge administratif développe une approche très pragmatique et matérielle de l'exercice du droit à l'information : au-delà des exigences formelles du code, les juridictions veillent à ce que les conseillers municipaux bénéficient d'une information suffisante et utile. Un récent arrêt précisait, ainsi, que le défaut d'envoi de la note entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que les conseillers municipaux n'aient été rendus destinataires, en même temps que la convocation, de documents leur permettant de disposer d'une information équivalente. Dans cette affaire, le projet de délibération, joint à la convocation, portant création d'une la zone d'aménagement concerté, rappelait les objectifs poursuivis et les principales lignes du projet. Le Conseil avait estimé qu'eu égard à la taille de la commune, ce projet, compte tenu des termes dans lesquels il est rédigé, répondait, dans les circonstances de l'espèce, aux exigences d'information résultant de l'article L. 2121-12 (2). Cette décision traduit parfaitement le contrôle très concret opéré par le Conseil d'Etat qui prend en compte simultanément le volume et la nature de l'information transmise qu'il met en perspective avec la taille de la commune.
Il manquait, toutefois, un considérant de principe dans ce domaine. C'est chose faite avec la présente décision. Le Conseil d'Etat confirme cette approche générale du droit d'information des conseillers municipaux en affirmant que, "dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour [...] le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat [...] cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions [...] elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises".
Le Conseil rappelle, tout d'abord, le nécessaire respect formel de l'envoi de la note explicative, ce qui permet de constater immédiatement le non-respect du droit à l'information lorsqu'aucun document n'est joint à la convocation. Il reprend, ensuite, l'interprétation matérielle de cette obligation en rappelant que l'obligation est respectée lorsque les éléments adéquats ont été communiqués, peu importe leur forme et leur dénomination. En revanche, il définit avec une précision nouvelle la nature même de cette information qui doit répondre à trois exigences : elle doit contenir le cadre juridique de l'opération qui sera délibérée ; elle doit être proportionnée aux circonstances, ce qui a pour conséquence que le volume de l'information dépend de l'ampleur de l'opération ; elle doit permettre aux conseillers d'apprécier les conséquences de leurs décisions, ce qui est finalement assez tautologique si l'on considère que des élus ne devraient jamais prendre une décision sans être en mesure d'en appréhender les conséquences. Enfin, le Conseil pose une limite à l'obligation d'information qui n'impose pas une justification détaillée des propositions. On doit en déduire, a contrario, que le maire demeure dans l'obligation de justifier sommairement son projet ce qui est différent d'un simple exposé.
En l'espèce, le Conseil censure, sur la base de ce dernier critère, l'excès de zèle imposé par la cour administrative d'appel. La note jointe à la convocation et relative à la révision du PLU synthétisait les différentes étapes de la procédure d'adoption, mentionnait l'avis favorable du commissaire enquêteur et proposait de tenir compte de certaines observations des personnes consultées à l'issue de l'enquête publique. Elle était, notamment, accompagnée d'un document portant sur les modifications pouvant être apportées au plan pour donner suite à ces différentes remarques, et mentionnant la création d'un secteur Nx autorisant les affouillements et exhaussements de sol au titre des installations et travaux divers sur une superficie de moins de trois hectares. Le Conseil a estimé qu'au vu de la communication de ces différents documents et de la très faible superficie qui représentait moins d'un millième de celle de la commune, le droit d'information des conseillers avait été respecté et n'imposait pas de produire, à l'avance, les motifs du choix de ce secteur et les éléments permettant d'apprécier le bien-fondé de l'emplacement retenu pour ce site d'accueil de déchets inertes. Le Conseil d'Etat relève donc l'erreur de droit du juge d'appel. Celle-ci ne suffira pourtant pas à provoquer l'annulation de l'arrêt car le juge de cassation va confirmer l'analyse de la cour sur le second point.
II - L'analyse de l'avis du commissaire enquêteur
Le Conseil d'Etat précise son contrôle sur l'appréciation des faits par le juge du fond à propos de la portée exacte de l'avis du commissaire enquêteur. La question de l'appréciation souveraine des juges du fond est particulièrement délicate. On sait qu'elle n'est pas contrôlée par le juge de cassation, hormis dans le cas de dénaturation qui n'est pas très souvent admis, bien qu'il soit très fréquemment invoqué dans les pourvois. En revanche, le juge de cassation contrôle les erreurs de qualification juridique des faits dont la démonstration est souvent étroitement liée à l'appréciation des faits qui, il faut le rappeler, n'est pas susceptible de définition puisqu'elle se situe dans une zone intermédiaire entre la simple constatation des faits et leur qualification juridique. Le Conseil d'Etat tire, d'ailleurs, parti de la difficulté de cette matière pour éviter de lier, à l'avance, son contrôle dont le moins qu'on puisse dire est qu'il peut paraître aléatoire et, en tout état de cause, difficile à prévoir.
En l'occurrence, la question concernait la nature exacte des conclusions du commissaire enquêteur. L'article R. 123-19 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0742ISB) (et non R. 123-22 N° Lexbase : L0739IS8 comme le mentionne l'arrêt) impose à ce dernier de produire, à l'issue de l'enquête, un rapport relatant son déroulement, dans lequel il examine les observations qu'il a recueillies. Le commissaire doit également consigner, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. La jurisprudence a déjà eu l'occasion de censurer des rapports ne respectant pas ces contraintes. Le commissaire enquêteur doit ainsi préciser les motifs qui l'ont conduit à ne pas prendre en compte certaines observations (3). Le rapport ne peut se borner à rappeler les modalités d'organisation de l'enquête publique, le nombre d'observations présentées et leur analyse par un cabinet d'études, ainsi que la signification de certains classements et les objectifs du PADD sans indiquer les raisons qui ont déterminé le sens de l'avis (4). De même un l'avis favorable qui fait état de l'intérêt collectif "évident" du projet est insuffisamment motivé (5).
Le conseil municipal n'est pas lié par l'avis du commissaire. Encore faut-il que ce dernier ait formulé un véritable avis. En l'occurrence, la cour administrative d'appel avait considéré que tel n'était pas le cas puisque que l'avis favorable émis à la fin du rapport ne contenait pas les réserves annoncées et ne se prononçait pas sur les avis émis par les personnes associées, et, notamment, celui du syndicat intercommunal suggérant la création d'une zone Nx. Le juge du fond avait donc censuré les contradictions internes de l'avis, ainsi que ses lacunes. Devant des telles insuffisances, on ne pouvait considérer que le commissaire enquêteur avait fourni un avis selon les conditions imposées par le Code de l'environnement.
Le Conseil d'Etat rejette le moyen tiré de la dénaturation qui ne semblait pas fondé : les circonstances relevées par la décision (contradictions et lacunes du rapport) ne laissaient apparemment assez peu de place à ce grief, les critiques relevées par la cour apparaissant on ne peut plus objectives. L'un des deux moyens étant susceptible de justifier l'annulation de la délibération attaquée et du jugement de première instance, le Conseil d'Etat rejette le pourvoi.
La jurisprudence n'a pas dit son dernier mot sur les conditions d'application de l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme. L'arrêt du 14 novembre 2012 vient apporter une nouvelle pierre à l'édifice. On sait que cette disposition impose à l'auteur d'un recours contre une autorisation d'urbanisme de notifier ledit recours à l'auteur de la décision et à son bénéficiaire. L'objectif de cette notification est double : elle doit permettre, d'une part, d'informer le (ou les) futur(s) défendeur(s) de l'ouverture d'une instance juridictionnelle ou d'un recours gracieux. Elle doit permettre, d'autre part, de limiter le nombre de recours par l'irrecevabilité qui est la sanction du défaut de notification. Il faut bien reconnaître que l'habitude des greffes consistant à informer systématiquement les requérants de l'obligation et de sa sanction réduit sensiblement la portée de ce deuxième objectif. L'arrêt précise les liens entre cette obligation et les effets d'une annulation juridictionnelle au regard du droit à construire (I), ainsi qu'avec l'affichage de l'autorisation sur le terrain (II).
I - Notification et annulation juridictionnelle
La notification de l'article R. 600-1 s'impose aux recours gracieux et contentieux dirigés contre les autorisations d'urbanisme. Elle est, également, imposée en cours de procédure : dès lors que le recours de première instance est soumis à cette obligation, il n'existait aucune raison valable de dispenser les recours dirigés contre les décisions de justice de cette obligation. Il reste qu'entre les divers degrés de juridiction, la situation est compliquée par le fait que les décisions ont pu modifier l'état du droit initial et faire, ainsi, naître une obligation de notification au titre de l'article R. 600-1 alors que celle-ci n'existait pas en première instance.
En effet, la notification n'est obligatoire qu'en ce qui concerne les autorisations limitativement énumérées par le code : il s'agit des certificats d'urbanisme, des décisions de non-opposition à une déclaration préalable ou des permis de construire, d'aménager ou de démolir. En revanche, les décisions refusant ces autorisations ne sont pas soumises à l'obligation de notification. L'appel dirigé contre un jugement de première instance annulant une autorisation n'est donc pas soumis à l'obligation de notification, étant donné que l'annulation juridictionnelle a fait entièrement disparaître l'acte attaqué. L'obligation de notification ne s'impose donc ni au pétitionnaire (6), ni à l'auteur de la décision (7), ni au ministre, dans la continuité d'un déféré préfectoral.
En revanche, dans certains cas, l'incompétence (non pas au sens juridique) des autorités administratives provoque des situations qu'il convient de démêler, tel un écheveau. Dans l'affaire soumise au Conseil d'Etat, directement compétent en tant que juge de cassation d'un jugement de tribunal administratif rendu dans le cadre d'une déclaration de travaux, le maire avait accumulé les maladresses. A la suite du dépôt, le 20 juillet 2007, d'une déclaration préalable de travaux pour la pose, sur la façade d'un commerce, d'un bardage métallique et d'une enseigne publicitaire, le maire, par un arrêté du 23 août 2007, s'était opposé à cette déclaration de travaux puis, par un arrêté du 19 décembre 2007, avait rejeté le recours gracieux formé par la société contre cet arrêté. Par un jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif avait très normalement estimé que, faute pour le maire de s'être opposé aux travaux dans le délai d'un mois prévu à l'article L. 422-2 du Code de l'urbanisme ([LXB=6344IDC]), une décision tacite de non-opposition à déclaration préalable de travaux était née le 20 août 2007. En effet, l'article L. 424-5 (N° Lexbase : L4088IRT) dispose que les décisions de non opposition à travaux ne peuvent pas faire l'objet d'un retrait. Dès lors que l'autorité a laissé passé le délai d'un mois, le pétitionnaire se retrouve donc titulaire de son autorisation qui ne peut plus être remise en cause. L'arrêté du 23 août 2007 était donc illégal et ne pouvait avoir eu aucun effet sur l'autorisation de travaux implicite.
Le tribunal a donc, d'une part, annulé cet arrêté qu'il a justement requalifié en décision de retrait de l'autorisation tacite, et a, d'autre part, annulé la décision de rejet du recours gracieux. Le maire, malgré les évidences, s'est obstiné et a pris, le 13 juillet 2009, un nouvel arrêté de retrait de la décision tacite de non-opposition. Le jugement du 10 juin 2010, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, a, très logiquement annulé ce second arrêté.
Le Conseil d'Etat estime fort justement que le pourvoi est irrecevable, faute d'avoir fait l'objet de la notification de l'article R. 600-1. Il considère, en effet, "qu'à l'issue du jugement du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé le retrait par le maire [...] de sa décision tacite de non opposition à déclaration préalable de travaux, la société [...] s'est trouvée rétablie dans le droit à construire qui résultait de la décision originelle". Il en déduit, par une application extensive de l'article R. 600-1, qu'il résulte que l'exigence de notification doit être regardée "comme s'appliquant également au recours exercé contre une décision juridictionnelle dont résulte le rétablissement d'un droit à construire".
Cette application rigoureuse, mais juste, de l'article R. 600-1 découle de sa combinaison avec l'article L. 424-5. D'une part, les recours contre les décisions accordant une autorisation de travaux doivent être notifiés. L'obligation concerne tant les décisions explicites qu'implicites, ces dernières n'étant nullement exclues. D'autre part, le retrait d'une non-opposition implicite à déclaration de travaux est impossible, ce qui permet au Conseil d'affirmer que le jugement annulant ce retrait ouvertement illégal rétablit le pétitionnaire dans son droit à construire. Par conséquent, dans ces conditions, le pourvoi en cassation doit être classé dans la catégorie des recours dirigés contre une autorisation d'urbanisme dont la notification est obligatoire.
En l'occurrence, le pourvoi n'avait pas été notifié. Une telle lacune est pour le moins surprenante car, en cas de doute, il est bien évident qu'il convient toujours de procéder à une notification, fût-elle superflue. Cette décision démontre également que l'article R. 600-1 reçoit une portée différente selon les diverses étapes de la procédure, la nature de la décision attaquée et les effets des décisions de première instance, voire d'appel. Ce faisant, le Conseil applique au pourvoi en cassation sa jurisprudence antérieure relative à l'appel. Un arrêt du 5 avril 2006 avait, ainsi, censuré un arrêt pour avoir omis de vérifier que l'appel porté contre le jugement annulant un retrait tardif, et donc illégal, de non-opposition à travaux avait bien été notifié par l'auteur de l'appel (8).
II - Obligation de notification et affichage sur le terrain
Confronté au moyen tiré de l'irrecevabilité de son pourvoi, la commune a donc tenté de se tirer de ce mauvais pas, puisque l'irrecevabilité, au moment où elle a été soulevée, ne pouvait plus être régularisée. La notification doit, en effet, intervenir dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours. La pratique, devant le Conseil d'Etat, consiste à conserver le délai de recours par le dépôt d'un pourvoi sommaire qui est, dans un second temps, complété par un mémoire ampliatif. Le délai de quinze jours avait donc expiré depuis longtemps lorsque le défendeur a été mis en mesure de produire ses observations en défense, ce qui lui a permis d'opposer l'irrecevabilité du pourvoi.
La commune devait donc tenter de refouler ce moyen, faute de pouvoir régulariser son recours. Elle a donc invoqué les dispositions de l'article R. 424-15 pour tenter de démontrer qu'elle n'était pas soumise à l'obligation de notification. L'argument pouvait paraître séduisant. L'alinéa 2 de cet article précise, en effet, que l'affichage sur le terrain "mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable". En l'occurrence, le bénéficiaire de la décision de non-opposition tacite n'avait pas procédé à cet affichage réglementaire. La commune invoquait donc le moyen selon lequel l'absence de notification de l'article R. 600-1 ne pouvait lui être opposée, dès lors "qu'il n'a pas été fait mention de cette obligation par un affichage sur le terrain postérieurement au jugement du 11 juin 2009".
Le Conseil considère, cependant, que cette lacune ne peut exonérer l'auteur de la décision de son obligation de notification. Se référant à l'objectif poursuivi par le pouvoir réglementaire, il relève, en effet, que "les obligations d'affichage prévues par l'article R. 424-15 du Code de l'urbanisme sont destinées à informer les tiers et non l'auteur de la décision ou le bénéficiaire de la décision prise sur la réclamation préalable". Cette affirmation est incontestable : les contraintes relatives à l'affichage de la décision sur le terrain ont pour unique objet d'informer les tiers et de permettre de fixer le déclenchement du délai de recours à leur égard. Cette mention relative au droit de recours est un élément indispensable pour permettre aux tiers de préserver leurs droits (9). Ainsi que le prévoit l'article R. 600-2 (N° Lexbase : L7750HZ3), "le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15".
Toutefois, la sanction du défaut de mention de l'obligation de notification n'avait pas encore fait l'objet d'une décision de principe. Un avis de 2008 précise que l'absence de mention dans l'affichage de l'obligation de notification du recours a pour seul effet de rendre inopposable l'irrecevabilité prévue à l'article R. 600-1, mais n'empêche pas le déclenchement du délai de recours contentieux (10). En effet, cette mention, qui concerne une règle de procédure qui doit être accomplie postérieurement à l'introduction du recours contentieux, est destinée à mieux informer les éventuels requérants de leur obligation de notification et des risques d'irrecevabilité qu'ils encourent à ne pas l'accomplir et elle n'est pas au nombre des éléments dont la présence est une condition au déclenchement du délai. L'absence, sur le panneau d'affichage, de la mention de l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis, fait donc obstacle à ce que soit opposé à l'auteur du recours l'irrecevabilité prévue par l'article R. 600-1. Plusieurs arrêts d'appel ont adopté cette solution (11).
L'arrêt du 14 novembre 2012 vient donc préciser les conséquences de l'absence de la mention de l'obligation de notification sur le panneau d'affichage : cette absence ne dispense pas l'auteur de la décision qui est, par définition, informé de celle-ci, de notifier son recours. Le Conseil opère, ainsi, une distinction entre les tiers et l'auteur de la décision dans l'application de l'article R 600-1. Voilà une nouvelle subtilité du droit de l'urbanisme, certes justifiée par l'économie des textes, mais qui vient encore compliquer l'état du droit.
Le juge de cassation conclut donc que la commune "qui est l'auteur de la décision de non-opposition dont le retrait a été par la suite annulé, ne peut se prévaloir de la méconnaissance des obligations d'affichage qui résultent des dispositions de l'article R. 424-15 du Code de l'urbanisme". Irrecevable, le pourvoi est donc rejeté.
La récente réforme des surfaces, opérée par l'ordonnance n° 2011-1539 du 16 novembre 2011, relative à la définition des surfaces de plancher prises en compte dans le droit de l'urbanisme (N° Lexbase : L2512IRH), et son décret d'application en date du 29 décembre 2011 (décret n° 2011-2054 N° Lexbase : L5063IRX), a modifié les règles de partage entre permis de construire et déclaration préalable. Les surfaces prises en compte pour le choix de l'une ou l'autre de ces procédures d'autorisation ont été redéfinies : les SHOB (surfaces hors oeuvre brute) et la SHON (surface hors-oeuvre nette), utilisées depuis 1967, ont disparu au profit de la "surface de plancher" et de "l'emprise au sol". Depuis le 1er mars 2012, ces deux notions servent de critère pour déterminer si un projet est soumis à permis de construire ou à déclaration préalable, ou s'il est dispensé de formalités. On ne s'étonnera pas de ces nouvelles complications supplémentaires. Elles viennent se superposer à la complexité issue d'autres notions jurisprudentielles telles que celle "d'ensemble immobilier unique". L'arrêt du 12 novembre 2012, rendu dans le cadre d'une demande visant la construction de nouveaux toboggans sur une piscine de loisirs, vient faire application de cette notion et préciser les conséquences de cette qualification juridique sur les divers régimes d'autorisation. Il convient de rappeler le contenu de cette notion (I) avant d'apprécier les conséquences de cette qualification juridique (II).
I - La notion d'ensemble immobilier unique
L'ensemble immobilier unique n'est pas clairement défini par la jurisprudence. Cette notion découle des dispositions de l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3427HZX) qui impose à l'autorité administrative d'apprécier, non seulement, le détail du projet qui lui est soumis, mais également sa globalité. Cet article dispose, en effet, que "le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique". L'administration doit donc se livrer à une appréciation globale de la demande au regard de l'ensemble de la législation applicable. Il était donc normal que le Conseil d'Etat soit conduit à se référer à une notion fonctionnelle pour lui permettre, dans certains cas limites, de vérifier que le respect rigoureux de la lettre de la réglementation ne va pas à l'encontre des objectifs recherchés. La notion d'ensemble immobilier unique constitue, ainsi, un critère malléable permettant au juge de décider du régime juridique applicable à une opération.
Cette notion n'est pas susceptible d'une définition rigoureuse, d'autant que la jurisprudence est relativement rare en la matière. D'une manière générale, le Conseil d'Etat reconnaît un ensemble immobilier unique dans le cas d'une construction constituée de plusieurs éléments unis entre eux par des liens physiques ou fonctionnels (12). Répondent à ce critère un stade et un parc de stationnement sous-jacent ayant fait l'objet d'une conception architecturale globale (13). Sans faire référence de manière explicite à la notion, le Conseil a également jugé que constitue une construction unique deux corps de bâtiments séparés au rez-de-chaussée par un passage ouvert et comportant chacun une toiture indépendante mais communiquant à partir du premier étage, les logements qui y sont aménagés y étant accessibles par un même escalier et étant desservis par des circulations communes (14).
En revanche, il a été jugé qu'au vu de leur absence de liens physiques ou fonctionnels, deux projets, ayant pour objet le réaménagement d'un bâtiment à usage agricole et le réaménagement avec extension d'un autre bâtiment à usage agricole, en vue de transformer chacun des bâtiments existants en une maison d'habitation, ne constituent pas un ensemble immobilier indivisible (15). La même solution est adoptée, a fortiori, pour des projets concernant deux logements séparés n'ayant pas fait l'objet d'une conception d'ensemble, appartenant à des propriétaires différents et ayant une vocation fonctionnelle autonome (16).
II - Les conséquences de la qualification d'ensemble immobilier unique
La jurisprudence a apporté plusieurs précisions sur les conséquences de cette qualification juridique.
En principe, un projet répondant à cette définition doit faire l'objet d'une demande de permis de construire unique (17). Un arrêt de principe du 10 octobre 2007, énonce à ce sujet que "des constructions indivisibles doivent faire l'objet d'un permis de construire unique [...] il en résulte qu'un permis de construire ne peut être délivré à une partie seulement d'un ensemble indivisible [...] dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande d'autorisation de construire une construction indivisible d'une autre construction ayant déjà fait l'objet d'un premier permis de construire, elle ne peut délivrer l'autorisation demandée qu'à la double condition que le permis de construire initial ne puisse être retiré et qu'elle ait tiré toutes les conséquences juridiques de l'indivisibilité des deux ouvrages" (18).
Toutefois, cette première conséquence n'est pas absolue, l'existence d'un ensemble immobilier unique n'emportant pas nécessairement l'obligation de déposer une seule demande de permis de construire. Le Conseil s'attache à vérifier la réalité du contrôle opéré par l'administration sur les dossiers de demande de permis. Dès lors que l'autorité est en mesure, dans le cadre d'une appréciation globale portant sur la totalité du projet, de s'assurer que la délivrance de deux permis permet de garantir le respect des règles et intérêts généraux qu'aurait assuré la délivrance d'un permis unique, l'existence d'un ensemble immobilier unique n'interdit pas la délivrance de deux autorisations, a fortiori lorsque les deux permis ont fait l'objet d'une instruction commune et ont été délivrés le même jour (19).
L'arrêt du 12 novembre 2012 vient apporter un élément supplémentaire au régime des ensembles immobiliers uniques. Le Conseil énonce que "des travaux qui relèvent en principe, en vertu des articles L. 421-4 (N° Lexbase : L8127HEQ) et R. 421-9 (N° Lexbase : L7457HZ9) du Code de l'urbanisme, du régime de la déclaration préalable, doivent cependant être autorisés par un permis de construire, le cas échéant modificatif, dans les cas où, soit ils forment avec une construction déjà autorisée par un permis de construire en cours de validité et dont la réalisation n'est pas encore achevée un ensemble immobilier unique, soit, en l'absence même d'un ensemble immobilier unique, ils modifient une construction déjà autorisée et en cours d'achèvement".
Le champ d'application de la déclaration de travaux se trouve donc réduit dans deux hypothèses qui ont pour caractéristique commune de concerner des travaux non encore achevés.
Tout d'abord, la solution ainsi dégagée par le Conseil ne s'applique pas, en effet, lorsque les travaux faisant l'objet de la demande sont réalisés sur une construction achevée. Une telle solution est en conformité avec les dispositions générales relatives aux travaux sur l'existant et qui nécessitent, soit un permis (C. urba, art. R. 421-14 N° Lexbase : L7462HZE), soit une déclaration (C. urba, art. R. 421-17 N° Lexbase : L7465HZI). Le Conseil ne pouvait pas, en effet, créer un régime pour les travaux sur l'existant alors que celui-ci est déjà prévu par le code.
Ensuite, dans une première hypothèse, l'existence d'un ensemble immobilier unique impose la délivrance d'un permis de construire lorsque les nouveaux travaux, bien que relevant matériellement du champ d'application de la déclaration, forment avec la construction existante un tel ensemble. D'une part, on notera que le Conseil n'apporte pas de précision supplémentaire quant à la définition de cette notion. D'autre part, on relèvera que le recours à la notion d'ensemble immobilier unique demeure, bien entendu, dans le champ d'application du permis de construire : même si les travaux nouveaux relèvent matériellement du champ de l'autorisation, la notion ne permet de les assujettir à une demande de permis que si les premiers travaux, avec lesquels ils ont un lien fonctionnel ou physique, sont eux-mêmes soumis à permis de construire et non à déclaration de travaux.
Enfin, la modification d'une construction préalablement autorisée par des travaux relevant matériellement de la déclaration, impose, néanmoins, la délivrance d'un permis. On peut, d'une part, s'interroger sur la portée exacte de cette seconde hypothèse par rapport à la première qu'elle semble recouvrir et dépasser. Le champ d'application de ce cas dépasse, en effet, évidemment largement celui de l'ensemble immobilier unique, ne serait-ce qu'à cause de la formulation même de l'arrêt, ainsi que le confirme l'incise "en l'absence même d'un ensemble immobilier unique". En revanche, on peut se demander s'il elle la recouvre ? On pourrait le supposer, dès lors que l'existence du lien fonctionnel entre les deux travaux impose nécessairement des modifications du premier projet afin d'assurer ce lien qui n'était pas obligatoirement prévu. Mais ce n'est, toutefois, pas nécessairement le cas. D'autre part, malgré la rédaction imprécise de cette partie de l'arrêt, il faut comprendre que les premiers travaux doivent, eux-mêmes, relever du régime du permis de construire, ainsi que le confirme la référence à un permis modificatif. Il serait, en effet, contraire aux critères de répartition entre permis et déclaration d'imposer un permis modificatif pour des travaux modifiant une construction qui relève du régime de l'autorisation. Sauf, bien entendu, si les nouveaux travaux viennent placer l'ouvrage dans son entier sous le régime du permis. Il ne serait pas, dans ce dernier cas, admissible que le pétitionnaire puisse diviser artificiellement la réalisation de son projet dans le temps pour solliciter des autorisations successives alors que l'intégralité du projet relève du champ d'application du permis de construire.
En l'occurrence, le Conseil confirme l'analyse du tribunal. S'il ne qualifie pas ouvertement l'opération en cause d'ensemble immobilier unique, une telle qualification aurait pu être retenue puisque les nouveaux toboggans étaient unis aux constructions précédemment autorisées par un lien physique et fonctionnel évident. Toutefois, le Conseil fait entrer les faits dans la seconde catégorie, ce qui tend à démontrer qu'elle recouvre bien la première. Il confirme que le tribunal n'a commis ni erreur de droit, ni dénaturation, en jugeant que les nouveaux toboggans faisant l'objet de la déclaration litigieuse nécessitaient, bien que relevant en principe du champ de la déclaration préalable, le dépôt d'une demande de permis de construire, dès lors que la réalisation de ces ouvrages conduisait à une modification de certaines constructions déjà autorisées par le permis de construire modificatif du 28 juin 2007 et que le pétitionnaire n'apportait pas la preuve que ces dernières constructions avaient été achevées. Le pourvoi est donc rejeté.
(1) CAA Marseille, 1ère ch., 4 juin 2010, n° 08MA03259, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0928IXN).
(2) CE 1° et 6° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 320457, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8284HWQ).
(3) CAA Marseille, 1ère ch., 26 octobre 2000, n° 96MA00827, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4329BMB).
(4) CAA Bordeaux, 6ème ch., 24 mai 2011, n° 10BX02046, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8684HSG).
(5) CAA Lyon, 25 juin 2002, n° 00LY01047 (N° Lexbase : A8770AZT).
(6) CE 2° et 6° s-s-r., 9 juin 1999, n° 169158, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3168AXM).
(7) CE 3° et 5° s-s-r., 17 mars 1997, n° 162075, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8982ADZ).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 5 avril 2006, n° 264269, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9436DNS).
(9) CE 9° et 10° s-s-r., 1er juillet 2010, n° 330702, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6070E39).
(10) CE 2° et 7° s-s-r., 19 novembre 2008, n° 317279, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3204EBB).
(11) CAA Lyon, 1ère ch., 2 mars 2010, n° 09LY01072, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1248EUR), CAA Bordeaux, 1ère ch., 27 mai 2010, n° 09BX01823, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4926IY4), CAA Douai, 1ère ch., 26 janvier 2012, n° 11DA00798, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0785IES).
(12) CE Sect., 17 juillet 2009, n° 301615, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9201EIM).
(13) CE Sect., 17 juillet 2009, n° 301615, préc..
(14) CE 2° et 6° s-s-r., 25 septembre 1995, n° 120438, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5351ANI).
(15) CAA Nantes, 2ème ch., 16 février 2010, n° 09NT00832, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4442EU3).
(16) CAA Bordeaux, 1ère ch., 1er avril 2010, n° 09BX00275, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6128HMW).
(17) CE Sect., 17 juillet 2009, n° 301615, préc..
(18) CE 1° et 6° s-s-r., 10 octobre 2007, n° 277314, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7255DYD).
(19) CE Sect., 17 juillet 2009, n° 301615, préc..
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