La lettre juridique n°829 du 25 juin 2020

La lettre juridique - Édition n°829

Bancaire

[Jurisprudence] TEG erroné et préjudice de l’emprunteur : les liaisons dangereuses

Réf. : Cass. civ. 1, 10 juin 2020, n° 18-24.287, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A54113NQ)

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par Gérard Biardeaud, Magistrat

Le 02 Juillet 2020

L’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 (N° Lexbase : L1483LRD), publiée au Journal officiel du 18 juillet 2019, a, comme on sait, modifié le Code de la consommation : en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global (TEG), il n’y a plus déchéance automatique de la totalité du droit aux intérêts, ni substitution du taux légal au taux conventionnel ; la sanction est désormais la suivante : « le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur » [1].

L’ordonnance n’avait pas osé déclarer cette faveur faite aux banques applicable aux contrats en cours, et encore moins aux décisions judiciaires non définitives. Le rapport au Président de la République invitait cependant les tribunaux à s’en saisir sans plus attendre, pour l’appliquer aux instances en cours.

La première chambre civile n’a pas été longue à déférer à cette invite : dans un arrêt du 10 juin 2020, elle concède que l’ordonnance ne concerne que les contrats souscrits à compter du 19 juillet 2019… mais elle choisit néanmoins de l’appliquer immédiatement aux pourvois qui lui sont soumis [2].

Dans cette affaire, l’acte notarié de prêt indiquait un TEG de 5,805 % alors que les mensualités assurance obligatoire comprise, plus élevées que celles annoncées dans l’acte, correspondaient à un TEG de 6,113 % et à un surcoût pour l’emprunteur de 5 227,27 euros ; la cour d’appel [3] n’avait procédé qu’à une déchéance partielle du droit aux intérêts, à hauteur de ce montant. La cassation était prévisible, car lorsque la mention du TEG inexact est portée sur le contrat notarié suivant l’offre, la sanction, prononcée au visa de l’article 1907 du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL), est (était) l’annulation de la convention d’intérêt, avec substitution depuis l’origine du taux légal au taux conventionnel.

C’est d’ailleurs ce que rappelle l’arrêt du 10 juin 2020 : « En l’absence de sanction prévue par la loi, exception faite de l’offre de prêt immobilier et du crédit à la consommation, il est jugé qu’en application des articles 1907 du Code civil et L. 313-2, alinéa 1, précité (N° Lexbase : L1518HI3), l’inexactitude de la mention du TEG dans l’écrit constatant tout contrat de prêt, comme l’omission de la mention de ce taux, qui privent l’emprunteur d’une information sur son coût, emportent l’annulation de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi n° 80-12.903, Bull. 1981, I, n° 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi n° 13-16.555, Bull. 2014, I, n° 165 [4]».

Mais l’arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, décide d’en appliquer immédiatement la teneur :
« Dans ces conditions, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge ».

Le pourvoi, qui avait toutes les chances de prospérer, au nom d’une jurisprudence quasi-quadragénaire et de la non-rétroactivité des lois, est donc brutalement rejeté [5].

D’autant que sans craindre la contradiction, l’arrêt du 10 juin 2020, qui prône un double critère (la gravité du manquement et le préjudice subi par l’emprunteur), valide en même temps la décision de la cour d’appel, qui n’a pris en considération que le préjudice, dans son acception la plus étriquée : le simple surcoût en valeur absolue correspondant à la différence de taux (5 227,27 euros), dont il faut déduire l’indemnité pour frais irrépétibles et les dépens auquel l’arrêt d’appel a condamné l’emprunteur...

Il faut donc désormais, pour apprécier la proportionnalité de la sanction, se référer à la gravité du manquement commis par le prêteur, et surtout, comprend-on, au préjudice subi par l’emprunteur ; or le recours à cette notion est tout à fait inadapté : elle est en effet susceptible de vider de toute efficacité les textes d’ordre public, notamment ceux protégeant les emprunteurs, et elle s’expose de ce fait au désaveu de la CJUE.

  • L’intrusion de la notion de préjudice

La prise en compte de l’ampleur du préjudice subi par l’emprunteur est un élément nouveau, introduit par l’ordonnance du 17 juillet 2019. Depuis près de quarante ans, la Cour de cassation jugeait que la mention du TEG sur le contrat de prêt constituait une condition de validité de la stipulation d'intérêt, et que l'absence d'une telle mention, ou la mention d’un taux erroné, interdisaient l'application du taux conventionnel, sans qu'il y ait à caractériser un vice du consentement [6].

La notion de préjudice n’était pas occultée, car il fallait que l’erreur vienne au détriment de l’emprunteur, mais dès qu’elle était caractérisée (ou plus récemment, dès qu’elle excédait « la décimale prescrite » [7]), il y avait absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, et la sanction s’appliquait sans que le juge ait à rechercher si l'indication erronée avait vicié le consentement de l’emprunteur et l’avait déterminé à contracter avec la banque [8]; le taux légal se substituait alors au taux conventionnel, sanction dont la Cour de cassation avait à maintes reprises affirmé la conformité à la CESDH [9].

Cette jurisprudence refusant de s’intéresser à l’ampleur du préjudice subi par l’emprunteur se comprend aisément. Lorsqu’il y a violation d’un texte d’ordre public encadrant l’information du consommateur, l’existence d’un grief individuel reste une notion mouvante, difficile à caractériser : pour s’en tenir au crédit immobilier, on voit mal quel est le préjudice subi par l’emprunteur dont l’offre omet de faire état des conditions requises pour un transfert éventuel du prêt à une tierce personne, lorsqu’un tel transfert n’a jamais été demandé. De même, quel est le préjudice, lorsque l’offre ne mentionne pas le coût des sûretés, dès lors que le TEG en tient compte ? L’emprunteur est-il lésé, lorsque l’offre ne comprend pas de tableau d’amortissement, dès l’instant qu’elle mentionne le nombre et le montant des mensualités ? Quel préjudice si l’offre ne reproduit pas les dispositions légales sur le délai d’acceptation, quand ce délai a été respecté, ou si l’offre acceptée un jour trop tôt a été réitérée devant notaire ? Où est le préjudice pour l’emprunteur si le FICP n’a pas été consulté, dès lors qu’il était solvable à l’époque ? Comme on le voit, retenir le critère du grief individuel revient à absoudre l’absence de la quasi-totalité des mentions obligatoires, pourtant prescrites à peine de déchéance de tout ou partie du droit aux intérêts, et à vider largement le dispositif protecteur de sa substance ; ce constat est valable pour tous les régimes réglementés institués par le Code de la consommation, tels le crédit à la consommation et les contrats passés hors des lieux de vente [10].

Le TEG est un cas particulier, car c’est l’une des rares mentions obligatoires dont la violation est susceptible d’une évaluation monétaire individuelle. Le préjudice effectivement subi par l’emprunteur pris isolément se limite toutefois aux montants qu’il n’aurait pas eu à acquitter si le TEG annoncé avait été effectivement appliqué, et ces montants restent modestes, comme le montrent les faits de l’espèce. Dès lors, limiter la sanction au préjudice subi par l’emprunteur, comme l’a fait l’arrêt montpelliérain, avec le nihil obstat de la première chambre civile, est un encouragement à mal faire : pourquoi le prêteur se priverait-il de la possibilité d’indiquer un TEG minoré, quand la seule sanction éventuelle sera la restitution des sommes indûment perçues, au terme d’un marathon judiciaire dont l’emprunteur paiera les frais  [11] ?

Limiter la sanction au préjudice subi est d’autant plus inadapté que l’enjeu de l’exactitude du TEG annoncé dépasse très largement la personne de l’emprunteur : le TEG étant l’unique outil mesurant, d’un prêt à l’autre, l’effort financier de l’emprunteur, lui seul permet de faire jouer la concurrence entre les établissements prêteurs. Avec le marché unique, cette concurrence joue au niveau européen. C’est dire l’importance des règles communautaires en la matière.

  • Préjudice de l’emprunteur et règles communautaires

Les articles 23 de la Directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 sur le crédit à la consommation (N° Lexbase : L8978H3W), et 38 de la Directive 2014/17 du 4 février 2014 sur le crédit immobilier (N° Lexbase : L5664IZS), dont la réglementation française n’est que la transposition, exigent que les sanctions applicables en cas d’infraction aux dispositions nationales adoptées pour la mise en œuvre de ces Directives soient « effectives, proportionnées et dissuasives ». On ne trouve aucune référence, dans ces textes, au préjudice subi par l’emprunteur.

La notion de préjudice subi est également absente de la jurisprudence de la CJUE. En matière de crédit à la consommation, la Cour européenne juge que la déchéance totale du droit aux intérêts est justifiée « pour autant qu’il s’agisse d’un élément dont l’absence est susceptible de mettre en cause la possibilité pour le consommateur d’apprécier la portée de son engagement » [12] ; les éléments en question sont notamment, nous apprend cet arrêt, le TAEG, le nombre et la périodicité des paiements, les frais notariaux, les sûretés et assurances exigées, tous éléments qui revêtent « une importance essentielle » (points 70 et 71). Cette jurisprudence, parfaitement transposable au crédit immobilier, ignore, comme on le voit, la notion de préjudice subi par l’emprunteur : les sanctions sont encourues dès qu’un de ces éléments d’information fait défaut ; il ne s’agit pas de chercher si l’emprunteur a été lésé, ou a vu son consentement vicié, mais si tous les éléments d’information énumérés par la Directive, et revêtant « une importance essentielle », lui ont été communiqués.

Pour ce qui est du TEG (devenu TAEG pour les crédits aux consommateurs), les Directives définissent, avec un luxe de détail, les composantes de ce taux et son mode de calcul, et réglementent notamment l’arrondi de la dernière décimale indiquée. Aucune marge d’erreur n’est donc admise par les textes communautaires : le TEG indiqué est exact, ou il ne l’est pas, et du fait du rôle central confié à ce taux dans le jeu de la concurrence, il n’y a pas à distinguer selon l’ampleur de l’inexactitude.

L’ancienne jurisprudence substituant le taux légal au taux conventionnel respectait parfaitement les Directives, car elle était à la fois proportionnée (le prêteur conservait une partie de sa rémunération) [13] et dissuasive.

Avec l’ordonnance du 17 juillet 2019 et l’interprétation servile qu’en fait la première chambre civile, en bornant la sanction à la restitution des perceptions indues, le caractère effectif et dissuasif de la sanction, comme sa proportionnalité, font donc totalement défaut. Il appartiendra aux juges d’en tirer les conséquences au regard de la primauté du droit de l’Union [14].

***

Il reste cependant une solution franco-française pour sortir de l’ornière. On notera que la notion de préjudice est introduite de façon ambiguë par l’ordonnance du 17 juillet 2019. Ainsi, dans la phrase : « le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur », on peut lire l’adverbe « notamment » comme un synonyme de « particulièrement », mais aussi comme signifiant « entre autres », ou « par exemple ». L’arrêt du 10 juin retient la première acception (en l’accentuant jusqu’à voir, dans « notamment », l’équivalent d’« uniquement »). Les juges du fond peuvent parfaitement limiter la portée de ce texte de circonstance, en privilégiant une interprétation illustrative de l’adverbe utilisé, sans aspect contraignant : ils pourront ainsi prononcer des déchéances proportionnées et dissuasives, en ramenant par exemple le taux conventionnel au niveau du taux légal depuis l’origine…

 

[1] V. not., J. Lasserre Capdeville, Nouvel encadrement légal des sanctions civiles applicables en matière de taux effectif global, Lexbase Affaires, 2019, n° 604 (N° Lexbase : N0196BYW).

[2] J. Lasserre-Capdeville, Application rétroactive des sanctions nouvelles au TEG erroné, Lexbase Affaires, 2020, n° 639 (N° Lexbase : N3690BYC).

[3] CA Montpellier, 11 octobre 2018, n° 17/06249 (N° Lexbase : A1184YGX).

[4] Cass. civ. 1, 24 juin 1981, n° 80-12.903, publié (N° Lexbase : A8551AH8) ; Cass. civ. 1, 15 octobre 2014, n° 13-16.555, F-P+B (N° Lexbase : A6567MYU).

[5] L’arrêt du 10 juin 2020 fait peu de cas du droit au procès équitable : la première chambre rappelait pourtant, il y a peu, que « si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en œuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; que les assignations en cause, dont les énonciations étaient conformes à la jurisprudence de la première chambre civile, ont été délivrées à une date à laquelle la société et les consorts P… ne pouvaient ni connaître ni prévoir l'obligation nouvelle de mentionner le texte édictant la peine encourue ; que, dès lors, l'application immédiate, à l'occasion d'un revirement de jurisprudence, de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutirait à priver ces derniers d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en leur interdisant l'accès au juge » (Cass. civ. 1, 6 avril 2016, n° 15-10.552, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6051RBQ).

[6] Cass. civ. 1, 24 juin 1981, n° 80-12.903, Bull. civ I, n° 234, préc. ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2006, n° 04-17.265, inédit (N° Lexbase : A3664DQR).

[7]  V. G. Biardeaud, Taux d’intérêts : de la décimale prescrite par l’article R. 313-1… à la décimale tout court, D., 2019, 597.

[8] Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.306, P+B (N° Lexbase : A2297SXD), Revue de Droit bancaire et financier, janvier 2017, comm. 8 par N. Mathey. 

[9] Cass. com., 12 janvier 2016, n° 14-15.203, FS-P+B (N° Lexbase : A9358N3Y), Bull. civ. IV, n° 7  ;  Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.306, préc..

[10] L’introduction, par l’ordonnance du 17 juillet 2019, de la notion de préjudice effectivement subi a déjà gagné la réglementation du démarchage à domicile : dans une affaire concernant une installation photovoltaïque, les clients avaient assigné en annulation du contrat de vente, qui ne comportait pas le nom du démarcheur (mention exigée à peine de nullité par l'ancien article L. 121-23 du Code de la consommation N° Lexbase : L7780IZ8), et la cour d’appel avait estimé le bon régulier, car y figurait le prénom et la signature du démarcheur, ce qui permettait son identification (CA Paris, Pôle 4, 9ème ch. , 7 février 2019n° 16/07296 N° Lexbase : A3413YWC) ; l’arrêt de la cour d’appel, qui n’invoquait nullement l’absence de préjudice, a été confirmé en ces termes : « Ayant ainsi retenu que l'installation fonctionne et qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun manquement contractuel imputable au vendeur, la cour d'appel a fait ressortir que la seule irrégularité du bon de commande, relative à l'apposition du prénom et de la signature du démarcheur, au lieu de son nom, n'avait causé aucun préjudice aux acquéreurs [souligné par nos soins], ce dont elle a pu déduire que la demande de résolution de la vente n'était pas justifiée » (Cass. civ. 1, 20 mai 2020, n° 19-14.477, F-D N° Lexbase : A06743MW). Le recours à la notion d’absence de préjudice pour écarter une nullité est donc une initiative de cet arrêt du 20 mai, qui l’impute à tort à l’arrêt d’appel. La 9ème chambre du pôle 4 de la cour d’appel de Paris a d’ailleurs une jurisprudence très claire à cet égard : « Destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation en faveur de l'ensemble des consommateurs, cette sanction [la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts] n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur. » (CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 25 octobre 2018, n° 17/06533 N° Lexbase : A0759YIX).

[11] Il existe certes une sanction pénale (C. consom., art. L. 313-2, al. 2, anc. N° Lexbase : L1518HI3, devenu L. 341-49 N° Lexbase : L3318K7Z), mais ce texte reste largement inappliqué.

[12] CJUE 16 novembre 2016, aff. C-42/15 (N° Lexbase : A0602SGE).

[13] Les conclusions de l’Avocat général, communiquées à la presse juridique, et qui reprochent à l’ancienne jurisprudence de frapper de la même façon des inexactitudes d’ampleur différente, occultent l’aspect nocif pour la concurrence de l’indication d’un taux même faiblement minoré : le candidat emprunteur choisira toujours, entre deux offres, celle qui annoncera le taux le plus faible, même s’il n’est que légèrement inférieur.

[14] On rappellera une nouvelle fois que « le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel » (CJCE, 9 mars 1978, aff. C-106/77 N° Lexbase : A5639AUE, Rec. p. 629).

newsid:473804

Contrats et obligations

[Brèves] Clause de résiliation anticipée prévoyant le paiement d’une indemnité équivalente au prix dû pour la période restant à courir : clause pénale ou clause de dédit ?

Réf. : CA Douai, 11 juin 2020, n° 19/04807 (N° Lexbase : A59283NU)

Lecture: 4 min

N3805BYL

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par Manon Rouanne

Le 24 Juin 2020

 

► La clause contractuelle, insérée dans les conditions générales de vente d’un contrat de prestations de services et stipulant, qu’en cas de résiliation du contrat avant le terme convenu, sera immédiatement exigible le paiement d’une somme correspondant aux montants dus au titre de l’exécution du contrat pour la période restant à courir jusqu'au terme convenu, s’analyse, non en clause pénale mais en clause de dédit offrant au client le droit de résilier le contrat avant son terme en dehors de toute inexécution de ses obligations, moyennant, toutefois, le paiement d'une contrepartie financière correspondant aux sommes restant dues en exécution du contrat jusqu'à son terme ; clause de dédit sur laquelle le juge ne dispose d’aucun pouvoir modérateur.

Par cet arrêt rendu le 11 juin 2020 (CA Douai, 11 juin 2020, n° 19/04807 N° Lexbase : A59283NU ; dans le même sens, v. : Cass. civ. 1, 6 mars 2001, n° 98-20.431 N° Lexbase : A4543ARP ; en sens contraire, sur la qualification de clause pénale d’une clause de résiliation anticipée prévoyant le paiement d’une indemnité équivalente au prix dû en cas d’exécution du contrat jusqu’à son terme, v. : Cass. com., 25 septembre 2019, n° 18-14.427, F-D N° Lexbase : A0406ZQ4) la cour d’appel de Douai procède à la requalification en clause de dédit d’une clause de résiliation anticipée insérée dans un contrat d’adhésion qualifiée par les premiers juges de clause pénale pour en déduire l’absence de pouvoir modérateur du juge du montant de la contrepartie financière attachée à la mise en œuvre de cette clause.

Résumé des faits. En l’espèce, un opérateur en téléphonie à destination des professionnels a conclu avec une entreprise cliente un contrat ayant pour objet la fourniture, par la première à la seconde société, pour les besoins de son activité professionnelle, de services de téléphonie mobile pendant une durée contractuellement prévue. Trois mois après la conclusion de ce contrat et avant l’arrivée à échéance du terme convenu, la société cliente a procédé à la résiliation du contrat. En réponse, l’opérateur a enregistré la résiliation anticipée du contrat et a indiqué à son cocontractant qu’il était redevable, à son égard, du paiement d’une somme correspondant au montant dû en application de la clause de résiliation anticipée insérée dans les conditions générales de vente, laquelle prévoyait l’obligation pour le cocontractant à l’initiative de la rupture anticipée du contrat de payer une contrepartie financière correspondant aux sommes restant dues en exécution du contrat jusqu'à son terme. L’entreprise cliente, s’opposant au paiement de l’indemnité prévue en cas de résiliation anticipée du contrat, a, alors, engagé une action à l’encontre de la société spécialisée en téléphonie mobile.

Tout en ne remettant pas en cause le jeu de la clause de résiliation du fait de la rupture anticipée du contrat amorcée par le client, les premiers juges ont requalifié celle-ci en clause pénale et ont, ainsi, usé de leur pouvoir modérateur en procédant à une réduction du montant de l’indemnité contractuelle de résiliation dû en application de cette clause, montant jugé excessif.

En cause d’appel. S’opposant à cette requalification de la clause litigieuse et à ses conséquences quant au montant dû par le client du fait de la résiliation du contrat avant le terme convenu, l’opérateur a interjeté appel du jugement en soutenant, devant les juges du fond, que la clause de résiliation en cause devait recevoir, non la qualification de clause pénale mais celle de clause de dédit pour laquelle le juge ne dispose d’aucun pouvoir modérateur.

Décision. Se fondant sur la distinction entre la clause pénale par laquelle les contractants évaluent forfaitairement et par avance les dommages-intérêts dus par le débiteur en cas d'inexécution totale, partielle ou tardive du contrat et la clause de dédit par laquelle une partie se rétracte en usant du droit que le contrat lui a reconnu, en l'absence de toute notion d'inexécution, la cour d’appel qualifie la clause de résiliation anticipée de clause de dédit et infirme, dès lors, le jugement rendu en première instance. En effet, en retenant qu’il relève des conditions générales de vente que la résiliation du contrat avant le terme convenu rend immédiatement exigibles les montants dus au titre de la fourniture du service pour la période restant à courir jusqu'au terme de la période prévue par le contrat, les juges du fond en déduisent que le faculté de résilier le contrat de manière anticipée offerte au client est indépendante de toute inexécution de ses obligations contractuelles, de sorte que la clause litigieuse doit s’analyser en une clause de dédit excluant le droit du juge d’en modérer le montant.

newsid:473805

Covid-19

[Brèves] Prorogation de certains délais applicables à diverses procédures en matière sociale et sanitaire

Réf. : Ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020, modifiant les délais applicables à diverses procédures en matière sociale et sanitaire afin de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L4303LXN)

Lecture: 2 min

N3779BYM

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par Charlotte Moronval et Laïla Bedja

Le 24 Juin 2020

► Publiée au Journal officiel du 18 juin 2020, l’ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020 (N° Lexbase : L4303LXN) modifie les règles en matière, de négociation collective, d’élections professionnelles et d’instruction des dossiers en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle (AT/MP), afin de faire face aux conséquences du covid-19.

  • Négociation collective

L’ordonnance prolonge jusqu'au 10 octobre 2020 l'adaptation des délais relatifs à la conclusion et à l'extension d'accords collectifs conclus qui ont pour objet de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19.

Pour rappel, les délais de procédure ont fait l’objet d’une réduction afin de permettre des négociations plus rapides (ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020, portant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19 N° Lexbase : L6860LWY, lire N° Lexbase : N3002BYT). Ces mesures, qui devaient initialement s’achever un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, sont donc prolongées jusqu’au 10 octobre 2020.

  • Elections professionnelles

L'ordonnance prévoit également que l'employeur peut anticiper la reprise des processus électoraux, actuellement suspendus depuis le 12 mars 2020 et jusqu'au 31 août 2020 inclus, dans le respect des préconisations sanitaires destinées à protéger la santé des personnes. Il peut en fixer alors la date entre le 3 juillet et le 31 août 2020.

Dans ce cas, il doit en informer les salariés, les organisations syndicales et, lorsqu’elle a été saisie, l’autorité administrative, quinze jours au moins avant la date fixée pour la reprise.

A défaut, le processus reprend le 1er septembre 2020.

  • Instruction des dossiers AT/MP

L'article 6 modifie les articles 11, 12 et 13 de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L7287LWS, lire notre brève, in Lexbase Social, avril 2020, n° 822 N° Lexbase : N3102BYK), afin de prolonger la période faisant l'objet d'aménagement de délais pour tenir compte des conséquences de l'épidémie de covid-19 sur l'instruction par les caisses de Sécurité sociale des demandes de reconnaissance d'accidents du travail et de maladies professionnelles, et préciser la période d'application de la mesure d'aménagement des délais d'instruction des contestations d'ordre médical des décisions des organismes de Sécurité sociale.

newsid:473779

Covid-19

[Le point sur...] Le nouveau dispositif d’activite partielle : l’activite reduite pour le maintien en emploi

Lecture: 9 min

N3815BYX

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par Pauline Larroque-Daran, Avocat Associé et Solène Hervouët, Avocat, Factorhy Avocats

Le 24 Juin 2020

Au lendemain du déconfinement, de nombreuses entreprises se trouvent encore impactées par les effets de la crise sanitaire liée au covid-19 et la reprise économique s’annonce lente et progressive pour de nombreux secteurs.

L’Etat ayant affirmé à plusieurs reprises ne pas vouloir interdire les licenciements pour éviter que cette mesure n’affecte à terme les recrutements, il a donc fallu envisager un système alternatif pour éviter un recours massif aux plans de licenciements économiques [1].

Ainsi, la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (N° Lexbase : L4230LXX), publiée le 18 juin dernier, a instauré un nouveau dispositif d’activité partielle appelé « activité réduite pour le maintien en emploi » (ARME) dont certaines modalités pratiques restent encore imprécises dans l’attente de la parution d’un décret.

1 - En quoi consiste ce nouveau dispositif d’activité partielle ?

Tandis que pour certains secteurs la relance économique se fait dès à présent ressentir, beaucoup de secteurs sont encore largement impactés par les effets de la crise sanitaire et ne projettent pas de retour à un niveau d’activité normal avant plusieurs mois.

Pour accompagner les entreprises dans cette période de baisse d’activité et préserver au maximum les emplois, l’ARME permet aux entreprises une alternative aux licenciements économiques en ayant recours à une réduction d’horaire pour une partie de leurs effectifs afin d’adapter leur production en fonction de la demande.

Ce dispositif est ouvert aux « entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité » [2] : bien que le texte ne donne aucune définition de la durée de la réduction d’activité, celle-ci devrait en toute logique s’étendre sur plusieurs mois [3].

Par ailleurs, si le texte ne précise pas le degré de gravité de la réduction d’activité, il devrait, à notre sens, s’agir d’une réduction significative de l’activité, susceptible d’impacter à terme le maintien des emplois.

Pour autant, la situation ne doit pas être irrémédiablement compromise, le dispositif d’ARME étant conçu comme un outil d’accompagnement à la reprise.  

2 - Quelles sont les modalités pratiques pour recourir à cette activité partielle ?

En pratique, la mise en place du dispositif est subordonnée :

  • à la conclusion d’un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe ;
  • à l’élaboration d’un document unilatéral conforme aux stipulations d’un accord de branche étendu, pris après consultation du CSE.

Initialement, le texte adopté par le Sénat, en suite de l’amendement n° 278 déposé par le Gouvernement, prévoyait la possibilité pour les entreprises de passer par l’établissement d’un document unilatéral -après consultation du CSE- appelé « plan d’activité réduite pour le maintien en emploi » [4] :

 « I. - L’entreprise ou l’établissement, mentionné au I de l’article L. 5122-1 du code du travail peut bénéficier d’un régime d’activité partielle spécifique sous réserve de la conclusion d’un accord collectif ou de l’élaboration d’un plan d’activité réduite pour le maintien en emploi définissant le champ d’application de l’activité partielle spécifique, les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation à ce titre et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi ».

Ainsi, les entreprises n’ayant pas souhaité engager de négociation sur le sujet ou encore les entreprises n’ayant pas réussi à obtenir la conclusion d’un accord pouvaient tout de même recourir à ce nouveau dispositif par le biais d’une décision unilatérale.

Néanmoins, lors de l’examen du projet de loi, la Commission mixte paritaire a supprimé cette possibilité : le dispositif doit nécessairement reposer sur un accord collectif conclu au niveau de l’entreprise, du groupe ou de la branche.

Ce faisant, le recours à l’ARME par voie de document unilatéral n’est possible qu’en application d’un accord de branche étendu l’y autorisant, et selon les modalités fixées par ce dernier [5].

Pour l’heure, les dispositions légales n’excluent pas de conclure les accords instaurant l’ARME selon les règles de négociation dérogatoire de sorte que la faculté de mise en place du dispositif par accord d’entreprise serait également ouverte aux entreprises dépourvues de délégués syndicaux.

3 - Les entreprises devront-elles prendre des engagements en contrepartie du recours à l’ARME ?

L’alinéa 2 du Ier de l’article 53 prévoit que l’accord collectif devra contenir les informations suivantes :

  • la durée d’application ;
  • les activités et les salariés concernés par l’activité partielle spécifique ;
  • les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation;
  • les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi.

Il apparait donc clairement que les entreprises devront prévoir des engagements en contrepartie du recours à l’ARME.

Le texte ne donne toutefois aucune illustration sur le type d’engagements devant être pris par l’entreprise, mais il n’est pas à exclure que ces engagements soient en partie semblables avec ceux déjà exigés dans le cadre d’une nouvelle demande d’activité partielle [6], à savoir :

  • le maintien dans l'emploi des salariés ce qui est d’ailleurs expressément mentionné dans l’article 53 [7];
  • des actions spécifiques de formation pour les salariés placés en activité partielle ;
  • des actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;
  • des actions visant à rétablir la situation économique de l'entreprise.

Il est précisé qu’un décret pris en Conseil d’Etat viendra préciser le contenu de l’accord et donc en principe apporter des précisions sur la nature des engagements.

4 - Quelle est l’étendue du contrôle de l’administration ?

Contrairement au dispositif d’activité partielle existant, le recours à l’ARME ne passera pas par une demande d’autorisation saisie sur le site internet du Gouvernement [8].

En effet, le système retenu est semblable à celui des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) : une fois l’accord conclu, ou le document pris en application de l’accord de branche établi, celui-ci devra être validé ou homologué par l’autorité administrative.  

A l’instar également du régime applicable aux PSE, le contrôle de l’autorité administrative sera plus ou moins étendu selon qu’il s’agisse d’un accord ou d’un document unilatéral pris en application d’un accord de branche :

  • en présence d’un accord, le contrôle ne portera que sur la régularité de la procédure de négociation et les mentions obligatoires de l’accord ;  
  • en présence d’un document unilatéral, l’administration s’attardera également -en sus de la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE et des mentions obligatoires de l’accord- sur la conformité aux stipulations de l’accord de branche et la présence d’engagements spécifiques en matière d’emploi.

L’administration disposera d’un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord pour le valider et de 21 jours à compter de la réception du document pour l’homologuer, étant précisé que passé ces délais, le silence de l’administration vaut acceptation implicite de validation ou d’homologation [9].

La décision de l’administration sera également portée à la connaissance du CSE dans le cadre d’un document pris en application d’un accord de branche et aux organisations syndicales signataires pour les accords collectifs.

Concernant l’information des salariés, l’entreprise devra soit afficher la décision de validation ou d’homologation ou le cas échéant de refus, ou informer les salariés par tout moyen conférant date certaine à l’information.

5 - Comment seront indemnisés les salariés et l’entreprise ?

L’article 53 de la loi ne précise pas les modalités de l’indemnisation des salariés et des entreprises.

Cela étant, en principe, l’indemnisation du salarié dans le cadre de ce nouveau dispositif d’activité partielle suivra le même fonctionnement que l’activité partielle dite « classique » [10], le salarié devra donc disposer d’une indemnité d’activité partielle de 70 % de sa rémunération brute.

En revanche, l’allocation d’activité partielle versée par l’Etat aux entreprises ne viendra pas, semble-t-il, compenser la totalité de l’indemnité d’activité partielle versée par l’entreprise aux salariés.

En effet, dans le cadre de l’activité partielle classique, les entreprises vont voir leur allocation d’activité partielle versée par l’Etat, revue à la baisse.

Un projet de décret, en cours de rédaction, précise notamment que dorénavant, les entreprises se verront verser une allocation d’activité partielle de 60 % et non plus de 100 % comme c’était le cas auparavant [11].

En revanche, pour certaines entreprises appartenant à des secteurs définis par décret, ainsi que les entreprises ayant enregistré une baisse de chiffre d’affaires de 80 % sur les derniers mois, pourront se voir attribuer une allocation majorée, à hauteur de 70 %.

C’est très certainement ce système d’allocation -encore à l’étude- qui sera également celui retenu pour l’ARME.

En effet, à la lecture des débats parlementaires, il apparait que l’entreprise devra prendre en charge, en partie le montant de l’indemnité versée au salarié.

 Madame la ministre du Travail, a notamment déclaré [12] :

« qu’une aide de l’État viendra compenser en partie la perte de pouvoir d’achat des salariés, sur une durée assez longue ».

De plus, l’article 53, en son VII, dispose que :

« VII. - Pour l’application du présent article, le pourcentage de l’indemnité et le montant de l’allocation peuvent être majorés dans des conditions et dans les cas déterminés par décret, notamment selon les caractéristiques de l’activité de l’entreprise ».

Ainsi, au regard de cette disposition, il apparait que les entreprises et les salariés pourront obtenir une majoration de leur indemnité en raison de certains critères dont notamment celui de l’activité de l’entreprise, disposition qui semble similaire au projet de décret cité précédemment.

Cela étant, là encore, il conviendra d’attendre la publication du décret pour obtenir des précisions sur l’indemnisation des salariés et des entreprises, ainsi que les cas dans lesquels une majoration pourra être envisagée.


[1] Plusieurs grandes enseignes ont d’ores et déjà annoncé des plans de licenciement économique (Alinéa, Renault, Air France, Camaieu…).

[2] Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (N° Lexbase : L4230LXX), art. 53, I.

[3] Les débats parlementaires laissaient sous-entendre que le dispositif répondait à la situation des entreprises connaissant des difficultés sur une période de 6 à 18 mois : déclarations de Muriel Pénicaud lors de la séance du 28 mai devant le Sénat « en effet, quelle serait l’alternative pour ces entreprises qui vont connaitre 6, 12 ou 18 mois difficiles, sinon le licenciement d’une partie de leur personnel ? ».

[4] Texte n° 91 (2019-2020) modifié par le Sénat le 28 mai 2020, article 1er vicies.

[5] Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, art. 53, V.

[6] C. trav., art. L. 5122-1 (N° Lexbase : L9343LND) et R. 5122-9 (N° Lexbase : L5809LW3).

[7] Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, art. 53, Ier.

[8] Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (N° Lexbase : L0394IXU), art. 16 ; décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, relatif à l'activité partielle (N° Lexbase : L5679LWA) ; ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020, portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle (N° Lexbase : L5883LWS) ; décret n° 2020-435 du 16 avril 2020, portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle (N° Lexbase : L6884LWU) ;  ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020, portant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L6860LWY), art. 6.

[9] Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, art. 53, VI.

[10] C. trav., art. L. 5122-1 (N° Lexbase : L9343LND).

[11] C. trav., art. D. 5122-13 (N° Lexbase : L5811LW7).

[12] Compte-rendu de la séance du 28 mai 2020 devant le Sénat, débat sur l’article additionnel après l’article 1er novodecies du projet de loi.

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Covid-19

[Brèves] Publication d’une ordonnance « commande publique » pour relancer l’économie dans la période « post covid »

Réf. : Ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020, portant diverses mesures en matière de commande publique, prise sur le fondement de la loi n° 2020-319 du 25 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L4300LXK)

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N3795BY9

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par Yann Le Foll

Le 24 Juin 2020

►L’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020, portant diverses mesures en matière de commande publique, prise sur le fondement de la loi n° 2020-319 du 25 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a été publiée au Journal officiel du 18 juin 2020.
Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment pour soutenir les entreprises qui rencontrent des difficultés dans l'exécution des contrats publics, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi visant à adapter « les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet », afin notamment de favoriser la relance de l'économie.

L'article 1er vise à faciliter l'accès aux marchés publics et aux contrats de concessions pour les entreprises admises à la procédure de redressement judiciaire. Le 3° des articles L. 2141-3 (N° Lexbase : L8352LQE) et L. 3123-3 (N° Lexbase : L7133LQA) du Code de la commande publique interdit à une entreprise en redressement judiciaire, qui ne peut justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du contrat, de se voir attribuer un marché public ou un contrat de concession. L’ordonnance autorise les entreprises en redressement judiciaire qui bénéficient d'un plan de redressement à se porter candidates aux contrats de la commande publique.

L'article 2 étend à tous les contrats globaux du Code de la commande publique le dispositif en faveur des PME prévu pour les marchés de partenariat par l'article L. 2222-4 (N° Lexbase : L4136LRM). Il impose qu'au moins 10 % de l'exécution du marché soient confiés à des PME ou des artisans et que la part que l'entreprise s'engage à confier à des PME ou à des artisans constitue un critère obligatoire d'attribution du contrat. Ces dispositions ne sont pas applicables aux marchés de défense et de sécurité, lorsqu'il est fait application de l'article L. 2371-1 (N° Lexbase : L7108LQC).

Enfin, l'article 3 impose aux acheteurs publics de ne pas tenir compte, dans l'appréciation de la capacité économique et financière des candidats aux marchés publics ou contrats de concessions, de la baisse du chiffre d'affaires intervenue au titre du ou des exercices sur lesquels s'imputent les conséquences de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19.

Ces mesures sont applicables pendant une période d'un an suivant la fin de l'état d'urgence sanitaire, soit jusqu'au 10 juillet 2021, à l'exception des dispositions de l'article 3 qui s'appliquent jusqu'au 31 décembre 2023.

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Délégation de service public

[Conclusions] De la régularité de la procédure de passation engagée par une personne publique non encore compétente pour signer un contrat – conclusions du rapporteur public

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 9 juin 2020, n° 436922, 436925, 436926, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A15553NW)

Lecture: 15 min

N3854BYE

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par Mireille Le Corre, rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 24 Juin 2020

 

Mots clés : Formation des contrats et marchés • Qualité pour contracter • Incidence sur la régularité de la procédure
Une procédure de passation de délégation de service public peut être engagée et conduite par une personne publique non encore compétente pour signer un contrat, dès lors que celle-ci a fait savoir que le contrat ne sera signé qu'après qu'elle sera devenue compétente 

 

Une collectivité peut-elle être compétente « avant l’heure » ? Plus précisément, est-il possible pour une collectivité, non encore compétente mais qui le sera, d’engager la procédure de passation d’une délégation de service public ?

1 - La concession des plages naturelles de Nice a été attribuée à la commune de Nice par un arrêté préfectoral du 12 octobre 2007, dont le terme était le 31 décembre 2019. La métropole Nice Côte d’Azur disposait d’un droit de priorité, en application de l’article L. 2124-4 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L3500IZN) [1] et elle a entrepris de prendre la suite de la commune et d’obtenir la concession par l’Etat pour l’aménagement, l’exploitation et l’entretien des plages naturelles, pour la période allant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2031. C’est ce à quoi ont effectivement procédé l’arrêté préfectoral du 26 novembre 2019 et le contrat de concession signé le même jour entre l’Etat et la métropole.

Sans attendre l’intervention de cet arrêté, la métropole a souhaité anticiper cette évolution, en menant les procédures relatives à l’attribution de la concession et des sous-concessions afin d’assurer la continuité du service public à l’expiration des conventions antérieures.

Elle a ainsi délibéré sur le principe de la délégation de service public en juin 2018 puis engagé, en octobre 2018, une procédure de délégation de service public balnéaire, portant sur 14 lots d’établissements de bains, consistant en l’exploitation de la plage et en une activité de restauration, situés sur le domaine public maritime et le domaine public métropolitain.

Les sociétés Les Voiliers, Lido Plage et SARL Sporting Plage, concurrents évincés, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice notamment d’annuler la procédure de délégation de service public pour l’exploitation des lots concernés.

Le juge du référé du tribunal administratif de Nice a annulé la procédure de délégation, par trois ordonnances du 5 décembre 2019. Il a retenu que la procédure avait été menée par une autorité incompétente, dès lors que la métropole n’avait pas encore reçu la compétence antérieurement exercée par la commune, et qu’en conséquence, la phase d’analyse des offres et de choix des candidats retenus avait été réalisée par une commission de délégation de service public irrégulièrement composée, ce qui avait été susceptible d’avoir une incidence sur l’appréciation des offres.

La métropole Nice Côte d’Azur se pourvoit en cassation contre ces trois ordonnances. Précisons qu’eu égard à la date d’engagement de la procédure, sont applicables à ce litige l’ordonnance du 29 janvier 2016 et le décret du 1er février 2016, et non encore le code de la commande publique.

2 - Comme vous le savez, l’article L. 551-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3270KG9) prévoit que le juge du référé précontractuel « peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet (…) » notamment la délégation d’un service public.

Relève-t-il de l’office du juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de la personne publique pour signer le contrat ?

Votre jurisprudence est, à vrai dire, déjà très engagée dans le sens d’une réponse négative.

D’abord, il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la validité de la signature du contrat (CE, 8 février 1999, n° 188100, aux Tables N° Lexbase : A5316AX8 ; CE, 7 mars 2005, n° 270778 N° Lexbase : A2105DHG, au Recueil).

Plus directement, il ne lui appartient pas de contrôler la compétence de la collectivité publique pour signer le contrat (CE, 6 juin 1999, n° 198993 N° Lexbase : A3180AX3, aux Tables). Cette solution est directement tirée de ce que les pouvoirs du juge du référé précontractuel cessent une fois le contrat conclu, de façon presque tautologique.

Cette jurisprudence a été confirmée clairement par la décision « Commune d’Auxerre c/ Société Saur France » (CE, 19 novembre 2004, n° 266975 N° Lexbase : A9248DDU, aux Tables sur un autre point) : « il n’appartient pas au juge, statuant sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative, de contrôler la compétence de la collectivité publique au regard de l’objet de la délégation dont la passation est engagée ». Le moyen tiré de l’incompétence de la collectivité est, en conséquence, inopérant.

Dans la même logique, le juge du référé précontractuel n’a pas à contrôler le respect, par le pouvoir adjudicateur, du principe de spécialité s’agissant d’un établissement public (CE, 21 juin 2000, n° 209319 N° Lexbase : A1037AWC, au Recueil).

Contrairement à ce qui est avancé en défense, la solution que vous avez dégagée dans le cas où une personne publique est candidate – et non pas pouvoir adjudicateur ou autorité concédante – pose une question différente : c’est pour assurer l’égalité de traitement entre candidats et l’absence d’avantages dont bénéficierait un opérateur public que le juge du référé précontractuel doit alors vérifier, dès le stade qui est le sien, si elle peut candidater (CE, 18 septembre 2015, n° 390041 N° Lexbase : A4030NPX, aux Tables, s’agissant du respect du principe de spécialité d’un établissement public candidat ; CE, 18 septembre 2019, n° 430368 N° Lexbase : A7333ZNW, aux Tables).

Le mémoire en défense vous invite également à opérer un revirement de jurisprudence, mais nous ne sommes convaincue ni de sa nécessité, ni de son opportunité.

Certes, les conséquences d’une incompétence sont, le cas échéant, lourdes, s’agissant, en amont, de la définition des besoins, et, en aval, du déroulement de la procédure et du choix de l’attributaire.

Toutefois, d’une part, la lettre de l’article L. 551-1 ne nous semble pas autoriser une conception aussi extensive de l’office du juge du référé précontractuel. D’autre part, la question de la compétence peut être difficile à appréhender au stade du référé précontractuel et se résout mieux dans le cadre d’un recours dirigé contre le contrat, soit après sa signature.

En l’espèce, le juge du référé du tribunal administratif de Nice a donc commis une erreur de droit en s’estimant compétent pour accueillir le moyen qu’il avait relevé d’office, tiré de l’incompétence de la métropole à engager la procédure.

Précisons rapidement que contrairement à ce qui est soutenu en défense, le juge du référé a bien examiné la compétence pour signer le contrat et non seulement celle pour mener la procédure, dont découle la composition de la commission d’appel d’offre. Cette subtilité ne nous semble, qui plus est, guère maniable, sauf à priver de sa portée votre jurisprudence « SA Demathieu et Bard » précitée (CE, 6 juin 1999, n° 198993). Derrière la question de la composition de la commission de délégation de service public, c’est bien celle de la compétence de la collectivité pour conduire la procédure et signer le contrat que le juge a censurée, comme le montre sans ambiguïté la formulation du moyen d’ordre public soulevé, « tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte ».

3 - Les ordonnances attaquées posent une seconde question, moins évidente, quant à la temporalité des opérations de passation d’une délégation de service public lorsqu’une compétence est transférée d’une collectivité à une autre.

Vous n’êtes pas tenus d’y répondre puisque le moyen que nous venons d’évoquer conduit et suffit à les annuler. Mais nous vous invitons à vous prononcer sur ce point eu égard à ses enjeux en termes de sécurité juridique pour les collectivités territoriales.

La question peut se résumer ainsi : dans un souci de continuité du service public, qui, entre la collectivité actuellement compétente mais qui ne le sera plus, ou la collectivité encore incompétente mais qui sera en charge du service public, doit engager la procédure de passation ?

D’abord, une collectivité peut-elle décider d’anticiper le transfert de compétences en lançant une procédure alors qu’elle n’est pas encore en charge de la compétence ?

Les textes sont silencieux sur cette hypothèse et il convient donc de nous interroger sur des textes ou principes qu’une telle pratique reviendrait, le cas échéant, à méconnaître implicitement.

Il va de soi que la signature elle-même du contrat ne peut intervenir que lorsque la compétence est effectivement transférée. L’appréciation de la compétence de l’auteur d’un acte se fait à la date de son engagement (CE, 19 mai 2000, n° 208543 N° Lexbase : A4256AWK). Mais ceci implique seulement qu’une condition suspensive relative à la réalisation du transfert de compétences soit intégrée aux documents contractuels.

Ensuite, une telle anticipation ne peut être lancée sur des bases purement hypothétiques : il faut que la collectivité puisse avoir la perspective de détenir la compétence à la date de la signature du contrat, soit dans un horizon à notre sens relativement proche, de l’ordre d’une année.

Ces conditions étant posées, cette solution d’anticipation a le mérite de permettre l’adéquation entre la personne publique signataire du contrat et la commission d’appel d’offres de cette même personne publique, chargée de la procédure de passation de ce même contrat. Elle nous paraît ainsi possible en droit et opportune en fait.

A l’inverse, cela signifie-t-il que la collectivité précédemment compétente ne peut engager la procédure si le contrat est ensuite signé par la collectivité nouvellement compétente ? Ou dit autrement, cette dernière peut-elle ou non hériter du travail de préparation fait par sa prédécesseuse ?

La réponse ne va pas de soi. Le Code général des collectivités territoriales ne nous paraît pas avoir défini de règles transitoires applicables dans un cas comme celui de l’espèce. Mais il comporte des dispositions (CGCT, art. L. 2113-5 N° Lexbase : L4828LUD pour la création d’une nouvelle commune et art. L. 5211-17 N° Lexbase : L9216INN pour la création d’un EPCI notamment) prévoyant que la personne publique est substituée dans toutes les délibérations et dans tous les actes pris par les personnes publiques auxquelles elle succède.

Par transposition, il nous semble que la personne publique peut signer un contrat au terme d’une procédure qu’elle n’a pas menée lorsque des dispositions législatives prévoient qu’elle se substitue de plein droit à la personne publique qui a conduit la procédure. Les actes de procédure étant réputés siens, la personne publique peut signer le contrat sans recommencer une nouvelle procédure.

Nous nous sommes interrogée sur la compatibilité de cette solution avec votre jurisprudence « Syndicat mixte Flandre Morinie » (CE, 28 janvier 2013, n° 358302 N° Lexbase : A0151I4D, aux Tables, conclusions de Gilles Pellissier), qui va dans le sens d’une adéquation entre la personne signataire et la commission chargée de la passation. Mais il s’agissait d’une hypothèse bien différente, liée à l’installation d’un nouvel organe délibérant d’un EPCI, à la suite du renouvellement général des conseils municipaux des communes membres de cet établissement. Seules les affaires courantes peuvent alors être traitées jusqu’à l’installation du nouvel organe délibérant issu de ce renouvellement. Ce cas traduit un souci démocratique, tenant à ce que les anciens représentants n’engagent pas excessivement l’avenir dans la même collectivité. C’est donc différent de ce qui nous intéresse, à savoir un transfert entre deux collectivités distinctes, pour lequel nous devons plutôt trouver notre inspiration dans les dispositions proches du Code général des collectivités territoriales.

Au total, nous ne voyons donc d’obstacle ni juridique, ni même pratique à autoriser une double souplesse, permettant à une collectivité qui va - dans un terme suffisamment proche et de façon suffisamment probable -  être en charge d’une compétence, soit de bénéficier - si elle le souhaite et sans y être tenue - du travail réalisé, avant elle, par la collectivité précédemment compétente, soit d’anticiper en lançant elle-même la procédure avant de disposer de la compétence.

En conséquence, en estimant, en l’espèce, que la circonstance que la métropole serait concessionnaire de la plage à la date de la signature du contrat ne lui permettait pas de diligenter la procédure de délégation de service public balnéaire dès lors que la ville de Nice était encore concessionnaire de la plage à la date de l’ouverture de la procédure, le juge du référé a commis une autre erreur de droit.

Nous vous proposons donc d’annuler les ordonnances attaquées et de régler les affaires au titre des procédures de référé engagées.

4 - A cet égard, nous ne présenterons pas devant vous les moyens nombreux de ces règlements en référé, mais nous contenterons d’en présenter quelques points importants.

D’abord, la métropole est allée au-delà des exigences qui s’imposaient à elles, puisqu’elle a pondéré les critères d’analyse des offres, alors qu’elle aurait pu se contenter de les hiérarchiser [2]. Non seulement la hiérarchisation apparaissait ainsi via la pondération, mais il s’agissait, en outre, d’une information supplémentaire donnée aux candidats, qui ne saurait constituer une irrégularité. Et ce n’est pas parce qu’elle avait pondéré les critères qu’elle devait ensuite obligatoirement pondérer les sous-critères, qu’elle a choisi de seulement hiérarchiser.

Ensuite, les sous-critères du critère « qualité du projet d’exploitation » étaient, contrairement à ce qui est soutenu, suffisamment précis. Les sous-critères du critère financier n’étaient, quant à eux, pas appréciés sur la base des seules déclarations des candidats, mais bien des engagements contractuels qu’ils consentaient, dont l’exactitude pouvait être vérifiée. La pondération du critère prix à hauteur de 25 % ne conduisait, par ailleurs, pas manifestement à ne pas retenir l’offre économiquement la plus avantageuse.

Par ailleurs, une délégation ne peut avoir ni un périmètre manifestement excessif, ni réunir au sein de la même convention des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux (CE, 21 septembre 2016, n° 399656 N° Lexbase : A0237R4K, aux Tables). A supposer que ce contrôle relève de l’office du juge du référé précontractuel (le lien est fait indirectement avec la régularité de la procédure compte tenu de l’importance donnée, dans cette procédure, aux activités de restauration), les prestations de restauration sur la plage ne sont pas, en l’espèce, manifestement sans lien avec le service public balnéaire et l’exploitation de la plage, eu égard aux dispositions de l’article R. 2124-13 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L3070IR7).

S’agissant de la procédure de négociation, la circonstance qu’une même élue ait présidé la commission de délégation de service public et conduit la négociation n’entache pas la procédure d’irrégularité, eu égard à la grande liberté dans la conduite de la négociation, reconnue par votre jurisprudence [3], et en l’absence de démonstration établissant une partialité, puisque la limite de cette liberté est le respect du principe d’égalité entre les candidats [4].

Enfin, les concurrents évincés ont bien été informés des caractéristiques et des avantages des offres retenues.

Par ces motifs, nous concluons :

- à l’annulation des articles 1er et 2 de chacune des trois ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Nice attaquées ;

- au rejet des demandes de la SARL Les Voiliers, de la société Lido Plage et de la SARL Sporting Plage devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice et de leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4) ;

- à ce que la SARL Les Voiliers, la société Lido Plage et la SARL Sporting Plage versent chacune à la métropole Nice Côte d’Azur une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

 

[1] CGPP, art. L. 2124-4 II, relatif aux concessions de plage: « (…) Les concessions sont accordées par priorité aux métropoles et, en dehors du territoire de celles-ci, aux communes ou groupements de communes ou, après leur avis si les métropoles, communes ou groupements renoncent à leur priorité, à des personnes publiques ou privées après publicité et mise en concurrence préalable. Les éventuels sous-traités d'exploitation sont également accordés après publicité et mise en concurrence préalable (…) ».

[2] L’article 27 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016, relatif aux contrats de concession (N° Lexbase : L4192KYW), se borne à exiger, pour les contrats supérieurs au seuil européen, une simple hiérarchisation des critères ; voir CE, 18 septembre 2019, n° 430368, aux Tables (N° Lexbase : A7333ZNW).

[3] CE, 21 mai 2010, n° 334845, aux Tables (N° Lexbase : A4100EX7) ; CE, 8 avril 2019, n° 425373, aux Tables (N° Lexbase : A8880Y8E).

[4] CE, 18 juin 2010, n°s 336120-336135, aux Tables (N° Lexbase : A3200E3W).

newsid:473854

Données personnelles

[Brèves] Protection des données : Le Conseil d’État rejette le recours dirigé contre la sanction de 50 millions d’euros infligée à Google par la CNIL

Réf. : CE, 9° et 10° ch.-r., 19 juin 2020, n° 430810, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A96783NR)

Lecture: 6 min

N3811BYS

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 24 Juin 2020

► Google n’a pas délivré une information suffisamment claire et transparente aux utilisateurs du système d’exploitation Android et ne les a pas mis à même de donner un consentement libre et éclairé au traitement de leurs données personnelles aux fins de personnalisation des annonces publicitaires ; la sanction de 50 millions d’euros infligée par la CNIL n’est pas disproportionnée.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par le Conseil d’État le 19 juin 2020 (CE, 9° et 10° ch.-r., 19 juin 2020, n° 430810, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A96783NR).

Contexte. À la suite de plaintes déposées par deux associations en mai 2018, la CNIL a procédé à des investigations relatives aux traitements de données personnelles effectués par Google. Elle a ainsi analysé le parcours d’un utilisateur lors de la création d’un compte Google à partir d’un téléphone fonctionnant avec le système d’exploitation Android.

Sur la base de ces investigations, la CNIL a principalement retenu deux manquements au « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) :

  • tout d’abord, la CNIL a considéré que les informations fournies à l’utilisateur au moment de la création d’un compte n’étaient pas toujours claires et facilement accessibles. En particulier, elle a relevé que des informations essentielles (sur les finalités, les durées de conservation ou les catégories de données pour la personnalisation de la publicité) étaient éparpillées sur plusieurs pages et que l’utilisateur devait parfois accomplir jusqu’à six actions pour y accéder. Elle a, en outre, relevé que les informations mises à disposition par Google étaient rédigées de façon trop vague, ce qui ne permettait pas aux utilisateurs de comprendre l’ampleur du traitement effectué par Google. La CNIL a en effet souligné que les données des utilisateurs étaient collectées à partir de nombreux services tels que Gmail, Google Maps ou YouTube, ce qui avait pour effet de rendre le traitement massif et intrusif ;
  • ensuite, la CNIL a estimé que le consentement des utilisateurs n’était pas valablement recueilli pour le traitement relatif à la personnalisation de la publicité. Elle a en effet relevé que le recueil du consentement se faisait au moyen d’une case précochée par défaut, ce qui n’était pas conforme aux exigences du « RGPD ».

C’est ainsi que la CNIL prononçait une amende de 50 millions d’euros à l’encontre de Google pour manque de transparence, information insatisfaisante et absence de consentement valable pour la personnalisation de la publicité (CNIL, délibération n° SAN 2019-001, 21 janvier 2019 N° Lexbase : X0990BDZ ; lire N° Lexbase : N7729BXK et N° Lexbase : N7299BXM).

Saisi par Google d’une requête pour invalider celle-ci, le Conseil d’État, dans sa décision du 19 juin 2020, a validé la décision de la CNIL. Il confirme ainsi une juste application des principes clés du « RGPD »

Un manquement aux obligations de transparence et d’information. Le Conseil d’État confirme l’appréciation portée par la CNIL sur l’information mise à disposition des utilisateurs d’Android par Google concernant le traitement de leurs données. Il considère que son organisation en arborescence ne répond pas aux exigences de clarté et d’accessibilité requises par le « RGPD », alors même que les traitements en cause sont particulièrement intrusifs par leur nombre et la nature des données collectées. Il relève en outre que l’information disponible est parfois lacunaire, notamment s’agissant de la durée de conservation des données et des finalités des différents traitements opérés par Google.

Ainsi, Google a manqué à ses obligations d’information et de transparence.

 

Un manquement à l’obligation de disposer d’une base légale pour les traitements de personnalisation de la publicité. Le Conseil d’État relève que l’utilisateur qui souhaite créer un compte Google pour utiliser le système Android est d’abord invité à accepter que ses informations soient traitées conformément à un paramétrage par défaut, incluant des fonctions de personnalisation de la publicité. L’information sur le ciblage publicitaire qui lui est fournie à cette étape est générale et diluée au milieu d’informations relatives à d’autres finalités. Alors que le recueil du consentement est, à ce premier niveau, effectué de manière globale pour l’ensemble des finalités poursuivies par le traitement des données, le Conseil d’État confirme l’appréciation de la CNIL selon laquelle l’information relative au ciblage publicitaire n’est pas présentée de manière suffisamment claire et distincte pour que le consentement de l’utilisateur soit valablement recueilli.  

Après avoir relevé que l’utilisateur peut obtenir une information complémentaire sur le ciblage publicitaire en cliquant sur un lien « plus d’options », et qu’il est alors invité à donner un consentement spécifique à cette finalité, le Conseil d’État estime que l’information fournie à ce deuxième niveau par Google est, là encore, insuffisante. Par ailleurs, le consentement y est recueilli au moyen d’une case pré-cochée, ce qui ne répond pas aux exigences du « RGPD ».

Ainsi, Google ne met pas l’utilisateur à même de donner un consentement libre et éclairé au traitement de ses données aux fins de personnalisation de la publicité.

Sanction. Compte tenu de la gravité particulière des manquements commis, de leur caractère continu et de leur durée, des plafonds prévus par le « RGPD » ainsi que de la situation financière de la société Google LLC, le Conseil d’État juge que la sanction de 50 millions d’euros prononcée par la CNIL n’est pas disproportionnée.

Le Conseil d’État confirme par ailleurs que la CNIL était compétente pour prononcer la sanction. Google estimait que l’autorité de protection des données irlandaise était seule compétente pour contrôler ses activités dans l’Union européenne, le contrôle du traitement des données revenant à l’autorité du pays où le principal établissement du responsable du traitement des données est situé, selon un principe de « guichet unique » institué par le « RGPD ». Le Conseil d’État relève toutefois qu’à la date de la sanction, la filiale irlandaise de Google ne disposait d’aucun pouvoir de contrôle sur les autres filiales européennes ni d’aucun pouvoir décisionnel sur les traitements de données, la société Google LLC implantée aux États-Unis détenant seule ce pouvoir. Le système du guichet unique n’était pas donc applicable et la CNIL était compétente pour sanctionner les manquements de Google relatifs au traitement des données des utilisateurs français d’Android.

La sanction infligée par la CNIL à Google reste, encore à ce jour, la plus importante en Europe décidée par les autorités de protection de données.

newsid:473811

Électoral

[Brèves] Organisation du second tour des élections municipales : les mesures sanitaires à mettre en œuvre pour la campagne électorale et le scrutin

Réf. : Circulaire du 18 juin 2020 (N° Lexbase : L4822LXU) ; loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 (N° Lexbase : L4748LX7)

Lecture: 5 min

N3820BY7

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 24 Juin 2020

► La circulaire du 18 juin 2020, relative à l’organisation du second tour des élections municipales du 28 juin 2020 en situation d’épidémie de Covid-19, détaille les mesures sanitaires que les 4800 communes concernées devront observer lors de la campagne électorale et du scrutin du 28 juin 2020, complétée par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

Contexte. Les décrets du 27 mai 2020 (décret n° 2020-642 du 27 mai 2020, fixant la date du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, et portant convocation des électeurs N° Lexbase : L2140LXK ; décret n° 2020-643 du 27 mai 2020 relatif au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon de 2020 et à l'adaptation du décret du 9 juillet 1990 à l'état d'urgence sanitaire N° Lexbase : L2145LXQ) ont fixé la date du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon au 28 juin prochain.

Afin de rappeler les règles à respecter et les possibilités ouvertes, le ministre de l’Intérieur a transmis une circulaire à tous les maires concernant l’organisation du scrutin et a demandé la diffusion et la mise en ligne de deux vademecum à l’intention des candidats (consultables sur son site internet).

L’ensemble de ces textes et les actions décidées par le ministre doivent permettre la tenue du second tour des élections municipales dans les meilleures conditions démocratiques et sanitaires possibles.

Campagne électorale. Les moyens traditionnels de campagne étant plus limités pour les candidats présents au second tour en raison des règles sanitaires, le ministère de l’Intérieur propose à ces derniers des moyens alternatifs de campagne tel que la mise en place d’un panneau supplémentaire à chaque emplacement d’affichage permettant aux candidats d’apposer plus d’affiches, pour exposer par exemple leur programme.

Aussi bien lors de la campagne électorale que lors de l’organisation du scrutin, le respect des règles de l'état d'urgence sanitaire liées aux regroupements de personnes devra être appliqué, avec en particulier le respect des gestes barrières et de la distanciation physique. Les regroupements seront ainsi possibles dans les établissements recevant du public dans les conditions prévues par le décret du 31 mai 2020 (décret n° 2020-663 du 31 mai 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire N° Lexbase : L2457LXB : interdiction de tout rassemblement, activité, ou réunion sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public de plus de dix personnes).

Assouplissement des conditions de procuration. Le vote par procuration comme modalité alternative de vote à l’urne a également été largement simplifié.

Pour le second tour du 28 juin prochain, les procurations établies pour le second tour du 22 mars restent valables et il n’est pas nécessaire d’en établir une nouvelle si le mandataire n’a pas changé.

Les mandataires peuvent également être porteurs de deux procurations établies en France, au lieu d’une en temps normal. Si cette limite n'est pas respectée, les procurations qui ont été dressées les premières sont les seules valables. La ou les autres procurations sont nulles de plein droit. Les personnes qui, en raison du Covid-19, ne pourraient pas se déplacer pour faire établir leur procuration peuvent demander à leur commissariat ou gendarmerie de se déplacer à leur domicile pour recueillir leur procuration. Elles peuvent saisir les autorités compétentes par voie postale, par téléphone ou, le cas échéant, par voie électronique. Ces personnes indiquent la raison de leur impossibilité de se déplacer, sans qu'il leur soit nécessaire de fournir un justificatif.

De façon pérenne, les électeurs n’ont plus à justifier la raison de leur procuration et peuvent dorénavant faire établir une procuration auprès d’un officier ou agent de police judiciaire, ou leur délégué, dans les lieux accueillant du public définis par arrêté préfectoral.

Aménagement et nettoyage des bureaux de vote. Les bureaux de vote seront aménagés de manière à limiter au maximum les contacts et à assurer une distance d’au moins un mètre entre chaque personne présente.

Le nombre d’électeurs pouvant accéder simultanément au bureau de vote sera également limité et priorité sera donnée pour voter aux personnes vulnérables.

Les bureaux de vote doivent être nettoyés avant et après le scrutin.

Les mesures et gestes « barrière » lors des opérations de vote. Un affichage rappelant l'obligation du port du masque et les mesures d'hygiène et de distanciation physique sera mis en place à l'entrée du bureau de vote. Au sein du bureau de vote, des équipements de protection adaptés sont mis à la disposition des électeurs qui n'en disposent pas et des personnes participant à l'organisation ou au déroulement du scrutin.

Le port du masque sera obligatoire pour tout électeur se présentant au bureau de vote (masques « grand public ») et pour toute personne en charge des opérations électorales et de leur contrôle, qui seront en outre équipés de visières. Il pourra être demandé aux électeurs de retirer momentanément leur masque aux fins de contrôle de leur identité.

Chaque bureau de vote devra également obligatoirement être équipé d’un accès à un point d’eau avec du savon, ou de gel hydroalcoolique.

L’approvisionnement des communes et bureaux de vote en masques, visières de protection et gel hydroalcoolique est pris en charge intégralement par l’État.

Dépouillement. Il sera possible d’assister au dépouillement à condition de porter un masque « chirurgical » et de respecter les gestes barrières, dans la limite cependant des capacités d’accueil du lieu de dépouillement.

newsid:473820

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Plan d’épargne en actions et abus de droit

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 19 juin 2020, n° 418452, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A08403PS)

Lecture: 4 min

N3806BYM

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Juin 2020

Lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L9137LNQ) dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales ;

Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

En l’espèce, le requérant a crée avec son associé et la société Cavendish Square Holding BV, filiale du groupe WPP, la société Financière RKW Holding, qui avait pour objet l'acquisition et la gestion de titres sociaux. Le même jour, il a cédé à cette société des titres de la société par actions simplifiée KR Media France (KRM), qu'il avait constituée avec ce même associé, et qui exerce l'activité de centrale d'achats d'espaces publicitaires. Il a alors inscrit, pour leur valeur nominale, les titres qu'il détenait de la société Financière RKW Holding dans son plan d'épargne en actions.

Le requérant a cédé l'intégralité de sa participation dans la société Financière RKW Holding à la société Cavendish Square Holding BV. A raison de l'inscription des titres de la société Financière RKW Holding sur le plan d'épargne en actions du requérant, lui et son épouse ont regardé la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de ces titres comme exonérée d'impôt. A la suite d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal du requérant et de son épouse, l'administration fiscale a remis en cause, en recourant à la procédure de répression des abus de droit l'exonération dont avaient ainsi entendu bénéficier les contribuables. Ils ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008, majorées des intérêts de retard et de pénalités de 80 % pour abus de droit.

Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge de ces impositions. La cour administrative d’appel de Paris rejette l’appel formé contre ce jugement (CAA Paris, 21 décembre 2017, n° 14PA01656 N° Lexbase : A4727W9X).

⇒Lire en ce sens, Franck Laffaille, De l'abus de droit, de la "justification économique suffisante", de l'interposition, Lexbase Fiscal, février 2018, n° 729 (N° Lexbase : N2460BXE)

Ici, l’administration a considéré que l'interposition de la société Financière RKW Holding avait été conçue dans le seul but de permettre de bénéficier abusivement de l'exonération d'impôt prévue par l'article 157 du Code général des impôts et que cette opération était, dès lors et pour ce seul motif, constitutive d'un abus de droit. La cour administrative a jugé que cette opération constituait effectivement un abus de droit dès lors qu’elle a eu pour seul but de respecter artificiellement le seuil de détention de 25 %.

En exigeant ainsi que ces derniers justifient de ce que l'architecture d'ensemble mise en place était la seule possible pour atteindre l'objectif économique poursuivi, la cour a commis une erreur de droit.

En se prononçant sur la réalité économique de la constitution de la société Financière RKW Holding sans prendre en compte l'ensemble des éléments de l'architecture mise en place par les requérants et son associé, la cour a commis une erreur de droit.

 

newsid:473806

Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] L’absence d’un contrôle légal du juge judiciaire des mesures d’isolement et de contention est contraire à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-844 QPC, du 19 juin 2020 (N° Lexbase : A85293N9)

Lecture: 3 min

N3791BY3

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par Laïla Bedja

Le 24 Juin 2020

► L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9473KX7) est contraire à l’article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM) en ce qu’il ne soumet pas le maintien à l’isolement ou en contention en psychiatrie au-delà d’une certaine durée à un contrôle du juge judiciaire ; dès lors que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, en ce qu’elle ferait obstacle à toute possibilité de placement à l’isolement ou sous contention des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte, entraînerait des conséquences manifestement excessives, la date de leur abrogation est reportée au 31 décembre 2020.

L’objet de la QPC. L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique établit le cadre dans lequel, lors d’une prise en charge dans un établissement assurant des soins psychiatriques sans consentement, il peut être recouru à l’isolement d’une personne hospitalisée, consistant à la placer dans une chambre fermée, ou à sa mise sous contention, consistant à l’immobiliser. Ce sont ces dispositions que le Cour de cassation (Cass. civ. 1, 5 mars 2020, n° 19-40.039, FS-P+B N° Lexbase : A12603II) soumet au Conseil constitutionnel lors d’une saisie opérée le 6 mars 2020.

Les requérants reprochaient à ces dernières, de méconnaître la liberté individuelle protégée par l'article 66 de la Constitution en ce qu'elles ne prévoyaient pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d'isolement et de contention mises en œuvre dans les établissements de soins psychiatriques, non plus qu'aucune voie de recours en faveur de la personne qui en fait l'objet.

La décision du Conseil constitutionnel. Enonçant la solution précitée, le Conseil constitutionnel déclare les dispositions en cause contraires à la Constitution.

Bien que le législateur a fixé des conditions de fond et des garanties de procédures propres à assurer que le placement à l’isolement ou sous contention, dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, n’intervienne que dans les cas où ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état de la personne qui en fait l’objet, les Sages rappellent que la liberté individuelle prévue à l’article 66 de la Constitution ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n'a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d'une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Il s'ensuit qu'aucune disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l'article 66 de la Constitution.

Cette décision met un terme à une question récurrente posée au juge judiciaire et à laquelle la Cour de cassation ne pouvait opposer que la lettre de l’article L. 3222-5-1 (lire notre brève, Mesures d’isolement et de contentions constitutives de modalités de soins ne relevant pas du juge des libertés et de la détention, Lexbase Privée, février 2020, n° N° Lexbase : N2197BYZ, relative à l’avis de la Cour de cassation du 3 février 2020 N° Lexbase : A90403D8, et, De l’unique contrôle du juge de la mesure de soins sans consentement à compter de la date de prononcé de la décision d’admission et de son absence de contrôle sur les mesures d’isolement et de contention, Lexbase Privée, novembre 2019, n° 804 N° Lexbase : N1360BYZ, relative à Cass. civ. 1, 21 novembre 2019, n° 19-20.513, FS-P+B+I N° Lexbase : A4714Z3Y).

Pour aller plus loin

Cf. l’Ouvrage « Droit médical », Le contrôle des mesures d'admission en soins psychiatriques par le juge des libertés et de la détention N° Lexbase : E7544E9B).

 

newsid:473791

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Le CNB demande au Gouvernement de nouvelles mesures pour accélérer le retour d’un taux réduit pour les honoraires d’avocats

Réf. : CNB, communiqué de presse, 15 juin 2020

Lecture: 3 min

N3798BYC

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Juin 2020

Le Conseil national des barreaux, a dans un communiqué de presse en date du 15 juin 2020, demandé l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux prestations de services rendues par les avocats aux particuliers non assujettis qui ne récupèrent pas la TVA.

Cette mesure s’inscrit parmi les propositions formulées lors des États généraux de l'avenir de la profession d'avocat qui s’est tenu en juin 2019.

Pour rappel, une concertation nationale « Quels avocats pour quels défis dans notre société ? » avait été initiée afin que les avocats et élèves avocats identifient les sujets les plus sensibles au sein de la profession. Quarante propositions avaient ainsi été formulées, classées autour de quatre thèmes :

  • identité de l’avocat,
  • qualité de la prestation,
  • compétitivité des cabinets,
  • unité de la profession.

Parmi les propositions, celle d’un taux de TVA réduit à 5,5 % pour toutes les prestations de l’avocat.

La liste des prestations pouvant bénéficier d’un taux réduit de TVA figure à l’annexe III de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (N° Lexbase : L7664HTZ). Le taux de 5,5 % qui fut prévu un temps par l’article 279 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7306LU7), pour les prestations indemnisées par l’aide juridictionnelle, a été supprimé en 2011 (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011, art. 31 N° Lexbase : L9901INZ) suite à une décision de la CJUE (CJUE, 17 juin 2010, aff. C-492/08 N° Lexbase : A1922E3L).

Par cet arrêt la Cour a en effet jugé les services rendus par les avocats ne sont pas assimilables à des services rendus par des organismes sociaux, au sens du point 15 de l’annexe III de la Directive TVA. « En appliquant un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux prestations rendues par les avocats, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et avoués, pour lesquelles ceux-ci sont indemnisés totalement ou partiellement par l'État dans le cadre de l'aide juridictionnelle, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98, paragraphe 2, de la Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ». Depuis toutes les prestations des avocats sont soumises au taux de 20 %.

La proposition ainsi formulée apparaît dans un contexte un peu plus « ouvert ». En effet, la Commission européenne a adopté un plan d’action sur la TVA en vertu duquel la Directive de 2006 pourrait être modifiée pour offrir plus de liberté aux États membres dans la fixation des taux de TVA.

Ce nouveau texte doit :

  • faciliter la création d’un environnement fiscal de meilleure qualité pour aider les petites et moyennes entreprises à prospérer ;
  • vise à octroyer aux État membres une plus grande marge de manœuvre pour fixer les taux de TVA ;
  • propose de remplacer la liste des biens et services pouvant bénéficier de taux réduits par une liste des biens et services ne pouvant pas faire l’objet de tels taux réduits

Le Conseil national des barreaux, réuni en assemblé générale le 12 juin 2020, a adopté une résolution portant sur l’application d’un taux de TVA réduit pour les honoraires d’avocats. Le Conseil national des barreaux invite dès à présent le Gouvernement français à prendre toute mesure pour anticiper l’entrée en vigueur de la nouvelle Directive et permettre l’application immédiate du taux réduit de TVA de 5,5 % aux prestations de services rendues par les avocats aux particuliers non assujettis qui ne récupèrent pas la TVA.

 

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Voies d'exécution

[Textes] Inconnu à cette adresse…

Réf. : Cass. civ.2, 4 juin 2020, n° 19-12.727, F-P+B+I (N° Lexbase : A05863NZ)

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par Frédéric Kieffer, Avocat, Président d’honneur de l’AAPPE

Le 24 Juin 2020

Le terrible livre épistolaire de Kressmann Taylor s’achève par le titre Inconnu à cette adresse mais les lettres précédentes étaient bien parvenues à son destinataire. Tel n’est pas tout à fait le cas dans l’espèce relative à l’arrêt commenté qui à trait tant aux procédures civiles d’exécution, avec une saisie-attribution contestée, qu’à la procédure civile, avec un aspect relatif à la signification des actes.

Les faits sont les suivants :  une banque a pratiqué une saisie attribution sur le compte bancaire de son débiteur, en vertu d’un jugement réputé contradictoire rendu le 30 juin 2011, condamnant celui-ci à lui payer une certaine somme. Il est important de préciser que ce jugement avait été confirmé en toutes ses dispositions par l’arrêt d’une cour d’appel rendu le 15 mai 2014 (CA. Aix-en-Provence, 15 mai 2014, n° 11/13340 N° Lexbase : A2161MLM).

Cependant, cette saisie attribution avait été pratiquée au seul visa du jugement du 30 juin 2011.

Celle-ci a été contestée par le débiteur et par jugement rendu le 16 mai 2017, le juge de l’exécution a déclaré le jugement du 30 juin 2011 non avenu et a ordonné la mainlevée de la saisie attribution. En effet, devant le juge de l’exécution, le débiteur avait soutenu que la signification du jugement du 30 juin 2011 était irrégulière pour avoir été signifiée à une adresse qui n’était plus la sienne, alors que le créancier avait été préalablement informé de sa nouvelle adresse par lettre recommandée. Le juge de l’exécution, séduit par cette argumentation, a annulé la signification du jugement du 30 juin 2011 et ordonné la mainlevée de la saisie-attribution.

En effet, en présence d’un jugement réputé contradictoire, le juge de l’exécution a tiré les conséquences de la nullité de la signification en appliquant strictement les dispositions de l’article 478 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6592H7B), ainsi rédigées : « Le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d ‘appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les 6 mois de sa date ».

Le créancier a interjeté appel de cette décision. La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 24 janvier 2019, a infirmé la décision du juge de l’exécution en ce qu’elle avait déclaré non avenu le jugement rendu le 30 juin 2011 et ordonné la mainlevée de la saisie attribution diligentée par la banque. Le débiteur a formé un pourvoi en cassation.C’est l’objet de l’arrêt commenté.

A l’appui de son pourvoi, le débiteur soutenait tout d’abord que la saisie attribution était irrégulière pour avoir été pratiquée sur le seul fondement du jugement de première instance du 30 juin 2011 et non de l’arrêt confirmatif qui avait suivi le 15 mai 2014.

Sur cette argumentation, la Cour de cassation répond : « L’arrêt qui confirme purement et simplement un jugement exécutoire ne prive pas celui-ci de son caractère de titre exécutoire. C’est, par conséquent, sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel, qui a relevé que le titre visé lors de la saisie attribution restait le jugement du 30 juin 2011, a statué comme elle a fait, sans être tenue de répondre au moyen tiré de la nullité de la saisie, lequel était dépourvu d’incidence sur l’issue du litige ».

La Cour de cassation valide ainsi une saisie attribution pratiquée en indiquant comme titre exécutoire le seul jugement, quand bien même celui-ci aurait-il été suivi d’un arrêt confirmatif.

Dans la pratique, il sera conseillé, lors de l’exercice d’une voie d’exécution en vertu d’une décision de justice ayant été suivie d’un arrêt confirmatif, de viser, par précaution, à la fois le jugement de première instance et l’arrêt confirmatif de la cour.

La précision apportée par la Cour de cassation est cependant quelquefois utile et il est bon de conserver à l’esprit l’aspect pratique de la décision ici commentée.

Le débiteur soulevait également d’autres moyens et notamment celui portant sur l’irrégularité de la signification du jugement du 30 novembre 2011. C’est sur cet aspect de l’arrêt que la décision de la Cour de cassation peut, à première vue, sembler surprenante. Cependant, avant de l’envisager, il est opportun de rappeler que ce moyen tiré de la nullité du jugement de première instance avait pour objectif de voir appliquer les dispositions de l’article 478 du Code de procédure civile.Il convient donc d’en envisager les conséquences, lesquelles sont assez extraordinaires du droit commun.

Le jugement non avenu n’est ni annulé, ni infirmé (Cass. com. 20 mars 1978, n° 76-12.874 (N° Lexbase : A8401AHM) D. 1979, IR 36, Obs. Adrienne Honorat). Ainsi, saisi d’une demande tendant à constater le caractère non avenu d’un jugement, le juge de l’exécution n’a, en aucun cas, le pouvoir de prononcer l’annulation de la décision de justice (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 15-26.640, F-P+B N° Lexbase : A5901WTQ).

Ce qui est étrange dans cette sanction, c’est qu’à la différence du jugement qui se trouve anéanti, la procédure qui a précédé ce jugement ne l’est pas. D’ailleurs, le dernier alinéa de l’article 478 dispose que la procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive. Le juge pourra donc être ressaisi en dehors de toute voie de recours, après réitération de la citation primitive (Cass. civ. 2, 6 janvier 2012, n° 10-16.289, F-P+B N° Lexbase : A0266H9Q).

Certaines exigences sont cependant à respecter et notamment la nouvelle assignation doit préciser qu’elle réitère la première (Cass. Civ. 2, 25 octobre1995, Revue des huissiers 1996, page 469, note Martin).

Autre élément d’importance, l’’assignation conserve son effet interruptif de la prescription (Cass. civ. 2, 18 décembre 2008, n° 07-15.091, F-D (N° Lexbase : A8972EBW), Procédures 2009, Com. 38, Note Perrot). Le principal effet de la sanction édictée par l’article 478 du Code de procédure civile est donc de faire perdre au jugement sa qualité de titre exécutoire. Il est d’ailleurs opportun de s’interroger sur la pertinence du maintien d’une telle sanction.

Dans l’arrêt commenté, l’enjeu pour le débiteur, était de faire constater le caractère non avenu du jugement et sa seule possibilité consisterait à démontrer la nullité de la signification dudit jugement. Mais, était-il recevable à le faire ?

La question n’est pas abordée dans la décision commentée, pourtant, le débiteur aurait pu se voir opposer l’irrecevabilité de ce moyen tiré du caractère non avenu du jugement. En effet, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que l’exception tendant à faire constater le caractère non avenu d’un jugement par application de l’article 478 du Code de procédure civile était irrecevable, dès lors que l’appelant l’avait fait précéder de conclusions au fond (Cass. civ. 2, 22 novembre 2001, n° 99-17.875, FS-P+B  N° Lexbase : A2182AX4).

Dans le cas présent, il semble probable que le débiteur ait pris des conclusions au fond dans l’instance en appel ayant abouti à la confirmation du jugement du 30 juin 2001 par un arrêt rendu par la cour d’appel le 15 mai 2014 (CA. Aix-en-Provence, 15 mai 2014, n° 11/13340 N° Lexbase : A2161MLM). Par conséquent, n’ayant pas soulevé ce moyen avant ses conclusions au fond devant la cour, une fin de non-recevoir aurait, semble-t-il, pu lui être opposée dans la présente instance. Ces précisions apportées sur les conséquences du caractère non avenu d’une décision de justice, il faut envisager les raisons pour lesquelles la Cour de cassation n’a pas retenu le moyen tiré de la nullité de la signification du jugement du 30 novembre 2011.

Le débiteur soutient à l’appui de son pourvoi que la signification d’un jugement doit être faite à personne ou, à défaut au domicile connu de l’intéressé. Il reproche à la cour d’appel d’avoir estimé que la signification par procès-verbal de remise à l’étude du jugement du 30 juin 2011, sur lequel se fonde l’acte de saisie attribution était valide aux motifs que l’huissier aurait, selon la cour, justifié d’une impossibilité de signifier à personne ou à domicile.

Le reproche porte principalement sur le fait que le débiteur, destinataire de l’acte, avait informé son créancier de sa nouvelle adresse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dès 2009. Or, en procédant à la signification du jugement à l’adresse précédente du débiteur, l’huissier de justice pouvait se voir reprocher l’irrégularité de sa signification.

Il est également reproché à la cour d’appel, de ne pas avoir retenu le moyen tiré de l’absence de tentative de signification sur le lieu de travail. Le débiteur reproche à la cour d’appel d’avoir validé la signification du jugement en relevant que l’huissier de justice avait indiqué sur son procès-verbal, au titre des diligences accomplies, avoir constaté le nom du destinataire sur une boîte aux lettres et obtenu une confirmation de l’adresse par un voisin.

Le débiteur estime donc que la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 654 (N° Lexbase : L6820H7Q), 655 (N° Lexbase : L6822H7S) et 689 (N° Lexbase : L6890H7C) du Code de procédure civile.

La Cour rejette le pourvoi en retenant que la cour d’appel a légalement justifié sa décision, en constatant d’une part que l’acte de signification du jugement indiquait que l’huissier de justice avait vérifié que le lieu de signification constituait le domicile du destinataire par la constatation de la présence de son nom sur la boîte aux lettres et la confirmation d’un voisin dont il a indiqué le nom.

Elle ajoute que le fait que le débiteur ait fait connaître par lettre recommandée un changement d’adresse dès 2009 à son créancier était insuffisant à justifier l’annulation de l’acte de 2011, car sa situation aurait pu évoluer dans ce laps de temps. De là à en tirer la conclusion que la signification d’un acte à une ancienne adresse du débiteur alors que le créancier a été informé de la nouvelle adresse de ce dernier reste valable, est un pas qu’il convient de ne pas franchir.

En réalité, cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la position de la Cour de cassation en matière de signification des actes de procédure. Le contentieux en la matière est nourri et il est impossible de dénombrer de façon exhaustive toutes les fois où la Cour de cassation a dû rappeler l’impérieuse nécessité de tout mettre en œuvre pour apporter tous les indices possibles et concordants permettant d’établir que le destinataire est bien domicilié à l’adresse à laquelle l’acte est signifié (voir Alexandre Bédon, La signification à l’épreuve de la pratique : de la théorie au réel !, Revue pratique du recouvrement, n° 5, mai 2020, page 6 à 8).

A titre d’illustration, dans un arrêt récent (Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-25.229 , F-D N° Lexbase : A89373CY) la Cour de cassation a sanctionné la régularité d’une signification finalisée par une remise à l’étude. Dans cette décision la Cour de cassation précise que : « la seule confirmation du domicile par le voisinage, sans autre précision, n’était pas de nature à établir, en l’absence d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte ».

Elle avait déjà jugé dans d’autres cas : « La seule mention dans l’acte de signification de la confirmation du domicile du débiteur, par différents voisins est insuffisante à caractériser les vérifications imposées à l’huissier de justice », si aucun autre indice n’est rapporté (Cass. civ. 2, 28 février 2006, n° 04-12.133, FP-P+B  N° Lexbase : A4146DNU).

Elle avait également jugé que la simple interrogation d’un voisin était insuffisante pour caractériser les diligences à accomplir (Cass. civ. 2, 9 juin 2011, n° 10-16.863, FP-P+B  N° Lexbase : A5096HTW).

Mais alors, pour quelles raisons, la signification dans l’arrêt commenté a-t-elle été déclarée valable ?

La réponse à cette question peut résulter à la fois de l’examen des arrêts de la Cour de cassation, mais également des dispositions de l’article 656 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6825H7W) : « Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile ».

Dans ces litiges relatifs à la signification des actes, la seule véritable et délicate question qui se pose est celle de savoir si les diligences effectuées par l’huissier de justice sont suffisamment sérieuses pour pouvoir valider la signification.

Et, en réalité, il faut répondre à une seule et unique question : de combien d’indices l’huissier de justice doit-il attester pour valider la signification ?

Dans aucun des arrêts examinés, la Cour de cassation fait état d’un nombre minimum d’indice qui permettrait de garantir la réalité du domicile. Néanmoins, il est permis d’observer à la lecture de la jurisprudence une tendance assez générale : un seul indice reste insuffisant pour valider une signification.

Ainsi, la jurisprudence avait déjà précisé que la seule mention du nom sur la boîte aux lettres ne constituait pas à elle seule une vérification suffisante de ce que le destinataire demeurait bien à l’adresse de la signification (Cass. civ. 2, 15 janvier 2009, n° 07-20.472, F-P+B  N° Lexbase : A3438ECC). En revanche, lorsque l’huissier de justice s’appuie sur des déclarations des tiers, il n’est pas tenu, dans cette hypothèse, de mentionner l’identité des personnes attestant la réalité du domicile (dans ce sens, Cass. civ. 2, 10 juin 2004, n° 02-16.839 , FS-P+B N° Lexbase : A6143DCI).

Se pose alors la question, de savoir, à partir de combien d’indices l’huissier peut-il s’assurer de la validité de sa signification ?

Il semblerait à la lecture de l’arrêt commenté, qu’une signification par remise à l’étude soit considérée comme valable sur le fondement de deux indices :

  • le nom sur la boîte aux lettres ;
  • la confirmation de la réalité du domicile par un voisin, dont l’identité a été relevée.

Quel sort aurait été réservé à cette signification si l’identité du voisin n’avait pas été communiquée ?

Il est délicat de répondre à cette question, mais il est permis de recommander à l’huissier de justice de relever systématiquement l’identité des personnes qui se prononcent sur le domicile du destinataire de l’acte.

Bien sûr, cette exigence n’est pas simple dans la réalité pratique puisque d’une part, elle pourrait entraîner une certaine gêne de la part de l’intéressé dans ses rapports futurs avec son voisin et d’autre part, elle pose une difficulté pour l’huissier de justice tenant au respect de la vie privée des tiers.

Comme souvent dans la pratique, l’huissier de justice devra jongler entre les diligences à accomplir nécessaires à la garantie et l’efficacité de son acte et celles du respect de la vie privée des tiers lorsqu’il dispose d’un seul indice pour valider l’adresse.

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