Réf. : Décret n° 2021-810, du 24 juin 2021 portant diverses dispositions en matière d'aide juridictionnelle et d'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles (N° Lexbase : L9483L4Y)
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N8100BYN
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par Marie Le Guerroué
Le 14 Septembre 2021
► Un décret portant diverses dispositions en matière d'aide juridictionnelle et d'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles a été publié au Journal officiel du 26 juin 2021.
Le décret tire les conséquences des modifications apportées à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE) par l'article 234 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 (N° Lexbase : L3002LZ9 ; v. M. Le Guerroué, Aide juridictionnelle : le montant de l’UV passe à 34 euros, Lexbase Avocats, janvier 2021 N° Lexbase : N5864BYT).
Modification du régime de rétribution des avocats commis d'office. Le décret comporte les dispositions d'application de la réforme du régime de rétribution à l'aide juridictionnelle des avocats commis d'office, pour les procédures mentionnées à l'article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991.
Modification du barème de rétribution des avocats. Le décret unifie les règles de gestion afférentes à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat.
Prise en compte de la réforme du Code de la justice pénale des mineurs. Le décret procède à quelques ajustements du barème de rétribution des avocats, en particulier en matière pénale, afin de prendre en compte les réformes procédurales introduites par le nouveau Code de la justice pénale des mineurs (v. loi n° 2021-218, du 26 février 2021, ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs N° Lexbase : L4202L3Z ; lire A. Léon, Ratification de l’ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs, Lexbase Pénal, mars 2021 N° Lexbase : N6614BYM).
Entrée en vigueur. Les dispositions du décret entrent en vigueur le 1er juillet 2021, à l'exception, d'une part, du deuxième alinéa de l'article 20 et de l'article 36, qui entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (N° Lexbase : L2043LSH) et, d'autre part, des dispositions du 2° de l'article 2 et du 1° des I, II et III de l'article 3 ainsi que de l'article 25, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2022.
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 juin 2021, n° 19-24.945, F-B (N° Lexbase : A40434XZ)
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N8083BYZ
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par Laïla Bedja
Le 30 Juin 2021
► L’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail ; la présomption d’imputabilité s’étend aux lésions constatées jusqu’à la date de consolidation ;
Elle s’étend à toute la période d’incapacité de travail précédant soit la guérison, soit la consolidation de l’état de la victime ; il appartient à celui qui s’en prévaut de rapporter la preuve de la continuité des symptômes et des soins.
Les faits et procédure. Un employeur conteste à son égard, l’opposabilité de la prise en charge au titre de la législation professionnelle d’un accident du travail déclaré par un salarié.
La cour d’appel – présomption d’imputabilité écartée. Pour écarter la présomption d’imputabilité, l’arrêt retient que ce n’est que le 11 mars 2017 qu’un traumatisme indirect de l’épaule droite dû à l’effort et une tendinopathie du sus-épineux de l’épaule droite ont été médicalement constatés sur la victime, soit onze jours après qu’elle a ressenti une douleur à l’épaule sur son lieu de travail à la suite d’une manipulation, douleur mentionnée sur le registre d’accidents de l’entreprise le 1er mars 2017 ainsi que sur la déclaration d’accident faite par l’employeur (CA Nancy, 8 octobre 2019, n° 18/02969, N° Lexbase : A6129ZQ3).
Cassation. Rappelant le principe de la présomption d’imputabilité, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu en violation de l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5211ADD) par la cour d’appel. Elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé la date d’apparition des lésions au regard de celle de la consolidation de l’état de la victime et de ne pas avoir fait ressortir l’absence de continuité de symptômes et des soins.
Pour en savoir plus : v. Cl. Colleony, ÉTUDE : La définition de l’accident du travail, Le principe de la présomption d’imputabilité, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E95553WS). |
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Réf. : Cass. civ. 3, 17 juin 2021, n° 20-12.844, FS-B (N° Lexbase : A66074WM)
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N8164BYZ
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par Julien Prigent, Avocat associé - Paris, SIMON ASSOCIÉS
Le 29 Octobre 2021
Mots clés : bail renouvelé • charges • dispositions d’ordre public • loi « Pinel » • entrée en vigueur • baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014 • date d’effet du bail renouvelé
« Un contrat étant renouvelé à la date d’effet du bail renouvelé », les dispositions du statut des baux commerciaux relatives aux charges, issues de la loi « Pinel » et de son décret d’application, applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, ne sont pas applicables au bail dont la date de renouvellement par l’effet d’un congé avec offre de renouvellement est antérieure.
Faits et procédure. En l’espèce, le 12 juillet 2000, le propriétaire d’un local situé dans un centre commercial l’avait donné à bail. Il avait ensuite signifié un congé avec offre de renouvellement à effet au 1er avril 2014. Le locataire avait accepté le principe du renouvellement du bail, mais contesté le montant du loyer proposé. Le bailleur l’a assigné la locataire en fixation judiciaire du loyer minimum garanti.
Dans le cadre de cette procédure, le locataire avait formé une demande tendant à voir déclarer non-écrites les clauses du bail contraires à la loi n° 2014-626, du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises N° Lexbase : L4967I3D), dite loi « Pinel », portant sur la répartition des charges entre bailleur et preneur.
Les juges du fond [1] n’ayant pas fait droit à cette demande, le locataire s’est pourvu en cassation.
1. Les charges et la loi « Pinel »
Avant l’entrée en vigueur de la loi « Pinel », la répartition entre le bailleur et le preneur du coût des charges courantes, des impôts et des travaux relevait, pour l'essentiel, de la liberté contractuelle. Elle rencontrait néanmoins certaines limites liées, d'une part, à une interprétation restrictive des clauses transférant au preneur la charge de dépenses incombant en principe au bailleur (C. civ. anc. art. 1162 N° Lexbase : L1264ABG et C. civ. art. 1190 N° Lexbase : L0903KZH) et, d'autre part, à l'impossibilité pour le bailleur de s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires au bon état de la structure de l'immeuble [2].
La loi « Pinel » a introduit dans le Code de commerce des dispositions qui réglementent la répartition de ces dépenses : l’article L. 145-40-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L4976I3P), texte d'ordre public auquel il ne pourra être dérogé puisqu'il fait partie des dispositions visées par l'article L. 145-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L5032I3R).
Ces dispositions visent, pour l'essentiel, à rendre plus transparente la répartition des charges entre le bailleur et le preneur dès la conclusion du bail et en cours de bail. Elles limitent également la possibilité de transférer au preneur des charges qui incombent normalement au bailleur.
L'article L. 145-40-2 du Code de commerce dispose, en son dernier alinéa, qu'un décret en Conseil d'État précisera les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne pourront être imputés au locataire.
Ce fut, notamment, l’objet du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, relatif au bail commercial (N° Lexbase : L7060I4A), publié au Journal officiel du 5 novembre 2014. Il a créé un nouvel article R. 145-35 dans le Code de commerce (N° Lexbase : L7051I4W) qui dresse la liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances relatifs aux parties privatives et communes qui ne peuvent pas être mis à la charge du locataire : les grosses réparations, les travaux de vétusté ou de mise en conformité avec la réglementation relevant des grosses réparations, certains impôts, taxes et redevances (la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement peuvent toutefois être mis à la charge du locataire), les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.
Les baux conclus avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions stipulaient, fréquemment, des clauses contraires à ces dispositions.
Dans l’arrêt objet du pourvoi ayant donné lieu à la décision rapportée [3], la locataire demandait à la cour de juger réputées non-écrites comme contraires à la loi « Pinel » et à l’article R. 145-35 du Code de commerce les clauses qui, notamment, transféraient au locataire les grosses réparations de l'article 606 du Code civil (N° Lexbase : L3193ABU et les honoraires de gestion des loyers.
2. La sanction des clauses contraires aux dispositions d’ordre public relatives à la répartition des charges
La loi « Pinel » a également modifié l'article L. 145-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L5032I3R) pour substituer à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-4 (N° Lexbase : L9957LMQ) et L. 145-37 (N° Lexbase : L5765AID) à L. 145-41 (N° Lexbase : L1063KZE) du Code de commerce, leur caractère réputé non-écrit.
La Cour de cassation a récemment précisé que cette nouvelle sanction est applicable aux baux en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi et que l'action tendant à voir réputer non-écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription [4].
3. L’application dans le temps des dispositions de la loi « Pinel » relatives aux charges
L'article 21 de la loi « Pinel » dispose que « les articles 3, 9 et 11 de la présente loi ainsi que l'article L. 145-40-2 du Code de commerce, tel qu'il résulte de l'article 13 de la même loi, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi ».
La loi « Pinel » a été promulguée le 18 juin 2014. Les dispositions de l’article L. 145-40-2 du Code de commerce sont donc applicables aux « contrats conclus ou renouvelés » à compter du 1er septembre 2014.
Si, aux termes de l’article 1er du Code civil (N° Lexbase : L3088DYZ), en principe, « les lois […] entrent en vigueur à la date qu'[elles] fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication », « l’entrée en vigueur de dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
Le dernier alinéa de l’article L. 145-40-2 du Code de commerce précise qu’« un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs ».
La liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances qui ne peuvent plus être imputés au preneur (C. com., art. R. 145-35) résulte du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, relatif au bail commercial.
L’article 8 du décret du 3 novembre 2014 précise en outre que les dispositions de l’article R. 145-35 du Code de commerce sont « applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du présent décret », à savoir le 5 novembre 2014.
Si l’article 21 de la loi « Pinel » du 18 juin 2014 prévoit que l’article L. 145-40-2 du Code de commerce est applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, l’entrée en vigueur des dispositions de ce texte, à tout le moins celles relatives aux charges ne pouvant être imputées au preneur, est reportée aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.
Dans l’arrêt rapporté, le débat avait porté sur la détermination de la date du renouvellement, au sens de ces dispositions, en raison du fait que plusieurs dates peuvent être retenues.
Concernant la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, la Cour de cassation cite les dispositions de l’article 8 du décret du 3 novembre 2014 qui prévoient l’application des dispositions de l’article R. 145-35 du Code de commerce à compter de la publication de ce décret, soit le 5 novembre 2014. C’est donc bien pour les baux conclus ou renouvelés à compter de cette date que les dispositions de l’article R. 145-35 du Code de commerce sont applicables.
4. La détermination de la date du renouvellement du bail pour l’application des dispositions de la loi « Pinel » relatives aux charges
Un bail commercial se renouvelle par l’effet d’un congé avec offre de renouvellement (C. com., art. L. 145-5 N° Lexbase : L5031I3Q) [5] ou d’une demande de renouvellement acceptée par le bailleur (C. com., art. L. 145-10 N° Lexbase : L2008KGH), alors même qu’il ne peut exister aucun accord sur le montant du loyer en renouvellement, chacune des parties pouvant faire fixer judiciairement le loyer dès lors que l’action n’est pas prescrite (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID). Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de signer un nouveau bail (C. com., art. L. 145-57 N° Lexbase : L5785AI4).
La question se pose de savoir, lorsque les parties signent un bail en renouvellement avec une date d’effet différente de celle de la signature, s’il faut retenir la date de conclusion du contrat ou la date d’effet du bail qui y est stipulée, le plus souvent celle, antérieure, du renouvellement par l’effet du congé ou de la demande.
Un auteur soutient que doit être prise en compte la date de signature du contrat [6]. Les dispositions nouvelles seraient ainsi applicables au renouvellement amiable signé à partir de la date de leur entrée en vigueur prévue par le législateur, même si la date d’effet du renouvellement convenue est antérieure. Pour cet auteur, c’est la date de rencontre des consentements qu’il convient de retenir, car c’est à cette date que le contrat est conclu ou renouvelé [7]. Inversement, le contrat signé antérieurement au 1er septembre 2014, qui prendrait effet à cette date ou postérieurement ne serait pas soumis à ces dispositions.
En l’absence de signature d’un acte de renouvellement amiable, la question se pose aussi de savoir s’il faut retenir la date de renouvellement fixée par la loi (C. com., art. L. 145-12 N° Lexbase : L2007KGG) ou celle à laquelle, le loyer étant définitivement fixé, les parties ne peuvent plus exercer leur droit d’option (C. com., art. L. 145-57).
Ce même auteur estime que dans la mesure où « le renouvellement n’est véritablement conclu qu’à la date de l’acceptation, tacite ou expresse, du prix proposé par le juge », le bail ne sera renouvelé qu’à la date à laquelle, après fixation judiciaire du loyer, les parties acceptent expressément ce loyer ou bien laissent passer le délai du droit d’option [8].
Un autre auteur soutient que seule doit être prise en compte la date de prise d'effet du renouvellement, et non celle de la date de la signature de l’acte de renouvellement ou de l'accord sur le prix. Il retient à l’appui de cette thèse, notamment, que la loi fixe la date d’effet du renouvellement (C. com., art. L. 145-12), qu’un bail se renouvelle même en l’absence d’accord sur le prix [9] et qu’il n’est pas nécessaire de signer un nouveau bail pour qu’il existe (C. com., art. L. 145-57) [10].
Selon l’arrêt commenté, les juges du fond avaient précisé que « les dispositions de l'article R. 145-35 du Code de commerce ne s'appliquent pas à la date de signature du bail renouvelé ou à la date de fixation définitive du loyer […], mais à la date de la prise d'effet du contrat renouvelé, en ce compris la date de prise d'effet du loyer du bail renouvelé ». Il peut être précisé que le loyer en renouvellement peut prendre effet à une date postérieure à celle du renouvellement si le bailleur a tardé à former une demande de modification du loyer en renouvellement (C. com., art. L. 145-11 N° Lexbase : L5739AIE).
Dans son arrêt du 17 juin 2021, la Cour de cassation, à l’instar des juges du fond, a décidé de retenir, en présence d’un renouvellement par l’effet d’un congé, la date d’effet du bail renouvelé : « un contrat est renouvelé à la date d’effet du bail renouvelé ».
En l’espèce, le bail ayant été renouvelé par l’effet du congé du bailleur à effet au 1er avril 2014, soit antérieurement au 5 novembre 2014, les dispositions des articles L. 145-40-2 et R. 145-35 du Code de commerce n’étaient pas applicables au bail et les clauses litigieuses ne pouvaient donc être réputées non écrites.
Cette décision n’a pas été rendue dans un cas où un acte de renouvellement amiable avait été signé. La généralité des termes du chapeau inciterait à conclure que c’est la date d’effet contractuellement prévue qui devrait prévaloir dans cette hypothèse. En pratique, cette solution aurait l’inconvénient de laisser aux parties, pendant une certaine période, le choix de décider de l’application ou non de dispositions d’ordre public, le bailleur étant la partie ayant intérêt à échapper à leur application. Rien n’empêche cependant, en théorie, le preneur d’accepter une date de renouvellement fixée dans ce seul objectif.
[1] CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 27 novembre 2019, n° 18/01480 (N° Lexbase : A9017Z4Q).
[2] Cass. civ. 3, 9 juillet 2008, n° 07-14.631, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5449D9P).
[3] CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 27 novembre 2019, préc..
[4] Cass. civ. 3, 19 novembre 2020, n° 19-20.405, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9460347).
[5] V., par ex., Cass. civ. 3, 20 septembre 2005, n° 04-15.989, F-D (N° Lexbase : A5217DKG).
[6] J.-D. Barbier, Gaz. Pal., 9 août 2014, n° 189k6, p. 47 ; v. égal. Gaz. Pal., 14 avril 2015, n° 221q3, p. 6 et Gaz. Pal. 18 août 2015, n° 237m2, p. 3.
[7] J.-D. Barbier, Gaz. Pal., 9 août 2014, préc..
[8] J.-D. Barbier, Gaz. Pal., 9 août 2014, préc..
[9] Cass. civ. 3, 2 février 2000, n° 98-12.638, inédit (N° Lexbase : A1655CLU).
[10] J.-P. Blatter, De quelques idées originales ou non relatives à l'application dans le temps de la loi du 18 juin 2014, AJDI, 2014, p. 741 ; J.-P. Blatter, La loi Pinel et le statut des baux commerciaux, AJDI, 2014, p. 576. En ce sens également : H. Chaoui et M.-O. Vaissié, Rev. loyers, 2015/953, n° 1958.
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Réf. : Cass. civ. 3, 23 juin 2021, n° 20-17.554, FS-B (N° Lexbase : A95684WB)
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N8140BY7
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
Le 30 Juin 2021
► La rétractation du promettant ne saurait faire obstacle à la conclusion du contrat ; par ce revirement, les promesses unilatérales relevant du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 sont dotées d’une efficacité comparable à celle relevant du nouvel article 1124 du Code civil.
Contexte. Voilà presque trente ans que la solution était entendue : la levée de l’option après la rétractation du promettant ne saurait, s’agissant d’une obligation de faire, donner lieu à une exécution forcée (Cass. civ. 3, 15 décembre 1993, n° 91-10.199, Consorts Cruz N° Lexbase : A4251AGK), mais uniquement à la condamnation du promettant au versement de dommages et intérêts (Cass. civ. 3, 28 octobre 2003, n° 02-14.459, F-D N° Lexbase : A0064DAM ; Cass. civ. 3, 6 décembre 2008, n° 17-21.170 et 17-21.171, FS-D N° Lexbase : A7834YPT), se fondant pour cela sur l’ancien article 1142 du Code civil (N° Lexbase : L1242ABM). Une seule concession se rencontrait dans l’hypothèse où les parties avaient prévu une clause expresse prévoyant l’inefficacité de la rétractation anticipée et la conclusion forcée du contrat (Cass. civ. 3, 27 mars 2008, n° 07-11.721, FS-D N° Lexbase : A6102D77). Critiquée, la solution a été abandonnée par l’ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK). Revalorisant l’efficacité des promesses unilatérales, le nouvel article 1124, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L0826KZM) prévoit désormais que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». Mais alors une différence d’efficacité entre les promesses relevant du droit antérieur et celles relevant du nouvel article 1124 du Code civil existait. Mais cette différence n’est plus ! Procédant à un revirement par anticipation et dans un arrêt à motivation enrichie, la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient d’affirmer l’efficacité des promesses unilatérales relevant du régime antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016.
Solution. La pédagogie dont fait preuve la troisième chambre civile de la Cour de cassation invite à reproduire les termes choisis. Elle définit d’abord la promesse unilatérale de vente : « à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien ». Elle poursuit, ensuite, en précisant qu’ « en application de l’article 1142 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l’exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible ». Elle en déduit qu’ « il convient dès lors d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement du promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente et de retenir qu’il s’oblige à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire ». Ainsi, le principe et l’exception qui prévalaient jusqu’à présent sont dorénavant inversés : pour toutes les promesses relevant du droit antérieur à la réforme, l’exécution forcée devient ainsi le principe ; seule une dérogation par convention peut permettre au promettant d’y échapper. Ce faisant, la Cour de cassation procède à un revirement par anticipation. Ainsi, les promesses unilatérales sont donc désormais dotées d’une efficacité comparable.
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Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 28 juin 2021, n°s 425519 (N° Lexbase : A44224X3), 434365 (N° Lexbase : A44234X4), 443849 (N° Lexbase : A44244X7)
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N8108BYX
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par Yann Le Foll
Le 30 Juin 2021
► Est annulée la règlementation française autorisant la chasse à la glu des grives et des merles comme contraire au droit européen, n’étant pas démontré que les autres oiseaux capturés accidentellement avec cette méthode le sont en faible nombre et sans conséquence grave, son statut de méthode « traditionnelle » de chasse ne suffisant pas, en outre, à justifier une dérogation.
Faits. Technique de chasse « traditionnelle » dans cinq départements du sud-est de la France (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Vaucluse et Var), la chasse à la glu ou aux gluaux consiste à enduire de glu des baguettes (gluaux) afin de capturer vivants, pour servir d’appelants, les oiseaux de certaines espèces qui s’y posent. Les autres oiseaux capturés par cette technique doivent être relâchés.
Aux mois de septembre 2018 et septembre 2019, le Gouvernement a autorisé par arrêté la chasse à la glu de grives et de merles noirs dans cinq départements de Provence-Alpes-Côte d'Azur pour les saisons de chasse 2018-2019 et 2019-2020.
Droit UE. Toutefois, la Directive européenne dite « Oiseaux » du 30 novembre 2009 (Directive 2009/147/CE, concernant la conservation des oiseaux sauvages N° Lexbase : L4317IGY) interdit le recours à des méthodes de capture massive ou non sélective et cite notamment, parmi les pratiques en principe interdites, la chasse à la glu. La Directive prévoit toutefois qu’une dérogation peut être accordée, « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante », pour capturer certains oiseaux en petites quantités, « dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective ».
Saisine CJUE. Saisi par l’association One Voice et la Ligue française pour la protection des oiseaux, le Conseil d'État a demandé à la CJUE de préciser l’interprétation de la Directive « Oiseaux » (CE 5° et 6 ch.-r., 29 novembre 2019, n° 425519, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0450Z4G ; v. A. De Prémorel, Quel droit à la destruction des espèces protégées ?, Lexbase Public, novembre 2018, n° 523 N° Lexbase : N6422BX7).
En août 2020, dans l’attente de la réponse de la CJUE, le Gouvernement a refusé d’autoriser la chasse à la glu pour la campagne 2020-2021, ce qui a conduit la Fédération nationale des chasseurs à saisir le Conseil d’État pour qu’il ordonne au Gouvernement de réautoriser la chasse à la glu.
Enfin, le 17 mars 2021, la CJUE a répondu au Conseil d’État qu’un État membre ne peut pas autoriser une méthode de capture d’oiseaux entraînant des prises accessoires dès lors qu’elles sont susceptibles de causer aux espèces concernées des dommages autres que négligeables (CJUE, 17 mars 2021, aff. C-900/19 N° Lexbase : A23954LB).
Décision CE. Le Conseil d’État tire les conséquences de la réponse de la Cour et annule ici les arrêtés fixant le nombre d’oiseaux pouvant être capturés en 2018-2019 et 2019-2020 et valide le refus du ministre d’autoriser ces captures en 2020.
Il observe que ni le Gouvernement, ni la fédération de chasseurs n’ont apporté de preuves suffisantes permettant d’affirmer que la chasse à la glu ne conduit à ne capturer qu’en petite quantité des oiseaux appartenant à d’autres espèces que celles recherchées.
Il relève qu’on ne peut non plus affirmer que les oiseaux capturés accidentellement ne subiraient que des dommages négligeables, une fois relâchés et nettoyés, en particulier au niveau de leur plumage.
En outre, il précise que si des méthodes traditionnelles de chasse peuvent être autorisées par la Directive « Oiseaux », le seul objectif de préserver ces traditions ne suffit pas à justifier une dérogation aux interdictions de principe que pose la Directive. Enfin, il relève qu’il n’a pas été démontré qu’il n’existait pas d’autre solution satisfaisante possible à la pratique de la chasse à la glu.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2021-907 QPC, du 14 mai 2021 (N° Lexbase : A69844R4)
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par Florent Oliver, Doctorant contractuel - chargé de mission d’enseignement Aix-Marseille, Université, Centre d’Études Fiscales et Financières (UR 891)
Le 30 Juin 2021
Mots-clés : impôt sur le revenu • pension alimentaire • garde alternée
Saisi par le Conseil d’État (CE 9° et 10° ch. réunies, 24 février 2021, n° 447219, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A22504I8), le Conseil constitutionnel a déclaré le deuxième alinéa du 2° du paragraphe II de l’article 156 du Code général des impôts [1] (N° Lexbase : L8643L4U) conforme à la Constitution.
En l’espèce, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité aux textes suprêmes des règles de déduction des pensions alimentaires versées par un parent à l’autre, dans le cas d’un enfant vivant en résidence alternée. Selon les requérants, une rupture d’égalité devant les charges publiques et devant la loi entache d’inconstitutionnalité l’article 156 du CGI. Deux situations doivent être alors distinguées : la première, correspond à des parents séparés qui ont choisi une résidence principale pour l’enfant chez l’un d’eux. La seconde présente l’option d’une résidence alternée, l’enfant vivant chez ses deux parents pour le même temps [2]. Selon le requérant, la loi rompt l’égalité entre ces deux situations ainsi qu’entre parents ayant opté pour la garde alternée au regard des règles de détermination du revenu imposable à l’impôt sur le revenu [3].
L’article 193 du CGI (N° Lexbase : L3952I7I) dispose que le revenu imposable, constituant l’assiette de l’impôt sur le revenu est déterminé après application d’un quotient familial calculé en fonction de la situation et des charges de famille du contribuable. Lorsque les parents d’un enfant sont séparés et déclarent leurs revenus séparément, chacun bénéficie de la part de l’enfant résidant chez lui et dont il assume la charge [4]. En cas de résidence partagée [5], comme dans le cas d’espèce, la charge assumée par les parents est considérée [6] comme également répartie entre les deux parents. Ces derniers, par ailleurs contribuables, bénéficient alors de la moitié de la majoration du quotient familial. Tel le Roi Salomon, le législateur semble avoir parfaitement réparti l’avantage fiscal au regard de la charge supportée. La détermination du nombre de parts en fonction du rang de l’enfant et de la situation du parent est par ailleurs clairement définie par l’article 194 du CGI (N° Lexbase : L3343LCS). Il dispose en outre, que le bénéfice de la majoration du quotient familial résulte de la charge économique effective découlant de l’entretien et de l’éducation de l’enfant.
L’article 156 du CGI détermine le revenu imposable à l’impôt sur le revenu, l’alinéa contesté ici prévoyant que « le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu’ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial » [7]. Pour le parent ayant opté pour une résidence principale de l’enfant, le législateur a, par cette disposition, entendu empêcher le contribuable de bénéficier cumulativement d’une majoration de quotient dans la composition de son foyer fiscal et d’une déduction de la pension alimentaire versée pour « la contribution à son entretien et à son éducation » [8]. Cette situation aurait conduit selon le Conseil à un double avantage fiscal pour le parent versant la pension alimentaire qui la déduirait de son revenu global et qui bénéficierait d’une majoration de son quotient familial [9].
La situation est plus complexe dans la situation de garde partagée de l’enfant. Dans ce cas, la charge de l’enfant est considérée comme étant équitablement répartie entre chaque parent. Chacun bénéficie d’une moitié de majoration de quotient familial alors que dans une situation déséquilibrée, le parent qui a la charge principale de l’enfant déduit une part pleine. La doctrine administrative indique clairement qu’ « aucune déduction n’est possible au titre de versements effectués pour un enfant dont la charge est partagée entre les parents et qui ouvre droit de ce fait à un avantage de quotient familial à chacun des deux parents (CGI, article 156, II-2°) » [10]. Le parent débirentier ne peut alors pas déduire la pension alimentaire versée, à la différence de la première situation, alors que le parent bénéficiaire n’est pas imposé sur cette somme [11]. En l’espèce, le requérant bénéficie comme l’autre parent d’une majoration de 0,25 % de part au titre de l’enfant à charge. Les situations peuvent se résumer ainsi :
| Parent débirentier | Parent crédirentier |
Garde principale | Aucune majoration de quotient + pension versée déductible = 0 « avantage fiscal » + déduction | Une majoration pleine du quotient + pension imposable = 1 « avantage fiscal » + imposition |
Garde alternée | ½ majoration de quotient + pension non déductible = ½ « avantage fiscal » + imposition | ½ majoration de quotient + pension non imposable = ½ « avantage fiscal » + non-imposition |
Se crée alors, selon le requérant, une différence de traitement entre des parents assumant une garde alternée et ceux assumant la charge de l’enfant à titre exclusif, lorsqu’une pension alimentaire est versée par l’un des parents, mais également entre les deux parents d’un même enfant en résidence alternée lorsque l’un verse une pension à l’autre. Sur le fondement cumulatif des principes d’égalité devant les charges publiques [12] et d’égalité devant la loi [13], le requérant conteste cette inégalité entre deux situations fiscales de parents séparés. Le requérant reproche à la disposition du CGI de violer les principes d’égalité au motif qu’elle ne permet pas au parent bénéficiant de la demi-part supplémentaire en raison d’une « demi-résidence » de déduire les pensions versées à l’autre parent. Le Conseil s’est alors interrogé afin de déterminer si une discrimination légale était créée entre des parents dont les enfants sont en résidence alternée ou pas et entre les deux parents d’un même enfant en résidence alternée.
Les juges de la rue Montpensier ont tranché en refusant d’identifier la distinction d’objet entre la pension et le quotient (I) pour finalement ne pas reconnaître de rupture d’égalité entre parents (II).
I. Quotient familial et pension alimentaire : deux notions pour un même objet
Le quotient familial, comme « avantage fiscal » consenti aux parents ayant des enfants à charge est une originalité française [14] correspondant fiscalement à la charge effective de l’enfant, équitablement répartie au regard du législateur, quelle que soit la situation de famille. La majoration reflétant la charge de l’enfant doit permettre une « égale répartition de l’impôt » et une atténuation de la progressivité de l’impôt sur le revenu. En l’espèce, la majoration de part correspond à la charge alternée, reconnue au bénéfice de chaque parent au titre de la période durant laquelle l’enfant est accueilli chez lui. En considérant que la pension alimentaire n’entre pas dans le champ des revenus ou des charges déductibles, seul cet avantage est consenti par le législateur pour un parent séparé ayant alternativement la charge d’un enfant.
La pension alimentaire correspond au versement d’une somme venant compenser un écart économique entre les revenus dont dispose chacun des parents pour assumer les dépenses d’entretien et d’éducation de l’enfant [15]. Le juge aux affaires familiales pourra ainsi, lorsqu’un accord amiable n’est pas trouvé entre les parents, fixer le montant de la pension alimentaire versée, comme il le ferait à propos d’une prestation compensatoire. La pension alimentaire n’a pour fonction que d’équilibrer les conditions de vie matérielle de l’enfant qu’il demeure chez un parent plus aisé ou chez celui moins fortuné. La pension n’est pas considérée pour le Conseil comme une charge, qui elle est symbolisée par le quotient familial, mais comme un rééquilibrage au profit d’un des parents, in fine dans l’intérêt de l’enfant. Le législateur se serait fondé sur des « critères rationnels et objectifs » en considérant que le rééquilibrage des niveaux de vie ne pouvait être considéré comme une charge. Cette neutralisation réalisée par l’article 80 septies du CGI correspond à une marginalisation de ce transfert économique existant dans l’intérêt de l’enfant, il ne semble plus correspondre à un flux financier aux yeux du législateur, il n’est pas une charge pour celui qui la verse, il n’est pas une créance pour celui qui le reçoit… Le Conseil constitutionnel en marginalisant la pension alimentaire, devenue étrangère aux revenus et aux charges, semble qualifier une somme d’argent comme relevant d’une catégorie non-imposable : les frais d’entretien d’un enfant. Le CGI ne prévoit pourtant pas une telle qualification.
Le versement d’une pension et le bénéfice d’une majoration du quotient familial sont pour le Conseil constitutionnel, de même objet et ne sauraient constituer deux avantages fiscaux. Pourtant le cumul d’avantages fiscaux [16] semble écarté puisque le bénéfice du quotient familial correspond à la charge de l’enfant lorsqu’il est pris en charge par le parent et que la déductibilité de la pension correspondrait à la somme versée pour soutenir la charge supportée par l’autre parent. Les deux éléments correspondent donc à une charge assumée personnellement, dont le quotient est le reflet fiscal, et la pension une charge externe. Il n’y a donc pas de cumul d’avantages fiscaux identifiable puisque l’objet de chaque avantage est différent. Cette distinction d’objet et ce non-cumul d’avantages fiscaux entrainent de facto une différence de traitement entre des parents bénéficiant d’une garde alternée versant une pension alimentaire à l’image du requérant et des parents dont l’enfant est placé à titre principal chez un des deux parents dont l’un verse une pension à l’autre, mais également entre les deux parents d’un même enfant en résidence alternée dont l’un verse une pension à l’autre.
II. Une rupture d’égalité entre parents non reconnue par le Conseil constitutionnel
En invoquant l’article 80 septies du CGI le Conseil constitutionnel semble neutraliser le problème, vider de sa substance la question posée par les requérants et justifier le respect du principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques [17]. Certes, la pension versée non déductible pour le parent débirentier n’est pas non plus imposable pour le parent crédirentier. L’équilibre global au regard du droit fiscal de la situation des parents peut difficilement satisfaire le parent qui verse une pension, mais qui ne peut pas la déduire, et ne bénéficie que d’une demi-majoration. Or, la requête est plus large en ce qu’elle considère l’inégalité entre parents dont les enfants sont en résidence alternée et ceux étant en résidence principale chez l’un d’eux. Dans ce dernier cas la pension versée est déductible pour le parent qui la verse et imposable pour celui qui la reçoit. L’inégalité demeure, alors qu’en garde alternée le parent est amputé d’un demi-avantage comme si la résidence alternée avait fractionné un seul avantage fiscal en deux parties au bénéfice des deux parents. Il était question de garde à mi-temps, l’avantage semble être lui aussi en demi-tarif. L’inégalité se retrouve aussi lorsqu’on constate que le parent qui reçoit la pension n’est pas imposable sur cette somme et bénéficie d’une demi-majoration alors que celui qui la verse est imposé sur cette somme, alors qu’il n’a pas la jouissance de ce revenu. Or factuellement, le parent qui assume d’une part l’entretien de l’enfant lorsqu’il est sous son toit et participe à cette charge lorsqu’il est chez le deuxième parent participe aux frais d’entretien de l’enfant au sein de ses deux résidences. Retrouvant la position de la jurisprudence « Danthony » [18], le Conseil constitutionnel n’a en l’espèce pas considéré que la pension alimentaire était assimilable à une « charge d’entretien » au profit d’une participation aux charges, sans réelle substance fiscale. Il n’y a pas lieu, selon les Sages, de reconnaître une rupture d’égalité devant les charges publiques [19].
La règle de non-cumul retenue par les juges semble poser une difficulté notamment au regard du critère objectif et rationnel. Déduite et imposée dans une situation déséquilibrée, donc considérée comme une charge et un revenu, la pension perd son caractère pécuniaire au regard du législateur dans le cas d’une garde alternée.
La logique voudrait ainsi que la pension soit considérée de façon harmonisée : elle constitue un transfert économique, une charge pour celui qui la verse et un revenu destiné à couvrir les besoins de l’enfant pour celui qui la reçoit quelle que soit la situation familiale. Les Sages n’ont pas entendu considérer de la même façon la pension alimentaire et ont rappelé que « le Conseil constitutionnel n’a pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé » [20]. La formule permet ainsi de dire que la pension alimentaire en fonction de la situation familiale n’a pas à entrer dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Pour des parents bénéficiant d’une garde alternée elle est fiscalement neutralisée et ne peut constituer de rupture d’égalité devant la loi et devant les charges. La demi-résidence a ainsi produit une demi-inégalité, le Conseil constitutionnel refusant de reconnaître un régime unique à la pension alimentaire quel que soit la situation familiale.
[1] Le deuxième alinéa du 2 ° du paragraphe II de l'article 156 du Code général des impôts, dans ses rédactions résultant du décret n° 2011-645, du 9 juin 2011, portant incorporation au Code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce Code (N° Lexbase : L4337IQP), du décret n° 2012-653, du 4 mai 2012, portant incorporation au Code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce Code (N° Lexbase : L0192ITB), du décret n° 2014-549, du 26 mai 2014, portant incorporation au Code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce Code (N° Lexbase : L3202I3Y) et du décret n° 2015-608 du 3 juin 2015 portant incorporation au Code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce Code (N° Lexbase : L7519I8Y).
[2] 12 % des enfants ayant des parents séparés vivent en résidence alternée, soit 480 000 enfants en 2020. Source : INSEE, [en ligne].
[3] La loi n° 2002-305, du 4 mars 2002, relative à l’autorité́ parentale (N° Lexbase : L4320A4R) a offert la possibilité d’une résidence alternée de l’enfant au domicile des deux parents en cas de divorce.
[4] CGI, art. 194 I.
[5] L’article 5 de la loi du 4 mars 2002, n° 2002-305 avait introduit à l’article 373-2-9 du Code civil (N° Lexbase : L0239K7Y) la possibilité d’une résidence alternée au bénéfice d’enfants de parents séparés, divorcés ou en instance de divorce.
[6] Il s’agit d’une présomption simple.
[7] Ce principe ancien a été reconnu par la jurisprudence du Conseil d’État : CE 8° et 9° ssr., 18 décembre 1974, n° 92083 (N° Lexbase : A2626B8R) ; RJF 2/75 p. 60, CE Section, 11 mars 1977 n° 3797 (N° Lexbase : A4252AXR), RJF 1977, n° 191.
[8] C. civ., art. 373-2-2 (N° Lexbase : L1545LZA).
[9] PLFR n° 382 pour 2002, du 20 novembre 2002, article 23.
[10] BOI-IR-BASE-20-30-20-30 (N° Lexbase : X8823AMQ).
[11] CGI, art. 80 septies (N° Lexbase : L1789HLT).
[12] DDHC, art. 13 (N° Lexbase : L1360A9A).
[13] DDHC, art. 6 (N° Lexbase : L1370A9M).
[14] Instauré par la loi du 31 décembre 1945.
[15] C. civ., art. 371-2 (N° Lexbase : L2989LUA).
[16] Les Sages rappellent au § 9 que : « le législateur a entendu éviter un cumul d'avantages fiscaux ayant le même objet ».
[17] § 19 de la décision.
[18] CE 3° et 8° ch.-r., 28 décembre 2016, n° 393214, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3672SYN), RDF, 2017, n° 12, comm. 211, RJF 3/17, n° 211, concl. E. Cortot-Boucher p. 382.
[19] § 9 de la décision.
[20] § 8 de la décision.
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Réf. : Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-13.856, FS-B (N° Lexbase : A40994X4)
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N8085BY4
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par Charlotte Moronval
Le 30 Juin 2021
► Les enregistrements, issus d’un dispositif de vidéosurveillance, ne sont pas opposables au salarié, dès lors que ce dispositif est attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens.
En l’espèce. Un salarié, qui travaille comme cuisinier dans une pizzeria, est licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant notamment des faits qu’il offrait de prouver au moyen d’images obtenues par un dispositif de vidéosurveillance.
Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale. La cour d’appel décide de condamner l’employeur à payer au salarié des sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de rappels de salaire et congés payés afférents et dommages-intérêts pour licenciement abusif. L’employeur forme un pourvoi en cassation.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi.
Rappel. C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) : nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. |
→ En l’espèce, la cour d’appel a constaté que le salarié, qui exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée. Elle en a déduit à bon droit que les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, n’étaient pas opposables au salarié et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
Pour en savoir plus. Sur la jurisprudence en la matière :
|
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Réf. : Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, art. 55 III (N° Lexbase : L8421LT3)
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N8098BYL
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par Charles Simon, avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’AAPPE et de Droit & Procédure
Le 23 Juillet 2021
Mots-clés : procédure civile • tribunal judiciaire • procédure écrite ordinaire • prise de date
La prise de date est généralisée devant le tribunal judiciaire à compter du 1er juillet 2021. C’est l’aboutissement d’une réforme en cours depuis maintenant un an et demi. Pour la comprendre, nous répondrons à six questions : de quelle réforme s’agit-il ? Quand entre-t-elle en vigueur ? Quel contentieux concerne-t-elle ? Que change-t-elle sur le déroulé de la procédure devant le tribunal ? Que change-t-elle sur la phase préalable à la saisine du tribunal ? Quelles difficultés de mise en œuvre sont à prévoir ?
I. De quelle réforme s’agit-il ?
La réforme généralisant la prise de date devant le tribunal judiciaire est issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 (N° Lexbase : L8421LT3) réformant la procédure civile.
Il ne s’agit donc pas d’une réforme récente.
Bien au contraire, elle est en gestation depuis déjà un an et demi.
II. Quand la réforme entre-t-elle en vigueur ?
La réforme entre en vigueur le 1er juillet 2021 (décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, art. 55 III).
Les plus assidus auront relevé qu’avant la date fatidique du 1er juillet 2021, son entrée en vigueur avait fait l’objet de deux reports :
Nous disons bien seconde fois car il ne devrait pas y avoir de nouveau report de dernière minute.
Sauf surprise, la date du 1er juillet 2021 est donc bien la date d’entrée en vigueur effective de la réforme.
À noter que la réforme est entrée en vigueur dès le 1er janvier 2021 pour certaines procédures écrites devant le tribunal judiciaire, à savoir les « procédures prévues aux sous-sections 3 et 4 de la section II du chapitre V du titre Ier du livre troisième du code de procédure civile ».
Ces deux hypothèses pour lesquelles l’entrée en vigueur de la réforme a été anticipée correspondent aux procédures de divorce judiciaire autres que par consentement mutuel et à la séparation de corps.
III. Quel contentieux est concerné par la réforme ?
La réforme concerne la « procédure écrite ordinaire » devant le tribunal judiciaire, c’est-à-dire, en pratique, la procédure au fond, hors procédure à jour fixe.
Les autres procédures ne sont donc pas concernées, que ce soit devant les autres tribunaux de l’ordre judiciaire (tribunaux de commerce ; conseils des Prud’hommes…) ou même au sein du tribunal judiciaire (référés ; juge des contentieux de la protection ; juge de l’exécution…).
IV. Que change la réforme sur le déroulé de la procédure devant le tribunal ?
Nous avons envie de dire rien. Aucune modification n’est à attendre de la réforme sur le déroulé de la procédure devant le tribunal judiciaire. En particulier, il y aura toujours quasi-systématiquement une mise en état.
Nous précisons « quasi-systématiquement » car le renvoi pour plaider lors de la première audience, désormais appelée « d’orientation », comme en matière de saisie immobilière, est toujours possible (CPC, art. 778 N° Lexbase : L9316LT9), comme il l’était auparavant (CPC, art. 760 ancien
Nous n’avons cependant pas connaissance que cette possibilité n’ait jamais été mise en œuvre.
La réforme ne devrait donc avoir aucun impact, notamment sur les délais de traitement des affaires. En réalité, la réforme concentre tous ses effets sur la phase préalable à la saisine du tribunal.
V. Que change la réforme sur la phase préalable à la saisine du tribunal ?
A. La modification des mentions obligatoires de l’assignation
La réforme modifie d’abord les mentions obligatoires de l’assignation.
L’article 56 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8646LYU) dans sa version désormais applicable prévoit que, à peine de nullité, l’assignation doit contenir les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée. L’assignation doit préciser également la chambre désignée. Faute d’indication en ce sens, l’absence de cette dernière mention ne devrait pas être sanctionnée par une nullité.
Auparavant, l’article 56 du Code de procédure civile ne prévoyait comme mention obligatoire que l’indication de la juridiction devant laquelle la demande était portée. Quant aux dispositions particulières à l’assignation devant le tribunal de grande instance (remplacé par le tribunal judiciaire), elles n’exigeaient pas que le jour et l’heure de l’audience à laquelle l’affaire serait appelée ni encore la chambre désignée ne soient mentionnés (CPC, art. 752 ancien N° Lexbase : L6968H79). Et pour cause, c’était le président du tribunal qui, après le placement de l’assignation, fixait les jour et heure auxquels l'affaire était appelée et la distribuait à une chambre (CPC, art. 758 ancien N° Lexbase : L6977H7K).
Il faut donc mettre à jour ses modèles d’assignation devant le tribunal judiciaire pour tenir compte de ces mentions obligatoires nouvelles, qu’elles soient sanctionnées ou non par une nullité de l’acte.
Lexbase propose un modèle d’assignation devant le tribunal judiciaire au fond à jour de la réforme ( |
B. L’obligation de présenter un projet d’assignation pour obtenir une date d’audience
En obligeant à indiquer la date de la première audience sur l’assignation, la réforme oblige, ipso facto, à obtenir une date du tribunal.
Cela n’est en rien révolutionnaire si l’on veut bien se rappeler que c’est ainsi que l’on a toujours fait devant le tribunal de commerce, au fond et en référé, mais aussi devant le tribunal de grande instance, en référé.
La vraie nouveauté réside donc dans les modalités de la prise de date.
La réforme est cependant pour le moins nébuleuse sur ce point puisque, fidèle à sa façon de procéder désormais, la Chancellerie a introduit dans le Code de procédure civile un article qui n’apprend strictement rien ou si peu.
L’article 751 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8648LYX) indique ainsi que :
« la demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par le greffe au demandeur sur présentation du projet d'assignation. Un arrêté du Garde des Sceaux détermine les modalités d'application du présent article. »
La seule chose qui est donc certaine est que le greffe ne donnera de date que sur présentation d’un projet d’assignation. Il s’agit d’une nouveauté résultant non de la réforme issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 mais de la réforme de la réforme issue du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 (N° Lexbase : Z7419194).
On renverra à l’article que nous avions rédigé à ce sujet [1], en notant que les difficultés liées à la prise de date sont, en réalité, moins nombreuses que nous ne le craignions à l’époque. En particulier, ce n’est pas le greffe qui procède à la distribution du dossier à telle ou telle chambre mais l’avocat, en l’état de l’outil informatique de prise de date qui a été présenté.
En conséquence, l’intervention du greffe sur le projet d’assignation devrait être purement formelle.
C. L’obligation de prendre une date par e-Barreau
L’article 751 du Code de procédure civile renvoie à un arrêté pour les modalités de la prise de date. C’est ce point qui explique les reports successifs de l’entrée en vigueur de la réforme.
En l’état, les modalités de la prise de date sont fixées par l’arrêté du 9 mars 2020 relatif aux modalités de communication de la date de première audience devant le tribunal judiciaire (
Il est pour le moins vague puisque son article 1er prévoit que :
« lorsque la demande en justice est formée par assignation devant le tribunal judiciaire, la communication de la date de première audience se fait par tout moyen et notamment selon les modalités prévues au présent arrêté. »
Nous ne sommes, en apparence, pas plus avancés.
Mais son article 4 prévoit que :
« Par dérogation aux dispositions du chapitre I :
Toutefois, elle est sollicitée par un message transmis au moyen du système de communication électronique défini par l'arrêté du 7 avril 2009 (N° Lexbase : L0193IEU) relatif à la communication électronique devant les tribunaux judiciaires dans les juridictions où une telle transmission a été rendue possible pour les procédures mentionnées au premier alinéa. »
On passera sur le fait que la référence aux « procédures mentionnées au premier alinéa » est pour le moins obscure.
La référence au « système de communication électronique défini par l'arrêté du 7 avril 2009 relatif à la communication électronique devant les tribunaux judiciaires » renvoie quant à elle à e-Barreau.
Il s’en déduit que, dès lors que la transmission de la demande de date est possible via e-Barreau devant un tribunal judiciaire, cette modalité doit être obligatoirement utilisée. Or, à notre connaissance, la version d’e-Barreau permettant la prise de date n’a été livrée qu’en avril 2021 et les tribunaux n’ont réalisé des tests avec les différents Barreaux qu’à partir de mai 2021 à notre connaissance.
C’est donc cette circonstance qui a retardé l’entrée en vigueur de la réforme jusqu’ici et qui la permet désormais, l’outil de prise de date étant maintenant livré et opérationnel. Il est possible que l’entrée en vigueur de la prise de date entraîne une modification de l’arrêté du 9 mars 2020. Ce n’était cependant pas le cas au moment où nous écrivons ces lignes et sa rédaction actuelle (sous réserve de l’obscurité mentionnée) nous paraît pouvoir perdurer maintenant que l’outil de prise de date est là.
D. L’obligation de placer l’assignation dans un double délai
L’entrée en vigueur de la réforme de la prise de date modifie également les délais de placement de l’assignation. Pour mémoire, avant la réforme, le placement de l’assignation devait être effectué dans les quatre mois à compter de sa signification (CPC, art. 757 ancien N° Lexbase : L1468I8U).
Désormais, il doit intervenir dans un double délai (CPC, art. 754 N° Lexbase : L8652LY4) :
Nous avons critiqué ce dernier délai de deux mois car son point de départ ne peut être connu du défendeur qui, pourtant, a le droit de placer l’assignation et peut y avoir intérêt [2].
Il se dit que la Chancellerie aurait dans ses projets une réforme de la réforme de la réforme de la procédure civile qui le supprimerait. Cette volonté réformatrice au cube n’est, bien entendu, pas liée à notre critique mais à l’objectif qui a toujours été celui de la Chancellerie, à savoir que les assignations soient placées au moins quinze jours avant l’audience pour permettre au greffe d’organiser son rôle. Si cela se confirme, la Chancellerie aura donc eu besoin de disposer de trois essais (le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, puis celui n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 et enfin celui annoncé) pour parvenir au système qui prévaut devant le tribunal de commerce depuis 1976 et qui tient en une phrase : « Cette remise [de l’assignation] doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l'audience » (CPC, art. 857 N° Lexbase : L1475I87). Comme quoi, faire et défaire, c’est toujours travailler.
VI. Quelles difficultés de mise en œuvre sont à prévoir ?
A. La question de l’urgence
Une question a échauffé les esprits : quid en cas d’urgence pour délivrer l’assignation ?
En effet, la prise de date risque de retarder le processus de délivrance et elle n’interrompt pas, en soi, la prescription. Le souci est légitime mais, en l’état de l’outil présenté, le risque paraît en pratique limité. Car une date est bien communiquée immédiatement à l’avocat lorsqu’il fait sa demande via e-Barreau. La chambre à laquelle l’affaire est distribuée lui est aussi communiquée à cette occasion. Le processus de prise de date en ligne ne nécessite pas plus de quelques minutes et l’avocat dispose donc de suite l’ensemble des éléments nécessaires pour compléter son assignation et l’envoyer à l’huissier pour délivrance.
La difficulté tient en réalité à ce que la date communiquée est « provisoire », sous réserve de confirmation par le greffe. Le tribunal de Paris annonce une réponse du greffe sous 24 heures ouvrées [3]. Il annonce également un système parallèle de prise de date, via le Bureau d’ordre civil (BOC), en cas d’urgence avérée. Mais ce n’est qu’à l’usage que l’on verra si ces promesses sont tenues.
Qu’en est-il de plus des autres tribunaux ?
Il y a donc toujours ici un risque si un délai est sur le point d’expirer et qu’il n’est pas possible d’attendre la confirmation du greffe.
L’assignation pourrait être délivrée sur la base de la date provisoire communiquée, mais avec le risque de son refus ultérieur par le greffe.
B. Le caractère peu intuitif de l’interface RPVA (au moins V1)
Au final, le plus grand reproche qu’il nous semble possible de formuler à l'égard du système de prise de date tel qu’il existe aujourd’hui est sans doute son peu d’intuitivité.
Les tests réalisés ont été avec la version 1 du Réseau privé virtuel des avocats (RPVA) qui est géré par le Conseil national des Barreaux.
La prise de date implique d’utiliser l’ancien onglet placement qui contient des mentions anachroniques telles que « placement au fond » en haut de page (alors qu’il s’agit de « prise de date au fond ») et « pensez à joindre une copie de l’assignation délivrée » (alors qu’il s’agit de joindre le projet d’assignation).
Quant au placement de l’assignation délivrée, il se fait via un « nouveau message civil », en procédant à quatre choix dans des menus déroulants dont deux au moins ne nous paraissent absolument pas évidents.
Sauf à avoir suivi une formation spécifique à la prise de date ou à disposer d’un tutoriel, il nous paraît donc illusoire de penser pouvoir réussir à prendre seul une date.
La version 1 du RPVA est cependant en fin de vie. Espérons donc que sa version 2 réglera ces problèmes en proposant un cheminement intuitif et sécurisé, d’abord pour prendre sa date puis pour placer l’assignation délivrée.
[1] Ch. Simon, Même joueur joue encore : la réforme de la réforme de la procédure civile, Lexbase, Droit privé, décembre 2020, n° 847 (N° Lexbase : N5622BYU).
[2] Ch. Simon, ibid.
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Réf. : CJUE, 22 juin 2021, aff. jointes C-682/18 et C-683/18 (N° Lexbase : A76614WN)
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N8128BYP
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par Vincent Téchené
Le 02 Juillet 2021
► En l’état actuel du droit de l’Union, les exploitants de plateformes en ligne ne font pas, eux-mêmes, une communication au public des contenus protégés par le droit d’auteur que leurs utilisateurs mettent illégalement en ligne, à moins que ces exploitants ne contribuent, au-delà de la simple mise à disposition des plateformes, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d’auteur ;
Par ailleurs, ces exploitants peuvent bénéficier de l’exonération de responsabilité, au sens de la Directive n° 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (N° Lexbase : L8018AUI, à la condition qu’ils ne jouent pas un rôle actif de nature à leur conférer une connaissance et un contrôle des contenus téléversés sur leur plateforme.
Faits et procédure. Dans le litige à l’origine de la première affaire (C-682/18), un producteur de musique poursuit YouTube et sa représentante légale Google devant les juridictions allemandes au sujet de la mise en ligne, sur YouTube, en 2008, de plusieurs phonogrammes sur lesquels il allègue détenir différents droits. Cette mise en ligne a été effectuée par des utilisateurs de cette plateforme sans son autorisation.
Dans le litige à l’origine de la seconde affaire (C-683/18), une maison d’édition poursuit Cyando devant les juridictions allemandes au sujet de la mise en ligne, sur sa plateforme d’hébergement et de partage de fichiers Uploaded, en 2013, de différents ouvrages sur lesquels la maison d’édition détient les droits exclusifs. Cette mise en ligne a été effectuée par des utilisateurs de cette plateforme sans son autorisation.
Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), saisi de ces deux litiges, a donc soumis plusieurs questions préjudicielles à la CJUE afin que cette dernière précise, entre autres, la responsabilité des exploitants de plateformes en ligne s’agissant des œuvres protégées par le droit d’auteur qui sont mises en ligne sur ces plateformes, de manière illicite, par leurs utilisateurs.
Décision. Cette responsabilité est examinée par la Cour, réunie en grande chambre, sous le régime applicable à l’époque des faits résultant de la Directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur (N° Lexbase : L8089AU7), de la Directive n° 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, ainsi que de la Directive n° 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2091DY4). Les questions préjudicielles posées ne concernent donc pas le régime, entré en application postérieurement à l’époque des faits, institué par la Directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (N° Lexbase : L3222LQE).
En premier lieu, la Cour examine la question de savoir si l’exploitant d’une plateforme de partage de vidéos ou d’une plateforme d’hébergement et de partage de fichiers, sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, effectue lui-même une « communication au public » de ces contenus, au sens de la Directive n° 2001/29.
La Cour souligne, notamment, le rôle incontournable joué par l’exploitant de la plateforme et le caractère délibéré de son intervention. En effet, celui-ci réalise un « acte de communication » lorsqu’il intervient, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, pour donner à ses clients accès à une œuvre protégée, et ce notamment lorsque, en l’absence de cette intervention, ses clients ne pourraient, en principe, jouir de l’œuvre diffusée.
Dans ce contexte, la Cour juge que l’exploitant d’une plateforme de partage de vidéos ou d’une plateforme d’hébergement et de partage de fichiers, sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, n’effectue pas une « communication au public » de ceux-ci, au sens de la Directive n° 2001/29, à moins qu’il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de la plateforme, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d’auteur. Tel est notamment le cas lorsque cet exploitant a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d’un contenu protégé sur sa plateforme et s’abstient de l’effacer ou d’en bloquer l’accès promptement. Tel peut également être le cas lorsque l’exploitant, alors même qu’il sait ou devrait savoir que des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l’intermédiaire de sa plateforme par des utilisateurs de celle-ci, s’abstient de mettre en œuvre les mesures techniques appropriées ou encore lorsqu’il participe à la sélection de contenus protégés communiqués illégalement au public.
En deuxième lieu, la Cour se penche sur la question de savoir si un exploitant de plateformes en ligne peut bénéficier de l’exonération de responsabilité, prévue par la Directive n° 2000/31 sur le commerce électronique, pour les contenus protégés que des utilisateurs communiquent illégalement au public par l’intermédiaire de sa plateforme.
La Cour juge notamment que cet exploitant peut bénéficier de l’exonération de responsabilité, pourvu qu’il ne joue pas un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance et un contrôle des contenus téléversés sur sa plateforme. La Cour précise sur ce point que, pour être exclu du bénéfice de l’exonération de responsabilité, l’exploitant doit avoir connaissance des actes illicites concrets de ses utilisateurs.
En troisième lieu, la Cour précise les conditions dans lesquelles les titulaires des droits, en vertu de la Directive n° 2001/29, peuvent obtenir des injonctions judiciaires à l’encontre des exploitants de plateformes en ligne. Ainsi, elle juge que cette Directive ne s’oppose pas à ce que, en vertu du droit national, le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin ne puisse obtenir une ordonnance sur requête qu’à la condition que, avant l’ouverture de la procédure judiciaire, l’atteinte ait été préalablement notifiée à l’exploitant et que celui-ci ne soit pas intervenu promptement pour retirer le contenu en question ou en bloquer l’accès et pour veiller à ce que de telles atteintes ne se reproduisent pas. Il appartient toutefois aux juridictions nationales de s’assurer, dans l’application d’une telle condition, que celle-ci n’aboutit pas à ce que la cessation effective de l’atteinte soit retardée de façon à engendrer des dommages disproportionnés pour ce titulaire.
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Réf. : Cass. civ. 1, 23 juin 2021, n° 19-23.614, FS-B (N° Lexbase : A95664W9)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 01 Juillet 2021
► Le juge ne peut considérer qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse constitue un bien propre, en tant qu’elle est destinée à indemniser un préjudice personnel, sans rechercher s’il s’agit de réparer un préjudice exclusivement personnel, et ne résultant donc pas, même partiellement, de la perte d’emploi, auquel cas l’indemnité constitue un bien commun pour le tout.
Il est acquis de longue date que l’indemnité de licenciement constitue un bien commun dès lors qu’elle est attribuée principalement à titre de substitut de rémunération (Cass. civ. 1, 28 novembre 2006, n° 04-17.147, FS-P+B N° Lexbase : A7700DSY ; Cass. civ. 1, 3 février 2010, n° 09-65.345, FS-P+B N° Lexbase : A6182ERE).
Dans l’affaire en cause, la cour d’appel avait néanmoins retenu que la communauté devait récompense à l’ex-épouse de la somme correspondant aux dommages-intérêts auquel son ancien employeur avait été condamné à lui verser en raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir relevé que cette somme était destinée à indemniser un préjudice personnel.
La décision est censurée par la Cour régulatrice qui rappelle qu’il résulte des articles 1401 (N° Lexbase : L1532ABD) et 1404, alinéa 1er (N° Lexbase : L1535ABH), du Code civil que les indemnités allouées à un époux entrent en communauté, à l'exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier.
Selon la Haute juridiction, la cour d’appel ne pouvait donc se contenter de relever que « cette somme était destinée à indemniser un préjudice personnel », sans rechercher, comme il le lui incombait, si cette indemnité avait exclusivement pour objet de réparer un dommage affectant uniquement sa personne et non pas le préjudice résultant de la perte de son emploi.
Autrement dit, quand bien même l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse peut comporter une part destinée à indemniser un préjudice personnel, on imagine mal qu’elle ne comporte pas une part destinée à réparer la perte d’emploi, laquelle part fait basculer l’indemnité pour le tout dans la catégorie des biens communs.
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Réf. : Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
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par Marie-Claire Pottecher, Avocate associée, Fidere Avocats
Le 30 Juin 2021
Mots clés : BDES • consultations • CSE • expert • formations des élus • projet de loi « Climat »
Le projet de loi « Climat et résilience » envisage, non sans résistances à ce stade de sa discussion, d’élargir la consultation des CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés aux questions environnementales. Si ces dispositions sociales devaient être adoptées, cela aurait une incidence sur la teneur du dialogue social dans l’entreprise.
Le 14 juin 2021, a débuté devant le Sénat l’examen du projet de loi « Climat et résilience », adopté en première lecture le 4 mai 2021 par l’Assemblée nationale. Il convient à notre sens de d’ores et déjà mesurer les effets que vont avoir la loi et ses textes d’application sur les relations collectives de travail, singulièrement s’agissant des CSE [1], du moins ceux qui existent dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Les deux chambres devraient discuter du texte en commission mixte paritaire [2] vers le 7 juillet et il est hautement probable que la commission spéciale de l’Assemblée nationale s’empare à nouveau du projet de loi. Un vote ne devrait pas intervenir avant fin septembre. À date [3], les deux amendements n° 2152 et 2153 portés par le Gouvernement devant le Sénat et qui visaient à rétablir la rédaction des articles 16 et 16 bis, tels qu’adoptés par l’Assemblée nationale (que nous présentons ci-dessous), ont été rejetés par le Sénat.
Pour mémoire, le projet de loi s’inscrit dans le sillage de la convention citoyenne qui fixe un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030.
Le projet de loi du Gouvernement a d’ores et déjà connu des avancées devant l’Assemblée nationale mais qui, aux yeux de certains, sont insuffisantes [4].
L’on rappellera, comme le précise le rapport « aGREENment » [5], que certains CSE ont déjà fait le choix d’ajouter la dimension environnementale à leur dénomination, voire à ce qu’une commission environnementale soit mise en place. Le rapport « aGREENment » pour la France, sous la direction du Professeur Alexis Bugada, met ainsi en lumière des notions environnementales déjà appropriées par les entreprises, les branches (et dans une moindre mesure l’interprofession), via l’étude de 300 accords et un clausier de clauses dites « vertes » [6]. La loi « Climat » ferait néanmoins basculer la dimension environnementale de l’activité de l’entreprise de la « soft law » à la « hard law », avec des mesures contraignantes pour les entreprises.
Nous vous proposons une présentation rapide des dispositions à date des articles 16 et 16 bis du titre II chapitre II de la loi dite « Climat », tels qu’adoptés le 4 mai 2021 par l’Assemblée nationale.
1 - S’agissant des consultations ponctuelles du CSE, quelles seraient les potentielles évolutions ?
À ce jour, l’article L. 2312-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8460LGG) est envisagé de la manière suivante, les évolutions étant mentionnées en caractères gras :
« I. Le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise ainsi qu’à la prise en compte de leurs conséquences environnementales, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.
II. Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur :
1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;
2° La modification de son organisation économique ou juridique ;
3° Les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ;
4° L'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
5° Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l'aménagement des postes de travail.
III. Le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures mentionnées au II du présent article ».
Au-delà de l’insertion envisagée au I, l’évolution majeure est naturellement l’insertion d’un III à l’article L. 2312-8 du Code du travail. Cette insertion implique d’intégrer à chaque projet visé au II un volet dédié aux conséquences environnementales du projet sur lequel porte la consultation.
La conséquence n’est pas neutre et devrait impliquer une entrée en vigueur adaptée à ces nouvelles exigences pour les entreprises.
Si l’on imagine facilement les développements afférents aux conséquences environnementales d’un projet de déménagement de siège social, certains sujets d’information consultation risquent de voir un tel item peu développé. À notre sens, l’implication des équipes opérationnelles déjà requise dans la préparation des supports servant de base à la consultation deviendra incontournable, afin d’assurer une information pleine et entière du CSE sur le projet requérant sa consultation. En matière de licenciement collectif pour motif économique, l’on a d’ailleurs pu lire qu’après les livres I, II et IV, un livre « vert » [7] allait manifestement faire son entrée dans le champ de la consultation.
2 - S’agissant des consultations récurrentes du CSE, quelles seraient les potentielles évolutions ?
À ce jour, l’article L. 2312-17 (N° Lexbase : L8250LGN) [8] du Code du travail est envisagé de la manière suivante :
« Le comité social et économique est consulté dans les conditions définies à la présente section sur :
1° Les orientations stratégiques de l'entreprise ;
2° La situation économique et financière de l'entreprise ;
3° La politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.
Au cours de ces consultations, le comité est informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ».
Si l’on peut estimer que la dimension environnementale sera directement examinée s’agissant des orientations stratégiques, elle le sera à notre sens plus indirectement s’agissant de la situation économique et financière dite « bloc 2 » ou de la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi dite « bloc 3 ».
L’on verra ci-dessous que cette évolution modifie également le champ d’intervention de l’expert-comptable pouvant intervenir sur ces consultations.
3 - S’agissant du support d’information du CSE, quelles seraient les potentielles évolutions apportées à la BDES ?
À ce jour, l’article 16 bis du projet de loi ajoute à la dénomination de la base de données économiques et sociales, l’adjectif « environnementales ». Cette évolution de dénomination s’accompagne d’une adjonction majeure à l’article L. 2312-21 (N° Lexbase : L8269LGD) (et aux dispositions supplétives de l’article L. 2312-36 N° Lexbase : L9916LLT) du Code du travail qui ajoute en conséquence un item aux BDES, à savoir « les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ».
Il conviendra de faire preuve de rigueur dans l’application de la règle, compte tenu notamment de la position prise récemment par la CAA de Versailles le 9 février 2021 [9], considérant qu’une insuffisance de la BDES peut priver les élus de leur capacité à rendre un avis en toute connaissance de cause.
Ces évolutions doivent à notre sens conduire les acteurs à se saisir de l’opportunité laissée par les textes déjà existants, si cela n’est pas déjà fait, de négocier un accord de dialogue social intégrant tant le contenu de la BDES [10] (avec notamment les enjeux importants que nous connaissons en matière de temporalité des données intégrées à la BDES [11]) que de la fréquence [12] des consultations récurrentes dont le contenu va significativement évoluer. Pour ceux qui se seraient déjà saisis de cette opportunité, la révision des accords va devoir être envisagée.
L’enjeu est ici, aussi et surtout, de préciser les informations environnementales reliées à l’activité de l’entreprise, d’autant qu’on ne sait pas, à ce stade, si un décret viendra compléter ce dispositif.
4 - S’agissant de la formation des représentants du personnel, quelles seraient les potentielles évolutions ?
À date, le projet n’envisage pas l’organisation d’une session de formation des représentants aux conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, mais opte pour un ajout aux champs des formations existantes des représentants du personnel. Il en va ainsi, par exemple, de la formation économique des membres titulaires du CSE élus pour la première fois [13] et de la formation économique, sociale et syndicale [14]. Ces formations intègrent un volet environnemental mais sans évolution du nombre de jours de formation.
L’on notera que la même méthode a été appliquée s’agissant des possibles expertises attachées aux consultations récurrentes qui intégreraient une dimension environnementale à l’étude de l’expert. Cette évolution ne sera naturellement pas sans conséquence sur les honoraires des experts qui devraient intégrer ce nouveau pan dans leurs interventions.
[1] La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est également visée au niveau de la branche et de l’entreprise, avec notamment l’évolution apportée à l’article L. 2242-20, 1° du Code du travail (N° Lexbase : L9907LLI) qui intègre la réponse aux enjeux de la transition écologique.
[2] La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement.
[3] Cette contribution a été rédigée le 28 juin 2021.
[4] M. Despax, Le projet de loi climat et résilience va légitimer l’action des CSE sur les questions environnementales, AEF Info, 9 avril 2021.
[5] A. Bugada (dir), V.Cohen-Donsimoni, A. Martinez, V. Monteillet et C. Vanuls, Négociation collective et environnement - aGREENment, Rapport français, LexisNexis, coll. Planète Social, 2021.
[6] Avec des attributions du CSE revues : par exemple l’accord de groupe relatif à la refondation du dialogue social au sein d’Airbus en France (12/10/2018) qui évoque le CSE environnemental, allant parfois jusqu’à octroyer des crédits d’heures aux membres d’une instance hygiène - sécurité, environnement et développement durable (accord UES Solvay du 31/05/2016).
[7] K. de Oliveira et E. Doutriaux, Environnement et dialogue social, SSL, n° 1951-1952, 26 avril 2021.
[8] Un ajout similaire a été opéré à l’article L. 2312-22 (N° Lexbase : L8253LGR), relatif à la périodicité annuelle des consultations récurrentes à défaut d’accord (évolutions surlignées en gras).
[9] CAA Versailles, 9 février 2021, n° 20VE02948 (N° Lexbase : A19894GR).
[10] C. trav., art. L. 2312-21 (N° Lexbase : L8269LGD).
[11] C. trav., art. L. 2312-36 (N° Lexbase : L9916LLT).
[12] C. trav., art. L. 2312-19 (N° Lexbase : L9886LQ9).
[13] C. trav., art. L. 2315-63 (N° Lexbase : L8374LGA).
[14] C. trav., art. L. 2145-1 (N° Lexbase : L7246K9A) à L. 2145-4 (N° Lexbase : L7243K97).
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Réf. : Cass. civ. 2, 17 juin 2021, n° 20-10.396, F-D (N° Lexbase : A65934W4)
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N8114BY8
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 01 Juillet 2021
► La charge de la preuve de l’exécution de faire, assortie d’une astreinte, pèse sur le débiteur de l’obligation ; dès lors, il n’incombe pas au propriétaire de prouver que les objets entreposés dans les parties communes procèdent du preneur à bail ; cependant, il revient à ce dernier de rapporter la preuve qu’il a procédé à son obligation de les retirer et que les objets se trouvant encore entreposés dans les parties communes n’y sont pas de son fait.
Faits et procédure. Dans cette affaire, par un arrêt irrévocable la cour d’appel a condamné le preneur à bail d’un appartement à libérer les parties communes de tous les objets mobiliers qu’il a entreposés, sous astreinte de vingt euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision. Le juge de l’exécution a été saisi aux fins de liquidation de l’astreinte et de condamnation à une nouvelle astreinte.
Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l'arrêt (CA Aix-en-Provence, 28 février 2019, n° 18/06727 N° Lexbase : A2672YZY), d’avoir liquidé l’astreinte mise à sa charge à hauteur de 5 480 euros pour la période du 10 janvier au 10 octobre 2016, et de l’avoir condamné à verser cette somme aux consorts demandeurs en assortissant cette obligation d’une nouvelle astreinte provisoire de cinquante euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt. L’intéressé fait valoir qu’il appartient au juge de l’exécution de déterminer la teneur exacte de l’obligation qu’assortit l’astreinte. Il énonce que le dispositif de la décision présentait une ambiguïté, du fait que les parties communes étaient également encombrées par des objets déposés par des tiers. Enfin, il indique que les objets encore présents dans les parties communes y avaient été entreposés par des tiers, de sorte qu’il ne pouvait pas être considéré comme n’ayant pas exécuté l’obligation mise à sa charge.
Solution. Énonçant le principe susvisé, les Hauts magistrats valident le raisonnement de la cour d’appel, en précisant que c’est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis qu’elle a statué comme elle l’a fait. Par ailleurs, la Cour de cassation énonce qu’en l’état des énonciations et constatations, et en présence d’une disposition claire et précise, la cour d’appel n’avait pas à interpréter.
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