Réf. : TJ Marseille, 11ème, 23 mars 2020, n° 20041000013 (N° Lexbase : A02843L4)
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par Cloé Fonteix, Avocate au barreau de Nice
Le 06 Mai 2020
Mots-clefs : Jurisprudence • Observations • Tribunal judiciaire de Marseille • Comparution immédiate • Droit de la défense • Grève • Confinement
Le 23 mars 2020, pendant la première semaine de confinement, les juges correctionnels du tribunal judiciaire de Marseille avaient à juger un prévenu pour des faits de violences dans le cadre d’une comparution immédiate. L’audience venait sur un premier renvoi, décidé le 10 février 2020, date à laquelle aucune commission d’office n’avait pu intervenir en raison de la grève des avocats, et où le prévenu avait été placé en détention provisoire aux Baumettes. Le jour de l’audience du 23 mars, l’ARPEJ (Autorité de Régulation et de Programmation des Extractions Judiciaires) [1] avait envoyé un mail indiquant que le prévenu ne pouvait être extrait, des rumeurs rapportées par l’huissier-audiencier expliquant cette difficulté par une mutinerie survenue la veille dans « l’établissement pénitencier de Luzerches » (comprendre « Uzerche »).
Les juges ont décidé de le juger hors sa présence et sans avocat. Contradictoirement. C’est-à-dire comme s’il avait été présent. Ou comme s’il avait choisi de ne pas l’être.
Selon les termes du jugement : « le tribunal a décidé de passer outre la non-extraction du prévenu en ce que le renvoi de l’audience n’était pas envisageable, les audiences ultérieures se tenant dans les mêmes conditions de confinement, que ces mêmes audiences sont saturées en raison des conséquences de la grève des avocats, de sorte que l’extraction ultérieure du prévenu était très incertaine qu’enfin l’ordre public sanitaire impose de juger le dossier afin de permettre au prévenu de passer à un statut de condamné, pouvant éventuellement bénéficier d’un aménagement de peine ». Il ajoute que « le tribunal s’est estimé suffisamment informé par les déclarations initiales des parties ». Enfin, il énonce que « s’il est regrettable qu’aucun avocat ne se soit présenté pour assurer la défense du prévenu, cela n’est dû qu’à la décision de l’Ordre des avocats de ne pas prévoir de commission d’office ».
Quelques observations factuelles sur les motifs invoqués par la juridiction correctionnelle.
Avant tout, il aurait pu être opportun d’expliquer en quoi la survenance d’une mutinerie dans une prison située à environ 500 kilomètres des Baumettes, la veille du jugement, affectait la possibilité pour l’ARPEJ (ou peut-être pour un service de gendarmerie, le cas échéant appelé en renfort ?) d’assurer l’extraction depuis la prison marseillaise jusqu’au tribunal situé dans cette même ville. L’absence de justification plausible et objective de l’impossibilité de procéder à l’extraction rend d’autant plus surprenante la décision du tribunal de « passer outre ». Laisse également perplexe l’affirmation selon laquelle les circonstances (le confinement, mais surtout les audiences saturées « à cause » de la grève des avocats) priveraient de la possibilité d’envisager le report de l’audience. Un tel renvoi est toujours possible, même s’il doit se faire à quelques mois, et même si ce faisant, eu égard aux spécificités de la voie procédurale que constitue la comparution immédiate, une remise en liberté s’impose. On peut d’ailleurs noter que cette décision de « passer outre » a été prise juste avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5740LWI), dont l’article 17 a élargi de deux à quatre mois la durée de détention possible dans cette hypothèse. On est encore saisi par la phrase selon laquelle l’absence de commission d’office résulterait de la seule volonté de l’Ordre, comme si cette décision n’avait pas été contrainte par l’impossibilité d’organiser celle-ci dans des conditions sanitaires satisfaisantes à la fois pour le prévenu et pour l’avocat. Et, on est ébranlé en lisant que ce serait respecter « l’ordre public sanitaire », et, quasiment, agir dans l’intérêt du prévenu et de sa santé, que de le condamner, afin qu’il puisse bénéficier d’un aménagement de peine.
Quelques observations, en droit, si tant est qu’il existe un intérêt à commenter une décision au regard d’un système de normes qui semble étranger aux juges dont elle émane. Les droits de la défense sont consacrés à tous les niveaux de la hiérarchie des normes. Prérogatives attachées à la qualité de personne suspectée, ou poursuivie pour avoir commis une infraction pénale, ces droits s’ajoutent aux garanties plus générales du procès équitable. Parmi eux figure - peut-être en premier lieu, bien qu’il doive rarement être rappelé - le droit de « rencontrer ses juges ». La personne jugée doit pouvoir être vue et entendue, se positionner par rapport aux faits, les nier, les expliquer, les regretter. Cette communication, même seulement visuelle, souvent réduite à quelques mots, apparaît essentielle. Sur le fondement des droits de la défense, qui sont constitutionnellement garantis [2], le Conseil constitutionnel a rappelé, par deux fois en 2019, au sujet du recours à la visioconférence en matière de détention provisoire, « l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique de l’intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire » [3]. La liste des droits de la défense, fixée par l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR), comporte expressément le droit de tout accusé à « se défendre lui-même ». Ainsi, selon la Cour européenne, « quoique non mentionnée en termes exprès au paragraphe 1 de l'article 6, la faculté pour l'« accusé » de prendre part à l'audience découle de l'objet et du but de l'ensemble de l'article » [4]. La Cour européenne considère que « l’obligation de garantir à l’accusé le droit d’être présent dans la salle d’audience - soit pendant la première procédure à son encontre, soit au cours d’un nouveau procès - est l’un des éléments essentiels de l’article 6 » [5]. Elle a encore pu faire état d’une « obligation positive » pour l'Etat d'assurer la comparution personnelle de l'accusé au procès, lorsque la question en jeu revêt une importance particulière [6].
L’article 410 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0906DY9) envisage la présence de la personne poursuivie davantage comme une obligation que comme un droit, puisqu’il énonce que « le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé ». Pour autant, il en résulte que seul le prévenu dont il est établi à la fois qu’il connaît la date d’audience et qu’il n’a pas d’excuse reconnue valable peut être jugé contradictoirement. Pour les personnes détenues, l’article 409 du même code dispose qu’« au jour indiqué pour la comparution à l'audience, le prévenu en état de détention y est conduit par la force publique ». La Cour de cassation considère que le respect de cette disposition « est commandé par le libre exercice du droit de la défense et s'impose aux juridictions correctionnelles », même si, par exemple, celles-ci estiment qu’au regard de l’irrecevabilité de l’appel, la présence du prévenu n’est pas nécessaire [7]. Au visa de ces deux textes, elle a rappelé que « bien que régulièrement cité a personne, le prévenu détenu qui ne comparait pas, ne saurait être condamné contradictoirement par application des dispositions de l’article 410 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0906DY9), dès lors que la décision ne constate pas que l’intéressé a manifesté sa volonté de ne pas être présent aux débats » [8]. Viole ainsi la loi l’arrêt d’appel dont il résulte « que le demandeur toujours détenu à la date ou l’affaire a été appelée à l’audience, se trouvait empêché de comparaître par une cause indépendante de sa volonté et qu’ainsi les conditions d’application de l’article 410 du Code de procédure pénale ne se trouvaient pas réunies » [9]. La cassation est encore prononcée, sur un moyen relevé d’office, lorsque la cour d’appel juge malgré la non-extraction du prévenu, en considérant que l’intéressé « avait négligé d’aviser les services pénitentiaires de manière à faire organiser son extraction en temps utile » [10].
En l’espèce, le prévenu a été condamné contradictoirement à deux ans et demi d’emprisonnement ferme, alors qu’il n’était ni présent, ni représenté, et que la publicité de l’audience se trouvait restreinte. Cette condamnation émane de la juridiction qui, un mois et demi plus tôt, l’avait placé en détention provisoire, sans assistance d’un avocat.
On ne peut lire ce jugement sans émotion. Il exprime bien plus qu’une mauvaise application du droit, ou qu’une manifestation répressive. Au-delà de l’agacement, on décèle un abattement de magistrats fatigués d’être tributaires de la présence de l’avocat ou de l’interprète, de subir les aléas liés aux extractions, et de devoir désormais faire face à une pandémie après plusieurs semaines de grève des avocats. Cette décision, parce qu’elle est excessive, devrait rester insignifiante, et isolée. Elle n’en est pas moins dangereuse, a fortiori dans un contexte de redéfinition de la notion d’exception dans les pratiques judiciaires.
Rappelons enfin que la seule voie de recours contre un jugement contradictoire est l’appel (l’opposition ne pouvant anéantir qu’un jugement par défaut), et que la cour d’appel qui annule un jugement, évoque. Un degré de juridiction aura donc été sacrifié.
[1] Autorité de régulation et de programmation des extractions judiciaires, sous l’autorité du Ministère de la Justice.
[2] Par rattachement à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen selon lequel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
[3] Décision n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019, cons. 13 (N° Lexbase : L3421LR7) ; Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, cons. 234 (N° Lexbase : A5079Y4U).
[4] CEDH, 10 novembre 2004, Req. n° 56581/00, §29 (N° Lexbase : A2232DNY).
[5] CEDH, 24 avril 2012, Req. n° 29648/03, § 31.
[6] CEDH, 21 septembre 1993, Req. n° 12350/86, § 68.
[7] Cass. crim., 26 mai 1993, n° 92-85360 (N° Lexbase : A0834CK4), Bull. crim. n° 194. Ainsi, « si le prévenu ne jouit pas de la liberté de déférer à la convocation, réciproquement, le tribunal ne jouit d’aucun pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de sa présence à l’audience », obs. M. Lena, Dalloz actualité, 17 février 2010.
[8] Cass. crim., 5 janvier 1982, n° 81-91619 (N° Lexbase : A1322CG3), Bull. crim. n°6 ; Cass. crim., 19 janvier 2010, n° 09-87.474, F-P+F (N° Lexbase : A6220ERS), Bull. crim. n°10.
[9] Crim. 5 janvier 1982, préc..
[10] Cass. crim., 12 mai 2010, n° 09-87.219, F-D (N° Lexbase : A1207E34).
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Réf. : CNB, décision à caractère normatif n° 2019-005 portant modification de l’article 10 du Règlement intérieur national (R.I.N.) de la profession d’avocat, 3 avril 2020 (disponible sur le site internet du CNB).
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par Marie Le Guerroué
Le 06 Mai 2020
► Vendredi 3 avril 2020, l’Assemblée générale du CNB a adopté la décision à caractère normatif portant réforme de l’article 10 “communication” du Règlement intérieur national (RIN) (CNB) (décision à caractère normatif n° 2019-005 portant modification de l’article 10 du Règlement intérieur national (R.I.N.) de la profession d’avocat, 3 avril 2020).
Modification. Cette réforme va permettre une communication identique quel que soit le support utilisé, sans faire de distinction entre ce qui relève de la publicité personnelle et ce qui relève de l’information professionnelle. Le CNB précise dans son communiqué que « Les avocats doivent pouvoir faire mention de leurs domaines d’activités sur tous les supports, à la fois dans une perspective du développement de l’attractivité de l’avocat et d’une meilleure information du consommateur sur les prestations juridiques qu’il propose ».
Conséquence. La mention des domaines d’activités qui est déjà autorisée dans la publicité personnelle de l’avocat (sites Internet, affichage, TV, radio, presse…), sera également autorisée sur les documents destinés à l’information professionnelle dès lors qu’elle procure une information sincère sur la nature des prestations de services proposées.
Information / activités dominantes. En outre, afin de permettre un meilleur contrôle et une meilleure information du public, l’article 10 du RIN précise désormais que l’information relative aux domaines d’activités dominantes doit résulter d'une pratique professionnelle effective et habituelle de l’avocat dans le ou les domaines correspondants.
Notifications. En application des dispositions de l’article 38-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), le CNB va notifier cette décision à caractère normatif au conseil de l’Ordre de chacun des barreaux et à la Chancellerie afin qu’elle en assure la publication au Journal officiel de la République française (cf. l’Ouvrage « La profession d’avocat » N° Lexbase : E6266ETA).
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Réf. : CJUE, ord., 22 avril 2020, aff. C-692/19 (N° Lexbase : A23523LP)
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N3266BYM
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par Charlotte Moronval
Le 06 Mai 2020
► La personne engagée en qualité d’entrepreneur indépendant n’est pas un « travailleur » au sens de la Directive 2003/88/CE « temps de travail » (N° Lexbase : L5806DLM) lorsque, entre autres, elle dispose des facultés de recourir à des sous-traitants, de refuser des tâches ou d’en limiter le nombre, de travailler pour un concurrent du donneur d’ordre et d’organiser son temps de travail ;
Toutefois, le juge national doit s’assurer que l’indépendance n’est pas fictive et qu’il n’est pas permis d’établir l’existence d’un lien de subordination entre la personne et son employeur présumé.
Telle est la position de la CJUE dans une ordonnance rendue le 22 avril 2020 (CJUE, ord., 22 avril 2020, aff. C-692/19 N° Lexbase : A23523LP).
Les faits. Un coursier local de livraison de colis britannique travaille pour une société de livraison. Il demande la requalification de son contrat, mais les juges britanniques penchent pour l’indépendance au regard, notamment :
Les juges se demandent toutefois s’il est un « travailleur » au sens de la Directive « temps de travail » et déposent donc une question préjudicielle, invitant la Cour de justice à prendre position sur ce sujet.
La position de la CJUE. Selon elle, la Directive 2003/88/CE doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une personne engagée par son employeur présumé sur le fondement d’un accord de services précisant qu’elle est entrepreneure indépendante soit qualifiée de « travailleur » au sens de cette Directive, lorsqu’elle dispose des facultés :
Autant d’indices qui font davantage pencher la balance vers la qualification de prestataires indépendants.
Sur la position des juridictions françaises sur le sujet, v. Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0887YN8), P. Adam, Plateformes numériques : être ou ne pas être salarié, Lexbase Social, 2018, n° 766 (N° Lexbase : N6881BX7) et récemment Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A95123GE), Ch. Radé, Validation de la requalification en contrat de travail du lien entre la société Uber et un ancien chauffeur, Lexbase Social, 2020, n° 816 (N° Lexbase : N2480BYI). Cette décision sera commentée dans notre revue n° 824 du 14 mai par le Professeur Sébastien Tournaux. |
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N3221BYX
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par Pascal Mendak, Directeur Conseil chez Eliott & Markus
Le 13 Septembre 2022
Mots-clefs : Focus • Avocats • Crise sanitaire • Gestion de crise • Marketing • Communication • Business Development
Comment rebondir ? Nul besoin de rappeler les chiffres publiés dans la presse. Face à une situation aussi difficile qu’inédite, il existe des pistes pour vous aider à affronter la tempête. Nous avons interrogé des experts en gestion de crise, marketing, communication et business development.
Quel est votre premier bilan sur la communication durant cette crise ?
Emmanuelle Hervé [1] : « On a vu deux sortes d’acteurs : ceux qui se sont préoccupés de leurs équipes, qui ont organisé et ont instauré une routine, par exemple, des skype cafés quotidiens, qui ont donné des conseils pro-bono rapidement et ceux qui ont mis la pression à leurs clients pour être payés et/ou qui ont mis leurs employés en chômage partiel tout en les faisant travailler, qui ont été négligents sur la cyber-sécurité. Rien ne s’oubliera, ni en interne ni en externe ».
Florence Henriet [2] : « Au début, les cabinets ont pratiquement tous envoyé des messages rassurants sur la continuité de l’activité. C’était nécessaire mais ça s’est vite transformé en infobésité. J’ai reçu, certains jours, jusqu’à 22 newsletters de cabinets d’avocats, avec parfois une newsletter différente par pratique. Parler d’une seule voix aurait été, sans doute, plus judicieux ».
Comment faut-il communiquer sur la situation financière en interne ?
Emmanuelle Hervé : « Il faut être transparent et faire des points réguliers sur l’état économique, sanitaire, business du cabinet ainsi que sur les décisions prises. Si vous choisissez l’opacité, cela risque d’être perçu très négativement par vos collaborateurs, notamment dans un contexte de réduction des rétrocessions. Je conseille de les associer à la réflexion sur l’avenir du cabinet car ils peuvent être une très grande force de proposition. Par ailleurs, nous traversons tous une période d’incertitude : ce n’est pas parce que les dirigeants exprimeront leurs doutes que leur leadership en ressortira amoindri. Il faudra, en revanche, se montrer exemplaire dans son comportement : des associés qui réduisent les rétrocessions ou se séparent brutalement de collaborateurs sans explications ou sans coupes dans leurs rémunérations personnelles, risquent de provoquer des dommages irréparables sur leur marque employeur ».
Une telle situation sera, on l’espère, rarement constatée, les cabinets qui s’y risqueraient, auront une empreinte négative pour la suite…
Comment les cabinets peuvent organiser leur gestion de crise ?
Emmanuelle Hervé : « Il faut consacrer du temps à la réflexion non opérationnelle. La cellule de crise n’a qu’une seule fonction, celle de permettre d’anticiper. C’est un moment hors de l’urgence où l’on se pose et où l’on réfléchit aux scénarii d’évolution défavorable à 1 semaine, 2 semaines, 1 mois, 6 mois. C’est contre instinctif, car sous le stress, on a tendance à être soit dans la tétanie soit dans l’activité compulsive. La bonne méthode c’est d’avoir une gestion opérationnelle et une réflexion sur l’après. »
Gwénaëlle Henri [3]: « Au-delà des aspects pratiques, il est impératif de garder un esprit prospectif et de réfléchir aux opportunités ouvertes par la crise, et, surtout, de réfléchir à celles qui s’ouvriront demain. Evidemment, les professionnels devront se mettre dans la bonne posture, être capable de remettre en question leur offre de service, leur discours et tenter de mettre en œuvre de nouvelles initiatives. En ces temps incertains, l’important et de créer et de tester, en faisant preuve d’agilité ».
Comment gérer la reprise ?
Emmanuelle Hervé : « Tous ceux qui peuvent faire du télétravail sont incités à continuer à le faire. On est parti pour une course de fond où l’on va peut-être alterner des phases de confinement et déconfinement. Pour les retours en cabinet, il faut bien sûr prévoir un plan de reprise extrêmement solide du point de vue sanitaire. Il convient de documenter toutes vos démarches, voire de les faire constater par un huissier, afin de vous protéger des actions en responsabilité ».
Gwénaëlle Henri : « L’industrie juridique est un monde à part. Il faut s’inspirer des méthodes des autres industries, mais il faut surtout créer nos propres méthodes et les partager entre nous. Je salue l’initiative de Thinks Tanks tels que Emerize qui organise entre ses membres, tous professions réglementées de différents domaines (voire même concurrents), des visio-conférences où chacun met à profit ses initiatives internes. »
Cette crise va-t-elle être un catalyseur de changement pour la communication des cabinets d’avocats ?
Florence Henriet : « Il y a 45 jours, les cabinets appliquaient des solutions toutes faites (newsletters, réseaux, évènements, …) sans forcément tenir compte de la spécificité de chaque client. Il va falloir être beaucoup plus attentif à la personnalisation du message et mêler communication institutionnelle et communication personnelle. Il faut savoir rebondir : associer, par exemple, une communication très générale avec une communication plus personnelle. Appeler ou écrire aux contacts qui ont aimé ou commenté un post sur LinkedIn ou sur Twitter pour en discuter avec eux et en profiter pour prendre des nouvelles tant personnelles que professionnelles ».
Jorn Vermeulen [4] : « En général, les cabinets sont en retard dans l’adoption des canaux de communication digitale. Il va falloir être plus proactif pour s’en sortir. Il faudra en pratique intensifier avec mesure ses relations presse et poursuivre les interactions avec la presse, car les médias veulent avoir des informations du marché ».
Les cabinets d’avocats qui n’avaient pas auparavant digitalisé leurs process ont dû s’adapter rapidement à de nouveaux modes de fonctionnement à distance pour poursuivre leur activité. La prise de conscience fut violente pour certains. Le temps qu’ils ont pu affecter à la communication a été décuplé car ils se sont dits : nous n’avons plus le choix, il faut accélérer nos actions, comprendre davantage les besoins des clients et y répondre de façon plus pertinente et plus ciblée avec toutes les forces vives du cabinet.
Gwénaëlle Henri : « C’est évidemment une prise de conscience sur l’importance du digital, à la fois comme outil de travail et outil de visibilité. Et là, comme dans tous les autres secteurs, l’industrie juridique devra y prêter attention : qualité de la présence digitale, lisibilité et accessibilité mais aussi référencement et e-réputation ».
Quel sont vos conseils pratiques en termes de business development pour les cabinets d’avocats ?
Florence Henriet : « Reprendre sa liste de clients principaux et voir ce qu’ils ont fait pendant cette crise, notamment au niveau sociétal, pourrait être un premier pas. Cette crise nous a tous rappelé la nécessité du lien et de l’empathie. La vente du service ne doit pas être un objectif à tout prix. Le lien entre l’avocat et son client est souvent fort quand il s’appuie sur une relation personnelle et extra-professionnelle. Il faut, toutefois, que cela soit empreint de sincérité. Ne pas se forcer, cela se voit ! Certains avocats m’ont dit qu’ils en avaient appris plus sur leurs clients durant cette crise que durant des années de collaboration. Il ne faut pas non plus négliger le rôle des collaborateurs qui peuvent être une source importante de business development. Il faut prendre le temps de les écouter et de faire davantage participer ceux qui ont une réelle appétence.
J’aurais le même conseil pour les cabinets qui font naturellement peu de business development, comme les pénalistes chez qui l’acquisition de clients se fait souvent par le bouche-à-oreille. Les petits cabinets, de par leur taille, peuvent être plus agiles, dès lors qu’ils n’ont pas de process complexes. Ils développent souvent un très fort intuitu personae, ce lien développé avec leurs clients leur apporte un plus dans cette crise. On se tourne vers ceux en qui l’on a confiance et que l’on connaît depuis longtemps. L’avocat doit être présent aux côtés de son client dans les bons ou les mauvais moments. Cette fiabilité paiera dans le futur ».
Comment revenir vers les prospects d’avant crise sans paraître désespéré ?
Florence Henriet : « Il faut faire attention à ne pas s’éparpiller. C’est vrai en période classique. Encore plus évident en période de crise. Le business development qui va être le plus efficace sera fondé sur les clients existants. En période de crise, les clients vont être plus enclins à se tourner vers leurs avocats historiques qui les connaissaient avant la crise et seront à même de les conseiller en raison de leur bonne connaissance de l’entreprise ».
Jorn Vermeulen : « C’est un équilibre à trouver mais il ne faut pas pour autant se servir de cette excuse pour éviter toute reprise de contact. Il est nécessaire aujourd’hui de travailler votre réseau. J’ai collaboré avec un de mes clients, un cabinet d’avocats sur une reprise de contact avec 50 de leurs plus gros clients et prospects. Les associés leur ont demandé dans quelle mesure leur activité était impactée par la crise et s’ils avaient besoin d’aide. Cela a permis à mes clients d’obtenir des nouveaux dossiers ».
Gwénaëlle Henri : « S’adresser à de nouveaux clients est essentiel. Il faudra préparer avec méthode et efficacité un plan stratégique identifiant les priorités selon les secteurs, les thèmes d’actualités porteurs, le message et le moyen de capter l’attention du prospect afin de répondre à ses besoins »
Cette crise va-t-elle bouleverser le modèle de facturation des cabinets ?
Florence Henriet : « Il faut y réfléchir dès à présent. On entrera bientôt dans une période de renouvellement des panels. Il est fort probable que les entreprises soient plus regardantes encore sur les honoraires de leurs avocats. Les cabinets se sont souvent construits sur la prestation de service à l’heure. C’est un modèle à repenser. On le dit depuis plusieurs années déjà. Mais les pratiques évoluent peu. On peut imaginer des systèmes de facturation basés sur un mix entre forfait raisonnable et honoraires de résultats en cas succès de l’opération. Ce type d’initiative pourrait être particulièrement adapté, notamment, dans le domaine des fusions-acquisitions très impacté par la crise. Cette prise de risque est un signe fort de partenariat et d’accompagnement du client dans l’adversité. Etre prêt à gagner avec eux mais à perdre aussi. Les cabinets qui sauront accompagner financièrement leurs clients dans cette période très compliquée les fidéliseront. Plus que jamais, les avocats doivent développer leur rôle de business partner ».
Gwénaëlle Henri : « Les entreprises seront logiquement très vigilantes sur les coûts et auront tendance à vouloir réduire les prix. On peut imaginer que les cabinets soient obligés de réviser leurs prix et d’aller sur des marchés où ils n’allaient pas. Le seul moyen de maintenir des honoraires élevés est de travailler les marchés de complexité pour lesquels les clients seront d’accord de payer. La performance, plus que jamais, sera liée à la capacité à créer ou démontrer sa proposition de valeur ».
Jorn Vermeulen : « J’espère que cette crise sera l’occasion de changer le modèle de facturation. Tout le business model des cabinets est à revoir. Les clients veulent payer en fonction de la valeur du produit final et non en fonction des heures passées. Les dernières crises n’ont pas provoqué de changement majeur. On verra si celle-ci en est le catalyseur ».
Va-t-on assister à des regroupements de cabinets ?
Jorn Vermeulen : « Je suis persuadé que le positionnement full service est pertinent pour les cabinets de grande taille. Les petits sont déjà spécialisés. Ce qui pose question, c’est le positionnement des cabinets moyens. Je pense qu’il vaut mieux se spécialiser. Dans le contexte actuel, je ne pense pas que l’on va voir beaucoup de cabinets se séparer de pratiques, parce que cela leur reviendrait trop cher. Les collaborateurs de celles-ci vont être réorientés sur d’autres dossiers ».
Gwénaëlle Henri : « Cette crise va servir d’accélérateur pour le crosselling, la coopétition, l’inter-professionnalité, le co-branding ou les partenariats techniques. Il faudra plus que jamais innover et s’allier pour répondre à des situations complexes ou inédites. La captation des marchés de complexité demandera de travailler hors silos et d’adapter régulièrement son offre aux attentes des clients. Ces tendances existaient, mais la collaboration était souvent hésitante voire bloquée. Depuis quelques semaines, je vois du collaboratif comme jamais auparavant ».
Quels sont les secteurs en panne et quels seront les secteurs de demain ?
Florence Henriet : « Selon une étude de l’OFCE, 7 branches, sur les 17 retenues concentrent environ 80 % du choc (dont transports, hébergement-restauration, construction, loisirs et événementielles). A l’opposé, 7 branches sur 17 devraient être moins impactées (dont l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire, consommation d’énergie pour l’habitation, information-communication). Entre les deux, l’incertitude est grande sur l’ampleur du choc pour 3 branches (fabrication d’équipements électriques, électroniques et autres produits industriels) ».
Gwénaëlle Henri : « L’économie de la vie ! La santé, l’hygiène, l’agro-alimentaire, l’agriculture, la distribution, la transition énergétique... Avec évidemment une mention spéciale pour tous les domaines touchant au digital et à l’innovation numérique, la compliance et les questions d’éthique en général ».
Va-t-on vers plus de sectorisation des expertises ?
Florence Henriet : « Les secteurs vont revêtir une importance essentielle. Les cabinets d’avocats qui s’affichent depuis quelques années comme des spécialistes sectoriels vont être obligés de s’y mettre réellement. Aujourd’hui, certains messages vont être inaudibles dans certains secteurs et très audibles dans d’autres. Dans le même esprit, les compétences en interne vont devoir être gérées avec habilité et agilité pour transférer les ressources disponibles dans des domaines moins pertinents, au regard de la crise, vers ceux où la demande va être plus forte. Il va donc falloir être encore plus pragmatique dans les conseils aux clients et courageux dans les prises de risque».
Gwénaëlle Henri : « Ce sera une grande tendance de « fond ». La crise agit comme un révélateur, car on constate que tous les secteurs ont des besoins spécifiques. Il en va de l’adaptabilité des structures à la demande de leurs clients. Elle passera par la capacité à appréhender les besoins des différentes industries, à calibrer son offre sectorielle et à travailler ensemble ».
Sur quelles autres dimensions la crise va-t-elle affecter les cabinets ?
Florence Henriet : « La dimension RSE va prendre une ampleur majeure. Elle va être, plus encore, un facteur différenciant dans le choix des cabinets ».
Gwénaëlle Henri : « Les cabinets vont devoir s’interroger sur leur raison d’être, la formaliser et l’exprimer tant auprès de clients que de leurs équipes. Cela deviendra un argument commercial et un élément d’attractivité à moyen terme ».
[1] Emmanuelle Hervé dirige le cabinet de communication de crise EHA. En 2020, EHA et Eliott Markus ont unis leurs compétences pour créer une cellule dédiée à la crise judiciaire et la crise en cabinets.
[2] Florence Henriet est consultante indépendante (FHP Conseil) et a été l’une des toutes premières Directrices du Business Development et de la Communication au sein d’un cabinet d’avocats en France.
[3] Gwénaëlle Henri est fondatrice et dirigeante de Eliott & Markus.
[4] Jorn Vermeulen est le fondateur de W Consulting, agence de conseil néerlandaise spécialisée dans le business development.
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Réf. : CE référé, 30 avril 2020, n° 440250 (N° Lexbase : A10753LE)
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N3179BYE
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par Marie Le Guerroué
Le 06 Mai 2020
► Le juge des référés ordonne au ministre de l’Intérieur et à l’OFII de rétablir dans un délai de cinq jours et dans les conditions sanitaires imposées par le covid-19, l’enregistrement des demandes d’asile, en priorité de celles émanant des personnes présentant une vulnérabilité particulière, et de rouvrir la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous.
Telle est la solution d'une ordonnance rendue par le juge des référés le 30 avril 2020 (CE référé, 30 avril 2020, n° 440250 N° Lexbase : A10753LE).
Recours. Sept associations dont la Ligue des droits de l’Homme et le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti) et sept particuliers avaient formé un recours devant le tribunal administratif de Paris. Ce dernier avait ordonné à l’administration le rétablissement du dispositif d'enregistrement des demandes d'asile en Ile-de-France, supprimé en mars dernier. Le ministère de l'Intérieur et de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) demandaient l’annulation de cette décision au Conseil d’Etat.
Obligations de l'autorité compétente. Le Conseil d’Etat rappelle qu’en application des dispositions transposant la Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (N° Lexbase : L9264IXE), l’autorité compétente qui, sur sa demande d’admission au bénéfice du statut de réfugié, doit mettre le demandeur d’asile en possession d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette demande, doit également, aussi longtemps qu’il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d’asile et quelle que soit la procédure d’examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d’accueil lui permettant de satisfaire à ses besoins.
Contexte. Le Conseil d’Etat relève qu’en raison de l’épidémie de covid-19, et alors que, par une circulaire du 16 mars 2020, le ministre de l’Intérieur avait indiqué aux préfets que l’accueil des demandeurs d’asile figurait au nombre des missions qui devaient continuer à être assurées, les guichets uniques pour demandeur d'asile (GUDA) des départements d’Ile-de-France ont suspendu leur activité le 17 mars, à l’exception du GUDA de Paris, qui a cessé de fonctionner le 27 mars. Cette fermeture générale devait cependant être accompagnée, ainsi que l’administration l’avait indiqué dans le cadre de l’instance de référé ayant donné lieu à l’ordonnance du 9 avril 2020 (CE référé, 9 avril 2020, n° 439895 N° Lexbase : A75023K3), d’une part, de la poursuite de l’enregistrement des demandes des personnes vulnérables, d’autre part, d’un recensement par les préfectures, en lien avec les associations et les Structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA), des personnes qui manifesteraient l’intention de présenter une demande d’asile. C’est notamment au bénéfice de ces deux mesures que le juge des référés du Conseil d’Etat avait estimé qu’il n’était pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile.
Pas de recensement. Même si les juges notent qu’une « permanence » est assurée dans chaque préfecture pour traiter les demandes d’asile des personnes vulnérables et que six signalements seulement ont été effectués dans ce cadre depuis la fermeture des GUDA, il résulte de l’instruction que ce dispositif, peu ou pas connu par les personnes intéressées, mais aussi par les associations qui leur viennent en aide, ne saurait constituer la continuation de l’enregistrement des demandes d’asile pour ces personnes. Par ailleurs, s’agissant du recensement des personnes ayant l’intention de présenter une demande d’asile, le ministre de l’Intérieur se borne à indiquer dans la présente instance qu’une consigne a été donnée en ce sens, consigne dont au demeurant les associations défenderesses déclarent n’avoir pas eu connaissance, et qu’« une enquête sur ce point est en cours auprès des préfectures qui seront chargées de recenser dans les structures d’hébergement créées pendant le Covid au plan national les personnes souhaitant demander l’asile». Ainsi, en l’état de l’instruction, il n’apparaît pas que ce recensement ait été effectivement mis en œuvre.
Mobilisation des agents. Par ailleurs, l’administration fait valoir l’impossibilité de disposer d’un minimum d’agents pour remettre en fonction, ne serait-ce que partiellement, certains GUDA d’Ile-de-France. Le juge note que la mobilisation d’un minimum d’agents est possible malgré le contexte pour rouvrir les guichets d’enregistrement en nombre suffisant. L’impossibilité d’appliquer les mesures de protection et de distanciation sociale ne peut pas non plus être invoquée selon le juge, qui observe que d’autres préfectures, notamment dans des départements particulièrement touchés par l’épidémie, peuvent les appliquer.
Décision CE / urgence remplie. Le Conseil d’Etat relève qu’il résulte des indications fournies par le ministre de l’Intérieur après l’audience :
1) que les étrangers en situation irrégulière qui manifesteraient l’intention de déposer une demande d’asile ne sauraient faire l’objet d’une mesure d’éloignement ;
2) que les préfets des départements où les GUDA ont été fermés recevront instruction de ne décompter qu’à partir de la fin de l’état d’urgence sanitaire le délai de quatre-vingt-dix jours depuis l’entrée sur le territoire national au terme duquel le préfet peut placer en procédure accélérée la demande d’asile, et qu’en tout état de cause la personne éventuellement concernée pourra faire valoir ses droits devant le juge administratif ;
3) que la réouverture des GUDA figure dans les plans de continuité de toutes les préfectures concernées pour la période s’ouvrant le 11 mai ;
4) que des mesures ont été prises pour assurer que tous les migrants qui le souhaitent bénéficient, dans le cadre du programme national d’aide aux personnes démunies, d’un hébergement et de «chèques services» ;
Néanmoins, pour la Haute Cour, la carence de l’Etat à mettre en œuvre l’enregistrement des demandes d’asile constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et justifie l’intervention du juge des référés. Le juge des référés ordonne au ministre de l’Intérieur et à l’OFII de rétablir dans un délai de cinq jours et dans les conditions sanitaires imposées par le covid-19, l’enregistrement des demandes d’asile, en priorité de celles émanant des personnes présentant une vulnérabilité particulière, et de rouvrir la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous.
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Réf. : Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, de finances rectificative pour 2020 (N° Lexbase : L7438LWE)
Lecture: 8 min
N3193BYW
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par Coralie Dedieu, Avocate au Barreau de Paris
Le 07 Mai 2020
La deuxième loi de finances rectificative a été publiée au Journal officiel du 25 avril 2020. Il est prévu de nouvelles mesures d’urgence tendant à neutraliser les effets fiscaux liés à la présente crise sanitaire.
Les dispositifs votés peuvent être regroupés autour de cinq thèmes :
1 - Non-imposition des mesures de soutien
Ces indemnités ne seraient pas considérées comme un chiffre d’affaires imposable pour le besoin du calcul des seuils d’application du régime de micro-entreprise prévu aux articles 50-0 (N° Lexbase : L9321LHP) (bénéfices industriels et commerciaux), 69 (N° Lexbase : L2416LE9) (bénéfices agricoles) , 102 ter (N° Lexbase : L6162LUR) (bénéfices non commerciaux), 151 septies (N° Lexbase : L4192LI4) (plus-values professionnelles) et 302 septies (N° Lexbase : L2395LEG) (taxe sur la valeur ajoutée) du Code général des impôts.
En pratique, les micro-entrepreneurs n’auraient pas à déclarer cette subvention dans leur bénéfice imposable.
Cette exonération entrerait en vigueur, au plus tard, à compter de la décision de la Commission européenne (article 1).
- Heures supplémentaires versées au cours de l’état d’urgence sanitaire : Selon l’article 81 quater du Code général des impôts (N° Lexbase : L7517LWC), les rémunérations versées au titre des heures complémentaires et supplémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite annuelle de 5 000 euros.
- Il est inséré à cet article un II qui prévoit désormais d’augmenter la limite annuelle à 7 500 euros pour les rémunérations liées à des heures complémentaires et supplémentaires et versées entre le 16 mars et la date de fin de l’état d’urgence sanitaire (article 4).
- En conséquence, et dans l’attente des commentaires administratifs, cette prime ne devrait pas être soumise au prélèvement à la source, ni être déclarée fiscalement ou prise en compte dans la détermination du revenu fiscal de référence.
- Prime exceptionnelle versée par les administrations publiques à leurs agents : Elle sera exonérée d’impôt sur le revenu et de toute cotisation ou contribution sociale d’origine légale ou conventionnelle, de la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la participation des employeurs agricoles à l'effort de construction (CGI, art. 235 bis N° Lexbase : L7313LQW) et de la contribution pour le financement de la formation professionnelle (C. trav., art. L. 6131-1 N° Lexbase : L6725LUM).
En pratique, comme pour les heures supplémentaires, cette prime ne devrait pas être soumise au prélèvement à la source, ni être déclarée fiscalement ou prise en compte dans la détermination du revenu fiscal de référence.
Attention, les exonérations de cette prime exceptionnelle ne se cumulent pas avec celles liées à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA 2020) et prévues à l’article 7 de la LFSS pour 2020 si cette dernière tient compte des conditions de travail pendant l’épidémie SARS-Cov-2 (article 11).
2 - Non-imposition chez le bailleur des abandons de loyers afférents à des immeubles
Afin de sauvegarder la trésorerie des entreprises locataires de locaux commerciaux, le Gouvernement a fortement encouragé les bailleurs à ne plus seulement reporter les loyers mais à les abandonner.
Aux termes de l’article 39-13 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7516LWB), de tels abandons ou renonciations à recettes constituent des aides à caractère commercial[1].
Pour neutraliser les effets fiscaux d’une aide à caractère commercial, l’article 14 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L7515LWA) prévoit que les abandons et renonciations de loyers consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 ne soient pas imposables chez le bailleur d’un immeuble. Ce nouveau régime s’applique pour les entreprises relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux, de l’impôt sur les sociétés, des revenus fonciers et des bénéfices non commerciaux.
En pratique, le bailleur n’aura pas besoin de démontrer du caractère normal de l’abandon ou de la renonciation pour bénéficier de cette exonération.
Toutefois, ce régime de faveur est soumis à certaines limitations :
- l’exonération vise uniquement les loyers et leurs accessoires afférents à des immeubles donnés en location ;
- les locations intragroupes sont exclues : Lorsque le locataire et le bailleur sont liés, au sens des dispositions de l’article 39-12 du Code général des impôts, le présent régime de neutralité ne sera pas applicable ;
- les locations intra-familiales peuvent être également exclues : Lorsque l’entreprise locataire est exploitée par un membre du foyer fiscal ou un ascendant ou descendant du bailleur, la non-imposition est subordonnée à la preuve, faite par tous moyens, de difficultés de trésorerie de l’entreprise bailleresse.
Cependant, cette neutralité de l’abandon ou de la renonciation ne sera pas assurée pour le bénéficiaire qui demeurera toujours imposable en raison de la variation d’actif net définie aux termes de l’article 38-2 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6167LUX).
Par ailleurs, les charges liées à l’immeuble continuent d’être fiscalement déductibles.
Enfin, il est à noter que pour les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés, le montant des abandons et renonciations de créances vient majorer la fraction de 1 000 000 euros de déficits fiscaux imputables sur le résultat de l’exercice (article 3).
3 - Taux réduit de TVA
Il est inséré les paragraphes K bis et K ter à l’article 278-0 bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L7522LWI) qui prévoit que le taux de 5,5 % est applicable aux masques, tenues de protection et les produits d’hygiène corporelle[2] destinés à lutter contre la propagation du COVID-19. Les conditions d’application de ce taux réduit sont les suivantes :
- la liste et les caractéristiques des produits éligibles seront fixées par arrêté ministériel[3] ;
- ces produits font l’objet de livraisons ou acquisitions intracommunautaires depuis le 24 mars 2020.
Les paragraphes K bis et K ter à l’article 278-0 bis du Code général des impôts seront abrogés le 1er janvier 2022 (articles 5 et 6).
4 - Régime agricole de déduction pour aléas
Afin de favoriser la constitution d'une épargne permettant de faire face à des aléas, l'article 72 D bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L3856KWQ) autorisait les exploitants agricoles, soumis à un régime réel d'imposition, à déduire de leur bénéfice agricole imposable entre 50 % et 100 % de l’épargne effectivement versée. Les intérêts capitalisés n’étaient pas imposables.
La réserve ainsi constituée ne devait être utilisée que pour faire face à des aléas spécifiques. En raison de son abrogation par la Loi de finances pour 2019, cette réserve est actuellement bloquée sur les comptes bancaires des exploitants agricoles faute d’utilisation.
La présente Loi de finances rectificative permet de remédier à cette situation en prévoyant un nouveau cas de figure d’utilisation de l’épargne précédemment constituée : l’épargne déduite et ses intérêts capitalisés peuvent être utilisés pour couvrir des dépenses nécessitées par l'activité professionnelle visées à l’article 73-II-2 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9087LNU) (article 7).
5 - Autres mesures
- Timbre fiscal dématérialisé : La durée de validité du timbre fiscal dématérialisé est doublée. Elle est désormais de 12 mois au lieu de 6 (CGI, art. 900 N° Lexbase : L4746I7W). L’entrée en vigueur de ce changement de validité sera édictée par décret, à intervenir au plus tard le 31 décembre 2020 (article 12).
- Niche Coluche : Les dons versés aux organismes sans but lucratif dédiés à l’aide aux personnes en difficulté ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 75 % à hauteur de
1 000 euros. En pratique, le montant maximum de réduction d’impôt au titre de cette catégorie de dons est donc désormais de 750 euros au lieu de 402,75 euros.
Cette limite s’appliquera aux revenus perçus à compter de l’année 2020. Les dons versés au cours de l’année 2019 ne sont pas concernés par ce nouveau seuil (article 14).
6 - Compensation des pertes financières
Il est prévu que les pertes financières liées aux mesures d’exonération des heures supplémentaires, de taux réduit de TVA et de hausse de la niche Coluche seraient compensées par la création d’une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 (N° Lexbase : L9668KXD) et 575 A (N° Lexbase : L6338LUB) du Code général des impôts (articles 4, 5,6 et 14).
[1] Lorsqu’un tel abandon présente un caractère normal, la société qui le consent est autorisé à le déduire et la société bénéficiaire doit constater un produit imposable. Lorsque l'aide présente un caractère anormal, les abandons et renonciations de loyers constituent un acte anormal de gestion conduisant à réintégrer le revenu non perçu dans les bases imposables du bailleur (CE 7° et 8° ssr., 24 février 1986, n° 54253 et 54256 N° Lexbase : A4061AMD).
[2] Cela ne vise pas uniquement les gels hydroalcooliques mais tout produit virucide.
[3] A la date de rédaction de la présente note (le 26 avril 2020), aucun arrêté n’était publié sur le site de Légifrance.
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Réf. : Ministère du Travail, 3 mai 2020, communiqué et protocole national de déconfinement
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N3201BY9
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par Charlotte Moronval
Le 06 Mai 2020
► Le ministère du Travail a publié sur son site internet le 3 mai 2020 un protocole national de déconfinement pour aider et accompagner les entreprises et les associations, quelles que soient leur taille, leur activité et leur situation géographique, à reprendre leur activité tout en assurant la protection de la santé de leurs salariés grâce à des règles universelles.
Il s’agit d’un protocole précisant la doctrine générale de protection collective que les employeurs du secteur privé doivent mettre en place. Il vient en complément des 48 guides métiers déjà disponibles sur le site du ministère du Travail. De nouveaux guides seront par ailleurs être publiés, à la demande des partenaires sociaux, dans les jours qui viennent.
Ce document rappelle qu’il convient toutefois de privilégier le maintien ou la mise en place du télétravail et de penser à la mise en place d’horaires décalés afin d’éviter l’afflux des salariés simultanément.
Ce protocole est découpé en 7 thématiques :
Retrouvez en détail le protocole de déconfinement destiné aux entreprises ici.
Pour en savoir plus sur comment organiser la reprise d'activité au sein de l'entreprise, lire l'article de Corinne Potier dans Lexbase Social, 2020, n° 823 (N° Lexbase : N3242BYQ). |
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Réf. : CE référé, 29 avril 2020, n° 440130, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A10673L4)
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N3249BYY
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par Laïla Bedja
Le 13 Mai 2020
► Eu égard, en premier lieu, aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles le décret n° 2020-314 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5675LW4) a été pris et qui ont conduit le législateur à déclarer l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois, en deuxième lieu, à l'intérêt public qui s'attache au respect des précautions prises et à la compétence du Premier ministre pour permettre la mise à disposition de médicaments appropriés et, en dernier lieu, à l'absence d'éléments de nature à établir l'existence d'une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS) ne saurait être regardée comme remplie.
Ainsi statue le Conseil d’Etat dans une décision rendue le 29 avril 2020 (CE référé, 29 avril 2020, n° 440130, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A10673L4).
Le requérant demandait au juge des référés du Conseil d’Etat d’ordonner la suspension de l’exécution du décret n° 2020-314 du 25 mars 2020, complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (N° Lexbase : L5507LWU) prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, en ce qu'il est interdit aux médecins de ville de prescrire à des malades de l'hydroxychloroquine et du lopinavir associé au ritonavir.
Il soutenait notamment que la condition d'urgence est remplie dès lors que l'exécution de la décision contestée a pour effet, d'une part, de priver les malades d'un traitement pouvant leur sauver la vie et, d'autre part, de le priver personnellement d'un traitement de nature à lui éviter un risque grave alors même qu'il ne saurait, en l'état des procédures, être admis à l'hôpital, que le décret en cause porte une atteinte excessive à la liberté de prescription des médecins et aux droits des patients, qu’il méconnaît le principe d'égalité, en premier lieu, en distinguant les médecins de ville de ceux exerçant au sein d'un établissement de santé, en deuxième lieu, en distinguant les malades selon qu'ils consultent un praticien de ville ou un praticien en établissement de santé, en dernier lieu, en distinguant parmi les malades ayant consulté un médecin de ville ceux qui ont fait l'objet d'une prescription d'hydroxychloroquine et ceux qui n'en ont pas fait l'objet, qu’il méconnaît la liberté de choisir son médecin, qu’il méconnaît l'obligation positive de l'Etat de prendre des mesures concrètes pour protéger le droit à la vie en ce qu'il ne permet pas aux médecins de ville de prescrire les traitements adéquates lors de la phase modérée du covid-19.
La condition de l’urgence n’étant pas remplie, le Conseil d’Etat a donc rejeté la demande du requérant.
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Réf. : Arrêté du 27 avril 2020, relatif aux investissements étrangers en France (N° Lexbase : L7825LWQ)
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N3212BYM
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par Vincent Téchené
Le 06 Mai 2020
► Un arrêté, publié au Journal officiel du 30 avril 2020, complète la liste des activités dites critiques pour lesquelles les investissements étrangers sont soumis à une autorisation du ministre de l’Economie, en y ajoutant la « biotechnologie » (arrêté du 27 avril 2020, relatif aux investissements étrangers en France N° Lexbase : L7825LWQ).
Est donc modifié en conséquence l’article 6 de l’arrêté du 31 décembre 2019, relatif aux investissements étrangers en France (N° Lexbase : L3823LU7), qui prévoit déjà que sont des activités critiques : la cybersécurité ; l'intelligence artificielle ; la robotique ; la fabrication additive ; les semi-conducteurs ; les technologies quantiques ; le stockage d'énergie. Pris dans le cadre de la crise du coronavirus, l’ajout de la biotechnologie, terme qui reste à définir, comprend certainement le domaine de la santé, puisque comme il avait été annoncé « pour défendre les entreprises qui travaillent à un vaccin contre le Covid-19, la biotechnologie sera incluse dans les secteurs stratégiques » (G. de Calignon, Les Echos, 29 avril 2020).
Cet ajustement s’inscrit dans la cadre de la communication de la Commission européenne publiée au JOUE du 26 mars 2020 qui incite les Etats membres à renforcer leur dispositif de contrôles des investissement étrangers.
Les investissements étrangers dans ces secteurs d’activité sont soumis à une autorisation du ministre de l’Economie (C. mon. fin., art. L. 151-3 N° Lexbase : L8778LQ8). Constitue un investissement, le fait : (i) d'acquérir le contrôle ; (ii) d’acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entité de droit français ; ou (iii) de franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d'une entité de droit français (C. mon. fin., art. R. 151-2 N° Lexbase : L6698LUM).
Par ailleurs, le ministre de l’Economie a annoncé l’abaissement temporaire du seuil de prise de participation à 10 % pour les entreprises cotées, qui ont un actionnariat parfois dispersé et pour lesquelles une prise de participation, même minoritaire, peut être déstabilisatrice lorsqu’elle est inamicale.
La Direction du Trésor a précisé les modalités de ce contrôle renforcé afin de ne pas porter une atteinte excessive à la capacité des entreprises de se financer sur les marchés (cf. DG Trésor, article du 30 avril 2020) :
Le texte abaissant le seuil va être transmis au Conseil d’Etat dans les prochains jours, et devrait être applicable au second semestre 2020.
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Réf. : CE, ordonnance, 20 avril 2020, n° 439985, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A91643KM)
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N3177BYC
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par Marie-Claire Sgarra
Le 06 Mai 2020
►Le Conseil d’Etat a, dans une ordonnance du 20 avril 2020 (CE, ordonnance, 20 avril 2020, n° 439985, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A91643KM) rejeté un référé liberté tendant à proroger les délais de dépôt des déclarations des revenus 2019 jusqu’au 31 juillet 2020.
Pour rappel, il appartient au juge des référés, lorsqu’il qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l'action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu'existe une situation d'urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai et qu'il est possible de prendre utilement de telles mesures. Celles-ci doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte.
En l’espèce, le requérant demande au juge des référés d’enjoindre au Premier ministre et au ministre de l’Action et des Comptes publics de proroger les délais de dépôt des déclarations des revenus de l’année 2019 jusqu’au 31 juillet 2020, au motif que l’absence de prorogation de ces délais par l’ordonnance du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, ainsi que la fixation de dates limites trop rapprochées par le ministre de l'action et des comptes publics, portent, selon lui, une atteinte grave et manifestement illégale au principe d'égalité et au droit à la vie.
Cette ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5730LW7) prévoit d’une part que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ». Par ailleurs, « I. - Sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la fin de la période définie au I de l'article 1er et ne courent qu'à compter de cette dernière date, s'agissant de ceux qui auraient commencé à courir pendant la période précitée, les délais : / 1° Accordés à l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition [...] lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020 ; / 2° Accordés à l'administration ou à toute personne ou entité et prévus par les dispositions du titre II du livre des procédures fiscales, à l'exception des délais de prescription prévus par les articles L. 168 (N° Lexbase : L8487AE3) à L. 189 (N° Lexbase : L8757G8T) du même Livre, par les dispositions de l'article L. 198 A du même Livre (N° Lexbase : L3179LCQ) en matière d'instruction sur place des demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée [...]. / II. - Les dispositions de l'article 2 de la présente ordonnance ne s'appliquent pas aux déclarations servant à l'imposition et à l'assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes ».
A l’appui de sa demande, le requérant soutient qu'une tolérance de dix jours par rapport à la date limite de dépôt des déclarations par internet a été accordée en faveur des déclarations réalisées par les experts-comptables, reportant, d'une part, jusqu'au 31 mai 2020 la date limite de souscription de la déclaration de résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2019 pour les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés et, d'autre part, jusqu'au 15 juin 2020 la date limite de déclaration des revenus professionnels. Il soutient que cette tolérance a introduit une différence de traitement injustifiée entre les clients des experts-comptables et les personnes qui n'ont pas recours aux services de ces professionnels. Or, le ministre de l'Action et des Comptes publics a annoncé, le 17 avril 2020, que ces deux dates limites seraient reportées au 30 juin 2020 pour toutes les entreprises.
En second lieu, le délai de déclaration par internet des revenus de l'année 2019 expire, selon les départements, le 4, le 8 ou le 11 juin 2020 et que la date limite de dépôt de la déclaration de revenus en version papier, y compris pour les non-résidents, est fixée au 12 juin 2020. La fixation de ces dates, compte tenu des multiples possibilités de communication téléphoniques et électroniques entre un avocat et son client, ne contraint pas les contribuables à entreprendre des déplacements dangereux pour leur santé et ne porte donc pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie.
Pour aller plus loin : Lire en ce sens, Virginie Pradel, Coronavirus : les conséquences fiscales pour les particuliers et les entreprises, Lexbase Fiscal, 2020, n° 819 (N° Lexbase : N2862BYN), Lire également, notre brève, Publication de quatre ordonnances en droit fiscal et finances publiques : les premières mesures pour faire face à l'épidémie de covid-19, Lexbase Fiscal, 2020, n° 818 (N° Lexbase : N2791BYZ). |
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Réf. : Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7) ; ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L6859LWX)
Lecture: 28 min
N3188BYQ
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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg
Le 06 Mai 2020
L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, rapidement modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, est venue prescrire diverses règles dérogatoires et temporaires relatives aux délais et mesures expirant pendant la période de confinement sanitaire imposée pour limiter la propagation de l’épidémie de covid-19. Cette contribution observe leurs effets en matière de crédits aux consommateurs, c’est-à-dire de crédits à la consommation et de crédit immobiliers. |
1. Depuis quelques mois notre pays est confronté, à l’instar de nombreux Etats dans le monde, à l’une des plus graves épidémies de son histoire : le coronavirus, dit aussi covid-19. Les conséquences humaines de cette pandémie sont terribles. La priorité de l’action des pouvoirs publics est alors, logiquement, de santé publique.
2. Au-delà de cet aspect humain, cette crise sanitaire présente également de graves impacts pour l’économie, beaucoup d’entreprises ne pouvant plus fonctionner normalement en raison des mesures mises en place par le Gouvernement pour éviter la propagation du virus, et notamment le confinement. Le taux de chômage a, quant à lui, très fortement augmenté.
3. Sans surprise, le législateur et le pouvoir exécutif sont rapidement intervenus, et ce à de multiples reprises, pour tenter d’encadrer les effets juridiques liés à cette période de confinement.
4. La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie du covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT) [1], a ainsi habilité le Gouvernement à prendre, « dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi […] afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure : […] Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure, à l'exception des mesures privatives de liberté et des sanctions […] ».
5. Dès lors, sur le fondement de ce texte, a été adoptée l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la propagation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période [2]. Ce texte a fait, en outre, l’objet de quelques modifications par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 [3].
6. Ce nouvel encadrement juridique est alors à l’origine d’un certain nombre de règles notables. En première lieu, l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 vient prévoir une période de gel ou d’immunité que la circulaire du 26 mars 2020 (N° Lexbase : L5954LWG) qualifie de « période juridiquement protégée ». Plus précisément, selon ce même article 1er, cette période court du 12 mars 2020 (à 0 heure) jusqu’à « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 [4] mars 2020 ». Or, à ce jour, compte tenu des dispositions de ce dernier article, la durée de l’état d’urgence sanitaire est prévue pour s’achever le 24 mai 2020 à 0 heure. Par conséquent, la « période juridiquement protégée » doit se terminer un mois plus tard, soit le 23 juin à minuit.
7. Il convient cependant de souligner que la date d’achèvement de ce régime dérogatoire n’est ainsi fixée qu’à titre provisoire. En effet, elle devra être réexaminée dans le cadre des mesures législatives de préparation et d’accompagnement de la fin du confinement. Une prolongation de deux mois de l’état d’urgence serait ainsi envisagée par le pouvoir exécutif au moment où nous écrivons ces lignes.
8. En second lieu, et surtout, l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée vient proroger un nombre important de délais, geler les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires et les clauses de déchéance, et enfin prolonger les délais contractuels ou légaux prévus pour résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement [5].
9. Or, si de telles règles sont de nature à s’appliquer à n’importe quel contrat, nous en observerons ici leurs effets concrets en matière de crédits aux consommateurs, c’est-à-dire de crédits à la consommation [6] et de crédits immobiliers [7]. Ceux-ci, particulièrement nombreux, pourraient d’ailleurs constituer un domaine de prédilection pour la mise en œuvre pratique des mesures nouvelles.
10. Plusieurs solutions sont alors à distinguer à propos de la conclusion des crédits (I), des actions en justice exercées entre les parties (II), et enfin de la production d’effets des clauses de déchéance du terme ou de résiliation (III) [8].
I - Les solutions intéressant la conclusion des crédits
11. Les nouvelles mesures, découlant des deux directives précitées, sont-elles applicables aux dispositions légales relatives à la conclusion des crédits aux consommations ? Une réponse négative s’impose. En effet, si l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne disait rien sur ce point, il est à noter que l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 est à l’origine, quant à elle, d’une solution ayant une incidence en la matière à travers l’exclusion expresse des délais de réflexion (A) et de rétraction (B).
12. Cet ajout a pour caractéristique d’avoir « un caractère interprétatif ». Il ne modifie donc pas la portée du régime juridique mis en place par l’ordonnance 25 mars 2020 mais précise que, depuis l’entrée en vigueur de cette dernière, celui-ci ne s’applique pas aux délais de réflexion et de rétractation. L’ajout a ainsi un caractère rétroactif.
A- L’exclusion des délais de réflexion
13. En matière de crédit immobilier, l’offre, qui doit être maintenue pendant une durée minimale de 30 jours à compter de sa réception par l’emprunteur, est logiquement soumise à l’acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. Or, depuis la loi « Scrivener 2 » du 13 juillet 1979 (loi n° 79-596 N° Lexbase : L2593DZ3), notre droit protège le consommateur de crédit immobilier contre le risque d’un engagement irréfléchi : l’emprunteur et les cautions ne peuvent ainsi accepter l’offre que 10 jours après l’avoir reçue [9]. En obligeant de la sorte la partie faible à réfléchir à son engagement, on veut s’assurer qu’elle ne donne pas son consentement « à la légère » ou du moins « sur un coup de tête ». On parle de délai de « réflexion ». Cette règle est d’ordre public et les parties intéressées ne sauraient y renoncer [10].
14. Quelques précisions s’imposent concernant le calcul de ce délai. D’une part, dans la mesure où nous sommes en présence d’un délai journalier, le jour à partir duquel le délai doit être calculé (« dies a quo »), c’est-à-dire ici le jour de la réception de l’offre, ne compte pas dans le calcul. Le délai ne commence donc à courir que le lendemain à 0 heure. D’autre part, le délai s’achève le dernier jour (« dies ad quem ») à minuit. Concrètement, l’emprunteur ne pourra retourner l’offre revêtue de son acceptation que le 11ème jour suivant la date de réception de l’offre.
15. Jusqu’à l’acceptation de l’offre par l’emprunteur, aucun versement, sous quelque forme que ce soit, ne peut, au titre de l’opération en cause, être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur. Cet emprunteur ne peut ainsi faire aucun dépôt, ni souscrire ou avaliser aucun effet de commerce, ni signer aucun chèque [11].
16. Le banquier prêteur n’ayant pas respecté ces règles encourra, sans surprise, différentes sanctions. D’abord, il ressort de l’article L. 341-34 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1604LRT), qui renvoie à l’article L. 341-40 du même code (N° Lexbase : L3182K7Y), que le fait pour le prêteur de faire souscrire par l’emprunteur ou les cautions déclarées ou de recevoir de leur part l’acceptation de l’offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu’elle a été donnée après expiration du délai de réflexion de dix jours entraîne la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge [12]. Ensuite, et surtout, la jurisprudence estime que la méconnaissance du délai d’acceptation de dix jours pouvait aussi être sanctionnée par la nullité du contrat [13]. Il en va de même pour l’engagement de caution [14]. Enfin, des sanctions pénales sont envisagées dans des cas bien particuliers [15]. Ces dernières ne sont cependant pas appliquées en pratique [16].
17. Or, l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 est venue préciser que les solutions prévues par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, c’est-à-dire la prorogation des délais prescrits par la loi ou le règlement [17], ne sont pas applicables aux délais de réflexion.
18. Cette solution vaut alors, notamment, pour le délai de réflexion précité. Il en va de même pour le délai de réflexion applicable à la renégociation d’un contrat de crédit immobilier en présence d’un avenant [18].
19. Cette exclusion intéressant l’ensemble des délais de réflexion emporte notre conviction. En effet, comme le déclare très justement, le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020[19], « il ne s’agit pas d’un acte devant être réalisé pendant un certain délai à peine de sanction mais seulement d’un temps imposé au futur contractant pour réfléchir à son engagement ». La période de confinement n’a donc pas d’incidence particulière ici. A l’expiration du délai de réflexion prévu par l’article L. 313-34, le destinataire de l’offre pourra parfaitement accepter l’offre, même si ce délai expire pendant la « période juridiquement protégée » définie à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. La solution est, en revanche, moins convaincante à l’égard des délais de rétractation.
B - L’exclusion des délais de rétractation
20. Le droit régissant le crédit à la consommation prévoit, au bénéfice de l’emprunteur, un droit de rétractation pendant un certain délai, ce qui déroge nettement aux règles du droit commun. Ainsi, selon l’article L. 312-19 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9842LCI), « l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 312-28 (N° Lexbase : L9593LGE) » [20]. Antérieurement à la loi « Lagarde » du 1er juillet 2010 (loi n° N° Lexbase : L6505IMU), ce délai n’était que de sept jours [21].
21. Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation par l’emprunteur, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit [22]. Ce formulaire est établi conformément au modèle type joint en annexe à l’article R. 312-9 du code (N° Lexbase : L1627K8R). Le fait pour le prêteur de ne pas prévoir un tel formulaire détachable dans l’offre de contrat de crédit est puni d’une amende de 1 500 euros [23].
22. Ce n’est alors que si ce pouvoir de se rétracter n’est pas utilisé par l’emprunteur que le contrat de crédit à la consommation devient parfait. En effet, alors que, normalement, un contrat est formé à partir de l’échange des consentements des parties, le droit s’écarte de cette solution en matière de crédit à la consommation. Ainsi, pour l’article L. 312-24 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1338K7P), « le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que celui-ci n’ait pas fait usage de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit, dans un délai de sept jours » [24].
23. Or, dans ce cas également, l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 est venue préciser que les solutions prévues par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 [25] ne sont pas applicables aux délais de rétractation. Il en va de même pour les « délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent » en cas d’exercice du droit de rétractation [26]. Ces délais s’achèvent par conséquent dans les conditions habituelle, même s’ils expirent durant la période juridiquement protégée au sens de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.
24. Selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 [27], une telle exclusion se justifie par le fait qu’un tel « délai laissé par certains textes avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement à un contrat, n’est pas un acte "prescrit" par la loi ou le règlement "à peine" d’une sanction ou de la déchéance d’un droit ». Le rapport ajoute qu’une autre lecture, sur ce point, « aurait pour effet de paralyser nombre de transactions ».
25. Nous ne sommes pas convaincus, quant à nous [28], par l’exclusion en question et les justifications qui en sont données. En premier lieu, si l’on prend le cas du délai de rétractation de l’article L. 312-19, force est de constater que celui-ci est bien reconnu par la loi, et que si l’emprunteur laisse ce délai s’écouler, il perd nécessairement son droit de remettre en cause le contrat de crédit en question à l’aide de la rétractation.
26. En second lieu, il n’est pas question, en matière de crédit à la consommation, de paralyser les conventions. Celles-ci peuvent, dans tous les cas, être mises en œuvre, même si elles ne sont pas encore « parfaites » comme l’indique l’article L. 312-24 du Code de la consommation [29]. Par exemple, l’article L. 312-25 du même code (N° Lexbase : L1337K7N) permet la remise des fonds à l’emprunteur à partir du 8ème jour, quand bien même le délai de rétraction n’est pas encore entièrement écoulé. Surtout, il est particulièrement rare en pratique que le client, qui souhaite logiquement obtenir son crédit à la consommation, remette en cause ce dernier par l’utilisation de son droit de rétractation. La paralysie évoquée par le rapport au Président de la République est donc bien peu probable dans notre cas.
27. Un encadrement plus protecteur de cette situation nous aurait donc paru préférable, surtout en cette période de crise se traduisant par la fermeture d’un certain nombre d’agences bancaires [30] mais aussi par une forte limitation de la liberté des citoyens d’aller et de venir. L’exclusion décidée par l’ordonnance du 15 avril 2020 en la matière n’échappe donc pas à la controverse.
28. Il en va différemment, en revanche, à l’égard des mesures nouvelles applicables aux actions en justice exercées par les parties au contrat de crédit à la consommation entre-elles.
II - Les solutions intéressant les actions en justice exercées par les parties
29. Après avoir mentionnées les hypothèses concernées (A), nous observerons les solutions applicables en matière, c’est-à-dire la prorogation des délais prescrits (B).
A - Les hypothèses concernées
30. Les parties à un contrat de crédit aux consommateurs peuvent être amenées à exercer des actions en justice l’une contre l’autre. Or, celles-ci sont logiquement encadrées par des délais légaux. Plusieurs hypothèses peuvent ainsi être distinguées à la lecture du droit applicable au crédit à la consommation et au crédit immobilier.
31. En premier lieu, concernant le crédit à la consommation, deux hypothèses bien différentes sont à mentionner. Tout d’abord, intéressons-nous à l’action en paiement du prêteur contre l’emprunteur défaillant. Aux termes de l’article R. 312-35 du Code de la consommation (N° Lexbase : L4279LTN), « les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ». Cet article prévoit ainsi un délai de forclusion relativement court s’imposant au prêteur. La solution est alors importante : si ce dernier tarde à agir en justice, il perd le droit d’exercer son action. Au final, il ne pourra prétendre ni au remboursement des intérêts échus et non réglés, ni au remboursement du capital.
32. On rappellera que la détermination du point de départ de ce délai a suscité, un temps, des incertitudes jurisprudentielles. Toutefois, depuis la loi « Lagarde » du 1er juillet 2010, l’article R. 312-35 prévoit que les actions en paiement doivent être formées « dans les deux ans de l’évènement qui leur a donné naissance », et cet évènement est lui-même précisé par l’article en question. Ce dernier envisage d’ailleurs plusieurs situations. Par exemple, en cas de crédit par remise de fonds « classique », le point de départ du délai sera la date du « premier incident de paiement non régularisé » [31].
33. Ensuite, l’emprunteur peut également exercer des actions contre le prêteur à qui il reprochera un manquement à la loi applicable. Il s’agira, le plus souvent, d’une action en déchéance du droit aux intérêts. Dans un tel cas, le délai de prescription envisagé par l’article L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3) devra s’appliquer, dans la mesure où le contrat de crédit unit une société commerciale, en l’occurrence la banque, et un non-commerçant. Ce délai, qui a longtemps été de dix ans, a été ramené à cinq ans à la suite de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I). Cette solution a également vocation à s’appliquer aux actions en responsabilité menées par l’emprunteur contre le prêteur. Il en a été ainsi, par exemple, pour les actions fondées sur un manquement du banquier à son devoir de mise en garde [32].
34. En second lieu, des règles un peu différentes sont à relever concernant le crédit immobilier. Il en va plus particulièrement ainsi concernant l’action du prêteur contre l’emprunteur. Celle-ci demeure en effet soumise au délai de prescription « spécial » de deux ans de l’article L. 218-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T), celui-ci s’adressant, d’une façon générale, aux actions engagées par les professionnels, « pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs » [33]. On rappellera que, concernant le crédit immobilier, le point de départ de ce délai a donné lieu à une évolution jurisprudentielle [34]. Désormais, il est acquis qu’« à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance ». Par conséquent, « si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité » [35].
35. L’action de l’emprunteur contre le prêteur, en matière de crédit immobilier, fait appel, quant à elle, aux mêmes règles que celles observées précédemment avec le crédit à la consommation [36]. Le délai de prescription de cinq ans de l’article L. 110-4 du Code de commerce s’imposera ainsi. Or, pour l’ensemble de ces cas, les textes nouveaux prévoient une prorogation des délais.
B - La prorogation des délais applicables
36. L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a mis en place une prorogation des délais échus entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire la « période juridiquement protégée » [37] (soit le 23 juin à minuit).
37. Ainsi, l’ordonnance étudiée ne suspend pas les délais, mais procède à leur prorogation [38]. Concrètement, elle les prolonge en considérant que « sont faits "à temps" les actes qui interviennent dans un certain délai supplémentaire suivant la fin de la période juridiquement protégée » [39].
38. Plus précisément, selon cet article 2, « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification, ou publication prescrits par une loi ou un règlement », sous peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance quelconque, et qui devait être accompli au cours de cette période, est « réputé avoir été fait à temps » s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, « le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».
39. Dit autrement, ne seront pas ici jugés tardifs, les actes utiles réalisés dans le délai supplémentaire imparti. Il s’agit donc simplement de permettre d’accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu’il a été impossible de faire pendant la période d’urgence sanitaire augmentée d’un mois.
40. On notera que cette solution n’est applicable que si le délai pour agir est « prescrit » par la loi ou le règlement, « à peine » d’une sanction ou de la déchéance d’un droit [40]. Or, tel est le cas du délai de forclusion de 2 ans de l’article R. 312-35, le délai de prescription de 5 ans l’article L. 110-4 du Code de la consommation ou encore le délai de prescription de 2 ans de l’article L. 218-2 du Code de la consommation.
41. En conséquence, tous ces délais intéressant notamment les crédits aux consommateurs sont susceptibles de profiter de la solution mise en place par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 [41].
42. Quid, à présent, de certaines clauses contractuelles, et notamment les clauses de déchéance du terme ou de résiliation du contrat de prêt, fréquentes dans les conventions régissant ces formes de crédits ? Ici encore, l’ordonnance étudiée est à l’origine d’une solution utile.
III - Les solutions intéressant les clauses de déchéance ou de résiliation
43. Après avoir observé dans quels cas on peut trouver, en matière de crédits aux consommateurs, de telles clauses de déchéance du terme ou de résiliation du contrat (A), nous observerons les solutions mises en place par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée sur ce point par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, en l’occurrence le gel des clauses en question (B).
A - Les hypothèses concernées
44. En cas de défaut de paiement à l’échéance de l’emprunteur, c’est-à-dire en cas de défaillance de ce dernier, le prêteur et l’emprunteur peuvent toujours se mettre d’accord pour modifier le contrat qui les unit. Une renégociation de ce dernier peut ainsi se révéler opportune pour chacune des parties. D’une part, pour l’emprunteur, cela lui permettra souvent de baisser son taux d’endettement et d’augmenter son reste à vivre. D’autre part, concernant le prêteur, cela sera de nature à lui éviter de se retrouver éventuellement confronté à des pertes liées à une procédure de surendettement de son client.
45. Mais qu’en est-il à défaut d’accord ? Plusieurs situations peuvent se rencontrer, selon que l’on est en présence d’un crédit à la consommation ou un crédit immobilier.
46. En premier lieu, en cas de crédit à la consommation, l’article L. 312-39, alinéa 1er, du Code de la consommation (N° Lexbase : L3280K9D) prévoit que le prêteur pourra exiger, dans un tel cas, « le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ». L’article L. 312-39, alinéa 2, indique pour sa part que le prêteur exigeant le remboursement immédiat du capital pourra également demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, « dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l’article 1231-5 du Code civil (N° Lexbase : L0617KZU) », sera fixée suivant un barème déterminé par décret [42].
47. En second lieu, en cas de crédit immobilier, il résulte de l’article L. 313-51 du même code (N° Lexbase : L3281K9E), qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur sera en droit de « demander la résolution du contrat ». Il pourra ainsi exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. De plus, jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes à restituer produiront des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. Enfin, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, ici encore sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du Code civil, sera limitée par un montant déterminé par décret [43].
48. Ainsi, en pratique, dans l’ensemble de ces cas, le banquier dispensateur de crédit ne manquera pas de prévoir, dans la convention de prêt, une clause de déchéance du terme ou une clause de résiliation du contrat en cas de défaillance de l’emprunteur [44]. Or, ces mêmes clauses sont directement visées par certaines des mesures instaurées provisoirement par les ordonnances étudiées.
B - Le gel des clauses envisagées
49. L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 gèle temporairement pour toutes obligations (même celles qui sont simplement contractuelle) certaines sanctions de l’inexécution. Ainsi, pour l’alinéa 1er de cet article, « […] les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas […] produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er », c’est-à-dire la « période juridiquement protégée » [45].
50. En revanche, il convient de souligner que ces sanctions ne sont pas définitivement écartées. Elles sont simplement suspendues un temps. En effet, l’alinéa 2 de l’article vient immédiatement préciser que « la date à laquelle ces […] clauses produisent leurs effets est reportée […] ».
51. Par conséquent, si le débiteur souhaite échapper aux sanctions visées, il devra obligatoirement régulariser sa situation dans un certain délai suivant la fin de la « période juridiquement protégée ».
52. Or, ce délai a connu une évolution. Dans sa version initiale, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoyait un délai « forfaitaire » d’un mois.
53. Cette solution a cependant été remise en cause par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020. Cette dernière est en effet venue prévoir un délai variable égal au temps qui restait au débiteur pour payer lorsque la « période juridiquement protégée » s’est ouverte le 12 mars 2020. Selon le nouvel alinéa 2 de l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 : « si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle […] ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée ».
54. Prenons un exemple. Imaginons une clause résolutoire, résultant d’une obligation née le 1er avril, devant prendre effet, en cas d’inexécution, le 15 avril. Ce délai de 15 jours sera ici reporté à la fin de la « période juridiquement protégée » pour que le débiteur puisse encore valablement s’acquitter de son obligation avant que la clause résolutoire ne prenne effet.
55. Selon la circulaire du Garde des Sceaux du 17 avril 2020 [46], cette modification de l’alinéa 2 de l’article 4 de l’ordonnance permet d’appréhender de manière plus précise les situations impactées par la crise sanitaire actuelle, en tenant compte de l’impact réel qu’auront eu les mesures prises par les autorités pour lutter contre l’épidémie de covid-19 sur l’exécution des contrats.
56. Deux observations s’imposent ici. En premier lieu, selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 [47], les parties aux contrats sont libres d’écarter l’application de cet article 4 par des clauses expresses, « notamment si elles décident de prendre en compte différemment l’impact de la crise sanitaire sur les conditions d’exécution du contrat ». Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions de cet article. La circulaire mentionnée précédemment [48] précise qu’une telle renonciation « doit faire l’objet d’une manifestation univoque de volonté ».
57. En second lieu, cette solution envisagée par l’article 4, alinéa 2, ne vaut que pour le cas dans lesquels l’inexécution de l’obligation est intervenue pendant la période protégée. En effet, si l’alinéa 3 du même article envisage l’inexécution d’obligations intervenue avant la période protégée, cette hypothèse ne joue que pour les astreintes et les clauses pénales. Les clauses résolutoires et les clauses de déchéance ne sont pas concernées par cet alinéa. Les effets de ces clauses sont, il est vrai, dans un tel cas acquis ; ils ne sauraient alors être remis en cause.
58. Faut-il pour autant sans émouvoir ? Aucunement, selon nous. De telles difficultés demeurent susceptibles d’être prises en compte par des dispositifs de « droit commun », comme par exemple les délais de grâce envisagés par l’article 1343-5 du Code civil (N° Lexbase : L0688KZI) [49].
59. On rappellera d’ailleurs qu’en présence de crédits à la consommation et de crédits immobiliers, l’article L. 314-20 du Code de la consommation (N° Lexbase : L4232LSK) prévoit expressément que : « L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil ». Les difficultés financières résultant, pour les emprunteurs, de la crise liée au covid-19, et notamment des mesures de confinement mises en œuvre pour en limiter la propagation, devraient très certainement entraîner, dans les mois qui viennent, une augmentation du recours à ce dispositif.
[1] JORF du 24 mars 2020, texte n° 2.
[2] JORF du 26 mars 2020, texte n° 9 : M. Mekki, Ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus. Quel kit de premiers secours pour les rédacteurs d’actes ?, JCP éd. N, 2020, n° 14, 1079 ; J.-D. Pellier, Prorogation des délais (Covid-19) : qu’en est-il du délai butoir ?, D., 2020, p. 716. Pour des précisions sur ce texte, cf. circulaire du Garde des Sceaux du 26 mars 2020 (Circ. DACS, n° 01/20, du 26 mars 2020 N° Lexbase : L5954LWG) ) et rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, JORF du 26 mars 2020, texte n° 8.
[3] JORDF du 16 avril 2020, texte n° 2 : Defrénois, 27 avril 2020, n° 17, p. 1 ; J.-D. Pellier, Ordonnance du 15 avril portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 : l’exclusion regrettable des délais de rétractation, JCP éd. E, 2020, n° 17, 274 ; S. Tisseyre et Ch. Brenac, État d’urgence et promesses de vente immobilières : des précisions pour de nouvelles incertitudes ?, Defrénois, 23 avril 2020, n° 17, p. 25 ; M. Mekki, Calcul des délais : présentation de l’ordonnance « rectificative » du 15 avril 2020, JCP éd. N, 2020, act. 390 ; N. Cayrol, État d’urgence sanitaire : dispositions générales relatives aux délais, JCP éd. G, 2020, n° 16, 481 ; O. Deshayes, La prorogation des délais de période de Covid-19 : quels effets sur les contrats ?, D., 2020, p. 831. Pour des précisions sur ce texte, cf. circulaire du Garde des Sceaux du 17 avril 2020 (Circ. DACS, n° 03/20, du 17 avril 2020 N° Lexbase : L7073LWU) et rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, JORF du 16 avril 2020, texte n° 1.
[4] A l’origine, le texte visait par erreur la loi du « 22 » mars 2020. Cette « coquille » a été corrigée par l’article 1er, 1°, de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020.
[5] L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, complété par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, est à l’origine d’un certain nombre d’exclusion au régime ainsi mis en place. Il en va de la sorte, par exemple, à l’égard des obligations de déclaration et d’information, pesant sur différents professionnels en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, mais aussi concernant les obligations liées aux procédures de gel des avoirs.
[6] C. consom., art. L. 312-1 (N° Lexbase : L9843LCK) et s.
[7] C. consom., art. L. 313-1 (N° Lexbase : L3398K7Y) et s.
[8] D’autres situations auraient pu être envisagées. On peut notamment songer à la prolongation des délais de résiliation envisagée par l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 qui doit pouvoir s’appliquer au droit de résiliation annuelle de l’assurance-emprunteur prévu par l’article L. 113-12 du Code des assurances (N° Lexbase : L9562LGA) et l’article L. 313-30 (N° Lexbase : L9844LCL) du Code de la consommation.
[9] C. consom., art. L. 313-34, al. 2 (N° Lexbase : L3377K79) ; J. Lasserre Capdeville, Le délai de réflexion applicable au crédit immobilier, RD banc. fin., 2020, à paraître.
[10] Cass. civ. 1, 9 décembre 1997, n° 95-15.494, publié (N° Lexbase : A0515AC3), Bull. civ. I, n° 368, Contrats conc. consom.,1998, comm. 53, obs. G. Raymond ; JCP éd. G, 1998, 10148, note S. Piédelièvre ; RTD civ., 1998, p. 670, obs. J. Mestre.
[11] C. consom., art. L. 313-35 (N° Lexbase : L3362K7N).
[12] C. consom., art. L. 341-34 (N° Lexbase : L1604LRT). Lamy droit économique, 2020, éd. Wolters Kluwer, n° 6111 et s..
[13] Cass. civ. 1, 27 févr. 2001, n° 98-19.857, publié (N° Lexbase : A0465ATE), Bull. civ. I, n° 48 ; D., 2001, AJ p. 1388, obs. V. Avena-Robardet ; Cass. civ. 1, 19 mars 2009, n° 05-13.126, F-D (N° Lexbase : A0755EEP), Contrat conc. consom., 2009, comm. 201, obs. G. Raymond ; Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 18-12.471, F-D (N° Lexbase : A8965YYP), LEDB, avril 2019, p. 5, obs. N. Mathey.
[14] Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-14.336 et 09-68.321, F-D (N° Lexbase : A7522GL8), Contrats conc. consom., 2011, comm. 47, obs. G. Raymond ; RD banc. fin., 2001, comm. 15, obs. D. Legeais.
[15] C. consom., art. L. 341-40 (N° Lexbase : L3182K7Y). V. également, C. consom., art. L. 341-42 (N° Lexbase : L3184K73).
[16] J. Lasserre Capdeville, La double réforme du droit pénal des crédits aux consommateurs, AJ Pénal 2016, n° 5, p. 251.
[17] V. supra, n° 36 et s..
[18] C. consom., art. L. 313-39 (N° Lexbase : L7309LQR). Dans un domaine voisin, on mentionnera encore le délai de réflexion applicable en matière de prêt viager hypothécaire(C. consom., art. L. 315-11 N° Lexbase : L1184K7Y).
[19] JORF du 16 avril 2020, texte n° 1.
[20] V. égal., C. consom., art. L. 312-20 (N° Lexbase : L9840LCG).
[21] On notera qu’en matière de crédit affecté, le délai peut être ramené, sous certaines conditions, à trois jours (C. consom., art. L. 312-47, al. 2 N° Lexbase : L1315K7T).
[22] C. consom., art. L. 312-21 (N° Lexbase : L1341K7S)..
[23] C. consom., art. R. 341-4 (N° Lexbase : L0701K9T)..
[24] Sur cet agrément, J. Lasserre Capdeville, M. Storck, M. Mignot, J.-Ph. Kovar et N. Eréséo, Droit bancaire, éd. Dalloz, coll. Précis, 2019, 2ème éd., n° 1974.
[25] V. infra, n° 36 et s..
[26] En matière de crédit à la consommation, si la rétractation a lieu postérieurement à la remise des fonds (c’est-à-dire du 8ème au 14ème jour), l’article L. 312-26 (N° Lexbase : L1336K7M) précise que l’emprunteur doit rembourser au prêteur le capital versé et payer les intérêts cumulés sur ce capital depuis la date à laquelle le crédit lui a été versé jusqu’à la date à laquelle le capital est remboursé, sans retard indu et au plus tard trente jours après avoir envoyé la notification de la rétractation au prêteur. Les intérêts sont calculés sur la base du taux débiteur figurant au contrat. On notera que le prêteur n’a droit à aucune indemnité du fait de cette rétractation.
[27] JORF du 16 avril 2020, texte n° 1.
[28] V. également, J.-D. Pellier, Ordonnance du 15 avril portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 : l’exclusion regrettable des délais de rétractation, JCP éd. E, 2020, n° 17, 274.
[29] V. supra, n° 22.
[30] Un auteur (J.-D. Pellier, op. cit) a d’ailleurs pu se demander si le pouvoir exécutif n’est pas allé, ici, au-delà de loi d’habilitation. Rappelons en effet que son action devait porter sur les « délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit […] » (v. supra, n° 4). Le délai de rétractation paraît donc bel et bien concerné par cette énumération.
[31] Des dérogations sont néanmoins prévues en la matière par le dernier alinéa de l’article R. 312-35 (N° Lexbase : L4279LTN).
[32] Cass. civ. 1, 30 mai 2012, n° 11-14.728, F-P+B+I (N° Lexbase : A5378IM7), LEDB, juillet 2012, p. 3, n° 091, obs. R. Routier.
[33] Cass. civ. 1, 28 novembre 2012, n° 11-26.508,FS-P+B+I (N° Lexbase : A6412IXR), Bull. civ. I, n° 247, D., 2013, Pan., p. 945, obs. H. Aubry ; RTD com., 2013, p. 126, obs. D. Legeais ; LEDB, janvier 2013, p. 5, obs. J. Lasserre Capdeville ; RD banc. et fin., 2013, comm. 47, obs. N. Mathey ; Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 12-27.614, F-D (N° Lexbase : A0974MKB), Contrats conc. consom., 2014, comm. 171, obs. G. Raymond ; LPA, 1er août 2014, n° 153, p. 19, obs. J. Lasserre Capdeville.
[34] Lamy droit économique, 2020, éd. Wolters Kluwer, n° 6144.
[35] Cass. civ. 1, 11 février 2016, quatre arrêts, n° 14-28.383, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A7326PKK) ; n° 14-27.143, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A7325PKI) ; n° 14-29.539, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A7327PKL) ; n° 14-22.938, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A7324PKH), JCP éd. N, 2016, 1298, note S. Piédelièvre ; Gaz. Pal., 7 juin 2016, p. 59, note M. Roussille ; RD banc. et fin., 2016, comm. 59, obs. N. Mathey ; RTD com., 2016, p. 314, obs. D. Legeais ; JCP éd. G, 2016, 220, obs. J. Lasserre Capdeville ; Cass. civ. 1, 14 avril 2016, n° 15-15.841, F-D (N° Lexbase : A6946RI4), LEDB, juin 2016, p. 3, obs. M. Mignot ; RD banc. et fin., 2016, comm. 112, obs. N. Mathey ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-27.728, F-D (N° Lexbase : A5469TAS), RD banc. et fin., 2017, comm. 65, obs. N. Mathey ; Cass. civ. 1, 20 décembre 2017, n° 16-12.129, F-D (N° Lexbase : A0789W94), LPA, 27 novembre 2018, n° 237, p. 12, obs. J. Lasserre Capdeville ; Cass. civ. 1, 6 février 2019, n° 18-10.398, F-D (N° Lexbase : A6095YWN), RD banc. fin., mars-avril 2019, comm. 43, obs. N. Mathey.
[36] V. supra, n° 33.
[37] V. supra, n° 6.
[38] Selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 (JORF du 16 avril 2020, texte n° 1), cet article 2 ne constitue « ni une suspension, ni une prorogation du délai initialement imparti pour agir ».
[39] O. Deshayes, La prorogation des délais de période de Covid-19 : quels effets sur les contrats ?, D., 2020, p. 834.
[40] Un communiqué de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du 16 avril 2020 a d’ailleurs tenu a préciser que la condition suspensive d’obtention d’un prêt, mentionnée à l’article L. 313-41 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3381K7D), restant d’origine contractuelle, elle n’est pas soumise au dispositif prévu par l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020.
[41] Bien évidemment, n’entrent pas dans le champ de cette mesure les délais dont le terme était déjà échu avant le 12 mars 2020, ou encore les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
[42] L’article D. 312-16 (N° Lexbase : L0615K9N) dispose ainsi que cette indemnité est égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
[43] Aujourd'hui, cette indemnité ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés (C. consom., art. R. 313-28 N° Lexbase : L0661K9D).
[44] Les clauses de déchéance ou de résiliation fondées sur une autre cause sont souvent qualifiées d’abusives par les juges. Concernant, d’abord, le crédit à la consommation, J. Lasserre Capdeville, Le droit des clauses abusives et le contrat de crédit à la consommation, RD banc. fin. ,mai-juin 2016, dossier 19, p. 90. De même, concernant le crédit immobilier, J. Lasserre Capdeville, Interrogations à propos des clauses de déchéance du terme en matière de crédit immobilier, AJ Contrat, 2018, n° 7, p. 312. Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, n° 17-20.441, F-P+B (N° Lexbase : A3262YGW), D., 2019, p. 57, note J. Lasserre Capdeville ; Dalloz actualité, 25 octobre 2018, obs. J.-D. Pellier ; JCP éd. E, 2019, n° 7, 1070, note G. Poissonnier ; LEDB, décembre 2018, p. 1, obs. M. Mignot ; Cass. civ. 1, 5 juin 2019, n° 16-12.519,FS-P+B+I (N° Lexbase : A2447ZDY), LEDB, juillet 2019, p. 3, obs. M. Mignot ; Dalloz actualité, 4 juillet 2019, obs. J.-D. Pellier ; AJ Contrat, 2019, p. 313, obs. V. Legrand ; Lexbase, éd. Affaires, 2019, n° 600, obs. G. Poissonnier (N° Lexbase : N9687BX3).
[45] V. supra, n° 6.
[46] Circulaire du Garde des Sceaux du 17 avril 2020, préc..
[47] JORF du 16 avril 2020, texte n° 1.
[48] Circulaire du Garde des Sceaux du 17 avril 2020, op. cit..
[49] Aux termes de cet article : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ». L’alinéa suivant indique que « par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ». Dans tous les cas, la décision du juge « suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier ».
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par Corinne Potier, avocat associé, Flichy Grangé Avocats
Le 06 Mai 2020
Certaines entreprises ont poursuivi leur activité, d’autres l’ont déjà reprise et nombreuses sont celles qui envisagent de la reprendre progressivement, à compter du 11 mai prochain. Dans cette perspective, les employeurs doivent mettre en place les mesures nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité de leurs salariés face au risque de contamination au covid-19.
En la matière, les dispositions de l’article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8043LGY) selon lesquelles l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs s’appliquent. Cette obligation qui pèse sur l’employeur est une obligation de sécurité de moyens [1]. Ainsi, il n’appartient pas à l’employeur de garantir l’absence de toute contamination mais de mettre en place les mesures appropriées en fonction des risques identifiés afin d’éviter la contamination. Le respect de cette obligation de sécurité sera donc fonction de la pertinence, de l’exhaustivité des mesures prises et de leur effectivité.
Il est donc essentiel pour les entreprises d’anticiper et de préparer cette reprise d’activité avec les représentants du personnel, la médecine du travail et les salariés concernés. L’enjeu est double : mettre en place au profit des salariés un climat de confiance permettant à chacun de reprendre son activité avec le sentiment que tout est mis en œuvre pour prévenir le risque de contamination et faire en sorte que l’entreprise ne voit pas sa responsabilité engagée en raison d’une démarche de prévention jugée insuffisante.
Plusieurs entreprises ont été récemment condamnées en référé par les tribunaux judiciaires de Lille, Paris et Nanterre dont l’ordonnance de référé a été confirmée par la cour d’appel de Versailles dans un arrêt rendu le 24 avril dernier [2]. Ces décisions font suite à des recours initiés par les organisations syndicales ou par l’inspection du travail. Les juges ont considéré que les employeurs avaient manqué à leur obligation de sécurité en raison notamment d’une analyse de risques insuffisante, d’un défaut de formation des salariés ou encore de l’absence d’implication des représentants du personnel.
Alors que les contrôles des inspecteurs du travail pourraient se multiplier dans le cadre de la reprise d’activité [3], ces décisions rappellent l’importance pour les entreprises de procéder à une nouvelle évaluation des risques (I), de déterminer, en fonction de cette évaluation, les mesures de prévention nécessaires (II) et de veiller à la formation et l’information des salariés (III).
I - L’évaluation des risques
A - Le cadre légal
En application des articles L. 4121-3 (N° Lexbase : L9296I3P) et R. 4121-1 (N° Lexbase : L9062IPC) à R. 4121-4 (N° Lexbase : L8494LKS) du Code du travail, l’employeur est tenu d’évaluer, dans son entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
A cet égard, l’actualisation de l’évaluation des risques visera particulièrement à identifier les situations de travail pour lesquelles les conditions de transmission du covid-19 peuvent se trouver réunies.
On considère qu’un contact étroit avec une personne contaminée est nécessaire pour transmettre la maladie : même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement ou d’une discussion de plus de 15 minutes en l’absence de mesures de protection. L’un des vecteurs privilégiés de la transmission du virus est le contact des mains avec des surfaces contaminées.
Il est recommandé de mettre en place une évaluation de manière systématique, précise et exhaustive des risques liés à l’épidémie pour chaque situation de travail.
L’analyse de risque doit également prendre en compte les risques induits par un fonctionnement en mode dégradé. En effet, la réduction des effectifs, la baisse de l’approvisionnement, l’extension du télétravail à des personnels qui n’ont jamais été placés en télétravail peuvent générer d’autres risques. Ainsi, les risques psychosociaux (stress et anxiété face au risque de contamination pour les salariés présents sur les lieux de travail, risques d’isolement en télétravail, etc.) doivent être évalués.
Ce travail d’évaluation des risques s’inscrit dans une démarche de prévention à laquelle doivent être impérativement associés les représentants du personnel, la médecine du travail ainsi que les salariés eux-mêmes. Les plans de continuité d’activité pourront servir, le cas échéant, de base de travail.
Sur ce point, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 24 avril 2020 est source d’enseignements pour les entreprises qui préparent leur reprise d’activité.
La cour d’appel a en effet estimé que l’employeur a méconnu son obligation de sécurité notamment en raison notamment d’une évaluation des risques insuffisante.
Selon la Cour, la pertinence de l’évaluation des risques repose :
B - La mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER)
Les résultats de cette nouvelle analyse de risques doivent être transcrits dans le document unique d’évaluation des risques [4]. La circulaire n° 6 de la Direction des relations du travail du 18 avril 2002 apporte un éclairage utile, notamment sur la forme, le contenu et la mise à jour du DUER.
→ La mise à jour du document unique d’évaluation des risques nécessite-t-elle une consultation du comité social et économique (CSE) ?
En application des dispositions de l’article L. 2312-8, 4° du Code du travail (N° Lexbase : L8460LGG), le CSE doit être préalablement consulté s’agissant de toutes les mesures pouvant être adoptées par l’employeur, modifiant de manière importante l’organisation du travail et concernant la santé et la sécurité des salariés. Ainsi, dès lors que des mesures tenant à l’organisation du travail sont envisagées (modification des horaires de travail, des temps de pause, organisation du télétravail, etc.), le CSE doit être consulté.
C’est en ce sens que l’ensemble des juridictions qui ont eu à se prononcer sur cette problématique depuis le début de l’épidémie ont statué. La cour d’appel de Versailles a ainsi précisé, dans son arrêt du 24 avril dernier, qu’il appartenait à l’employeur de consulter le CSE central et les CSE d’établissement.
En la matière, le délai de consultation du CSE d’un mois était incompatible avec la situation d’urgence sanitaire. Par un décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 (N° Lexbase : L7999LW8), ce délai a été réduit à huit jours (en l’absence d’intervention d’un expert) lorsque l’information ou la consultation du CSE porte sur les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la crise sanitaire.
C - L’application de la réglementation sur le risque biologique
Le covid-19 est un agent biologique si bien que se pose la question de l’application de la règlementation en matière de prévention des risques biologiques prévue aux articles R. 4421-1 (N° Lexbase : L0999IAA) et suivants du Code du travail.
Les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l’activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques [5]. Toutefois, lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique [6], cette réglementation particulière ne devrait pas s’appliquer.
Le tribunal judiciaire de Lille, dans ses ordonnances de référé du 3 avril, du 14 avril et du 24 avril 2020, a considéré que la règlementation sur le risque biologique devait s’appliquer dès lors que l’activité pouvait exposer les salariés au risque de contamination au covid-19 et que le DUER mettait en évidence ce risque spécifique.
A la suite de quoi, le ministère du Travail a mis à jour ses recommandations à destination des employeurs, indiquant qu’« il découle de l’article R. 4421-1 du Code du travail que peuvent être considérés comme exposés au risque biologique :
L’application de cette réglementation spécifique implique des obligations supplémentaires en termes d’évaluation des risques, de mesures de prévention du risque, d’information et de formation des salariés et de suivi médical.
II - Détermination des mesures de prévention
A - Les principes de prévention
L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs [7].
Ces mesures comprennent :
L’employeur doit mettre en œuvre ces mesures nécessaires en respectant les principes généraux de prévention listés à l’article L. 4121-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6801K9R).
B - Les préconisations des pouvoirs publics et les guides professionnels
Les mesures de prévention nécessaires face au risque de contamination au covid-19 sont, a minima, celles édictées par les pouvoirs publics.
Le ministère du Travail a établi une plaquette à laquelle il convient de se référer : « Quelles mesures l’employeur doit-il prendre pour protéger la santé de ses salariés face au virus ? ».
En complément, les pouvoirs publics ont rendu public, le 3 mai dernier, le protocole national de déconfinement pour les entreprises afin d’assurer la santé et la sécurité des salariés.
Il est rappelé que la démarche de déconfinement doit conduire, par ordre de priorité, à :
Les mesures de protection collective de nature technique ou organisationnelle doivent prévaloir sur les mesures de protection individuelle. Il s’agit en premier lieu d’éviter le risque en maintenant le télétravail pour les fonctions qui le permettent.
Lorsque la présence sur les lieux de travail s’avère nécessaire, l’entreprise doit s’assurer que les règles de distanciation sociale et les « gestes barrière » sont effectivement respectés en mettant en place des mesures organisationnelles et techniques appropriées (réaménager les locaux de travail, réorganiser la circulation dans l’entreprise, limiter les réunions et les rassemblements physiques, échelonner les horaires d’arrivée et de départ ainsi que les pauses, éviter les contacts avec les surfaces communes, gérer l’intervention des entreprises extérieures, désinfecter des locaux et les équipements de travail, etc.)
Ces mesures doivent prendre en compte le fait que le protocole impose que chaque collaborateur dispose d’un espace d’au moins 4m2, y compris pour circuler.
Ce n’est que lorsque l’ensemble de ces précautions n’est pas suffisant pour garantir la protection de la santé et de la sécurité des personnes qu’elles doivent être complétées par des mesures de protection individuelle telles que le port du masque. Le port de gants est en revanche déconseillé par le protocole.
Enfin, le protocole précise que la prise de température en entreprise n’est pas recommandée.
En revanche, le protocole de déconfinement insiste sur la nécessité de rédiger préventivement, avec le concours de la médecine du travail, une procédure de prise en charge des personnes symptomatiques et d’élaborer des matrices des contacts et leur qualification (« à risque » ou « à risque négligeable ») pour faciliter l’identification des personnes contacts en cas de survenue d’un cas avéré dans l’entreprise.
A cela s’ajoutent les fiches « métiers » établis par le Gouvernement et les guides et bonnes pratiques des branches professionnelles.
Il conviendra de s’y conformer, en les adaptant, le cas échéant, aux situations spécifiques de travail de l’entreprise. En effet, l’employeur ne doit pas se contenter des seules recommandations des pouvoirs publics. Il doit tenir compte des spécificités de son activité, de ses locaux, de ses équipements de travail, etc.
A cet égard, le tribunal judiciaire de Paris précise dans l’ordonnance de référé du 9 avril 2020 concernant le Groupe La Poste que : « l’employeur ne peut dans ce domaine se borner à paraphraser les recommandations publiques et officielles du gouvernement ou des autorités sanitaires compétentes ou à annoncer des calendriers de réunions, eu égard précisément à cet impératif de spécificité visant à faire adopter dans l’exercice même de son pouvoir de direction des mesures génériques et adaptées pouvant bien sûr être de portée générale mais sous réserve de pouvoir se décliner sans difficultés majeures ni contretemps inutiles dans toute la gamme des différents échelons locaux ».
Ces mesures ont vocation à évoluer en fonction de la situation sanitaire, des directives gouvernementales, des retours d’expérience dans l’entreprise, des dispositions conventionnelles applicables et des recommandations par secteur d’activité.
C - L’effectivité des mesures de prévention
Les employeurs devront veiller à l’effectivité des mesures de prévention prévues et retranscrites dans le DUER. Cette évaluation passe par une surveillance de l’approvisionnement en masques, en gel hydro-alcoolique, lingettes désinfectantes, balises et rubans, etc.
L’entreprise devra également mettre en place des outils de contrôle. Par exemple, elle peut :
L’effectivité des mesures prises par l’employeur nécessite l’implication de tous les salariés. Les dispositions de l’article L. 4122-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1458H9U) posent comme principe que chaque salarié est acteur de sa propre protection puisqu’il doit « prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et sécurité ainsi que celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».
Ainsi, il appartiendra à chaque salarié de respecter les « gestes barrière », les mesures organisationnelles prévues par son employeur et de se signaler en cas de symptômes du covid-19. Pour ce faire, il importe que les salariés soient informés des mesures prises par l’employeur, qu’elles soient comprises et que des formations soient dispensées, spécialement s’agissant du port des équipements de protection individuelle.
III - Les actions d’information et de formation des salariés
A - Le cadre légal
L’article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8043LGY) énonce, parmi les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs, l’existence d’actions d’information et de formation.
L’étendue de l’obligation d’information et de formation à la sécurité varie selon la taille de l’établissement, la nature de son activité, le caractère des risques qui y sont constatés et le type d’emploi des travailleurs [8].
L’information et la formation des salariés constituent des mesures essentielles afin de protéger leur santé, d’assurer leur sécurité et de leur permettre de s’adapter aux contraintes inhérentes à la situation sanitaire (et notamment aux changements apportés au fonctionnement technique, organisationnel et humain) liés à la prise en compte du risque de contamination au covid-19).
Les mesures techniques et organisationnelles permettant l’adaptation des situations de travail devront être détaillées et expliquées afin d’être acceptées et mises en œuvre efficacement.
En la matière, la médecine du travail joue un rôle essentiel. L’ordonnance 2020-386 du 1er avril 2020 (N° Lexbase : L6263LWU) prévoit que pendant la crise sanitaire, le médecin du travail est chargé de diffuser, à l’attention des employeurs et des salariés, des messages de prévention contre le risque de contagion.
B - La formation indispensable au port des équipements de protection individuelle (EPI)
Des formations devront être dispensées sur les modalités de port des équipements de protection individuelle (masques, visières, etc.), et si possible avant même la reprise de l’activité.
En effet, selon l’article R. 4323-105 du Code du travail (N° Lexbase : L0798LIE), l’employeur fait bénéficier les travailleurs devant être équipés de protection individuelle d’une formation adéquate, comportant en tant que de besoin, un entraînement au port de cet équipement.
Cette formation est renouvelée aussi souvent que nécessaire pour que l’équipement soit utilisé conformément à la consigne d’utilisation.
La formation doit notamment porter sur :
Ces formations devront être renouvelées autant que de besoin par l’employeur pour l’ensemble des salariés, travailleurs temporaires et prestataires de services.
C - Les actions d’information des salariés
L’information sur les risques de contamination au covid-19 ainsi que sur les mesures « barrière » à respecter est essentielle. Ces informations doivent être visibles par tous les salariés et tiers à l’entreprise dans chaque zone de passage de l’établissement (intérieur et extérieur).
Les règles d’hygiène peuvent être rappelées par le biais d’infographies (lavage de mains, fréquence, consigne de se laver les mains avant de rentrer dans les toilettes, règles d’utilisation des essuie-mains, prévoir des poubelles avec commande au pied, respect de la distance d’un mètre, etc.).
Les consignes à respecter et spécialement celles mises en place en cas de suspicion de contamination au covid-19 doivent être régulièrement portées à la connaissance de l’ensemble du personnel (rappel des mesures par emails, par voie d’affichage).
Dans son arrêt du 24 avril 2020, la cour d’appel de Versailles est venue préciser que l’information devait être individualisée selon les postes de travail.
Les actions à mener en vue de la reprise de l’activité sont multiples et complexes. Elles sont en outre susceptibles d’évoluer en fonction de la situation sanitaire. Ainsi, la mise en place d’une cellule de crise est souhaitable afin d’assurer une bonne coordination des différentes actions à mener. Dans ce contexte, les employeurs doivent impérativement favoriser le dialogue social et s’assurer que les mesures prises sont effectives dans l’entreprise en veillant à leur respect et à leur adaptation au plus près des situations spécifiques de travail. Les mesures de prévention devront être comprises de l’ensemble des salariés dûment formés et informés. Enfin, rappelons qu’il est essentiel de formaliser cette démarche de prévention, et le suivi des mesures prises, afin d’être en mesure d’en justifier en cas de contentieux. |
[1] Ass. plén., 25 novembre 2015, n° 14-24.444, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7767NXX) ; Ass. plén., 5 avril 2019, n° 18-17.442 (N° Lexbase : A1652Y8P).
[2] CA Versailles, 24 avril 2020, n° 20/01993 (N° Lexbase : A99883K7), lire B. Fieschi, Le risque de la poursuite d’activité dans un contexte d’état d’urgence sanitaire, Lexbase Social, 2020, n° 822 (N° Lexbase : N3136BYS).
[3] V. instruction DGT, 22 avril 2020.
[4] C. trav., art. R. 4121-2 (N° Lexbase : L9061IPB).
[5] C. trav., art. R.4421-1, alinéa 1er (N° Lexbase : L0999IAA).
[6] C. trav., art. R.4421-1, alinéa 2.
[7] C. trav., art. L. 4121-1 (N° Lexbase : L8043LGY).
[8] C. trav., art. L. 4141-3 (N° Lexbase : L1488H9Y).
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Réf. : Ordonnance du 27 avril 2020 du président du tribunal judiciaire de Paris (N° Lexbase : A23513LN)
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N3264BYK
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 12 Mai 2020
► Monsieur Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de paris, a rendu une ordonnance le 27 avril 2020 portant sur l’organisation du service civil du tribunal judiciaire, pour les chambres civiles à représentation obligatoire et procédure écrite ainsi que pour le pôle famille pour ces mêmes procédures (divorce, liquidations d’indivisions et état des personnes/filiations, uniquement) et le départage prud’homal, aux visas de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 4, 5 et 8 (N° Lexbase : L5722LWT), l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7), l’ordonnance de roulement du 3 janvier 2020, l’ordonnance portant application du plan de continuité d'activité du 16 mars 2020.
L’ordonnance apporte les précisions suivantes :
Important : la date de l’ordonnance doit être considérée comme le point de départ d’un délai de quinze jours pour permettre aux avocats concernés par les dossiers précités de s’opposer à la procédure sans audience, par message RPVA (conformément aux dispositions de l’article 8, alinéa 2, de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020)
Les modalités pratiques de dépôt des dossiers sont les suivantes.
Le dossier devra comporter :
- le dossier de plaidoirie ;
- le formulaire adapté parmi les modèles annexés à l’ordonnance ;
- un exemplaire des dernières conclusions notifiées par voie électronique, ainsi que le bordereau de pièces ;
- les pièces visées au bordereau.
Pour le pôle famille, le dossier devra être déposé à l’accueil vitré face à l’amphithéâtre Drai, le lundi de 9h00 à 12h00, en échange d’un récépissé remis par le greffe.
Pour les chambres civiles suivantes et les dossiers de départages prud’homal : 1ère chambre, 2ème chambre, 4ème chambre, 5ème chambre, 6ème chambre, 7ème chambre, 8ème chambre, 9ème chambre, les chambre du pôle économique et commercial (sociétés civiles et responsabilité des professions du chiffre, 3ème chambre et 18ème chambre), pôle social (1ère chambre, 4ème section uniquement) ainsi que le pôle réparation du préjudice corporel (19ème chambre) et les affaires de départage prud’homal à l’accueil vitré face à l’amphithéâtre Drai, le mardi, mercredi, et jeudi de 9h00 à 12h00, en échange d’un récépissé remis par le greffe.
Le magistrat pourra également inviter les avocats, mais à sa seule initiative, à procéder à une communication dématérialisée des conclusions et pièces via la plateforme sécurisée gouvernementale Atlas, en leur adressant un ticket à cette fin.
Concernant les affaires non encore clôturées (mais déjà fixées pour une audience - cas d’une clôture différée), le président de la formation procédera à la clôture de l’instruction dès réception des dossiers des avocats.
Pour les affaires de départage prud’homal : il sera statué à juge unique (en application de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020).
Le président, invite les parties à s’approprier les méthodes alternatives de règlement des litiges (MARD) et notamment, pour les affaires civiles en cours, la procédure participative de mise en état.
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Réf. : Ordonnance de roulement du 23 avril 2020 du premier président de la cour d’appel de Paris (N° Lexbase : A23503LM)
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N3253BY7
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 12 Mai 2020
► Monsieur Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d’appel de paris, a rendu une ordonnance de roulement le 23 avril 2020 (N° Lexbase : A23503LM) portant sur l’organisation du service civil de la cour d’appel, et la mise en œuvre de la procédure sans audience, aux visas de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1 et 8 (N° Lexbase : L5722LWT), l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7), l’ordonnance n° 643/2019 du 31 décembre 2019 portant organisation des services, l’ordonnance n° 105/2020 du 16 mars 2020 modifiée, prise en exécution du plan de continuité d'activité de la cour d'appel.
L’ordonnance apporte les précisions suivantes.
- pour les dossiers qui étaient fixés pour des audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6 , pour la période comprise entre le 16 mars et le 30 avril 2020, ils seront traités selon la procédure sans audience prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 susvisée s'ils n'ont pas déjà été renvoyés ou mis en délibéré ;
- pour les dossiers fixés aux audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6, pour la période comprise entre le 4 et le 10 mai 2020, ils seront également traités, à compter du 11 mai 2020, selon la procédure sans audience prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304.
- pour les dossiers qui étaient fixés aux audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6, pour la période comprise entre le 16 mars et le 30 avril 2020, ils seront également traités selon la procédure sans audience prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 précitée s'ils n'ont pas déjà été renvoyés ou mis en délibéré ;
- pour les dossiers fixés aux audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6, pour la période comprise entre le 4 et le 10 mai 2020, ils seront également traités selon la procédure sans audience, à compter du 11 mai 2020, selon la procédure sans audience prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 ;
- pour les dossiers fixés aux audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6, pour la période comprise entre le 11 et le 24 mai 2020, ils seront traités selon la procédure sans audience prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 précitée.
les dossiers fixés aux audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6, pour la période comprise entre le 16 mars et le 24 mai 2020, ils seront renvoyés à une date d'audience des chambres concernées à partir du 28 septembre 2020.
les avocats concernés par les dossiers disposent d’un délai lai de 15 jours à compter de l'information donnée par tout moyen par le juge ou le président de la formation de jugement du recours à la procédure sans audience pour consentir à la procédure sans audience selon le formulaire qui est annexé à l’ordonnance.
Le dossier devra comporter :
- le dossier de plaidoirie ;
- le formulaire d’acceptation de la procédure sans audience, annexé à l’ordonnance ;
- dans les procédures avec représentation obligatoire : un exemplaire des dernières conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique ;
- dans les procédures sans représentation obligatoire : des écritures, accompagnées d'un bordereau des pièces, récapitulant leurs prétentions et leurs moyens, qui auront été préalablement notifiées à leurs contradicteurs par voie électronique ;
- les pièces visées au bordereau ;
- le cas échéant, à la demande du juge ou si l’avocat l’estime opportun, une clé 1.1SB non cryptée contenant les conclusions (ou les écritures) et les pièces.
Etant précisé que le dossier de plaidoirie devra être déposé au plus tard dans les 5 jours de l'expiration du délai de 15 jours visé à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 précitée à l'accueil du greffe civil-social (1D04).
le président de la chambre procédera à la clôture de l'instruction au jour de l'audience initialement fixée, l'ordonnance de clôture étant formalisée ultérieurement et versée au dossier. Il en avisera les parties et les informera par tout moyen de la date à laquelle le jugement sera rendu dès réception des dossiers.
Enfin, l’ordonnance précise qu’entre le 4 et le 11 mai 2020, en l'absence de possibilité de communiquer par RPVA, les avocats pourront s'adresser à la juridiction par le biais de l'adresse électronique des présidents de chambres, dont la liste devait être annexée à l’ordonnance (l’annexe a été omise) ; au-delà de cette date, le traitement de la messagerie du RPVA sera progressivement assuré par le greffe.
A retenir : la procédure sans audience concerne l’ensemble des dossiers avec ou sans représentation obligatoire, dans lesquels les parties sont assistées ou représentées, fixés pour des audiences comprises entre le 16 mars et le 24 mai 2020. Les parties ont 15 jours pour y consentir, et elles disposeront d’un délai de 5 jours à l’expiration de ce dernier pour déposer leur dossier avec les pièces annexe à l’accueil du greffe civil social (1D04). |
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Réf. : Cons. const., décision n° 2020-836 QPC, du 30 avril 2020 (N° Lexbase : A10723LB)
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N3182BYI
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par June Perot
Le 27 Mai 2020
► Pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans sa décision du 20 septembre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-802 QPC, du 20 septembre 2019 N° Lexbase : A8596ZNP, v. A. Danet, comm., Lexbase Pénal, octobre 2019 N° Lexbase : N0663BY9), le Conseil constitutionnel a retenu qu’eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce le recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées de l’article 706-71 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7459LPX) portent une atteinte excessive aux droits de la défense et sont donc contraires à la Constitution ;
le Conseil avait relevé en effet que, par exception, en matière criminelle, en application de l'article 145-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3506AZU), la première prolongation de la détention provisoire pouvait n'intervenir qu'à l'issue d'une durée d'une année ; il en résultait qu'une personne placée en détention provisoire pouvait se voir privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire.
C’est ainsi que s’est prononcé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 avril 2020 (Cons. const., décision n° 2020-836 QPC, du 30 avril 2020 N° Lexbase : A10723LB).
La question soumise au Conseil constitutionnel par la Chambre criminelle (Cass. crim., 4 février 2020, n° 19-86.945, FS-D N° Lexbase : A92523DZ) portait sur le quatrième alinéa de l'article 706-71 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC). Cet article fixe les conditions dans lesquelles il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour les audiences de la chambre de l'instruction relatives au contentieux de la détention provisoire.
Le requérant faisait valoir que ces dispositions reprennent les mots « la chambre de l'instruction » déclarés contraires à la Constitution, dans une précédente version de l'article 706-71 du Code de procédure pénale, par la décision du 20 septembre 2019 mentionnée ci-dessus. Selon lui, ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans cette décision. En effet, elles ne feraient pas obstacle à ce que, en matière criminelle, une personne placée en détention provisoire puisse être privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant un juge.
Recevabilité de la QPC. Cette question est probablement ce qu'il faut retenir de la décision. Le Conseil, pour pouvoir se prononcer sur la question, rappelle que l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel fait obstacle à ce qu'il soit saisi d’une QPC relative à la même version d’une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf en cas de changement de circonstances. Si, dans sa décision du 20 septembre 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution des dispositions de l'article 706-71 du Code de procédure pénale identiques à celles contestées dans la présente procédure, les dispositions déclarées inconstitutionnelles figuraient dans une autre rédaction de cet article 706-71.
Sans s’appesantir à nouveau sur les motifs de cette inconstitutionnalité, le Conseil énonce que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 7 à 13 de la décision du 20 septembre 2019, ces dispositions portent une atteinte excessive aux droits de la défense et doivent être déclarées contraires à la Constitution.
Effets de l’inconstitutionnalité. Le Conseil relève que, d’une part, en l'espèce, l'abrogation immédiate des mots « la chambre de l'instruction » aurait pour effet de rendre impossible tout recours à la visioconférence pour les audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 octobre 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées. D'autre part, la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Pour aller plus loin : A. Danet, Visioconférence et détention provisoire : confirmation à l’identique de la non-conformité, Lexbase Pénal, mai 2020 (N° Lexbase : N3379BYS) A. Danet, Conseil constitutionnel et visioconférence dans le procès pénal ou la double illusion du progrès, Lexbase Pénal, octobre 2019 (N° Lexbase : N0663BY9). A. Danet est auteur notamment d’une thèse sur La présence en droit processuel. N. Catelan, ETUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, Les étapes du placement en détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4181Z9Q) |
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Réf. : CJUE, 30 avril 2020, aff. C-584/18 (N° Lexbase : A10593LS)
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N3208BYH
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par Vincent Téchené
Le 06 Mai 2020
► Le refus d’embarquement opposé à un passager au motif que celui-ci aurait présenté des documents de voyage prétendument inadéquats ne prive pas, en lui-même, le passager de la protection prévue par le Règlement en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers aériens (Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 N° Lexbase : L0330DYU) ; en cas de contestation de la part de ce passager, il appartient à la juridiction compétente d’apprécier le caractère raisonnablement justifié ou non de ce refus.
Tel est le principal apport d’un arrêt rendu par la CJUE le 30 avril 2020 (CJUE, 30 avril 2020, aff. C-584/18 N° Lexbase : A10593LS).
L’affaire. Un ressortissant du Kazakhstan, s’est rendu à l’aéroport de Larnaca (Chypre) en vue d’embarquer sur un vol d’une compagnie aérienne roumaine à destination de Bucarest (Roumanie) où il avait prévu de séjourner jusqu’au 12 septembre 2015. Lors du contrôle à l’aéroport, il a présenté son passeport, un titre de séjour temporaire chypriote, la demande de visa d’entrée sur le territoire roumain qu’il avait antérieurement introduite sur le site internet du ministère des Affaires étrangères roumain, ainsi que la réponse dudit ministère selon laquelle un tel visa n’était pas nécessaire. Contacté par les employés de la société agissant en qualité de mandataire de la compagnie aérienne à l’aéroport de Larnaca, le personnel au sol de cette dernière à l’aéroport de Bucarest a indiqué que le passager ne pouvait entrer en Roumanie à défaut d’être en possession d’un visa national, ce qui a eu pour conséquence que celui-ci a été refusé à l’embarquement. Il a alors formé un recours contre la compagnie aérienne devant le juge chypriote en vue d’être indemnisé du préjudice qu’il estimait avoir subi en conséquence de ce refus. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour de justice d’interpréter la décision sur le régime simplifié de contrôle des personnes aux frontières extérieures, le code frontières Schengen (Règlement n° 562/2006 du 15 mars 2006 N° Lexbase : L0989HIH) ainsi que le Règlement en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers aériens.
La décision. La Cour estime tout d’abord que, dès lors qu’un Etat membre concerné par la décision précitée s’engage, comme l’a fait la Roumanie, à appliquer la décision et le régime prévu à l’article 3 de celle-ci et à reconnaître comme équivalant à ses propres visas les visas nationaux et les titres de séjour délivrés par les autres Etats membres destinataires de cette décision, cet Etat membre est tenu de reconnaître, en principe, tous les documents visés par cet article pour les séjours n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours et ne peut pas déroger, au cas par cas, à ce régime. Etant donné que ladite disposition de la décision, à cet égard, satisfait aux critères d’inconditionnalité et de précision suffisante, la Cour juge qu’un ressortissant d’un Etat tiers, titulaire d’un visa d’entrée ou d’un titre de séjour bénéficiant d’une telle reconnaissance, peut invoquer cette disposition à l’encontre de cet Etat membre (effet direct). Néanmoins, le passager ne peut pas opposer la décision au transporteur aérien qui lui a refusé l’embarquement au motif que l’entrée sur le territoire de l’Etat membre de destination aurait été refusée par les autorités de ce dernier Etat puisque, ce faisant, le transporteur aérien n’agit pas en tant qu’émanation de cet Etat membre.
Ensuite, soulignant que, en vertu du code frontières Schengen, le refus d’entrée est soumis à des conditions de forme particulièrement strictes, notamment destinées à préserver les droits de la défense, la Cour indique que le fait qu’un transporteur aérien refuse l’embarquement à un ressortissant d’un Etat tiers, en l’absence de décision de refus d’entrée écrite, motivée et communiquée à l’intéressé, est contraire à ce code.
Enfin, la Cour juge que le refus d’embarquement motivé par le caractère prétendument inadéquat des documents de voyage ne prive pas, en lui-même, le passager de la protection sur le fondement du Règlement en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers aériens. Dès lors, en cas de contestation, il appartient à la juridiction compétente d’apprécier le caractère raisonnablement justifié ou non d’un tel refus d’embarquement. A cet égard, le Règlement en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers aériens s’oppose à une clause, contenue dans les conditions générales du transporteur aérien, qui limite ou exclut la responsabilité de celui-ci en cas de refus d'embarquement pour des raisons tenant au caractère prétendument inadéquat des documents de voyage du passager, et prive ainsi le passager de son éventuel droit à indemnisation.
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N3171BY4
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences en droit public à l’Université de Caen-Normandie, Centre Maurice Hauriou (Université Paris V- Descartes) et directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de l'urbanisme"
Le 06 Mai 2020
Le règlement national d’urbanisme (RNU) est constitué de dispositions législatives et réglementaires insérées dans le code de l’urbanisme qui encadrent le droit à construire. Il comprend, traditionnellement, deux catégories de dispositions : celles qui s’appliquent en l’absence de document d’urbanisme et celles qui s’appliquent nonobstant l’existence d’un tel document.
Les dispositions législatives relèvent majoritairement de la seconde catégorie, étant précisé que plusieurs articles du code de l’urbanisme permettent, sous conditions, au pouvoir réglementaire local de déroger aux règles nationales d’application générale. C’est le cas, par exemple des contraintes posées par l’article L. 111-6 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2243KIW) qui interdit les constructions à moins de 150 mètres des grands axes routiers, règle à laquelle le PLU peut déroger pour prévoir d’autres règles, sous réserve de la réalisation d’une étude « justifiant, en fonction des spécificités locales, que ces règles sont compatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages » (C. urb., art. L. 111-8 N° Lexbase : L2245KIY).
La proportion est inversée pour les dispositions réglementaires. Les dispositions réglementaires les plus nombreuses sont constituées par les règles qui ne s’appliquent que lorsque le territoire de la commune n’est pas couvert par un plan local d’urbanisme ou un document en tenant lieu. Autrement dit, ces règles agissent comme un filet de sécurité dans deux hypothèses principales : soit la commune n’est effectivement pas encore couverte par un PLU, soit le document a été annulé mais il n’existe aucun document que cette annulation serait susceptible de faire revivre ce qui prise d’effet le principe énoncé par l’article L. 600-12 du Code de l’urbanisme. Toutefois, l’article R. 151-19 (N° Lexbase : L0323KWU), issu du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ([LXB=]) prévoit que le PLU intercommunal peut faire application, dans une ou plusieurs zones urbaines, des articles R. 111-3 (N° Lexbase : L0568KWX), R. 111-5 (N° Lexbase : L0566KWU) à R. 111-13, R. 111-15 (N° Lexbase : L7527ICR) à R. 111-18 et R. 111-28 (N° Lexbase : L9934IT4) à R. 111-30. Ces articles, qui ne sont ordinairement pas applicables lorsqu’il existe un PLU deviennent alors applicables. En outre, on relèvera que les PLU contiennent fréquemment des règles de nature identique à celles contenues dans ces articles, telles que les exigences liées à la circulation des véhicules de lutte contre l’incendie de l’article R. 111-5, même si le document local peut prévoir des contraintes plus précises que celles qui figurent dans le RNU.
Parmi les dispositions du RNU qui s’appliquent même en présence d’un PLU, deux d’entre elles méritent qu’on s’y arrête : l’article R. 111-2 (N° Lexbase : L0569KWY) relatif à la sécurité et à la salubrité ainsi que l’article L. 111-11 (N° Lexbase : L2248KI4) relatif à la desserte des constructions par les réseaux. Ces deux dispositions présentent un double intérêt : d’une part, ces règles anciennes ont peu évolué et, d’autre part, la violation de ces deux articles est assez fréquemment invoquée à l’appui des recours dirigés contre les autorisations d’urbanisme : il semble donc utile de faire le point sur la jurisprudence applicable à ces deux articles.
I – La desserte de la construction par les réseaux : l’article L. 111-11
A - L’exigence de raccordement aux réseaux.
L’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme pose les contraintes suivantes : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés.
Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies (…) »
Cette exigence ancienne a été formulée différemment sous l’empire des versions antérieures du code de l’urbanisme mais l’essentiel demeure à peu près constant : le projet de construction doit être raccordé aux réseaux de distribution ou doit pouvoir l’être et l’autorité doit alors connaître le délai de réalisation de ces travaux. Son application est rare en zone fortement urbanisée dès lors que ces zones se caractérisent précisément par la densité des réseaux d’eau d’assainissement ou d’électricité. En revanche, elle est plus fréquente en zone rurale et l’article L. 111-11 constitue un moyen régulièrement invoqué par les autorités, à l’appui d’un refus d’autorisation, ou par les auteurs des recours dirigés contre des autorisations délivrées par des administrations locales qui ne sont pas toujours très regardantes sur ce point.
L’objet de cette disposition, antérieurement codifiée à l’article L. 111-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9979LMK), est ainsi exposée par le Conseil d’Etat :
« (elles) poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité ; (…) une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent, notamment du réseau public de distribution d'eau, ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente ; (…) pour le réseau public de distribution d'eau, une telle modification peut notamment consister en l'installation d'une canalisation d'une longueur importante traversant des terrains autres que celui du pétitionnaire ; que l'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour un projet qui exige une modification de la consistance d'un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité ou lorsque des travaux de modification du réseau ont été réalisés sans son accord » (CE, 11 juin 2014, n° 361074 N° Lexbase : A6688MQR).
La protection de l’intérêt général et des deniers publics constitue donc le fondement de cette disposition : l’initiative privée ne peut contraindre l’autorité publique à devoir réaliser des travaux de renforcement des réseaux, dès lors que de tels travaux n’ont pas été expressément décidés par celle-ci. Concrètement, l’article L. 111-11 protège les personnes publiques de la politique du fait accompli, tant qu’au regard du projet que de ses conséquences. Il ne faudrait pas, par exemple, que la présence d’une canalisation réalisée par le pétitionnaire sur d’autres terrains que le sien conduisent les propriétaires de ces terrains à considérer que ceux-ci sont desservis par le réseau public de distribution de l’eau et donc constructibles si tel n’est pas le cas. La collectivité serait ainsi mise devant le fait accompli une première fois et cette hypothèse pourrait se reproduire dans l’avenir, les autres pétitionnaires potentiels estimant pouvoir se greffer sur l’initiative et sur la canalisation réalisée par le premier pétitionnaire.
Une cour commet donc une erreur de droit en jugeant que le permis ne pouvait être refusé sur le fondement de l’article L. 111-4 au motif que le pétitionnaire avait déjà réalisé le branchement nécessaire en installant une conduite privée de quelque 400 mètres pouvant être raccordée au réseau existant et que la commune ne démontrait pas l'impossibilité technique de ce raccordement (CE, 11 juin 2014, n° 361074, précité).
La primauté de l’intérêt général est donc assurée même si le code de l’urbanisme prévoit cependant un équilibre avec le respect des intérêts privés dès lors que l’article L. 332-15 (N° Lexbase : L2315IEH) permet au pétitionnaire de participer au financement de ces travaux d’extension des réseaux.
B - L’absence de pouvoir discrétionnaire
La jurisprudence a toujours considéré que l’administration se trouve ici en situation de compétence liée : dès lors que le dossier de demande n’indique pas dans quel délai les travaux de raccordement du projet de construction peuvent être réalisés, l’autorité administrative est dans l’obligation d’opposer un refus à la demande de permis (CE, 22 mars 1978, n° 03566 N° Lexbase : A5098B8C ; CE, 15 mai 1981, n° 21617 N° Lexbase : A6624AKK). En revanche, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction, qu’à la date de la décision, l’autorité compétente, n’était pas en mesure d’indiquer le délai de réalisation des travaux de raccordement, l’autorité chargée de délivrer l’autorisation ne peut opposer un refus sur ce fondement : le juge ne vérifie donc pas si l’avis a été rendu concrètement mais si l’autorité qui doit se prononcer sur la réalisation des travaux est, ou non, en mesure de rendre son avis (CE, 23 janvier 1981, n° 19196 N° Lexbase : A6069AKY ; CE, 23 octobre 1981, n° 21837 N° Lexbase : A6790AKP; CE, 26 mai 1993, n° 129130 N° Lexbase : A9483AM8).
La rédaction de l’arrêt du 11 juin 2014 précité recélait une incertitude sur ce point puisqu’il relève « que l'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire », ce qui semblait ouvrir la porte à l’existence d’un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, on peut penser qu’il s’agit là d’une maladresse de rédaction dès lors que les termes de l’article L. 111-4 ne laissent aucune possibilité à l’autorité administrative de délivrer un permis alors que la condition qu’il énonce ne serait pas remplie. En outre, au vu de la motivation de cette décision qui fait prévaloir l’intérêt public en préservant le pouvoir de décision de l’autorité, la reconnaissance d’une compétence liée permet de garantir au mieux cette primauté. Il faut en effet parfois protéger les collectivités contre elles-mêmes et se prémunir contre certaines déviances. Or si la mise en œuvre de cet article traduisait un pouvoir discrétionnaire, un permis de construire pourrait être délivré contrairement à l’intérêt général qu’il tend à garantir, que ce soit de manière involontaire ou, de manière plus préoccupante, de manière volontaire.
Un arrêt ultérieur est venu mettre fin à cette incertitude et précise au sujet de l’article L. 111-4 :
« Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation » (CE, 27 juillet 2015, n° 374035 N° Lexbase : A0783NNC, confirmé par CE, 8 juillet 2019, n° 418292 N° Lexbase : A7286ZK3).
L’absence de pouvoir discrétionnaire en cette matière ne fait donc aucun doute. Ce pouvoir discrétionnaire est cependant conditionné par les contraintes posées par le texte.
Le juge ne peut ainsi se fonder sur le seul constat de la nécessité de ces travaux pour juger que la construction projetée n'était pas reliée au réseau électrique, sans rechercher si la commune était en mesure d'indiquer le délai dans lequel le réseau serait réalisé (CE, 28 octobre 2017, n° 399165 N° Lexbase : A7898W9E).
De même, une cour commet une erreur de droit en confirmant un refus de permis de construire fondé sur l’article L. 421-5 (N° Lexbase : L6016LUD) en jugeant que le maire était tenu de rejeter la demande de permis dès lors que la desserte de la construction projetée requérait des travaux sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement et d'électricité, sans rechercher, si le maire était ou non en mesure, à la date de la décision litigieuse, d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou quel concessionnaire de service public ces travaux devaient être exécutés (CE, 4 mars 2009, n° 303867 N° Lexbase : A5755EDI).
C - Le champ d’application
L’article L. 111-11 s’applique au permis de construire (CE, 4 mars 2009, n° 303867 N° Lexbase : A5755EDI; CE, 30 mars 2011, n° 324552 N° Lexbase : A3721HMR; CE, 27 octobre 2016, n° 387984 N° Lexbase : A9261SEQ; CE, 28 octobre 2017, n° 399165 (N° Lexbase : A7898W9E), mais également aux certificats d’urbanisme (CE, 26 décembre 2012, n° 351680 N° Lexbase : A1451IZR).
L’exigence légale n'impose pas que l'autorité délivrant le permis soit en mesure de fixer la date précise d'achèvement des travaux. L'intention de les réaliser doit pouvoir être établie et peut être considérée comme telle si les procédures nécessaires à leur réalisation ont été engagées à la date de délivrance du permis de construire : c’est le cas lorsqu’un conseil municipal a délibéré à plusieurs reprises sur le projet d'extension d’une station d'épuration puis, par sa délibération ultérieure, a autorisé le maire à procéder à la consultation des entreprises chargées de ces travaux (CE, 21 février 2013, n° 350294 N° Lexbase : A5331I8X). Par conséquent, l’autorité n’est pas tenue de refuser le permis dès lors que la commune prévoyait la réalisation, dans un délai de deux à trois années à compter de cette date, de l'extension nécessaire pour assurer la desserte de la construction projetée (CE, 5 décembre 1990, n° 78973 N° Lexbase : A8733AQI). La simple indication de l’année de réalisation des travaux (CE, 7 janvier 1991, n° 75680 N° Lexbase : A0158ARB) ou d’un délai de réalisation compris entre quatre et six mois (CE, 8 juillet 2019, n° 418292 N° Lexbase : A7286ZK3) suffit.
Ainsi, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l’autorité n'a pas été en mesure d'indiquer dans quels délais et selon quelles modalités pouvaient être effectués les travaux d'assainissement nécessaires à la desserte d’une construction, elle ne méconnaît pas l’exigence légale en ne refusant pas le permis demandé (CE, 29 juin 1990, n° 83542 N° Lexbase : A7547AQL).
Dès lors que le permis a été accordé au vu d'un dossier prévoyant le raccordement d'une canalisation destinée à desservir les bâtiments projetés au collecteur d'égouts intercommunal, que la réalisation de cet ouvrage a été décidée par délibération du comité syndical de l'agglomération qui a, en outre, par une délibération antérieure au permis contesté, désigné le maître d'ouvrage du projet et chargé son président de mener toutes les démarches utiles en vue d'engager les travaux, l’exigence légale est remplie (CE, 21 juin 1995, n° 139449 N° Lexbase : A4544ANM).
Le cas des zones d’aménagement concertée mérite une mention particulière : dans cette hypothèse, les permis de construire, qui s'inscrivent dans l'opération de la ZAC pour laquelle toutes les indications utiles sur les travaux de raccordement aux différents réseaux figurent dans le plan d'aménagement de la ZAC, visé par les permis en cause, ne peuvent être refusées sur le fondement de l’ancien article L. 421-5 (CE, 6 février 1998, n° 132618 N° Lexbase : A6235ASQ).
De même, les conditions posées par l’article L. 111-4 ne sont pas remplies dès lors que le cahier des charges de la cession des terrains de la ZAC prévoyait que l’aménageur devait exécuter les travaux de canalisation d'eau et d'électricité dans les douze mois suivant la cession de chaque lot et que la pétitionnaire avait présenté dans son dossier de demande de permis de construire une lettre de la société d'aménagement qui rappelait son engagement contractuel à exécuter tous les travaux à sa charge dans les délais nécessaires pour assurer la desserte des bâtiments, au fur et à mesure de leur mise en service (CE, 27 octobre 2016, n° 387984 N° Lexbase : A9261SEQ).
Bien entendu, le champ d’application de l’article L. 111-11 est borné.
Il ne s’applique évidemment pas aux projets exemptés de permis de construire (CE, 10 juillet 1995, n° 118853 et n° 118874 N° Lexbase : A4923ANN).
Il en va de même lorsque la réalisation du projet ne nécessite aucun raccordement aux réseaux : tel est le cas lorsque la demande de permis de construire porte sur un bâtiment ayant pour unique objet d'être utilisé comme un garage abritant les ULM évoluant depuis l'aérodrome privé pour lequel le pétitionnaire dispose d'une autorisation et que le permis de construire est assorti de prescriptions formulées par le service départemental d'incendie et de secours imposant la réalisation d'une réserve d'eau de 120 mètres cubes. Dans une telle 7hypothèse, la desserte de la construction projetée n'implique pas d'extension ou de renforcement des réseaux publics d'assainissement ou de distribution d'eau ou d'électricité (CE, 9 mars 2009, n° 296538 N° Lexbase : A7879ED7).
De plus, si le projet ne nécessite pas de travaux de raccordement au réseau d’eaux pluviales, autres que ceux prévus par le dossier de demande de permis, le permis n’a pas à prévoir de prescriptions particulières relatives à l’extension de ce réseau. Le moyen invoquant une prétendue violation de cette exigence se trouve donc dépourvu de fondement (CE, 22 février 1984, n° 35589 N° Lexbase : A7404ALS; CE, 24 octobre 1990, n° 79684 N° Lexbase : A8211AQ8; CE, 14 avril 1995, n° 128360, n° 129254, n° 129257, n° 139649 N° Lexbase : A3363ANU) et en l’absence de tout nécessité de réaliser des travaux, les réseaux étant situés à proximité du projet, l’autorité ne peut refuser de délivrer le permis sur ce fondement (CE, 28 janvier 1987, n° 69304 N° Lexbase : A3185APN).
Enfin, même si la desserte en zone urbaine est, par principe, moins problématique qu’en zone rurale, la seule localisation du projet en zone urbaine ne suffit pas à écarter l’application de l’article L. 111-11, antérieurement codifiée sous le numéro L. 421-5. Par conséquent, ce n’est pas parce que les zones urbaines sont définies par un ancien article R. 123-18 (N° Lexbase : L2274IW7) comme « des zones dans lesquelles les capacités des équipements publics existants ou en cours de réalisation permettent d'admettre immédiatement des constructions » que les exigences de l’article L. 111-11 doivent être considérées comme automatiquement remplies (CE, 5 novembre 1984, n° 49964 N° Lexbase : A5166ALW). Cette solution demeure valable dans le cadre de l’actuelle définition des zones urbaines contenue dans l’article R. 151-8 dès que le concept d’implantation immédiate demeure au centre de cette définition actuelle selon laquelle : « Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ».
D - Les considérations indifférentes
La jurisprudence écarte plusieurs considérations qui ne peuvent être utilement invoquées pour faire obstacle à l’article L. 111-11.
Ces considérations peuvent être juridiques : la circonstance que l’autorisation individuelle soit de nature à conférer des droits acquis à son titulaire ne peut faire obstacle à l’application de cette règle (CE, 15 mai 1981, n° 21617 N° Lexbase : A6624AKK).
De même, la délivrance d’un certificat d’urbanisme qualifiant un terrain de constructible ne fait pas obstacle à l’application de l’exigence de l’article L. 111-11 (CE, 28 février 1986, n° 55071 N° Lexbase : A5456AMZ). Il en va de même d’un certificat mentionnant la " réalisation aux frais du pétitionnaire des travaux de voirie et réseaux divers rendus nécessaires par l'opération en accord avec les services publics intéressés " (CE, 20 juillet 1988, n° 57517 N° Lexbase : A9655APB). La circonstance que le pétitionnaire se soit engagé à réaliser lui-même les travaux de desserte est également sans conséquences (CE, 28 janvier 1987, n° 55708 N° Lexbase : A4106APR ; CE, 3 avril 1987, n° 63717 N° Lexbase : A4838APU ; CE, 8 juillet 1992, n° 107599 N° Lexbase : A7477ARD).
Le contenu du dossier de permis de construire n’entre pas en ligne de compte : dès lors que les travaux se limitent à des travaux de raccordement, peu importe que le dossier ne comporte pas l’accord préalable de la direction départemental des affaires sanitaires et sociales relatif à l’application de l’article R. 111-8 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0563KWR) selon lequel « L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, (…) doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur » (CE, 15 avril 1992, n° 65220 (N° Lexbase : A6526AR7).
Certaines considérations factuelles sont également inopérantes. L’attitude du gestionnaire de réseau est également indifférente : peu importe qu’un syndicat départemental d’électrification n’ait pas réalisé les travaux ni fixé la date de leur réalisation (CE, 23 septembre 1988, n° 72666 N° Lexbase : A9872APC).
C’était également le cas, dans un premier état de la jurisprudence de la présence d’un puit sur le terrain du pétitionnaire, dès lors qu’il n’est pas établi que ce puit permettra la desserte de la construction dans des conditions sanitaires conformes à la réglementation (CE, 26 mai 1993, n° 129130 N° Lexbase : A9483AM8). Toutefois, une décision plus récente semble être moins restrictive à ce sujet : dès lors que le pétitionnaire entend assurer l'alimentation en eau potable de sa maison à partir d'un puits lui appartenant, que l'assainissement doit être réalisé par la mise en place d'un équipement individuel et le creusement d'une fosse septique et qu'un raccordement au réseau de distribution d'électricité n'était pas indispensable, le refus du permis de construire ne peut être légalement opposé (CE, 30 octobre 1996, n° 126150 N° Lexbase : A1067AP9).
Est également indifférent, l’existence de discussions entre le pétitionnaire et les services de la mairie sur le montant de la participation des intéressés à la réalisation du réseau communal d’assainissement nécessaire pour assurer la desserte du lotissement objet du projet (CE, 30 juin 1993, n° 99384 N° Lexbase : A0148ANS).
E - Les travaux en cause : raccordement ou extension ?
Le Conseil d’Etat a précisé la portée des travaux en cause. Le critère de distinction retenu par la jurisprudence repose sur la nature des travaux et l’identification de la personne qui doit prendre en charge les travaux.
Dès lors que la collectivité n’a pas à assumer cette prise en charge, les travaux relèvent du seul raccordement : c’est le cas pour des parcelles situées dans une partie actuellement urbanisé d’une commune, desservies par l’électricité et à proximité du réseau d’adduction d’eau (CE, 20 juillet 1990, n° 87472 N° Lexbase : A7795AQR).
De simples travaux de raccordement aux réseaux qui se situent à une quarantaine de mètres de l’assiette du projet ne constituent pas des travaux d’extension des réseaux, quand bien même ils doivent s’effectuer en partie sous le domaine public maritime et le permis de construire ne peut être donc légalement refusé sur le fondement de l’exigence de l’article L. 111-11 (CE, 7 octobre 1987, n° 65935 N° Lexbase : A5806APQ).
Cette solution s’applique dès lors que le raccordement ne nécessite ni modification ni extension de la capacité des réseaux (CE, 15 avril 1992, n° 65220 N° Lexbase : A6526AR7) : c’est le cas d’un simple branchement particulier (CE, 22 juin 1992, n° 86204 N° Lexbase : A7129ARH ; CE, 12 janvier 1994, n° 86912 N° Lexbase : A8427B7A) sur des réseaux existants dont il n’est pas établi qu’ils seraient insuffisants (CE, 23 octobre 1995, n° 119843 N° Lexbase : A6003ANN). De même, le permis peut légalement prévoir qu’en « vue de connaître les conditions d'exécution et de financement des branchements aux réseaux existants (pluvial, eau potable, énergie électrique), le pétitionnaire devra se mettre en rapport avec les services compétents intéressés, avant tout commencement de travaux », dès lors que ces travaux ne portent pas sur les réseaux eux-mêmes (CE, 12 mai 1997, n° 158449 N° Lexbase : A9820AD3).
En revanche, des travaux de renforcement du réseau public de distribution d'eau justifient l’application de la règle (CE, 20 juillet 1988, n° 57517 N° Lexbase : A9655APB), au même titre que des travaux d’extension du réseau (CE, 24 janvier 1990, n° 80559 N° Lexbase : A6315AQX).
La même solution s’applique dès lors que les travaux de desserte en eau, en électricité et l'installation des dispositifs d'assainissement nécessaires à la construction projetée ne peuvent être simultanément réalisées sans qu'il soit fait appel, au moins, au réseau d'eau de la commune et que celle-ci n'a pas l'intention de réaliser l'extension de son réseau pour desservir le terrain d’assiette du projet, situé hors de la zone agglomérée de la commune (CE, 9 janvier 1991, n° 87428 N° Lexbase : A0164ARI).
Concrètement, la réalisation de 550 mètres de canalisations nouvelles empruntant des parcelles tierces et susceptibles de les desservir constitue un renforcement du réseau public de distribution (CE, 2 avril 1993, n° 95757 N° Lexbase : A9198AMM). Il en va de même lorsque que le réseau basse tension le plus proche se situe à 185 mètres de la parcelle d’assiette du projet et que la desserte en énergie électrique de ce projet exige la construction d'un réseau et de branchements remis gratuitement au concessionnaire, d'un réseau haute tension et d'un poste de distribution électrique (CE, 26 décembre 2012, n° 351680 N° Lexbase : A1451IZR).
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