Le Quotidien du 10 août 2021

Le Quotidien

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Opposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge des nouvelles lésions survenues avant consolidation

Réf. : Cass. civ. 2, 24 juin 2021, n° 19-25.850, F-D (N° Lexbase : A40344XP)

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N8437BY7

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par Laïla Bedja

Le 21 Juillet 2021

► Les dispositions de l’article R. 441-11 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0573LQB) ne sont pas applicables lorsque la demande de prise en charge porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l’accident du travail initial.

Les faits et procédure. Une caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge le 22 janvier 2013, au titre de la législation professionnelle, l’accident dont une salariée a été victime, le 9 novembre 2012. La caisse a pris en charge le 3 septembre 2013 une nouvelle lésion déclarée par la salariée le 25 juillet 2013.

La cour d’appel. Pour déclarer la décision inopposable à l’employeur la décision de prise en charge de la nouvelle lésion, la cour d’appel retient que si rien n’impose à la caisse le respect d’une quelconque procédure d’information de l'employeur dans le cas de nouvelles lésions déclarées par son salarié au titre de l'accident initial, soit avant la consolidation de ce dernier, dès lors que la caisse ayant informé l'employeur du dépôt de la demande et de l'existence d'une instruction en cours, elle doit satisfaire aux conditions de l'article R. 441-14 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0577LQG).

Cassation. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond.

Pour en savoir plus : cf. M. Gainet, ÉTUDE : La procédure de reconnaissance de l’accident du travail, Le caractère contradictoire de l'instruction, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E245534P).

newsid:478437

Fiscalité des entreprises

[Focus] Fiscalité de la musique et loi de finances pour 2021 : l’amélioration des dispositifs de soutien de la filière culturelle au cœur de la relance de l’industrie du disque et des spectacles vivants

Lecture: 21 min

N7289BYM

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par Jérôme Bissardon, Avocat Fiscaliste – FBT AVOCATS SA

Le 20 Juillet 2021


Mots-clés : loi de finances pour 2021 • crédit d'impôt • production d’œuvres phonographiques • spectacle vivant musical

4,5 milliards d’euros. Telles étaient les pertes estimées de chiffre d’affaires de la filière musicale sur l’année 2020 en France, selon une étude réalisée en juin 2020 à la demande de l’association « Tous Pour La Musique ». Un constat alarmant pour toute la filière. Après un an de pandémie Covid-19, l’année 2021 n’offre guère de perspectives d’améliorations. En pratique, ce sont principalement les PME/TPE mais également les artistes, techniciens, créateurs, managers, attachés de presse qui souffrent et dont la capacité à défendre leur art est menacée !

Heureusement, l’accompagnement de l’ensemble de ces acteurs et le soutien des entreprises culturelles dans la préparation de la reprise de la vie musicale et artistique, sont une des priorités de l’État et du Centre National de la Musique (CNM), d’organismes tels que la SACEM, la SACD, l’ADAMI, ou encore de nombreuses collectivités locales.

La loi de finances pour 2021 (loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 N° Lexbase : L3002LZ9) a d’ailleurs amélioré très sensiblement les dispositifs de soutien à l’industrie du disque et du spectacle vivant, contribuant ainsi à définir plus sereinement des stratégies de création et de financement.

Les producteurs de disques et/ou de spectacles, peuvent les intégrer dans leur plan de développement stratégique en vue du financement de leurs projets futurs et la relance de leurs activités, à savoir le crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres phonographiques (CGI, art. 220 octies N° Lexbase : L6989LZU) et le crédit d’impôt pour le spectacle vivant musical (CGI, art. 220 quindecies N° Lexbase : L6993LZZ).


 

Deux dispositifs qui sont applicables de plein droit dès lors que les conditions sont réunies.

1 - Le crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres phonographiques

Les entreprises qui réalisent des enregistrements d'albums de « nouveaux talents » peuvent, sur agrément, bénéficier d'un crédit d'impôt au titre :

  • des dépenses de production des enregistrements (frais de personnel non permanent et permanent, location de studio d’enregistrement, dépenses de post-production, notamment), mais également au titre
  • des dépenses de développement des productions dans la limite de 700 000 euros (frais de répétition des titres, dépenses en vue du soutien de la production de concerts de l'artiste, dépenses pour la participation de l'artiste à des émissions de télévision ou de radio, dépenses liées à la réalisation et à la production d'images photos et vidéos, dossiers de presse, dépenses liées à la création d'un site internet dédié à l’artiste), réalisées avant le 31 décembre 2024.

📌 Montant du crédit d’impôt accordé

Le crédit d’impôt est désormais porté à 40 % pour les PME et 20 % pour les autres entreprises, sans excéder 1 500 000 euros par entreprise et par exercice.

En cas de bénéfice taxable, il s’impute sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel elle a exposé les dépenses éligibles. En cas d'excédent de crédit d'impôt non imputé ou en cas de déficit, la créance peut, sur demande de l'entreprise, servir de moyen de paiement sur échéance fiscale future, ou être remboursée. 

Attention toutefois, les subventions publiques reçues sont déduites des bases de calcul de ce crédit d’impôt.

📌 Formalisme à respecter pour obtenir le remboursement du crédit d’impôt

Concrètement, l’entreprise souscrit une déclaration spéciale n° 2079-DIS-SD pour solliciter une restitution au titre de l’exercice écoulé le cas échéant. À ce jour, il n’est toujours pas possible de souscrire ce formulaire en ligne. Il est alors vivement recommandé de joindre à l’envoi postal une copie de l’agrément provisoire visé infra ainsi que la copie des accusés de réception des formulaires n° 2572 (relevé de solde de l’impôt sur les sociétés) et n° 2573 (demande de remboursement de crédits d’impôts), souscrits en ligne. Une copie de la déclaration spéciale doit désormais être adressée dans le même délai au CNM et non plus au ministère de la Culture.

📌 Quelles entreprises sont concernées ?

Activité : L’entreprise doit avoir la qualité d'entreprise de production phonographique au sens de l'article L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3318ADA), c’est-à-dire qui a l'initiative et la responsabilité de produire les enregistrements phonographiques ou vidéographiques musicaux éligibles. Les entreprises qui ont signé un contrat de licence avec une entreprise de production phonographique initiale sont éligibles. Il en est de même en cas d’acquisition de la bande master fixée par l’artiste, notamment.

À cet égard, il faut souligner que l’administration fiscale précise dans sa doctrine que ce crédit d’impôt s’applique aux entreprises de production phonographique « que cette activité soit ou non exercée à titre principal » (BOI-IS-RICI-10-10-10, §1 N° Lexbase : X9094ALE). Une entreprise qui exerce donc cette activité à titre accessoire dans le prolongement d’une autre activité, telle que la production de spectacles par exemple, est donc éligible.

Siège social : en France, dans l’Union européenne, ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale.

Régime fiscal : entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, quelle que soit leur forme. A noter que les associations sont également éligibles si elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés et non exonérées.

Respect des obligations légales, fiscales et sociales : l'agrément est subordonné au respect de l'ensemble de ces obligations.

Absence de contrôle par un éditeur de télévision ou de radio : les entreprises ne doivent pas être détenues, directement ou indirectement, par un éditeur de service de télévision ou de radiodiffusion.

📌 Quelles sont les œuvres éligibles ?

Les productions d'enregistrements phonographiques ou vidéographiques musicaux

Clause de francophonie pour les albums d'expression. L’album doit être composé d’œuvres dont la moitié au moins est d'expression française ou dans une langue régionale en usage en France. Lorsqu'un album comporte à la fois des titres en français et en langue étrangère, ledit album est réputé d'expression francophone lorsque la durée des titres en français est majoritaire par rapport à celle des titres en langue étrangère. Il en est de même des compilations, des œuvres multi-artistes ou collectives et des bandes originales de film. A noter que sont également éligibles les albums composés d'une ou plusieurs œuvres libres de droit d'auteur.

Pour les microentreprises (moins de 10 salariés et chiffre d'affaires ou total du bilan annuel n'excédant pas 2 000 000 d’euros), les albums d'expression qui ne relèvent pas d'une des deux catégories citées ci-dessus ouvrent désormais droit au crédit d'impôt dans la limite du nombre d'albums d'expression française ou dans une langue régionale en usage en France, produits la même année au cours du même exercice par la même entreprise.

Cette nouveauté permet donc d’élargir le champ d’application du crédit d’impôt à des albums en langue étrangère ou instrumentaux sous cette condition, et éviter ainsi les savants calculs d’apothicaires pour intégrer dans les albums le bon nombre de titres d’expression française ou régionale. Encore faut-il que l’entreprise produise au moins autant d’albums d’expression française ou régionale au cours du même exercice. Nous ne pouvons alors que regretter, en particulier pour les petites structures, que parmi les critères de sélection des projets artistiques, figure désormais la francophonie. Des projets artistiques non francophones, bien que méritants, pourront être décalés l’année suivante seulement si un nouveau projet francophone est sélectionné par ailleurs…

Lieu de situation des entreprises et industries techniques liées à la production phonographique, d’où elles y effectuent les prestations de production et de post production : France, Union européenne, ou un autre État partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale (Norvège, Islande, Liechtenstein). La Suisse est donc exclue. Il en est de même du Royaume-Uni actuellement depuis le Brexit : beaucoup regretteront les studios londoniens, parmi les plus réputés d’Europe.

Porter sur des productions phonographiques d'albums de nouveaux talents. Par album, il est entendu tout enregistrement de plus de deux titres sur un support physique ou numérique. Les nouveaux talents sont les artistes, les groupes d'artistes, les compositeurs ou les artistes-interprètes ne devant pas avoir dépassé le seuil de 100 000 équivalents-ventes pour deux albums distincts précédant ce nouvel enregistrement. Par équivalent-vente, il y a lieu d’entendre la vente d'un album ou 1.500 écoutes, chacune d'une durée supérieure à 30 secondes des titres de cet album sur les offres payantes des services de musique en ligne. Le total d'équivalents-ventes relatif aux écoutes est obtenu en soustrayant, du nombre total des écoutes des titres d'un album, la moitié des écoutes du titre le plus écouté de cet album.

L’expression « nouveau talent » employée par le législateur mérite certainement une attention particulière. Un artiste de renom ayant à son actif un disque vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires est donc éligible, si par ailleurs ses autres albums présentent des ventes honorables sans atteindre le seuil fatidique de 100 000. À noter d’ailleurs que les disques peuvent être certifiés « disques d’or » en France depuis 2016 dès 50 000 exemplaires vendus. La liste des artistes dans ce cas de figure est nombreuse, compte tenu de l’effondrement du marché du disque depuis plusieurs années. La sortie d’un disque est désormais presque toujours une étape préalable et annonciatrice d’une nouvelle tournée de spectacles, génératrice de recettes sensiblement plus importantes et diversifiées (billetterie, vente de disques lors des spectacles, marchandising). Nous pardonnerons presque au législateur cette indélicatesse, en permettant l’application du crédit d’impôt aux productions de nombreux artistes confirmés qui défendent leur art depuis plusieurs années ou décennies. Nous pouvons bien évidemment souhaiter la suppression des mots inutiles « nouveaux talents » du b) du II de l’article 220 octies du CGI et la réduction du seuil d’équivalents-ventes à 50 000. 

Le développement et la numérisation de productions phonographiques

Le développement et la numérisation des productions phonographiques doivent porter sur des productions phonographiques définies ci-avant. L'ensemble de ces dépenses doit correspondre à des opérations effectuées en France ou dans un État partie à l'accord sur l'EEE ayant conclu avec la France une convention fiscale.

Une procédure d’agrément en deux temps

L’obtention du crédit d’impôt institué à l’article 220 octies du CGI nécessite un formalisme particulier en ce qu’elle se fait en deux temps. Tout d’abord, l’obtention d’un agrément provisoire, puis l’obtention d’un agrément définitif. Le respect scrupuleux de cette procédure est donc impératif pour obtenir le crédit d’impôt susvisé. Le respect des délais et de la chronologie dans les opérations est un facteur clé de leur obtention.

  • Étape 1 : l’obtention d’un agrément provisoire

L'agrément provisoire atteste que les productions phonographiques ou vidéographiques musicales remplissent les conditions pour être éligibles à ce crédit d'impôt. Il est délivré par le président du CNM qui agrée les œuvres au nom du ministre chargé de la culture, à la demande de l'entreprise de production.

La demande d'agrément est adressée par l'entreprise de production phonographique au CNM. Elle doit parvenir avant les opérations de production ou de développement : les dépenses prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt sont donc celles qui sont réalisées à compter de la date de réception du dossier par le CNM. Dans le cas d'une coproduction ou d'une coexploitation, la demande est présentée par chacune des entreprises de production. Il est donc impératif d’adresser le dossier préalablement, et de s’assurer que le dossier est complet avant d’engager les dépenses de production. 

Les projets d'enregistrement doivent faire l'objet d'une demande d'agrément provisoire. En revanche, un vidéoclip ne fait l'objet d'une demande d'agrément provisoire que dans le cas où le titre qu'il illustre est extrait d'un album qui n'a pas été provisoirement agréé.

L'œuvre, pour laquelle le crédit d'impôt phonographique est sollicité, peut déjà être fixée ou produite au moment de la demande d'agrément lorsque l'entreprise de production phonographique fait l'acquisition d'une bande master, ou lorsque l'entreprise de production phonographique signe, afin de développer l'œuvre, un contrat de licence avec l'entreprise qui a produit cette œuvre. 

  • Étape 2 : l’obtention d’un agrément définitif

L'agrément à titre définitif, délivré par le président du CNM, après avis d'un comité d'experts, vise à établir que l'enregistrement phonographique a effectivement satisfait à l’ensemble des conditions d'application du dispositif. Cette demande doit être présentée après la publication de l'œuvre, au plus tard après l'achèvement des investissements de production et de développement éligibles au crédit d'impôt phonographique. En cas d'existence d'un contrat de licence, l'entreprise de production phonographique éligible est tenue de présenter une demande d'agrément à titre définitif. En tout état de cause, seules les dépenses engagées au titre d'une œuvre ayant reçu un agrément provisoire pourront être prises en compte. La date de publication est celle figurant sur le justificatif de déclaration de l'œuvre à une société de perception et de répartition des droits d'auteur et droits voisins.

L'agrément définitif doit être délivré dans un délai maximum de vingt-quatre mois à compter de la fixation de l'œuvre au sens de l'article L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle ou de la production d'un disque numérique polyvalent musical.

Attention : Si l'enregistrement phonographique ou vidéographique musical pour lequel le bénéfice du crédit d'impôt phonographique est demandé n'obtient pas l'agrément définitif du ministre chargé de la culture dans les vingt-quatre mois, de sa date de fixation au sens de l'article L 213-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'entreprise de production doit reverser le crédit d'impôt qu'elle a perçu au titre d'exercices antérieurs pour la même œuvre (CGI art. 220 Q N° Lexbase : L3372IEM).

Il est donc impératif de veiller très attentivement au respect de ce délai de 24 mois, lequel commence à courir à partir de « la première fixation d'une séquence de son », c’est-à-dire la date du matriçage ou de l’attribution du code ISRC ou, à défaut, la date de publication. Il est alors vivement recommandé de ne pas précipiter la réalisation du mastering (étape finale du processus de création, nécessitant l’attribution de codes ISRC). En effet, l’anticipation d’un mastering alors même qu’une date de sortie commerciale n’est pas encore envisagée, aurait pour conséquence de faire courir le délai de 24 mois. Il n’est pas rare en pratique que les mixages fassent l’objet de multiples corrections avant l’étape du mastering, voire même que de nouvelles séances d’enregistrement soient nécessaires pour valoriser les titres avec d’autres instruments, effets et voix. À trop précipiter cette phase de mastering, cela revient à réduire d’autant la période de prise en compte des dépenses de développement pour la détermination de la base de calcul du crédit d’impôt.

2 - Le crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant (musical)

Les entreprises qui réalisent avant le 31 décembre 2024 des dépenses de production de spectacle vivant musical ou de variétés peuvent, sur agrément du ministre de la Culture, bénéficier d'un crédit d'impôt, à raison :

  • des dépenses de création et d'exploitation (frais de personnel permanent, artistes et techniciens, rémunérations et/ou droits d'auteur, frais de location de salles, de matériel, achats et dotations aux amortissements, frais d'assurance, dépenses occasionnées lors de la tournée du spectacle, dépenses nécessaires à la promotion du spectacle), mais également
  • des dépenses liées à la numérisation du spectacle (droits d'auteur et frais techniques, notamment).

📌 Montant du crédit d’impôt accordé

Le crédit d’impôt est de 30 % pour les PME et 15 % pour les autres entreprises, au titre des dépenses de spectacles réalisés en France, dans l’Union européenne, Norvège, Islande, Liechtenstein (la Suisse est exclue, comme le Royaume-Uni depuis le Brexit). Les dépenses prises en compte sont celle qui sont réalisées à compter de la date de réception par le CNM d'une demande d'agrément provisoire, dans la limite de 500 000 euros par spectacle (sous déduction des subventions publiques et des aides dites « tours supports »). Le crédit d'impôt est plafonné à 750 000 euros par entreprise et par exercice.

En cas de bénéfice taxable, il s’impute sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel elle a exposé les dépenses éligibles. En cas d'excédent de crédit d'impôt non imputé ou en cas de déficit, la créance peut, sur demande de l'entreprise, servir de moyen de paiement sur échéance fiscale future, ou être remboursée.

📌 Formalisme à respecter pour obtenir le remboursement du crédit d’impôt

Le crédit d'impôt doit être déclaré sur la déclaration des réductions et crédits d'impôt n° 2069-RCI-SD dans les mêmes délais que la déclaration de résultats. Contrairement au crédit d’impôt phonographique, la demande de remboursement intervient en ligne au moyen de la procédure TDFC sans nécessité de transmettre un formulaire spécifique par voie postale. Il est toutefois recommandé de souscrire le formulaire n° 2079-SV-FC-SD pour faciliter la détermination de la base de calcul du crédit d'impôt spectacles vivants dont bénéficie l'entreprise. Ce document pourra être présenté en cas de demande de renseignements de l’administration fiscale.

📌 Quelles entreprises sont concernées ?

Activité. Il s’agit des entrepreneurs de spectacles vivants (exploitants de lieux de spectacles, producteurs de spectacles, entrepreneurs de tournées, diffuseurs de spectacles) qui ont la responsabilité du spectacle, notamment celle d'employeur à l'égard du plateau artistique et qui supportent le coût de la création du spectacle.

Siège social : en France, dans l’Union européenne, ou dans un État partie à l'accord sur l'EEE ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale.

Régime fiscal : entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, quelle que soit leur forme. Les associations sont donc également concernées si elles sont assujetties à l’impôt sur les sociétés sans y être exonérées.

Respect des obligations légales, fiscales et sociales : l'agrément est subordonné au respect de l'ensemble de ces obligations.

📌 Quels spectacles sont concernés ?

Il s’agit des spectacles vivants musicaux et de variétés, définis comme une série de représentations présentant une continuité artistique et esthétique caractérisée (scénographie identique, répertoire constant dans la limite d'une variation de 25 %, distribution stable de la majorité des interprètes, arrangements musicaux inchangés). Les spectacles de théâtre ne sont désormais plus concernés en raison de la création d’un dispositif spécifique codifié à l’article 220 sexdecies du CGI.

Catégories de spectacles concernés : les concerts de musiques actuelles (jauge contractuelle maximale de 2 100 personnes), les comédies musicales (jauge contractuelle maximale de 4 800 personnes), les concerts vocaux et de musique de chambre (jauge contractuelle maximale de 1 700 personnes, ou 2 500 personnes si plus de 15 musiciens ou chanteurs), les spectacles lyriques (jauge contractuelle maximale de 1 700 personnes), les concerts symphoniques y compris les concerts de forme oratorio (jauge contractuelle maximale de 2 500 personnes), les spectacles d’humour (jauge contractuelle maximale de 2 100 personnes). En cas de premières parties, la jauge contractuelle maximale est de 8 000 personnes. Elle est de 80 000 personnes pour les festivals. Pour les entreprises bénéficiant du crédit d’impôt, la mention de la jauge contractuelle dans les contrats de cession des droits d’exploitation de spectacles est une précaution importante pour obtenir l’agrément définitif et justifier le caractère éligible des dépenses en cas de demande de l’administration fiscale.

Conditions générales cumulatives : les coûts de création sont majoritairement engagés en France (plus de 50 %) ; le spectacle doit comprendre au minimum deux représentations dans au moins deux lieux différents (quatre représentations dans au moins trois lieux différents pour les demandes d’agrément provisoire déposées à compter du 1er janvier 2023) ; le spectacle ne doit pas être présenté dans un lieu dont la jauge contractuelle est supérieure à un nombre défini par décret (voir supra).

📌 Une procédure d’agrément également en deux temps

Ici aussi, l’obtention des deux agréments est nécessaire à l'obtention du crédit d'impôt.

  • Étape 1 : L’obtention d’un agrément provisoire

La demande d'agrément provisoire est déposée auprès du CNM.  En cas de coproduction, la demande est présentée par chaque entreprise de production. C’est désormais le président du CNM qui agrée les spectacles au nom du ministre chargé de la culture.

Elle doit parvenir avant la réalisation des dépenses. Les dépenses éligibles sont en effet celles qui sont engagées à compter de la réception par le CNM de la demande d’agrément.

L'agrément provisoire, délivré après avis d'un comité d'experts, atteste que le spectacle remplit les conditions.

  • Étape 2 : L’obtention d’un agrément définitif

La demande est présentée au CNM. En cas de coproduction, la demande doit être adressée par chaque entreprise ayant obtenu un agrément provisoire. Le président du CNM agrée les spectacles au nom du ministre chargé de la culture.

Très important, l’agrément à titre définitif doit être délivré dans un délai de trente-six mois, à compter de la délivrance de l'agrément à titre provisoire. En cas de non-obtention de l'agrément définitif (demande adressée hors délai ou non respects des conditions), l'entreprise doit reverser le crédit d'impôt dont elle a bénéficié.

Attention : Si le spectacle pour lequel le bénéfice du crédit d'impôt est demandé n'obtient pas l'agrément définitif du président du CNM dans les trente-six mois à compter de la délivrance de l’agrément provisoire, l'entreprise de production doit reverser le crédit d'impôt qu'elle a perçu (CGI, art. 220 S N° Lexbase : L3049LCW). Il est donc impératif de respecter scrupuleusement le délai, en s’assurant préalablement des dates des commissions d’experts statuant sur la demande d’agrément définitif.  

Ces deux dispositifs constituent probablement les deux meilleurs outils pour aider au financement des projets musicaux. Il s’agit de dispositifs applicables de plein droit dès lors que les conditions sont remplies, ce qui les distingue sensiblement des dispositifs de subventions d’organismes privés ou publics dont la décision d’attribution est souvent discrétionnaire. Il est par ailleurs important de souligner que les mêmes dépenses ne peuvent bien évidemment pas entrer à la fois dans les bases de calcul du crédit d’impôt phonographique et dans les bases de calcul du crédit d’impôt spectacles.

Ces dispositifs nécessitent une très grande rigueur pour la préparation et le suivi des demandes d’agrément provisoire et définitif, ce qui peut présenter un effet dissuasif pour de nombreuses entreprises culturelles, en particulier les petites structures qui disposent rarement en interne des effectifs à cette fin. À cela, il faut ajouter un possible contrôle sur pièces de l’administration fiscale, à réception de la demande de remboursement du crédit d’impôt.

Ces dispositifs restent néanmoins très attrayants, régulièrement améliorés depuis leurs créations, en 2006 pour le crédit d’impôt phonographique, et 2015 pour le crédit d’impôt spectacles, traduisant ainsi un soutien affirmé de l’État dans la durée.  Encore faut-il que les entreprises culturelles disposent des moyens et des conseils pour initier de tels dossiers de demandes d’agréments. L’avocat et l’expert-comptable ont alors un rôle de premier plan pour accompagner et soutenir ensemble les entreprises de la filière musicale.

newsid:477289

Sociétés

[Jurisprudence] Le défaut de publicité des comptes annuels constitue un trouble manifestement illicite dont le juge des référés de droit commun peut ordonner la cessation

Réf. : Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-10.086, F-P (N° Lexbase : A00154KR)

Lecture: 12 min

N6891BYU

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par Philippe Duprat, Avocat à la cour, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux, chargé d’enseignement à l’Université de Bordeaux

Le 21 Juillet 2021


Mots-clés : publication des comptes annuels • juge des référés • trouble manifestement illicite • prescription

Les actions prévues par les dispositions spéciales du Code de commerce permettant d’obtenir le dépôt des comptes de la société au registre du commerce et des sociétés ne sont pas exclusives de celles fondées sur les dispositions de droit commun. L’injonction faite à la société de procéder au dépôt de ses comptes met fin au trouble manifestement illicite résultant de l’absence de publicité sans que puisse être opposée la prescription tirée de l’article 1844-14 du Code civil.


 

Le formalisme poursuit en droit des sociétés deux objectifs. Il assure en premier lieu la sécurité juridique des actes rédigés, par ou pour la société, en garantissant leur régularité au moins formelle. Il organise en second lieu l’information des tiers. Dans une économie libérale fondée essentiellement sur la libre concurrence des acteurs économiques, tout intéressé est en droit de connaitre la situation de fortune, ou éventuellement d’infortune, de la société avec il se propose de traiter.

À l’inverse des particuliers, les sociétés sont à cette fin, tenues dans le mois suivant leur approbation, de procéder à la publication au registre du commerce et des sociétés de leurs comptes annuels. Le siège de cette obligation réside dans les dispositions des articles L. 232-21 (N° Lexbase : L5750ISR) et suivants du Code de commerce. Si le premier de ces textes concerne les sociétés en nom collectif, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions relèvent respectivement des articles L. 232-22 (N° Lexbase : L5751ISS) et L. 232-23 (N° Lexbase : L0103LTY) du même code. Les sociétés civiles sont concernées par l’article 20 du décret du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 (N° Lexbase : L1376AIS).

L’effectivité d’un tel dispositif, dont l’économie générale demeure complexe, ne saurait cependant dépendre du seul bon vouloir de ceux qui y sont soumis. C’est la raison pour laquelle le législateur a organisé un mécanisme spécifique permettant de vaincre l’inertie de la société. À cet effet l’article L. 123-5-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L2182ATY), issu de la loi « NRE » (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 N° Lexbase : L8295ASZ), instaure une procédure qualifiée de référé injonction permettant, au président du tribunal de commerce, statuant à la requête de tout intéressé ou du ministère public, d’enjoindre le dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue. Un mandataire peut également être désigné à cette même fin (C. com., art L. 123-5-1, al. 2). Ce dispositif est complété par l’article R. 210-18 du Code de commerce (N° Lexbase : L0083HZ4) qui concerne indistinctement toutes les sociétés commerciales. L’article L. 611-2, II du Code de commerce (N° Lexbase : L1046KMP) réglemente enfin, dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises, le pouvoir d’injonction du président du tribunal de commerce.

S’agissant d’actions spécifiquement prévues par le Code de commerce, se pose légitiment deux questions. Tout d’abord le même résultat pourrait-il être atteint par le recours à une simple demande en référé fondée sur l’article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0850H4A). Quel serait ensuite le régime de la prescription de l’action engagée ?

C’est à ces deux questions que l’arrêt sous examen répond.

Statuant en référé, la cour d’appel de Versailles [1] avait déclaré, par arrêt infirmatif, recevable l’action engagée par deux sociétés à l’encontre d’un de leur fournisseur dont elles poursuivaient la condamnation sous astreinte, à publier ses comptes sociaux pour les exercices clos du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2015. L’action avait été engagée par les deux demanderesses, au visa de l’article L. 232-23 du Code de commerce, la société défenderesse étant une société par actions simplifiée, et dans le cadre d’une procédure de référé de droit commun de l’article 873, alinéa 1er, Code de procédure civile. Alors qu’il était reproché à la cour d’avoir déclaré recevable cette action, la Cour de cassation rejette le pourvoi et juge que l’arrêt « énonce exactement que les actions prévues par [l]es dispositions spéciales ne sont pas exclusives des dispositions de droit commun ».

La Cour de cassation approuve par ailleurs les juges du fond d’avoir dit que la fin de non-recevoir tirée de la prescription triennale de l’article 1844-14 du Code civil (N° Lexbase : L2034ABX) « n’importait pas » au motif qu’il y avait lieu d’enjoindre à la société défaillante de mettre fin à un trouble manifestement illicite résultant d’une absence de transparence qui avait duré plusieurs années.

La Cour de cassation rejette ainsi l’argument de la primauté des voies de droit ad hoc sur la voie de droit commun (I). Elle estime par ailleurs que l’action en réparation du trouble manifestement illicite causé par le défaut continu de publication des comptes sociaux n’est pas justiciable de la prescription tirée de l’article 1844-14 du Code civil (II).

I. L’absence de primauté de voies de droit ad hoc

La profusion, en toute matière, des textes législatifs et réglementaires est une source évidente de complexité. Elle crée une forme d’insécurité juridique en multipliant les risques de contradiction. C’est souvent en voulant répondre à une problématique particulière que la promulgation d’un nouveau texte, qui peut avoir du mal à trouver sa place dans un ordonnancement général préexistant, crée parfois plus de difficultés qu’il n’en résout.

Pour réduire autant que possible ces risques le droit s’appuie sur quelques principes d’interprétation contenus pour l’essentiel dans des adages encore libellés en latin. Ils sont « destinés à assurer la police des textes en conflit » selon l’expression du Professeur Saintourens [2].

Au cas d’espèce, la société demanderesse au pourvoi invoquait le bénéfice de l’adage selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales (specialia generalibus dérogant). La mise en œuvre de ce principe requiert très classiquement la réunion de trois conditions.

Il faut qu’au moins deux textes de droit positif en vigueur apparaissent applicables aux faits de la cause. Il convient ensuite que les textes en concours aient la même valeur normative (deux lois, deux règlements…). Il faut enfin que les deux textes en présence soient incompatibles, c’est-à-dire qu’ils ne puissent pas être appliqués en même temps [3].

Appliqués aux faits dont les juges étaient saisis, la question était de savoir s’il fallait privilégier l’application des dispositions des articles L. 123-5-1 et R. 210-18 du Code de commerce permettant au président du tribunal de commerce d’enjoindre le dirigeant de la personne morale, ou de désigner un mandataire, pour procéder au dépôt des pièces (en l’occurrence les comptes annuels)  au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue, ou s’il fallait faire application de l’article L. 232-23 imposant à toute société par actions de déposer dans le mois de leur approbation ses comptes annuels.

L’action de l’article L 123-5-1 est directement dirigée contre de dirigeant social. L’action est ouverte au ministère public ainsi qu’à tout intéressé. Celui-ci n’a d’ailleurs pas besoin de justifier d’un intérêt particulier. La Cour de cassation estime, sauf abus, que tout intéressé peut agir dès lors qu’il justifie d’un intérêt légitime au succès d’une prétention, ce qui peut être le cas d’un ancien salarié désireux non pas « de faire respecter les obligations légales pesant sur les dirigeants d'une personne morale, mais de se procurer des pièces comptables qu'il voulait utiliser contre son ex-employeur dans l'instance prud'homale » [4]. L’action est mise en œuvre par simple demande adressée au président du tribunal de commerce. Celui-ci statuera en référé mais les conditions des articles 808 (N° Lexbase : L9112LTN) et 873 du Code de procédure civile n’auront pas besoin d’être remplies. Le mandataire recevra simplement mission d’accomplir la formalité du dépôt. Il ne sera pas, contrairement au dirigeant, condamné à y procéder.

À l’inverse de cette action spéciale, l’article L. 232-23 fait peser sur toute société par actions, et non sur son dirigeant, une obligation de dépôt de ses comptes au registre du commerce et des sociétés. Dans ce cas c’est la société qui est personnellement assignée en référé, et qui sera condamnée à accomplir la formalité.

On voit bien l’intérêt qu’il peut y avoir pour la société défenderesse à l’action de soutenir qu’il conviendrait d’appliquer le texte spécial plutôt que le texte général.

Au-delà du fait que l’injonction est personnelle au dirigeant et que si elle est prononcée sous astreinte c’est lui qui répondra sur son patrimoine de son éventuelle liquidation, c’est avant tout le moyen de faire déclarer l’action irrecevable et par conséquent de maintenir la situation de non-publication des comptes qui a justifié la saisine du président. Finalement invoquer le texte spécial revenait en l’espèce, pour la société, à faire obstacle à l’accomplissement des formalités légales lui incombant.

C’est pour ne pas parvenir à ce résultat désastreux pour la confiance publique que la Cour de cassation approuve la cour de Versailles d’avoir énoncé que les dispositions spéciales n’étaient pas exclusives de celles fondées sur le droit commun.

Le référé de droit commun devient alors une voie concurrente, mais surtout complémentaire, aux procédures ad hoc qui ne priment en rien. Ce n’est pas le seul domaine dans lequel la Cour de cassation, par pragmatisme et efficacité accepte de faire cohabiter, au choix du demandeur, la règle spéciale et la règle générale. Elle reconnait ainsi, en matière d’expertise dite de gestion, l’absence de subsidiarité de la mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) par rapport à l’expertise de gestion prévue par l’article L. 225-231 du Code de commerce (N° Lexbase : L2194LYW) [5].

Il conviendra cependant lorsque le choix se portera sur les procédures de droit commun d’en respecter les conditions de recevabilité. On rappellera à ce titre que la condition d’urgence doit être démontrée. L’existence d’un trouble manifestement illicite doit également être établie. C’est la persistance de ce dernier qui a rendu inefficace la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par la société défaillante.

II. L’absence de prescription tirée de l’article 1844-14 du Code civil

Plus préoccupée par sa  volonté  manifeste  de se soustraire à ses obligations légales que soucieuse de vouloir les respecter, la société demanderesse au pourvoi faisait également grief à l’arrêt d’appel d’avoir retenu que la fin de non-recevoir tirée de la prescription triennale des articles  1844-13 (N° Lexbase : L2033ABW) et  1844-14 du Code civil n’importait pas, dès lors que, pour la cour de Versailles, « la mesure de publication ordonnée s’avérait nécessaire pour mettre un terme au trouble manifestement illicite généré par l’absence de transparence ». Insensible à l’argumentation du second moyen du pourvoi, la Haute juridiction confirme également sur ce point l’arrêt en retenant qu’enjoindre la société défaillante d’avoir à procéder au dépôt de ses comptes pour les exercices clos le 31 décembre des années 2008 à 2015 était le seul moyen « de mettre un terme au trouble manifestement illicite résultant de l’absence de transparence, sans que puisse être opposée la prescription de l’article 1844-14 du Code civil ».

La référence faite à la prescription triennale des article 1844-13 et 1844-14 du Code civil par la société demanderesse au pourvoi interroge.

En effet la prescription triennale visée auxdits articles concerne les actions en nullité de la société ou des actes et des délibérations postérieurs à sa constitution. Or, la demande d’injonction de l’article L. 123-5-1 présentée contre le dirigeant ou la demande formulée à l’encontre de la société sur le fondement de l’article L. 232-23 ne tend pas à obtenir la nullité d'un acte, ni la régularisation d'une formalité de constitution, ni la mise en cause de la responsabilité du dirigeant.

La prescription triennale de l’article 1844-14 du Code civil ne peut donc pas s’appliquer, même au prix d’un raisonnement par analogie. L’action en dépôt des comptes, faute de délai spécifique, se prescrit alors par le délai de droit commun de cinq ans de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC).

La Cour de cassation dans l’arrêt rapporté n’a toutefois pas jugé ce point.

À l’analyse, elle n’avait pas à le faire, puisqu’elle a constaté que le défaut de dépôt des comptes générait un trouble manifestement illicite auquel il convenait de mettre un terme. Le trouble constituant une infraction continue la prescription n’avait donc pas commencé à courir. Il importait simplement qu’il y fut mis fin sans qu’il y ait lieu d’examiner la question de la prescription qui ne se posait pas.

 

[1] CA Versailles, 15 février 2018, n° 17/03716 (N° Lexbase : A5054XDK).

[2] B. Saintourens, Essai sur la méthode législative : droit commun et droit spécial, thèse, 1986.

[3] Sur cette question voir A. Siri, Des adages lex posterior derogat priori & specialia generalibus derogant. Contribution à l’étude des modes de résolution des conflits de normes en droit français, Revue de la recherche juridique droit prospectif, 2009-4, p. 1781 à 1837.

[4] Cass. com., 3 avril 2012, n° 11-17.130, F-P+B (N° Lexbase : A1168II4), V. Téchené, Lexbase Affaires, avril 2012, n° 293 (N° Lexbase : N1539BT8).

[5] Cass. com., 10 octobre 2011 n° 10-18.989, F-P+B (N° Lexbase : A8700HYU), D. Gibirila, Lexbase Affaires, novembre 2011, n° 272 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 5626348, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Jurisprudence] La coexistence de l'expertise pr\u00e9ventive et de l'expertise de gestion", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N8624BS9"}}).

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