Réf. : Cass. civ. 1, 1er juillet 2020, n° 19-12.855, F-P+B (N° Lexbase : A57023QA)
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N4000BYS
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par Manon Rouanne
Le 08 Juillet 2020
► Lorsque l’acquéreur, ayant conclu un contrat ayant pour objet l'installation d'un dispositif de chauffage avec pompe à chaleur et la réalisation de travaux d'isolation de combles, a, après avoir exercé la faculté, offerte par une clause insérée dans les conditions générales de vente, de se rétracter, poursuivi l’exécution du contrat et effectué des actes d'exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation que sont l’acceptation de la livraison de la pompe à chaleur et la réception, sans réserve, des travaux d’isolation des combles, il a renoncé à son droit de rétractation, de sorte qu’il est tenu d’exécuter ses obligations contractuelles en payant le prix convenu.
Résumé des faits. En l’espèce, un particulier a conclu, avec une société spécialisée, un contrat portant sur l'installation d'un dispositif de chauffage avec pompe à chaleur et la réalisation de travaux d'isolation de combles. Le même jour, l’acquéreur, souhaitant se rétracter, a adressé à la société venderesse le bon d’annulation figurant en bas des conditions générales de vente du contrat d’adhésion. Cependant, seulement quatre jours après la mise en œuvre de son droit de rétractation, la société a procédé à une visite technique des lieux et a, quatre mois plus tard, réalisé les travaux d’isolation des combles qui ont été réceptionnés sans réserve par son cocontractant et a livré la pompe à chaleur, également acceptée par ce dernier. Alléguant l’annulation du contrat du fait de la mise en œuvre de son droit de rétractation prévu par le contrat, l’acheteur a engagé une action à l’encontre de son cocontractant afin d’obtenir la restitution de l’acompte versé et le paiement de dommages et intérêts. En défense, la société a sollicité le paiement des sommes dues en exécution du contrat.
A hauteur de cassation. La cour d’appel (CA Riom, 21 novembre 2018, n° 17/01848 N° Lexbase : A2938YMR) ayant fait droit à la demande de l’acheteur et condamné la société à lui restituer l’acompte versé tout en ayant rejeté sa demande en paiement de sommes dues en exécution du contrat, en jugeant que le contrat avait été annulé par l’exercice régulier, par l’acquéreur, de son droit de rétractation, la société a contesté la position des juges du fond devant la Cour de cassation en arguant, sur le fondement du principe de la force obligatoire des conventions, que la partie qui a exercé le droit, stipulé expressément dans une clause contractuelle, de se rétracter, peut y renoncer en poursuivant l'exécution du contrat et en effectuant des actes d'exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation, de sorte que par une réception sans réserve des travaux réalisés et une acceptation de la livraison de la pompe à chaleur, l’acheteur a renoncé à son droit de rétractation et doit, dès lors, être tenu d’exécuter le contrat en payant le prix convenu.
Décision. Faisant sien l’argumentaire développé par le demandeur au pourvoi, la Cour de cassation, sur le fondement du principe de la force obligatoire des conventions, casse l’arrêt rendu par la cour d’appel en rejetant l’annulation du contrat ayant pour conséquence l’obligation, pour l’acheteur, de payer le prix dû en exécution de celui-ci. En retenant que les juges du fond avaient relevé que l’acquéreur avait accepté la livraison de la pompe à chaleur et réceptionné sans réserve les travaux d’isolation des combles, le juge du droit affirme que celui-ci avait poursuivi l’exécution du contrat, renonçant, dès lors, aux effets de sa rétractation et devant, en conséquence, exécuter ses obligations contractuelles en payant le prix prévu au contrat.
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newsid:474000
Réf. : Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-10.731, F-D (N° Lexbase : A71043PS)
Lecture: 2 min
N4066BYA
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 13 Juillet 2020
► Si les prestations familiales, destinées à l'entretien des enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, et ne peuvent donc être prises en compte pour apprécier le droit à une prestation compensatoire, encore faut-il que l’époux demandeur n’ait pas déclaré, dans ses conclusions d’appel, que ses revenus étaient notamment constitués des allocations familiales et de l'allocation de soutien familial…
Le principe est acquis et régulièrement rappelé par la jurisprudence : les prestations familiales, destinées à l'entretien des enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, et ne peuvent donc être prises en compte pour apprécier le droit à une prestation compensatoire (cf. notamment, Cass. civ. 1, 15 février 2012, n° 11-11.000, F-P+B+I N° Lexbase : A4002IC9 ; Cass. civ. 1, 10 janvier 2018, n° 16-18.478, F-D N° Lexbase : A1928XAN).
Forte de ce principe, l’épouse requérante faisait alors grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté sa demande de prestation compensatoire, reprochant à la cour d’appel d’avoir pris en compte, au titre de ses ressources, des « allocations familiales » d'un montant mensuel de 691,16 euros, ainsi qu’une « allocation de soutien familial » d'un montant mensuel de 400,31 euros, quand ces allocations étaient destinées à l'entretien des enfants.
Sauf que, ainsi que le relève la Cour suprême, ayant soutenu dans ses conclusions d'appel que ses revenus étaient notamment constitués des allocations familiales et de l'allocation de soutien familial, la requérante n'était pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures.
La Haute juridiction ne fait qu’appliquer ici un grand principe de la procédure civile… Et la décision ici relevée ne fait que mettre en évidence la responsabilité de l’avocat.
Pour aller plus loin : cf. l’Ouvrage « Droit du divorce », Définition des ressources à prendre en compte (N° Lexbase : E7556ETZ). |
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Réf. : CEDH, 2 juillet 2020, Req. 28820/13 (N° Lexbase : A15403Q4)
Lecture: 2 min
N4055BYT
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par Marie Le Guerroué
Le 08 Juillet 2020
► Les autorités françaises ont manqué à l’encontre de demandeurs d’asile, qui n’ont pas pu bénéficier d’une prise en charge matérielle et financière et ont été contraints de dormir dans la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs mois, à leurs obligations prévues par le droit interne (CEDH, 2 juillet 2020, Req. 28820/13 N° Lexbase : A15403Q4).
Faits/ Procédure. Cinq demandeurs d’asile majeurs isolés en France affirmaient ne pas avoir pu bénéficier d’une prise en charge matérielle et financière prévue par le droit national et avoir, dès lors, été contraints de dormir dans la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs mois.
Réponse. La Cour observe que l’un des requérants a vécu dans la rue sans ressources financières, de même que deux autres requérants qui n’ont perçu l’allocation temporaire d’attente (ATA) qu’après des délais de 185 et de 133 jours. De plus, avant de pouvoir faire enregistrer leur demande d’asile, ils ont été soumis à des délais pendant lesquels ils n’étaient pas en mesure de justifier de leur statut de demandeur d’asile. La Cour considère que les autorités françaises ont manqué à leurs obligations prévues par le droit interne. Elles doivent être tenues pour responsables des conditions dans lesquelles les requérants se sont trouvés pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à leurs besoins essentiels et dans l’angoisse permanente d’être attaqués et volés. Les requérants ont été victimes d’un traitement dégradant témoignant d’un manque de respect pour leur dignité. La Cour juge que de telles conditions d’existence, combinées avec l’absence de réponse adéquate des autorités françaises et le fait que les juridictions internes leur ont systématiquement opposé le manque de moyens des instances compétentes au regard de leurs conditions de jeunes majeurs isolés ont atteint le seuil de gravité fixé par l’article 3 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR). Les trois requérants se sont retrouvés, par le fait des autorités françaises, dans une situation contraire à l’article 3 de la Convention.
Violation (oui). Dans son arrêt de chambre, la Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) de la Convention européenne des droits de l’Homme en ce qui concerne les requérants, et non-violation de l’article 3, en ce qui concerne l’un des cinq requérants.
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Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 29 juin 2020, n° 433937, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A78663PZ)
Lecture: 5 min
N3997BYP
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par Sarah Bessedik
Le 08 Juillet 2020
► Par une décision en date du 29 juin 2020, le Conseil d’État rappelle les exigences en matière de preuve à apporter par l’administration fiscale dans le cadre de l’article 238 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L6051LM3).
Cette disposition issue de l’article 14 de la loi de finances pour 1974 (loi n° 73-1150, du 27 décembre 1973, de finances pour 1974 N° Lexbase : L4190KYT) avait pour objectif d’étendre et de renforcer les moyens d’action de l’administration fiscale en disposant que, dans la mesure où elles se traduisent par des charges déductibles pour l’établissement de l’impôt en France, certaines transactions faites avec des personnes physiques ou morales domiciliées à l’étranger ne sont opposables à l’administration fiscale que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses dont le paiement lui incombe correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
Les entreprises y ont vu un moyen d’optimisation fiscale, en dissociant le lieu du domicile du bénéficiaire, fixé dans un pays à fiscalité normale, et le lieu du paiement situé dans un pays à fiscalité privilégiée.
C’est pourquoi, l’article 90 de la loi de finances pour 1982 (loi n° 81-1160, du 30 décembre 1981, de finances pour 1982 N° Lexbase : L5269I7B) et la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 N° Lexbase : L5203GUA) ont intégré et précisé la notion d’État à fiscalité privilégié. Ce concept est à distinguer d’un premier concept intégré à l’article 238 0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L3333IGK), celui de paradis fiscal.
Ainsi, les dispositions au premier alinéa de l’article 238 A sont étendues aux versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des États à fiscalité privilégiée.
Plus précisément, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l’État ou le territoire considéré si :
- elles n’y sont pas imposables,
- elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l’impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies.
En somme, l’application de l’article 238 A conduit à un renversement de la charge de la preuve. Toutefois, cette application est subordonnée à la démonstration par l’administration fiscale que l’entreprise est bien soumise à un régime fiscal privilégié.
Résumé des faits : en l’espèce, les juges du Conseil d’État ont donc eu à se prononcer sur la qualification de régime fiscal privilégié ainsi que sur les exigences en termes de preuve apportée par l’administration fiscale.
En effet, la société Berny avait déduit de son résultat imposables les honoraires facturés par une société andorrane. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration va remettre en cause cette déduction en soutenant qu’en Andorre, la société n’était pas soumise à l’impôt sur les sociétés. Pour autant, est-ce une preuve suffisante ?
Solution : les juges du Conseil d’État répondront par la négative. Selon eux, la seule absence d’un impôt sur les sociétés dans l’État du bénéficiaire, sans prendre en compte les autres impositions directes sur les bénéfices et revenus, n’est pas une preuve suffisante pour démontrer que le bénéficiaire serait soumis au régime fiscal privilégié visé par l’article 238 A du CGI.
Par conséquent, l’article 238 A du CGI est inapplicable et aucun renversement de la charge de la preuve n’est possible. La société Berny n’aura pas à démontrer que les honoraires versées à la société andorrane correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
Contexte : à noter que le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de délimiter la notion d’État à fiscalité privilégié (CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 413129, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7499Y9M ; CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 412284, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7498Y9L) ou de préciser les modalités d’établissement de la preuve par l’administration fiscale (CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 413129 préc.).
A lire sur CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 412284, mentionné aux tables du recueil Lebon, F. Chidaine, Précisions sur la non-déductibilité en charges des versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier soumis à un régime fiscal privilégié, Lexbase Fiscal, mai 2019, n° 784 (N° Lexbase : N9085BXR) |
Ainsi, si la principauté d’Andorre n’est plus considérée comme un paradis fiscal depuis 2009, ce n’est pas non plus un État à fiscalité privilégiée.
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newsid:473997
Réf. : Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, deux arrêts, n° 19-12.752, (N° Lexbase : A15503QH) et n° 19-12.753 (N° Lexbase : A55883QZ), F-P+B+I
Lecture: 4 min
N3984BY9
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 08 Juillet 2020
► L’article 672 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6855H7Z) énonce la signification des actes entre avocats est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom de l’avocat destinataire ; l’article 673 (N° Lexbase : L6856H73) du même code énonce quant à lui que la notification directe des actes entre avocats s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé.
♦ Dans la première affaire : un tribunal d’instance statuant comme tribunal de l’exécution, a ordonné par ordonnance le 27 février 2009, la vente forcée de biens immobiliers. Saisi par une nouvelle requête en adjudication forcée de la banque, le tribunal, a fait droit à la demande par une ordonnance rendue le 23 février 2017. Les débiteurs ont formé un pourvoi immédiat en cassation, et le tribunal, a par ordonnance du 30 novembre 2017, dit n’y avoir lieu à rétracter sa décision et transmis le dossier à la cour d’appel de Colmar.
Ils faisaient grief à l’arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel Colmar, d’avoir violé l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), de déclarer leur pourvoi immédiat mal fondé, et de maintenir l’ordonnance ayant fait droit à la demande d’adjudication de leur immeuble. Parmi les arguments invoqués, ils ont précisé le principe selon lequel « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ». Dans le cas d’espèce, la cour d’appel a statué au visa des conclusions de la banque, qui étaient postérieures au pourvoi immédiat, sans s’assurer que ces dernières avaient été communiquées aux demandeurs, et qu’ils avaient été mis en mesure d’y répondre utilement.
Les Hauts magistrats argumentent dans ce sens, précisant que les conclusions qui avaient été présentées à la cour comportaient la mention imprimée de la notification à l’avocat constitué par les demandeurs. Les juges d’appel auraient dû vérifier que les conclusions avaient été notifiées dans les formes requises, afin de s’assurer que les adversaires en avaient eu connaissance, et qu’ils avaient été mis en mesure d’y répondre.
♦ Dans la seconde affaire, les faits sont similaires : un tribunal d’instance statuant comme tribunal de l’exécution, a ordonné, la vente forcée de biens immobiliers appartenant à une SCI. Cette dernière a formé un pourvoi immédiat en cassation, et le tribunal, a par ordonnance, dit n’y avoir lieu à rétracter sa décision et transmis le dossier à la cour d’appel de Colmar.
La demanderesse au pourvoi, fait grief à l’arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel Colmar, d’avoir violé l’article 16 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1133H4Q), en déclarant son pourvoi immédiat mal fondé, et en confirmant l’ordonnance de vente forcée des biens immobiliers. Parmi les arguments invoqués, la demanderesse énonce que les juges d’appels se sont prononcés au vu des conclusions récapitulatives de la banque, alors «que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction ». Dans le cas d’espèces, les conclusions n’avaient pas été notifiées à la SCI.
La Haute juridiction, se prononce dans ce sens, en relevant que les juges d’appels s’étaient prononcés sans débat au visa de conclusions de la banque, qui étaient postérieures au pourvoi immédiat, sur lesquelles figurait le tampon de l’ordre des avocats, faisant état de leur notification et revêtu de la signature de leur conseil. Les juges d’appel auraient dû vérifier que les conclusions avaient bien été notifiées dans les formes requises au conseil de la SCI, afin de s’assurer qu’elle en avait eu connaissance, et qu’elle avait été mis en mesure d’y répondre.
Solution de la Cour. Énonçant la solution précitée aux visas des articles 672 et 673 du Code de procédure civile et de l’article 6 § 1, de la CESDH, la Cour suprême casse et annule les deux arrêts d’appel, en toutes leurs dispositions.
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newsid:473984
Réf. : Cass. civ. 1, 1er juillet 2020, n° 18-25.695, F-D (N° Lexbase : A56433Q3)
Lecture: 6 min
N4097BYE
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 13 Juillet 2020
► L’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 assure la protection du droit de propriété des personnes victimes de spoliation, de sorte que, dans le cas où une spoliation est intervenue et où la nullité de la confiscation a été irrévocablement constatée et la restitution d'un bien confisqué ordonnée, les acquéreurs ultérieurs de ce bien, même de bonne foi, ne peuvent prétendre en être devenus légalement propriétaires ; ils disposent de recours contre leur auteur, de sorte que les dispositions de l’ordonnance précitée, instaurées pour protéger le droit de propriété des propriétaires légitimes, ne portent pas atteinte au droit des sous-acquéreurs à une procédure juste et équitable.
L’affaire. L’origine de l’affaire concernait la spoliation, en 1943, d’un collectionneur de tableaux de maîtres, Simon B., en vertu des textes instituant le statut des juifs ; certains tableaux ayant été revendus, notamment « La cueillette des pois » de Camille Pissarro, Simon B. avait obtenu, le 8 novembre 1945, une ordonnance du président du tribunal civil de la Seine, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mai 1951 constatant, sur le fondement de l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945, la nullité de ces ventes et ordonnant la restitution immédiate des tableaux. Ayant été revendu, le tableau « La cueillette des pois » n’a pas été restitué à Simon B., décédé le 1er janvier 1947. L’oeuvre a fait l’objet de plusieurs ventes successives. En particulier, le 22 juin 1966, à l'occasion d'une vente aux enchères publiques organisée à Londres par la société Sotheby’s, il a été adjugé à un acquéreur demeuré inconnu. Enfin, le 18 mai 1995, M. T. et son épouse, résidents américains, ont acquis ce tableau lors d’une vente publique aux enchères organisée à New-York par la société Christie’s. En 2017, ils ont accepté de le prêter pour une exposition organisée à Paris au musée Marmottan Monet, intitulée « Pissarro, premier peintre impressionniste ».
Ayant appris la présence de ce tableau, le petit-fils de Simon B. a engagé, avec ses autres ayants droit, une action notamment contre M. et Mme T., et, par jugement rendu en la forme des référés le 30 mai 2017 (TGI Paris, référé, 30 mai 2017, n° 17/52901 N° Lexbase : A9245WHU ; et la brève N° Lexbase : N8956BWM), le tribunal de grande instance de Paris a ordonné le séquestre de l’oeuvre et désigné à cet effet l’Académie des beaux-arts jusqu’à la fin de l’exposition le 16 juillet 2017, puis, sous réserve de justification par les consorts B. de la saisine du juge du fond, l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie.
Le 13 juillet 2017, les consorts B. ont assigné M. et Mme T., l’Académie des beaux-arts et l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie aux fins de voir ordonner à ce dernier de leur remettre le tableau litigieux.
M. et Mme T. faisaient grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de Paris d’ordonner la remise du tableau aux consorts B., excipant notamment de leur bonne foi. Ils n’obtiendront pas gain de cause.
QPC. Pour rappel, ils ont dans un premier temps tenté de dénoncer l’inconstitutionnalité des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945, portant deuxième application de l’ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi, à raison du caractère irréfragable de la présomption de mauvaise foi qu'elle instituerait sans condition de délai à des fins confiscatoires au préjudice du tiers acquéreur qui serait lui-même de bonne foi ; de même était-il argué d’une atteinte aux droits de la défense et à une procédure juste et équitable en ce que l’article 4 interdisait aux sous-acquéreurs objet d'une revendication de rapporter utilement la preuve de sa bonne foi en violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1363A9D).
Mais la Cour de cassation a jugé, dans sa décision rendue le 11 septembre 2019 (Cass. civ. 1, 11 septembre 2019, n° 18-25.695, FS-P+B+I N° Lexbase : A4736ZNQ), qu’il n’y avait pas lieu à renvoi, les questions posées ne présentant pas un caractère sérieux en ce que les dispositions contestées assurent la protection du droit de propriété des personnes victimes de spoliation ; aussi, selon la Haute juridiction, dans le cas où une spoliation est intervenue et où la nullité de la confiscation a été irrévocablement constatée et la restitution d'un bien confisqué ordonnée, les acquéreurs ultérieurs de ce bien, même de bonne foi, ne peuvent prétendre en être devenus légalement propriétaires ; ils disposent de recours contre leur auteur, de sorte que les dispositions contestées, instaurées pour protéger le droit de propriété des propriétaires légitimes, ne portent pas atteinte au droit des sous-acquéreurs à une procédure juste et équitable.
Décision au fond. Statuant alors sur le fond, la Haute juridiction, réitère ses arguments et précise que l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 assure la protection du droit de propriété des personnes victimes de spoliation, de sorte que, dans le cas où une spoliation est intervenue et où la nullité de la confiscation a été irrévocablement constatée et la restitution d'un bien confisqué ordonnée, les acquéreurs ultérieurs de ce bien, même de bonne foi, ne peuvent prétendre en être devenus légalement propriétaires. Ils disposent de recours contre leur auteur, de sorte que les dispositions de l’ordonnance précitée, instaurées pour protéger le droit de propriété des propriétaires légitimes, ne portent pas atteinte au droit des sous-acquéreurs à une procédure juste et équitable.
Dès lors, sans méconnaître les articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H), 16 (N° Lexbase : L1363A9D) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ni l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9), ni l’article 6, § 1 (N° Lexbase : L7558AIR), de cette convention, la cour d’appel a exactement retenu que les sous-acquéreurs ne pouvaient utilement exciper de leur bonne foi à l’égard des personnes dépouillées ou de leurs héritiers continuant leur personne.
La Cour suprême ajoute que, si un jugement n'a autorité de la chose jugée qu'entre les parties, il n'en est pas moins opposable aux tiers. C’est donc à bon droit que la cour d’appel avait énoncé que la nullité de la première revente vente du tableau litigieux était un fait juridique opposable aux tiers à la transaction, en particulier aux sous-acquéreurs successifs, en dernier lieu M. et Mme T..
Pour aller plus loin : regarder en vidéo l’interview de Maître Fischer, avocat des consorts B., qui revient sur cette décision en huit questions. |
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newsid:474097
Réf. : Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 19-10.987, FS-P+B+I (N° Lexbase : A71543QZ)
Lecture: 2 min
N4094BYB
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par Charlotte Moronval
Le 16 Juillet 2020
► Si, dans sa rédaction alors applicable, l’article R. 2323-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1466K98) prévoit que le comité d’entreprise dispose d’un délai de deux mois en cas d’intervention d’un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d’une consultation annuelle obligatoire, un accord collectif de droit commun ou un accord entre le comité d'entreprise et l'employeur peut fixer un autre délai, le prolonger, ou modifier son point de départ.
Dans les faits. Le comité d’entreprise d’une société a, lors de l’une de ses séances, désigné un expert-comptable pour l'assister dans le cadre des consultations annuelles obligatoires notamment sur la situation économique et financière et la politique sociale de l'entreprise.
La procédure. Invoquant le dépassement par l'expert des délais impartis pour l'exercice de sa mission, la société a saisi le président du tribunal de grande instance pour voir dire que les honoraires réclamés par l'expert n'étaient pas dûs. La cour d’appel (CA Bordeaux, 8 janvier 2019, n° 18/02740 N° Lexbase : A6745YSM) condamne la société au paiement des honoraires réclamés par l’expert. Elle forme donc un pourvoi devant la Cour de cassation.
La solution. Enonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Possibilité de prolongation des délais par accord implicite entre l’employeur et les élus. En l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'à la suite d'échanges avec le comité d'entreprise et le cabinet d'expertise, l'employeur a abondé la base de données économiques et sociales le 23 janvier 2017, provoqué une réunion extraordinaire du comité d'entreprise le 16 février 2017 pour discuter du périmètre et du coût de l'expertise puis fixé, conjointement avec le secrétaire du comité d'entreprise, au 27 avril 2017 la date de restitution des travaux d'expertise et de remise des avis du comité d'entreprise. La cour d'appel a ainsi pu déduire de ses constatations que les délais de consultation du comité d'entreprise, et par conséquent de l'expertise, avaient d'un commun accord été prolongés jusqu'au 27 avril 2017 de sorte que le rapport d'expertise remis avant cette date n'avait pas été déposé hors délai.
Pour en savoir plus, v. Les délais de consultation du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E3303E44). |
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Réf. : Cass. ass. plén., 10 juillet 2020, n° 18-18.542 et n° 18-21.814, P+B+R+I (N° Lexbase : A93843QM)
Lecture: 7 min
N4101BYK
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 16 Juillet 2020
► Dans cette affaire, l’Assemblée plénière a été amenée à trancher la question de savoir si une mesure conservatoire, peut être diligentée sur des avoirs gelés, cette dernière étant exclusive tant devant les juridictions française, que les juridictions des États membres, et devait nécessairement découler d’une interprétation du Règlement (CE) n° 423/2007 (N° Lexbase : L0152HWK) et des règlements qui l’ont remplacé ; La Cour de justice de l’Union européenne a donc été saisie de questions préjudicielles en interprétation de ces règlements ;
► Sur le pourvoi de la banque Sepah, la Cour suprême indique que le gel des avoirs d’une personne ou d’une entité qui est frappée par cette mesure en raison de ses activités, ne constitue pas un cas de force majeure pour celle qui le subit, faute d’extériorité.
Contexte. Au début des années 2000, la République islamique d’Iran, État signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires, a été suspectée par la Communauté internationale de développer un programme nucléaire et de missiles balistiques en violation de ses engagements internationaux. Dès lors, le Conseil de sécurité des Nations Unies a par résolution 1737 du 23 décembre 2006, décidé que l’Iran devait suspendre toutes activités liées à l’enrichissement et au retraitement, ainsi que les travaux sur tous projets liés à l’eau lourde. Le Conseil des gouverneurs de l’agence internationale de l’énergie atomique a également ordonné que l’Iran applique certaines mesures. Des mesures restrictives ont été imposées aux États membres des Nation Unies, dont celle du gel des fonds et ressources économiques par les entités concourant au programme nucléaire ou missiles balistiques iranien. Par résolution 1747 du 24 mars 2007, il a identifié la banque Sepah comme faisant partie de ces dernières, dont la mesure de gel des avoirs devait s’appliquer.
La banque n’a pas exercé, de recours devant les juridictions européennes de cette décision.
La cour d’appel de Paris a rendu un arrêt le 26 avril 2007, condamnant la banque Sepah et des personnes physiques à verser certaines sommes avec intérêts au taux légal à la société Overseas et à la société Oaktree.
Le 17 janvier 2016, la banque Sepah a été radiée par le Conseil de sécurité de la liste des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives. À compter de cette date elle a recouvré la libre disposition des avoirs détenus dans l’Union européenne.
Les défenderesses ont fait délivrer le 17 mai 2016 des commandements de payer aux fins de saisie-vente contre la banque Sepah.
Le 5 juillet 2016, elles ont opté pour une autre mesure d’exécution forcée et ont fait pratiquer auprès de la Société Générale, des saisies-attributions et des saisies de droits d’associés et valeurs mobilières.
La banque Sepah a donc assigné les créancières devant le juge de l’exécution pour voir trancher les intérêts au taux légal des causes des saisies, en reconnaissant devoir le principal, mais soutenant que le gel de ses avoirs, constituait un cas de force majeure ayant entraîné la suspension des intérêts.
Les juges d’appel de Paris ont rejeté la demande de la banque de sa demande par un arrêt rendu le 8 mars 2018 compte tenu que la résolution 1747 constituait une sanction, et que l’appelante était mal fondée à invoquer une cause étrangère.
Néanmoins, la cour d’appel, considérant qu’aucune cause n’avait interdit aux sociétés intimées d’engager des mesures d’exécution, même à titre conservatoire, elle a prononcé la prescription des intérêts courus antérieurement au 17 mai 2011.
L’ensemble des parties ont chacune formé un pourvoi.
Moyen du pourvoi n° 18-18.542 de la banque Sepah. L’intéressée fait grief à l’arrêt 8 mars 2018 par la cour d’appel de Paris de valider les saisies-attributions et saisies de droits d’associés et valeurs mobilières, ainsi que de rejeter sa demande portant sur un cas de force majeure entraînant la suspension des intérêts. Les juges d’appel avaient fondé leur décision, sur l’absence d’extériorité en se fondant sur la nature de la sanction de la mesure de gel.
Réponse de la cour. Les Hauts magistrats énonçant la solution en marge, ont indiqué dans leur réponse que la résolution 1747 du Conseil de sécurité, qui ordonnait le gel des fonds et des ressources économiques de la banque Sepah, n’avait pas été contestée par la banque devant les juridictions de l’Union européenne et qu’en conséquence, cette mesure ne procédait pas d’une circonstance extérieure à son activité. Il indique par motif de pur droit que la décision se trouve légalement justifiée aux visas des articles 620, alinéa 1er (N° Lexbase : L6779H79), et 1015 (N° Lexbase : L3816LDP) du Code de procédure civile.
Dans la note explicative, il est relevé qu’il ressort de la jurisprudence des juridictions de l’Union, que le gel des avoirs n’est pas une sanction.
Moyen du pourvoi n° 18-21.814 des sociétés Overseas et Oaktree. Les demanderesses font grief à l’arrêt de dire prescrits les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 et de les retrancher des causes des saisies, soutenant la violation de l’article 2234 du Code civil (N° Lexbase : L7219IAM), ensemble les articles 1 et 7 du Règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007, repris par les articles 1 et 16 du Règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 (N° Lexbase : L9310KBG).
Réponse de la cour. La question inédite était de savoir si les demanderesses auraient pu interrompre la prescription en pratiquant une mesure conservatoire ou une exécution forcée sur les avoirs gelés.
Dans un premier temps, la Cour suprême a donc relevé que les Règlements (CE) n° 423/2007 (N° Lexbase : L0152HWK), (UE) n° 961/2010 (N° Lexbase : L9310KBG) et (UE) n° 267/2012 (N° Lexbase : L8545K9D), a relevé qu’ils ne comportaient pas de dispositions interdisant expressément à un créancier de diligenter une mesure conservatoire ou d’exécution forcée sur les biens gelés de son débiteur. Elle donne également dans son attendu (§ 19), la définition du gel des fonds, et celle du gel des ressources économiques.
Les Hauts magistrats relèvent que des mesures ayant pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur ne peuvent être mises en œuvre sur des avoirs gelés qu’après avoir obtenu l’autorisation de l’autorité nationale compétente (dans les hypothèses visées aux articles 8 à 10 du Règlement (CE) n° 423/2007, 17 à 19 du Règlement (UE) n° 961/2010, puis 24 à 28 du Règlement (UE) n° 267/2012).
La Cour suprême était amenée à s’interroger sur les points suivants :
La réponse à ces questions n’étant pas évidente, et compte tenu du fait que les règlements de l’Union ne comportent aucune disposition expresse, et que ni le tribunal de l’Union, ni la Cour de justice n’ont eu l’occasion de se prononcer sur ces questions, la Cour suprême, a prononcé le sursis à statuer et saisi la Cour de justice d’un renvoi préjudiciel.
En l’espèce, l’Assemblée plénière, rejette le premier moyen et sursoit à statuer sur le second moyen du pourvoi.
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