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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Consécration jurisprudentielle de la licéité des relevés de prix par les salariés d'un concurrent, cet arrêt intervient dans un no man's land juridique préjudiciable ; une fois encore, il appartenait au juge de cassation de se substituer à l'inaction du Gouvernement, comme du Parlement, en la matière. On se souvient de cette tentative avortée de reconnaissance de la pratique et de l'encadrement éthique des relevés de prix, usage bien connu des professionnels de la distribution depuis des lustres ; pour autant, la lumière ne semble pas avoir atteint le "coeur législatif" qui préféra écarter l'amendement sénatorial litigieux d'une "LME" déjà, sur de nombreux points, critiquée.
L'affaire jugée Quai de l'Horloge est symptomatique de la tension suscitée par cette pratique concurrentielle, pratique exacerbée par la publication de comparateurs de prix sur internet. En l'espèce, une grande surface de distribution souhaitait faire réaliser par ses salariés des relevés de prix de certains produits distribués dans un magasin concurrent exploité dans la même zone de chalandise. Mais, à la suite du refus opposé à ses salariés constaté par huissier de justice, elle avait fait assigner la société gérant le magasin "visité", afin qu'il lui soit ordonné sous astreinte de laisser pratiquer les relevés de prix de ses produits offerts à la vente. Le respect du droit de propriété comme le refus d'édifier la pratique des relevés de prix en un usage commercial, s'ils avaient convaincu la cour d'appel de Montpellier, le 18 mai 2010, n'auront pas prospéré devant les juges suprêmes qui se prononçaient clairement, pour la première fois, sur la licéité d'une telle pratique, comme le relevait à juste titre, la semaine dernière, notre rédacteur en chef, Vincent Téchené. Que ce soit à l'aide d'appareils électroniques ou à la main, plus rarement à l'aide d'appareils photographiques, les relevés de prix s'organisent de manière plutôt artisanale, la majorité des commerçants pratiquants délaissant les relevés automatiquement sortis des caisses. Désormais, à l'appui de cette jurisprudence, nul ne pourra refuser l'entrée de son magasin aux panélistes des concurrents, sous peine d'astreinte judiciaire et de passer pour le "vilain petit canard" du marché, apôtre des pratiques tarifaires occultes.
Le consommateur peut-il, dès lors, se réjouir d'une telle transparence drapée dans les vertus de la concurrence loyale ? Rien n'est moins sûr.
D'abord, le "panier de la ménagère" dont le prix est régulièrement relevé par les enseignes concurrentes ne constitue pas un maître étalon universel. Si celui de l'Insee est opaque (1 000 produits, dont seulement 10 % relèvent de l'alimentaire), pour que le Gouvernement ne puisse pas faire pression pour diminuer les produits en question et que les hypermarchés ne puissent pas faire leur campagne de publicité sur le thème "chez nous, le panier de l'Insee est moins cher", celui des enseignes commerciales est changeant, au grè des opportunités tarifaires et commerciales. Aussi, l'intérêt de cette pratique des relevés de prix n'est-il circonscrit qu'à la politique tarifaire des enseignes et non à l'information des consommateurs.
Ensuite, on relèvera que, loin de constituer la rencontre entre l'offre et la demande, le prix des produits proposés par les enseignes de la grande distribution n'est en rien un prix dit "d'équilibre", il est le produit de la confrontation de son prix (et surtout de sa marge) envisagé avec celui de son voisin de chalandise. Exit le prix de vente, le prix de revient, le prix de cession : bonjour, le prix d'acceptabilité ; le prix qu'une grande partie de la clientèle trouve "normal" pour l'acquisition du bien en cause, étant entendu que ce levier psychologique passe par le fait que le client n'ait pas l'impression "de se faire avoir", parce que le même produit vendu dans les mêmes conditions serait moins cher à côté.
Enfin, ce qui semble fonctionner dans le sens d'une baisse générale des prix, dans une logique concurrentielle, pourrait également fonctionner dans l'autre sens ; l'entente implicite sur les prix n'est pas chose nouvelle en matière de droit de la concurrence. Si les prix en Île-de-France sont supérieurs de 13 % à ceux de la province, ce n'est pas uniquement dû au prix de l'immobilier, du transport et de l'amplitude des horaires d'ouverture... Si les écarts de prix sont les plus importants pour les services de santé et de loisirs (+ 14 %), et moins marqués pour l'alimentation et les transports (+ 6 %), il n'y a pas de raison pour que les enseignes ne rattrapent pas leurs marges perdues dans l'alimentaire, produits d'appel, sur des produits d'autres gammes dont l'achalandage croît, étrangement, chaque jour dans les magasins de la grande distribution.
Aussi, pour qu'il n'y ait aucune contestation, pour que la transparence soit au coeur de ce système de relevés des prix, on pourrait envisager que l'Etat, à l'image de son site internet www.prix-carburants.gouv.fr, ouvre un portail recensant le prix le plus bas d'une centaine de produits de première nécessité -ceux dont certains politiques demandent le contrôle des prix ou l'abaissement de la TVA à 5,5 %, par exemple- composant un "panier" type, sur tout le territoire national, sur un mode déclaratif. Pour le site internet relatif aux prix des carburants, les prix sont affichés par les distributeurs eux-mêmes ou par une "tête de réseau" préalablement désignée pour les stations-service intégrées dans un réseau. La communication par les distributeurs des prix de vente en vue de leur affichage sur le site internet s'effectue lors de chaque changement de prix, par internet ou à défaut par un service vocal, auprès du prestataire de service, chargé par l'administration de la conception et du bon fonctionnement du site. C'est le distributeur qui est responsable de la communication de ses prix de vente pour affichage sur le site internet. Une pareille initiative, au moins pour les "produits alimentaires de base", serait un gage de bonne foi des distributeurs en grande surface quant à la pratique des relevés de prix ; cela éviterait les tensions inhérentes aux "visites" de la concurrence, et légitimerait, ainsi, une transparence objective des prix qu'un site d'initiative privée ne saurait garantir.
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par Véronique Nicolas, Professeur, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, tous deux membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé)
Le 21 Octobre 2011
Loin des purs débats juridiques théoriques sur la construction juridique de tel ou tel mécanisme complexe donnant lieu à des arrêts originaux et innovants, se rencontrent encore des affaires aux parfums plus classiques. Et parce que ces sujets, contre toute croyance, n'ont pas fait l'objet de tant d'arrêts de la part des cours d'appel comme de la Cour de cassation, celle-ci juge bon de les publier. C'est qu'elle estime aussi utile d'attirer l'attention sur la mise en oeuvre d'une règle cependant usuelle : l'article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH). Ce texte, chacun le connaît, limite la liberté des cocontractants -et spécialement celle de l'assureur- dans le choix du libellé des clauses d'exclusion insérée dans un contrat d'assurance. Aux allures insignifiantes voire risibles tant il semble énoncer une quasi-platitude ou tautologie, cet article suscite donc encore des hésitations.
Lucidité du législateur comme de nos magistrats que de s'appuyer sur ces dispositions qui représentent, pour les clauses d'exclusion en droit des assurances, la variable d'ajustement, comme la cause notamment apparaît celle du droit des obligations. Pour autant, les assureurs ne partageront pas ce point de vue positif, non par esprit de système, mais eu égard à l'insécurité juridique que créent de telles décisions, fussent-elles en partie prévisibles de nos jours. Ces professionnels seront d'autant plus inquiets de voir perdurer ce type d'orientation jurisprudentielle -ancienne et acquise, du moins dans certaines proportions- que la clause incriminée ne devait pas être isolée, mais reproduite dans nombre d'autres contrats de même catégorie. Et l'on ne s'étonnera donc pas non plus qu'ils refusent, à l'avenir, dans certaines régions, villes ou quartiers dits sensibles d'assurer telle ou telle infrastructure.
Mais exposons les faits pour mieux faire comprendre la quotidienneté de la situation. Un copropriétaire avait souscrit un contrat d'assurance habitation qui, de toute évidence, et en dépit de son nom quelque peu racoleur de bonne guerre, si l'on ose s'exprimer ainsi, comme de sa situation enchanteresse -au moins pour l'habitant du fin fond d'une région de l'ouest parisien, guère sensible, après des années, au charme discret de son environnement de verdure supposant une pluviométrie que, maniant l'euphémisme, lui-même qualifie de non rare-, ne présentait pas tous les avantages escomptés. Pour faire plus simple, le mauvais entretien des parties communes avait pris de si grandes proportions que des dégâts des eaux en résultaient dont souffrait l'un de ces copropriétaires de Pointe-à-Pitre. Ceux-ci semblaient avoir au moins excédé la moyenne traditionnelle.
Il avait assigné en réparation de ses préjudices tant le syndicat des copropriétaires que l'assureur de la copropriété. Bien qu'ayant dénié sa garantie, ce dernier avait néanmoins été condamné à prendre en charge le sinistre. Contestant la décision d'appel, l'assureur tentait de démontrer, d'une part, que ce défaut d'entretien ne s'entend pas d'un événement, c'est-à-dire d'un fait soudain. D'autre part, il contestait la qualification possible de risque dans ces circonstances de "laisser aller" et de désintérêt, susceptible d'avoir pu être envisagé lors de la formation du contrat. La Cour de cassation a considéré, elle, que l'expression "défaut d'entretien ou de réparation" visée dans le contrat, ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées.
En droit, la solution de la Cour de cassation appelle plutôt une certaine désapprobation. Sans doute ne faut-il pas nier que la formulation de l'exclusion de risque comprenait, dans le cas présent, une certaine imprécision. Sous couvert d'absence d'entretien de multiples situations très différentes peuvent se rencontrer. De la simple négligence ponctuelle au délabrement total, aucune comparaison sérieuse n'apparaît possible. Or, là se situe bien l'enjeu : les assureurs peuvent fermer les yeux et prendre en charge des altérations sporadiques, sans accepter de tolérer un défaut d'entretien chronique à l'origine de sinistres d'une réelle ampleur. Par conséquent, leur suggérer de fournir des illustrations dans la rédaction de ce type de clauses, ambiguës par nature peut représenter une solution, comme l'indique la Cour de cassation.
Et là se situe une partie de l'intérêt de cet arrêt : le renforcement des exigences de nos magistrats dans le libellé de ces clauses, par nature difficiles à cerner dans leur étendue exacte, ou, plus exactement, dans la limitation de leur périmètre. L'information ne manquera pas d'agacer la profession qui, nouvelle, suscite une insécurité juridique onéreuse, sans compter qu'elle doit donc rivaliser d'attentions et de subtilités, en rédigeant ces clauses d'exclusion, sans pouvoir songer à toutes les hypothèses, tout en n'employant pas, par exemple, l'adverbe notamment, jugé trop allusif par les juges du fond... L'exercice relève de la haute voltige, dans certains cas, y compris celui ayant donné lieu à cet arrêt du 6 octobre 2011. D'ailleurs, les sanctions pour absence de respect du formalisme, quelle que soit leur utilité par ailleurs, ne manqueront jamais d'être mal perçues par les juristes dans leur ensemble, sans se limiter aux assureurs.
C'est peut-être la raison pour laquelle notre Haute juridiction vient d'ailleurs aussitôt au secours des assureurs, en leur suggérant d'user, les prochaines fois, d'autres fondements juridiques, et notamment de l'absence de caractère aléatoire. C'est donc indiquer qu'elle-même estime que les assureurs pourraient arguer de la nullité du contrat, ce qui suscite d'autres réactions doctrinales, y compris négatives. Car, même lorsque la probabilité de survenance de l'événement ou des circonstances apparaît élevée, elle n'est pas, pour autant, certaine. Or, le caractère aléatoire du contrat se révèle présent ou non. Et l'existence d'une incertitude, même réduite, suffit à valider l'existence de ce caractère.
Ce n'est pas la première fois que notre Haute juridiction est séduite par ce type de raisonnement. Il ne nous semble toutefois pas plus rigoureux que les clauses incriminées, elles-mêmes, vagues et imprécises. Car, de deux choses l'une : ou bien, le contrat présente un caractère aléatoire, ou bien tel n'est pas le cas. Et sans revenir sur le sempiternel débat relatif à ce qu'il convient de comprendre de l'exigence de ce caractère, il apparaît indubitable que la probabilité forte de survenance d'un dommage ne saurait être comparée à l'absolue certitude de sa réalisation. On n'ose imaginer, dans la présente espèce, que la Cour de cassation ait voulu insinuer que le défaut d'entretien constitue une certitude. Et l'aurait-elle effectué que la difficulté serait déplacée : au risque de proférer des évidences, la nullité d'un contrat, pour absence de caractère aléatoire produit des effets différents de l'absence de mise en oeuvre d'une clause d'exclusion.
La marge de manoeuvre apparaît donc étroite, sans conteste, pour nos Hauts magistrats soucieux de respecter la lettre de la loi. Quoi que l'on en pense, les assureurs sont avertis : comme pour les universitaires devant leurs étudiants, les vertus de l'exemple ne sauraient être mésestimées...
Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires est un outil précieux pour couvrir des victimes qui, sinon, seraient privées de tout garant. Les textes ont, avant comme après la loi "Badinter" (loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 N° Lexbase : L7887AG9), fait l'objet de retouches successives, essentiellement pour élargir son champ de compétence. La loi du 5 juillet 1985 (C. assur., art. L. 421-1, al. 3 N° Lexbase : L2354INI) a précisé qu'en l'absence d'un responsable connu et assuré, le fonds peut être chargé de la réparation des dommages qui "ont été causés accidentellement par des personnes circulant sur le sol dans des lieux ouverts à la circulation publique". La jurisprudence l'a notamment appliqué à divers accidents, causés par des bicyclettes, des rollers ou des planches à roulettes.
Le cycliste heurté par un ballon jeté par des enfants non identifiés est-il protégé ? L'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 15 septembre 2011 permettra, par sa publication, d'asseoir la solution positive apportée à cette question.
Il est vrai que la détermination du périmètre d'intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires pose problème. Déterminer si un dommage causé à un cycliste par un projectile placée sous la garde collective d'enfants indéterminés, donc dont il n'est pas possible d'identifier le (ou les) assureur(s), n'est pas expressément envisagé par les textes, qui ont, en dernier lieu, été plus préoccupé de fixer le statut de l'animal que celui des choses...
En l'espèce, il s'est agi de savoir si l'hypothèse correspond au cadre de l'article L. 421-1 du Code des assurances dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 (N° Lexbase : L5471H3Z), qui visait les "victimes de dommages résultant des atteintes à leur personne ou à leurs ayants droit, lorsque ces dommages, ouvrant droit à réparation, ont été causés accidentellement par des personnes circulant sur le sol dans des lieux ouverts à la circulation publique".
Le tribunal d'instance de Nice avait dégagé une interprétation fort rigoureuse, tenant l'accident survenu par le heurt d'un cycliste par un ballon "lancé par un groupe d'enfants non identifiés", comme n'ayant pas été causé par "des personnes circulant sur le sol" au sens de l'article L. 421-1 susvisé.
Considérer qu'un jet de ballon sur la voie publique ne serait pas le fait de personnes "circulant sur le sol", traduit une lecture stricte de la notion de circulation sur le sol. Mais cette lecture induit une réduction aux accidents survenus sur la voie publique, qui soit aussi le fait d'un véhicule terrestre à moteur ou autre véhicule. Or, cette interprétation est démentie tant par les textes que par les interprétations jurisprudentielles antérieures.
La lecture de l'article R. 421-2 du même code (N° Lexbase : L5922DYY) contribue à la délimitation tant personnelle que par l'objet du périmètre d'intervention du Fonds. Sont exclus du bénéfice de la couverture des "dommages causés par un animal ou par une chose autre qu'un véhicule terrestre à moteur [...] : a) le propriétaire ou la personne qui a la garde de l'animal ou de la chose au moment de l'accident".
Si l'on s'autorise une analyse a contrario, le texte implique la couverture par le Fonds des dommages causés par une chose dont une personne a la garde, dès lors que la victime n'est pas son gardien et dès lors que les critères de l'article L. 421-1 du Code des assurances sont remplis, spécialement lorsque le gardien n'est pas assuré ou qu'il demeure inconnu, comme c'était le cas en l'espèce du groupe d'enfants.
Ce raisonnement a, d'ailleurs, déjà eu les faveurs de la jurisprudence :
- c'est ainsi que la cour d'appel de Nîmes dans un arrêt du 6 novembre 2007 (1), a statué sur un cas très voisin de celui objet de l'arrêt étudié du 15 septembre 2011. En l'espèce, un motocycliste avait, alors qu'il circulait sur la voie publique, perdu le contrôle de son engin pour éviter un ballon jeté par des enfants qui ont pris la fuite. Le Fonds de garantie avait contesté la prise en charge de la réparation de son préjudice corporel. Les juges nîmois avaient alors considéré que le dommage émanait bien de "personnes circulant sur le sol dans des lieux ouverts à la circulation publique qui sont demeurées inconnues" au sens de l'article L. 421-1, alinéa 3, du Code des assurances. Les juges s'étaient référés à l'article R. 421-2 pour en déduire, par une interprétation a contrario, que la chose, tout comme l'animal, peut être instrument du dommage relevant du périmètre de garantie par le fonds ;
- cette analyse a également été retenue par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 19 mai 2010 (2) qui, statuant sur le fondement de l'article L. 421-1 dans son dernier état (après modification par la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 N° Lexbase : L5471H3Z), aboutit à la même solution selon laquelle ce texte, combiné à l'article R. 421-2 susmentionné, conduit à ce que la "victime d'un accident survenu dans un lieu ouvert à la circulation publique, causé par une chose sous la garde d'un tiers -en l'occurrence le ballon avec lequel jouait un enfant lancé malencontreusement sur sa trajectoire- peut invoquer la garantie du Fonds".
Le tribunal d'instance de Nice s'était écarté de cette lecture et avait sans doute convaincu grâce à l'argumentation du Fonds selon lequel le fait dommageable n'était pas un "fait de circulation", ou plus exactement que ce fait n'avait pas été commis par des "personnes circulant sur le sol". Cette interprétation n'est pas fondée, car le jet de ballon par des personnes qui circulent sur la voie publique est bien un fait de circulation, aussi bien que lorsque des gravillons sont projetés par les roues d'un véhicule !
C'est donc logiquement et opportunément que la Cour de cassation redresse l'analyse et conforte les deux arrêts d'appel susmentionnés, en énonçant la solution selon laquelle "le ballon, cause du dommage, avait été lancé par des personnes circulant sur le sol".
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
L'interprétation de l'article L. 121-2 du Code des assurances, relatif à l'assurance du fait d'autrui, est à l'honneur. Aux termes de cet article (N° Lexbase : L0078AA7), "l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes".
Il y a quelques mois, les deux rédacteurs de cette chronique avaient pu, à quatre mains, étudier un arrêt du 17 mars 2011 (3) portant sur la garantie des dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable dans l'hypothèse d'une faute intentionnelle du préposé (viol d'un préposé, professeur employé par une association, sur le lieu de travail et pendant les heures de cours). La Cour avait alors énoncé "qu'en application de l'article L. 121-2 du Code des assurances et du contrat souscrit par [l'association] auprès de [l'assureur], seule la faute intentionnelle dolosive de l'assuré est de nature à exonérer l'assureur de son obligation à garantie et que tel n'est pas le cas en l'espèce, les faits fautifs ayant été commis par le préposé de l'assuré". C'était bien juger car la faute intentionnelle du préposé est assurable.
Avec l'arrêt du 6 octobre 2011, la lumière est portée sur un autre aspect de l'interprétation de l'article L 121-2 du Code des assurances : il s'agit de cerner la liberté des parties de déterminer le champ d'application du contrat d'assurance, donc de l'application des conditions de garantie et des exclusions de garantie, dans ce contexte de garantie des dommages causés par autrui.
Les choses sont ici faussement simples, car si la jurisprudence a tôt fait d'énoncer le caractère d'ordre public du texte (4), elle n'a pas entendu imposer à l'assureur de couvrir tout risque causé par autrui. La ligne de crête passe entre ces deux bornes :
- d'un côté, la jurisprudence rappelle, depuis un arrêt du 12 novembre 1940 (5), confirmé à plusieurs reprises (6), que l'article L. 121-2 "ne retire pas au contrat d'assurance la détermination du risque assuré de telle sorte que les limitations de l'objet d'assurance qui restreignent ou subordonnent à une condition la responsabilité personnelle de l'assuré sont elles-mêmes applicables de plein droit à la garantie de la responsabilité civile des personnes dont l'assuré doit répondre". C'est admettre la possibilité de procéder par voie de délimitations contractuelles et considérer que autrui sera couvert dans les mêmes conditions que l'assuré lui-même ;
- de l'autre, la Cour de cassation tempère cette liberté et énonce que "l'assureur ne peut refuser sa garantie en fonction de la nature ou de la gravité de la faute dont l'assureur doit répondre" (7).
Toute la difficulté est donc de cerner dans quelles hypothèses les conditions et exclusions de garantie demeurent compatibles avec le principe de couverture de la responsabilité du fait d'autrui.
La jurisprudence est complexe (8), qui décide, notamment, que l'assureur peut délimiter objectivement le risque, pour l'assuré comme pour celui dont il est responsable, à condition que cela ne porte pas atteinte au principe même de couverture, notamment de la faute intentionnelle d'autrui. La doctrine suggère une distinction entre restrictions de garanties objectives, permises, et restrictions de garanties subjectives, prohibées (9).
Cette grille de lecture sied parfaitement pour interpréter l'arrêt du 6 octobre 2011, qui admet l'applicabilité d'une restriction objective du contrat, tenant à la qualité de victime d'un dommage causé par une personne dont l'assuré est civilement responsable.
En l'espèce, la Cour, après avoir rappelé dans le chapeau de l'arrêt que l'article L. 121-2 "ne porte pas atteinte à la liberté des parties de convenir du champ d'application du contrat et de déterminer la nature et l'étendue de la garantie", censure la décision des juges du fond aux motifs que le contrat "ne garantissait pas les dommages causés aux personnes définies comme assurées".
La clause vaut, que l'assuré ou un de ceux dont il répond cause dommage à n'importe quel autre assuré. Il n'y a donc pas exclusion, ni directe ni indirecte, liée à la nature de la faute ou à sa gravité.
Il en résulte qu'en cas de dommage causé par un fils de l'assuré à deux autres enfants de l'assuré, la clause d'exclusion trouve à s'appliquer.
Les juges du fond avaient, quant à eux, visiblement considéré que c'était ajouter au texte de l'article L. 121-2. Ils soulignent que cet article "n'applique [sic, il eût fallu dire n'implique] aucune exclusion en cas de dommage causé par l'enfant d'un assuré à l'égard d'un autre enfant du même assuré".
Sans doute leur avait-il apparu choquant que l'assurance ne garantisse pas ce risque. Toutefois, cette interprétation est désavouée et la clause d'exclusion qui définit le tiers victime comme étant exclusif d'un des assurés reçoit plein effet. Ce faisant, la Cour de cassation confirme une analyse doctrinale selon laquelle :
"il est fréquent que les contrats d'assurance de responsabilité civile vie privée garantissent la responsabilité civile de plusieurs personnes. Généralement, le souscripteur et son entourage. L'objet du contrat est de garantir le souscripteur ainsi que ces personnes dans l'hypothèse où elles engageraient leur responsabilité civile. La question peut sembler plus délicate lorsque précisément une de ses personnes engage sa responsabilité civile envers le souscripteur ou une des personnes également assurée. Pour autant la réponse est simple. Il s'agit bien de la réalisation du risque pour lequel l'assuré est couvert. Le fait que la victime ne soit pas un tiers au contrat n'implique pas que l'assuré n'engage pas sa responsabilité civile à l'égard d'un tiers. Finalement lorsque la police exige, sans autre précision, que l'assuré engage sa responsabilité civile envers un tiers, cela vise à exclure les hypothèses de dommages causés à soi-même (il n'y aurait d'ailleurs pas ici de responsabilité civile). Toutefois, rien n'interdit à l'assureur de réserver la qualité de tiers, envers lesquels l'assuré pourrait engager sa responsabilité civile, à des personnes elles-mêmes non couvertes par la police" (10).
Un arrêt récent (11) a d'ailleurs eu l'occasion de censurer une cour d'appel au motif "qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que le contrat d'assurance de responsabilité civile qui comportait plusieurs assurés, excluait de la définition du tiers lésé, l'assuré victime d'un dommage causé par un autre assuré, la cour d'appel a violé" le contrat d'assurance et l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) (plus sûrement que l'article L. 124-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0106AA8 hors de propos pourtant visé dans cet arrêt).
L'arrêt du 6 octobre 2011 confirme cette ligne directrice dans le cadre, particulier, de la couverture du risque d'autrui de l'article L. 121-2 du Code des assurances.
On n'oubliera pas que, derrière cette application pleine de rectitude des règles de droit, se profile une situation catastrophique pour les parents : voilà une famille ruinée sur un plan moral par le drame qui l'affecte (viol entre frères). A cela vient s'y ajouter le fait que les parents se voient opposer par leur assureur une exclusion de garantie. Il n'est pas sûr que le "chef de famille" sache que sous son toit peut se loger celui qui le ruinera dès lors que son assureur n'a pas voulu couvrir les risques intra-familiaux, qui prennent ici la forme de dommages entre assurés...
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
(1) CA Nîmes, 1ère ch., sect. B, 6 novembre 2007, n° 06/04305 (N° Lexbase : A7796HYE).
(2) CA Aix-en-Provence, 10ème ch., 19 mai 2010, n° 09/00574 (N° Lexbase : A8304EZL).
(3) Cass. civ. 2, 17 mars 2011, n° 10-14.468, FS-P+B (N° Lexbase : A1705HDI), commenté in Chronique de droit des assurances - Avril 2011, Lexbase Hebdo n° 436 du 14 avril 2011 - édition privée (N° Lexbase : N0594BSS).
(4) Depuis Cass. civ., 23 juin 1942, D., 1942, p. 151, note P.L.P..
(5) Cass. civ., 12 novembre 1940, JCP, 1941, II, 1640.
(6) Cf., notamment, Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-17.916, FS-P+B (N° Lexbase : A4997DNE), Bull. civ. II, n° 67, p. 67 ; RCA, 2006, comm. 177, obs. H. Groutel ; RGDA, 2006, p. 529, note L. Mayaux.
(7) Cass. civ. 1, 24 mars 1992, n° 90-17.862 (N° Lexbase : A5265CZZ), RCA, 1992, comm. 243.
(8) Cf. in Code des assurances, Litec, 2011, annotations sous l'article L. 121-2, qui pointe bien les difficultés spécialement en cas d'exclusion indirecte à la nature ou à la gravité de la faute.
(9) Là-dessus, cf. M. Asselain, JurisClasseur Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 510-10, spéc. § n° 24 et s..
(10) Laurent Bloch, JurisClasseur Civil, Annexes, V° Assurances, Fasc. 11-10, spéc. n° 34.
(11) Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 06-22.171, FS-P+B (N° Lexbase : A5233D8C), Resp. civ. et assur., 2008, comm. 243, par H. Groutel.
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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)
Le 24 Octobre 2014
L'occasion était donnée, lors de notre dernière chronique dans le cadre de cette Revue, de revenir, à la faveur d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 juin 2011, sur la responsabilité encourue par l'avocat qui, chargé du recouvrement de la créance de son client, s'abstient de déclarer la créance au passif de la procédure collective du débiteur et commet, ainsi, une faute (1). Et l'on n'ignore pas, sous cet aspect, que la caractérisation du manquement de l'avocat à ses obligations suppose que le manquement s'inscrive dans l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée et qui ressort de son mandat : il est, en effet, évident que la responsabilité de l'avocat ne peut valablement s'apprécier qu'au regard du mandat (2), les obligations de l'avocat dépendant, par hypothèse, de l'étendue du mandat qui lui a été donné (3). Mais, à vrai dire, même une fois déterminées la consistance et les limites de la mission acceptée par l'avocat, l'appréciation de la faute de celui-ci suscite, dans certaines hypothèses, des difficultés, comme en témoigne d'ailleurs un récent arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 septembre 2011, à paraître au Bulletin.
En l'espèce, un prêteur avait consenti, en 1986, deux prêts à des époux, l'un de 500 000 francs (environ 76 225 euros), l'autre de 1 000 000 de francs (environ 152 449 euros), ce dernier seul étant garanti par le cautionnement hypothécaire de la société civile particulière constituée par les époux emprunteurs. Ceux-ci n'ayant pas honoré leurs engagements, le prêteur a confié le recouvrement des sommes dues à un avocat qui a déclaré, en 1992, la créance de 1 000 000 de francs au passif de la société civile particulière. C'est dans ce contexte que les ayants droit du prêteur décédé ont recherché la responsabilité de l'avocat pour avoir omis fautivement, faisaient-ils valoir, de déclarer la créance de 500 000 francs au passif des époux, chacun d'eux ayant été l'objet d'une procédure de redressement ouverte en 1994. Et, en l'occurrence, ils reprochent aux premiers juges d'avoir rejeté leur action en responsabilité au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve de la faute professionnelle, alors, selon eux, que lorsqu'il est informé du placement en redressement judiciaire d'une société dont les débiteurs de son client sont les seuls associés, l'avocat chargé du recouvrement d'une créance doit, nonobstant le caractère hypothécaire de celle-ci, se tenir informé de l'éventuelle extension de cette procédure à ces derniers et informer le représentant des créanciers de la société de l'existence d'une créance contre les associés de celle-ci, ce qu'il n'avait précisément, en l'espèce, pas fait. La Cour de cassation approuve cependant les juges du fond et, pour rejeter le pourvoi, relève que "la cour d'appel a légalement justifié sa décision en constatant que les époux, n'ayant pas la qualité de commerçants et ne relevant donc pas de l'inscription au registre du commerce et des sociétés, avaient fait l'objet de redressements ouverts à leur requête plus d'un an après celui de la société civile particulière et après avoir retenu à bon droit que ne pouvait être exigée d'un avocat la surveillance des mesures de publicité susceptibles d'atteindre toute personne physique non commerçante dont ses clients peuvent être créanciers, en estimant que les [demandeurs] n'établissaient pas que [l'avocat] avait eu connaissance, en temps utile, du redressement judiciaire personnel des époux".
On sait bien que l'avocat, clairement mandaté pour recouvrer la créance de son client, manque à son devoir de prudence et de diligence et, ainsi, commet une faute en s'abstenant de déclarer la créance de son client au passif de son débiteur. La solution est bien connue : l'avocat doit s'assurer de l'existence et de la permanence de la créance principale de son client, si bien que, en s'en abstenant, il commet une faute dont il doit répondre des conséquences dommageables (4). Chargé par son client du recouvrement d'une créance, il commet en effet une faute en n'omettant de procéder à la déclaration de ladite créance au passif du débiteur puisque, ce faisant, il manque à son obligation d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client (5). Tout cela est parfaitement entendu. Mais la question ne se présentait pas exactement dans les mêmes termes en l'espèce, dans la mesure où, pour établir la faute de l'avocat, il aurait fallu que les demandeurs soient en mesure de rapporter la preuve du fait que l'avocat avait ou devait avoir connaissance du redressement judiciaire des époux à titre personnel, ce qui, alors, lui aurait effectivement permis de déclarer au passif de cette procédure la créance litigieuse. Or, contrairement à ce que soutenait le pourvoi, le redressement judiciaire d'une SCP n'implique pas nécessairement une extension de la procédure aux associés. Et les demandeurs ne démontraient en l'occurrence pas l'existence de circonstances particulières qui auraient rendu probable une telle extension. Au contraire, les magistrats avaient bien pris soin de relever que, au cas présent, les redressements judiciaires dont avaient fait l'objet les emprunteurs, personnes physiques n'ayant pas la qualité de commerçants et ne relevant donc pas de l'inscription au registre du commerce et des sociétés, avaient été ouverts à leur requête largement plus d'un an après le redressement judiciaire de la société. Par où l'on comprend bien que les circonstances de l'espèce justifiaient que la Cour de cassation approuve ici les juges du fond d'avoir considéré que ne pouvait être exigée d'un avocat la surveillance des mesures de publicité susceptibles d'atteindre toute personne physique non commerçante dont ses clients peuvent être créanciers, et ce pour la simple raison que, sauf à ce qu'il en soit par ailleurs informé, l'exigence d'une surveillance des mesures de publicité susceptibles d'atteindre tout personne physique non commerçante dont les clients d'un avocat peuvent être créanciers est, en fait, impossible.
Le lecteur de cette chronique se souvient peut-être qu'au printemps dernier, nous avions présenté la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées (N° Lexbase : L8851IPI), en ce qu'elle a inséré, après le chapitre Ier du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), un nouveau chapitre Ier bis, intitulé "Le contreseing de l'avocat" (6). Sans reprendre ici l'analyse qui avait été proposée de cette réforme, on rappellera tout de même que les apports du texte sont loin d'être négligeables : d'une part, en effet, la loi, conférant à l'acte d'avocat une force probante renforcée, introduit dans notre système juridique un nouveau type d'acte à mi-chemin entre l'acte sous seing privé ordinaire et l'acte authentique ; d'autre part, tirant la conséquence de la valeur reconnue à l'acte contresigné, elle dispense d'un certain formalisme légal ; et enfin le nouvel article 66-3-1, qui dispose que "en contresignant un acte sous seing privé, l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte", s'il n'emporte certes pas création d'un nouveau régime de responsabilité pour l'avocat contresignataire de l'acte, est tout de même sensé permettre aux parties conseillées par l'avocat de ne plus avoir à apporter la preuve que la rédaction retenue est celle suggérée ou acceptée par l'avocat. Aussi bien comprend-on que certains auteurs aient pu considérer que l'introduction en droit français de l'acte contresigné par l'avocat constituait un "puissant moyen de sécurisation des rapports juridiques, tant pour les personnes physiques que pour les entreprises" (7). Mais on conviendra, c'est une évidence, que pour qu'il en soit ainsi, encore faut-il que... les dispositions nouvelles soient effectivement applicables. Or, précisément, le ministre de la Justice et des Libertés, interrogé sur le champ de l'acte d'avocat, a, dans une réponse ministérielle du 19 juillet 2011, apporté une précision à la mise en oeuvre du texte qui pourrait bien conduire, si elle devait finalement en fixer l'interprétation, à une limitation pour le moins discutable du domaine du dispositif légal.
En effet, après avoir indiqué, ce qui ne saurait souffrir de discussion, "qu'il n'existe [...] aucune restriction quant au champ des actes 'contresignés, et qu'aucune' condition autre que l'exercice régulier de la profession d'avocat n'est exigée", le Garde des Sceaux a, de façon plus originale, fait valoir que les dispositions de la loi du 28 mars 2011, relatives à l'acte contresigné par l'avocat, "ne sont applicables que si toutes les parties à l'acte sont représentées par un avocat". Serait ainsi levé le doute suscité par la lettre des nouveaux articles 66-3-1 et 66-3-2 : alors, en effet, que le premier des deux textes, en énonçant que "l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille", autorisait à penser que les deux parties n'étaient pas nécessairement représentées par l'avocat, le second, lui, en affirmant que "l'acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties fait pleine foi de l'écriture et de la signature de celles-ci tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause", portait, au contraire, à croire que les deux parties à l'acte doivent être représentées. Avec la réponse ministérielle du 19 juillet 2011, il faudrait donc considérer que le contreseing de l'avocat ne se conçoit qu'à la condition qu'il ait été mandaté par toutes les parties à l'acte ou que le cocontractant de son client ait été lui aussi assisté ou représenté.
On pourra, à vrai dire, s'en étonner quelque peu, notamment si l'on examine la jurisprudence relative à la responsabilité de l'avocat rédacteur d'actes, dont on sait qu'il est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte (8), d'apporter la diligence à se renseigner sur les éléments de droit et de fait qui commandent les actes qu'il prépare ou les avis qu'il doit fournir, et d'informer ses clients sur la portée de l'acte et sur la conduite à tenir (9). On laissera de côté ici l'idée selon laquelle, au titre de son devoir d'information et de conseil, l'avocat doit prendre en considération les mobiles des parties, fussent-ils extérieurs à l'acte, au moins lorsqu'il en a eu connaissance (10), étant entendu que la compétence personnelle du client ne supprime pas dans son principe le devoir d'information et de conseil du professionnel, pas plus d'ailleurs que la présence d'une personne compétente qui assisterait le client. Tout cela est parfaitement entendu. Mais ce sur quoi il faut surtout insister, c'est sur le fait que, toujours selon la jurisprudence, l'avocat doit, lorsqu'il est le seul rédacteur de l'acte, informer et conseiller toutes les parties à l'acte, quand bien même elles ne l'auraient pas toutes mandaté. La Cour de cassation a ainsi jugé que l'avocat, unique rédacteur d'un acte sous seing privé, est tenu de veiller à assurer l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et de prendre l'initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d'autre, peu important le fait que l'acte a été signé en son absence après avoir été établi à la demande d'un seul des contractants (11).
Reste à savoir si cette jurisprudence est réellement susceptible de se trouver ici remise en cause. Rien n'est moins sûr si l'on considère que les réponses ministérielles ne sont que de simples indications de la pratique des administrations ministérielles, bien fragiles puisque sujettes à contradiction par une décision de justice (12), en somme qu'elles n'ont pas, à en croire une réponse ministérielle du 3 juillet 1997, de "valeur juridique" (13). Mais les choses sont sans doute plus subtiles : comme on a pu, non sans ironie d'ailleurs, le dire, si les réponses ministérielles étaient effectivement dépourvues d'autorité, pourquoi faudrait-il suivre celles-ci dans ce qu'elles nous avouent, y compris sur leur prétendue absence de "valeur juridique" ? Peut-être sont-elles, contrairement à l'idée reçue, porteuses d'un "impressionnant potentiel normatif" (14). A suivre en tout cas...
(1) CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 21 juin 2011, n° 10/13806 (N° Lexbase : A1313HWK), et nos obs., L'avocat chargé du recouvrement de la créance de son client commet une faute en s'abstenant de déclarer la créance au passif de la procédure collective du débiteur, Lexbase Hebdo n° 91 du 29 septembre 2011 - édition professions (N° Lexbase : N7854BSP).
(2) Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-15.697, F-P+B (N° Lexbase : A1017E33) ; voir encore, pour une illustration de la règle, CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 20 octobre 2009, n° 07/15062 (N° Lexbase : A9417EMQ), jugeant que "la faute consistant en un manquement au devoir de conseil et d'information ne peut s'apprécier qu'au regard du mandat". En l'espèce, des propriétaires et usufruitiers de vignes, endettés dans une exploitation familiale, avaient chargé un avocat fiscaliste, de procéder à une restructuration financière de leur groupe. Ce dernier leur a conseillé, après avoir poursuivi des démarches auprès de l'administration fiscale, afin de s'assurer de la validité du projet, de procéder à une cession temporaire de l'usufruit leur permettant, à terme, de maintenir l'unité d'exploitation du patrimoine familial, de retrouver, ainsi, sans frais, l'usufruit cédé, et de disposer d'un capital important. Mais, à la suite de cette opération de restructuration, les exploitants ont subi, en contrepartie d'un gain effectif, une très importante imposition. Ils ont, alors, recherché, devant le tribunal de grande instance, la responsabilité professionnelle du spécialiste, en raison de son manquement à son devoir de conseil et à son obligation de résultat du fait de son erreur d'appréciation dans la préparation de la restructuration ayant entraîné l'imposition litigieuse, alors que, selon eux, une solution plus intéressante financièrement existait. Les magistrats parisiens, pour écarter la responsabilité de l'avocat, ont considéré que sa mission, telle qu'elle ressortait du mandat qui lui avait été confié, ne consistait nullement dans la recherche d'un système évitant toute imposition du remboursement de la dette fiscale.
(3) CA Paris, 15 décembre 1998, Gaz. Pal., 1999, 2, Somm. p. 30.
(4) CA Paris, 1ère ch., sect. A, 5 février 2008, n° 06/18025 (N° Lexbase : A8050D4W).
Comp., pour une faute consistant dans le non renouvellement d'une inscription d'hypothèque judiciaire, Cass. civ. 1, 19 mai 1999, n° 96-20.332.
(5) Sur cette obligation, voir not. Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-15.899, FS-P+B (N° Lexbase : A9822EGU), Bull. civ. I, n° 92 ; CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 21 juin 2011, n° 10/13806 (N° Lexbase : A1313HWK).
Comp., pour une faute consistant dans le fait, pour l'avocat, d'avoir omis, lors de la déclaration de créance de son client dans la procédure collective d'une société, d'en préciser la nature privilégiée, Cass. civ. 1, 29 novembre 2005, n° 02-13.550 (N° Lexbase : A8316DLL).
(6) Voir nos obs. L'introduction en droit français du contreseing de l'avocat par la loi n° 2011-331 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, Lexbase Hebdo n° 77 du 26 mai 2011 - édition professions (N° Lexbase : N2914BSQ).
(7) Voir not. H. Letellier, L'acte d'avocat : c'est parti !, D., 2011, p. 1208.
(8) Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 89-13.528 (N° Lexbase : A4419AH7), Bull. civ. I, n° 46.
(9) Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-18.142, F-P+B sur la première branche (N° Lexbase : A4608EBB), Bull. civ. I, n° 267, jugeant que l'avocat, unique rédacteur d'un acte sous seing privé, est tenu de veiller à assurer l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et de prendre l'initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d'autre, peu important le fait que l'acte a été signé en son absence après avoir été établi à la demande d'un seul des contractants.
(10) Cass. civ. 1, 17 décembre 1991, n° 90-15.968 (N° Lexbase : A7994AHK), jugeant que "le notaire doit, en sa qualité de rédacteur d'acte, éclairer les parties sur sa portée et ses conséquences et prendre toutes les dispositions utiles pour en assurer l'efficacité, eu égard au but poursuivi par les parties" ; Cass. civ. 1, 12 décembre 1995, n° 93-21.076 (N° Lexbase : A2785CSX), décidant que "le notaire a le devoir d'éclairer les parties sur leurs droits et obligations et rechercher si les conditions requises pour l'efficacité de l'acte qu'il dresse sont réunies eu égard au but poursuivi par les parties".
(11) Cass. civ. 1, 25 février 2010, n° 09-11.591 (N° Lexbase : A4489ES3).
(12) JO Sénat, 28 août 1997, p. 2198.
(13) Sur la question, voir not. les obs. de R. Libchaber relatives à l'autorité des réponses ministérielles, RTDCiv., 1998, p. 216.
(14) Ibid.
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var
Le 20 Octobre 2011
Le traitement des créances, dans une procédure collective de paiement, dépend, depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), de la réponse à la question de savoir si la créance en cause est ou non éligible au traitement préférentiel, si le créancier est ou non un créancier postérieur méritant. Ce dernier échappe à la discipline collective. Les autres créanciers y sont soumis, sous cette réserve que les créanciers, dont la créance est née irrégulièrement après jugement d'ouverture, ne sont pas soumis à l'obligation de la déclaration de leurs créances au passif.
Pour être postérieur méritant, le créancier doit détenir une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture, et répondant à certaines finalités. Ainsi, trois critères doivent être vérifiés : le critère organique, celui de la régularité de la créance, le critère téléologique, celui de la finalité de la créance et le critère chronologique, celui de la postériorité de la créance par rapport au jugement d'ouverture. Cette dernière question était au centre des préoccupations de l'arrêt commenté.
En l'espèce, une société X, confie par mandat, à une société Y, le soin de procéder aux démarches nécessaires pour la récupération des crédits d'impôt formation, au titre des années 2004 à 2006. La société X est placée en redressement judiciaire en 2007, puis, la même année, en liquidation judiciaire. Pendant la liquidation judiciaire, l'administration fiscale adresse au liquidateur, à la suite des démarches de la société Y, les sommes correspondants au crédit d'impôt formation. Se prévalant de ce versement, la société Y demande alors au liquidateur le paiement des sommes dues au titre du contrat de mandat, en pratique un pourcentage sur les sommes récupérées. Le liquidateur résiste et, dans ces conditions, la société Y l'assigne en paiement.
La cour d'appel rejette la demande en considérant que les sommes litigieuses, bien qu'elles correspondent à des honoraires de résultat, constituent des créances antérieures au jugement d'ouverture, car leur fait générateur est trouvé dans la conclusion du contrat de mandat (CA Versailles, 13ème ch., 27 mai 2010, n° 08/08815 N° Lexbase : A0887EZU).
La société Y forme alors un pourvoi en cassation. La question posée à la Cour de cassation est de savoir si la créance de commission correspondant à des honoraires de résultat est née de la perception des remboursements de crédits d'impôt formation par le liquidateur. A cette question, la Cour de cassation répond par la négative. Elle juge que "la date d'exigibilité de la commission ne se confond pas avec la date du fait générateur de la créance. En conséquence, la créance d'honoraires de résultat ne naît pas à la date du paiement, mais à celle de l'exécution de la prestation caractéristique".
La solution contraste avec celle posée quelques années plus tôt, dans une affaire similaire. Une cour d'appel avait en effet jugé que le droit au versement d'honoraires dépendant de l'obtention effective de l'avantage procuré au débiteur, le fait générateur de la créance d'honoraires devait être fixé au jour de l'obtention du résultat, c'est-à-dire en l'occurrence le versement d'un crédit d'impôt formation (1).
Pour comprendre la portée de la solution posée par la Cour de cassation, il importe de retracer l'évolution jurisprudentielle sur la question du fait générateur de la créance de commission.
La date de naissance des créances issues des contrats de mandat n'était, en effet, pas réglée unitairement par la jurisprudence rendue en matière de droit des entreprises en difficulté. Une casuistique compliquée, aux lignes directrices incertaines, s'évinçait de l'examen des diverses solutions, en fonction des divers contrats de mandat.
Classiquement, pour déterminer si une créance est antérieure ou postérieure par rapport au jugement d'ouverture d'une procédure collective de paiement, on enseigne qu'il convient de se référer au fait générateur de cette créance, c'est-à-dire à l'événement qui engendre la créance (2).
L'une des difficultés majeures de délimitation des créances antérieures et des créances postérieures concerne les créances issues de contrats à exécution successive. Deux thèses s'affrontent ici, en droit civil.
Dans un premier courant, le fait générateur de la créance serait toujours trouvé dans le contrat, c'est-à-dire dans sa perfection, et non dans son exécution. A partir de la perfection du contrat, pour chacune des parties, naîtraient les obligations réciproques (3). C'est la thèse volontariste.
Dans un second courant, il serait possible de dissocier la formation du contrat de son contenu "obligationnel". Le fait générateur de la créance ne résiderait plus dans la formation du contrat, mais dans son exécution (4). C'est la thèse économique, dite aussi matérialiste. Le fait générateur de la créance contractuelle de somme d'argent serait ainsi, dans les contrats synallagmatiques, l'exécution de la contrepartie attendue de l'autre partie au contrat, c'est-à-dire, pour ce dernier, l'objet de son obligation. Il s'agit plus précisément de la contrepartie caractéristique, c'est-à-dire principale du contrat sur lequel il est raisonné. C'est ainsi la cause de l'obligation pour celui qui s'engage à payer qui constitue le fait générateur de la créance (5).
La thèse volontariste apparaît inconciliable avec le régime de la continuation des contrats, lequel s'accommode mieux de la thèse matérialiste.
L'examen de divers textes du droit des entreprises en difficulté, ainsi que celui des solutions posées par la jurisprudence, permettent d'affirmer que les créances nées de la continuation des contrats à exécution successive en cours naissent au fur et à mesure de l'exécution du contrat et non au jour de la formation de celui-ci.
En matière de continuation des contrats en cours, nul texte n'énonce que les créances issues de la continuation du contrat, qui auraient la nature de créances antérieures, doivent être traitées comme des créances postérieures. Les textes se contentent de préciser que, en cas de continuation d'un contrat en cours, "lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant" (C. com., art. L. 622-13 N° Lexbase : L3352IC7). Cela revient clairement à affirmer que la créance issue de la continuation d'un contrat en cours est une créance postérieure au jugement d'ouverture, ce qui fonde l'obligation pour le débiteur de la payer et la possibilité pour le cocontractant d'en recevoir paiement, ce qui aurait été impossible en présence d'une créance antérieure.
Le législateur opte clairement pour la thèse matérialiste. En ce sens, l'article L. 622-17, I du Code de commerce (N° Lexbase : L3493ICD) vise les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur. La fourniture de la prestation fait naître la créance.
D'autres solutions jurisprudentielles permettent d'apercevoir que la thèse volontariste l'a emporté dans le domaine du droit des entreprises en difficulté. Il en est ainsi, par exemple, du traitement en créance postérieure de la créance née entre le jugement d'ouverture et l'option sur la continuation du contrat, quelle qu'elle soit. La Cour de cassation a ici tiré argument de l'impossibilité pour le cocontractant du débiteur de se délier d'un contrat en cours sans la volonté -expresse ou tacite- de l'administrateur judiciaire ou du débiteur, pour décider que, du jour du jugement d'ouverture au jour de l'option sur la non continuation, la créance du cocontractant est, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, couverte par l'article 40 (C. com., art. L. 621-32 N° Lexbase : L6884AIS) (6). La solution est transposable sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises.
L'examen des règles de droit commun de la coordination de la continuation des contrats en cours avec la délimitation de la date de naissance des créances fait ainsi apparaître que les créances issues d'un contrat synallagmatique à exécution successive naissent au fur et à mesure de l'exécution du contrat. Ces règles s'appliquaient-elles uniformément en matière de mandat ?
L'objet du mandat est l'accomplissement d'un ou de plusieurs actes juridiques.
Tant que les actes devant être accomplis par le mandataire ne sont pas exécutés au jour du jugement d'ouverture, le contrat de mandat est en cours, puisque la prestation caractéristique à la charge du partenaire contractuel du débiteur n'est pas complètement exécutée. Dans ces conditions, le contrat de mandat conclu avant jugement d'ouverture, et qui n'est pas intégralement exécuté à cette date, fait-il naître des créances postérieures au jugement d'ouverture ? Une distinction devait être opérée selon qu'il était question des solutions classiques posées en matière de mandat ou des solutions exceptionnelles posées notamment pour la créance d'honoraires de l'avocat.
En ce qui concerne, tout d'abord, les solutions classiques posées en matière de mandat, la Cour de cassation a eu à statuer sur le fait générateur de la commission due à une catégorie particulière de mandataire, l'agent immobilier. Elle a considéré que le fait générateur de la créance de l'agent immobilier est trouvé non dans la vente, intervenue par hypothèse après jugement d'ouverture, mais dans le mandat initial conclu avant ce même jugement. Dès lors que la signature du mandat confié à l'agent immobilier est antérieure au jugement d'ouverture, la créance de l'agent immobilier est elle-même antérieure, juge la Cour de cassation (7). De même, il a pu être jugé que la créance de commissions dues dans le cadre d'un mandat de recherche de partenaires a pour fait générateur la conclusion du mandat -le moment où le cocontractant se trouve lié au mandant, énonce la Cour de cassation- (8).
C'est en ce sens, également, que s'était prononcée, dans la présente affaire, la cour d'appel : la créance d'honoraires avait, selon elle, pris naissance dans la conclusion du contrat donnant mandat à la société Y de récupérer les crédit d'impôt formation.
Ces solutions pouvaient apparaître surprenantes. En effet, ces divers contrats s'analysent en des mandats, contrats à exécution successive. Tant que le mandat est en cours au jour du jugement d'ouverture, c'est-à-dire pour reprendre l'exemple de l'agent immobilier, tant qu'il n'a pas trouvé d'acquéreur, ce contrat doit pouvoir être continué et faire naître, en conséquence, une créance d'honoraires après le jugement d'ouverture. D'ailleurs, il faut bien apercevoir que si aucun acquéreur n'est trouvé, les honoraires ne sont pas dus. Ce n'est donc pas la conclusion du contrat d'agent immobilier qui fait naître la créance d'honoraires, mais bien l'accomplissement de la prestation du mandataire, à savoir le fait d'avoir trouvé l'acquéreur. Comme dans le droit commun de la continuation des contrats synallagmatiques à exécution successive en cours au jour du jugement d'ouverture, il faut trouver dans l'accomplissement de l'objet de l'obligation du partenaire contractuel du débiteur le fait générateur de la créance du contrat continué.
La solution s'impose d'autant plus, compte tenu de la rédaction de l'article L. 622-17 du Code de commerce, issue de la législation de sauvegarde des entreprises. En effet, l'un des critères téléologiques d'attribution du traitement préférentiel aux créances postérieures tient à la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur. Ainsi, pour être éligible au traitement préférentiel, il suffit que la créance soit la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation, ou pendant la poursuite provisoire de l'activité autorisée en liquidation judiciaire. C'est assez dire qu'il suffit que la prestation soit fournie après le jugement d'ouverture pour que le traitement préférentiel réservé à certains créanciers postérieurs existe. Le terrain d'élection de cette disposition est évidemment celui de la continuation des contrats à exécution successive en cours au jour du jugement d'ouverture.
Dès lors, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, il ne nous semble pas possible de soutenir que la créance du mandataire née d'un mandat continué après jugement d'ouverture n'est pas éligible au traitement préférentiel réservé à certains créanciers postérieurs
C'est d'ailleurs la solution qu'applique la Cour de cassation en présence d'une variété particulière de mandat, celui donné à l'avocat.
Bien avant l'intervention de la loi de sauvegarde des entreprises, il avait été suggéré que la créance d'honoraires d'un avocat puisse naître au fur et à mesure de l'exécution de son mandat (9). La Cour de cassation a suivi la suggestion. C'est ainsi qu'une cour d'appel a été censurée pour n'avoir pas recherché si les prestations de l'avocat avaient été accomplies avant ou après le jugement d'ouverture (10).
La solution retenue pour cette catégorie particulière de mandat qu'est celui confié à un avocat, est appliquée par la jurisprudence pour déterminer si la créance d'honoraires d'un commissaire aux comptes, dont le caractère contractuel n'est qu'apparent, pour être plus véritablement d'origine légale, est antérieure ou postérieure. Elle naît successivement, au fur et à mesure des prestations accomplies. La date de la certification des comptes n'est donc pas le critère retenu dans l'appréciation (11). Cette solution devrait également être celle applicable à un expert-comptable. A cet égard, la jurisprudence fiscale considère que les prestations d'un expert-comptable sont des prestations discontinues à échéances successives (12). Elle doit pouvoir être transposée en notre matière.
C'est en ce sens que se fixe, en l'espèce, la Cour de cassation, en jugeant que "la créance d'honoraires de résultat ne naît pas à la date du paiement, mais à celle de l'exécution de la prestation caractéristique".
Il ne faut pas s'y tromper. Bien que la Cour de cassation rejette le pourvoi, elle ne valide pas, pour autant, le raisonnement tenu par la cour d'appel. La créance de commission ne naît pas de la conclusion du mandat, comme l'avait jugé la cour d'appel, mais de l'exécution de la prestation caractéristique, c'est-à-dire de l'exécution des actes juridiques confiés par le contrat de mandat au mandataire. Il faut donc vérifier à quelles dates ont été accomplies ces démarches pour savoir si la créance d'honoraires est ou non antérieure au jugement d'ouverture.
On peut ici regretter que la réponse n'ait pas été clairement donnée, la Cour de cassation se contentant d'indiquer un principe de solution, sans le comparer aux données factuelles du dossier. On ne sait pas, en l'espèce, si les démarches avaient été accomplies avant ou après le jugement d'ouverture pour obtenir le remboursement du crédit d'impôt formation. En supposant que des démarches aient été accomplies pour certaines avant le jugement d'ouverture, et pour d'autres après le jugement d'ouverture, comment aurait pu s'opérer la ventilation, dans la créance d'honoraires de résultat, entre la partie antérieure et la partie postérieure au jugement d'ouverture ?
En pareille circonstance, les praticiens devront clairement donner aux juges du fond des moyens de procéder à cette ventilation.
Ce qui est en tout cas certain, c'est que la Cour de cassation traite désormais de manière unitaire la créance de commission : elle ne naît pas de la conclusion du contrat de mandat, mais bien de l'exécution de la prestation caractéristique du contrat de mandat. La thèse matérialiste l'a donc clairement emporté, ce dont il faut se réjouir puisque, désormais, que l'on raisonne sur la créance d'honoraires de l'avocat ou sur la créance d'honoraires d'un mandataire quelconque, la solution sera la même.
On devrait donc pouvoir s'attendre, à l'avenir, à un revirement de jurisprudence sur la question du fait générateur de la créance de l'agent immobilier et c'est sans doute eu égard à la généralité de la solution qu'elle entend adopter, qu'il faut expliquer que la Cour de cassation ait cru bon d'appeler à la publication au Bulletin cet arrêt qui n'est que de rejet.
Ainsi, des solutions harmonieuses seraient appliquées, respectueuses des principes en matière de continuation des contrats en cours et en matière d'attribution du traitement préférentiel aux créanciers postérieurs.
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises
La compensation est l'extinction simultanée de deux obligations de même nature existant entre deux personnes réciproquement créancières et débitrices l'une de l'autre. Elle opère un double paiement à concurrence de la plus faible des deux créances. Dès lors qu'un débiteur fait l'objet d'une procédure collective, la compensation apparaît particulièrement attractive pour le créancier : elle lui évitera, en effet, "de décaisser des espèces sonnantes et trébuchantes en contrepartie d'un paiement en monnaie de faillite", c'est-à-dire, pour le créancier chirographaire, "en monnaie de singe" (13). Le créancier est-il cependant enfermé dans des limites temporelles pour invoquer, à l'égard de la procédure collective, le jeu de la compensation antérieur au jugement d'ouverture ? Lorsque les conditions de la compensation légale sont réunies avant le jugement d'ouverture, le fait que, dans un premier temps, le créancier ne l'invoque pas, prive-t-il ce dernier du bénéfice de la compensation légale ?
La lecture d'un arrêt rendu par Chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 septembre 2011, dont l'intérêt est souligné par sa publication au Bulletin, permet d'apporter une réponse à ces interrogations.
Une société de financement avait conclu avec son client une convention de service et de financement par voie de cession de créances professionnelles stipulant la constitution d'une retenue de garantie affectée à la couverture des créances et recours que la société de financement pourrait avoir sur son client. La convention prévoyait la compensation de plein droit de cette retenue de garantie avec le solde débiteur du compte courant au jour de sa clôture et de sa liquidation. Il semble, à la lecture de l'arrêt rapporté, que cette clôture soit, en l'espèce, intervenue avant l'ouverture de la procédure collective du titulaire du compte. Dans le cadre de cette procédure, la société de financement avait initialement déclaré sa créance à hauteur de 1 315 919 euros, puis l'avait réduite à 385 715 euros après imputation de nouveaux encaissements et de la retenue de garantie, avant que la créance ne soit finalement rejetée par le juge-commissaire.
Le liquidateur es qualité avait alors assigné la société financière en restitution de la retenue de garantie sans obtenir gain de cause devant les juges du fond. Il s'était ensuite pourvu en cassation, sans davantage de succès. Son pourvoi est en effet rejeté par la Haute juridiction qui s'exprime en ces termes : "attendu que la compensation s'opère de plein droit, même en l'absence de lien de connexité, entre les dettes réciproques des parties, dès lors qu'elles sont certaines liquides et exigibles avant le prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective de l'une ou l'autre des parties, peu important le moment où elle est invoquée ; que l'arrêt retient que, conformément aux dispositions conventionnelles, la société IFN finance a procédé aux opérations de clôture et liquidation du compte courant de la société GMEP, qui avait révélé un solde débiteur et qu'elle a ensuite opéré une compensation entre ce solde et la retenue de garantie, avant de demander l'admission au passif de la procédure collective ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la compensation entre les dettes réciproques des parties s'était opérée, avant l'ouverture de la procédure collective de la société GMEP, la cour d'appel [...] a légalement justifié sa décision".
La solution qui s'évince de l'arrêt doit être approuvée dans la mesure où elle s'appuie sur l'automaticité du jeu de la compensation légale. Cette caractéristique est clairement posée à l'article 1290 du Code civil (N° Lexbase : L1399ABG), qui énonce que la compensation légale "s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs".
La compensation légale suppose réunies quatre conditions posées par les articles 1289 (N° Lexbase : L1400ABH) et 1291 (N° Lexbase : L1401ABI) du Code civil :
- celle de réciprocité (C. civ., art. 1289), les deux personnes en présence devant être simultanément et personnellement créancières et débitrices l'une de l'autre ;
- celles de fongibilité, de liquidité et d'exigibilité des créances réciproques (C. civ., art. 1291) (14).
Dès lors que ces conditions sont réunies, au plus tard la veille du jugement d'ouverture -qui, rappelons-le, rétroagit à zéro heure de sa date-, la compensation légale aura joué avant la survenance de la procédure collective. Puisque la compensation a un effet extinctif des obligations, le créancier n'aura donc pas à déclarer au passif de la procédure collective la partie de la créance éteinte par le jeu de la compensation. En revanche, si ces quatre conditions ne sont pas réunies au jour de l'ouverture de la procédure collective, la compensation ne pourra, après jugement d'ouverture, opérer qu'en cas de connexité (15) et sous réserve de l'opposabilité à la procédure collective de la créance du créancier sollicitant la compensation. A, en effet, été posé en jurisprudence un principe d'impossibilité de compensation pour dettes connexes après jugement d'ouverture en l'absence de déclaration de créances, et ce tant sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (16) que sous celui de la loi de sauvegarde (17). La créance devra donc être déclarée à hauteur de son intégralité détenue et non pas seulement pour le solde obtenu après compensation (18).
Dans quelles circonstances faut-il considérer que la compensation -légale- entre le solde débiteur d'un compte courant et une retenue de garantie a joué au jour du jugement d'ouverture ?
Tant que le compte courant n'est pas clôturé, il fait apparaître un solde provisoire. La doctrine considère que ce solde provisoire représente une créance de l'une des parties (le banquier ou le client) sur l'autre (19). Cette créance est disponible mais, sauf stipulation contraire des parties, non exigible (20). Ainsi, à moins que les parties n'en aient décidé autrement, le solde provisoire ne sera pas exigible avant clôture du compte et, partant, aucune compensation légale ne pourra s'opérer.
En revanche, après clôture et liquidation du compte courant, le solde définitif constitue une créance exigible (21). Dès lors, si les autres conditions de la compensation légale sont réunies avant l'ouverture de la procédure collective, la compensation aura joué à cette date. Remarquons que, dans son pourvoi, le liquidateur, a employé les termes de "compensation conventionnelle". Or, si le principe de la compensation entre le solde définitif et la retenue de garantie était, certes, visé par le contrat liant les parties, cette compensation ne répondait pas pour autant à la définition de la compensation conventionnelle laquelle résulte de la volonté des parties de se libérer mutuellement par compensation de leurs obligations réciproques sans que les conditions de la compensation légale soient remplies (22).
Alors même que la lettre de l'article 1290 du Code civil pose le caractère automatique de la compensation légale, la jurisprudence a toujours considéré que la compensation ne peut produire son effet que si elle est invoquée (23). Cependant, si la compensation n'est pas invoquée, la renonciation à la compensation n'est pas pour autant présumée (24). La question peut cependant se poser de savoir si, le fait que, comme en l'espèce, le créancier a, dans un premier temps, déclaré une créance -finalement rejetée- sans se prévaloir de la compensation (c'est-à-dire, en l'occurrence, sans déduire le montant de la retenue de garantie) emporte renonciation au jeu de la compensation légale. Tel ne semble pas être le cas pour la Chambre commerciale qui considère que, dès lors que les conditions de réciprocité, de certitude, de liquidité et d'exigibilité sont remplies avant le jugement d'ouverture, la compensation légale "s'opère de plein droit [...] peu important le moment où elle est invoquée". Force est de constater que cette solution est en parfaite adéquation avec les termes mêmes des dispositions de l'article 1290 du Code civil, selon lesquels la "compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives".
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon
(1) CA Versailles, 12ème ch., sect. 1, 27 janvier 2005, n° 04/00204 (N° Lexbase : A4362DXT).
(2) C. Saint-Alary-Houin, La date de naissance des créances en droit des procédures collectives, interv. Colloque CEDAG Paris V, 25 mars 2004, LPA, 9 novembre 2004, n° 224, p. 11 et s., n° 3. Adde sur cette question, nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 5ème éd. 2012/2013, à paraître en novembre 2011, n° 441.00 et s..
(3) Ainsi, E. Putman, La formation des créances, thèse, Aix-Marseille, 1987 ; R. Perrot, obs. RTDCiv., 1995, p. 965 ; C. Larroumet, obs. sous Cass. com., 26 avril 2000, n° 97-10.415 (N° Lexbase : A5133AWZ), D., 2000, jur. p. 717.
(4) P. Ancel, Force obligatoire et contenu obligationnel, RTDCiv., 1999, p. 772.
(5) Ainsi, évoquant les prestations fournies en contrepartie du paiement de cotisations d'adhésion à une association, Cass. com., 30 octobre 2000, n° 97-21.372 (N° Lexbase : A6181C73), RJDA, 2001/2, n° 187.
(6) Cass. com., 16 octobre 1990, n° 89-12.930 (N° Lexbase : A4508ACX), Bull. civ. IV, n° 240.
(7) Cass. com., 17 février 1998, n° 95-15.409 (N° Lexbase : A2373ACU), Bull. civ. IV, n° 81.
(8) Cass. com., 16 octobre 2007, n° 06-11.102, F-D (N° Lexbase : A8035DYA), Gaz. proc. coll., 2008/1, p. 44, note F. L.-C. Henry.
(9) M. Cabrillac, obs. sous Cass. com., 2 octobre 2001, n° 98-22.493 (N° Lexbase : A1488AWZ), Bull. civ. IV, n° 157 ; JCP éd. E, 2002, chron. 175, p. 176, n° 16.
(10) Cass. com., 19 juin 2007, n° 05-17.074, F-P+B (N° Lexbase : A8661DWP), Bull. civ. IV, n° 168, D., 2007, AJ p. 1878, note A. Lienhard ; E. Le Corre-Broly in La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 269 du 18 juillet 2007 - édition privée (N° Lexbase : N9341BBL).
(11) Cass. com., 2 octobre 2001, n° 98-22.493 (N° Lexbase : A1488AWZ), Bull. civ. IV, n° 157.
(12) CE, 8° et 3° s-s-r.., 10 janvier 2005, n° 253490 (N° Lexbase : A0014DGM) ; JCP éd. E, 2005, 1252, p. 1396, note D. F.
(13) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2012/2013, n° 632.11.
(14) Sur ces conditions, v. not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil - Les obligations, Précis Dalloz, 10ème éd., n° 1393 et s..
(15) Cette condition de connexité n'a pas être remplie pour que joue la compensation légale, ce que souligne la Chambre commerciale dans l'arrêt rapporté. Sur la notion de connexité, v. not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil - Les obligations, préc., n° 1404 ; P.-M. Le Corre, préc., n° 631.41 et s..
(16) Cass. com. 23 janvier 1990, n° 88-16.172 (N° Lexbase : A4115AGI), Bull. civ. IV, n° 17, Rev. loyers, 1990, n° 709, p. 350, note Ch.-H. Gallet, RTDCom., 1990, 479, obs. Y. Chaput, RJ com., 1990, 365, note Calendini ; Cass. com., 15 octobre 1991, n° 89-20.605 (N° Lexbase : A4020ABI), Bull. civ. IV, n° 290, RD bancaire et bourse, 1992, 37, obs. M.-J. Campana et Calendini ; Cass. com., 25 mai 1993, n° 91-13.844 (N° Lexbase : A5638ABG), Bull. civ. IV, n° 207, Quot. Jur., 1993, n° 57, p. 5, note P. M, D., 1993, IR 165 ; Cass. com., 22 février 1994, n° 92-14.438 (N° Lexbase : A6952AB4), Bull. civ. IV, n° 70, LPA, 28 septembre 1994, n° 116, p. 23, note A. Honorat et A.-M. Romani, JCP éd. E, 1994, n° 27, p. 139, note J.-P. Rémery, D., 1995, jur. 27, note A. Honorat et A.-M. Romani, JCP éd. G, 1994, II, 22267, rapp. J.-P. Rémery ; Cass. com., 6 février 1996, n° 93-10.525 (N° Lexbase : A1091ABZ), Bull. civ. IV, n° 39, D., 1997, somm. 77, obs. A. Honorat, JCP éd. E, 1996, pan. 488 ; Cass. com. 12 novembre 1996, n° 94-17.032 (N° Lexbase : A2492ABW), Bull. civ. IV, n° 263, RJDA, 1997, 267 ; Cass. com., 14 novembre 2000, n° 97-19.798 (N° Lexbase : A6655A7M), Act. proc. coll., 2001/1, n° 7, note J. Vallansan ; Cass. com., 21 novembre 2000, n° 97-16.874 (N° Lexbase : A9317AHK), Bull. civ. IV, n° 180, Defrénois, 2001, n° 10, p. 635, note M. Billiau, Gaz. Pal., 5-6 janvier 2001, pan. 21 ; Cass. com., 3 avril 2001, n° 98-14.961 (N° Lexbase : A1939ATY), Act. proc. coll., 2001/10, n° 120 ; Cass. com., 9 octobre 2001, n° 98-14.514 (N° Lexbase : A2065AWE), RJDA, 2002/2, n° 174, p. 145 ; Cass. com., 7 janvier 2003, n° 00-10.630 (N° Lexbase : A6012A4G) ; Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.911 (N° Lexbase : A7145DKT) ; Cass. com., 31 janvier 2006, n° 04-15.832, F-D (N° Lexbase : A6552DMM), Gaz. proc. coll., 2006/2, p. 48, obs. R. Bonhomme ; Cass. com., 27 mai 2008, n° 06-20.012, F-D (N° Lexbase : A7803D8I) ; Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-14.718, F-D (N° Lexbase : A8969EBS) ; Cass. com., 1er décembre 2009, n° 08-20.178, F-D (N° Lexbase : A3442EP8) ; CA Paris, 5ème ch., sect. A, 12 septembe 2007, n° 05/15700 (N° Lexbase : A4613DYI).
(17) Cass.com., 3 mai 2011, n° 10-16.758, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7122HPH) ; nos obs. in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Mai 2011, Lexbase Hebdo n° 251 du 19 mai 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N2759BSY).
(18) Cass. com., 20 mars 2001, n° 98-16.256 (N° Lexbase : A1232ATS), Bull. civ. IV, n° 62, D., 2001, AJ 1468, Act. proc. coll., 2001/8, n° 99 ; Cass. com., 24 avril 2007, n° 05-17.452, F-D (N° Lexbase : A0185DWR), Rev. proc. coll. 2007/3, p. 141, n° 6, obs. O. Staes ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 10 octobre 2006, n° 05/21484 (N° Lexbase : A7220DS9) ; CA Paris, 15ème ch., sect. B, 11 octobre 2007, n° 06/01303 (N° Lexbase : A3206DZR).
(19) R. Bonhomme, Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 9ème éd., 2011, n° 479 ; J-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, Droit bancaire, Précis Dalloz, 6ème éd, 1995, p. 246.
(20) Cass. com., 25 novembre 1974, n° 73-12.702 (N° Lexbase : A4890AUN), Bull. civ. IV, n° 298, RTDCom., 1975, 572, obs. M. Cabrillac et J.-L. Rives-Lange ; cf., éaglement, JCP éd. E, 1998, chron. 321, obs. Ch. Gavalda et J. Stoufflet : "l'existence d'un solde provisoire ne permet pas l'exercice par l'autre partie d'une action en justice contre le titulaire d'un compte courant, à défaut d'une convention particulière".
(21) R. Bonhomme, préc., n° 483.
(22) V. A.-M. Toledo, La compensation conventionnelle. Contribution à la recherche de la nature juridique de la compensation conventionnelle in futurum, RTDCiv., 2000, p. 265.
(23) V. Cass. Req., 11 mai 1880, DP 1880, 1, p. 470, S. 1881, 1, p. 107.
(24) F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil - Les obligations, préc., n° 1408.
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Réf. : Cass. QPC, 5 octobre 2011, n° 11-40.053, FS-P+B (N° Lexbase : A6053HYT) et Cass. QPC, 6 octobre 2011, n° 11-40.056 (N° Lexbase : A6122HYE) et n° 11-40.057 (N° Lexbase : A6123HYG), F-P+B
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 04 Novembre 2011
Résumés
Cass. QPC, 5 octobre 2011, n° 11-40.053, FS-P+B La question posée qui porte sur l'application combinée des articles L. 1226-4 (N° Lexbase : L1011H9C) et L. 4624-1 (N° Lexbase : L1874H9B) du Code du travail ne présente pas un caractère sérieux dès lors qu'elle se fonde sur une atteinte non caractérisée au principe d'égalité devant la loi et sur la violation d'un principe de sécurité juridique non reconnu comme étant de valeur constitutionnelle. Cass. QPC, 6 octobre 2011, n° 11-40.056 et n° 11-40.057, F-P+B La question posée qui porte sur la conformité de l'article L. 641-4 du Code du commerce (N° Lexbase : L8861INI) au principe d'égalité devant la loi ne présente pas de caractère sérieux dans la mesure où les règles applicables à l'employeur en liquidation judiciaire sont justifiées par la volonté de permettre la prise en charge rapide des créances des salariés par le régime de l'AGS. |
Commentaire
I - L'égalité devant la loi en questions
A - Régime du droit au reclassement
Cadre légal. La question posée à la Cour portait sur le sort réservé au salarié déclaré inapte par le médecin du travail. Lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte à retrouver son emploi, après un accident ou une maladie, l'employeur doit en effet tenter de le reclasser avant d'envisager un éventuel licenciement s'il ne le peut pas (1). Selon les propres termes de l'article L. 1226-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1006H97), il "lui propose un autre emploi approprié à ses capacités [et] prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail".
Ce reclassement doit intervenir dans l'entreprise ou, à défaut, dans le groupe (2), dans un emploi aussi proche que possible de l'ancien, sous la réserve que cet emploi soit compatible avec son état de santé et que le salarié accepte d'éventuelles modifications du contrat de travail induites par ce reclassement (3).
Cet avis d'inaptitude est l'élément central de la procédure. Dès lors que l'avis rendu par le médecin du travail est un avis d'aptitude, même assorti de multiples et importantes réserves en pratique impossibles à mettre en oeuvre, l'employeur ne peut pas licencier le salarié en invoquant son état de santé (4) et doit tenir compte des recommandations du médecin du travail pour adapter son poste de travail dans le cadre de l'article L. 4624-1 du Code du travail (5).
L'employeur sera alors dans une fâcheuse posture puisqu'il ne pourra alors pas licencier ce salarié, la loi ne faisant exception à la prohibition de toute prise en compte de l'état de santé que dans le cas de l'inaptitude déclarée par le médecin du travail (6).
Le Code du travail permet aux parties au contrat de travail de contester, auprès de l'inspecteur du travail, l'avis du médecin du travail (7). Depuis quelques mois, la Cour de cassation considère que cette voie de contestation administrative est la seule possible pour contester l'avis délivré par le médecin du travail ; à défaut de recours, cet avis s'imposera non seulement aux parties mais également au juge judiciaire qui ne pourra pas contester la qualification retenue dans l'avis (8).
Le Code du travail ne dit pas grand-chose sur cette procédure de contestation, si ce n'est qu'elle s'exerce devant l'inspecteur du travail qui doit prendre une décision après avoir recueilli l'avis du médecin inspecteur du travail. Le Code ne fixe aucun délai ni pour exercer le recours, ni, d'ailleurs, pour que l'inspecteur du travail rende son avis.
Précisions jurisprudentielles. La jurisprudence a apporté quelques précisions sur le régime de ce recours.
En premier lieu, l'inspecteur du travail doit rendre une véritable décision administrative portant sur l'aptitude ou l'inaptitude du salarié, et non se contenter d'annuler l'avis du médecin du travail ; cette décision se substitue d'ailleurs à l'avis, à la date où ce dernier a été rendu (9).
En second lieu, le salarié qui exerce le recours, généralement contre l'avis d'inaptitude sur lequel l'employeur va se fonder, en invoquant l'impossibilité de le reclasser, pour le licencier, n'est pas enfermé dans un quelconque délai ni tenu d'en informer son employeur (10). Il peut alors parfaitement laisser la procédure de licenciement aller à son terme, puis contester l'avis d'inaptitude et obtenir une décision d'aptitude (11) ; le licenciement se retrouvera alors rétroactivement privé de sa base légale. La seule consolation pour l'employeur sera que le licenciement notifié sur la base d'un avis d'inaptitude ultérieurement annulé ne sera pas nul, comme discriminatoire, mais "seulement" privé de cause réelle et sérieuse (12)...
Enfin, le recours exercé devant le médecin du travail n'est pas suspensif (13), notamment du délai d'un mois qui court à compter de l'avis d'inaptitude et après lequel l'employeur, qui n'aurait pas reclassé ou licencié le salarié, doit reprendre le paiement du salaire (14). En cas de recours victorieux exercé contre l'avis d'inaptitude, la Cour de cassation a d'ailleurs considéré que "l'annulation de l'avis du médecin du travail ne fait pas disparaître rétroactivement l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement des salaires à l'issue du délai d'un mois après l'avis d'inaptitude mais provoque, à la date du prononcé de l'annulation, une nouvelle suspension du contrat de travail de sorte que tant que le recours administratif n'a pas abouti, les salaires restent dus jusqu'à la nouvelle suspension du contrat de travail résultant de cette annulation" (15).
Présentation de la QPC. C'est cette situation, qui résulte de l'application combinée des deux textes relatifs à la reprise du paiement du salaire et de la procédure de contestation de l'avis du médecin du travail devant l'inspecteur du travail, qui était en cause. Selon le demandeur, en effet, cette combinaison, qui conduit à imposer la reprise du paiement du salaire au bout d'un mois, alors que le salarié peut saisir, même tardivement, l'inspecteur du travail sans que ce recours ne présente de caractère suspensif, serait contraire au principe d'égalité devant la loi qui résulte des articles 5 (N° Lexbase : L1369A9L) et 6 (N° Lexbase : L1370A9M) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de sécurité juridique.
Rejet de la QPC. Ces arguments n'ont pas convaincu la Chambre sociale de la Cour de cassation qui ne les a pas trouvés suffisamment sérieux pour les transmettre au Conseil constitutionnel dans la mesure où ils se fondent "sur une atteinte non caractérisée au principe d'égalité devant la loi et sur la violation d'un principe de sécurité juridique non reconnu comme étant de valeur constitutionnelle".
Le moyen est donc doublement mal fondé, tout d'abord en fait puisque le demandeur n'a pas caractérisé de situation d'inégalité de traitement, lequel suppose la preuve d'une comparaison entre le traitement réservé par la loi à deux personnes se trouvant dans une même situation, et en droit, d'autre part, dans la mesure où le principe de sécurité juridique n'est pas reconnu comme principe de valeur constitutionnelle.
Sur l'égalité devant la loi. Sur le premier point on ne pourra que partager l'opinion de la Cour de cassation qui constate que le demandeur n'établit pas être victime d'une inégalité de traitement qui résulterait de l'application de la loi.
Pour qu'une telle inégalité soit établie, et sanctionnée, encore faut-il établir qu'une autre personne, placée dans la même situation, bénéfice d'un traitement préférentiel. Or, tous les employeurs qui relèvent du Code du travail se trouvent soumis au même régime juridique. Sans doute l'employeur considérait-il qu'une différence de traitement pouvait exister selon que le salarié avait ou non exercé un recours contre l'avis d'inaptitude, que cet avis serait ou non ultérieurement remis en cause ; mais dans cette hypothèse les deux employeurs ne se trouvent pas traités différemment par la loi, puisque tous deux sont soumis aux mêmes règles, mais se trouvent dans des situations de fait différentes en raison de circonstances qui tiennent aux choix faits par les salariés de contester, ou non, l'avis d'inaptitude, ce qui est très différent. Ce n'est donc pas du côté du principe d'égalité devant la loi qu'il convenait de rechercher la véritable critique, mais bien du côté du principe de sécurité juridique.
Sur le principe de sécurité juridique. Sur le second point qui concernait l'atteinte alléguée au principe de sécurité juridique, la solution retenue semble moins évidente dans la mesure où la Haute juridiction affirme que le principe de sécurité juridique n'a pas été reconnu comme étant de valeur constitutionnelle, ce qui pourrait surprendre de prime abord.
L'affirmation était indiscutable il y a encore dix ans (16), mais les dernières décisions rendues par le Conseil constitutionnel laissaient plutôt entendre le contraire. Formellement, l'affirmation est exacte et ce principe, fortement présent dans la jurisprudence de la CJUE et de la CEDH, n'a pas été consacré en tant que tel sur le plan constitutionnel ; mais, en substance, le Conseil le protège, à tout le moins dans certaines de ses manifestations, sur le fondement de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), le "principe de la garantie des droits" (17). Dernièrement, dans une décision QPC du 7 octobre 2011, le Conseil visait l'hypothèse d'une loi qui aurait "porté aux situations légalement acquises une atteinte qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789" (18).
Il ne faut toutefois pas confondre la garantie des droits, qui protège les citoyens contre la rétroactivité des lois, et la sécurité juridique, considérée de manière large, qui englobe de nombreuses situations, dont le droit de ne pas être laissé dans l'incertitude sur ses droits futurs, et qui a été reconnu tant en droit de l'Union que par la CEDH (19). Le Conseil constitutionnel complète, d'ailleurs, le principe de la garantie des droits par le principe "d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi" qui constitue un objectif à valeur constitutionnelle (20).
Or, si le Conseil constitutionnel a affirmé à de nombreuses reprises sa volonté de contrôler les atteintes réalisées au principe de la garantie des droits par des lois de validation ou des dispositions civiles rétroactives, il n'a jamais été plus loin et n'a jamais visé le principe de sécurité juridique (21), et même explicitement refusé de consacrer le principe de confiance légitime (22).
Il vise toutefois "la sécurité juridique", dans ses décisions d'abrogation dans le cadre de la procédure de QPC, pour justifier le report des effets de l'abrogation des dispositions qu'il examine en raison de l'atteinte portée à des droits ou des libertés que la Constitution garantit (23).
Il n'était donc pas inexact d'affirmer que le principe de sécurité juridique n'a pas de valeur constitutionnelle.
B - Régime du licenciement dans les entreprises en redressement judiciaire
Présentation de la QPC. Une autre question concernait l'article L. 641-4 du Code du commerce, en ce qu'il opère un renvoi aux articles L. 1233-58 (N° Lexbase : L1229H9E) et L. 1233-60 (N° Lexbase : L1234H9L) du Code du travail et impose au liquidateur judiciaire de procéder à la mise en place de mesures de reclassement préalables à tout licenciement ou de nature à les éviter, alors même qu'il se trouve dans le même temps soumis à l'obligation édictée par l'article L. 3253-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8807IQA) de licencier les salariés dans le délai de quinze jours. Pour le demandeur, ce texte porterait atteinte au principe d'égalité du citoyen devant la loi.
Le rejet de la QPC. Après avoir repris le principe selon lequel "le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit", la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que "tel est le cas de la situation de l'employeur en liquidation judiciaire, qui est soumis, par application combinée des articles L. 641-4 du Code de commerce et L. 3253-8 du Code du travail, à la même obligation de reclassement préalable au licenciement d'un salarié pour motif économique, que celle auquel est tenu un employeur in bonis, tout en l'obligeant à procéder au licenciement du salarié dans un délai de quinze jours de l'ouverture de la liquidation judiciaire, dès lors que cette différence est justifiée par le fait que les sommes dues au titre de la rupture sont prises en charge par un régime d'assurance garantissant les créances salariales contre l'insolvabilité des employeurs et que la réduction de la période couverte par la garantie satisfait à des raisons d'intérêt général".
En d'autres termes, il y a bien inégalité de traitement (laquelle peut résulter soit du fait de traiter de manière différente des personnes placées dans des situations identiques, soit au contraire, comme c'était le cas ici, de traiter de manière identique des personnes qui se trouvent placées dans des situations différentes) mais celle-ci repose sur un motif d'intérêt général puisqu'il s'agit d'accélérer le processus de rupture du contrat de travail pour permettre aux salariés de voir leurs créances rapidement prises en charge par l'AGS, ce qui constitue d'évidence un motif à la fois pertinent et d'intérêt général.
II - La Cour de cassation, chambre des requêtes constitutionnelles
Une appréciation mitigée. Le regard que l'on peut porter sur ces deux décisions est double, et finalement assez paradoxal.
Des solutions justifiées en substance. Il est tout d'abord difficile de contester le fait que les dispositions litigieuses n'étaient pas contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit. Qu'il s'agisse du régime du reclassement des salariés inaptes ou des salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises en difficultés, on ne saurait faire grief au législateur d'avoir porté atteinte à des droits et libertés. Si on veut bien faire abstraction de la question des obligations de l'employeur dans les entreprises en difficulté, qui n'encourent aucune critique véritable, le régime de l'inaptitude médicale mériterait d'évidence d'être révisé pour clarifier la question des avis d'aptitudes avec réserve et pour encadrer la procédure de contestation de l'avis, quitte à prévoir le report du délai d'un mois en cas de recours. Mais il s'agit ici de questions qui entrent dans la compétence du Parlement mais qui ne mettent pas sérieusement en cause des droits ou des libertés, même si le sort réservé aux employeurs en cas d'annulation de l'avis d'inaptitude postérieurement au licenciement prononcé est irritant.
Un filtrage étouffant. L'appréciation portée sur la constitutionnalité de ces différentes dispositions n'appellerait pas plus d'observations si les décisions de conformité qui en résultent émanaient du Conseil constitutionnel à qui la Constitution confie ce rôle...
Or, elles émanent de la Cour de cassation qui, empruntant avec une totale fidélité les méthodes de raisonnement et les formules du Conseil constitutionnel, à la virgule près ("le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (24)), se livre à un véritable contrôle de constitutionnalité en lieu et place du Conseil, considérant les arguments comme insuffisants et refusant donc de les transmettre.
Cette substitution est des plus problématiques au regard de la répartition des rôles qui devrait être respectée entre la Cour, seul juge du caractère non sérieux des arguments, et le Conseil qui devrait examiner toutes les hypothèses où l'argument mérite d'être examiné avec attention. Pour reprendre l'exemple de la QPC dirigée contre le régime de l'inaptitude, si l'argument tiré du non-respect du principe d'égalité n' était d'évidence pas sérieux, celui qui portait sur le manquement du principe de sécurité juridique aurait mérité un meilleur traitement tant la situation de l'employeur qui licencie un salarié déclaré inapte n'est pas placé dans une situation convenable par le Code du travail qui autorise le salarié à contester, passé le licenciement, l'avis pour obtenir éventuellement des indemnités d'un montant parfois élevé ; dans ces conditions, il n'est pas faux de dire que la loi ne garantit pas la sécurité juridique, et il aurait été intéressant de permettre au Conseil constitutionnel de dire s'il entendait ou non donner corps à ce principe. Or, si la Cour de cassation se met à se comporter comme une chambre des requêtes constitutionnelles en rejetant toutes les QPC qui n'ont pas de chance d'aboutir à une abrogation, compte tenu de l'actuelle jurisprudence du Conseil, alors elle ne transmettra plus rien car le Conseil n'a abrogé aucune des questions qui lui ont été transmises.
La situation risque par conséquent de devenir (ou de redevenir (25)) rapidement intenable car le Conseil sera alors privé de la possibilité de faire évoluer sa propre jurisprudence, à défaut d'affaires suffisamment nombreuses pour affiner sa position, et c'est alors toute la procédure de la QPC qui pourrait rapidement mourir d'asphyxie, à tout le moins s'agissant du droit du travail.
A terme, une réforme de la procédure est souhaitable et si c'est bien au Conseil constitutionnel que revient la mission de vérifier la constitutionnalité des lois, alors il faudra redéfinir les critères de transmission et renforcer les moyens du Conseil. En attendant, la Chambre sociale de la Cour de cassation pourra-t-elle, ou voudra-t-elle, alléger son contrôle préalable ? Rien n'est moins sur.
(1) Ce constat peut intervenir à l'occasion de la visite de reprise, mais pas nécessairement : dernièrement, Cass. soc., 21 septembre 2011, n° 10-14748, F-D (N° Lexbase : A9659HXZ).
(2) Cass. soc., 24 juin 2009, n° 07-45.656, F-P+B (N° Lexbase : A4144EIC).
(3) Dernièrement, Cass. soc., 26 janvier 2011, n° 09-43.193, FS-P+B (N° Lexbase : A8514GQE), v. les obs. de . L. Casaux-Labrunée, Inaptitude, obligation de reclassement, modification du contrat de travail et refus du salarié : la quadrature du cercle ?, Lexbase Hebdo n° 427 du 10 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N3573BRR).
(4) Cass. soc., 28 janvier 2010, n° 08-42.616, FS-P+B (N° Lexbase : A7668EQ3).
(5) Par exemple Cass. soc., 24 mars 2010, n° 09-40.339, FS-P+B (N° Lexbase : A1663EU7).
(6) L'article L. 1133-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6057IAL) dispose que "les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées".
(7) C. trav., art. L. 4624-1 (N° Lexbase : L1874H9B).
(8) Cass. soc., 16 septembre 2009, n° 08-42.212, F-P+B (N° Lexbase : A1144ELX) ; Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.674, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7572ENR), Bull. civ. V, n° 253, v. nos obs., Aptitude à l'emploi : l'impuissance du juge judiciaire, Lexbase Hebdo n° 376 du 17 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7052BM7) ; Cass. soc., 22 juin 2011, n° 10-13.800, F-D (N° Lexbase : A5346HUK).
(9) CE 4° et 5° s-s-r., 16 avril 2010, n° 326553 (N° Lexbase : A0192EWZ).
(10) Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.455, FS-P+B (N° Lexbase : A6096ER9), Bull. civ. V, n° 35.
(11) Dernièrement, CE 4° et 5° s-s-r., 27 juin 2011, n° 334834 (N° Lexbase : A5679HUU), mentionné aux tables du recueil Lebon.
(12) Cass. soc., 26 novembre 2008, n° 07-43. 598, FS-P+B (N° Lexbase : A4693EBG), Bull. civ. V, n° 233 ; Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.455, FS-P+B (N° Lexbase : A6096ER9).
(13) Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-41.141, F-P+B (N° Lexbase : A9773D74).
(14) C. trav., art. L. 1226-4 (N° Lexbase : L1011H9C). Dernièrement, Cass. soc., 26 janvier 2011, n° 09-43.139, F-D (N° Lexbase : A8513GQD).
(15) Cass. soc., 28 avril 2011, n° 10-13.775, F-D (N° Lexbase : A5466HP7).
(16) Ainsi, M. Olivier Dutheillet de Lamothe qui, à l'occasion de l'accueil de Hauts magistrats brésiliens, le 20 septembre 2005 au Conseil constitutionnel, commence son exposé ainsi : "la notion de sécurité juridique est absente, en tant que telle, de notre corpus constitutionnel" (in La sécurité juridique. Le point de vue du juge constitutionnel). Il indique plus loin que "la notion de sécurité juridique ne figure pas non plus, en tant que telle, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel".
(17) Cons. const., 29 décembre 2005, n° 2005-530 DC (N° Lexbase : A1204DMK) : "il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; [...] ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; [...] en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant". Olivier Dutheillet de Lamothe pouvait ainsi écrire en 2005 : "et pourtant l'exigence de sécurité juridique apparaît, comme l'a souligné une doctrine abondante, comme une référence implicite majeure du contrôle de constitutionnalité des lois aujourd'hui" (préc.).
(18) Cons. const., 7 octobre 2011, n° 2011-175 QPC (N° Lexbase : A5945HYT).
(19) Sur cette question, Les Grands arrêts de la CEDH, F. Sudre et alii, 6ème édition, 2011, p. 55, surtout s'agissant de la qualité de la loi.
(20) Cons. const., n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 (N° Lexbase : A8784ACC), D., 2000, p. VII, note B. Mathieu. Ce principe ne peut fonder en lui-même une QPC, à moins que ce défaut n'affecte par ailleurs un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
(21) Cons. const., n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010 (N° Lexbase : A7113GME) (Intangibilité du bilan d'ouverture), cons. 4 ; Cons. const., n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 (N° Lexbase : A8019EYN) (Loi dite "anti-Perruche"), cons. 22 : "si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; [...] en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; [...] enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie".
(22) Cons. const., n° 97-391 DC du 7 novembre 1997, Loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (N° Lexbase : A8442ACN), cons. 6 : "aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit un principe dit de 'confiance légitime'".
(23) Cons. const., n° 2010-45 QPC du 6 octobre 2010 (N° Lexbase : A9925GAT) (Noms de domaine Internet), cons. 7 : "eu égard au nombre de noms de domaine qui ont été attribués en application des dispositions de l'article L. 45 du Code des postes et des communications électroniques, l'abrogation immédiate de cet article aurait, pour la sécurité juridique, des conséquences manifestement excessives ; [...] dès lors, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2011 la date de son abrogation pour permettre au législateur de remédier à l'incompétence négative constatée ; [...] les actes réglementaires pris sur son fondement ne sont privés de base légale qu'à compter de cette date ; que les autres actes passés avant cette date en application des mêmes dispositions ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité".
(24) Cons. const., 7 janvier 1988, n° 87-232 DC (N° Lexbase : A8176ACS), cons. 10
(25) Sur une première vague de critique après les premiers refus de transmission entre avril et juillet 2010,v. nos obs., La Cour de cassation, juge constitutionnel ? Lexbase Hebdo n° 403 du 13 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6300BPZ).
Décisions
Cass. QPC, 5 octobre 2011, n° 11-40.053, FS-P+B (N° Lexbase : A6053HYT) Non-lieu à renvoi Textes visés : C. trav., art. L. 1226-4 (N° Lexbase : L1011H9C) et L. 4624-1 (N° Lexbase : L1874H9B), au regard du principe d'égalité devant la loi résultant des articles 5 (N° Lexbase : L1369A9L) et 6 (N° Lexbase : L1370A9M) ainsi qu'au principe de sécurité juridique Mots-clés : question prioritaire de constitutionnalité, égalité devant la loi, sécurité juridique, reclassement Liens base : (N° Lexbase : E3276ETI) Cass. QPC, 6 octobre 2011, n° 11-40.056 (N° Lexbase : A6122HYE) et n° 11-40.057 (N° Lexbase : A6123HYG), F-P+B Non-lieu à transmission Textes visés : C. com., art. L. 641-4 (N° Lexbase : L8861INI) Mots-clés : question prioritaire de constitutionnalité, égalité devant la loi, licenciement, procédure collective Liens base : |
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par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne
Le 20 Octobre 2011
Depuis la mise en oeuvre du régime transitoire en matière de TVA intracommunautaire, les livraisons de biens intracommunautaires sont exonérées dans le pays d'origine et imposables dans le pays de destination. Du fait de la suppression des frontières fiscales, une livraison communautaire s'effectue sans aucun contrôle aux frontières. Néanmoins, l'expéditeur doit pouvoir justifier du transport hors de France des biens vendus.
Ce régime transitoire, devenu permanent, est apparemment simple dans sa description, cependant il pose des difficultés notamment quant à la preuve du transport effectif des marchandises en dehors de la France. En effet, l'exonération de ces biens en France est subordonnée à plusieurs conditions, dont une selon laquelle le bien a été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre.
En l'espèce, une société exerçait une activité de négoce de montres. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999, l'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération de TVA pour certaines livraisons intracommunautaires, au motif que ces dernières n'étaient pas justifiées. Précédemment, le tribunal administratif de Paris, dans un jugement en date du 16 février 2009 (1), avait rejeté la demande de la société en vue d'être déchargée des rappels de TVA fondés sur le fait que l'entreprise ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 262 ter du CGI (N° Lexbase : L5503HWQ).
Dans cette décision, la cour administrative d'appel de Paris distingue précisément les justificatifs permettant d'établir la réalité du transport de marchandises de ceux qui ne le permettent pas. Pour la première catégorie, il s'agit des factures mensuelles de sociétés de fret express. Ces factures ne mentionnent pas nécessairement les nom et adresse du destinataire, mais elles comportent des indications relatives "à la date d'expédition, la référence du produit ou le nom de l'expéditeur, le pays de destination". Ces informations ne sont pas suffisantes en tant que telles pour justifier la réalité de la livraison intracommunautaire, mais elles permettent d'effectuer un rapprochement avec les indications des bons de livraison et de justifier de l'expédition des biens dans un autre Etat membre. Sur ce fondement, la cour administrative d'appel a admis que la réalité de certaines livraisons était ainsi justifiée.
En revanche, pour les justificatifs insuffisants à établir la réalité de l'expédition, il s'agit de divers documents : copie de facture correspondant à une vente, attestations d'acheteurs, documents bancaires attestant du paiement de factures, ou encore des bons de livraison sans date de livraison, et des documents de la Coface relatifs à un litige.
En matière de preuve, pendant longtemps, par application du principe selon lequel le demandeur invoquant une situation qui lui était favorable devait en démontrer la régularité juridique, il en ressortait que "l'administration devait prouver que le contribuable entrait dans le champ d'application d'un impôt, tandis qu'à l'inverse il appartenait au second d'établir qu'il remplissait les conditions pour profiter d'une exonération" (2). Mais il apparaît que, progressivement, le juge de l'impôt abandonne cette solution pour appliquer le régime de la preuve objective. Et précisément, dans l'affaire commentée, il s'avère que la cour administrative d'appel a appliqué ce régime. Ainsi, les juges d'appel ont suivi une jurisprudence, à présent bien établie, aux termes de laquelle les exonérations de TVA sont soumises à un régime de preuve objective. Notamment, selon la décision de principe rendue par la cour administrative d'appel de Paris (3) en matière de justification de la réalité de la livraison intracommunautaire, afin de pouvoir bénéficier de l'exonération inscrite à l'article 262 ter du CGI, "seul le redevable de la TVA est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise [...] ; si l'administration entend remettre en cause l'authenticité ou la sincérité des documents ainsi produits, il lui appartient d'apporter des indices sérieux sur leur caractère fictif".
Dans le cadre du système de preuve objective, le juge se prononce en fonction des pièces dont l'instruction a permis le versement au dossier. Or, le contribuable peut, par tous moyens, chercher à prouver la réalité de l'expédition des biens hors de France (4) ; de même, l'administration peut aussi prouver le contraire. En l'espèce, la cour administrative d'appel a examiné attentivement les documents versés, pour en déduire ceux qui étaient suffisants pour établir la réalité de l'expédition de ceux qui ne l'étaient pas.
Le contribuable fondait aussi sa demande sur l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L4634ICM). La cour administrative d'appel a conclu qu'il n'existait aucune interprétation dont il pouvait se prévaloir. Il s'agissait des instructions fiscales 3 CA-92 du 31 juillet 1992 (N° Lexbase : X0530AAU) (5) et A-3-97 du 28 mars 1997 (6) qui énumèrent les justificatifs (7) permettant d'apporter la preuve de la livraison des biens hors de France. Ces deux listes sont similaires, et dans les deux instructions il est précisé de manière identique que ces listes ne sont pas exhaustives et que "la valeur des justifications doit être appréciée au cas par cas" (8). Sur ce point, la cour administrative d'appel a adopté une solution qui avait déjà dégagée par la jurisprudence précédemment (9). Effectivement, ces listes n'ont qu'une finalité indicative et non une valeur interprétative. Les textes ne précisant pas quelle est la nature des documents qui permettent de justifier la réalité de la livraison, on peut parfois craindre qu'il n'existe des incertitudes et des interprétations différentes en fonction des exigences de chaque juridiction.
Enfin, on peut noter que, à la suite de la décision précitée, le législateur a posé de nouvelles règles afin que la répression de la fraude à la TVA intracommunautaire devienne plus sévère. Aux termes de la loi de finances pour 2006 (10), le vendeur ne peut plus bénéficier de l'exonération s'il est démontré qu'il savait, ou ne pouvait ignorer, que le destinataire des marchandises n'avait pas d'activité réelle. Malgré cette avancée de la loi quant à la lutte en matière de TVA intracommunautaire et celle dont est un exemple l'arrêt objet de ce présent commentaire, pour l'application du système de preuve objective à ce type de contentieux, il n'en reste pas moins que le régime transitoire actuel, dont l'appellation est contredite par sa permanence, reste un régime qui facilite la fraude et rend parfois difficile le bénéfice de l'exonération dans le cas de livraison de bien hors de France.
Dans ce litige, plusieurs points étaient en discussion. L'un concernait les montants des différentes impositions en litige, un deuxième était à propos de la demande d'entretien du contribuable avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, le troisième était relatif à des provisions ; enfin un quatrième point, qui fera l'objet du présent commentaire, intéressait plus particulièrement une notification de redressement de TVA qui s'était révélée incomplète.
Les faits étaient rapportés de manière très précise par la cour administrative d'appel de Paris. Une société avait, à la suite d'un contrôle, reçu une notification de redressement pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1997, comportant des rappels de TVA fondés sur l'indication portée par l'administration selon laquelle des livraisons intracommunautaires étaient injustifiées. Cette notification de redressement comportait neuf feuillets, ces derniers n'étaient pas numérotés et ce nombre de neuf était mentionné sur la première page de la notification. Les juges d'appel ont décrit les différents feuillets que comportait la notification de redressement : "une page introductive, une page intitulée redressements envisagés, une page exposant la motivation des redressements, quatre pages indiquant les conséquences financières des redressements et deux pages d'informations générales".
S'agissant du feuillet relatif à la motivation des rappels de TVA, elle ne comportait que la seule indication "livraisons intracommunautaires non justifiées". Dans un premier temps, la société avait, par courrier en date du 18 janvier 2001, expressément accepté les rappels de TVA sans remettre en cause la motivation desdits rappels. Néanmoins, la société s'est un peu tard ravisée car elle a porté le litige devant le juge en arguant notamment que cette notification ne satisfaisait pas aux conditions de motivation posées par l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L0638IH4). En effet, aux termes de cette disposition, la notification adressée par l'administration au contribuable "doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître ses observations". Dans un premier temps, le tribunal administratif de Paris, dans son jugement en date du 24 mars 2009 (11), n'a pas donné raison au contribuable. Au regard des faits, il apparaît que l'exemplaire de la notification de redressement produit par la société est matériellement incomplet et qu'elle aurait dû comporter un second feuillet de motivation des rappels de TVA.
L'appréciation du caractère matériellement complet ou non d'une notification de redressement relève du régime de la preuve objective (12). Il s'agit aussi d'une appréciation qui relève du pouvoir souverain des juges du fond (13). Le juge ne peut se fonder sur la seule affirmation du contribuable selon laquelle il a reçu une notification incomplète. En effet, ce dernier serait ainsi soumis à une charge de la preuve impossible car il ne peut logiquement démontrer qu'il n'a pas reçu certains documents. Dans le même temps, si cette preuve repose sur l'administration, celle-ci aurait tort de manière systématique. Donc la charge de la preuve n'est pas attribuée, mais les juges du fond sont amenés à se prononcer "au cas par cas, au vu de l'ensemble du dossier en relevant différents indices" (14). En l'espèce, le juge par sa description des faits démontre clairement que le contribuable avait bien reçu une notification incomplète ce que ne conteste pas l'administration.
Cependant, elle prétend que le contribuable aurait dû se rapprocher d'elle afin de s'assurer du contenu matériel de la notification de redressement. La cour n'a pas retenu cet argument au motif que le document reçu par le contribuable comportait neuf pages non numérotées et que le premier feuillet indiquait que la notification comportait neuf feuillets. Effectivement, on ne peut concevoir que le contribuable ait pu déduire de cet ensemble d'éléments que la notification ainsi reçue était incomplète. Cette solution avait été déjà retenue dans une décision du Conseil d'Etat du 26 novembre 1999 (15). Bien que les faits entre l'affaire présentement commentée et la décision de la Cour suprême ne soient pas absolument similaires, dans les deux espèces il s'agit bien d'une erreur dans la réalisation du pli ; erreur matérielle qui avait pour conséquence l'absence de motivation mettant ainsi le contribuable dans l'impossibilité de discuter utilement les redressements. Dès lors, il est tout à fait logique que la notification incomplète quant aux motivations des rappels de TVA entraîne les mêmes conséquences qu'une motivation qui serait jugée insuffisante. Or, dans cette dernière hypothèse, l'administration ne peut "reprendre" une seconde fois la motivation insuffisante afin de procéder à une mise en conformité de la procédure entamée avec les exigences de l'article L. 57 du LPF. De même, il n'y a pas de raison pour qu'en cas d'erreur matérielle l'administration puisse bénéficier d'une seconde chance (16).
Comme dans la décision précédente, le litige, objet de cet arrêt, présente plusieurs questions de droit. Notamment, en matière de TVA, d'une part, il s'agissait de la condition au terme de laquelle le contribuable ne peut déduire la TVA que s'il peut la justifier au moyen d'une facture. D'autre part, et c'est le point le plus intéressant dans cet arrêt, se posait la question de savoir si le contribuable pouvait recourir à une méthode décrite par la documentation administrative de base sans pour autant avoir respecté la procédure à suivre pour opter pour une méthode ou une autre de ventilation. Antérieurement, par une décision n° 0810029 du 26 mars 2009, le tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande de décharge d'une EURL requérante pour les rappels de TVA dus au titre de la période du 1er avril 1995 au 31 décembre 1998 et les pénalités afférentes.
La société exerçait une activité de vente au détail de canapés, literie et bazar. Elle a reçu d'une autre société, à la suite d'une scission en date du 17 novembre 1997, l'apport de nouveaux fonds de commerce portant sur l'exploitation de supermarchés. Dès lors, la société a effectué des ventes de biens soumises à des taux de TVA différents. Si le contribuable, grâce à sa comptabilité, connaît avec précision le montant des ventes des produits soumis à chaque taux, il n'a pas besoin de recourir à une des méthodes de ventilation décrites par la documentation de base de l'administration fiscale.
En l'espèce, la société n'avait pas tenu sa comptabilité de manière à pouvoir connaître avec exactitude le montant de ses recettes soumis à l'un ou l'autre taux. Elle avait donc recours à la méthode A, selon laquelle "les achats de produits destinés à la revente sont comptabilisés au prix d'achat et par taux d'imposition" (17). Cette méthode était déjà celle utilisée par la société ayant opéré la scission, antérieurement à cette opération, qui avait eu pour effet, par l'apport de fonds de commerce, que la société vende des biens soumis à des taux de TVA différents. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a considéré que la société bénéficiaire de la scission n'avait pas tenu la comptabilité détaillée de ses recettes et qu'ainsi la ventilation entre la part du chiffre d'affaires relevant du taux normal et la part soumise au taux réduit ne pouvait être effectuée. Dès lors, l'ensemble du chiffre d'affaires devait être soumis au taux normal. La contribuable est venue contester cette solution en se fondant sur l'article L. 80 A du LPF afin de se prévaloir de la doctrine administrative qui, selon elle, l'autorisait à utiliser une des trois méthodes décrites dans la documentation de base.
Cependant, quelle que soit la méthode retenue, "les entreprises [...] doivent en faire préalablement la déclaration au service des impôts dont elles dépendent" (18). Cette déclaration avait été opérée par la société opérant la scission mais la société bénéficiaire de l'opération n'a jamais effectué une telle démarche. Or, aux termes d'une jurisprudence ancienne (19) et constante, il est fait obligation au contribuable de retenir l'application du texte dans son ensemble pour pouvoir bénéficier de la garantie offerte par l'article L. 80 A du LPF. En l'espèce, le contribuable ne pouvait prétendre utiliser une des méthodes pratiques inscrites dans la doctrine administrative sans respecter la procédure, en l'occurrence faire une déclaration auprès des services fiscaux afin de les informer de l'option ainsi prise par la société.
Par ailleurs, antérieurement, la société apporteuse avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité aux termes de laquelle le vérificateur n'avait fait aucune remarque à propos de l'utilisation de la méthode administrative empirique alors utilisée par cette entreprise. Mais l'absence de remarque de la part du service fiscal ne peut en aucun cas être considérée comme une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait. Dès lors, pas plus que l'article L. 80 A du LPF ne pouvait être appliqué, l'article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L5247H99) était aussi sans objet au regard des circonstances de l'espèce. Effectivement, l'administration fiscale avait eu connaissance de l'application de la méthode A par la société apporteuse, pour autant, elle ne pouvait pas nécessairement et obligatoirement en déduire que la société bénéficiaire de l'apport appliquerait aussi cette méthode. Le fait pour cette dernière de reprendre l'activité de la société apporteuse a la suite de la scission ne pouvait en aucun cas la dispenser de respecter la procédure afin de bénéficier du choix entre les différentes méthodes proposées par la doctrine administrative. La continuité de l'exploitation mais par deux sociétés différentes n'impliquait pas que la seconde à exploiter l'activité puisse faire abstraction des conditions à remplir au motif que la première les avait déjà accomplies.
Enfin, outre les rappels de TVA, une pénalité de 40 % due à la mauvaise foi (20) du contribuable a été infligée à la société requérante, par application de l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L4733ICB). En effet, l'administration fiscale a considéré que, du fait de son activité de conseil en comptabilité, le gérant de la société ne pouvait prétendre ignorer l'obligation énoncée par la doctrine de déclarer l'application d'une méthode ou d'une autre en matière de taux de TVA différents applicables.
Sur ce point, le juge de l'impôt ne considère pas que la profession puisse constituer le seul fondement permettant d'établir la mauvaise foi du contribuable (21). Il doit aussi être établi l'existence de l'insuffisance de la déclaration. En l'espèce, la cour n'indique pas qu'il y ait eu une telle insuffisance, mais elle l'a déduite du fait que le contribuable ait eu recours à cette méthode sans en avertir les services fiscaux.
(1) CE 3° s-s., 8 juillet 1983, n° 0316126, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9159ALS).
(2) Christophe de la Mardière, La preuve en droit fiscal, Litec, 2009, 327 pages, p. 164, § 483.
(3) CAA Paris, 2ème ch., 8 octobre 2004, n° 03PA03166, 03PA03167, 03PA03248 et 03PA03499, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3056DEW), RJF, 1/05, n° 12, concl. F. Bataille, BDCF, 1/05, n° 5.
(4) Concl. L. Olléon sur CE 8° et 3° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 273619 et n° 276620, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1510DK7), DF, 2006, n° 12, comm. 268.
(5) DF, 1992, n° 32-38, instr. 10665.
(6) DF, 1997, n° 17, instr. 11773.
(7) § 301 de l'instruction 3 CA-92 du 31 juillet 1992, op. cit. et § 7 à 10 de l'instruction A-3-97 du 28 mars 1997, op. cit..
(8) Cf. note 7.
(9) CAA Paris, 2ème ch., 8 octobre 2004, n° 03PA03166, 03PA03167, 03PA03248 et 03PA03499, mentionné aux tables du recueil Lebon, op. cit.
(10) Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006, de finances rectificative pour 2006, art. 93 (N° Lexbase : L9270HTI) codifié aux articles 262 ter I-1°, 272-3 (N° Lexbase : L5504HWR) et 283-4 bis (N° Lexbase : L1681IPX) du CGI
(11) TA Paris, du 24 mars 2009, n° 0418530.
(12) Christophe de la Mardière, La preuve en droit fiscal, op. cit., p. 182.
(13) CE 9° et 8° s-s-r., 30 décembre 1998, n° 181697, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8728AS3), RJF, 2/99, n° 180.
(14) Concl. Laurent Vallée sur CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2004, n° 255533, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6291DDD), Gabet, BDCF, 1/05, n° 11.
(15) CE 9° et 8° s-s-r., 26 novembre 1999, n° 150391, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8196B83), DF, 2000, n° 6, comm. 88.
(16) Dans le même sens, note sous CE, 26 novembre 1999, n° 150391, op. cit..
(17) DB 3 E-2122, § 9 : "la répartition des recettes globales encaissées au cours d'un mois donné est effectuée dans la proportion, soit des achats réalisés au cours du même mois, soit de la totalité des achats de l'année précédente".
(18) DB 3 E-2123, § 1.
(19) CE 7° et 8° s-s-r., 26 juillet 1978, n° 6791, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8058B8X), DF, 1979, n° 13, comm. 693.
(20) Depuis l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités (N° Lexbase : L4620HDH), il n'est plus question de mauvaise foi mais de manquement délibéré.
(21) CE 8° s-s., 6 novembre 2009, n° 320242, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1578ENR), DF, 2010, n° 2, comm. 78.
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen
Le 20 Octobre 2011
Les règles de retrait des constructions par rapports aux voies et aux limites séparatives font la joie des plaideurs spécialisés dans le droit de l'urbanisme. Il est vrai qu'elles sont parfois d'une complexité déroutante et sujettes à de multiples interprétations. Ces règles figurent aux points n° 6 et n° 7 des dispositions relatives aux zones U dans les règlements des POS et des PLU, lesquels peuvent, également, fixer ces contraintes dans les documents graphiques. L'arrêt n° 339619 rendu par le Conseil d'Etat le 30 septembre 2011 apporte certaines précisions au sujet de ces règles et encadre les exceptions que les documents d'urbanisme peuvent leur apporter.
I - Des règles précises et des exceptions encadrées
En matière de droit de l'urbanisme, tout est affaire de mesure. La cour administrative d'appel de Paris (1) avait annulé un permis de construire fondé sur des dispositions du POS d'une commune qu'elle avait jugé illégales. En l'espèce, le projet visait à remplacer le garage existant, attenant à la construction, par un garage semi-enterré, surmonté de deux étages. L'arrêt avait estimé que les dérogations aux dispositions générales, dérogations prévues aux articles UE6, alinéa 2, et UE7-II, n'étaient pas suffisamment précises et que le garage enterré, objet du permis, ne respectait pas les règles d'implantation.
Le Conseil d'Etat rappelle, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions législatives et réglementaires applicables au litige, les articles L. 123-1 (N° Lexbase : L7532IMW) et R. 123-21 (N° Lexbase : L7854ACU) du Code de l'urbanisme, les règles générales définies par le règlement d'un POS ne peuvent faire l'objet de dérogations. Seules sont admises les adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. L'on notera que cette étroite possibilité de dérogation a été reprise par l'actuel article L. 123-1-9 du même code (N° Lexbase : L7560IMX). La solution dégagée par le Conseil est donc applicable aussi bien aux POS encore existants qu'aux PLU.
En second lieu, le juge de cassation déduit de ces dispositions "qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, le règlement du plan d'occupation des sols doit fixer des règles précises d'implantation par rapport aux voies et emprises publiques et aux limites séparatives". L'arrêt fixe, ensuite, les limites qui s'imposent à cette obligation : "lorsque le règlement contient des dispositions permettant de faire exception aux règles générales d'implantation qu'il fixe, ces règles d'exception doivent être suffisamment encadrées, eu égard à leur portée, sans préjudice de la possibilité d'autoriser des adaptations mineures en vertu de l'article L. 123-1".
Le Conseil rappelle donc, ce qui n'est pas une nouveauté, que les règlements des POS et des PLU doivent édicter des règles précises. Cette affirmation n'apporte pas d'élément décisif. D'une part, en effet, c'est le propre du règlement du document d'urbanisme que de fixer des règles précises, tout particulièrement au regard des règles d'implantation des constructions. D'autre part, l'on soulignera que nombre de plans édictent des règles parfois d'une précision byzantine.
Les exceptions autorisées par le Conseil d'Etat appellent, en revanche, des observations plus fournies. L'on notera, d'une part, que les exceptions que peut contenir le règlement aux règles qu'il fixe ne se substituent pas au régime d'exception général posé par l'article L. 123-1. Il faut en conclure qu'il existe donc deux niveaux d'exceptions. Un premier niveau prévu, en toutes circonstances, par la loi et indépendant des dispositions du règlement du plan et, éventuellement, un second niveau d'exception découlant des dispositions des articles UE6 et UE7.
D'autre part, ces exceptions contenues dans le règlement doivent, selon le Conseil, "être suffisamment encadrées, eu égard à leur portée". Le Conseil d'Etat profite donc de l'occasion pour énoncer une règle générale relative aux dérogations aux règles de prospect. La jurisprudence antérieure, assez rare au demeurant, se limitait à confirmer des interprétations très strictes de dispositions dérogatoires. C'est, ainsi, que le Conseil avait estimé que les dérogations aux règles de recul concernant les "cas de transformation, modification ou adjonction "ne s'appliquaient qu'à ces mêmes opérations réalisées sur des bâtiments non conformes aux règles de principes et ayant pour objet de les rendre plus conformes auxdites règles" (2).
La précision apportée par l'arrêt du 30 septembre 2011 est, en réalité, assez tautologique. Il est, en effet, dans la nature même des dérogations à une règle qu'on qualifie de particulièrement rigoureuse d'être nécessairement limitées. En fin de compte, le Conseil formalise de manière apparemment rigoureuse un principe d'interprétation stricte des dérogations aux règles de prospect. Toutefois, il faut bien constater que l'expression employée est, elle-même, sujette à des interprétations plus ou moins extensives. Il faut, cependant, reconnaître que le juge administratif ne peut exprimer plus précisément la portée de son contrôle. La nature des règles en cause et leur grande diversité ne permet pas d'aller plus loin.
II - Une application assez difficile à cerner
Le Conseil fait une application assez peu rigoureuse du principe qu'il vient de dégager. En l'occurrence, les exceptions prévues par les articles UE 6 et UE7 étaient plutôt larges. L'article UA6, après avoir fixé des règles d'implantation par rapport aux voies publiques avec distances minimales de retrait, prévoyait que "les dispositions différentes pourront être autorisées ou imposées pour des raisons d'harmonie, notamment pour tenir compte de l'implantation des constructions existantes ou projetées dans le parcellaire voisin, et pour permettre l'amélioration des constructions existantes". Une exception similaire était prévue à l'article UA7 pour les règles relatives à l'implantation des règles d'implantation par rapport aux limites séparatives.
La cour administrative d'appel avait jugé que ces exceptions étaient trop larges pour être acceptables. Le Conseil d'Etat adopte une position contraire : il juge que les dérogations doivent être regardées comme suffisamment encadrées, eu égard à leur portée. Il estime, en effet, que leur objet, qui tient à l'harmonie urbaine avec les constructions voisines et l'amélioration des constructions existantes, est limitativement énoncé.
L'appréciation du juge de cassation est, pour le moins, extensive. Il faut, en effet, souligner que les règles dérogatoires en question présentent deux caractéristiques. D'une part, elles laissent au maire, sous le contrôle du juge, un large pouvoir d'appréciation sur les dérogations qu'il est en droit d'accorder. En effet, les deux objectifs énoncés (amélioration des constructions et prise en compte de l'implantation de l'existant ou des constructions prévues) sont particulièrement vastes et ouvrent d'immenses possibilités. D'autre part, l'on notera que ces dérogations ne sont soumises à aucune contrainte précise et/ou chiffrée : elles auraient pu, par exemple, fixer des seuils à ne pas dépasser en toutes circonstances, mais tel n'est pas le cas en l'espèce.
Les élus qui envisagent de transformer leur POS en PLU feraient bien de tirer soigneusement les conséquences de cet arrêt. Contrairement au mouvement général qui veut que les PLU accordent finalement moins de pouvoir à l'autorité administrative, la possibilité de prévoir des règles dérogatoires assez larges doit être soulignée.
III - Une précision appréciable
Les garages, surtout lorsqu'ils sont enterrés (ce qui impose alors une rampe d'accès), font souvent l'objet de solutions dont la logique est parfois difficile à cerner. C'est, ainsi, que le calcul du taux d'emprise au sol n'intègre pas les descentes de garage, alors que l'on ne peut contester que le sol fait l'objet d'une emprise, au sens physique du terme. L'emprise au sol, au sens juridique, ne concerne, cependant, que les bâtiments. Elle est constituée de la surface que sa base occupe sur le sol. Une rampe d'accès ne constitue pas la projection d'un bâtiment puisqu'il s'agit, précisément, d'une surface qui, a priori, n'est pas surmontée par du bâti. Il a, ainsi, été jugé qu'une rampe d'accès au sous-sol n'a pas le caractère de bâtiment (3).
En l'occurrence, la cour administrative d'appel s'était appuyée sur une imprécision de rédaction de l'article UE6 qui précisait en effet que "les constructions enterrées, notamment les garages, et si possible les rampes d'accès, devront être implantées en dehors du retrait". S'appuyant sur le caractère apparemment non général de cette exigence, ce que traduit le "si possible", la cour en avait déduit que ces constructions étaient exclues du régime général des règles de retrait et, par voie de conséquence, des règles dérogatoires. La possibilité d'une dérogation était, ainsi, prévue dans l'énoncé même du principe.
Le Conseil d'Etat censure cette appréciation pour erreur de droit. Il considère, en effet, que toutes les constructions sont soumises aux règles de l'article UE6 et à leurs dérogations. Cette solution ne peut qu'être approuvée. Elle conduit, en effet, à ne maintenir qu'un seul régime de retrait accompagné d'exceptions qui sont déjà assez larges. En censurant l'arrêt d'appel, le Conseil maintient une unité de régime juridique dans le domaine considéré : toutes les constructions sont soumises aux règles de retrait, ainsi qu'à leurs exceptions. La solution de la cour aurait conduit à exclure les constructions enterrées et les rampes d'accès de ce régime et à le soumettre à une exception tenant, en fin de compte, à la configuration de l'ouvrage à installer. C'était donc faire coexister deux régimes juridiques distincts ce qui ne pouvait que provoquer des complications supplémentaires. La mise au point opérée par l'arrêt du 30 septembre 2011 était donc nécessaire.
Dans un arrêt moins important que le précédent, le Conseil d'Etat apporte des clefs d'interprétation à des dispositions assez sibyllines des articles 7 (en l'occurrence un article UB7) des POS qui établissent les règles relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. Il est vrai que la complexité de certaines situations cadastrales déjoue parfois les prévisions des auteurs des règlements des documents d'urbanisme. Après avoir énoncé les méthodes d'interprétation, le Conseil d'Etat en fait une application apparemment surprenante mais parfaitement régulière.
I - La notion de limite séparative
L'article UB7 du règlement du POS de la commune en cause précise : "1. Implantation par rapport aux limites séparatives aboutissant aux voies. / En bordure des voies, les constructions doivent être édifiées en ordre continu d'une limite séparative à l'autre. / [...] 2. Implantation par rapport aux limites de fonds de propriété. Sauf création de la servitude prévue à l'article L. 451-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3493HZE), la distance comptée horizontalement de tout point d'une construction au point le plus proche d'une limite séparative n'aboutissant pas aux voies doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans être inférieure à trois mètres" Deux règles émergent de cet article : d'une part, une limite séparative qui ne conduit pas à la voie publique constitue un fonds de propriété ; d'autre part, une distance minimale de trois mètres doit séparer une construction et un fonds de propriété.
Le Conseil cumule ces règles pour aboutir à l'interprétation selon laquelle les limites séparatives s'entendent comme les limites entre la propriété constituant le terrain d'assiette de la construction et la (ou les) propriété(s) qui la jouxte(nt). Ce premier élément porte en germe la suite de l'interprétation. En effet, ainsi que le relève le juge, la limite entre deux propriétés situées en bordure d'une même voie doit être regardée comme une limite séparative aboutissant à cette voie.
La conclusion peut paraître surprenante mais constitue la suite logique de ce qui précède : "la circonstance qu'une telle limite séparative soit constituée de plusieurs segments de droite faisant angle entre eux est sans influence sur sa qualification de limite séparative aboutissant aux voies". Concrètement, la forme de la séparation entre deux fonds importe peu à partir du moment où ces deux fonds donnent sur la même voie publique.
II - Des fantaisies du découpage des propriétés
Dans l'affaire en question, le curieux découpage des terrains aboutit à une solution juridiquement exacte mais dont l'énoncé apparaît pour le moins curieux. La parcelle hexagonale des pétitionnaires sur laquelle se situe le projet de construction est, en effet, bordée par un chemin qui constitue ici la voie publique. Le côté suivant sépare la parcelle d'un terrain qui appartient également aux pétitionnaires. Les quatre côtés restants, dont le dernier rejoint donc la voie publique, séparent la parcelle hexagonale de la propriété unique des voisins qui l'entoure donc partiellement.
Malgré les apparences, la parcelle sur laquelle porte le permis de construire n'a donc pas de fonds de propriété. En effet, les deux parcelles qui la jouxtent sur tout le périmètre sont, également, riveraines de la voie publique. Par voie de conséquence, la parcelle des pétitionnaires n'est entourée que de trois limites : la première la sépare de la voie publique, la seconde la sépare de leur autre parcelle, et la troisième la sépare de la propriété des voisins. L'on notera, qu'en l'occurrence, le fait que la seconde limite sépare deux parcelles appartenant au pétitionnaire n'emporte aucune conséquence puisque cette limite aboutit directement à la voie publique et que l'article UB7-2 du POS n'est pas applicable dans ce cas.
L'analyse serait évidemment différente si la propriété des pétitionnaires était voisine de la propriété d'un tiers, ne serait-ce que sur l'un des segments de son pourtour. Les requérants auraient alors pu invoquer l'existence d'un fonds de propriété, sur au moins l'un des trois segments de la limite ne menant pas directement à la voie publique, et exiger le respect de l'article UB7. Cela n'aurait, d'ailleurs, pas nécessairement servi leurs intérêts, d'autant que l'on ignore, en l'espèce, si le retrait imposé par l'article UB7-2 garantissait réellement leur tranquillité ou si leur procédure était exclusivement motivée par le souhait de compliquer l'existence de leurs voisins...
En tout état de cause, le Conseil d'Etat confirme donc l'analyse de la cour administrative d'appel (4) et en conclut que, "pour l'application des dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, le terrain d'assiette de la construction en litige comporte exclusivement deux limites séparatives aboutissant à la voie publique, dont l'une est formée de ces quatre côtés, et ne comporte donc pas de limite de fonds de propriété". Le fait que la construction soit implantée à moins de trois mètres de l'un de ces quatre côtés est sans la moindre influence sur la solution du litige.
Les dispositions de l'article UB7, relatives à l'implantation des constructions par rapport au fond de propriété, n'étaient donc pas applicables à la construction des pétitionnaires. Le Conseil d'Etat confirme donc l'arrêt d'appel qui avait lui-même censuré le jugement du tribunal administratif (5) annulant le permis de construire pour méconnaissance de l'article UB7-2. Ce dernier n'étant pas applicable aux faits de l'espèce, le moyen tiré de la violation de ce texte est donc inopérant, ce qui permet au Conseil d'Etat de conclure que la cour n'était pas tenue d'y répondre. L'on rappellera, en effet, qu'il est de jurisprudence constante que le juge n'est pas tenu de répondre aux moyens inopérants puisque ces derniers ne peuvent avoir aucune conséquence sur la solution du litige (6).
L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 28 septembre 2011 fixe définitivement un aspect particulier du régime de l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7749HZZ). Ce texte, bien connu des spécialistes du droit de l'urbanisme, impose à l'auteur d'un recours en matière d'urbanisme de le notifier à l'auteur de l'acte et à son bénéficiaire. De nombreuses décisions, émanant, notamment, des juges du fond, sont intervenues pour préciser la portée de cette disposition. Le Conseil d'Etat vient ici préciser les destinataires exacts de la notification.
I - Un régime complexe
L'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme impose à l'auteur d'un recours, qu'il s'agisse d'un recours contentieux ou administratif, dirigé contre un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir, de notifier ce recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Le déféré préfectoral, ainsi que les recours portés contre les décisions juridictionnelles relatives à ces types d'actes sont, également, soumis à cette obligation. La notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours. Elle est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre, la date étant établie par le certificat de dépôt des services postaux.
L'on rappellera que la réforme opérée par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 (N° Lexbase : L0281HUX) a réduit assez sensiblement le champ d'application de cette mesure puisqu'elle a exclu les recours visant les documents d'urbanisme de l'obligation de notification. Elle a, également, clarifié la liste des décisions individuelles concernées par l'obligation, question qui avait donné lieu à une jurisprudence particulièrement complexe. Cette réforme a été la bienvenue, étant donnée l'ampleur des incertitudes initiales autour de la notion faussement précise de "documents d'urbanisme".
La pratique de cet article n'a cessé de soulever de nombreuses questions. Toutefois, l'objet même de cette obligation semble parfois un peu oublié. Ainsi que le rappelle l'arrêt du 28 septembre 2011, elle est destinée à garantir une information rapide de l'auteur et du bénéficiaire de l'autorisation : elle doit permettre au premier de retirer éventuellement l'acte dans les délais légaux et au second de se défendre rapidement puisque le sort d'une construction est en jeu. Le Conseil précise, en effet, que "le but est d'alerter tant l'auteur d'une décision d'urbanisme que son bénéficiaire de l'existence d'un recours contentieux formé contre cette décision, dès son introduction".
De manière plus discrète, elle est, également, censée constituer un moyen facile permettant de réduire le volume du contentieux en opposant l'irrecevabilité, insusceptible d'être couverte après l'expiration du délai de quinze jours, à des recours par trop nombreux. Encore faut-il préciser qu'en plus de la mansuétude de certains tribunaux, la pratique des greffes consistant à demander par écrit et avant l'expiration du délai de notification de quinze jours, souvent même dès le lendemain du dépôt de la requête, la preuve de cette formalité, réduit assez fortement les risques d'irrecevabilité.
Parmi les points délicats éclaircis précédemment par le Conseil d'Etat, figure, par exemple, le sort des appels dirigés contre les jugements de première instance annulant un refus d'autorisation. Un refus de permis de construire étant une décision négative, le recours n'est pas soumis à l'obligation de notification. En revanche, si le jugement annule ce refus et reconnaît au pétitionnaire un droit à construire, l'appel porté contre ce jugement doit être notifié dans les conditions fixées par l'article R. 600-1. Il convient, toutefois, d'insister sur le fait que le juge doit avoir expressément reconnu l'existence d'un droit à construire, une simple annulation ne suffisant pas à faire naître ce droit. La même règle s'applique, bien entendu, pour les pourvois en cassation (7). Il a, également, été précisé que, si l'obligation de notification ne s'impose pas au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle avant que sa demande d'aide ait reçu une réponse, elle redevient obligatoire à peine d'irrecevabilité dans les quinze jours qui suivent le dépôt de sa requête dans le délai prorogé par sa demande d'aide juridictionnelle (8).
II - Le destinataire de la notification
Les modalités concrètes de la notification ont fait, également, l'objet de nombreuses précisions. La notification doit porter sur l'intégralité du recours. Une simple lettre informant de l'existence du recours ne suffit pas à remplir l'obligation de notification (9). En revanche, les pièces jointes au recours n'ont pas à être notifiées (10). Assez curieusement, le Conseil d'Etat n'a, d'ailleurs, jamais eu à se prononcer sur cette question.
Il en va de même sur la question de la notification du recours en appel faite à l'avocat de l'auteur de l'acte qui est intervenu en première instance, ce qui est l'objet de l'apport de l'arrêt du 28 septembre 2011. En effet, à notre connaissance, le juge de cassation n'avait jamais eu à se prononcer explicitement sur cette question. Plusieurs arrêts de cour administrative d'appel s'étaient prononcés dans le sens d'une irrecevabilité en cas de notification du recours juridictionnel à l'avocat adverse (11).
L'arrêt du 28 septembre 2011 comble cette lacune et impose une lecture littérale du texte, une fois n'est pas coutume. Le Conseil d'Etat considère, en effet, "qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions [...] qu'en cas d'appel contre un jugement ayant rejeté un recours contre une telle décision, la notification à l'avocat qui avait représenté en première instance l'auteur de la décision, le titulaire de l'autorisation ou les deux, fût-elle accomplie conformément aux autres modalités prévues à cet article, ne peut être regardée comme répondant aux exigences qu'elles énoncent".
La question méritait, en effet, une réponse. D'un côté, le texte impose une notification à l'auteur de l'acte et au bénéficiaire de l'autorisation. Il semble donc clairement exclure le recours à un mandataire. Et il importe peu que la lettre recommandée ne soit pas directement remise à son destinataire, voire qu'elle ne lui soit pas remise du tout, le texte précisant que la formalité est réputée respectée, non à la réception du certificat de remise du pli mais par le certificat de dépôt. Il a, ainsi, été jugé que la notification faite à un gardien qui n'était pas le préposé du pétitionnaire était régulière, dès lors que le destinataire mentionné sur le courrier était bien le titulaire du permis de construire (12).
En revanche, l'on aurait pu considérer, compte tenu de l'obligation de recourir à un mandataire devant les cours administratives d'appel, obligation imposée par l'article R. 811-7 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3284AL9), qu'un avocat, qui a représenté l'auteur de la décision ou son bénéficiaire en première instance, pourrait valablement être le destinataire de la notification de l'article R. 600-1, à cause, notamment, de la règle déontologique qui interdit à l'avocat de s'adresser directement au client de son adversaire.
Tel n'est pas le cas. Il n'y a, cependant, rien d'étonnant à ce que le Conseil d'Etat adopte cette solution. Celle-ci ne s'explique pas par les termes utilisés dans le texte de l'article R. 600-1, termes que l'on pourrait interpréter comme incluant les mandataires que sont les avocats. Cette solution trouve sa justification dans l'objet même de la mesure qui est de garantir une information rapide du pétitionnaire et de l'auteur de l'autorisation d'urbanisme. Il est certain que seule la notification personnelle directe est de nature à respecter cet objectif, le fait de passer par un intermédiaire, lequel n'est, d'ailleurs, peut-être plus le mandataire du destinataire de la notification, ne permettant pas de s'assurer de la réalité de la notification.
(1) CAA Paris, 1ère ch., 18 mars 2010, n° 08PA05379, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5084EW9).
(2) CE 2° et 6° s-s-r., 11 décembre 1998, n° 161592, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8600ASC).
(3) CAA Paris, 1ère ch., 17 février 1998, n° 97PA00693, mentionné dans les tables du Recueil Lebon (N° Lexbase : A0168BI3).
(4) CAA Marseille, 1ère ch., 4 décembre 2009, n° 08MA02704, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2619EQ3).
(5) TA Marseille, 13 mars 2008, n° 0507889 (N° Lexbase : A1672HYL).
(6) CE, 25 mars 1960, Boileau, Rec. p. 234.
(7) CE 1° et 2° s-s-r., 19 avril 2000, n° 176148, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3024B8I).
(8) CE 3° et 8° s-s-r., 10 janvier 2001, n° 211878, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6472APE).
(9) CE, Avis, 1er mars 1996, n° 175126, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8502AN9).
(10) TA Rouen, 27 décembre 1994 (N° Lexbase : A8326BQG), Rec. p. 1263.
(11) Voir, par exemple, CAA Nantes, Plénière, 20 décembre 1995, n° 95NT00288, publié au Recueil Lebon (N° Lexbase : A3968BHG) et CAA Douai, 1ère ch., 20 décembre 2001, n° 99DA01006, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1034BMA). Si l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes avait été publié au Recueil, il n'en reste pas moins que le Conseil d'Etat n'avait pas statué explicitement.
(12) CAA Marseille, 1ère ch., 28 décembre 1988, n° 96MA02687, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4528BMN).
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