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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
En période de crise économique, de course effrénée à la productivité et à la réduction des coûts, l'arrêt et ses conséquences au regard du management et des ressources humaines n'ont rien d'anodin. On pourra toujours se réfugier derrière le fait que, dans cette affaire, l'employé fut victime d'un infarctus du myocarde et qu'à ce titre le caractère professionnel de l'accident ait été irrévocablement reconnu ; mais, l'attendu de principe, plutôt général, ne laisse planer aucun doute. Le stress et ses conséquences médicales sont l'affaire de l'employeur qui, s'il n'y prend garde, engage sa responsabilité pour faute... inexcusable.
On savait, pourtant, qu'un harcèlement moral ne pouvait simplement résulter d'un stress, d'un conflit personnel, du pouvoir disciplinaire/d'organisation de l'employeur, mais devait être la conséquence d'une volonté réitérée de l'employeur portant atteinte à la dignité de la personne (Cass. soc., 17 juin 2009, n° 07-43.947, F-D). Et, du côté de la fonction publique, le comportement d'un agent générant un stress permanent dans son service et son manque d'organisation relèvent de l'inaptitude professionnelle et ne sont pas de nature à justifier légalement l'application d'une sanction disciplinaire (CAA Nancy, 3ème, 16 juin 2005, n° 01NC00151).
Mais là, c'est l'accroissement du travail patent sur les années précédant l'accident et la politique de surcharge, de pressions, "d'objectifs inatteignables" qui sont clairement en cause. Il y a des limites à la performance économique et financière de l'entreprise : les dirigeants se doivent de prendre la mesure des conséquences de leur objectif de réduction des coûts en terme de facteurs de risque pour la santé de leurs employés.
Alors, bien entendu, pour établir s'il y a faute ou non de l'employeur, le juge ne va certainement pas s'adonner à une analyse détaillée de la nécessité ou de la justesse de la politique comme des décisions de réduction des coûts. Les magistrats ne sont pas juges de la productivité et de la rentabilité de l'activité économique. C'est donc tout naturellement sur le terrain de l'obligation de sécurité de résultat qu'ils se placent. Et cette obligation ne peut exclure le cas, non exceptionnel, d'une réaction à la pression ressentie par le salarié. Un infarctus du myocarde dont le lien de causalité avec la pression professionnelle exercée aura tôt fait d'emporter la conviction des juges du fond.
Pour retracer la lignée de cet arrêt, on se souviendra que la Cour suprême avait reconnu que la mise en place d'entretiens d'évaluation pouvait être un facteur de stress, la direction devant dans ce cas consulter le CHSCT (Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-21.964, FS-P+B+R). Et, l'appréhension du stress par le juge suprême n'est donc pas chose nouvelle ; la Haute juridiction a récemment confirmé l'octroi, à une salariée victime d'un syndrome anxio-dépressif majeur, de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de brimades, alors que la salariée évoquait, dans ses conclusions, des signes manifestes de stress (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-27.457, F-D). Mieux, les jalons de la décision rendue le 8 novembre 2012 étaient présents dans trois arrêts plus anciens, aux termes desquels le juge suprême écartait la responsabilité de l'employeur pour absence de caractérisation de l'existence d'une faute de l'employeur ayant un rôle causal dans la survenance du décès du salarié stressé par des conditions de travail anormales (Cass. civ. 2, 8 novembre 2007, n ° 06-17.575, F-D) ou par l'annonce d'un déplacement dans une région éloignée (Cass. civ. 2, 3 juin 2010, n° 09-65.552, FS-D) ; ou d'un syndrome dépressif du salarié stressé par les difficultés qu'il devait surmonter, compte tenu de son handicap, pour continuer à remplir ses objectifs (Cass. civ. 2, 20 mai 2010, n° 09-13.984, F-D).
La filiation de la décision rendue le 8 novembre 2012 est donc directe. Si juridiquement elle ne constitue pas une surprise, ce qui explique la confidentialité de sa diffusion, elle marque assurément les esprits et, gageons, le pas vers une humanisation croissante des décisions d'entreprise, même si des restructurations et autres recherches d'économies sont parfois inéluctables. Pour ceux qui quittent l'entreprise, les employeurs ont trouvé leur salut avec les "départs volontaires" et autres ruptures conventionnelles... Mais pour les "prisonniers du boulot", l'affaire pourrait s'avérer un peu plus compliquée, d'autant que, face au stress et à la maladie, l'inégalité est de mise...
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 15 Novembre 2012
Face à ce constat, Christiane Féral-Schuhl émet le souhait que l'avocat devienne un acteur incontournable de la médiation, qu'il apprenne à conseiller à ses clients l'opportunité du recours à cet ADR, lorsqu'il s'avère possible. En effet, "si la justice tranche, la médiation apaise" ; elle permet aux parties de trouver une solution et au médiateur d'éviter le traumatisme de la sanction de la justice parfois trop brutale et qui souvent ne donne satisfaction à aucune des parties. Dans le cadre du processus de médiation, les émotions et les sentiments sont pris en compte, cela permet à la dimension humaine de pénétrer le monde de la justice, élément fondamental pour le Bâtonnier de Paris. Convaincue que le développement de la justice consensuelle est un atout pour le justiciable, Christiane Féral-Schuhl en tire la conclusion qu'elle l'est aussi pour les avocats. En effet, là où le juge est enfermé dans le périmètre du procès déterminé par les demandes des parties, le médiateur peut aller au-delà et permet l'expression de solutions que les parties n'avaient pas du tout imaginées. Dès lors, le justiciable devient un véritable acteur de la solution dans un cadre structurant et ne va alors plus seulement subir la décision du juge. La médiation, applicable dans différentes sphères du droit, propose un outil complémentaire qui repositionne le rôle de l'avocat avec un élargissement de ses compétences.
Dès lors, Madame le Bâtonnier a émis le souhait que le barreau de Paris fasse en sorte que l'année 2013 soit l'année de la médiation et que puisse être décliné ce mode alternatif de règlement des litiges dans tous les domaines du droit afin que les magistrats restent les garants de la paix sociale, mais avec à leurs côtés des médiateurs qui répondent à une exigence éthique, vigie du recours sécurisé au processus de médiation. Les avocats doivent se saisir de cette opportunité ; être des promoteurs et des prescripteurs de la médiation.
Et de conclure en ces termes : "C'est l'heure de la médiation, c'est la génération médiation !"
Comme l'a rappelé Jean-Bernard Dagnaud, président de chambre honoraire au tribunal de commerce de Bobigny, formateur et médiateur agréé, la médiation, qui est définie par le Code de procédure civile, a été renforcé par la Directive de 2008 (Directive (CE) 2008/52 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale N° Lexbase : L8976H3T), transposée par l'ordonnance de novembre 2011 (ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011, portant transposition de la Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale N° Lexbase : L2513IRI) et le décret du 20 janvier 2012 (décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012, relatif à la résolution amiable des différends N° Lexbase : L8264IRI). Ce processus présente une voie originale au service des parties et des conseils pour résoudre des conflits, des différents, des incompréhensions, des oppositions, à moindres frais et dans des délais raisonnables et ô combien compatibles avec les activités économiques. En effet, une sentence judiciaire ou arbitrale entraîne une rupture de la relation commerciale ; au contraire, la médiation en instaurant un dialogue entre les parties et en trouvant en compromis au bénéfice de chacune permettra une poursuite de cette relation d'affaires. L'objectif de la médiation repose sur la volonté de mettre un terme au litige par un accord construit par les parties sous la conduite d'un médiateur qui n'est pas force de proposition : on le voit, le rôle des conseils, et donc des avocats, sera ici essentiel. Le médiateur est un tiers indépendant et neutre ; sa formation est un élément très important. Cette formation, dispensée par les centres précédemment déclinés par le Bâtonnier de Paris, offre une assurance aux parties et à leurs conseils de sérieux, de compétence, de neutralité et d'indépendance. L'accord aura la force de la chose jugée et pourra être homologué, étant entendu que s'il est homologué, il perdra l'un des avantages de la médiation qui est son caractère confidentiel. Cette confidentialité est essentielle et doit être respectée par tous les intervenants, les parties, les conseils, le médiateur, les experts, les sachants, etc., et les avocats grâce à leur déontologie ont une "habitude" de la confidentialité, ce qui en fait des acteurs majeurs du processus.
Dans le cadre de la première table ronde qui avait pour thème "La médiation : un outil de justice moderne au service des professionnels du droit", Jacques Biancarelli, conseiller d'Etat, délégué au droit européen, a rappelé la définition de la médiation issue de l'article 1528 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8343IRG), "la médiation et la conciliation conventionnelles régies par le présent titre s'entendent de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence".
La médiation, s'agissant de la pratique de l'homologation des titres dans le cadre de l'Union européenne, soulève, selon Monsieur le Conseiller d'Etat, dix interrogations, que les conseils doivent avoir à l'esprit :
1° Quelle est la marge d'appréciation d'un juge de l'Union européenne auquel il est demandé d'homologuer un titre ou un accord issu du processus de médiation qui s'est déroulé sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne : s'agit-il d'un simple coup de tampon ou, au contraire le juge homologateur peut-il exercer un certain contrôle sur l'accord et si oui jusqu'à quel point ? Peut-il par exemple dans ce cadre effectuer un renvoi préjudiciel à la CJUE ?
2° Quelle est la portée exacte du syntagme qui figure à l'article 1er de la Directive 2008/52 et qui exclut la médiation des droits et obligations des parties dont elles ne peuvent disposer en vertu de la législation nationale applicable : s'agit-il de ce que l'on appelle, en droit français, les dispositions d'ordre public ou bien s'agit-il d'une autre acception de ce terme ?
3° Bien que la médiation soit interdite en droit pénal, le règlement de certains litiges en matière civile et commerciale peut dépendre du régime d'admissibilité de la preuve. A cet égard il existe une différence substantielle entre la majorité des Etats membre dont le système repose sur le droit romano-germanique et où prévaut le principe de liberté de la preuve, et les Etats membres de common law. Dès lors, un juge peut-il refuser d'homologuer un accord de médiation au motif que les éléments de preuve qui ont permis d'y aboutir seraient considérés par lui comme non-admissibles ou non-recevables ?
4° Le juge de l'homologation pourrait-il exiger, avant de statuer, la communication de l'entier dossier du processus de médiation et comment, alors, garantir "effectivement" la confidentialité qui doit s'attacher à toute médiation ?
5° Comment s'opère l'articulation entre les titres ou accord issus d'un processus de méditation et le droit international privé et les Règlements européens dits "Rome I" et "Rome II" sur les obligations contractuelles et sur les obligations non-contractuelles ?
6° Quel est le bilan de l'application effective de la procédure participative ? Les Etats membre de l'Union ont-ils tous adopté cette procédure ? Est-elle plus efficace que les modes alternatifs de règlement des litiges plus anciens tels que la médiation ?
7° Le Code de conduite européen de mai 2004 a-t-il été actualisé et en quoi le code français de déontologie de la médiation tel que présenté publiquement le 5 février 2009 et la charte française de médiation de 2011 en diffèrent-ils ? Y-a-t'il une harmonisation suffisante en matière de déontologie ?
8° Quelles sont les solutions retenues par les autres Etats membres de contrôle de la qualité de la médiation ? Existe-t-il des procédures spécifiques, peut-être plus exigeantes, plus rigoureuses, pour le contrôle des médiations dites transfrontalières ?
9° Les dispositions en matière de recours effectif à la médiation, et notamment les exigences figurant en bas de la Directive 2008/52 sur la mise à dispositions de moyens pour contacter concrètement des médiateurs et organismes de médiation, ont-elles été suivies d'effets ?
10° Les dispositions de l'article 10 de la Directive 2008/52 qui impose une obligation à la Commission européenne de mettre à la disposition du public des informations qui lui sont régulièrement transmises par les Etats membres ont-elles été respectées ?
Pour Jean-Michel Darrois, avocat à la cour, ancien MCO, l'exercice de la médiation est un exercice complexe et les questions soulevées par le conseiller Biancarelli ne font que renforcer cette conviction. Selon lui, à la question de savoir si la profession d'avocat est naturellement favorable à la médiation, la réponse est évidemment négative. Elle est négative, lui semble-t-il, pour deux raisons essentielles.
En premier lieu, la tradition conflictuelle ancienne du barreau français apparaît opposée au processus de médiation : les avocats, en France, contrairement aux pays anglo-saxons (Etats-Unis et Royaume-Uni essentiellement), sont historiquement consultés par leurs clients à l'occasion de poursuites ; ils apparaissent alors comme les hommes du contentieux. Au fond, les avocats ayant pris l'habitude de défendre avec courage détermination et compétence les intérêts de leurs clients, il est assez difficile pour eux de se convertir à un processus de négociation. En effet, pour beaucoup d'avocats, il est plus simple de s'en remettre à la décision du juge, lequel endosse seul la responsabilité d'une réussite ou d'un échec. Il est donc nécessaire de faire admettre aux avocats, qui n'ont pas cette culture de la médiation, qu'il est préférable dans bien des cas de prescrire à leurs clients une médiation en acceptant de faire des concessions, processus dans lequel l'avocat aura un rôle à jouer dans la solution à trouver.
En second lieu, à l'opposé, les avocats d'affaires, habitués à négocier, pensent qu'ils sont capables, seuls, sans intervention d'un tiers, de trouver des solutions.
Ces deux mouvements se rejoignent, selon Maître Darrois, pour expliquer le fait que la médiation n'ait pas, pour l'instant en France, le succès escompté. Il faut en effet avoir à l'esprit que les intérêts des clients seront parfois bien mieux préservés par un accord avec leurs contradicteurs plutôt que par une intervention du juge. L'intervention d'un tiers va également permettre de trouver plus facilement une solution, qui sera plus équilibrée que dans le cadre d'une négociation en tête-à-tête. Par ailleurs, le tiers aura, dans certains cas, plus d'autorité sur les parties que leurs avocats pour les contraindre à négocier et arriver à un accord. Mais les avocats doivent être partie prenante dans ce processus et y contribuer ; cela signifie pour eux d'accepter que le contradictoire ne soit pas respecté et que le médiateur rencontre les parties en tête-à-tête, parfois hors la présence de l'avocat.
Dans le cours d'une affaire, s'ouvre parfois une fenêtre favorable au rapprochement des parties, que ce soit par la négociation, la conciliation ou la médiation. Il convient donc de réfléchir, selon Maître Darrois, aux conditions dans lesquelles peut s'ouvrir une médiation : ce ne doit pas être systématique, la médiation ne doit pas s'ouvrir à un moment prédéterminé du contentieux. Et là, le rôle de l'avocat est déterminant puisqu'il est le seul à pouvoir ressentir le moment auquel la médiation est opportune, le moment auquel son client est le plus enclin à la discussion et la résolution du litige par une solution négociée. Enfin, pour Jean-Michel Darrois, dans des affaires très complexes, la présence de deux médiateurs sera indispensable afin d'assurer l'union d'une compétence technique et d'une compétence juridique.
Ainsi, la médiation semble avoir un bel avenir devant elle, encore faut-il que les avocats fassent l'effort de s'ouvrir à cette technique nouvelle, même si elle apparaît contraire, de prime abord, à la formation qu'ils ont reçue ou à l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes.
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Réf. : Loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012, portant création des emplois d'avenir (N° Lexbase : L2659IUZ)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"
Le 16 Novembre 2012
A - Public bénéficiaire des emplois d'avenir
Les emplois d'avenir s'adressent (5) :
- aux jeunes à proprement parler ; jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi (C. trav., art. L. 5134-110-I ; art. R. 5134-161 [LXB= L3175IU7]). A titre prioritaire, l'emploi d'avenir vise les jeunes qui résident soit dans les zones urbaines sensibles au sens du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (N° Lexbase : L8737AGP), ou les zones de revitalisation rurale au sens de l'article 1465 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L5199IRY), soit dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit dans les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d'accès à l'emploi (C. trav., art. L. 5134-110-II) ;
- aux moins jeunes ; personnes bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et remplissant ces mêmes conditions peuvent accéder à un emploi d'avenir lorsqu'elles sont âgées de moins de trente ans (C. trav., art. R. 5134-161).
Le décret n° 2012-1210 du 31 octobre 2012, relatif à l'emploi d'avenir (C. trav., art. R. 5134-161) précise que le dispositif est ouvert aux jeunes qui :
- ne détiennent aucun diplôme du système de formation initiale, ou ;
- sont titulaires uniquement d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle enregistré au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles) de niveau CAP-BEP, et totalisent une durée de six mois minimum de recherche d'emploi au cours des 12 derniers mois, ou enfin ;
- à titre exceptionnel, s'ils résident dans une zone urbaine sensible (ZUS), dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ou dans un DOM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, ont atteint au plus le niveau du premier cycle de l'enseignement supérieur et totalisent une durée de 12 mois minimum de recherche d'emploi au cours des 18 derniers mois.
B - Employeurs éligibles
1 - Employeurs bénéficiaires
Le législateur (C. trav., art. L. 5134-111 N° Lexbase : L2717IU8) (6) avait prévu que l'aide relative à l'emploi d'avenir soit attribuée aux employeurs suivants :
- les organismes de droit privé à but non lucratif ;
- les collectivités territoriales et leurs groupements ;
- les autres personnes morales de droit public, à l'exception de l'Etat ;
- les groupements d'employeurs qui organisent des parcours d'insertion et de qualification ;
- les structures d'insertion par l'activité économique mentionnées à l'article L. 5132-4 (N° Lexbase : L2096H9I) ;
- les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public.
Par exception, les employeurs relevant de l'article L. 5422-13 (N° Lexbase : L2771H9I) et des 3° et 4° de l'article L. 5424-1 (N° Lexbase : L9122IMS) sont éligibles à l'aide relative aux emplois d'avenir s'ils remplissent les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat relatives à leur secteur d'activité et au parcours d'insertion et de qualification proposé au futur bénéficiaire.
En revanche, les particuliers employeurs ne sont pas éligibles à l'aide attribuée au titre d'un emploi d'avenir.
Mais par deux réserves d'interprétation, le Conseil constitutionnel (décision n° 2012-656 DC du 24 octobre 2012 N° Lexbase : A8271IUU) a écarté la possibilité, dans certaines hypothèses, pour les employeurs publics, de recourir aux emplois d'avenir (7).
En effet, au regard de leurs caractéristiques, si les contrats de travail associés à un emploi d'avenir étaient conclus par des personnes publiques pour une durée indéterminée, ces emplois d'avenir constitueraient des emplois publics qui ne peuvent être pourvus qu'en tenant compte de la capacité, des vertus et des talents. Mais il n'en va pas de même en cas de contrat de travail à durée déterminée exécutés dans le cadre du dispositif social destiné à faciliter l'insertion professionnelle des bénéficiaires (prévu par l'article L. 5134-114 N° Lexbase : L2720IUB du Code du travail et par l'article L. 322-49 du Code du travail applicable à Mayotte). Aussi, le recrutement à un emploi d'avenir étant réservé à des personnes jeunes dépourvues de qualification, les personnes publiques ne sauraient recourir aux emplois d'avenir que dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée (décision n° 2012-656 DC du 24 octobre 2012, cons. 16).
De même, pour les mêmes motifs, le Conseil constitutionnel a décidé que les collectivités territoriales et les autres personnes publiques ne sauraient recourir au contrat d'accompagnement dans l'emploi que dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée (décision n° 2012-656 DC du 24 octobre 2012, cons. 19) .
2 - Conditions relatives à la conclusion du contrat et la nature de l'emploi
Le législateur a voulu favoriser la création d'emplois durables et à prévenir les abus :
- l'employeur doit pouvoir justifier, pour bénéficier de l'aide, de sa capacité, notamment financière, à maintenir l'emploi d'avenir au moins pendant sa durée de versement (C. trav., art. L. 5134-111) ;
- l'employeur décrit les possibilités de la pérennisation des activités et les dispositions de nature à assurer la professionnalisation des emplois. Cette disposition vise à favoriser la création d'emplois d'avenir qui pourront être maintenus après la fin du versement de l'aide de l'Etat.
Dans cette perspective, le pouvoir réglementaire (décret n° 2012-1210) a prévu que l'employeur doit :
- proposer au titulaire d'un emploi d'avenir une perspective de qualification et d'insertion professionnelle durable (C. trav., art. R. 5134-164) ;
- appartenir à un secteur d'activité présentant un fort potentiel de création d'emplois ou offrant des perspectives de développement d'activités nouvelles (C. trav., art. R. 5134-164) (9). Ces secteurs sont fixés par arrêté du préfet de région, compte tenu des secteurs prioritaires définis au schéma d'orientation régional, tel que fixés et définis par le décret n° 2012-1210 du 31 octobre 2012, relatif à l'emploi d'avenir (C. trav., art. R. 5134-162 N° Lexbase : L3176IU8, art. R. 5134-163 N° Lexbase : L3177IU9) (10). Ce dernier définit la stratégie territoriale de mise en oeuvre des emplois d'avenir, notamment les principaux parcours d'insertion et de qualification qui peuvent être proposés dans les différentes filières et secteurs d'activités prioritaires. À l'issue d'une procédure de consultation décrite dans le décret, ce schéma est publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région.
Le législateur a également voulu lutter contre les effets d'aubaine. A cet effet, il a prévu que :
- l'aide à l'employeur ne peut être accordée lorsque l'embauche vise à procéder au remplacement d'un salarié licencié ;
- s'il apparaît que l'embauche a eu pour conséquence le licenciement d'un autre salarié, la décision d'attribution de l'aide peut être retirée par l'Etat ;
- enfin, la décision d'attribution d'une nouvelle aide à l'insertion professionnelle (art. L. 5134-113) est subordonnée au contrôle du respect par l'employeur des engagements qu'il avait souscrits au titre d'une embauche antérieure en emploi d'avenir (C. trav., art. L. 5134-114).
3- Engagements de l'employeur
L'employeur s'engage (C. trav., art. L. 5134-114) :
- sur le contenu du poste proposé et sa position dans l'organisation de la structure employant le bénéficiaire de l'emploi d'avenir ;
- sur les conditions d'encadrement et de tutorat ;
- sur la qualification ou les compétences dont l'acquisition est visée pendant la période en emploi d'avenir ;
- sur les actions de formation, réalisées prioritairement pendant le temps de travail, ou en dehors de celui-ci, qui concourent à l'acquisition de cette qualification ou de ces compétences et les moyens à mobiliser pour y parvenir. Ils précisent les modalités d'organisation du temps de travail envisagées afin de permettre la réalisation des actions de formation. Ces actions de formation privilégient l'acquisition de compétences de base et de compétences transférables permettant au bénéficiaire de l'emploi d'avenir d'accéder un niveau de qualification supérieur.
- sur les possibilités de pérennisation des activités et les dispositions de nature à assurer la professionnalisation des emplois.
En cas de non-respect des engagements de l'employeur, notamment en matière de formation, le remboursement de la totalité des aides publiques perçues est dû à l'Etat.
II - Régime du contrat de travail "emploi d'avenir"
A - Conclusion du contrat de travail
- Durée du contrat
Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont encadré les possibilités de recours au CDD et au travail à temps partiel. Le contrat, s'il est à durée déterminée, est conclu, en principe, pour une durée de trente-six mois (11).
Toutefois, en cas de circonstances particulières liées à la situation ou au parcours du bénéficiaire ou au projet associé à l'emploi, le contrat pourrait être conclu pour une durée inférieure, d'au moins douze mois.
Afin de permettre au bénéficiaire d'achever une action de formation professionnelle, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 5134-19-1 (N° Lexbase : L2789IUT) peuvent autoriser une prolongation du contrat au-delà de la durée maximale de trente-six mois, sans que cette prolongation puisse excéder le terme de l'action de formation concernée (C. trav., art. L. 5134-115 N° Lexbase : L2721IUC).
- Forme du contrat (CDD ou CDI)
Le contrat de travail associé à un emploi d'avenir peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée. Lorsqu'il est à durée déterminée, il est conclu pour une durée de trente-six mois (C. trav., art. L. 5134-115).
Le décret n° 2012-1210 (C. trav., art. R. 5134-165 N° Lexbase : L3179IUB) prévoit que les emplois d'avenir conclus avec les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi qu'avec une autre personne morale de droit public hormis l'Etat (employeur mentionné au 2° ou au 3° de l'article L. 5134-111), empruntent la forme d'un CUI-CAE (contrat d'accompagnement dans l'emploi). Conformément à la décision du Conseil constitutionnel (préc.), ils doivent être à durée déterminée.
Les autres employeurs peuvent conclure des emplois d'avenir sous forme de CUI-CAE ou de CUI-CIE (contrat initiative-emploi) à durée déterminée ou indéterminée :
- les organismes de droit privé à but non lucratif ; les structures d'insertion par l'activité économique (mentionnées à l'article L. 5132-4 N° Lexbase : L2096H9I) ; les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public et enfin les employeurs peuvent conclure des emplois d'avenir sous forme de CUI-CAE (C. trav., art. R. 5134-165) ;
- les organismes de droit privé à but non lucratif ; les groupements d'employeurs (mentionnés à l'article L. 1253-1 N° Lexbase : L9609IEM) qui organisent des parcours d'insertion et de qualification et les employeurs peuvent conclure des emplois d'avenir sous forme de CUI-CIE (contrat initiative-emploi) (C. trav., art. R. 5134-165) .
- Durée du travail - temps partiel
Le bénéficiaire d'un emploi d'avenir occupe un emploi à temps plein (13).
Dans certaines circonstances particulières, le salarié peut être employé à temps partiel. Trois hypothèses sont ici envisagées : le recours au temps partiel permet le suivi d'une action de formation ; la nature de l'emploi ou le volume d'activité ne permettent pas un travail à temps plein ; le parcours ou la situation du bénéficiaire le justifient.
La durée du travail ne peut alors être inférieure à la moitié de la durée hebdomadaire de travail à temps plein.
Quand le salarié est employé à temps partiel, son contrat de travail peut être modifié, dès lors que les conditions le rendent possible, pour augmenter sa durée hebdomadaire de travail, avec l'accord de l'organisme prescripteur du contrat (C. trav., art. L. 5134-116 N° Lexbase : L2722IUD).
- Rupture du contrat
Le contrat peut être rompu chaque année, à l'initiative du salarié, sous réserve de respecter un préavis de deux semaines, ou de l'employeur s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse, sous réserve de respecter un préavis d'un mois (C. trav., art. L. 5134-115).
B - Formation, accompagnement du jeune
1 - Accompagnement du jeune en emploi d'avenir
La demande d'aide formulée par l'employeur précise les conditions d'encadrement et de tutorat dont bénéficie le jeune en emploi d'avenir, ainsi que les actions de formation prévues (C. trav., art. L. 5134-114).
Un suivi personnalisé professionnel et social du bénéficiaire d'un emploi d'avenir est assuré pendant le temps de travail par Pôle emploi, les missions locales ou d'autres acteurs du service public de l'emploi (l'un des organismes mentionnés à l'article L. 5314-1 N° Lexbase : L2594H9X ou au 1° bis de l'article L. 5311-4 N° Lexbase : L8868IQI ou par la personne mentionnée au 2° de l'article L. 5134-19-1 N° Lexbase : L2789IUT).
Un bilan relatif au projet professionnel du bénéficiaire et à la suite donnée à l'emploi d'avenir est notamment réalisé deux mois avant l'échéance de l'aide relative à l'emploi d'avenir (C. trav., art. L. 5134-112).
2 - Formation du jeune en emploi d'avenir
L'objectif poursuivi est de favoriser l'inscription du jeune dans un parcours de formation et de qualification . L'emploi d'avenir a pour objet non seulement de faciliter l'insertion professionnelle mais aussi l'accès à la qualification des jeunes sans emploi.
La demande d'aide doit préciser les modalités d'organisation du temps de travail envisagées afin de permettre la réalisation des actions de formation. La durée de versement de l'aide accordée à l'employeur est prolongée si le jeune est engagé dans une formation dont le terme excède la durée maximale de trente six mois prévue pour les emplois d'avenir.
- Attestation
Les compétences acquises dans le cadre de l'emploi d'avenir sont reconnues par une attestation de formation, une attestation d'expérience professionnelle ou une validation des acquis de l'expérience prévue à l'article L. 6411-1 (N° Lexbase : L3013H9H). Elles peuvent également faire l'objet d'une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (C. trav., art. L. 5134-117 N° Lexbase : L2723IUE).
- Issue du contrat
La présentation à un examen ou à un concours doit être favorisée, pendant ou à l'issue de l'emploi d'avenir (C. trav., art. L. 5134-117) (15).
- Accès aux autres contrats aidés
Le jeune peut prétendre, à l'issue de son emploi d'avenir, aux contrats d'apprentissage, aux contrats de professionnalisation, ainsi qu'aux actions entrant dans le cadre de la formation professionnelle continue, selon des modalités définies dans le cadre d'une concertation annuelle au sein du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP)(C. trav., art. L. 5134-117).
C - Aides au bénéfice des employeurs
- Montant de l'aide
Un arrêté du ministre chargé de l'Emploi et du ministre chargé du Budget fixe les taux de prise en charge déterminant le montant de l'aide financière relative à l'emploi d'avenir (C. trav., art. R. 5134-166 N° Lexbase : L3180IUC ; arrêté du 31 octobre 2012 fixant le montant de l'aide de l'Etat pour les emplois d'avenir).
Le montant de l'aide de l'Etat pour les emplois d'avenir conclus sous forme de contrats initiative-emploi (CIE) est fixé, dans le cas général, à 35 % du taux horaire brut du SMIC. Pour les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, et les entreprises d'insertion, qui sont éligibles au contrat initiative-emploi, le taux de prise en charge est fixé à 47 % du taux horaire brut du SMIC (arrêté du 31 octobre 2012, fixant le montant de l'aide de l'Etat pour les emplois d'avenir, art. 2).
Le montant de l'aide de l'Etat pour les emplois d'avenir conclus sous forme de contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) est fixé à 75 % du taux horaire brut du salaire minimum de croissance (arrêté du 31 octobre 2012, fixant le montant de l'aide de l'Etat pour les emplois d'avenir, art. 1).
- Durée de l'aide
L'aide relative à l'emploi d'avenir est accordée pour une durée minimale de douze mois et pour une durée maximale de trente-six mois, sans pouvoir excéder le terme du contrat de travail. Lorsque l'aide a été initialement accordée pour une durée inférieure à trente-six mois, elle peut être prolongée jusqu'à cette durée maximale.
A titre dérogatoire, afin de permettre au bénéficiaire d'achever une action de formation professionnelle, une prolongation de l'aide au-delà de la durée maximale de trente-six mois peut être autorisée. La durée de la prolongation ne peut excéder le terme de l'action concernée (C. trav., art. L. 5134-113 N° Lexbase : L2719IUA ; art. R. 5134-167 N° Lexbase : L3181IUD) (16).
- Versement de l'aide
L'aide relative à l'emploi d'avenir est attribuée au vu des engagements de l'employeur sur le contenu du poste proposé et sa position dans l'organisation de la structure employant le bénéficiaire de l'emploi d'avenir, sur les conditions d'encadrement et de tutorat ainsi que sur la qualification ou les compétences dont l'acquisition est visée pendant la période en emploi d'avenir (C. trav., art. L. 5134-114).
L'exécution des engagements de l'employeur, notamment en matière de formation, est examinée par l'autorité délivrant la décision d'attribution de l'aide à chaque échéance annuelle (C. trav., art. R. 5134-168 N° Lexbase : L3182IUE).
En cas de non-respect de ses engagements par l'employeur, notamment en matière de formation, le remboursement de la totalité des aides publiques perçues est dû à l'Etat (C. trav., art. L. 5134-114 ; art. R. 5134-168).
(1) LSQ n° 16200 du 11 octobre 2012. Le transfert aux Urssaf des contributions dues au titre du contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Ce transfert avait été programmé pour le 1er janvier 2013 au plus tard par la loi dite "Cherpion" du 28 juillet 2011 (N° Lexbase : L8283IQT).
(2) Bibliographie particulièrement abondante. V. not. C. Minni, L. Omalek et P. Pommier, Emploi et chômage des 15-29 ans en 2008, Dares, 1ères informations, 1ères synthèses, septembre 2009, n° 39.1 ; E. Coudin et C. Tavan, Deux étudiants du supérieur sur dix ont un emploi, Insee Première n° 1204, Insee, juillet 2008 ; S. Durier et P. Poulet, Formation initiale, orientations et diplômes de 1985 à 2002, Education et formations, n° 74, ministère de l'Education nationale, avril 2007 ; Y. Fondeur et C. Minni, L'emploi des jeunes au cour des dynamiques du marché du travail, Données Sociales, Insee, 2006 ; F. Lefresne, Les jeunes et l'emploi, Repères n° 365, La Découverte, 2003 ; O. Marchand, Taux de chômage des jeunes, mode d'emploi, Dr. soc., juin 2006 ; C. Minni, Structure et évolution de la population active selon l'âge, Données Sociales, Insee 2006 ; P. Poulet-Coulibendo, Les études combinées avec les emplois des jeunes : comparaison entre pays européens, 2009 ; Éducation et Formations n° 78, ministère de l'Education nationale, Des emplois pour les jeunes : France, 2009, OCDE ; v. nos obs., Gérer les difficultés d'accès des jeunes au marché du travail : des politiques publiques en quête de sens, RDSS, 2010, p. 355. Les données les plus récentes sont accessibles dans l'étude d'impact, projet de loi portant création des emplois d'avenir, août 2012.
(3) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale n° 148, 5 septembre 2012 ; F. Dumas, Avis, Assemblée nationale n° 147, 4 septembre 2012 ; C. Jeannerot, Rapport, Sénat n° 768 (2011-2012), 18 septembre 2012 ; F. Cartron, Avis, Sénat n° 772 (2011-2012), 20 septembre 2012 ; J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 237 et C. Jeannerot, Rapport, Sénat n° 1 (2012-2013), 2 octobre 2012.
(4) LSQ n° 16216 du 6 novembre 2012.
(5) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 148, 5 septembre 2012, préc., p. 47 ; C. Jeannerot, Rapport, Sénat, n° 768 (2011-2012), 18 sept. 2012, préc., p. 13 et p. 19.
(6) C. Jeannerot, Rapport, Sénat, n° 768 (2011-2012), 18 septembre 2012, préc., p. 13 et p. 19.
(7) Comme le note les Cahiers, le Conseil constitutionnel contrôle étroitement les dispositions législatives générant une différenciation positive dans le recrutement à des emplois publics. En effet, le principe de l'égal accès des citoyens aux emplois public impose que, dans les nominations de fonctionnaires, il ne soit tenu compte que de la capacité, des vertus et des talents (décisions n° 85-204 DC du 16 janvier 1986, loi portant diverses dispositions d'ordre social N° Lexbase : A8133AC9, cons. 7 et n° 82-153 DC du 14 janvier 1983, loi relative au statut général des fonctionnaires N° Lexbase : A8069ACT, cons. 5).
(8) JCP éd. A, n° 44, 5 novembre 2012, act. 738.
(9) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 148, préc., p. 52.
(10) Le schéma d'orientation régional définit la stratégie territoriale de mise en oeuvre des emplois d'avenir, notamment : les filières et secteurs d'activité prioritaires pour le déploiement des emplois d'avenir, en particulier les secteurs qui présentent un fort potentiel de création d'emplois ou offrent des perspectives de développement d'activités nouvelles, en cohérence avec les stratégies de développement économique et de développement des compétences au niveau régional ; les principaux parcours d'insertion et de qualification qui peuvent être proposés dans ces différents filières et secteurs.
(11) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 148, préc., p. 56 ; C. Jeannerot, Rapport, Sénat, n° 768 (2011-2012), préc., p. 14 et p. 19.
(12) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 148, préc., p. 55.
(13) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 148, préc., p. 58.
(14) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 148, préc., p. 59 ; C. Jeannerot, Rapport, Sénat, n° 768 (2011-2012), 18 septembre 2012, préc., p. 13 et p. 19.
(15) C. Jeannerot, Rapport, Sénat, n° 768 (2011-2012), 18 septembre 2012, préc., p. 14 et p. 19.
(16) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 148, préc., p. 56.
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Réf. : Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP
Le 19 Février 2013
Définition actuelle. Même si les dispositions du Code civil encore en vigueur aujourd'hui ne contiennent aucune définition formelle du mariage, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 13 mars 2007 (1), à la suite du tribunal de grande instance (2) et de la cour d'appel de Bordeaux (3), et conformément à la doctrine quasi unanime, que "selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme". Saisi par une QPC, de la constitutionnalité de cette définition, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 28 janvier 2011 (4), considéré tout à fait logiquement que "la liberté [constitutionnelle] du mariage ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel". C'est dire que la compétence pour définir les conditions du mariage appartient au législateur et que le mariage peut être réservé à deux personnes de sexe différent. Le Conseil constitutionnel suggérait dans cette décision que le législateur pouvait modifier la définition du mariage qui résulte aujourd'hui des textes du Code civil. Il lui est, en effet, à "tout moment loisible [...], statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel". Ce faisant, le Conseil semble admettre par avance qu'il ne s'opposera pas à une définition du mariage qui ne reposerait pas sur la différence de sexe.
Evolution. Ce qui était traditionnellement une évidence a pourtant progressivement subi un infléchissement face aux revendications des couples homosexuels. Comme l'affirme l'exposé des motifs du projet de loi, "l'idée de l'ouverture du mariage aux personne de même sexe a constamment progressé depuis le vote de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité (N° Lexbase : L7500AIM), une majorité de français y étant aujourd'hui favorable".
Liberté de choix. Même si les auteurs du projet de loi affirment qu'"une nouvelle étape doit être franchie", il doit être rappelé qu'il ne s'agit pas d'un choix auquel le législateur français serait contraint par une autorité supranationale. La Cour européenne des droits de l'Homme a, en effet, dans l'arrêt "Schalk et Kopf c/ Autriche" rendu le 24 juin 2010 (5), refusé d'imposer aux Etats membre du Conseil de l'Europe la consécration du mariage homosexuel, tout en admettant que le mariage entre personnes du même sexe fait partie du champ d'application de l'article 12 de la Convention (N° Lexbase : L4745AQS) qui consacre le droit au mariage. Le juge de Strasbourg laisse ainsi aux Etats la liberté de choisir ou non de reconnaître le mariage homosexuel.
Choix politique. C'est donc bien librement que le projet de loi opère un choix en faveur du mariage homosexuel en proposant une nouvelle définition du mariage dans l'article 143 du Code civil. En vertu de ce texte, "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe". Ainsi, le Code civil contiendrait désormais une définition du mariage qui permettrait d'écarter la condition actuelle, non dite mais bien réelle, de la différence de sexe. Le mariage pourra donc être conclu entre un homme ou une femme, entre deux hommes ou entre deux femmes. Même si c'est cette évolution apparaît somme toute logique et bienvenue, le juriste, spécialiste de droit de la famille, ne peut s'empêcher de ressentir un certain frisson face à ce qui est sans aucun doute une révolution, remettant en cause des siècles de tradition...
Ajustements. La nouvelle définition du mariage entraîne la modification d'un certain nombre de textes dans le sens d'une neutralisation, d'un abandon de toute référence à la différence de sexe. Ainsi, l'article 144 (N° Lexbase : L1380HIX) qui prévoit l'âge matrimonial est réécrit pour faire disparaître la référence à l'homme et à la femme ; il dispose désormais, que "le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus". Dans le même sens, les dispositions relatives aux empêchements à mariage sont reformulées pour interdire à deux personnes de même sexe de se marier alors qu'existent entre elles des liens familiaux ; il en va notamment ainsi du neveu et de l'oncle ou de la nièce et de la tante.
Droit international. Le projet de loi fait le choix étonnant du prosélytisme en permettant que puissent se marier en France deux personnes de même sexe dont la loi personnelle ne permet pas le mariage homosexuel. En effet, après affirmé le principe selon lequel "les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies pour chacun des époux, par sa loi personnelle", un nouvel article 202-1 prévoirait que "la loi personnelle d'un époux et écartée sous réserver des engagements internationaux de la France, en tant qu'elle fait obstacle au mariage de deux personnes de même sexe lorsque la loi de l'Etat sur le territoire duquel est célébré le mariage le permet". Cette solution détonnerait parmi les législations de la plupart des pays d'Europe qui connaissent le mariage homosexuel et le réservent à leurs ressortissants, ou au moins à des personnes vivant depuis longtemps sur leur territoire. Ce choix ne paraît pas particulièrement judicieux dans la mesure où il risque de conduire à des situations boiteuses, le mariage de la personne, célébré en France, ne pouvant être reconnu dans son pays d'origine. Il est d'ailleurs peu conforme à la tendance française consistant à respecter les différences de législations, qui fonde notamment l'interdiction d'adopter un enfant dont la loi nationale prohibe cette institution (C. civ., art. 370-3, alinéa 2 N° Lexbase : L8428ASX).
Effets du mariage. Le projet de loi ne contient pas davantage de dispositions relatives aux effets du mariage entre personnes de même sexe. Une débauche de textes serait en effet inutile puisqu'il suffit de définir le mariage comme pouvant être l'union de deux personnes de même sexe pour accorder à ces dernières l'ensemble des effets du mariage, sur le plan patrimonial comme sur le plan personnel. Les couples mariés de même sexe pourront ainsi, notamment, bénéficier de la pension de réversion et seront soumis en cas de séparation aux règles du divorce, deux points qui constituent les principaux apanages du mariage. Les couples mariés continueront ainsi à bénéficier d'un statut privilégié ce qui est d'autant moins gênant que le mariage est désormais accessible à tous. Le Conseil constitutionnel (6), comme la Cour européenne des droits de l'Homme (7), considèrent que les couples mariés ne sont pas placés dans la même situation que les couples de concubins ou de partenaires, et admettent que le mariage puisse conférer un statut particulier aux époux.
Terminologie Sur le plan terminologique, il n'est pas nécessaire de procéder à de nombreuses modifications : les textes relatifs au mariage étaient en effet déjà quasiment tous asexués et ne se référaient pas au mari et à la femme mais aux époux, à l'exception de l'article 75 (N° Lexbase : L6646IM4) relatif à l'acte de mariage. Sont également concernés certains textes du Code des pensions civiles et militaires de retraite -qui visaient les veuves, remplacées par les conjoints survivants-, le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ou le Code de la Sécurité sociale dans lequel "la femme assurée" est remplacée par "l'assuré".
Mariage antérieur à la loi future De manière pour le moins surprenante, et contraire au principe de non rétroactivité des lois de l'article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4), le projet de loi prévoit que les mariages contractés entre personnes du même sexe avant l'entrée en vigueur de la loi et conformes aux exigences relatives à l'âge matrimonial, au consentement, à l'absence de mariage antérieur, ou aux empêchements à mariage, seront rétroactivement validés. On peut supposer que cette validation rétroactive ne concernera pas les mariages annulées définitivement par une décision judiciaire, sous peine de porter atteinte au principe de la garantie des droits de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (8), ainsi qu'au droit au juge consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et qui s'oppose, sauf exception, "à toute ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige" (9). Cette disposition permettrait cependant aux maires qui le souhaiteraient de célébrer des mariages avant l'entrée en vigueur de la loi, en comptant sur le fait que cette dernière les validera a posteriori.
II - L'accès des couples homosexuels mariés à l'adoption
Reconnaissance indirecte. En réalité, l'accès des couples homosexuels mariés à l'adoption n'a pas besoin d'être consacré par une nouvelle disposition spécifique puisque la possibilité d'adopter, qui découle du mariage, bénéficie automatiquement aux époux de même sexe (C. civ., art. 343 N° Lexbase : L2848AB4). Il n'en reste pas moins qu'un choix délibéré a été fait d'ouvrir l'adoption aux couples mariés de même sexe, sans d'ailleurs que l'exposé des motifs ne contienne d'explications sur ce point. Le projet de loi aurait pu réserver l'adoption aux couples mariés hétérosexuels comme l'avait fait le législateur belge dans un premier temps. En ne posant aucune restriction, le projet de loi permet à tous les couples, dès lors qu'ils sont mariés d'accéder à l'adoption. L'accès des couples à l'adoption serait certes réservé aux couples mariés à l'exclusion des concubins ou des pacsés. Toutefois cette différence de traitement, qui correspond à une différence de situation, ne paraît pas gênante dans la mesure où tous les couples ont accès au mariage.
Adoption par le couple. Les couples de même sexe mariés accèderont ainsi à l'adoption plénière comme à l'adoption simple, en vertu de l'article 343 du Code civil, qui dispose que "l'adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans". L'adoption sera alors prononcée à l'égard des deux époux qui deviendront les parents, de même sexe, de l'enfant adopté. Là encore, le changement est saisissant. Pour la première fois, la loi admettrait qu'une filiation peut être doublement maternelle ou doublement paternelle. Certes la voie est étroite, cette parenté homosexuelle étant accessible par la seule voie de l'adoption qui constitue une fiction juridique. On peut par ailleurs craindre que les couples homosexuels mariés rencontrent certaines difficultés pour obtenir un agrément ; une fois celui-ci obtenu, ils se heurteront en outre à la réticence de certains pays à leur égard. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un bouleversement majeur qui aura à plus ou moins long terme des effets sur l'ensemble du droit de la filiation.
Procréation médicalement assistée. Un certain nombre de voix s'élèvent d'ailleurs pour ouvrir plus largement l'accès à l'homoparenté en permettant à un couple de femmes d'accéder à la procréation médicalement assistée, l'enfant étant alors rattaché aux deux membres du couple. Le projet de loi ne va pas aussi loin, sans doute pour tenter de ménager les opposants à l'homoparenté. Cette méthode des "petits pas" peut paraître sage en ce qu'elle évite de repenser tout de suite l'ensemble du droit de la filiation. Certains considèrent pourtant qu'elle manque de cohérence et risque d'entraîner une nouvelle modification législative à brève échéance (10).
Adoption de l'enfant du conjoint. Les couples de même sexe mariés bénéficieront également de l'article 365 du Code civil (N° Lexbase : L3826IR7) qui permet l'adoption par un époux de l'enfant de son conjoint, sans transfert à l'adoptant de l'exercice de l'autorité parentale. Cette faculté permettra de résoudre les difficultés auxquelles se heurtent les concubines qui souhaitaient que l'enfant de l'une d'elle, souvent né d'une procréation médicalement assistée, fondée sur un projet commun, soit rattaché juridiquement à l'autre et qui se heurtaient à la jurisprudence contraire de la Cour de cassation (11). Il suffira pour résoudre cette difficulté qu'elles convolent en justes noces... Il reste toutefois que la procréation médicalement assistée n'est pas ouverte en France aux femmes célibataires, ce qui les obligera à avoir recours à une procréation médicalement assistée à l'étranger.
Dispositions de coordinations. L'accès des couples de même sexe à l'adoption nécessite de revisiter l'ensemble des textes relatifs à la parenté pour supprimer les références aux "père et mère" pour la remplacer par la référence "aux parents". Toutefois, l'exposé des motifs précise que ces substitutions ne concernent que les articles qui s'appliquent à tous les couples ; dans les autres cas, les articles ne sont pas modifiés. Tel est le cas dans l'ensemble des dispositions concernant la filiation établie par le seul effet de la loi. On se dirige donc vers un régime distinct de la filiation selon qu'elle est ou non adoptive et donc accessible ou non aux couples de mêmes sexe.
Le projet de loi contient une liste fort longue de textes qui devront être modifiés (12). Dans le Code civil, ils sont relatifs aux actes de l'état civil, à l'obligation alimentaire, à l'adoption, à l'autorité parentale, à l'assistance éducative, à la tutelle, et aux successions. Les modifications terminologiques concernent également les dispositions contenant une référence au père et mère contenues dans divers autres codes : le Code de l'action sociale et des familles, le Code général des impôts, le Code de la Sécurité sociale, le Code de procédure pénale, le Code du travail mais aussi le Code de l'environnement, le Code de la défense, ou encore le Code de la justice militaire.
Nom de l'adopté. Le projet de loi contient un certain nombre de dispositions novatrices relatives au nom de l'adopté tenant compte du fait que les dispositions de l'article 311-21 du Code civil (N° Lexbase : L8864G98) relatives au choix du nom par les parents, applicables en principe à l'adoption par un couple, ne sont pas totalement transposables au couple de même sexe. En effet, la règle de l'attribution du nom du père en cas d'absence de choix des parents ne peut évidemment pas s'appliquer dans un couple homosexuel.
Option. Un nouvel article 357, totalement réécrit, prévoit ainsi qu'en cas d'adoption par deux époux, ou de l'adoption de l'enfant du conjoint, les adoptants peuvent, par déclaration conjointe, choisir d'attribuer à l'enfant soit le nom de l'un d'entre eux, soit leurs noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux, tous les enfants communs devant par ailleurs porter le même nom. En l'absence de déclaration conjointe mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci portera un nom composé du nom de chacun des époux (dans la limite du premier nom de famille le cas échéant) placé dans l'ordre alphabétique. Cette règle, applicable à tous les enfants adoptés par un couple marié, diffère de celle applicable à la filiation par le sang dans le cadre de laquelle, en cas de désaccord ou défaut de choix, l'enfant se verra attribuer le nom du père. Elle fait partie des dispositions du projet de loi qui, selon l'exposé des motifs, sont destinées à "instaurer une autonomie des règles applicables dans le cas de l'adoption afin d'éviter l'usage inadapté des anciennes dispositions sexuées sur le nom de l'adopté".
Nom du conjoint de l'adoptant. Jugées "désuètes", les dispositions de l'article 357 permettant, en cas d'adoption par une personne seule mariée, que l'adopté puisse porter le nom du conjoint de l'adoptant alors qu'aucun lien de filiation n'était établi à son égard, sont supprimées par le projet de loi.
Adoption simple par deux époux. En cas d'adoption simple par deux époux, le principe est le choix par ces derniers du nom qui sera accolé à celui de l'adopté, dans la limite d'un seul nom et avec le consentement de celui-ci s'il a plus de treize ans ; à défaut d'accord, ce ne sera plus le nom du mari qui sera ajouté au nom de l'adopté mais le nom de l'adoptant qui vient en premier selon l'ordre alphabétique.
Adoption simple. Profitant de la modification des textes relatifs au nom de l'adopté, le projet de loi limite de manière tout à fait opportune la modification automatique et obligatoire du nom de l'adopté simple par l'adjonction du nom de l'adoptant. Le nouvel article 363 du Code civil subordonne cette adjonction au consentement de l'adopté s'il est majeur. Par ailleurs, en cas de l'adoption de l'enfant du conjoint, le tribunal pourra décider, à la demande de l'adoptant, que l'adopté conservera son nom d'origine. A l'inverse, le tribunal pourra toujours décider, à la demande de l'adoptant, que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant ou des époux, le cas échéant.
Congé d'adoption. Le projet de loi prévoit, enfin, de modifier plusieurs dispositions du Code de la Sécurité sociale et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L7077AG9) pour que le bénéfice du congé d'adoption soit ouvert aux adoptants, sans considération de leur sexe, et qu'il soit réparti entre les parents adoptifs ; dans cette hypothèse, le congé sera prolongé d'une durée équivalente à l'actuel congé de paternité. Pour ce qui concerne la majoration de durée d'assurance en matière de retraite, le projet de loi prévoit qu'en cas d'absence de choix des parents et en l'absence de désaccord d'un de ses membres dans un couple de même sexe, il est proposé un partage égal des trimestres, alors que dans les couples de sexe différent l'avantage est accordé à la mère.
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Réf. : Cass. com., 30 octobre 2012, n° 11-12.231, F-D (N° Lexbase : A3290IWR)
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy (Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 1138, Nancy)
Le 16 Novembre 2012
En application des règles de droit et des solutions jurisprudentielles, il est indispensable de déterminer la date de la survenance de la cessation des paiements (A), afin de savoir si le dirigeant de la société débitrice a respecté le délai légal pour procéder à la déclaration de cessation des paiements (B).
A - La caractérisation de la cessation des paiements
En application de l'article L. 631-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3381IC9) (1), la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Ainsi, pour déterminer si cette dernière est survenue, il faut comparer les deux éléments de la définition, c'est-à-dire, comparer le passif exigible avec l'actif disponible du débiteur. Tout d'abord, le passif exigible est composé de toutes les dettes échues au jour où le tribunal statue. Toutefois, lorsque la détermination de la date de la cessation des paiements du débiteur intervient postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire, il n'y a pas lieu de prendre en compte les dettes devenues échues en raison de la déchéance du terme provoquée juridiquement par le régime juridique propre à cette procédure collective. Dans la présente affaire, il ne semble pas que la détermination du passif exigible au moment de l'ouverture de la procédure collective de la société débitrice ait causé la moindre difficulté, contrairement à l'actif disponible. En effet, il est également indispensable de préciser sa composition et de le chiffrer précisément, afin de fixer le montant total de l'actif disponible avant de le comparer, de le confronter au passif exigible du débiteur. A défaut, les juges ne caractérisent pas l'état de cessation des paiements de ce dernier. La Cour de cassation est particulièrement vigilante sur ce point, censurant les décisions du fond pour défaut de motivation dès lors que l'arrêt critiqué ne permet pas de savoir quel est le montant du passif exigible, quel est celui de l'actif disponible l'empêchant de pouvoir contrôler, si au jour où la cour d'appel a statué, le débiteur était effectivement en état de cessation des paiements. En l'occurrence, la cour d'appel retient que la déclaration de cessation des paiements en date du 2 décembre 2004 a été effectuée au-delà du délai légal de quinze jours pour les procédures antérieures à 2006, dès lors qu'il résulte que, dès janvier 2004, certains créanciers n'étaient pas réglés et qu'en juillet et novembre 2004 des chèques ont été rejetés par la banque pour défaut de provision. Ainsi, aucune information n'étant donnée quant à la consistance de l'actif disponible, il n'est pas possible juridiquement parlant de déterminer la date de survenance de la cessation des paiements de la société débitrice.
B - Le non-respect de l'obligation légale de déclarer la cessation des paiements
A défaut de pouvoir déterminer avec précision la date de cessation des paiements, par voie de conséquence, il n'est pas possible d'affirmer, comme le fait la cour d'appel dans la présente affaire, que la déclaration de cessation des paiements a été effectuée tardivement.
En effet, sous l'empire des dispositions légales applicables à la procédure ouverte à l'égard de la société débitrice, le représentant légal de celle-ci était tenu de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans les quinze jours de sa survenance (2). Par ailleurs, commet une faute, le dirigeant de la société débitrice qui ne demande pas l'ouverture d'une procédure collective dans ce délai (3), susceptible de faire prononcer une mesure d'interdiction de gérer. Telle était bien la situation du dirigeant dans la présente affaire. Or, à défaut de pouvoir déterminer avec précision la date de cessation des paiements, il n'est pas possible de savoir si la déclaration est tardive ou non. Pour cette raison, la Cour de cassation censure la cour d'appel, la faute reprochée au dirigeant n'est pas caractérisée, et par conséquent, il ne peut être condamné à l'appui d'un acte qui n'est pas qualifié comme tel.
La loi du 26 juillet 2005 a modifié quelque peu la situation sur ce point. En effet, pour les procédures ouvertes après le 1er janvier 2006, le débiteur a l'obligation de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans un délai de quarante-cinq jours, le législateur ayant pris acte de la difficulté de déterminer avec exactitude la survenance de la cessation des paiements lors de l'apparition des difficultés financières. En outre, ce délai de quarante-cinq jours permet de sanctionner le débiteur lorsque ce dernier a effectivement conscience de la cessation des paiements, notamment parce qu'il n'aura pas pu procéder au règlement lors de l'échéance mensuelle survenue au cours de ces quarante-cinq jours.
II - L'obligation de caractériser la faute ayant contribué à l'insuffisance d'actif
Que ce soit en matière d'action en comblement du passif (ancien régime) ou d'action en responsabilité pour insuffisance d'actif (nouveau régime), le dirigeant de la personne morale débitrice ne peut être sanctionné que s'il a commis une faute (ou plusieurs fautes) de gestion (A) ayant contribué à cette insuffisance d'actif (B).
A - La faute de gestion
L'action en responsabilité intentée contre le dirigeant de fait de la société débitrice est destiné à réparer le préjudice subi par les créanciers du fait de l'insuffisance d'actif du débiteur. Avant 1985, cette responsabilité spéciale au droit des entreprises en difficulté était fondée sur une présomption de faute des dirigeants de la personne morale soumise à une procédure collective. Depuis, la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), la mise en jeu de cette responsabilité nécessite une faute prouvée par le mandataire de justice. La réforme de 2005 a maintenu cette exigence, qui se situe au coeur de cette affaire.
La faute du dirigeant doit, par ailleurs, être une faute de gestion, notion qui semble être plus large que la faute commise dans la gestion énoncées aux articles L. 223-22 (N° Lexbase : L5847AIE) et L. 225-251 (N° Lexbase : L6122AIL) du Code de commerce (4). Toutefois, la jurisprudence fait une application relativement souple de la notion de faute de gestion dès lors que ce qui est reproché au dirigeant poursuivi est en relation directe avec la gestion de l'entreprise de la personne morale débitrice.
Enfin, la loi ne comporte aucune précision quant aux caractéristiques de la faute. Par conséquent, il n'y a pas lieu de considérer qu'il faille un faute d'une gravité suffisante pour qu'elle puisse être prise en compte dans le but d'actionner la responsabilité pécuniaire du dirigeant. Ainsi, dans la présente affaire, le mandataire de justice reprochait au dirigeant de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements de la société débitrice dans le délai légal, et de ne pas avoir remis une comptabilité complète au liquidateur. En effet, il faut et il suffit que cette faute ait contribué à la création de l'insuffisance d'actif constatée lors de la procédure collective. Ainsi, la déclaration tardive de la cessation des paiements, et la tenue d'une comptabilité qui n'est pas conforme aux prescriptions du livre Ier du Code de commerce, s'agissant d'une société commerciale, peuvent effectivement être qualifiées de faute de gestion.
B - La contribution à l'insuffisance d'actif
Ainsi, la faute de gestion ne suffit pas à elle seule à entraîner la responsabilité du dirigeant. Il faut, en outre, que cette dernière ait contribué à l'insuffisance d'actif, ce que confirme la Cour de cassation dans cet arrêt du 30 octobre 2012. Sous l'empire des dispositions antérieures à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, il semble que la jurisprudence admettait plus facilement la contribution de la faute à l'apparition de l'insuffisance d'actif. En effet, il suffit qu'une faute commise par le dirigeant soit pour partie à l'origine de cette insuffisance d'actif pour faire condamner le dirigeant (5). Telle semblait être la situation car le retard dans la déclaration de cessation des paiements ne peut être retenu, faute de déterminer avec précision la date de survenance de cette dernière. En outre, il paraît douteux que la seule remise d'une comptabilité partielle suffise à créer l'insuffisance d'actif constatée dans cette liquidation judiciaire.
La réforme de 2005 semble avoir apporté un peu de rigueur en la matière, car les dispositions légales actuelles font expressément référence à la "contribution" de la faute à l'insuffisance d'actif social. Par conséquent, toute faute de gestion commise par le dirigeant ne pourrait plus justifier sa condamnation à payer tout ou partie des dettes sociales impayées dans le cadre de la liquidation judiciaire. Il faudrait que les fautes qui lui sont reprochées aient eu un impact réel et effectif sur l'apparition de l'insuffisance d'actif. Dans l'arrêt du 30 octobre 2012, alors que la procédure collective est régie par les dispositions antérieures à 2005, il semble que la Cour de cassation se soit inspirée des nouveaux textes (6), lorsqu'elle censure la cour d'appel pour ne pas avoir caractérisé en quoi les fautes reprochées au dirigeant contribuaient à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société.
Par cette décision, la Cour de cassation s'inspire donc des nouvelles dispositions légales pour contrôler les conditions d'application des mesures de sanctions prononcées à l'encontre des dirigeants de personne morale débitrice, tout en respectant les conditions d'application dans le temps des nouveaux textes. Cette méthode semble plus conforme aux respects des libertés fondamentales, car sur le terrain de l'équité, il peut paraître anormal de condamner un dirigeant en raison de fautes commises alors que celles-ci ne sont pas à l'origine de l'insuffisance d'actif du débiteur.
(1) Ancien art L. 620-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L6852AIM) pour la procédure collective ouverte dans la présente affaire.
(2) Ancien article L. 621-1, alinéa 2, du Code de commerce.
(3) Ancien article L 625-5, 5° du Code de commerce.
(4) F. Derrida, P. Godé, J.-P. Sortais, Redressement et liquidation judiciaires, Dalloz, 3ème éd., 1991, n° 458 b.
(5) Cass. com., 3 janvier 1995, n° 91-18.198 (N° Lexbase : A9176CMS), Bull. IV n° 440, ; Cass. com., 21 juin 2005, n° 04-12.087, F-P+B (N° Lexbase : A8180DIS), D., 2005, p. 1950, obs. A. Lienhard.
(6) C. com., art L. 651-2 (N° Lexbase : L8961IN9), modifié dernièrement par l'ordonnance de réforme n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 276415, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "Ordonnance n\u00b02008-1345 du 18 d\u00e9cembre 2008 portant r\u00e9forme du droit des entreprises en difficult\u00e9", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L2777ICT"}}).
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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine, Directeur adjoint de l'IRENEE
Le 15 Novembre 2012
Une nouvelle fois, la phase judiciaire de la procédure d'expropriation fait l'objet d'une décision du Constitutionnel statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité. En à peine plus d'un an, c'est, en effet, la cinquième fois que le Conseil passe au crible de son contrôle des dispositions du Code de l'expropriation. Ont, ainsi, été jugés conformes à la Constitution la non-indemnisation du préjudice moral subi par les personnes évincées (1), les modalités de calcul de l'indemnité principale définies par l'article L. 13-17 (N° Lexbase : L2942HLK) (2), ainsi que le caractère non contradictoire de la procédure en application de laquelle est rendue l'ordonnance d'expropriation (3). En revanche, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions des articles L. 15-1 (N° Lexbase : L2960HL9) et L. 15-2 (N° Lexbase : L2962HLB) du Code de l'expropriation, qui permettent la consignation de l'indemnité d'expropriation, étaient contraires à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1364A9E) (4).
La décision du 28 septembre 2012 porte, cette fois-ci, sur l'examen de la constitutionnalité de l'article L. 13-8 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2926HLX). Ces dispositions ont pour effet de limiter la compétence du juge de l'expropriation qui est exclue lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation de l'indemnité et à l'application des dispositions relatives à la réquisition d'emprise totale (5), à la réparation en nature (6) et au relogement des expropriés (7).
La notion de "contestation sérieuse sur le fond du droit" fait l'objet d'une jurisprudence assez fournie. Ainsi, par exemple, le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour trancher une contestation sérieuse relative à la fixation des limites des parcelles expropriées (8), ou pour modifier les limites ou les dimensions de ces parcelles (9). Il est, également, incompétent pour fixer l'indemnité et décider que l'expropriant doit s'en acquitter entre les mains d'une indivision successorale, dès lors qu'il existe une contestation sérieuse sur la propriété de la parcelle expropriée (10). Il ne peut pas non plus se prononcer sur l'existence d'un bail rural pour accorder une indemnité d'éviction au prétendu titulaire de ce bail sur les parcelles expropriées (11), pour apprécier la possibilité d'obtention d'un permis construire (12), ou encore, pour trancher une difficulté sérieuse sur la validité d'un accord amiable entre les parties (13).
Dans de telles hypothèses, cependant, le juge de l'expropriation, qui est compétent pour apprécier le caractère sérieux des questions qui lui sont soumises (14), n'a pas la possibilité de surseoir à statuer et de renvoyer une question préjudicielle au juge qu'il estime compétent. Tel est le cas en l'espèce, où les dispositions de l'article L. 13-8 du Code de l'expropriation s'opposaient à ce que la personne expropriée présente une question préjudicielle portant sur la légalité d'un plan local d'urbanisme. Le juge de l'expropriation est, en effet, tenu de fixer les indemnités de manière alternative, en fonction des différentes solutions qui peuvent être apportées au litige donnant lieu à contestation, et d'inviter les parties à se pourvoir devant la juridiction compétente, à défaut de quoi le jugement rendu encourrait la censure de la Cour de cassation (15). Pourtant, il est évident que la question de la légalité du plan local d'urbanisme a nécessairement une influence sur la détermination de la valeur des parcelles expropriées.
En l'espèce, les requérants étaient propriétaires indivis d'un terrain dont une partie était incluse dans l'assiette du projet d'infrastructure routière destinée à assurer une liaison entre un parc de stationnement et un stade. Devant le juge de l'expropriation, les requérants ont commencé par soulever deux questions préjudicielles en lui demandant de surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal administratif de Lyon se soit prononcé sur la légalité du plan local d'urbanisme et sur la légalité de l'arrêté pris par le ministre des Sports pour inscrire ce stade sur la liste des enceintes sportives déclarées d'intérêt général. Dans un second temps, ils ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité à l'encontre de l'article L. 13-8 du Code de l'expropriation. Cette question a été transmise au Conseil constitutionnel par la troisième chambre civile de la Cour de cassation par une décision du 10 juillet 2012 (16). Il s'agissait plus précisément de déterminer si cet article porte atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 16 (N° Lexbase : L1363A9D) et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, relatifs, respectivement, au droit à un recours juridictionnel effectif et à l'atteinte au droit de propriété.
Le Conseil constitutionnel relève, tout d'abord, que, lorsque le juge de l'expropriation fixe des indemnités alternatives, chacune de ces indemnités doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. Le mécanisme de l'article L. 13-18 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L3044HN3) n'a donc pas pour effet de minorer le montant des indemnités auquel a le droit la personne évincée, conformément aux dispositions de l'article L. 13-13 du même code (N° Lexbase : L2935HLB), qui définit les caractères du préjudice indemnisable. Les juges relèvent ensuite que l'ordonnance par laquelle le juge de l'expropriation fixe les indemnités est prise au terme d'une procédure contradictoire et qu'elle peut faire l'objet de recours. Enfin, et surtout, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que le juge de l'expropriation soit à nouveau saisi par les parties si la décision rendue par le juge compétent pour connaître de la contestation ou de la difficulté ne correspond pas à l'une des hypothèses qu'il avait initialement prévue. Cette possibilité n'est pas prévue par le Code de l'expropriation mais elle ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, et, plus précisément, d'un arrêt du 25 avril 2007 (17). Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait considéré qu'une décision irrévocable de la juridiction administrative annulant l'arrêté préfectoral ayant approuvé un plan d'occupation des sols, postérieurement à l'arrêt d'une cour d'appel fixant les indemnités, sans qu'ait été fixée par elle une indemnité alternative, constituait un fait juridique nouveau privant cet arrêt de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la seconde instance. Cette annulation avait une influence sur le classement des parcelles expropriées, et une nouvelle saisine du juge de l'expropriation, qui n'avait pas envisagé cette hypothèse, était possible.
L'article L. 13-18 du Code de l'expropriation est donc conforme à la Constitution, et plus précisément au droit à un recours effectif garanti par les articles 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Notons, toutefois, qu'une difficulté aurait pu survenir si les requérants avaient été privés de la possibilité de mettre en cause, devant le juge administratif, la légalité du plan local d'urbanisme litigieux, faute pour eux d'avoir exercé un recours pour excès de pouvoir contre ce document d'urbanisme dans le délai de recours contentieux.
Dans un arrêt du 12 septembre 2012, la Cour de cassation précise que l'autorité expropriante a l'obligation de reloger les étrangers en situation irrégulière, comme n'importe quel autre occupant de bonne foi concerné par une opération d'aménagement. Cette solution n'était, toutefois, pas évidente, puisqu'elle supposait que soient conciliés des textes apparemment contradictoires, l'un relevant de l'ordre public social, l'autre relevant de l'ordre public dans son acception plus traditionnelle. Il s'agit, d'une part, des articles L. 314-1 (N° Lexbase : L7428AC4) et suivants du Code de l'urbanisme qui imposent à la personne publique bénéficiaire d'une expropriation une obligation de relogement des occupants. Il s'agit, ensuite, de l'article L. 622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5886G4R) dont il résulte que "toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros". Il faut ici relever que ce texte a été récemment déclaré conforme aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme par la Cour de Strasbourg (18). Si l'occupant de l'immeuble exproprié -un immeuble meublé en l'espèce- est un étranger en situation irrégulière, l'autorité expropriante se trouve donc en fâcheuse posture, du fait de la contradiction apparente des dispositions susvisées.
Une première difficulté résolue par la Cour de cassation concerne la compétence du juge de l'expropriation pour statuer sur la question du relogement et de l'indemnisation de l'occupant. On le sait, la compétence de ce juge est précisément circonscrite par l'article L. 13-8 du Code de l'expropriation, dont il résulte que le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour trancher "une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L. 13-10 (N° Lexbase : L2929HL3), L. 13-11 (N° Lexbase : L2931HL7), L. 13-20 (N° Lexbase : L2945HLN) et L. 14-3 (N° Lexbase : L2959HL8)". Or, l'article L. 14-3 attribue justement compétence à ce juge pour trancher les contestations relatives au relogement des locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel.
Dans son pourvoi en cassation, la Ville de Paris soutient que, si les juges du fond ont considéré que si l'intéressé pouvait prétendre à un droit au relogement et à une indemnité d'éviction, c'est parce qu'ils ont nécessairement considéré que celui-ci séjourne de façon régulière sur le territoire français, ce qui implique qu'ils auraient été amenés à apprécier sa situation au regard des règles relatives au séjour des étrangers en France. Si la reconnaissance du droit au relogement dépendait, en effet, de la régularité du séjour en France du demandeur, il est plus que probable que la Cour aurait estimé que cette question était étrangère à la compétence du juge de l'expropriation. Or, tel n'est pas le cas, la confirmation par la Cour de cassation de la compétence du juge de l'expropriation impliquant nécessairement que la question de la régularité du séjour en France de la personne évincée n'entre pas en ligne de compte pour la détermination du droit au relogement.
Les juges rappellent ici que, selon l'article L. 521-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8434HE4), auquel renvoie l'article L. 314-1 du Code de l'urbanisme, le droit au relogement bénéficie aux "occupants de bonne foi", sans qu'aucune condition ne soit posée concernant la régularité du séjour du locataire évincé. Le fait que le requérant occupait une chambre depuis 1993 dans l'hôtel meublé que la Ville de Paris souhaite fermer et que cette chambre constitue son habitation principale suffit donc à le qualifier d'occupant de bonne foi ayant qualité, à ce titre, à bénéficier d'un droit au relogement et à indemnité prévu par l'article L. 314-2 du Code de l'urbanisme.
S'agissant, enfin, de la question de savoir si une offre de relogement faite à un étranger en situation irrégulière est constitutive du délit prévu par l'article L. 622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la Cour considère que "l'obligation de reloger, qui relève de l'ordre public social, est prévue de la manière la plus large pour tous les occupants de bonne foi", le fait qu'ils soient ou non en situation régulière n'ayant aucune incidence. En toute logique, la mise en oeuvre de l'obligation de relogement prévue par les articles L. 314-1 et suivants du Code de l'urbanisme ne saurait donc en aucun cas constituer une infraction pénale.
En application de l'article R. 11-3 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2619HHH), lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de travaux ou d'ouvrages, le dossier d'enquête doit au minimum comporter : une notice explicative, un plan de situation, le plan général des travaux, les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants, l'appréciation sommaire des dépenses. Ce dossier, conformément aux dispositions de l'article R. 11-4 du même code (N° Lexbase : L2624HHN), est mis à disposition du public qui pourra formuler des observations sur le registre ouvert à cet effet, à un lieu et à des heures précisés par l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique.
En l'espèce, le projet mis à l'enquête portait sur l'acquisition et la viabilisation de trois parcelles comprises dans le périmètre d'une zone d'aménagement concertée en vue de leur commercialisation comme terrains constructibles à usage d'activités. Le sommaire du dossier d'enquête publique comportait une notice explicative et huit annexes afférentes à la création de la ZAC et aux documents d'urbanisme applicables sur le secteur, l'étude d'impact qui avait été élaborée lors de la création de la ZAC, l'estimation de l'opération, un plan de situation et un plan parcellaire.
Or, dans les observations qu'il a consignées sur le registre de l'enquête, un administré a constaté que le dossier qui lui avait été remis ne comportait que les pièces relatives à la création de la ZAC, et non les trois parcelles, objets de l'enquête publique.
Pour sa défense, la collectivité expropriante se prévaut de ce que toutes les pièces ont été visées par le commissaire enquêteur et se trouvaient donc dans le dossier au début de l'enquête. Certes, aucune disposition du Code de l'expropriation n'impose au commissaire enquêteur de dater les pièces qui composent le dossier mis à la disposition du public. Pour la cour administrative d'appel, cependant, ce visa ne suffit pas à justifier que ces pièces soient demeurées dans le dossier pendant toute la période de l'enquête. Bien au contraire, un certain nombre d'indices tendent à démontrer que ces pièces n'étaient pas présentes au début de l'enquête. En effet, saisi par l'administré qui avait constaté que des pièces manquaient au dossier, le représentant de la collectivité expropriante s'était borné à lui faire parvenir une copie du profil en travers de la voirie à aménager, ce qui était évidemment insuffisant pour permettre l'appréciation de la consistance du projet. Il avait, également, admis qu'il manquait au dossier la notice explicative, l'estimation sommaire des dépenses, un plan de situation et un plan parcellaire, ce qui, d'ailleurs, n'avait pas été contesté par le commissaire enquêteur dans son rapport. En conséquence, l'appel formé par la communauté de communes contre la décision du tribunal administratif de Dijon annulant la déclaration d'utilité publique relative à l'achèvement de la zone d'aménagement concertée est rejeté.
(1) Cons. const., décision n° 2010-87 QPC du 21 janvier 2011 (N° Lexbase : A1520GQD), AJDA, 2011, p. 134, obs. S. Brondel et p. 447, note R. Hostiou, JCP éd. A, 2011, act. 79, Dr. adm. 2011, comm. 32, note H. Hoepffner, Constr.-Urb., 2011, comm. 37, note X. Couton.
(2) Cons. const., décision n° 2012-236 QPC du 20 avril 2012 (N° Lexbase : A1146IKN), Constr.-Urb., 2012, comm. 95, note X. Couton, RJEP, 2012, étude 5, P. Bon.
(3) C. expr. art. 13-17 ; voir Cons. const., décision n° 2012-247 QPC du 16 mai 2012 (N° Lexbase : A5086ILX), RD imm., 2012, p. 393, note R. Hostiou.
(4) Cons. const., décision n° 2012-226 QPC du 6 avril 2012 (N° Lexbase : A1495II9), AJDI, 2012, p. 527, note A. Lévy, Constr.-urb. 2012, comm. 95, note X. Couton, RD imm. 2012, p. 333, note Y. Jégouzo, F.-G. Trébulle, A. Van Lang et L. Fonbaustier.
(5) C. expr., art. L. 13-10 et L. 13-11.
(6) C. expr., art. L. 13-20.
(7) C. expr., art. L. 14-3.
(8) Cass. civ. 3, 22 novembre 2000, n° 99-70.231 (N° Lexbase : A8830CYP), Collectivités territoriales-Intercommunalité, comm. 48, note L. Erstein.
(9) Cass. civ. 3, 24 février 1993, n° 91-70.213 (N° Lexbase : A6099AHD), Bull. civ. III, n° 23, D. 1993, inf. rap. p. 67, D. 1993, somm. p. 196, obs. P. Carrias, JCP éd. G, 1993, IV, 1085, JCP éd. N, 1993, II, 40, Gaz. Pal., 8-10 août 1993, pan. dr. adm., p. 186, RD imm., 1993, p. 199, chron. C. Morel et F. Lamy, AJPI, 1994, p. 45, obs. A.B.
(10) Cass. civ. 3, 15 décembre 1999, n° 98-70.217 (N° Lexbase : A9398CTA).
(11) Cass. civ. 3, 12 mars 2003, n° 02-70.005, FS-P+B (N° Lexbase : A4259A7U), Bull. civ. III, n° 60, RD imm., 2003, p. 334, obs. C. Morel.
(12) Cass. civ. 3, 26 février 2003, n° 02-70.050, FS-D (N° Lexbase : A2942A74).
(13) Cass. civ. 3, 7 février 1990, n° 88-70.299 (N° Lexbase : A4258AH8), Bull. civ. III, n° 45, D. 1991, somm. p. 203, obs. P. Carrias.
(14) Cass. civ. 3, 18 juillet 1979, n° 78-70.165 (N° Lexbase : A7044IWS), Bull. civ. III, n° 160.
(15) Cass. civ. 3, 3 février 1999, n° 97-70.188, P+B (N° Lexbase : A8248CE9), Gaz. Pal., 1999, 1, pan. jurispr., p. 118.
(16) Cass. QPC, 10 juillet 2012, n° 12-40.038, FS-P+B (N° Lexbase : A8779IQ9).
(17) Cass. civ. 3, 25 avril 2007, n° 06-10.662, FS-P+B (N° Lexbase : A0267DWS).
(18) CEDH, 10 novembre 2011, Req. 29681/08 (N° Lexbase : A9119HZR), AJDA, 2011, p. 2205, note D. Roets, D., 2012, p. 390, obs. F. Jault-Seseke.
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Réf. : Arrêtés du 2 octobre 2012, "ALPAGE" (N° Lexbase : L2419IU7) ; "ADONIS" (N° Lexbase : L2301IUR) ; "BNDP" (N° Lexbase : L2422IUA) ; "ADELIE" (N° Lexbase : L2423IUB)
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par Bernard Thévenet, Conservateur des hypothèques honoraire, Avocat au barreau de Lyon
Le 15 Novembre 2012
A - ALPAGE
Par un arrêté du 2 octobre 2012, a été créé un traitement de données à caractère personnel de suivi du contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques dénommé "ALPAGE" (arrêté du 2 octobre 2012, portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel de suivi du contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques dénommé "ALPAGE" N° Lexbase : L2419IU7).
1 - Nature des données enregistrées (art. 3)
Les données à caractère personnel enregistrées dans l'application ALPAGE concernent, d'une part, les entreprises et les dirigeants et, d'autre part, les agents chargés du contrôle.
En ce qui concerne les contribuables et les dirigeants des entreprises, les données enregistrées sont les suivantes :
- nom, prénom, date et lieu de naissance ;
- dénomination sociale de l'entreprise ;
- adresse ;
- le cas échéant, numéros SIREN et SPI ;
- les éléments décrivant la situation professionnelle, économique et fiscale.
En ce qui concerne les agents chargés du contrôle, les données enregistrées sont les suivantes :
- nom, prénom ;
- éléments relatifs à la situation administrative.
- les éléments descriptifs du déroulement des opérations de contrôle ;
- zones bloc-notes qui ne doivent comporter que des informations sur le déroulement des opérations de contrôle fiscal, à l'exclusion de tout élément subjectif ;
- les éléments relatifs au suivi des dossiers de poursuites correctionnelles pour fraude fiscale.
Les données à caractère personnel traitées sont conservées dix ans postérieurement au dernier événement intervenu sur le dossier (art. 4).
2 - Utilisation de l'application (art. 2)
Le traitement informatique permet de :
- suivre le déroulement des programmes annuels de contrôle fiscal ;
- suivre l'activité des services en charge d'une action de contrôle (contrôle sur pièces et contrôle fiscal externe des particuliers et des professionnels) ;
- suivre les propositions de poursuites correctionnelles pour fraude fiscale consécutives aux opérations de contrôle.
3 - Commentaires
L'intitulé du présent arrêté pourrait donner à penser que cette application ALPAGE est récente. En réalité, elle a été créée en 1986 et a, depuis, connu différentes modifications nécessitées tant par les évolutions des systèmes d'exploitation que par les changements des structures administratives.
Cela dit, la très bonne lisibilité de cet arrêté, notamment sur le contenu des données à enregistrer, dispense d'un long commentaire. Toutefois, il paraît utile de situer cette application dans son contexte administratif et procédural.
a - Organisation du contrôle fiscal
Le contrôle fiscal est effectué par différents services de la direction générale des finances publiques :
- des services à compétence nationale, notamment la direction des vérifications nationales et internationales ; la direction nationale d'enquêtes fiscales ; la direction nationale des vérifications de situations fiscales ; la direction des grandes entreprises ;
- les directions de contrôle fiscal (DIRCOFI) qui ont une compétence interrégionale ;
- les services de contrôle fiscal départementaux.
La répartition des compétences entre ces différents services s'opère, en règle générale, sur la base du montant du chiffre d'affaires des entreprises.
A noter que ce ne sont pas les agents des services de contrôle qui sélectionnent eux-mêmes les contribuables qui doivent faire l'objet d'une vérification. Cette sélection est opérée par le directeur compétent sur la base de propositions argumentées qui lui sont présentées. C'est ainsi que, chaque année, l'administration établit des programmes de contrôle fiscal qui ont pour objet de coordonner l'action des services vérificateurs et d'assurer une égale répartition des contrôles sur l'ensemble du territoire. Cette programmation doit permettre d'harmoniser la densité du contrôle selon les secteurs géographiques ou professionnels, les types d'impôts et les catégories de contribuables (BOI-CF-DG-10-20120912, n° 160).
b - Fonctionnalités de l'application
L'utilisation première de l'application ALPAGE est donc d'enregistrer les dossiers programmés pour faire l'objet d'un contrôle fiscal, de l'ordre de 50 000 s'agissant du contrôle externe (les vérifications) et d'un peu plus de 800 000 s'agissant des contrôles sur pièces.
Ensuite, comme on le sait, un contrôle fiscal obéit à des règles très strictes, notamment en ce qui concerne l'information de la personne vérifiée et les délais dans lesquels les différentes phases du contrôle doivent se dérouler (voir, l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E0697AGW). L'application ALPAGE permet à l'agent qui conduit le contrôle, comme à sa hiérarchie, de suivre de manière précise le déroulement des opérations de vérification, y compris la mise en recouvrement des rappels d'impôts.
L'application est également utilisée pour suivre l'activité des services en charge d'une action de contrôle ainsi que pour alimenter l'appareil statistique relatif au contrôle fiscal. En effet, l'article 66 de la loi de finances pour 1976 (loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975) prévoit que les résultats du contrôle fiscal seront publiés en annexe du fascicule des voies et moyens de la loi de finances (projet de loi de finances pour 2013, voir le fascicule voies et moyens, p. 191 et s.)
A noter enfin que l'application ALPAGE est utilisée pour suivre les propositions de poursuites correctionnelles pour fraude fiscale consécutives aux opérations de contrôle . La commission des infractions fiscales a examiné, au cours de l'année 2011, 1 069 dossiers de propositions de poursuites correctionnelles pour fraude fiscale, dont 966 ont donné lieu à un avis favorable au dépôt d'une plainte (contre 981 en 2010, 939 en 2009 et 992 en 2008) et 103 à un avis défavorable.
S'agissant des conditions d'accès à cette application, voir infra.
B - Base nationale des données patrimoniales (BNDP)
Un arrêté du 2 octobre 2012 a modifié l'arrêté du 11 avril 2005 relatif à la mise en service par la DGFIP de la "Base nationale des données patrimoniales (BNDP)" (arrêté du 2 octobre 2012, modifiant l'arrêté du 11 avril 2005 N° Lexbase : L3803G8D), relatif à la mise en service par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé d'informations nominatives dénommé "Base nationale des données patrimoniales" N° Lexbase : L2422IUA).
Pour simplifier, on peut dire que cette application informatique est alimentée par les actes déposés par les notaires dans les conservations des hypothèques. Elle contient, en particulier, l'identité des parties à l'acte, la désignation du bien immobilier, objet de l'acte, le prix figurant dans l'acte.
Cette base est utilisée :
- par les services du cadastre pour opérer la mise à jour du fichier des propriétaires ;
- par les services d'assiette et de contrôle de l'impôt. En effet, la connaissance, par ces services, de la consistance du patrimoine d'un contribuable et de son évolution est d'un intérêt majeur pour l'exercice de leurs missions.
C - ADONIS
Un arrêté du 2 octobre 2012 a modifié l'arrêté du 5 avril 2005 portant création d'un traitement informatique dénommé "accès au dossier fiscal des particuliers (ADONIS)" (arrêté du 2 octobre 2012, modifiant l'arrêté du 5 avril 2002, portant création par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé d'informations nominatives dénommé "accès au dossier fiscal des particuliers (ADONIS)" N° Lexbase : L2301IUR).
1 - Nature des données enregistrées (art. 3)
Sont enregistrées dans la base ADONIS, les informations ou catégories d'informations relatives aux contribuables et se rapportant à l'impôt sur le revenu, aux taxes sociales (CSG, CRDS), à la taxe d'habitation et aux taxes foncières.
2 - Utilisation de l'application (art. 2)
L'application ADONIS est à l'usage des contribuables et des agents.
Chaque contribuable, personne physique, a la possibilité de consulter les informations mises en ligne de son dossier fiscal à partir du portail de l'administration. Après authentification par la procédure de saisie des trois secrets ou par identifiant/mot de passe via le site "mon.service-public.fr", le contribuable peut accéder à son espace personnel sécurisé dans le portail fiscal et aux différents services en ligne proposés aux usagers personnes physiques. En définitive, chaque contribuable a accès à l'image de son dossier fiscal personnel.
L'application est également ouverte aux agents habilités de la direction générale des finances publiques. Elle leur permet d'accéder aux dossiers des contribuables à l'égard desquels ils sont chargés d'une mission d'assiette, de contrôle ou de recouvrement. Cette application présente un grand intérêt pour les missions de contrôle dans la mesure où elle permet d'avoir une vue panoramique et dynamique sur le patrimoine et les revenus de tel ou tel contribuable.
L'application est désormais ouverte aux agents habilités de TRACFIN (voir infra).
En outre, des enquêtes qualité peuvent être menées auprès des contribuables figurant dans la base ADONIS, étant précisé que le contribuable peut refuser d'être sollicité dans le cadre d'enquêtes qualité en informant le service des impôts dont il dépend au titre de l'impôt sur le revenu. Ce choix est révocable dans les mêmes formes (art. 9).
D - ADELIE
Un arrêté du 2 octobre 2012 a modifié l'arrêté du 6 juillet 2004 portant création d'un traitement informatique dénommé "Accès au dossier électronique des entreprises" (ADELIE) (arrêté du 2 octobre 2012, modifiant l'arrêté du 6 juillet 2004, portant création par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé d'informations nominatives dénommé "Accès au dossier électronique des entreprises" (ADELIE) N° Lexbase : L2423IUB).
1 - Nature des données enregistrées (art. 3)
L'application ADELIE concerne les entreprises. Elle contient, outre tous les éléments d'identification des entreprises concernées (personnes physiques ou personnes morales), l'ensemble de leurs déclarations fiscales professionnelles (notamment TVA, données fiscales et comptables portées sur la déclaration de résultats, la liasse fiscale et les annexes), ainsi que les données relatives au paiement des impôts et taxes déclarés spontanément ou mis en recouvrement.
2 - Utilisation de l'application (art. 2)
L'application ADELIE est à l'usage des contribuables et des agents.
Chaque personne habilitée par l'entreprise et les entrepreneurs individuels en possession d'un certificat électronique valable ont la possibilité de consulter les informations relatives aux données déclaratives et de paiement, ainsi qu'aux données relatives aux demandes de remboursement de crédit de TVA les concernant. Il est précisé que des dispositions techniques particulières sont prises pour assurer la sécurisation de ce service de consultation et, notamment, pour que les éléments du dossier professionnel dématérialisé ne puissent être consultés via internet que par le représentant légal de l'entreprise ou une personne qu'il a dûment habilitée. Comme avec l'application ADONIS, les entreprises ont, avec ADELIE, accès à l'image de leur dossier fiscal. A noter que les déclarations restituées par la base ADELIE sont accessibles en consultation directe jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant l'année d'imposition à laquelle elles se rapportent. Ce délai est porté à cinq ans en cas de déclaration de TVA créditrice. Au-delà de ce délai, elles ne sont plus consultables en ligne. Elles sont alors conservées dans les centres de services informatiques en tant qu'archives intermédiaires pendant cinq ans et communiquées aux destinataires habilités qui en font la demande. Les créances et l'ensemble des paiements qui s'y rapportent sont accessibles en consultation directe jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle elles sont intégralement soldées ou de la quatrième année suivant la période d'imposition, le délai le plus long s'appliquant (art.6).
Quant aux agents de la direction générale des finances publiques habilités, ils peuvent accéder aux déclarations professionnelles et aux paiements des entreprises à l'égard desquelles ils sont chargés d'une mission d'assiette, de contrôle, de contentieux ou de recouvrement. L'application est également ouverte aux agents chargés de la fixation des indemnités d'expropriation, lesquels ont effectivement besoin des informations contenues dans ADELIE pour déterminer la valeur des biens professionnels frappés d'une mesure d'expropriation.
Désormais, l'application est également ouverte aux agents habilités de la cellule de renseignement financier nationale, dénommée TRACFIN (voir infra).
En outre, l'application permet de mener des enquêtes de qualité auprès des contribuables figurant dans la base ADELIE.
II - Accès à ces données
A - Les agents de la DGFIP
La consultation des applications évoquées ci-dessus par les agents des impôts n'est possible qu'en vertu d'une habilitation personnelle liée aux missions exercées et pour les seuls besoins du traitement du dossier en cours d'examen. Toutes les consultations de ce fichier font l'objet d'une journalisation, c'est-à-dire la conservation, pour chaque connexion, des éléments d'identification de l'auteur, des références du dossier fiscal consulté ainsi que des date et heure de la consultation. Ce traçage permettra, le cas échéant, de demander à un agent les motifs précis de sa consultation.
B - Les agents de TRACFIN
1 - Habilitation des agents de TRACTIN en vertu de la loi
Les arrêtés du ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget, en date du 2 octobre 2012, ont essentiellement pour objet d'introduire dans la réglementation relative à certaines applications informatiques de la DGFIP une disposition consistant à ouvrir la consultation de ces applications aux agents de la cellule de renseignement financier nationale (TRACFIN).
Cette ouverture de la consultation de certaines applications informatiques de la DGFIP (ALPAGE, BNDP, ADONIS, ADELIE), particulièrement sensibles compte tenu des informations qu'elles contiennent est mise en oeuvre pour satisfaire aux dispositions de l'article L. 561-27 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0500IP9), qui prévoit "que le service mentionné à l'article L. 561-23 (N° Lexbase : L7161IC9) (cellule de renseignement financier nationale) reçoit, à l'initiative des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organismes mentionnés à l'article L. 134-1 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L1423AD3) et de toute autre personne chargée d'une mission de service public, toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ou les obtient de ceux-ci à sa demande.
Il dispose, pour les besoins de l'accomplissement de sa mission, d'un droit d'accès direct aux fichiers utilisés par les services en charge de l'établissement de l'assiette, du contrôle et du recouvrement des impôts. L'autorité judiciaire, les juridictions financières et les officiers de police judiciaire peuvent le rendre destinataire de toute information aux mêmes fins".
A noter que les consultations des agents de TRACFIN font l'objet, comme pour celles des agents de la DGFIP, d'une journalisation.
2 - Missions de TRACFIN
Sur son portail internet, TRACFIN présente ses missions et ses prérogatives.
TRACFIN est un service administratif de traitement du renseignement financier qui dispose d'une large autonomie et d'une indépendance opérationnelle pour mener à bien ses missions.
Le service a pour mission de recueillir, analyser et exploiter tout renseignement propre à établir l'origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon ou d'une information reçue des professionnels déclarants, des organismes publics chargés d'une mission de service public, de l'autorité judiciaire, des juridictions financières, des autorités de contrôle et des cellules de renseignement étrangères.
Lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment, TRACFIN saisit le procureur de la République par une note d'information, celui-ci est également informé lorsque les investigations conduisent à mettre en évidence un crime ou un délit.
3 - Pouvoirs d'investigation de TRACFIN
Pour accomplir ses missions, TRACFIN dispose de prérogatives spécifiques et notamment un accès direct à de nombreuses sources de données publiques ou confidentielles. C'est donc en vertu de ces prérogatives que TRACFIN dispose d'un droit d'accès aux applications informatiques de la DGFIP, étant précisé que les informations recueillies par TRACFIN sont confidentielles et protégées par le secret professionnel.
On comprend bien l'intérêt pour TRACFIN de pouvoir accéder aux applications informatiques de la DGFIP dès qu'il reçoit une déclaration de soupçon de la part d'un professionnel qui, en vertu de l'article L. 561-15 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8423IMW), a l'obligation de déclarer à ce service les sommes ou opérations dont ils "savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme". En effet, la consultation de ces bases permet très rapidement à TRACFIN d'apprécier la situation fiscale de la personne physique ou morale concernée : est-elle connue des services fiscaux, quel est le patrimoine dont l'administration fiscale a connaissance, quels sont les revenus et chiffres d'affaires déclarés ? Par ailleurs, l'administration fiscale peut également tirer profit de cet accès de TRACFIN à ses applications. En effet, dans la mesure où suite à une déclaration de soupçon, TRACFIN est en mesure, grâce à la possibilité de consulter ALPAGE, de constater que la personne signalée est en cours de vérification fiscale, la transmission très rapide aux services fiscaux de la teneur de la déclaration de soupçon reçue est d'une importance primordiale pour la conduite de la vérification. D'ailleurs ces liaisons avec la DGFIP sont réglementées.
4 - Liaisons de TRACFIN avec la DGFIP
Dans son rapport d'activité 2011, TRACFIN précise que, par dérogation aux dispositions de droit commun, prévoyant la saisine obligatoire du procureur de la République en cas d'infraction pénale, le Code monétaire et financier prévoit que, lorsque les investigations du service conduisent à mettre en exergue comme seule infraction des faits de fraude fiscale (au sens de l'article 1741 du CGI N° Lexbase : L4664ISK) ou de blanchiment de cette infraction, le service n'adresse pas cette information au procureur de la République mais peut l'adresser à la direction générale des finances publiques (DGFIP) afin que cette administration soit en mesure, le cas échéant, de mettre en oeuvre les procédures particulières prévues par le LPF. En 2011, le nombre de notes d'information transmises sur cette base à la direction générale des finances publiques s'élève à 96. Ce chiffre est en légère baisse par rapport en 2010, du fait d'une politique du service ayant conduit à davantage prolonger les investigations dans un certain nombre d'affaires particulièrement graves, ce qui a permis de mettre en exergue des infractions pénales de droit commun (escroqueries ou abus de confiance et de biens sociaux notamment) ayant donc conduit à une transmission en justice en lieu et place d'une transmission à l'administration fiscale. Ces 96 notes d'information sont liées à 117 déclarations de soupçon dont une majorité provient du secteur bancaire.
Elles visent une grande variété de sujets parmi lesquels :
- des montages financiers impliquant des fonds ou entités situés dans des états ou territoires ;
- des transferts ou rapatriements par des résidents français d'avoirs financiers provenant de pays frontaliers ou pays à fiscalité privilégiée (Suisse, Luxembourg, Belgique, Monaco...) ;
- des soupçons de carrousel de TVA ;
- l'organisation d'insolvabilité ;
- des soupçons d'exercice d'activité occulte ou de dissimulation partielle d'activité ou de chiffre d'affaire, parfois avec utilisation de comptes de tiers ;
- des problématiques patrimoniales diverses souvent en lien avec la manipulation de fortes sommes en espèces (minoration d'impôt sur la fortune, donation déguisée, succession...).
Les huit premiers pays étrangers cités dans les déclarations de soupçon fiscales sont tous des pays limitrophes : la Suisse arrive en première position, suivie de la Belgique, de l'Espagne et du Luxembourg. La Suisse, la Belgique et le Luxembourg sont en première ligne dans les déclarations traitant d'avoirs détenus à l'étranger.
A noter, une procédure est actuellement en cours devant la CEDH, concernant le traitement de la fraude fiscale par TRACFIN. En effet, Patrick Michaud, ressortissant français et avocat fiscaliste de son état, considère que, dans le cadre de l'obligation faite aux avocats de transmettre à TRACFIN les "soupçons" qu'ils ont sur une opération, le terme de "soupçons" est imprécis. Cette imprécision contrarierait les articles 6 (procès équitable ; N° Lexbase : L7558AIR), 7 (légalité des peines ; N° Lexbase : L4797AQQ) et 8 (vie privée et familiale ; N° Lexbase : L4798AQR) de la CESDH (lire le communiqué de presse de la CEDH).
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