Réf. : Cass. civ. 2, 18 avril 2019, n° 18-13.371, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3817Y9A)
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N8710BXU
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 24 Avril 2019
► L'article L. 121-17 du Code des assurances (N° Lexbase : L0093AAP), issu de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS), dispose en son premier alinéa que, sauf dans le cas visé à l'article L. 121-16 (N° Lexbase : L0092AAN), les indemnités versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, d'une manière compatible avec l'environnement de cet immeuble ; il précise ensuite que toute clause contraire dans les contrats d'assurance est atteinte d'une nullité d'ordre public et prévoit, en son troisième alinéa, qu'un arrêté du maire prescrit les mesures de remise en état susmentionnées, dans un délai de deux mois suivant la notification du sinistre au maire par l'assureur ou l'assuré ;
► d'abord, il ressort des travaux préparatoires et de l'insertion de ces dispositions dans le Titre II du Livre premier du Code des assurances que le législateur a entendu les rendre applicables à l'ensemble des assurances de dommages ;
► ensuite, les termes mêmes de l'article susvisé conduisent à retenir que l'étendue de l'obligation d'affectation des indemnités d'assurance édictée par le premier alinéa est limitée au montant de ces indemnités nécessaires à la réalisation des mesures de remises en état prescrites, conformément au troisième, par un arrêté du maire ;
► il s'en déduit que pour obtenir la restitution de l'indemnité qu'il a versée, l'assureur doit établir que l'assuré n'a pas affecté celle-ci à la réalisation des mesures de remises en état définies par un arrêté du maire intervenu dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article susvisé.
Telles sont les règles appliquées d’office par la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 18 avril 2019 (Cass. civ. 2, 18 avril 2019, n° 18-13.371, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3817Y9A).
En l’espèce, le propriétaire d'une maison avait déclaré à l’assureur deux sinistres liés à des inondations et coulées de boues ayant donné lieu à des arrêtés de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; pour le premier sinistre survenu le 15 juin 2010, l'assureur avait proposé à l’assuré, ce que celui-ci avait accepté, un règlement immédiat de 66 933 euros et un règlement différé, sur présentation de factures, de 29 924,50 euros ; pour le second, survenu le 5 novembre 2011, l'assureur lui avait fait parvenir un acompte de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ce sinistre ; l'assureur lui ayant ensuite opposé une déchéance de garantie au motif que les pièces produites pour justifier de la remise en état et du remplacement des biens sinistrés après le premier sinistre n'avaient aucun caractère probant, l’assuré l'avait assigné à fin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.
Pour condamner l’assuré à payer à l'assureur la somme de 76 933 euros incluant celle de 66 933 euros qu'il avait reçue au titre de l'indemnisation du premier sinistre, la cour d’appel avait retenu qu'il ne justifiait pas avoir affecté, conformément aux dispositions de l'article L. 121-17 du Code des assurances, l'indemnité d'assurance perçue à la remise en état effective de l'immeuble sinistré, que ce paiement de 66 933 euros était donc indu et que c’était à juste titre que le premier juge avait estimé qu’il devait restituer cette somme en application de l'article 1235 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L1348ABK).
La décision est censurée par la Cour régulatrice qui, après avoir relevé d’office les règles précitées, reproche aux juges d’appel d’avoir ainsi statué sans constater que les travaux de remise en état que l'assureur reprochait à l’assuré de ne pas avoir fait accomplir au moyen de l'indemnité versée au titre du premier sinistre avaient été prescrits par un arrêté intervenu conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 121-17 du Code des assurances.
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Réf. : Conseil national des barreaux, résolution du 13 avril 2019
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N8573BXS
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par Marie Le Guerroué
Le 24 Avril 2019
► Le Conseil national des barreaux (CNB) dénonce, dans une résolution du 13 avril 2019, les dispositions des articles 21 et 23 de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi "PACTE") votée le 11 avril 2019 en lecture définitive par l’Assemblée nationale (Conseil national des barreaux, résolution du 13 avril 2019).
Dans sa résolution du 13 avril 2019, le Conseil national des barreaux, réuni en assemblée générale à Strasbourg a, en effet, constaté que les commissaires aux comptes pourraient, désormais, fournir à toute entité, y compris en dehors de toute mission légale d’audit, des services de nature juridique, c’est-à-dire des prestations de conseil en matière juridique et de services ayant pour objet la rédaction des actes ou la tenue du secrétariat juridique.
Pour le CNB, il s’agit d’une atteinte d’une ampleur sans précédent au périmètre de l’exercice du droit. Il demande, donc, à être reçu par le ministre de l’Economie et des Finances et la Garde des Sceaux et exige la modification de la loi sur ce point (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6288ET3).
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 17 avril 2019, n° 420468, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3805Y9S)
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N8655BXT
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par Laïla Bedja
Le 24 Avril 2019
► Pour déterminer l'âge de procréer d'un homme, au sens et pour l'application de l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7144IQN), il y a lieu de se fonder, s'agissant de sa dimension strictement biologique, sur l'âge de l'intéressé à la date du recueil des gamètes et, s'agissant de sa dimension sociale, sur l'âge de celui-ci à la date du projet d'assistance médicale à la procréation ; les juges du fond ne peuvent dès lors se fonder sur l’âge qu’avait le requérant au moment de la demande de transfert de ses gamètes vers l’Espagne ;
► mais l’agence de la biomédecine ayant fixé à 59 ans révolus, en principe, l’âge de procréer pour les hommes au sens de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique, la requête du demandeur âgé de 61 et 63 ans au moment du prélèvement des gamètes doit être rejetée.
Telles sont les solutions retenues par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 17 avril 2019 (CE 9° et 10° ch.-r., 17 avril 2019, n° 420468, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3805Y9S).
Dans cette affaire, M. et Mme C. ont souhaité recourir à une procédure d'assistance médicale à la procréation, en utilisant les gamètes congelés de M. C., recueillis entre 2008 et 2010. Ils ont présenté, le 25 mai 2016, une demande d'autorisation de transférer ces gamètes vers un établissement de santé situé à Valence, en Espagne.
Par une décision du 24 juin 2016, l'Agence de la biomédecine a rejeté cette demande au motif que M. C. ne pouvait être regardé comme étant encore en âge de procréer au sens de l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique.
Par un jugement du 14 février 2017 (TA Montreuil, du 14 février 2017, n° 1606724 N° Lexbase : A9146TSK), le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision et a enjoint à l'Agence de la biomédecine de réexaminer la demande des époux C. dans un délai d'un mois. M. et Mme C. se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 5 mars 2018 (CAA Versailles, 5 mars 2018, n° 17VE00824 N° Lexbase : A1480XGW) par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement.
Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction a annulé, d’une part, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles, en ce qu’elle s’est fondée sur l’âge du requérant au moment de la demande de transfert des gamètes, d’autre part, le jugement du tribunal administratif de Montreuil qui a enjoint à l’Agence de la biomédecine de réexaminer la demande des époux C. dans un délai d’un mois (cf. l’Ouvrage «Droit médical», Les règles générales encadrant le recours à une AMP N° Lexbase : E9883EQ4).
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Réf. : Cons. const., décision n° 2019-776 QPC, du 19 avril 2019 (N° Lexbase : A4356Y99)
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N8699BXH
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par Vincent Téchené
Le 24 Avril 2019
► Le premier alinéa du paragraphe II de l'article L. 452-3-1 du Code de l'énergie ([LXB=L9166LHX]), dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 (N° Lexbase : L7947LHS), qui prévoit la validation des conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité, est conforme à la Constitution.
Tel est le sens d’une décision du Conseil constitutionnel du 19 avril 2019 (Cons. const., décision n° 2019-776 QPC, du 19 avril 2019 N° Lexbase : A4356Y99) qui avait été saisi d’une QPC par la Cour de cassation (Cass. com., 7 février 2019, n° 18-40.044, F-D N° Lexbase : A6140YWC).
Plus précisément ce texte dispose que «sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l'article L. 111-52 du Code de l'énergie (N° Lexbase : L1281K8X) et les fournisseurs d'électricité, en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce qu'elles imposent aux fournisseurs la gestion de clientèle pour le compte des gestionnaires de réseaux ou laissent à la charge des fournisseurs tout ou partie des coûts supportés par eux pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi».
La requérante soutenait que, en validant ces conventions ces dispositions méconnaîtraient le principe de séparation des pouvoirs, la garantie des droits et le droit à un recours juridictionnel effectif.
Pour le Conseil, en validant les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité pour le compte des gestionnaires de réseaux, les dispositions contestées ont pour objet de mettre un terme ou de prévenir les litiges indemnitaires engagés ou susceptibles de l'être, sur le fondement de la décision du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 (CE, 13 juillet 2016, n° 388150 N° Lexbase : A2115RXM).
Or, eu égard aux conséquences financières susceptibles de résulter des litiges visés par la validation et à leur répercussion sur le coût de l'électricité acquitté par l'ensemble des consommateurs, l'atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des fournisseurs d'électricité ayant conclu les conventions validées est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. Par ailleurs, le législateur a expressément réservé les décisions de justice passées en force de chose jugée. En outre, compte tenu de l'objectif d'intérêt général poursuivi, les conventions validées ne méconnaissent pas les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, le droit de propriété, la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence constitutionnelle.
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Réf. : Cass. com., 17 avril 2019, n° 18-11.743, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3543Y94)
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N8646BXI
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par Vincent Téchené
Le 24 Avril 2019
► L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif n’est pas une opération de liquidation prévue au titre IV du livre VI du Code de commerce que l’article L. 613-29 du Code de monétaire et financier (N° Lexbase : L2625IXI) réserve au liquidateur nommé par la Commission bancaire, dont les missions ont été dévolues à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;
► Les mesures spécifiques à la liquidation judiciaire d’une entreprise d’investissement soumise au contrôle de cette autorité, prévues aux articles L. 613-24 (N° Lexbase : L7453I4S) et suivants du Code monétaire et financier, n’excluent pas que la responsabilité du dirigeant d’une telle entreprise puisse être recherchée sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L7679LBZ) ;
► Il en résulte que le liquidateur judiciaire a qualité pour exercer cette action en application de l’article L. 651-3 dudit code (N° Lexbase : L7345IZ3).
Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 avril 2019 (Cass. com., 17 avril 2019, n° 18-11.743, FS-P+B+I N° Lexbase : A3543Y94).
En l’espèce, une société a été mise en liquidation judiciaire le 26 mai 2009 après avis conforme de la Commission bancaire, la même personne ayant été nommé liquidateur judiciaire par le jugement d’ouverture et liquidateur par la Commission bancaire en application de l’article L. 613-29 du Code monétaire et financier. Cette personne agissant en qualité de liquidateur judiciaire, a poursuivi le dirigeant de la débitrice, en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer.
Le dirigeant ayant été condamné (CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 7 décembre 2017, n° 16/11710 N° Lexbase : A7236W4R), il a formé un pourvoi en cassation. Il reprochait notamment à l’arrêt d’appel de rejeter sa demande tendant à l’annulation de l’assignation fondée sur l’absence de pouvoir du liquidateur judiciaire à agir en responsabilité pour insuffisance d’actif. Selon lui, dans le cadre de la liquidation judiciaire d’un établissement de crédit ou d’une entreprise d’investissement, l’action en paiement de l’insuffisance d’actif est introduite par le liquidateur nommé par la Commission bancaire. Ainsi, en retenant que l’action pouvait être engagée par le liquidateur judiciaire, la cour d’appel aurait violé les articles 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47), L. 613-29 du Code monétaire et financier et L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce.
Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette ce moyen mais casse l’arrêt d’appel au visa des articles L. 653-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2082KG9) et 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B).
Elle retient en effet qu’il résulte de ces textes que le tribunal qui prononce une mesure d’interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l’intéressé. Ainsi est censuré l’arrêt d’appel en ce que, pour prononcer une interdiction de gérer d’une durée de cinq années, il se borne à retenir qu’au regard des fautes commises, il y a lieu de le condamner à une mesure d’interdiction de gérer de cette durée (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E0838E9W).
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Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)
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N8672BXH
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP, Directrice scientifique des Encyclopédies de droit de la famille
Le 24 Avril 2019
Même s’il n’en est pas l’objet principal, le droit de la famille, dans ses différents aspects, est largement concerné par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Les dispositions relatives au couple ou à l’enfant, s’inscrivent comme le reste du texte, dans une tendance à la libéralisation et à la simplification.
I - Le couple
La loi du 23 mars 2019 tend à favoriser la liberté matrimoniale -entendu comme la liberté de se marier mais aussi celle de ne pas ou de ne plus l’être-, directement en favorisant l’accès des personnes protégées au mariage ou plus généralement au couple et, indirectement, en facilitant le divorce.
A - La liberté de se mettre en couple des personnes protégées
Opposition. L’évolution des conditions légales de validité du mariage d’une personne sous tutelle ou curatelle répond à la volonté de renforcer l’autonomie personnelle des personnes placées sous tutelle ou curatelle en matière familiale [1]. Elle intervient alors même que la Cour européenne des droits de l’Homme a considéré dans un arrêt «Dellecole c/ France» du 25 octobre 2018 [2], après le Conseil constitutionnel [3] et la Cour de cassation [4], que la nécessité d’une autorisation du curateur ne porte pas une atteinte excessive à la liberté de se marier fondée sur l’article 12 de la Convention (N° Lexbase : L4745AQS) car elle est prévue dans l’intérêt du curatélaire et entourée de suffisamment de garanties pour être proportionnée. Désormais, cependant, en vertu du nouvel article 460 du Code civil issu de la loi du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L7294LPT), le système est inversé : la personne protégée n’a plus besoin de l’autorisation de son tuteur ou de son curateur pour se marier, elle doit simplement informer ce dernier de son projet de mariage, lequel formera opposition s’il le juge nécessaire, sur le fondement de l’article 175 du Code civil modifié (N° Lexbase : L7298LPY), en vertu duquel «le tuteur ou le curateur peut former opposition, dans les conditions prévues à l’article 173 (N° Lexbase : L1875AB3) , au mariage de la personne qu’il assiste ou représente».
Convention matrimoniale. Toutefois, la loi permet désormais à la personne chargée de la mesure de protection, en vertu d’un nouvel alinéa de l’article 1399 du Code civil (N° Lexbase : L7292LPR), de saisir le juge des tutelles pour être autorisée à conclure seule une convention matrimoniale pour préserver les intérêts de la personne protégée. On accorde ainsi à cette dernière une autonomie personnelle plus importante tout en permettant à son tuteur ou curateur de lui imposer une protection de son patrimoine [5]. Le mariage en tant qu’acte personnel est plus accessible à la personne protégée mais ses effets patrimoniaux restent, logiquement, soumis à un contrôle, dans la mesure où elle ne peut passer seule une convention matrimoniale et que celle-ci peut lui être imposée.
PACS. Une évolution similaire s’applique au pacte civil de solidarité qui peut désormais être conclu par un majeur sous tutelle sans autorisation de son tuteur, le premier alinéa de l’article 462 du Code civil (N° Lexbase : L2582LBA), qui disposait que «la conclusion d'un pacte civil de solidarité par une personne en tutelle est soumise à l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, après audition des futurs partenaires et recueil, le cas échéant, de l'avis des parents et de l'entourage» ayant été supprimé. Toutefois, comme le curatélaire, la personne sous tutelle doit toujours être assistée de son tuteur pour conclure la convention, ce qui permet à la personne chargée de sa protection de contrôler l’impact du pacs sur son patrimoine.
Entrée en vigueur. Ces différentes dispositions ne faisant pas l’objet de précision dans la loi pour ce qui est de leur entrée en vigueur, celle-ci a eu lieu immédiatement.
B - La liberté de rompre le mariage
Pour favoriser la liberté de rompre le mariage, le législateur de 2019 a, à la fois, rendu l’accès au divorce plus facile au fond et a en a simplifié la procédure.
1 - Un accès au divorce facilité
Majeurs protégés. Les personnes protégées voient leur autonomie renforcée dans ce domaine également puisque le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (C. civ. art. 249-4 N° Lexbase : L7295LPU), classiquement rangé dans la catégorie des divorces amiables, leur est désormais accessible. Ils pourront accepter seuls le principe de la rupture, sans l’assistance de leur tuteur ou curateur, sous la réserve implicite -qui n’est pas contenue dans la loi mais reste certaine-, de disposer des capacités intellectuelles pour le faire. Cette capacité devrait être appréciée par le juge aux affaires familiales. En revanche, le divorce par consentement mutuel reste inaccessible aux époux sous tutelle ou curatelle, ce que l’on peut, sans doute, regretter. Le divorce par consentement mutuel judiciaire aurait pu leur être ouvert -le divorce extra judiciaire leur étant interdit par l’article 229-2 du Code civil (N° Lexbase : L2608LB9)-, la réalité du consentement de l’époux bénéficiant d’une mesure judiciaire aurait en effet pu être vérifiée par le juge aux affaires familiales.
Déjudiciarisation [6]. La déjudiciarisation du divorce largement entamée par la loi «J21» n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (N° Lexbase : L1605LB3), se poursuit avec la reconnaissance dans l’article 233, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2791DZE), de la possibilité pour les époux de constater leur accord pour demander le prononcé d’un divorce sur demande acceptée, par acte sous signature privée contresignée par avocats [7], qui peut être conclu avant l’introduction de l’instance. Cette nouvelle possibilité permettra d’accélérer la procédure de divorce accepté, puisque le juge n’aura plus qu’à régler les effets du divorce, l’acceptation du principe de la rupture ne pouvant pas faire l’objet d’une rétractation. Cette disposition est de nature à satisfaire les couples réticents à divorcer sans passer devant un juge ou qui n’ont pas entièrement réglé les effets du divorce de manière consensuelle et qui souhaitent recourir au divorce accepté, dont la pratique récente montre qu’il est en nette augmentation. L’accès facilité au divorce accepté répond ainsi à la sociologie contemporaine du divorce.
Divorce pour altération définitive du lien conjugal. Alors que le délai de séparation conditionnant le divorce pour cause objective était déjà passé de six à deux ans en 2004, il est à nouveau réduit en 2019 [8], en passant à un an -ce qui est très court- permettant d’en favoriser nettement l’accès, étant précisé que la condition de la durée de séparation doit être réalisée au jour de la demande en divorce, et non plus au jour de l’assignation comme auparavant. Cette date est plus précoce du fait de la modification de la procédure supprimant la phase de conciliation (cf. infra), du moins lorsque, comme la loi le permet, la demande est ab initio expressément fondée sur l’altération définitive du lien conjugal [9]. En revanche, lorsque la demande en divorce ne mentionne pas les motifs du divorce, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal sera apprécié au prononcé du divorce en vertu du nouvel alinéa 2 de l’article 238 du Code civil (N° Lexbase : L7336LPE). Dans une telle hypothèse, comme le fait remarquer un auteur, «il sera possible de demander le divorce concomitamment au début de la séparation pour en obtenir le prononcé pour altération définitive du lien conjugal» [10]. La fin du délai de séparation exigé sera alors plus tardive. Les couples dont la séparation est récente ont donc plutôt intérêt à présenter une demande sans mentionner le cas de divorce qu’ils envisagent pour que le délai coure pendant la procédure. Il faut préciser que, comme auparavant, le délai d’un an n’est plus exigé «lorsqu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées» [11].
2 - La simplification de la procédure de divorce
L’exposé des motifs de la loi précise le double objectif poursuivi par la réforme à savoir la simplification du parcours processuel des époux en instance de divorce et la réduction des délais de traitement notamment dans les situations simples dans lesquelles il n’y a ni enfants mineurs, ni enjeux financiers importants.
Suppression de la phase de conciliation. L’outil principal employé pour la réalisation de ce double objectif est la suppression de la phase de conciliation. Cette réforme revêt tout d’abord une importance symbolique puisqu’elle traduit l’abandon par le législateur de l’office du juge consistant à tenter d’éviter le divorce. On considère désormais, et sans doute à juste titre, que les époux qui entament une procédure de divorce sont suffisamment décidés et qu’il est fort peu probable qu’ils renoncent à leur projet de séparation. Et même si une réconciliation intervenait en cours de procédure, ce ne serait certainement pas grâce au juge aux affaires familiales…
La procédure de divorce change donc complètement de physionomie. Terminées la requête initiale et l’assignation, remplacées par une seule demande en divorce. Celle-ci doit comporter, en vertu de l’article 252 du Code civil issu de la réforme (N° Lexbase : L7332LPA), le rappel des dispositions relatives à la médiation familiale, à la procédure participative et à l’homologation des accords partiels ou complets des parties sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, autrement dit aux divers moyens de pacification de la procédure, à l’égard duquel le législateur manifeste ainsi sa faveur.
Choix du cas de divorce. La demande en divorce pourra, en vertu du nouvel l’article 251 du Code civil, indiquer le fondement du divorce lorsqu’il s’agit d’un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ou d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal. Lorsqu’il s’agit d’un divorce pour faute, cette indication continue d’être prohibée, et les motifs du divorce seront indiqués dans les premières conclusions au fond. Toutefois, en dehors de l’hypothèse du divorce pour faute, le choix du cas de divorce n’est pas une obligation pour le demandeur qui peut rester silencieux sur les motifs du divorce jusqu’à ses premières conclusions au fond.
Demande reconventionnelle. Dans chacune des hypothèses, le défendeur peut faire une demande reconventionnelle pour faute. Comme le prévoyait déjà le droit antérieur, c’est alors la demande en divorce pour faute qui est examinée en premier lieu par le juge et le cas échéant, face à une demande reconventionnelle en divorce pour faute [12], le demandeur peut faire évoluer sa demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal en divorce pour faute, en exposant ses griefs à l’égard de son conjoint [13].
Lorsque les époux n’ont pas d’enfants et que leur séparation est déjà une réalité, la simplification de la procédure constituera un net progrès permettant d’alléger le parcours processuel de leur divorce.
Audience préliminaire. En revanche, lorsque les époux ont des enfants, ou/et que leur séparation n’est pas totalement organisée, il n’était pas possible d’attendre plusieurs mois le jugement de divorce, particulièrement en cas de conflits et de nécessité de prendre des mesures urgentes, sachant que l’article 257 du Code civil (N° Lexbase : L7170IMI) qui prévoyait ces dernières a été abrogé par la réforme. Pour répondre à cette nécessité, le nouvel article 254 du Code civil (N° Lexbase : L7330LP8) dispose que «le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à l’issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants de l’introduction de la demande en divorce, à la date à laquelle le jugement passer en force jugée, en considération des accords éventuels des époux». Ainsi, cette audience est de principe sauf avis contraire des époux, notamment lorsqu’ils n’ont pas d’enfants et aucune question patrimoniale à régler rapidement. Il convient de rappeler que, dans les hypothèses graves de violences conjugales, une ordonnance de protection pourra organiser la vie des époux avant même la saisine du juge aux affaires familiales par une demande en divorce, laquelle permettra de renouveler d’ailleurs l’ordonnance de protection.
Point de départ des effets du divorce. La suppression de l’audience de non-conciliation et par voie de conséquence de l’ordonnance de non-conciliation a entraîné la modification de nombreux textes qui visaient cette dernière. C’est désormais la demande en divorce qui constitue, dans la plupart des cas, le point de départ des effets du divorce. Ainsi, l’article 262-1 (N° Lexbase : L7328LP4) dispose désormais que «la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens […] lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de la demande en divorce», sachant qu’en vertu du dernier alinéa de ce texte «à la demande de l'un des époux, le juge peut [toujours] fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge». De même, le nouvel article 262-2 du Code civil (N° Lexbase : L7329LP7) prévoit que «toute obligation contractée par l'un des époux à la charge de la communauté, toute aliénation de biens communs faite par l'un d'eux dans la limite de ses pouvoirs, postérieurement à la demande en divorce, sera déclarée nulle, s'il est prouvé qu'il y a eu fraude aux droits de l'autre conjoint».
Filiation. Dans le cadre de la filiation, la référence à l’ordonnance de non-conciliation pour l’exclusion de la présomption de paternité dans l’article 313 du Code civil (N° Lexbase : L7327LP3) est remplacée par une référence à la demande en divorce ; il en va de même à l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7323LPW) pour ce qui est de l’impossibilité pour un couple séparé de recourir à l’assistance médicale à la procréation.
Entrée en vigueur. La loi du 23 mars 2019 prévoit que les dispositions relatives à la procédure de divorce entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er septembre 2020. Lorsque la requête initiale a été présentée avant l’entrée en vigueur prévue à la première phrase du présent VII, l’action en divorce ou en séparation de corps est poursuivie et jugée conformément aux dispositions du Code civil dans leur rédaction antérieure à la même entrée en vigueur. Dans ce cas, le jugement rendu après ladite entrée en vigueur produit les effets prévus par la loi ancienne.
II - L’enfant
Les règles relatives à l’enfant sont concernées de manière moins importante par la réforme : elles sont constituées de quelques nouveautés ponctuelles, mais mettent surtout en place un dispositif destiné à favoriser l’effectivité des décisions rendues.
A - Des nouveautés ponctuelles
Filiation. La filiation est à son tour, quoique de façon encore très limitée, touchée par la déjudiciarisation. En effet, l’article 6 de la loi de programmation et de réforme de la justice transfère la compétence du juge pour établir les actes de notoriété, délivrés pour établir un lien de filiation par possession d’état, au notaire [14]. Le notaire chargé d’établir un acte de notoriété recueille le témoignage de trois personnes faisant état de leur connaissance de faits constitutifs de la possession d’état (C. civ., art. 311-1 N° Lexbase : L8856G9U). Malgré l’abrogation du dernier alinéa de l’article 317 (N° Lexbase : L3822IRY) selon lequel «Ni l'acte de notoriété, ni le refus de le délivrer ne sont sujets à recours», l’établissement par un notaire d’un tel acte ne peut faire l’objet d’un recours, en dehors de la contestation judiciaire de la possession d’état fondée sur un acte de notoriété prévue par l’article 335 du Code civil (N° Lexbase : L2873ABZ).
En matière d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneurs, le notaire, déjà partiellement compétent pour recueillir le consentement du couple le devient exclusivement selon le nouvel article 311-20 du Code civil (N° Lexbase : L7277LP9).
Logement de la famille. Un nouvel article 373-2-9-1 du Code civil (N° Lexbase : L7188LPW) issu de la loi de programmation et de réforme pour la justice permet désormais au juge aux affaires familiales, saisi d’une requête relative aux modalités d’exercice de l’autorité parentale, d’attribuer provisoirement la jouissance du logement de la famille à l’un des deux parents, le cas échéant en constatant l’accord des parties sur le montant d’une indemnité d’occupation. Il fixe la durée de cette jouissance pour une durée maximale de six mois. Lorsque le bien appartient aux parents en indivision, la mesure peut être prorogée, à la demande de l’un ou l’autre des parents, si durant ce délai, le tribunal a été saisi des opérations de liquidation-partage par la partie la plus diligente. Ce dispositif, qui existait déjà pour les couples mariés, et qui pourra désormais être mis en place dans le cadre de l’audience préliminaire, permet au parent non marié, qui se voit attribuer la résidence des enfants, de maintenir le cadre de vie de ces derniers quel que soit le statut du logement de la famille.
B - L’exécution forcée des décisions relatives à l’autorité parentale
La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice organise un renforcement bienvenu de l’effectivité des décisions rendues en matière familiale, en prévoyant expressément le recours à plusieurs modalités d’exécution forcée, dans des dispositions d’application immédiate, qui s’appliquent aux procédures en cours dès le lendemain de la publication de la loi.
Astreinte. Ainsi l’article 373-2-6, alinéa 4, du Code civil (N° Lexbase : L7365LPH), texte spécifique à l'intervention du juge aux affaires familiales en matière d'exercice de l'autorité parentale, dispose que «le juge aux affaires familiales peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Si les circonstances en font apparaître la nécessité, il peut assortir d’une astreinte la décision rendue par un autre juge ainsi que l’accord parental constaté dans la convention de divorce par consentement mutuel». L'astreinte peut ainsi être prévue tant par la décision du JAF qui détermine les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, que par une décision antérieure, y compris s'il s'agit d'une décision étrangère, à condition qu'elle ait un caractère exécutoire en France, dès lors que l'astreinte est nécessaire pour favoriser l'exécution. L'astreinte peut donc faire l'objet d'une demande principale voire exclusive, après inexécution, ou d'une demande accessoire à une demande relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale et/ou à la contribution et à l'entretien de l'enfant. Elle peut également être ordonnée d'office.
Amende civile. Selon l’article 373-2-6, alinéa 5, «le juge aux affaires familiales peut également, lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution d’une décision, d’une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou d’une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le condamner au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut excéder 10 000 euros». Il faut donc établir le caractère délibéré de l'inexécution, ainsi que la gravité ou le caractère renouvelé de l'inexécution. La condamnation à une amende civile intervient nécessairement après inexécution, et par conséquent dans une décision ultérieure ; elle sanctionne à la fois l'inexécution acquise et tend, le cas échéant, à une meilleure exécution de la nouvelle décision si la demande de condamnation à une amende civile est accessoire à une demande principale en modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale. L’adverbe «également» permet de considérer que l’amende civile peut, comme l’astreinte, être prononcée d’office par le juge, saisi après inexécution d’une demande modificative.
L’emplacement dans le Code civil des dispositions relatives à l'astreinte et à l'amende civile montre que ces mesures ne sont pas circonscrites aux hypothèses où l'enjeu est le maintien des liens entre l'enfant et l'un de ses parents mais qu'elles peuvent sanctionner l'inexécution tant des dispositions relatives à la résidence de l'enfant ou au droit de visite que des dispositions relatives à la remise du carnet de santé ou du passeport par exemple, ou à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant [15].
Recours à la force publique. La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice crée une nouvelle possibilité de recours à la force publique pour l'exécution des décisions en matière familiale, lorsque l'exécution forcée est nécessaire pour permettre le maintien des relations personnelles de l'enfant avec son père ou sa mère. L'exécution forcée concerne donc, en pratique, la fixation (ou le transfert) de la résidence habituelle de l'enfant, la résidence alternée ou le droit de visite et d'hébergement. Même dans ces hypothèses, le texte précise expressément que le recours à la force publique doit être exceptionnel. Une démarche préalable de médiation, une demande formelle d’exécution volontaire ou encore le recours aux nouveaux dispositifs de sanction pécuniaire doit avoir été entrepris. En outre, l’exécution forcée de la décision doit intervenir dans des conditions garantissant la prise en considération de l’intérêt de l’enfant. C'est la raison pour laquelle le choix de recourir à la force publique relèvera du Parquet, compte tenu de son rôle dans le dispositif de protection de l’enfance, de son expérience tirée des précédents des déplacements illicites internationaux et des placements au titre de l'assistance éducative et de sa connaissance de l'éventuel aspect pénal des situations (en cas de violences notamment [16]).
[1] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, art. 10.
[2] CEDH, 25 octobre 2018, Req. 37646/13 (N° Lexbase : A4461YI3), JCP éd. G, 2019, p. 384, obs. M. Lamarche.
[3] Cons. const., 29 juin 2012, n° 2012-260 QPC (N° Lexbase : A9516IP7).
[4] Cass. civ. 1, 5 décembre 2012, n° 11-25.158, F-P+B+I (N° Lexbase : A3140IYX).
[5] I. Maria, Personnes protégées, Protection juridique des majeurs, une nouvelle réforme en attente d’une autre, Dr. fam., 2019, Etude n° 15.
[6] L’article 24 de la loi organise également une séparation de corps par consentement mutuel extra judiciaire.
[7] Le nouvel article 1175 du Code civil (N° Lexbase : L7344LPP) précise qu’en matière de divorce, le recours à l’écrit électronique est possible pour l’acte sous signature privé contresigné par avocat.
[8] C. civ., art. 238 (N° Lexbase : L7336LPE).
[9] C. civ., art. 251 (N° Lexbase : L7333LPB) : «L’époux qui introduit l’instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond».
[10] J.-R. Binet, Divorce et séparation de corps, Présentation des différentes mesures de la loi de programmation de la justice en matière de divorce et de séparation de corps, Dr. Fam., 2019, Etude n° 10.
[11] C. civ., art. 238, al. 3, préc..
[12] C. civ., art. 246 (N° Lexbase : L7335LPD).
[13] C. civ., art. 247-2 (N° Lexbase : L7334LPC).
[14] C. civ., art. 317 (N° Lexbase : L7273LP3).
[15] Annexe 12 à la loi du 23 mars 2019.
[16] Ibidem.
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par Alexa Chapotel, Présidente de l'AVIJED et Névine Lahlou, Co-fondatrice de l'AVIJED, Doctorante en droit public (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne).
Le 24 Avril 2019
Mots-clefs : Doctrine • Décisions de justice • Réforme • Rédaction • Modernisation
Quel juriste n’a pas été contraint de relire deux ou trois fois un arrêt de la Cour de cassation pour s’assurer d’en avoir exactement saisi la portée ?
Il faut reconnaître que l’exercice n’est pas toujours facile ! Et pourtant, la compréhension des décisions de justice est essentielle, aussi bien dans la pratique des professionnels du droit que pour les justiciables.
Ces derniers sont directement concernés notamment lorsqu’ils prennent connaissance d’une décision, que ce soit en justice ou par le biais d’une notification. L’incompréhension ou la mal-compréhension d’une décision de justice impacte nécessairement leur capacité à exercer leurs droits en justice, tout en affaiblissant leur confiance dans le système judiciaire. L’accès au droit est principalement traité d’un point de vue économique. Par exemple, le système d’aide juridictionnelle permet d’aider financièrement les personnes à agir en justice. D’autres dispositifs permettent de les accompagner, notamment en leur expliquant le droit, comme les maisons de justice et du droit, les points d’accès au droit, les permanences juridiques gratuites et les associations spécialisées.
La compréhension du droit, et en particulier des textes que l’on oppose à un justiciable, est en conséquence primordiale pour permettre l’accès au droit et à la justice. De plus, le «langage» juridique s’avère être un véritable frein dans cette compréhension.
En effet, en amont de tout litige ou lorsque la situation conflictuelle se poursuit jusque devant les juridictions, il est nécessaire que les justiciables soient en mesure de comprendre les problématiques juridiques qui sont en jeu. De cette compréhension dépend l’exercice de leurs droits. Les citoyens acceptent d’ailleurs, de moins en moins, de rester passifs face à une question technique compte tenu de la multitude d’informations auxquelles ils ont accès par le biais des nouvelles technologies. Il n’est, toutefois, pas toujours facile d’accéder aux sources d’information juridiques fiables [1] leur permettant de comprendre correctement la situation à laquelle ils sont confrontés. La conséquence immédiate est qu'une partie des citoyens ne fait pas valoir ses droits ou le fait maladroitement et/ou inefficacement.
La clarification du droit est donc un enjeu important pour les individus dans une société démocratique. Elle permet notamment de renforcer leur confiance dans le système judiciaire et d’assurer une application effective des décisions de justice. L’effectivité d’une décision rendue est, rappelons-le, un objectif essentiel pour permettre l’effectivité du droit.
Pour cela, le droit se doit d’être plus facile d’accès et plus intelligible. En tant que juristes membres de l'AVIJED [2], la récente réforme du mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation n’a pas manqué de retenir toute notre attention. Nous vous proposons quelques éléments de lecture pour décrypter cette réforme au regard de la tradition du style rédactionnel des juridictions françaises et des récentes évolutions dans la rédaction des décisions.
Le style rédactionnel des décisions de justice traduit une culture juridique particulière, ce style étant, comme on le constate, potentiellement amené à évoluer. Ainsi, le laconisme des décisions rendues par la Cour de cassation est le produit de la tradition civiliste dont elle est issue. Ce laconisme s’oppose à la rédaction étoffée des décisions des juridictions de Common law.
En France, le système judiciaire a été aménagé avec en toile de fond une méfiance vis-à-vis du «gouvernement des juges», et vis-à-vis de leur possibilité à créer le droit. Cela explique pour partie le formalisme qui encadre l’ensemble du processus juridictionnel et notamment la rédaction des décisions de justice.
Depuis la période révolutionnaire, l’obligation de motivation a été imposé aux juridictions françaises, se différenciant ainsi des décisions des cours royales qui n’étaient pas motivées [3]. Traditionnellement, la motivation des décisions se construit en se basant sur le principe de l’«imperatoria brevitas». Cette tradition repose sur deux axes : une motivation concise et la méthode de la phrase unique dans laquelle le juge affirme la solution au problème de droit qui lui est soumis [4].
Par ailleurs, le juge doit répondre à l’impératif de neutralité et d’impartialité de la motivation. Il faut reconnaître que ces nombreuses exigences complexifient la rédaction des décisions de justice.
Jusqu’à la réforme, les modes de rédaction et de motivation des arrêts de la Cour de cassation se caractérisaient par leur «concision, [leur] précision terminologique et [leur] rigueur logique» [5], les arrêts n’ont pas connu d’évolutions majeures depuis 1837. IIs étaient également rédigés en style indirect, chaque développement étant introduit par les célèbres «Attendu que...» et «Mais attendu que...» qui désarçonnent plus d’un lecteur.
De manière générale, ces modes de rédaction spécifiques ont pour objectif d'opérer une unification des décisions judiciaires en empruntant des formules codifiées et un style continu dans le temps.
Il s'agissait d’une volonté de renforcer la sécurité juridique du justiciable en renvoyant vers une vision unitaire et rassurante de la justice. Force est de constater que cette volonté a démontré ses limites dont les plus connues sont notamment :
Conscients de la nécessité de moderniser le style rédactionnel des décisions, les juridictions et le législateur ont lancé plusieurs chantiers ayant pour mission de repenser la rédaction des décisions de justice.
La modernisation de la rédaction des décisions de justice a été amorcée il y a plusieurs années. Un groupe de travail sur la rédaction des décisions administratives, présidé par Philippe Martin, a présenté en avril 2012 un rapport [6] extrêmement complet et instructif sur l’analyse du mode de rédaction des décisions administratives.
Ce rapport avait pour objectif d’adapter la rédaction des décisions des juridictions administratives aux nouveaux enjeux en tenant compte :
Ces nouveaux enjeux conduisent en effet devant la juridiction administrative un grand nombre de personnes qui attendent une décision claire sur leurs droits.
Les parties à ces litiges attendent de la décision non seulement qu’elle apporte des «réponses précises et justes à leurs argumentations, mais aussi qu’elle conforte la sécurité juridique dont leurs activités ont besoin» [7].
Le rapport souligne que «l’objectif d’amélioration de l’intelligibilité des décisions de justice, qui répond à une attente des justiciables (personnes privées comme administrations), tenait autant à leur forme et à leur style qu’à leur contenu» [8].
Le rapport a servi de support à la réforme de la rédaction des décisions administratives qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019.
Le législateur a retenu : une simplification du vocabulaire utilisé en déconseillant l’usage des termes désuets (par exemple «de céans») et une clarification des décisions sur la forme.
Le Conseil constitutionnel s’est lui aussi saisi de la question, avec l’annonce de la disparition des «considérant» dans ses décisions [9]. Il est notamment indiqué que «Ce nouveau mode de rédaction a pour objectifs de simplifier la lecture des décisions du Conseil constitutionnel et d'en approfondir la motivation» [10]. Les décisions n° 2016-539 QPC (Cons. const., 10 mai 2016, n° 2016-539 QPC N° Lexbase : A5064RNU) et n° 2016-540 QPC (Cons. const., n° 2016-540 QPC du 10 mai 2016 N° Lexbase : A5065RNW) ont été les premières décisions matérialisant ces évolutions.
La réflexion sur le mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation a, quant à elle, été engagée en septembre 2014 par la création d’un groupe de travail [11]. Cette phase de réflexion s’est poursuivie avec la création, en mars 2017, d’une Commission chargée de soumettre des propositions précises et d’élaborer un nouveau mode de rédaction permettant un accès au droit facilité. Les travaux de cette commission ont été finalisés en décembre 2018 et ont permis de formaliser un corpus de règles rédactionnelles.
Nous pouvons retenir que l’évolution du mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation satisfait à son objectif de rendre ses décisions plus explicatives et plus pédagogiques.
Cette réforme qui doit entrer en vigueur en septembre 2019, prévoit de faire un travail de fond sur la motivation des décisions développée pour les décisions qui, selon la Cour, le justifient particulièrement et notamment les décisions opérant un revirement de jurisprudence, qui mettent en jeu la garantie d’un droit fondamental ou qui tranchent une question de principe. La motivation développée aura pour objet d’expliquer, s’il y a lieu, la méthode d’interprétation retenue par la Cour. La motivation fera également mention des solutions alternatives non retenues lorsqu’elles ont donné lieu à de sérieuses discussions en cours de délibéré.
La structure des arrêts est également améliorée, et cela pour toutes les décisions, avec ou sans motivation développée. Chaque paragraphe sera numéroté et les arrêts seront désormais rédigés en trois parties :
Ce découpage ayant pour objectif de distinguer clairement la critique de la décision attaquée et la décision retenue par la juridiction.
Il est indéniable que les décisions «pilotes» rendues en fin d’années 2018 [12] présentent une rédaction plus accessible et une structure aérée qui facilite la lecture. Il est, toutefois, assez regrettable que les efforts de développement de la motivation soient restreints à certaines décisions et qu’ils ne soient pas étendus à l’ensemble des arrêts.
Les réformes de fonds sur les styles de rédaction des décisions de justice marquent la prise de conscience du besoin de clarification nécessaire à l’accessibilité du droit par les justiciables.
Ces efforts concourent à une meilleure compréhension des décisions de justice et garantissent, in fine, un accès au droit facilité ce qui est de très bon augure.
Il faut souhaiter que ce travail de simplification des modes de rédaction se poursuive afin de permettre une compréhension des décisions par un public toujours plus large et non seulement un public averti. Rappelons-le, «La démocratie, c’est que, quel que soit l’enjeu, on puisse comprendre la décision, que ce soit pour un euro ou que ce soit pour la construction d’un bâtiment important dans Paris» [13].
[1] Les sites officiels comme «Légifrance» ou «service-public.fr» se démarquent dans le paysage juridique français, et sont largement utilisés comme source d’information juridique fiable.
[2] Une des missions principales de l'Association pour la Vulgarisation de l’Information Juridique et de l’Education au Droit (l’AVIJED) est de travailler à rendre le droit plus accessible à tous. Animée par une équipe de juristes, le cœur d'action de l’association est d’identifier les obstacles intellectuels à la compréhension des situations juridiques et de proposer des supports d’information juridique compréhensibles par tous.
[3] Rapport de la Commission de réflexion sur la réforme de la Cour, 3 septembre 2015, disponible en ligne sur le site de la Cour de cassation.
[4] M. Charité, Réflexions sur la modernisation du mode de rédaction des décisions du Conseil constitutionnel, Revue générale du droit on line, 2017, n° 24631.
[5] J.-F. Weber, Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile, BICC n° 702, 15 mai 2009, p. 6 ; voir, également, sous la direction du même auteur, Droit et pratique de la cassation en matière civile, LexisNexis, 3ème édition, 2012, n° 1264, cité dans le rapport du 3 septembre 2015.
[6] Rapport final du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, 14 mai 2012, disponible sur le site du Conseil d’Etat.
[7] Op. cit. p. 9.
[8] Op. cit. p. 7.
[9] L. Fabius, Communiqué du Président du 10 mai 2016, disponible sur le site du Conseil constitutionnel.
[10] Op. cit..
[11] Dossier de presse de la Cour de cassation, disponible sur le site de la Haute juridiction ; Rapport de la commission de réflexion sur la réforme de la Cour «Groupe de travail Motivation» du 3 septembre 2015, également disponible sur le site de la Haute juridiction.
[12] Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18-14.520, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0669YR9) ; v., aussi, les exemples cités dans le dossier de presse de la Cour de cassation, disponible sur le site de la Cour.
[13] F. Borg, Simplification du vocabulaire juridique : «La démocratie, c’est que, quel que soit l’enjeu, on puisse comprendre la décision», France info, 2 janvier 2019.
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Réf. : Cass. soc., 17 avril 2019, n° 17-17.880, FS-P+B (N° Lexbase : A6001Y97)
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par Blanche Chaumet
Le 24 Avril 2019
► Lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y) entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer ; la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ; il en résulte qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé dans cette hypothèse pour un motif personnel.
Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 avril 2019 (Cass. soc., 17 avril 2019, n° 17-17.880, FS-P+B N° Lexbase : A6001Y97).
En l’espèce, plusieurs salariées ont été engagées par une société et exerçaient respectivement en dernier lieu à Nantes les fonctions d'assistantes commerciales, d'assistante de direction, d'assistante marketing, de responsable de fabrication et d'employée libre-service. Le 12 mai 2012, la société a cédé son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à une autre société, avec effet au 14 mai 2012, et le contrat de travail des salariées a été transféré au profit de cette dernière. Le 14 mai 2012, la société cessionnaire a proposé la modification du lieu d'exécution du contrat de travail à Orléans aux salariées qui lui ont notifié leur refus. Elles ont été licenciées pour refus de modification du lieu d'exécution de travail. Contestant le motif personnel de leur licenciement, elles ont saisi la juridiction prud'homale pour voir dire leur licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités.
La cour d’appel ayant considéré que leur licenciement doit être requalifié en licenciement économique et qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ayant condamné l’employeur à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce dernier s’est pourvu en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle précise que la cour d'appel qui a constaté que la modification du contrat de travail des salariées s'inscrivait dans la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans le but de réaliser des économies, que l'objectif affiché était la pérennisation de son activité internet et que le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société cessionnaire à la suite du rachat d'une branche d'activité de la société cédante, en a exactement déduit que le licenciement avait la nature juridique d'un licenciement économique, ce dont il résultait qu'ayant été prononcé pour motif personnel, il était dépourvu de cause réelle et sérieuse (sur Le refus par le salarié de la modification pour motif économique de son contrat de travail, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E8967ESW).
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Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 15 avril 2019, n° 425854, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2810Y9X)
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par Yann Le Foll
Le 24 Avril 2019
► Il appartient, notamment, à la cour administrative d'appel saisie d'une requête dirigée contre un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale de s'assurer :
- d'une part, que le requérant est au nombre de ceux qui ont intérêt pour agir devant le juge administratif et notamment, s'il s'agit d'un concurrent, que son activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise du projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci ;
- d'autre part, si le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial, que le requérant a, préalablement à l'introduction de sa requête, déposé contre cet avis un recours devant la CNAC.
Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un avis rendu le 15 avril 2019 (CE 1° et 4° ch.-r., 15 avril 2019, n° 425854, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2810Y9X).
Si la CNAC (Commission nationale d'aménagement commercial) a, sur l'un ou l'autre des deux points précités, porté une appréciation qui l'a conduite à rejeter comme irrecevable le recours dont le requérant l'avait saisie, alors que la cour administrative d'appel juge recevable la requête, le rejet pour irrecevabilité prononcé par la CNAC doit être regardé comme une irrégularité entachant la procédure de délivrance du permis de construire.
Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen en ce sens, d'apprécier, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et, notamment, de la teneur des autres recours le cas échéant examinés sur le fond par la CNAC, si cette irrégularité est susceptible d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision attaquée, l'obligation de saisir préalablement la CNAC avant toute introduction d'un recours contentieux ne constituant pas, en tout état de cause, une garantie pour les personnes intéressées (au sens de la jurisprudence «Danthony», CE, Ass., 23 décembre 2011, n° 335033 N° Lexbase : A9048H8M).
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par Ibrahim Ndam, Docteur en droit, Maître-Assistant du CAMES, Chargé de cours à la Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaoundé II (Cameroun)
Le 24 Avril 2019
Résumé : Le nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (N° Lexbase : L0547LGD) ne protège pas suffisamment l’intérêt des créanciers. Certes, il renforce la protection des créanciers. Il raffermit les mesures communes de protection de l’intérêt des créanciers et les mécanismes spécifiques de préservation de celui des créanciers privilégiés. Dans le premier cas, il accroît considérablement l’apport des créanciers dans les procédures collectives, réduit leurs coûts tout en les accélérant significativement. Dans le second cas, il réorganise les privilèges existants et introduit le privilège de new money dans l’arsenal juridique communautaire. Cependant, l’apport du nouveau texte est restreint ; une telle protection nécessitant d’être davantage améliorée. L’analyse permet de se rendre compte de la nécessaire amélioration non seulement des mesures communes de protection des intérêts des créanciers, mais également des mécanismes spécifiques de préservation des intérêts des créanciers privilégiés. A cela s’ajoute la nécessaire consolidation des droits aussi bien processuels que pécuniaires des créanciers.
Toute entreprise est susceptible de connaître, à un moment de son existence, des difficultés dont les plus graves peuvent provoquer sa disparition [1]. Lorsque l’entreprise est ainsi en difficulté, ce ne sont pas seulement ses intérêts qui sont menacés, ceux de ses créanciers le sont également. En fait, ces derniers étant des personnes qui ont apporté des soutiens multiformes à l’entreprise, il est normal que leurs intérêts soient menacés lorsque leur débiteur fait face aux difficultés.
Dans l’espace OHADA [2], le nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) adopté le 10 septembre 2015 et qui se substitue à l’Acte uniforme originel du 10 avril 1998, fait allusion à la notion d’«intérêt des créanciers» sans la définir [3]. Ce silence trouve deux principales explications. D’une part, le concept d’intérêt, à la base de l’expression «intérêt des créanciers», est protéiforme en droit, car il est susceptible de nombreuses acceptions [4]. D’autre part, «son sens est trop évolutif pour qu’il puisse se laisser enfermer dans une définition stricte» [5]. On peut, cependant, trouver un trait commun à toutes les définitions de l’intérêt : l’idée de valeur, d’avantage, de satisfaction qui peut permettre de définir brièvement cette notion comme «ce qui motive les individus à agir» [6]. L’intérêt peut se comprendre de façon plus large et englober les avantages aussi bien matériels que moraux [7]. De cette définition, l’on peut inférer celle de l’«intérêt des créanciers» comme leur plus grand bien, leur avantage ou leur satisfaction. Associé aux procédures collectives qui regroupent, en substance, les mesures prescrites pour la prévention et le traitement des difficultés des entreprises [8], l’intérêt des créanciers renvoie à leur satisfaction qui se résume en leur paiement substantiel. La prise en compte de cet intérêt implique un traitement particulier des créanciers et des procédures elles-mêmes. Ici, on dira qu’il est de l’intérêt des créanciers que les procédures collectives se déroulent dans un temps raisonnable, aient un coût réduit ou qu’elles débouchent sur leur désintéressement. Bien plus, la considération de l’intérêt des créanciers exige qu’ils soient impliqués dans les procédures collectives pour préserver leurs droits, que des mesures spécifiques soient prises pour protéger ceux qui bénéficient des privilèges, ou encore qu’ils soient traités de manière égalitaire [9].
Même si dans le nouvel Acte uniforme le législateur ne définit pas la notion d’«intérêt des créanciers» qu’il utilise pourtant, il y entreprend plus que dans l’ancien, à assurer la protection aussi bien des entreprises en difficulté, c’est-à-dire des débiteurs, que de leurs créanciers. Cette entreprise n’est pas un fait de hasard. Après l’autorisation de la révision de l’Acte uniforme initial par le Conseil des ministres en 2007, diverses études ont été menées à l’effet de relever ses insuffisances, ses faiblesses et d’en proposer des solutions [10].
De manière générale, l’évaluation de l’Acte uniforme originel, alors éprouvé par plusieurs années d’application, montre que les objectifs traditionnels du droit des procédures collectives, «à savoir le sauvetage des entreprises viables, la liquidation des entreprises non viables, le payement substantiel des créances, le tout de manière rapide et transparente, n’étaient pas atteints dans des proportions significatives» [11].
Plus spécifiquement, en ce qui concerne la protection des créanciers, plusieurs constats ont été faits. Tout d’abord, il a été relevé que la plupart de procédures collectives se soldaient dans l’espace OHADA par une insuffisance d’actifs ; le dossier étant refermé sans redressement de l’entreprise, ni paiement substantiel des créanciers. La majorité de ces procédures se terminaient généralement «en queue de poisson» [12] ou débouchaient «sur un échec économique : fermeture de l’entreprise et clôture de la procédure sans paiement des créanciers en raison de l’insuffisance d’actif» [13]. Ensuite, les études ont révélé que jusqu’à la réforme, plusieurs procédures collectives s’étalaient sur une très longue période et étaient tellement coûteuses qu’elles portaient atteinte à l’intérêt des créanciers. Dans le cadre des procédures de liquidation des biens par exemple, les dividendes reçus par les créanciers étaient de faibles montants, les coûts d’administration étaient excessifs du fait des honoraires exorbitants des syndics et de la durée trop longue de ces procédures [14]. En 2012, un rapport de la Banque Mondiale concluait que les coûts de fermeture d’une entreprise dans les Etats membres de l’OHADA s’élevaient à 25 % de la valeur des biens du débiteur, les délais moyens étaient de 3,75 ans et le taux de créances recouvrées était d’environ 20 % du montant des créances. Cependant, dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) les coûts s’élevaient à 9 % de la valeur des biens du débiteur, les délais moyens à 1.,7 ans et le taux de créances recouvrées à environ 68,2 % [15]. En 2014, le rapport Doing business de la même institution mondiale établissait que les créanciers dans les Etats de l’OCDE devaient attendre seulement 21 mois pour recouvrer 78 % du montant de leurs créances avec un coût des procédures collectives qui étaient de moins de 10 % de la valeur de l’entreprise. En revanche, dans les Etats parties à l’OHADA, les créanciers devaient attendre en moyenne 38 mois pour recouvrer approximativement 14 % de leurs créances en souffrance et les coûts d’application des procédures de l’ancien Acte uniforme représentaient 21,56 % de la valeur du patrimoine de chaque entreprise liquidée. Au détriment des créanciers du débiteur, une part trop importante de l’actif de ce dernier était absorbée par les coûts ou frais de recouvrement, avec une pointe de 60 % pour le Tchad, 34 % pour le Cameroun, 29 % pour la République Démocratique du Congo et 18% pour la Côte d’Ivoire [16].
Au regard du diagnostic qui précède, si plus de trois ans après l’entrée en vigueur du nouvel Acte uniforme il n’est pas encore temps de dresser un véritable bilan de l’exécution du nouveau dispositif puisque cela semble prématuré, la question peut se poser de savoir si la réforme du droit OHADA des procédures collectives protège suffisamment l’intérêt des créanciers.
La question mérite qu’on lui consacre une étude dans la mesure où la satisfaction des créanciers demeure l’un des objectifs de la procédure collective [17]. Elle est d’autant intéressante qu’elle offre l’occasion de contribuer non seulement à l’accroissement de l’aide aux entreprises ou à leur sauvetage, mais aussi à l’atteinte de l’un des objectifs fondamentaux de l’OHADA, à savoir l’attractivité des investisseurs dont la plupart peuvent être des créanciers sociaux [18]. En effet, la protection effective des créanciers est associée à un niveau élevé des crédits aux entreprises. L’interrogation est d’autant plus intéressante qu’elle permet aussi bien d’analyser les différents mécanismes de protection de l’intérêt des créanciers que d’examiner la réalité de leur protection.
Le nouvel Acte uniforme, comme celui qui l’a précédé, distingue deux principales catégories de créanciers. D’une part, les créanciers dont les droits sont nés avant le jugement d’ouverture de la procédure collective [19]. Ce sont des créanciers dans la masse dont les dettes grevaient le patrimoine du débiteur, et le non-paiement a mis au jour les difficultés financières de celui-ci [20]. Ces créanciers constituent une masse représentée par le syndic qui seul agit en leur nom, dans leur intérêt collectif et peut les engager. Cette catégorie regroupe aussi bien les créanciers privilégiés que les créanciers chirographaires [21]. D’autre part, les créanciers de ou contre la masse dont les droits sont nés régulièrement après la décision d’ouverture, de la continuation de l’activité et de toute activité régulière du débiteur ou du syndic [22]. Ils bénéficient d’un droit privilégié d’être payés car leurs prestations sont présumées avoir profité à la masse ou au débiteur au désarroi. Créanciers «encensés» [23], ils priment en principe tous les créanciers dans la masse [24].
A côté de ces deux catégories, existe une autre : ce sont des créanciers hors la masse dont les droits bien que nés avant ou après le jugement d’ouverture, ne l’ont été qu’au mépris du dessaisissement [25]. Cette étude ne s’attardera pas sur leur sort ; il suffira d’indiquer que leurs droits sont inopposables à la masse.
Le nouveau texte ne se limite pas à la catégorisation des créanciers, il renforce la protection qu’il leur assure. C’est ainsi qu’il renforce les mesures communes de préservation de l’intérêt des créanciers et les mesures spécifiques de protection des créanciers privilégiés. Dans le premier cas, il accroit remarquablement l’apport des créanciers dans les procédures collectives, réduit les coûts de ces procédures tout en les accélérant significativement. Dans le second, il réaménage les privilèges existants dans le sens de consolider leur effectivité et introduit le privilège de new money.
Cependant, une telle protection réservée aux créanciers par la réforme des procédures collectives ne doit pas être surestimée. Elle est, malgré la réforme, insuffisante. L’analyse montre que la protection de l’intérêt des créanciers peut davantage être améliorée. D’une part, les mesures communes et spécifiques de préservation des intérêts des créanciers sont très limitées. D’autre part, du fait de la réglementation inappropriée de leurs effets, les procédures collectives entraînent le gel excessif des diligences processuelles des créanciers et menacent leurs droits pécuniaires.
Au demeurant, l’analyse comparative des dispositions du nouvel Acte uniforme avec celles de l’ancien texte et de la pratique en la matière ainsi que la comparaison du système de protection mis sur pied dans l’espace OHADA avec certains systèmes comme ceux de la France, de l’Espagne ou des Etats Unis, permettent de réaliser que, si beaucoup a été fait pour protéger l’intérêt des créanciers, des efforts importants restent à faire pour suffisamment assoir cette finalité. En effet, si la protection de l’intérêt des créanciers est renforcée par la réforme du droit OHADA des procédures collectives (I), il est nécessaire, en dépit de cette réforme, qu’elle soit davantage améliorée (II).
I - Une protection renforcée
En élaborant le nouvel Acte uniforme, le Conseil des ministres de l’OHADA a procédé par une «révision ciblée», consistant à corriger les erreurs, à combler les lacunes, et non à réécrire un nouvel Acte avec une nouvelle numérotation des articles [26]. Ce conservatisme au plan formel, qui permet de garder la configuration de l’ancien texte, contraste avec les innovations au plan substantiel. C’est la volonté du législateur de redresser les entreprises encore viables, de ne recourir à la liquidation des biens qu’en dernier ressort pour celles dont l’avenir est irrémédiablement compromis et de faciliter le payement des créanciers. La protection de ces derniers a été renforcée dans une double dimension : des mesures de protection communes à tous les créanciers (A) et des mesures de protection spécifiques aux créanciers privilégiés (B).
A - Le renforcement des mesures communes de protection des créanciers
Le nouvel Acte uniforme reprend les mesures communes de protection des créanciers autrefois introduites en droit OHADA par l’ancien. Cependant, il va au-delà de cette simple récupération, pour renforcer plusieurs de ces mesures. C’est ainsi qu’il procède au renforcement aussi bien des mesures directes (1) que des mécanismes indirects de préservation des intérêts des créanciers (2).
1 - Le renforcement des mesures directes de protection des intérêts des créanciers
Lorsqu’une entreprise est en difficulté, l’action des créanciers dans la sauvegarde directe de leurs propres intérêts est déterminante. Pour que ceux-ci puissent effectivement assurer la défense de ces intérêts, ils devraient être impliqués dans le déroulement des procédures. C’est sans surprise qu’avec le nouvel Acte uniforme, les créanciers sont appelés à participer plus activement à la procédure collective de leur débiteur au point où l’on peut, en paraphrasant un auteur, dire qu’ils relèvent désormais la tête [27]. Sans distinction aucune entre les créanciers internes et ceux externes à l’espace OHADA, le législateur de 2015 renforce leurs rôles tant à l’ouverture que dans la phase du déroulement des procédures collectives [28].
Dans la phase d’ouverture des procédures collectives, le législateur reprend certaines mesures de collaboration entre le débiteur et ses créanciers et renforce d’autres mécanismes d’implication de ces derniers dans les procédures collectives.
D’une part, comme par le passé, à l’introduction de la requête et au plus tard dans les trente jours qui suivent, s’il s’agissait du règlement préventif, ou dans les soixante jours s’il s’agit du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens [29], le débiteur doit transmettre certains documents au tribunal, parmi lesquels le projet de concordat préventif ou de concordat de redressement qui précise les mesures envisagées pour le redressement de l’entreprise. De prime abord, on peut penser que les créanciers ne jouent aucun rôle dans la rédaction du projet concordataire qui, par conséquent, serait un acte unilatéral monté de toute pièce par le débiteur et joint au dossier de procédure. Mais au regard de son contenu, il peut être question d’une véritable convention conclue entre le débiteur et ses créanciers par laquelle celui-là présente un plan de règlement du passif et de redressement. En effet, les articles 7 et 27 du nouvel Acte uniforme exigent que l’offre de concordat contienne les modalités de continuation de l’entreprise telles que la demande de délais et de remises. A la lecture des dispositions de ces articles et des articles 12 et 13 du même texte qui emploient respectivement les expressions «conclusion d’un accord», et «accord conclu entre le débiteur et ses créanciers», l’on peut aisément réaliser que les créanciers contribuent à la recherche des solutions au sauvetage de l’entreprise en participant activement à la conclusion du concordat préventif ou de redressement judiciaire. En pratique, la contribution peut consister en un accord entre le débiteur et chacun des créanciers sur les délais et les remises. Bien plus, le créancier est, comme dans l’ancienne législation, même initiateur des procédures collectives de redressement judiciaire et de liquidation des biens qui peuvent être ouvertes à la demande d’un seul créancier quelle que soit la nature de sa créance, à condition qu’elle soit certaine, liquide et exigible [30]. A cet effet, la demande du créancier doit préciser la nature et le montant de sa créance et viser le titre sur lequel elle se fonde [31]. C’est le lieu de se demander si, en cas de non-paiement ou de retard dans le paiement des salaires, les salariés, créanciers de salaires, peuvent saisir le tribunal de l’ouverture d’une telle procédure. Du moment où leur créance est certaine, liquide et exigible, il semble que leurs actions peuvent prospérer.
D’autre part, contrairement au droit antérieur, les créanciers peuvent dorénavant davantage collaborer à l’ouverture et dans le déroulement des procédures en vue du sauvetage de l’entreprise.
Les créanciers sont appelés à collaborer à l’ouverture de toutes les procédures préventives et curatives. L’ouverture du règlement préventif, unique procédure de prévention des difficultés qui existait dans l’espace OHADA sous l’empire de l’ancien Acte uniforme, était exclusivement réservée au débiteur qui connaissait des difficultés encore surmontables. La juridiction compétente était saisie par une requête exposant sa situation économique et financière en même temps que les perspectives de redressement de l’entreprise [32]. Avec la réforme de 2015, la situation des créanciers a nettement évolué. Ces derniers se sont vus reconnaître une place dans cette procédure de sauvegarde profondément modifiée. La juridiction compétente est désormais saisie par une requête du débiteur ou par une requête conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers, ainsi que le prévoit l’alinéa 2 de l’article 6 du nouveau texte. Ces exigences sont reprises, mutatis mutandis, par l’article 5-2 du texte révisé en ce qui concerne la procédure de conciliation, dernière-née des procédures préventives dans l’espace OHADA. Dans les procédures curatives de redressement judiciaire et de liquidation des biens, les créanciers peuvent intervenir, à l’ouverture, en apportant des informations au tribunal qui a décidé de se saisir d’office par le truchement des représentants du personnel [33].
Dans la phase de déroulement des procédures collectives, le législateur reconnait aux créanciers une marge de manœuvre non négligeable dans la gestion des difficultés. Cela se comprend aisément : la participation des créanciers à l’ouverture des procédures sans possibilité d’intervention dans le cours aurait été une absurdité. Ces derniers interviennent dans le déroulement des procédures collectives en qualité de contrôleurs.
S’agissant des procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens par exemple, un à cinq contrôleurs peuvent être désignés à toute étape de leur déroulement par le juge commissaire parmi les créanciers non-salariés. La nomination de créanciers contrôleurs est même obligatoire dans le délai d’un mois à compter de la décision d’ouverture si elle est sollicitée par des créanciers représentant un tiers du total des créances même si celles-ci ne sont pas vérifiées. A l’expiration de ce délai, tout créancier peut demander à être désigné contrôleur. La seule restriction ici est que le nombre total de contrôleurs ne doit pas excéder cinq. Lorsque le nombre de salariés est supérieur à dix au cours des six mois précédant la saisine de la juridiction compétente, le syndic invite le comité d’entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel, à désigner un salarié en qualité de contrôleur dans un délai de vingt jours à compter de la décision d’ouverture. Dans le même délai, en l’absence de comité d’entreprise et de délégué du personnel, le syndic invite les salariés à élire l’un d’entre eux qui sera nommé par le juge-commissaire comme contrôleur représentant du personnel. Dans le cas des entreprises en difficulté qui n’atteignent pas ce seuil, le juge-commissaire désigne un salarié en qualité de contrôleur représentant du personnel [34]. Le législateur prévoit des cas où il peut y avoir des contrôleurs de droit. En effet, lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut réglementé, l’ordre professionnel ou l’autorité compétente est d’office contrôleur. Les contrôleurs, y compris les contrôleurs-créanciers, assistent le syndic dans ses fonctions et le juge commissaire dans sa mission de surveillance du déroulement de la procédure de redressement judiciaire et de liquidation des biens et «veillent aux intérêts des créanciers» [35]. C’est ainsi qu’ils doivent vérifier la comptabilité et l’état de situation présentés par le débiteur, demander compte de l’état de la procédure, des actes accomplis par le syndic ainsi que des recettes faites et des versements effectués [36]. Ils ont pour mission d’attirer l’attention du juge-commissaire sur l’opportunité de réagir. Les contrôleurs en général et les créanciers-contrôleurs en particulier jouent un rôle déterminant dans le déroulement de ces procédures, car ils sont «obligatoirement consultés pour la continuation de l’activité de l’entreprise au cours de la procédure de vérification des créances et à l’occasion de la réalisation des biens du débiteur» [37]. Cette obligation de consultation est un élément déterminant de collaboration des créanciers dans le déroulement des procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens [38].
En ce qui concerne la procédure de conciliation, l’analyse révèle une forte implication des créanciers dans l’accord de conciliation qui s’explique notamment par la nécessité d’intervenir «avant qu’il ne soit trop tard» [39]. Il faudrait souligner «l’importance de la prévention des difficultés des entreprises du fait des faibles performances enregistrées par ‟les mesures curatives” intervenant après la cessation des paiements qui tend à caractériser une situation irrémédiablement compromise dans laquelle le sauvetage de l’entreprise devient extrêmement difficile et le paiement substantiel des créanciers quasi impossible» [40]. Le législateur donne au conciliateur le rôle de facilitateur de la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers, afin de trouver rapidement des solutions aux difficultés de l’entreprise [41]. Le succès des négociations est tributaire de l’implication des créanciers qui sont incités à participer activement en vue de permettre au débiteur de «surmonter ses difficultés qui, par hypothèse, ne sont pas encore trop graves» [42].
Un autre moyen de participation à l’accord de conciliation, sans doute le plus révolutionnaire dans l’espace OHADA, est la possibilité reconnue aux créanciers, de fournir des nouveaux apports au débiteur en vue de la poursuite de l’activité de l’entreprise et de sa pérennité. Comme en droit français, le législateur OHADA encourage l’initiative en instituant au profit des créanciers d’argents frais, le privilège de new money qui leur garantit d’être payés par priorité au cas où la situation de l’entreprise venait à se détériorer jusqu’à l’ouverture d’une procédure de liquidation des biens. En injectant ces nouvelles liquidités, les créanciers ne sauvent pas seulement l’entreprise en difficulté ; ils s’octroient aussi des possibilités d’être payés en contribuant au sauvetage de l’entreprise. La nouvelle législation autorise même, dans une certaine mesure, la participation des créanciers à certaines décisions importantes. Ils peuvent ainsi soulever des objections contre la décision du juge commissaire [43].
Si le législateur de 2015 a ainsi directement accru la protection des créanciers, l’analyse du nouveau texte montre qu’il a également renforcé les mesures indirectes de protection des intérêts des créanciers.
2 - Le renforcement des mesures indirectes de protection des intérêts des créanciers
Le législateur renforce les mécanismes qui, indirectement, assurent la protection de l’intérêt des créanciers. C’est ainsi qu’il réduit significativement les coûts des procédures collectives, les accélère davantage et réaménage le dispositif pénal en la matière.
D’abord, pour ce qui est de la réduction des coûts, il importe de relever que jusqu’à l’adoption du nouvel Acte uniforme, les procédures collectives étaient très coûteuses, ce qui portait atteinte à l’intérêt de l’entreprise et des créanciers. Il n’était pas possible d’espérer parvenir au paiement des créanciers en présence des frais de procédures très élevés. La nouvelle législation développe des mesures de réduction du coût des procédures collectives, notamment par l’encadrement de la rémunération des mandataires judiciaires et l’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures simplifiées pour les adapter aux entreprises de petite taille.
L’ancien Acte uniforme avait entretenu le silence sur les modalités de rémunération des mandataires judiciaires. Un tel silence avait «fait la part belle à quelques-uns sans scrupule au grand dam de l’entreprise et des créanciers» [44]. Dans la pratique, cette rémunération était souvent fixée à un niveau si élevé qu’elle était en mesure de ruiner tout espoir de redressement de l’entreprise ou de paiement substantiel des créanciers [45]. Il était donc opportun voire urgent que la nouvelle législation procède aux adaptations nécessaires. Pour ce faire, elle institue des critères de fixation du taux de rémunération des honoraires de l’expert au règlement préventif et du syndic de redressement ou de liquidation des biens. La rémunération du syndic, soit en qualité de contrôleur de l’exécution du concordat préventif, soit en tant qu’expert en redressement judiciaire ou en liquidation des biens, est fixé selon le barème prévu par la réglementation de chaque Etat partie à l’OHADA [46]. Bien plus, elle institue des modalités de paiement des honoraires de l’expert au règlement préventif et du syndic de redressement ou de liquidation des biens. Les articles 4-18 et 4-20 du nouvel Acte uniforme précisent que la juridiction compétente peut accorder à l’expert et au syndic, dans la décision les désignant ou dans une décision ultérieure, une provision sur leur rémunération qui ne saurait excéder quarante pour cent (40 %) du montant prévisionnel de celle-ci. Ils ajoutent respectivement qu’en tout état de cause, une partie de cette rémunération au moins égale à soixante pour cent (60 %), ne peut être versée qu’à compter de la remise du compte rendu de l’expert ou à compter de l’homologation du concordat de redressement judiciaire ou de la clôture de la liquidation des biens en ce qui concerne le syndic [47].
Par rapport à l’ancien texte qui n’avait même pas réglementé la profession de mandataire judiciaire, et a fortiori leur rémunération, le nouvel Acte uniforme procède au plafonnement du montant de la provision pour éviter des abus préjudiciables à la société et aux créanciers. Ce plafonnement est avantageux pour les créanciers et l’entreprise parce qu’il contribue à limiter tout excès. L’expert ne peut plus, théoriquement, prétendre avoir une rémunération disproportionnée comme par le passé. Pour concilier le souci de préservation des intérêts légitimes des mandataires judiciaires, du débiteur, voire des créanciers, la loi limite le montant du versement provisionnel et le montant total de la rémunération de l’expert. Afin de permettre à celui-ci de préparer son rapport en toute quiétude, le texte admet qu’il peut se faire octroyer un acompte sur ses honoraires. Seulement, dans le but de préserver l’intérêt du débiteur et des créanciers, le montant de cet acompte ne peut excéder 40% du montant prévisionnel de la rémunération [48].
L’ouverture d’une procédure collective exige que le débiteur annexe à sa demande un ensemble de documents dont la fourniture a un coût non négligeable. L’abondance des documents entraîne des dépenses qui peuvent être hors de portée de petites entités économiques qui peinent déjà à supporter les frais de justice nécessaires au déroulement de la procédure et à désintéresser les créanciers. Par rapport aux procédures ordinaires, le législateur a allégé les formalités d’ouverture des procédures simplifiées adaptées aux petites entreprises en les réduisant au strict minimum. La procédure de règlement préventif simplifié par exemple peut être ouverte même si aucun projet de concordat préventif n’est fourni par le débiteur [49]. En matière de redressement judiciaire simplifié, le débiteur n’est obligé qu’à produire une déclaration sur l’honneur attestant qu’il remplit les conditions d’ouverture de cette procédure et un projet de concordat de redressement qui peut se limiter à des délais de paiement, des remises de dettes ainsi qu’aux garanties éventuelles souscrites par le chef d’entreprise. Il n’est demandé aucun bilan économique ni social pour le déclenchement de cette procédure [50].
Ensuite, en ce qui concerne l’accélération des procédures collectives, force est de constater sous l’empire de l’ancien Acte uniforme, ces procédures s’étalaient sur une très longue période. Les lenteurs, entraînaient des charges supplémentaires parmi lesquels les frais additionnels et la «facture de certains syndics sans scrupule qui n’achevaient pas les procédures à temps» [51]. Cette situation rejaillissait sur la condition des créanciers. Pour remédier à cette situation, le législateur de 2015 a voulu renforcer la protection des créanciers en accélérant davantage les procédures collectives [52]. Une telle action a été rendue possible par la mise sur pied de plusieurs mécanismes.
Premièrement, en plus de l’arrimage de l’ouverture du règlement préventif à la suspension des poursuites, de l’encadrement du paiement de la rémunération des mandataires judiciaires en fonction de l’avancement de la procédure et du temps passé, le législateur a institué de nouvelles procédures à grande vitesse.
L’arrimage de l’ouverture du règlement préventif à la suspension des poursuites est une mesure destinée à assurer la célérité de ces procédures. En effet, dans l’ancienne législation, la décision de suspension des poursuites individuelles diligentées contre le débiteur était soumise au dépôt d’une offre de concordat préventif. La mesure était impropre à assurer l’accélération de la procédure de règlement préventif, puisque ce dépôt ne devait intervenir qu’un mois après la requête en règlement préventif [53]. Un prononcé immédiat de la décision de suspension semblait beaucoup plus propice à favoriser une ouverture rapide de la phase de formation du concordat. Le nouvel Acte uniforme corrige les erreurs du passé en prévoyant, dans son article 9, que la décision d’ouverture du règlement préventif suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles.
L’encadrement du paiement de la rémunération des mandataires judiciaires en fonction de l’avancement de la procédure et du temps passé, vise aussi à accélérer les procédures collectives. Si la juridiction compétente peut accorder à l’expert au règlement préventif et au syndic de redressement judiciaire ou de liquidation de biens une provision sur leur rémunération, l’autre partie de cette rémunération ne peut être versée qu’à compter de la remise du compte rendu de l’expert ou à compter de l’homologation du concordat de redressement judiciaire ou de la clôture de la liquidation des biens pour ce qui est du syndic. La fixation de la rémunération de l’expert tient compte, entre autres, du temps passé à servir [54]. Le législateur institue ainsi une prime de célérité. Il est évident que ces mesures sont dictées par le souci de voir se clôturer les procédures dans les meilleurs délais. Elles sont destinées à inciter le syndic ou l’expert à travailler avec plus d’ardeur pour achever les procédures dans des délais raisonnables. L’expert ne peut donc plus perdre du temps espérant par exemple gagner indûment des mois de rémunération comme par le passé.
Comme les mécanismes précédemment analysés, l’institution de nouvelles procédures à grande vitesse, la conciliation et les procédures collectives simplifiées, est fortement dominée par le souci de célérité. La procédure de conciliation est contractuelle, discrète, facultative et d’une extrême simplicité et souplesse du point de vue de sa mise en œuvre ou de son déroulement qu’elle ne peut qu’être avantageuse pour les créanciers qui pourraient ainsi être satisfaits dans un délai raisonnable [55]. Pour reprendre un auteur, en effet, la conclusion de l’accord de conciliation ne doit pas contribuer à «retarder d’une manière excessive leur possibilité d’agir en paiement contre le débiteur dans l’hypothèse où, finalement, le redressement de l’entreprise en difficulté ne pourrait pas être obtenu» [56]. Les procédures collectives simplifiées sont, par rapport aux procédures ordinaires, si allégées qu’elles ne peuvent que se dérouler dans des délais raisonnables [57]. La procédure de règlement préventif simplifié par exemple peut être ouverte même si aucun projet de concordat préventif n’est fourni par le débiteur. En matière de redressement judiciaire simplifié, le débiteur n’est obligé qu’à produire une déclaration sur l’honneur attestant qu’il remplit les conditions d’ouverture de cette procédure et un projet de concordat de redressement judiciaire qui peut se limiter à des délais de paiement, des remises de dettes ainsi qu’aux garanties éventuelles souscrites par le chef d’entreprise. Il n’est demandé aucun bilan économique ni social pour le déclenchement de cette procédure.
Deuxièmement, le législateur africain a pris le soin d’encadrer les délais aussi bien des procédures classiques que des procédures nouvellement instituées.
Les procédures classiques désignent celles en place depuis l’avènement de l’Acte uniforme de 1998, à savoir le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens. La lecture de l’ancien Acte uniforme révèle que seule la première, parmi ces trois procédures, avait fait l’objet d’un encadrement des délais [58]. Conformément à l’article 13 de l’Acte uniforme originel, en matière de règlement préventif, l’expert devait élaborer un rapport et le déposer au greffe au plus tard dans les deux mois de sa saisine. Le président de la juridiction compétente pouvait proroger ce délai d’un mois. L’article 13(2) du même Acte ajoutait que l’expert était «tenu de respecter ce délai […] sous peine d’engager sa responsabilité auprès du débiteur ou des créanciers». Seulement, ces délais n’étaient pas toujours respectés en pratique et la responsabilité de l’expert n’était pas toujours engagée [59]. Pour remédier à cette situation tout en protégeant les intérêts des créanciers, le législateur de 2015 prévoit que la suspension des poursuites prend désormais fin de plein droit lorsque le délai imparti expire sans que la juridiction compétente ait homologué le projet de concordat [60]. Plus que la responsabilité de l’expert, la fin de plein droit de la suspension des poursuites, permet d’accélérer la procédure de règlement préventif.
Comme celui du règlement préventif, l’encadrement des délais du redressement judiciaire et de la liquidation des biens dans l’ancienne législation était critiquable. L’article 33(4) de l’ancien Acte uniforme se limitait par exemple à prévoir qu’à toute époque de la procédure de redressement judiciaire, la juridiction compétente peut convertir celle-ci en liquidation des biens s’il se révèle que le débiteur n’est pas ou n’est plus dans la possibilité de proposer un concordat sérieux. Tout se passait comme si la juridiction compétente devrait attendre, même en cas de demande, le temps qu’elle jugeait opportun pour convertir le redressement judiciaire en liquidation des biens. Pour ce qui est de la procédure de liquidation des biens, s’il était possible de savoir avec exactitude sa date d’ouverture, il était en revanche difficile d’être fixé sur son terme, car les textes n’avaient rien prévu à cet effet. En conséquence, «de nombreuses liquidations s’éternisaient […] pour diverses raisons, bonnes ou moins bonnes, mais qui aboutissaient dans tous les cas à une situation préjudiciable au débiteur et aux créanciers» [61].
Afin d’accélérer les procédures collectives retenues par la nouvelle législation dans l’intérêt de toutes les parties, spécifiquement dans celui des créanciers, toutes les procédures collectives classiques ont connu, pour la première fois, un plafonnement de leur durée. C’est ainsi que l’article 14, alinéa 3, du nouvel Acte uniforme prévoit, en ce qui concerne le règlement préventif, que «la juridiction saisie doit se prononcer immédiatement ou au plus tard dans un délai de trente (30) jours à compter de sa saisine» [62]. La durée du redressement judiciaire est de six mois, prorogeable de trois mois, ce qui limite à neuf mois sa durée maximale. A l’expiration de ce délai, le tribunal convertit d’office ou à la demande du débiteur ou du syndic, le redressement judiciaire en liquidation des biens. Si la juridiction compétente peut fixer le délai au terme duquel la clôture de la procédure de liquidation des biens a lieu, ce délai ne peut en principe être supérieur à dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure. Ce n’est qu’exceptionnellement, lorsque la clôture de la procédure ne peut pratiquement être prononcée au terme de ce délai, que la juridiction compétente peut proroger une seule fois le terme de six mois. A l’expiration de ce temps, le tribunal prononce la clôture de la liquidation des biens d’office ou à la demande de tout intéressé. Tout compte fait, le délai de déroulement de la procédure de liquidation des biens ne peut excéder deux ans, dérogation comprise [63]. Cette mesure est de nature à protéger les intérêts des créanciers, car la durée excessive de la liquidation des biens dans l’ancienne législation avait notamment pour conséquence le non-paiement des créanciers. La nouvelle loi fixe même non seulement le délai d’opposition contre la décision d’ouverture du règlement préventif [64], mais aussi celui d’appel [65]. Elle précise également que la juridiction d’appel doit statuer dans un délai de trente jours à compter de sa saisine [66].
Bien plus, le législateur a enfermé dans des délais stricts le déroulement des procédures collectives qu’il a nouvellement instituées. La procédure de conciliation ne peut excéder trois mois. Cette durée n’est exceptionnellement prorogeable, à la demande du débiteur et après avis écrit du conciliateur, que d’un mois au plus par décision spécialement motivée du président de la juridiction compétente. Une telle limitation dans le temps est de nature à préserver les intérêts des créanciers qui recouvrent rapidement leur droit de poursuite individuelle d’autant plus qu’à l’expiration de ces délais la conciliation prend fin de plein droit et une nouvelle procédure de même nature ne peut plus être ouverte avant l’écoulement d’un délai de trois mois [67].
Plus que les procédures ordinaires, les procédures collectives simplifiées sont voulues à grande vitesse. Pour ce qui est du règlement préventif simplifié, le débiteur soumet sa requête à la juridiction compétente en tenant compte des dérogations accordées aux petites entreprises, notamment la durée de certains actes de procédure. Par conséquent, l’article 24 (4) du nouvel Acte uniforme prévoit que le délai de suspension des poursuites individuelles est de deux mois, prorogeable seulement de 15 jours au lieu de trois mois pouvant être prorogé d’un mois en cas de règlement préventif ordinaire. La nouvelle procédure de règlement préventif simplifié voit ainsi sa durée maximale fixée à deux mois et quinze jours. A l’expiration de ce délai, la suspension provisoire des poursuites qui en résulte prend fin, certainement pour permettre aux créanciers de faire valoir leurs droits. L’article 179-9 de l’Acte uniforme révisé a enfermé la procédure de liquidation des biens simplifiée dans un délai précis de cent vingt jours au bout duquel elle doit être clôturée, sauf prorogation pour une période qui ne doit pas excéder soixante jours.
En plafonnant les délais des procédures collectives, le législateur cherche à les accélérer et, par conséquent, à assurer une meilleure préservation de l’intérêt des parties prenantes, spécifiquement le débiteur et ses créanciers. Si le déroulement de ces procédures dans les meilleurs délais profite au débiteur parce qu’il accroît ses chances de sauvetage et lui évite une longue mise à l’écart du monde des affaires, il est de nature à mieux préserver l’intérêt des créanciers qui peuvent ainsi avoir la chance de recouvrer rapidement leurs créances et, dans le cas contraire, de recouvrer aussitôt l’exercice individuel des poursuites. Le législateur a donc compris que plus tôt sont clôturées les procédures collectives, plus tôt les créanciers sont satisfaits.
Troisièmement, le législateur a prévu la durée de certains actes de procédure et sanctionné leur violation. En matière de règlement préventif, la sanction de la violation des exigences temporelles par l’expert tend à préserver aussi bien les intérêts des débiteurs que ceux des créanciers. C’est ainsi qu’en reconduisant les actions en responsabilité en matière de procédures collectives, le législateur africain précise que l’expert est tenu de respecter les délais impartis pour établir et déposer son rapport «sous peine d’engager sa responsabilité auprès du débiteur ou des créanciers» [68]. Bien plus, si le règlement préventif n’est pas homologué par la juridiction compétente dans les trente jours de sa saisine, il prend fin de plein droit ; les créanciers recouvrant l’exercice de tous leurs droits et le débiteur recouvrant la pleine administration des biens [69]. La mesure tend à obliger le juge à être diligent.
Enfin, pour ce qui est du réaménagement du dispositif pénal en matière de procédure collective, il y a lieu de relever l’intention du législateur de 2015 de protéger indirectement mais davantage les créanciers. Certes comme par le passé, le législateur procède au renvoi aux législations nationales en ce qui concerne l’établissement des peines sanctionnant les infractions prévues par l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif [70]. Seulement, la nouvelle législation a plus de chance d’être effective aujourd’hui où la majorité des dix-sept Etats membres de l’OHADA ont utilement complété la législation communautaire en la matière [71]. L’on assiste à la facilitation de la procédure par le retrait des exigences formulées par l’alinéa 2 de l’article 234 de l’ancien Acte uniforme réglementant la poursuite de l’infraction de banqueroute et des infractions assimilées qui prévoyait que «le syndic ne peut agir au nom de la masse qu’après y avoir été autorisé par le Juge-commissaire, les contrôleurs, s’il en a été nommé, étant entendus». Désormais, le syndic n’a plus besoin de cette autorisation et les contrôleurs ne doivent plus être entendus ; le nouvel Acte uniforme ne reprenant plus de telles exigences [72].
En accélérant les procédures collectives, en réduisant leurs coûts et en réaménageant le dispositif de répression des infractions pouvant être commises dans ces procédures, le législateur africain contribue significativement à les rendre efficaces et à assoir l’un de leurs objectifs, à savoir la protection des créanciers. Si ces mesures profitent à tout créancier, le législateur cherche également à atteindre un tel objectif par le renforcement des mesures spécifiques de protection des intérêts des créanciers privilégiés.
B - Le renforcement des mesures spécifiques de protection des intérêts des créanciers privilégiés
Les créanciers privilégiés sont ceux qui bénéficient d'une sûreté leur assurant une priorité de paiement, ou un traitement plus favorable en cas de difficulté du débiteur [73]. Le législateur de 1998 avait déjà prévu des mesures spécifiques de protection de l’intérêt des créanciers privilégiés. Le législateur de 2015, tout en conservant les acquis, va un peu plus loin en renforçant ces mesures : il procède au réajustement des privilèges existants dans l’ancienne législation (1), et institue le privilège de new money (2).
1 - Le réajustement des privilèges existants
Le nouvel Acte uniforme réajuste les privilèges existants en maintenant certains tels qu’ils ont été consacrés par l’ancien texte et en rénovant d’autres.
D’une part, et de manière générale, l’article 134, alinéa 4, du nouveau texte prévoit, en matière de redressement judiciaire, la possibilité pour les créanciers titulaires des sûretés réelles d’agir contre un tiers afin de préserver leurs droits. Cette règle peut «s’appliquer dans le cas d’une action en paiement exercée à l’encontre du débiteur d’une créance nantie ou cédée à titre de garantie» [74]. Le syndic, autorisé par le juge-commissaire peut, en remboursant la dette, retirer au profit de la masse, le gage, le nantissement, ou le droit de rétention conventionnel constitué sur un bien du débiteur. Si dans le délai de trois mois suivant la décision de liquidation des biens, le syndic n’a pas retiré le gage ou le nantissement ou, tout au moins, entrepris la procédure de réalisation du gage ou du nantissement, le créancier gagiste ou nanti peut exercer ou reprendre son droit de poursuite individuelle. Le trésor public, l’Administration des douanes ou les organismes de sécurité et de prévoyance sociales disposent du même droit de poursuite pour le recouvrement de leurs créances privilégiées, qu’ils exercent dans les mêmes conditions que les créanciers gagistes ou nantis [75].
De même, et plus distinctement, la nouvelle législation réserve par exemple une position non équivoque au créancier de salaire et un confort au bailleur d’immeuble.
Les créanciers de salaire bénéficient du privilège général et du superprivilège de salaire. Le législateur ne définit ces privilèges ni dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives, ni dans celui portant organisation des sûretés. Face à ce silence, l’on peut retourner aux différents droits nationaux pour faire un double constat.
D’un côté, le privilège général est ici une faveur accordée aux salariés d’être payés par priorité aux créanciers ordinaires. Il s’applique uniquement à la fraction saisissable du salaire et passe après les privilèges spéciaux [76]. Bénéficient de ce privilège général toutes les personnes liées à l’employeur par un contrat de travail, ainsi que toutes celles liées à lui par un contrat d’apprentissage.
Par créances de salaires privilégiées, il faut entendre toutes les sommes dues au travailleur : salaires et accessoires de salaires proprement dits, allocations de congés payés, dommages-intérêts. Les articles 166 et 167 du nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures collectives classent les privilèges non soumis à publicité dont relève le privilège général des salariés au sixième et au septième rang.
De l’autre, le superprivilège, ou «privilège préférable à tous les autres privilèges généraux ou spéciaux» [77], couvre la fraction insaisissable du salaire [78]. Il s’étend sur les créances résultant du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage. Le superprivilège de salaire offre des avantages indéniables aux créanciers des salaires. Il leur confère une priorité de paiement presque absolue sur l’ensemble des actifs mobiliers et immobiliers de l’entreprise. En effet, au plus tard dans les dix jours qui suivent la décision d’ouverture de la procédure de liquidation des biens et sur simple décision du juge-commissaire, le syndic doit désintéresser tous les créanciers superprivilégiés, sous déduction des acomptes qu’ils ont déjà perçus. Au cas où le syndic n’aurait pas de fonds nécessaires, ces créances doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds avant toute autre créance. Pour s’assurer de l’effectivité de ces mesures, le législateur permet au syndic, à toute autre personne ou organisme qui a pris en charge tout ou partie des salaires en faisant une avance permettant de payer les créances résultant du contrat de travail ou d’apprentissage, de se subroger dans les droits du travailleur et d’être, par conséquent, remboursé dès les premières rentrées de fonds nécessaires sans qu’aucune autre créance puisse y faire obstacle [79]. Les créanciers de salaire sont d’autant plus protégés en droit OHADA des procédures collectives qu’en matière de règlement préventif, ils ne sont pas concernés par la suspension des poursuites [80] et la juridiction compétente n’homologue le concordat préventif que si les délais consentis par les créanciers de salaire n’excèdent pas un an alors que, pour le reste des créanciers, ce délai peut aller jusqu’à trois ans [81]. La protection ainsi accordée aux créanciers de salaire se justifie aisément : les salariés participent de manière essentielle à la production des biens du débiteur et une fraction de salaire à un caractère alimentaire et insaisissable [82].
Le bailleur d’immeuble, quant à lui, bénéficie aussi d’un traitement privilégié. Il peut demander ou faire constater la résiliation du bail non seulement pour des causes antérieures à la décision d’ouverture, mais aussi pour des causes survenues postérieurement à cette décision [83]. Il dispose du privilège pour les douze derniers mois de loyers échus avant la décision d’ouverture ainsi que pour les douze derniers mois échus ou à échoir postérieurement à cette décision. Si le bail est résilié, le bailleur bénéficie également d’un privilège pour les dommages-intérêts et l’indemnité d’occupation. Il peut d’ailleurs en demander le paiement dès le prononcé de la résiliation. Il est, en outre, créancier de la masse pour tous les loyers échus et les dommages-intérêts ou indemnités allouées postérieurement à la décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de la liquidation des biens [84].
D’autre part, il est possible au créancier revendiquant un bien d’exercer l’action en revendication en se conformant aux conditions de sa mise en œuvre qui ont évolué [85]. Une telle action n’est plus subordonnée à la production préalable de la créance par le revendiquant ; le législateur ayant supprimé l’avant-dernier alinéa de l’ancien article 78 de l’AUPC qui imposait au créancier revendiquant de produire sa créance. Le dernier alinéa de l’article 63 du nouvel Acte uniforme contient une précision nouvelle selon laquelle «l’absence d’inventaire ne fait pas obstacle à l’exercice des actions en revendication ou en restitution» [86]. Il est même désormais permis au syndic d’acquiescer à la demande amiable qui lui est faite [87]. Le nouvel Acte uniforme facilite l’exercice d’une telle action : la demande en revendication d’un bien est adressée au syndic par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou encore par tout moyen laissant trace écrite. De même, si le revendiquant doit produire le contrat qui justifie la détention du bien par le débiteur, il en est dispensé lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l’objet d’une publicité [88]. Cette dérogation se justifierait par le fait que les droits dudit propriétaire sont connus de tous, ce qui écarte l’hypothèse que le bien objet du contrat aurait contribué à la solvabilité apparente du débiteur.
En outre, le législateur définit largement l’assiette de la revendication. Peuvent, tout d’abord, être revendiqués les effets de commerce remis à l’encaissement ou autres titres non payés remis par leur propriétaire pour être spécialement affectés à des paiements déterminés ; les marchandises consignées et les objets mobiliers remis au débiteur, s’ils se retrouvent en nature dans le fonds de commerce du débiteur. En cas d’aliénation de ces marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué contre le sous-acquéreur, le prix ou la partie du prix dû si celui-ci n’a été ni payé en valeur, ni compensé entre le débiteur et le sous-acquéreur au jour de la décision d’ouverture. Sont, ensuite, susceptibles d’être revendiqués, les marchandises et les objets mobiliers faisant l’objet d’une clause de réserve de propriété ainsi que les marchandises et objets mobiliers expédiés au débiteur, tant que la tradition n’a pas été effectuée dans ses magasins ou dans ceux du commissionnaire chargé de les vendre pour son compte. L’assiette de la revendication couvre, enfin, les marchandises et objets mobiliers dont la vente a été résolue antérieurement à la décision d’ouverture, s’ils existent en nature en tout ou en partie. Le législateur prévoit même des cas où le propriétaire est dispensé de la procédure de revendication pour reprendre son bien. Il en est ainsi lorsqu’avant la restitution des marchandises et objets mobiliers, le prix est payé intégralement ou lorsque le vendeur de marchandises et d’objets mobiliers exerce son droit de rétention du moment où ces biens ne sont pas délivrés ou expédiés au débiteur ou à un tiers agissant pour son compte [89].
Le nouveau texte ne se limite pas à réajuster les privilèges existants, il introduit dans l’arsenal juridique communautaire un nouveau privilège, à savoir le privilège de new money.
2 - L’introduction du privilège de new money
Dans l’ancien Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, les créanciers ayant apporté de nouveaux financements à l’entreprise en difficulté entraient dans la catégorie générale de créanciers de la masse et occupaient les 4ème et le 7ème rangs respectivement dans la répartition du prix de vente des immeubles et des meubles [90]. Ils étaient dès lors primés par les créanciers des frais de justice, les créanciers des frais de conservation des meubles, les créanciers des salaires superprivilégiés, les créanciers hypothécaires ou gagistes, les créanciers nantis ou titulaires d’un privilège soumis à publicité, chacun suivant le rang de son inscription au registre du commerce et du crédit mobilier. Ils étaient également primés par les créanciers titulaires d’un privilège mobilier spécial, chacun sur le meuble qui en est l’objet. Cette position très défavorable ne leur réservait que le maigre pécule dans la plupart de liquidations. Il en résultait corrélativement une frilosité des créanciers à participer au sauvetage des entreprises et l’espace OHADA a, par conséquent, été «le théâtre de la disparition de multiples entreprises pour défaut de soutien financier» [91].
Pour remédier à cette situation, le législateur a institué et réglementé le privilège de new money, contribuant ainsi à dissiper l’inquiétude des créanciers de ne pas pouvoir recouvrer leurs droits en cas de liquidation des biens. Ces créanciers sont ceux qui, dans l’accord de conciliation ou dans le concordat préventif et le concordat de redressement judiciaire, ont consenti un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité [92]. Sont également concernées par un tel traitement, les personnes qui fournissent un nouveau bien ou service dans le même but [93]. Le privilège profite à ceux qui ont apporté de l’argent frais ou de nouveaux biens ou services à l’entreprise en difficulté, et ce non seulement lors d’une procédure de conciliation, mais aussi à l’occasion d’un règlement préventif ou même d’un redressement judiciaire.
L’avantage institué, que la doctrine s’accorde à qualifier de privilège de new money, de privilège de l’argent frais [94], ou en France de privilège de conciliation [95], consiste, pour les créanciers ayant consenti un apport en numéraire, à se voir payer avant tout autre créancier [96], y compris le créancier des frais de justice et celui du salaire superprivilégié. Les articles 166 et 167 du nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures collectives classent en effet ces créanciers au premier rang dans la distribution des deniers provenant de la réalisation des biens immeubles et des biens meubles du débiteur. Pour des personnes ayant fourni de nouveaux biens ou services, la solution est prévue par l’alinéa 2 des articles 5-11, 11-1 et 33-1, en ce qui concerne respectivement l’accord de conciliation, le concordat préventif et le concordat de redressement judiciaire.
Le privilège de new money est une sorte de prime récompensant les risques pris à un moment critique de la vie de l’entreprise. C’est à raison qu’en cas de liquidation des biens, ces créanciers se trouvent dans une situation plus confortable.
Pour que ces créanciers bénéficient du traitement préférentiel, le privilège doit être valable. Sa validité est subordonnée à une exigence formelle : l’homologation ou l’exequatur de l’accord de conciliation, du concordat préventif ou du concordat de redressement dans lequel les nouveaux apports sont faits [97]. De même, la créance doit être née d’un nouvel apport en trésorerie, en bien ou service et doit avoir pour but d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité. L’exigence exclut les créances nées antérieurement à l’ouverture de la procédure collective et pour lesquelles ont été consentis de nouveaux délais de paiement. Il exclut également de nouvelles créances accordées au débiteur après la survenance des difficultés mais qui sont motivées par des buts différents du souci d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité. L’on pense aux frais engagés pour la conservation du bien du débiteur dans l’intérêt du créancier dont les titres sont antérieurs en date ou aux frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution elle-même du prix.
Au regard de ce qui précède, le créancier bénéficiant du privilège de new money est théoriquement mieux protégé. La protection qui lui est assurée ne doit, cependant, pas être surestimée ; l’analyse permet de constater qu’elle est limitée malgré la réforme du droit OHADA des procédures collectives.
II - Une protection à améliorer
En dépit de la diversité des mesures prises en vue d’une meilleure préservation de l’intérêt des créanciers, le nouveau droit n’a pas pu effacer l’impression d’être trop favorable au débiteur et trop mortifiant pour les créanciers. Certes, l’on ne peut pas parler d’une «aversion irraisonnée envers les créanciers» [98]. Mais, l’analyse des règles et de la pratique des procédures collectives montre que la protection des intérêts des créanciers nécessite d’être améliorée. A la nécessaire amélioration des mesures de protection de ces intérêts (A) s’ajoute la nécessaire consolidation des droits des créanciers (B).
A - La nécessaire amélioration des mesures de protection des intérêts des créanciers
Les mesures communes de préservation des intérêts des créanciers (1) ainsi que celles spécifiques de protection de ceux des créanciers privilégiés (2) nécessitent d’être raffermies.
1 - La nécessaire amélioration des mesures communes de protection des intérêts des créanciers
Les mesures communes de préservation de l’intérêt des créanciers sont insuffisantes. Le nouveau droit n’est pas assez favorable au créancier.
D’une part, la nouvelle législation ne promeut pas suffisamment la participation des créanciers aux procédures collectives. A l’exception de la conciliation où l’on note une extension du rôle des créanciers d’un bout à l’autre de la procédure, l’accroissement du rôle des créanciers à l’ouverture des procédures collectives contraste avec son affaiblissement dans la suite. Certes, les créanciers contribuent à la recherche des solutions au sauvetage de l’entreprise en participant activement à la conclusion du concordat préventif ou de redressement. La portée de cette participation doit, toutefois, être relativisée. Si les propositions faites par le débiteur ne sont pas intéressantes aux yeux des créanciers, ces derniers peuvent refuser tout délai ou remise sans que cela n’ait d’incidence sur la formation du concordat. En effet, au cas où des créanciers auraient refusé de consentir des délais ou remises au débiteur, le président de la juridiction compétente les entend sur les motifs de leur refus et provoque une négociation entre les parties en vue de leur permettre de parvenir à un accord. Si malgré l’intervention du président, les parties ne parviennent pas à trouver un accord, et dans l’hypothèse où le concordat comporte une demande de délai de paiement n’excédant pas deux ans, «la juridiction compétente peut rendre ce délai opposable aux créanciers qui ont refusé tout délai et toute remise sauf si ce délai met en péril l’entreprise de ces créanciers» [99].
Au fond, l’intérêt des créanciers est restrictivement protégé, car la portée de leur intervention est considérablement réduite. Ainsi, peut-on comprendre que même si les créanciers sont consultés, ils n’ont aucun pouvoir pour faire entendre leurs voix, même en cas d’insatisfaction. Il y a là une grande différence avec le droit français où on note une plus grande implication des créanciers dans les procédures de sauvegarde et de redressement au cours desquelles ils peuvent faire des offres de redressement très intéressantes. En effet, les créanciers membres d’un comité peuvent proposer un projet de plan qui sera soumis au tribunal concurremment avec celui du débiteur [100]. L’on peut espérer que la prochaine réforme du droit des procédures collectives dans l’espace OHADA s’en inspire. En attendant, le créancier dans cet espace doit se contenter encore pour longtemps d’être un simple approbateur des choix du débiteur sans véritable pouvoir.
Cette situation se vérifie également en matière de contrôle des procédures par les créanciers. Les textes prévoient que le créancier-contrôleur assiste le syndic dans ses fonctions et peut lui demander des comptes de l’état de la procédure. Une telle assistance permet de rendre effectives les lourdes missions confiées au syndic [101]. Dans le cas où le syndic refuse de rendre compte, le créancier peut-il obtenir son remplacement en saisissant le juge-commissaire ? Si ce dernier accède à la demande du créancier-contrôleur, le syndic cesse ses fonctions et rend compte sans délai à son successeur en lui remettant tous les documents qu’il détiendrait. Pour une raison quelconque, le juge-commissaire peut aussi s’opposer au remplacement. Dans ce cas, le créancier-contrôleur ne peut rien faire. Pire, le juge peut profiter de l’occasion pour se séparer de ses services sans avoir à se justifier.
En outre, si la nouvelle législation autorise, dans une certaine mesure, la participation des créanciers à certaines décisions importantes [102], l’analyse montre que l’action des créanciers est très limitée. Il n’est pas expressément prévu qu’en tant que groupe, ils doivent approuver la sélection ou la nomination de l’expert ou la vente d’actifs substantiels du débiteur. Il n’est pas non plus expressément dit qu’un créancier individuel a le droit de demander des informations financières sur le débiteur. Très souvent éparpillés en raison de leur grand nombre et ne se connaissant généralement pas, les créanciers n’ont pas des moyens appropriés qui leur permettent d’avoir connaissance de l’exactitude des difficultés du débiteur. Ils ne devraient pas, par conséquent, être fortement impliqués dans les procédures collectives. Mais, leur implication peut changer la donne en incitant, plus que par le passé, les chefs d’entreprises à solliciter à temps l’ouverture des procédures collectives.
Bien plus, contrairement à l’ancienne législation qui prévoyait qu’en cas de banqueroute ou d’infraction assimilées, la juridiction répressive pouvait, entre autres, être saisie «par voie de citation directe du syndic ou de tout créancier agissant en son nom propre ou au nom de la masse» [103], la nouvelle législation rétrécit le pouvoir de saisine des tribunaux par les créanciers. En effet, ce n’est que par un renvoi critiquable à l’article 72 que le nouvel article 234 alinéa 2 de l’Acte uniforme révisé ouvre la possibilité à deux contrôleurs de saisir la juridiction répressive. Certes, ces contrôleurs peuvent être des contrôleurs-créanciers, mais il aurait été nécessaire, pour mieux impliquer les créanciers dans ces procédures, de leur reconnaître comme par le passé le droit de saisine individuelle ou collective du tribunal.
Le nouveau texte semble restreindre la portée de l’infraction de banqueroute simple punissant les dirigeants des entreprises agissant en cette qualité et de mauvaise foi. En effet, l’article 231 ne contient plus l’alinéa 7 qui, dans l’ancien texte, retenait la banqueroute simple contre les dirigeants qui ont agi en cette qualité et de mauvaise foi en «vue de soustraire tout ou partie de leur patrimoine aux poursuites de la personne morale en état de cessation des paiements ou à celles des associés ou des créanciers de la personne morale, détourné ou dissimulé, tenté de détourner ou de dissimuler une partie de leurs biens ou qui se sont frauduleusement reconnus débiteurs de sommes qu’ils ne devaient pas».
D’autre part, les mesures d’accélération et de réduction des coûts des procédures collectives sont limitées.
L’accélération des procédures collectives n’est pas suffisamment assurée pour plusieurs raisons.
Premièrement, le délai maximal nouvellement accordé à l’expert pour établir le rapport contenant l’accord conclu entre le débiteur et ses créanciers ainsi que le projet de concordat préventif est au total curieusement revu à la hausse de quatre mois, un mois de dérogation exceptionnelle y compris [104]. La conséquence est l’allongement de la durée de la suspension des poursuites individuelles, qui passe de deux à trois mois, avec une possibilité de prorogation exceptionnelle d’un mois [105]. La mesure est curieuse parce que le règlement préventif tout comme la conciliation est, plus que les autres procédures, un «outil à anticiper» [106] et la célérité qu’elle requiert milite en faveur d’un bref délai pour un travail de qualité. Effectuant son travail sur la base de l’offre de concordat déposée avant sa nomination, l’expert n’a pas besoin d’un délai aussi long puisqu’il n’élabore pas son rapport totalement ex nihilo.
Deuxièmement, à l’opposé des procédures classiques (règlement préventif, redressement judiciaire et liquidation des biens) qui ont toutes connu un plafonnement de leur durée, le législateur a omis de prévoir la durée de l’une des procédures nouvellement instituées, à savoir le redressement judiciaire simplifié [107]. L’analyse permet d’observer que le législateur n’a pas fixé le délai de déroulement du contentieux de l’exécution ou de l’annulation de l’accord de conciliation pourtant confié à la juridiction ou à l’autorité ayant connu la conciliation par les soins de l’article 5-13 du nouvel Acte uniforme.
Troisièmement, les règles en vigueur ne sont pas de nature à encourager le débiteur à demander l’ouverture de la procédure de règlement préventif le plus tôt possible. L’Acte uniforme envisage dans le règlement préventif la cession totale de l’entreprise puisque l’article 7 énonce expressément parmi les mesures destinées au redressement de l’entreprise, «la cession ou la location-gérance de la totalité de l’entreprise». En dépit du fait que la mesure est simplement envisageable et non imposée à l’entreprise, elle paraît critiquable, dans la mesure où la procédure du concordat repose sur une démarche volontaire du débiteur, et ne devrait donc pas aboutir à «l'expropriation» du chef d'entreprise [108]. De surcroît, l’Acte uniforme prévoit expressément la possibilité d’un remplacement des dirigeants au titre des mesures à envisager pour le sauvetage de l’entreprise. Il est à craindre que cette mesure ne constitue un réel obstacle à l'effectivité même du mécanisme du concordat préventif. On imagine mal, en effet, un chef d'entreprise faire appel à la justice dès la survenance des premières difficultés pour solliciter une procédure dont il sait d’avance que l’issue peut être son remplacement [109]. Avec de pareilles mesures, la procédure de règlement préventif risque, comme par le passé, de continuer à s’ouvrir toujours de manière tardive. Cela est regrettable dans la mesure où les procédures collectives ne peuvent être couronnées de succès que si elles sont ouvertes le plus tôt possible, c’est-à-dire dès l’apparition des premières difficultés. Il serait nécessaire d’encourager les chefs d’entreprise à y avoir recours très tôt en supprimant de pareilles mesures.
Au regard de ce qui précède, l’on comprend pourquoi la situation d’aujourd’hui n’est pas très loin de celle qui prévalait avant la réforme des procédures collectives [110]. En dépit des efforts consentis, la nouvelle législation ne produit pas tous les fruits escomptés, car le rapport Doing business de la banque mondiale établi en 2017 indique qu’il faut encore «en moyenne 3,72 ans pour le règlement de l’insolvabilité dans l’espace OHADA, soit 2 ans de plus que la moyenne de l’OCDE 1 an de plus que dans le reste de l’Afrique subsaharienne» [111].
S’agissant de la réduction des coûts, la réforme aurait été suffisamment protectrice des intérêts des créanciers si le législateur n’avait pas laconiquement réglementé les honoraires des experts. L’insuffisante réglementation des honoraires de l’expert au règlement préventif et du syndic de redressement judiciaire ou de liquidation des biens se matérialise par l’attribution des pouvoirs «exorbitants» aux juges et aux autorités nationales en la matière.
Le fait de réglementer la rémunération des mandataires judiciaires en cherchant à la cantonner dans son montant est déjà certainement assez protecteur des intérêts des parties concernées, spécifiquement les créanciers. Mais, la grande liberté du juge en la matière constituerait un obstacle à l’atteinte effective des objectifs visés. Les articles 4-17 et suivants de l’Acte uniforme révisé prévoient l’exclusivité de compétence du juge dans la détermination du montant des honoraires des mandataires judiciaires. La seule limite à cette compétence est que la juridiction compétente doit tenir compte des barèmes définitivement fixés par les Etats membres de l’Organisation. Le risque est donc grand de reproduire les erreurs du passé qu’on aurait pu éviter en encadrant davantage l’activité du juge. Concrètement, on peut toujours arriver à une fixation très élevée de la rémunération des mandataires judiciaires. Rien n’empêche ces derniers d’œuvrer à ce que leur soit taillée «la part du lion» au détriment des créanciers, toutes catégories confondues. Par le passé, la juridiction compétente jouait un rôle déterminant dans la fixation des honoraires des mandataires judiciaires. Cela n’avait pas empêché l’existence de rémunérations abusives, souvent arbitraires et disproportionnées [112]. Pourtant les mandataires judiciaires devraient agir sous l’autorité du juge-commissaire dont on attendait qu’il se comportât en véritable «chef d’orchestre» de la procédure en exerçant un contrôle approfondi sur les missions qui lui étaient confiées [113]. Paradoxalement, le juge commissaire s’était, la plupart du temps, comporté comme une chambre d’enregistrement des volontés de l’expert et du syndic qu’il ne pouvait sanctionner. Il n’était généralement qu’un «parapheur» des décisions prises par le syndic à qui il abandonnait généralement le dossier de procédure au lendemain de sa désignation. Cette triste réalité n’a pas empêché les auteurs de la réforme à reconduire presque le même système. En confiant la détermination de la rémunération à la juridiction compétente, le législateur communautaire consolide sa compétence de principe en la matière. Certes, gardien de la régularité des procédures collectives, le juge compétent peut proposer une rémunération juste et équitable compte tenu des critères dorénavant fixés. Toutefois, le système risque d’être contre-productif «au regard des liens informels qui unissent bien souvent le mandataire judiciaire et la juridiction qui l’a désigné et devant laquelle il exerce habituellement ses fonctions» [114]. Par conséquent, en dépit du fait que la liste de critères communautairement proposés peut être complétée par les législateurs nationaux, il est regrettable que le législateur n’ait pas introduit parmi les critères communautaires, la consultation des dirigeants sociaux, du conseil d’administration, de l’Assemblée générale des associés ou des autres organes dirigeants de la société. Plus que toute autre personne, ces derniers détiennent des informations importantes pouvant éclairer le tribunal dans la détermination du montant de la rémunération des experts. La prise en compte de la grille salariale des dirigeants se justifierait par le fait qu’il serait attentatoire aux intérêts des créanciers, qu’à un moment aussi critique de la vie de la société, les experts reçoivent une rémunération supérieure à celle des dirigeants à l’ouverture des procédures. L’exigence s’explique d’autant plus que l’expert dessaisit le dirigeant et devient en quelque sorte le représentant de la société.
A travers des règles minimales, et par conséquent, très insuffisantes pour préserver l’intérêt des créanciers, la nouvelle législation réglemente les critères de détermination des honoraires de l’expert au règlement préventif et du syndic de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. La rémunération de l’expert au règlement préventif est déterminée selon un barème fixé par le juge compétent de chaque Etat partie à l’OHADA qui doit tenir compte de trois critères communautaires proposés, le temps passé, les difficultés rencontrées et le nombre de créanciers concernés par le règlement préventif [115]. La rémunération du syndic, soit en qualité de contrôleur de l’exécution du concordat préventif, soit en tant que syndic du redressement judiciaire ou de liquidation des biens, est également déterminée par la juridiction compétente selon le barème fixé par la réglementation de chaque Etat membre de l’OHADA qui doit tenir compte notamment du chiffre d’affaires réalisé par le débiteur au cours de l’exercice précédant l’ouverture de la procédure, du nombre de travailleurs employés par le débiteur au cours de cette même période, du ratio de recouvrement des créances, de la célérité des diligences accomplies [116]. Ces exigences minimales, spécifiquement le chiffre d’affaire et le nombre de travailleurs, permettent de juger de la taille voire de la bonne santé de l’entreprise afin de ne pas proposer une rémunération susceptible de mettre davantage en péril la continuité de l’exploitation et le sort des créanciers. Le caractère inachevé de l’œuvre du législateur est marqué par l’appel au secours des Etats parties qui, dans l’un et l’autre cas, doivent utilement compléter la législation communautaire en ajoutant d’autres critères de rémunération selon leur convenance.
En renvoyant aux Etats membres de l’OHADA le soin d’arrêter la liste définitive de critères de détermination des honoraires des experts, le législateur compromet l’intérêt des créanciers [117]. L’on peut encore assister aux rémunérations abusives des experts des procédures collectives. Il aurait été nécessaire d’uniformiser le régime des honoraires des experts en fixant une fourchette communautaire et en dressant la liste complète de critères de rémunération. Cela semble aisé dans la mesure où à l’exception de la République démocratique du Congo, des Comores et de la Guinée Conakry, les autres Etats parties de l’OHADA utilisent le franc de la coopération financière en Afrique et il n’existe pas une disparité importante entre les niveaux économiques de l’ensemble de ces pays. En l’absence de cette unification, l’on risque d’assister sur le plan pratique à «un déphasage entre le droit applicable et le droit appliqué» [118]. Ce déphasage est davantage à craindre dans la mesure où les mesures spécifiques de protection des intérêts des créanciers privilégiés demeurent nécessitées d’être raffermies.
2 - La nécessaire amélioration des mesures spécifiques de protection des intérêts des créanciers privilégiés
Les mesures spécifiques en faveur des créanciers privilégiés ne protègent pas suffisamment leurs intérêts. L’on pense notamment aux mesures protégeant le créancier revendiquant, le créancier de salaire ou celui bénéficiant du privilège de new money.
Pour ce qui est des mécanismes protégeant le créancier revendiquant, force est de réaliser que si le législateur reconnait au créancier le droit de revendiquer son bien lorsque le débiteur est en difficulté, il subordonne cependant l’exercice de l’action à l’existence du bien en nature dans le patrimoine du débiteur à l’ouverture de la procédure. Cette condition risquerait de paralyser, par exemple, l’action des fournisseurs du matériel professionnel. En effet, l’utilisation de certains équipements nécessite une solide implantation au sol ou une incorporation à d’autres appareils. Ces biens sont ainsi attachés à perpétuelle demeure formant avec le reste du matériel un bloc indivisible. Les travaux d’installation entraînent le changement de la nature juridique du bien : le matériel qui était un meuble lors de la vente devient un immeuble par destination, conformément aux articles 524 et 525 du Code civil de 1804 applicable dans la plupart des Etats membres de l’OHADA dont le Cameroun. «Dès lors l’action en revendication devient irrecevable, car le nouveau statut du bien l’exclut du champ d’application de l’article 103 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif» [119]. La possibilité de changement da nature du bien fait de la réserve de propriété, qualifiée de «sureté vedette du XXème siècle finissant» [120], un «billet de loterie gratuit» [121], car le créancier n’est gagnant que s’il retrouve le bien ayant gardé le même statut.
S’agissant des mesures protégeant les créanciers de salaire, la comparaison avec certains droits étrangers en rapport avec le rang préférentiel des créanciers bénéficiant de l’argent frais permettent de réaliser que l’intérêt des créanciers-salariés est peu protégé. En droit français, les bénéficiaires du privilège de conciliation (comparables au privilège de l’argent frais) sont payés en troisième position après les créanciers de salaires et ceux des frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure [122]. La jurisprudence refuse même d’accorder aux créanciers bénéficiaires du privilège de l’argent frais un paiement provisionnel [123]. En droit espagnol, les apports de l’accord de refinancement sont qualifiés pour moitié de créances contre la masse, c’est-à-dire payées à l’échéance, et les 50 % restants sont des créances assorties d’un privilège général [124]. Le rang préférentiel accordé aux bénéficiaires du privilège de new money en droit OHADA par rapport aux créanciers de salaire, est plus favorable que celui des droits français et espagnol. C’est pour cette raison que certains auteurs estiment que le privilège de fresh money est, en droit OHADA, «une nouvelle arme impérialiste que les pourvoyeurs de fonds, en majorité étrangers, se sont donné à l’occasion de la révision à laquelle leurs experts ont amplement participé» [125]. Ces bailleurs de fonds étrangers ne voudraient réellement prendre aucun risque non mesuré en terre africaine. C’est la raison pour laquelle, ils passent avant les créanciers de salaires. Dans les faits, en cas de clôture des opérations de liquidation des biens pour insuffisance d’actifs, les salariés de l’entreprise risquent d’aller en chômage sans un minimum de frais pour assurer leur survie. La politique sociale est ainsi reléguée au second plan. Bien plus, lorsque dans les 10 jours de l’ouverture de la procédure des fonds manquent pour payer les créanciers bénéficiant du superprivilège de salaire, l’on recourt le plus souvent à un organisme prêteur, généralement le trésor public pour avancer les fonds nécessaires. Or, dans bien de cas le recours au Trésor public n’est pas couronné de succès et généralement l’on assiste à un mouvement social des travailleurs à travers des sit-in pour réclamer le paiement de leur droit.
En outre, la situation des salariés est confuse dans la mesure où l’analyse combinée des dispositions du nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés avec celle de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif montre une certaine contradiction. Les articles 225 et 226 du premier texte relatifs à l’ordre de paiement en matière immobilière et mobilière placent le superprivilège respectivement aux deuxième et troisième rang. Ils classent les privilèges non soumis à publicité dont relève le simple privilège des salariés respectivement aux cinquième et sixième rang. Quant à l’ordre propre aux procédures collectives des articles 166 (immeubles) et 167 (meubles) du second texte, le superprivilège figure respectivement au troisième et au quatrième rang et le simple privilège au sixième et au septième rang. Sachant que les créances sont réglées en totalité et en ordre, il est très probable que les créanciers de salaires ne soient pas payés.
En ce qui concerne les créanciers bénéficiant du privilège de new money, l’analyse permet de réaliser que l’efficacité pratique du privilège est limitée. Quatre principales raisons justifient cette limitation.
Premièrement, pour que le privilège soit valable, l’accord ou le concordat doit être homologué ou exéquaturé, alors que l’article 247 alinéa 3 du nouvel Acte uniforme précise que les mesures d’exécution forcée requièrent l’exéquatur. On est là en présence d’un double exequatur lorsqu’il s’agit d’un accord ou d’un concordat convenu dans une procédure étrangère [126]. Cette double exigence n’est pratiquement pas de nature à effectivement assurer la sécurité des créanciers étrangers à l’espace OHADA ; elle n’augmente pas non plus l’attractivité du droit communautaire. La juridiction ou l’autorité compétente doit, en outre, s’assurer que les apports ont été faits dans le cadre de l’accord de conciliation ou du concordat préventif et de redressement. Une telle exigence exclut les apports faits avant, notamment lors des négociations de l’accord homologué ou exéquaturé. Or, pour préserver les droits des créanciers, les apports faits lors des négociations devraient être pris en compte, à la seule condition qu’ils soient déposés au rang des minutes d’un notaire. L’exclusion des apports faits lors des négociations peut pratiquement être porteuse de graves dangers pour les bénéficiaires du privilège. On peut avoir affaire à une société in bonis lors de l’avant-accord de conciliation ou de l’avant-concordat préventif ou de redressement judiciaire, puis à la même société en cessation des paiements devant ouvrir droit à une liquidation des biens lors de l’homologation ou de l’exequatur de ces contrats. Le législateur français l’a compris, parce qu’il fait bénéficier le privilège de la conciliation aux apports consentis dans le cadre de la négociation [127]. Le législateur OHADA gagnerait à s’approprier la solution française sur ce point, surtout qu’il semble avoir amorcé une évolution dans ce sens [128].
Deuxièmement, le privilège de l’argent frais ne s’applique qu’en cas de liquidation des biens du débiteur ; il ne joue pas en cas de sauvetage de l’entreprise. Le cantonnement de ses effets à l’ouverture ultérieure d’une liquidation des biens est de nature à compromettre les droits des créanciers bénéficiaires lorsque les apports supplémentaires octroyés à l’entreprise ont facilité son redressement [129]. L’on peut s’interroger sur la logique de l’exclusion de son application au redressement judiciaire, d’autant plus que lorsqu’un débiteur ayant antérieurement bénéficié d’un accord de conciliation ou d’un règlement préventif demande l’ouverture d’un redressement judiciaire, il doit fournir une «attestation indiquant le montant des créances restant dues aux créanciers bénéficiant du privilège» de new money consenti dans le cadre de ces procédures de conciliation et de règlement préventif [130]. Ici, la situation des créanciers du new money est embarrassante du fait de l’éviction pure et simple du privilège. Pourtant, le retournement de la situation renseigne que dans un futur proche, ou dans les jours qui suivent, l’entreprise pourrait bien évidemment, sans risque de rechute, honorer ses engagements financiers à court, moyen ou long terme. Il aurait été souhaitable en pareille hypothèse, de prévoir en faveur des créanciers du new money, une priorité de paiement qui obligerait l’entreprise redressée, à les payer en priorité ou à tout le moins, lorsque l’état de sa trésorerie le permet. En l’état actuel du droit positif OHADA, aucune obligation de rembourser en priorité en cas de sauvetage de l’entreprise ne pèse sur le débiteur bien que cela soit le moyen idéal de récompenser les risques encourus par les créanciers, voire de les inciter à consentir davantage des crédits au débiteur en étant rassurés de leur recouvrement quelle que soit l’issue des procédures [131]. En fait, lorsqu’une entreprise en difficulté sollicite de nouveaux apports à ses créanciers, ces derniers subordonneront leur concours à un effort parallèle de l’entreprise sous forme d’apports en fonds propres et de fourniture de garanties supplémentaires s’ils sont par exemple des établissements bancaires [132]. Or par hypothèse, l’entreprise traverse des difficultés financières et n’a plus de garanties à offrir. Les créanciers ne peuvent octroyer de fonds supplémentaires que s’ils croient en l’engagement de l’entreprise de les rembourser en priorité. Seulement, la force obligatoire des contrats signés à cette occasion, si elle n’est pas simplement inefficace, est à tout le moins insuffisante pour rassurer, parce que toute nouvelle procédure collective la remet en cause à travers la suspension des poursuites individuelles [133].
Troisièmement, si théoriquement les créanciers bénéficiaires du privilège de new money sont censés occuper le premier rang dans la redistribution du prix de réalisation des biens meubles et immeubles, cette priorité n’est pas pratiquement inébranlable [134].
D’une part, les créanciers bénéficiaires du privilège de new money doivent, en cas d’ouverture ultérieure d’une nouvelle procédure collective, produire leurs créances sous peine de forclusion. Or, au regard de la double obligation faite au débiteur de joindre à la déclaration de cessation des paiements une attestation indiquant le montant des créances restant dues, les noms et domiciles des créanciers [135] et de remettre au syndic dès l’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens la liste de ses créanciers, leurs noms et adresses [136], l’on peut se poser la question de la nécessité d’une telle production. En cas d’ouverture ultérieure d’une nouvelle procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, les créances bénéficiant, dans les procédures antérieures, du privilège de new money, doivent pratiquement être portées à la connaissance de la juridiction compétente au moment de la déclaration des créances et du syndic, dans la liste des créances établies par le débiteur. L’obligation de production des créances, présente certainement l’avantage d’éviter des conflits postérieurs relatifs au montant de la créance, mais elle est de trop pour les personnes qui ont pris un risque en faveur de l’entreprise. En effet, elle les contraint à accomplir de lourdes formalités pour être payées. Afin de préserver davantage l’intérêt des créanciers bénéficiaires d’un tel privilège, le législateur aurait été inspiré de les dispenser de l’obligation de production des créances, en considérant l’obligation de déclaration des créances qui pèse sur le débiteur comme suffisante mais pas exclusive.
D’autre part, les créanciers du new money ne peuvent réellement avoir la certitude d’être payés par préférence aux autres dans tous les cas. Le nouvel Acte uniforme ne consacrant pas au profit des bénéficiaires du privilège de l’argent frais un droit préférentiel au paiement à l’échéance, d’autres créanciers dont les créances sont nées à l’ouverture de la liquidation des biens peuvent être payés à l’échéance, et l’emporter de facto sur les bénéficiaires de ce privilège. Dans plusieurs hypothèses, le privilège peut être évincé. La lecture combinée des articles 166 et 167 du nouvel Acte uniforme laisse penser que le privilège n’existe véritablement qu’en matière immobilière et est plutôt éventuel en matière mobilière où il peut être primé par le droit de rétention ou un droit exclusif au paiement [137].
En dépit du silence des textes, le rang préférentiel du privilège de l’argent frais ne peut plus pratiquement être respecté face aux créanciers bénéficiant d’un paiement par compensation qui ne subissent aucunement la discipline collective [138]. Ce rang ne saurait également être respecté en présence du créancier gagiste, nanti ou titulaire d’un droit de rétention conventionnelle, du trésor public, de l’administration des douanes, des organismes de sécurité et de prévoyance sociale. Tous ces créanciers peuvent exercer ou reprendre leur droit de poursuite individuelle, à charge d’en rendre compte au syndic si dans le délai de trois mois suivant la décision prononçant la liquidation des biens ce dernier n’a pas retiré au profit de la masse ou entrepris la procédure de réalisation du gage ou du nantissement [139]. Même en cas de réalisation du nantissement ou du gage, le privilège de new money ne peut pratiquement jouer que si ces créanciers spéciaux sont satisfaits et dans le cas où il existerait encore une soulte. Ce privilège, une fois de plus, ne saurait jouer face à des fonds provenant de la revente des biens vendus sous clause de réserve de propriété, parce que ces fonds permettent de désintéresser le vendeur [140]. Il est, enfin, tenu en échec face aux créanciers dont les créances sont nées à l’ouverture de la liquidation des biens. Ces derniers sont payés à l’échéance et l’emportent de facto sur les bénéficiaires du privilège de new money, parce que le législateur ne consacre pas au profit des bénéficiaires de ce privilège un droit au paiement à l’échéance [141]. Egalement, la saisie-attribution portant sur des créances de sommes d’argent autres que les rémunérations du travail opère une attribution immédiate des fonds au profit du premier saisissant [142]. L’effet attributif immédiat de cette saisie bouleverse les règles de la distribution des derniers du débiteur saisi entre ses éventuels créanciers saisissants, tout en supprimant l’efficacité des privilèges et des causes légitimes de préférence dont peuvent se prévaloir certains créanciers
Au regard de ce qui précède, le créancier bénéficiaire du privilège de l’argent frais est «un vrai géant au pied d’argile». Un tel privilège semble finalement n’être qu’un marché de dupe organisé par le législateur pour extorquer les fonds aux créanciers en vue du sauvetage de l’entreprise puisque de toute façon, ils ne reçoivent pratiquement rien en priorité. Cette situation présage déjà de la nécessaire consolidation des droits des créanciers.
B - La nécessaire consolidation des droits des créanciers
L’ouverture d’une procédure collective modifie toujours substantiellement les droits de tous les créanciers, chirographaires ou privilégiés. Du fait de la réglementation inappropriée de leurs effets, les procédures collectives dans l’espace OHADA exercent sur les créanciers un poids trop lourd allant jusqu’à menacer leurs droits. Par conséquent, il est nécessaire que les droits processuels (1) et les droits pécuniaires des créanciers (2) soient davantage consolidés.
1 - La nécessaire consolidation des droits processuels des créanciers
Afin de secourir le débiteur dont la défaillance économique n’est plus un déshonneur, et conscient de ce qu’«une procédure collective ne peut s’accommoder de l’exercice désordonné et anarchique des poursuites individuelles» [143], le législateur africain, comme dans d’autres systèmes juridiques, gèle les diligences processuelles des créanciers. C’est ainsi qu’il consacre l’arrêt des inscriptions de toute sûreté mobilière ou immobilière dès la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens [144]. Le principe de l'interdiction des inscriptions est très général et concerne toutes les sûretés : hypothèques, privilèges, nantissements [145]. Le gel des diligences processuelles des créanciers passe aussi par l’interdiction et l’interruption des actions tendant au paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture des procédures. C’est la règle de l’interruption, de la suspension ou de l’interdiction des poursuites individuelles étendue à tous les créanciers.
Dans l’Acte uniforme originel, notamment en son article 9, tous les créanciers n’étaient pas soumis à la règle de la suspension des poursuites individuelles puisque seules les créances désignées par le débiteur, dans la demande de règlement préventif, étaient concernées. Les créanciers non visés dans la requête y échappaient. Cette situation était source de fraudes préjudiciables à certains créanciers, en l’absence de précision sur les critères de choix du débiteur. Le nouvel Acte uniforme s’efforce de limiter ces manœuvres frauduleuses en disposant en son article 9 (1) que l’ouverture du règlement préventif emporte suspension des poursuites individuelles pour toutes les créances antérieures, comme il est de règle depuis longtemps en matière de redressement judiciaire et de liquidation des biens. Comme par le passé, la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers composant la masse. Aucune distinction n’est établie entre les créanciers chirographaires et ceux munis de sûretés. Tous sont frappés par la mesure d’arrêt ou d’interdiction de toutes les voies d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ; la suspension des poursuites s’appliquant à toutes les créances chirographaires et à celles garanties par un privilège général, un privilège mobilier spécial, un gage, un nantissement ou une hypothèque. Elle concerne aussi bien les voies d’exécution que les mesures conservatoires, y compris toutes mesures d’exécution extrajudiciaire [146]. En pratique, la décision de suspension des poursuites individuelles suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision [147]. Il en est ainsi de la procédure d’injonction de payer [148]. Même si une telle suspension tend à permettre aux différentes procédures d’être véritablement collectives, elle vise la protection des intérêts des créanciers en donnant vie à la règle de l’égalité des créanciers [149], en ce sens qu’aucun d’entre eux ne peut s’avantager individuellement en engageant des poursuites même si sa créance est à terme.
Cependant le législateur communautaire n’est pas allé au bout de sa logique. En effet, à l’opposé des autres procédures collectives, l’ouverture de la procédure de conciliation n’entraîne pas, en principe, la suspension des poursuites individuelles. Exceptionnellement, l’article 5-7 du nouvel Acte uniforme prévoit que «si le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par un créancier appelé à la conciliation pendant la période de recherche de l’accord, […] le président du tribunal peut, à la demande du débiteur, et après avis du conciliateur, reporter le paiement des sommes dues et ordonner la suspension des poursuites engagées par un créancier». Le tribunal ne pouvant pas prononcer d’office la suspension des poursuites individuelles contre tout créancier et ne pouvant le faire que contre les créanciers appelés à la conciliation, les marges d’une collusion frauduleuse entre le débiteur et certains créanciers sont élevées en raison de la possibilité dont dispose le débiteur de n’engager les discussions qu’avec les créanciers de son choix. Cette situation est de nature à porter préjudice aux créanciers appelés à la conciliation. Pour davantage assurer la préservation des intérêts de ces derniers, tous les créanciers devraient être soumis à la règle de la suspension des poursuites, c'est-à-dire les créanciers ayant pris part à l’accord, ceux appelés à la conciliation y compris ceux qui n’ont pas été appelés, qui pourraient avec la complicité du débiteur, essayer de prendre de l’avance sur les autres créanciers en exerçant immédiatement une action en paiement des sommes dues.
Bien plus, la combinaison de la suspension des poursuites individuelles et de l’arrêt des inscriptions des sûretés avec l’obligation de production des créances qui pèse sur les créanciers de la masse, rend très excessif le gel des diligences processuelles des créanciers. A l’exclusion de ceux d’aliments, les créanciers constituant la masse doivent, sous peine de forclusion, produire leurs créances auprès du syndic à partir de la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens [150]. Si cette obligation se justifie par la nécessité de respecter la discipline collective, l’extinction des créances non valablement produites qui résulte de l’application de la règle de la forclusion, «parait excessive et inique pour les créanciers» [151]. Certes, le législateur prévoit des cas très exceptionnels où les créanciers défaillants peuvent être relevés de la forclusion, mais au regard de l’obligation faite au débiteur de remettre au syndic la liste de ses créanciers indiquant le montant de leurs créances, leurs noms et adresses, l’on peut se poser la question de la nécessité d’une telle obligation de production des créances à la lumière du souci de préservation de l’intérêt des créanciers [152]. A titre de droit comparé, lorsque le débiteur a, en France par exemple, porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas fait de déclaration de créance [153]. Le législateur français pose ainsi une présomption de déclaration de créances pour éviter que les créanciers ne tombent sous le coup de la forclusion. L’absence d’une telle présomption en droit OHADA, fait du système de la déclaration des créances un véritable «traquenard» [154]. Elle fait également peser trop lourd le poids des procédures collectives sur les créanciers dont les droits pécuniaires nécessitent d’être raffermis.
2 - La nécessaire consolidation des droits pécuniaires des créanciers
Dans l’espace OHADA, la plupart de procédures collectives-le règlement préventif et le redressement judiciaire-sont généralement transformées en liquidation des biens ; et cette dernière s’achemine fréquemment par une clôture pour insuffisance d’actif entraînant une menace des droits pécuniaires des créanciers. Si cette situation existait déjà avant la réforme des procédures collectives survenue en 2015, elle est plus préoccupante aujourd’hui. En effet, dans l’ancienne législation, la décision de clôture de la procédure de liquidation des biens pour insuffisance d’actif faisait recouvrer à chaque créancier l’exercice individuel de ses actions [155]. La solution se justifiait par le «souci de défendre au mieux les droits des créanciers» [156], car même si les poursuites paraissaient vaines contre un débiteur qui n’avait plus rien, les créanciers avaient au moins l’espoir de pouvoir agir si leur débiteur redevenait prospère. Dans la nouvelle législation, par contre, une telle clôture ne fait pas, en principe, recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur [157]. Sauf cas exceptionnels prévus par la loi, le débiteur est donc libéré du poids de ses dettes à la suite de la clôture pour insuffisance d’actif ; cette libération étant valable même en cas de retour à meilleure fortune [158]. C’est «la purge des dettes» [159] qui, sous l’angle du droit des biens, est qualifiée par un auteur d’«expropriation sans nécessité publique» [160]. Si autrefois le droit imposait de payer ses dettes, tel ne serait plus le cas aujourd’hui. Une telle option législative est, comme dans d’autres législations qui l’ont consacrée, de nature à sacrifier les intérêts pécuniaires des créanciers [161].
Tout d’abord, les raisons pouvant expliquer le principe de la libération du débiteur, à savoir la recherche de l’équité dans la fixation du sort du débiteur et le souci de favoriser la création des entreprises, sont discutables dans la mesure où elles ne sont pas pleinement satisfaisantes.
Le droit des entreprises en difficulté est traversé par des idées d’indulgence à l’égard du débiteur et d’égalité de traitement des débiteurs qui pourraient être en difficulté. On peut bien comprendre qu’il soit besoin d’avoir de la mansuétude à l’égard du débiteur. Mais cela ne devrait pas amener le législateur à consacrer le principe de sa libération en cas de clôture de la liquidation des biens pour insuffisance d’actif. Il fait parfois des sacrifices pour satisfaire le créancier simplement parce qu’il sait que la loi attache du prix à ce que chacun respecte ses engagements. Si «les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits» [162], l’indulgence à l’égard du débiteur doit demeurer une mesure exceptionnelle dictée par les circonstances de la cause. Or, le législateur fait de la libération des débiteurs le principe, ce qui est étonnant du point de vue de la théorie générale des obligations. Le principe reste, ici, l’obligation aux dettes ; la libération du débiteur en l’absence de tout paiement étant exceptionnelle et relevant d’une appréciation combinée de sa situation réelle et personnelle.
S’agissant de l’égalité, il importe de relever qu’en cas de clôture de la liquidation des biens pour insuffisance d’actif, la personne morale disparaissant ne peut plus être poursuivie en paiement de ses dettes [163]. Seules les personnes physiques devraient, par conséquent, être tenues sous certaines conditions et pourraient être poursuivies en paiement. Le législateur de 2015 cherche à préserver l’égalité en alignant le sort des débiteurs personnes physiques sur celui des débiteurs personnes morales dans la mesure où en cas d’insuffisance d’actif, il pose le principe de la libération de tout débiteur. Or, cette option ne résiste pas aux critiques. A vouloir à tout prix assimiler ces situations juridiquement distinctes, on arrive à méconnaître l’idée que le commerçant personne physique peut créer une société qui est juridiquement une personne distincte mais dont il a la maitrise absolue. La thèse égalitariste est donc un rempart pour contourner l’obligation aux dettes qui devrait peser sur le débiteur. Il est à craindre que sous prétexte de lutter contre une injustice, on arrive à créer une autre.
Bien plus, une telle assimilation est une méconnaissance de la nature de la responsabilité des associés des sociétés de personnes. Même si la personnalité morale d’une société ne survit pas à la clôture de la liquidation, la société devant disparaitre et tous les recours contre ce dernier ne pouvant plus être engagés, cette disparition ne libère pas les associés des sociétés de personnes tenus indéfiniment et solidairement du passif social [164]. La situation est identique dans tous les cas où le patrimoine de l’entrepreneur n’est pas distinct de celui de l’entreprise. Ainsi, faut-il le relever, à l’exception de l’hypothèse d’un patrimoine d’affectation, le commerçant dont le fonds de commerce a été liquidé reste tenu des dettes nées de l’exploitation de ce fonds puisqu’il n’y a pas de passif propre au fonds de commerce [165]. En revanche, pour les sociétés de capitaux, tout recours est définitivement perdu en cas de clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif. Dans cette situation, la société disparait et les associés sont en principe libérés puisque leur responsabilité est limitée au montant de leurs apports. Le législateur, pour assurer une meilleure préservation de l’intérêt des créanciers, aurait pu explicitement prendre en considération les distinctions précédentes. C’est ainsi qu’il devrait consacrer la possibilité de poursuite du débiteur personne physique et des associés des sociétés de personnes [166].
Le principe de la libération du débiteur après la clôture de la liquidation des biens pour insuffisance d’actif s’expliquerait aussi par le souci de favoriser la création des entreprises. En effet, la dette effacée, le débiteur a les mains libres et peut facilement mettre sur pied une nouvelle entreprise. Or, cet argument a fait l’objet des critiques assez élaborées. Pour certains auteurs, l’argument aurait quelque poids si la non-libération des débiteurs était le principal frein à la création d’entreprises. Ces auteurs déplorent avant tout le poids de la fiscalité et la rigidité de la protection sociale [167]. Une critique plus virulente vient du Professeur Yves Guyon qui pense que l’espoir entretenu par le législateur selon lequel le sacrifice des créanciers permet de relancer la création des entreprises et de favoriser, par conséquent, l’essor des emplois est irréaliste. Une telle politique législative, selon cet auteur, répercute injustement sur les créanciers les conséquences fâcheuses d’une débâcle financière généralisée dont les causes ne leur sont pas imputables [168]. Une telle répercussion déplace seulement le centre du problème, mais ne le résout pas. Ces arguments, développés en France, sont parfaitement transposables dans le contexte africain où le poids de la fiscalité est l’une des principales causes du découragement de l’initiative entrepreneuriale. Dans ce continent, la fiscalité est parfois étouffante pour la plupart d’entreprises, en particulier les petites entreprises qui sont majoritaires. Même si les grandes entreprises parviennent souvent à supporter le poids de l’impôt, certaines d’entre elles arrivent à plus ou moins long terme, à se résigner.
Ensuite, la règle de la libération du débiteur en cas de clôture de la liquidation des biens pour insuffisance d’actif semble curieuse, si l’on prend en compte le souci de développement économique des Etats membres de l’OHADA explicitement affiché dans le préambule du traité instituant cette Organisation. Lorsque l’entreprise a échoué, dans l’hypothèse d’une liquidation des biens clôturée pour insuffisance d’actif, la préservation de l’intérêt des créanciers devrait primer sur la protection des débiteurs. Ces derniers devraient, en principe, être légalement astreints à régler leurs dettes. La solution contraire constitue une atteinte au développement économique au regard de la place importante des créanciers dans l’entreprise. En effet, c’est très rarement qu’une entreprise se développe seulement avec ses fonds propres. Presque toutes recourent au crédit. Dans certaines situations, ce recours s’apparente à une véritable urgence. Or, le crédit implique la confiance à l’égard du bénéficiaire et du système juridique dont la vocation est d’assurer la sécurité des transactions. La morale des affaires, l’honorabilité, est difficilement compatible avec l’affirmation générale d’une sorte de «droit de ne pas payer ses dettes», d’autant plus que ce droit «n’est pas de nature à inciter les commerçants en situation difficile à respecter leurs engagements» [169]. Toute la question est de savoir si les poursuites intentées contre les débiteurs défaillants seront fructueuses. L’interrogation est importante, car en pratique, le retour à meilleure fortune est souvent hypothétique ; le débiteur n’étant guère incité à reprendre une activité dont les bénéfices risqueraient d’être absorbés par le paiement de ses créanciers toute sa vie durant. Et lorsque le débiteur reprend une activité, il le fait sous un nom d’emprunt. Même si tel est le cas, il ne revient pas au législateur de priver le créancier du recours en paiement dont il est le seul juge de l’opportunité
Généralement, le débiteur ne redevient solvable qu’au prix d’un redémarrage plus ou moins long de ses activités. Pour rassurer ses créanciers et faire preuve de bonne foi, il peut s’engager par une clause de retour à meilleure fortune, à les satisfaire même partiellement et graduellement s’il redevient fortuné. Mais un tel engagement semble légalement prohibé en droit OHADA où parmi les exceptions au principe de la libération du débiteur ne figure pas le cas où il s’engagerait délibérément par une telle clause [170]. La liberté contractuelle pourrait légitimer une telle clause.
Enfin, le principe de la libération du débiteur est de nature à empêcher la solidarité africaine de jouer pleinement en faveur des créanciers. La tradition africaine révèle une forte solidarité familiale qui se manifeste le plus souvent pour libérer le débiteur en difficulté. Sans être juridiquement tenus, les membres de la famille du débiteur tiennent cette assistance pour un véritable devoir moral. Epris de compassion, les parents, les amis du débiteur sont quelquefois tentés de voler au secours de ce dernier en supportant tout ou partie de ses dettes. Or, de pareilles assistances ne sauraient valablement s’exprimer si légalement le débiteur est, en principe, déchargé de son fardeau. Le principe de la libération du débiteur en cas de clôture de la liquidation des biens pour insuffisance d’actif sacrifie donc, pour des raisons discutables les droits des créanciers.
Conclusion générale
Des analyses qui précèdent, il ressort que l’intérêt des créanciers n’est pas suffisamment protégé par la réforme des procédures collectives en droit OHADA.
Le législateur a procédé au renforcement, non seulement des mesures communes de protection de l’intérêt des créanciers, mais aussi des mesures spécifiques de préservation de celui des créanciers privilégiés. Dans le premier cas, il a renforcé l’implication des créanciers dans les procédures collectives, réduit leurs coûts et accéléré significativement ces procédures. Dans le second cas, il a procédé au réajustement des privilèges existants et institué le privilège de new money dans l’arsenal juridique communautaire.
Cependant, ces efforts semblent encore limités. D’un côté, l’analyse permet de se rendre compte de la nécessaire amélioration des mesures communes de protection de l’intérêt des créanciers et des mécanismes spécifiques de protection de ceux des créanciers privilégiés. De l’autre, les droits aussi bien processuels que pécuniaires des créanciers devraient davantage être consolidés.
[1] Dans le même sens, cf. Y. R. Kalieu Elongo, Le droit des procédures collectives de l’OHADA, PUA Yaoundé, 2016, p. 7 ; F. Pérochon, R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiements, 5ème éd, LGDJ, 2011, n° 1, p. 1.
[2] Acronyme de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
[3] Lire par exemple les articles 15, alinéa 2 et 49, alinéa 1 du nouvel AUPC.
[4] F. Ost, Droit et intérêt, vol. 2, Entre droit et non-droit : l’intérêt, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1990, p. 11 et s.
[5] D. Alland et S. Rials (sous dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 4ème éd. décembre 2012, p. 842.
[6] T. Hassler, L’intérêt commun, RTDCom., 1984, p. 582.
[7] Sur cette distinction en matière contractuelle, v. J. Rochfeld, Cause et type de contrat, Thèse, LGDJ, 1999, n°s 98 et s et M. A. Mouthieu épouse Njandeu, L’intérêt social en droit des sociétés, Thèse, éd. Etudes africaines, L’Harmattan, 2009, p. 18.
[8] De manière détaillée, les procédures collective sont définies comme «des procédures judiciaires ouvertes lorsque le débiteur professionnel (et pas seulement le commerçant) ou la personne morale de droit privé n’est plus en mesure de payer ses dettes-on dit d’un tel débiteur aux abois qu’il est en état de cessation des paiements-ou, à tout le moins, connait de sérieuses difficultés financières, en vue d’assurer le paiement et, dans la mesure du possible, le sauvetage de l’entreprise et, par voie de conséquence, de l’activité et des emplois». F. M. Sawadogo, Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement préventif, Droit &Patrimoine, no 253, décembre 2015, p. 32.
[9] Un auteur appelle même, en matière de procédures collectives, à «une désacralisation du principe de l’égalité au profit de celui de l’inégalité des créanciers». Cf. R. Nemedeu, Le principe d’égalité des créanciers : vers une double mutation conceptuelle (Etude à la lumière du droit français et Ohada des entreprises en difficulté), RTDCom., 2008, p. 241, spec. p. 16 et s. Un autre estime qu’en la matière, «L’égalité générale et abstraite des créanciers est sans nul doute un mythe. Les créanciers sont en effet complètement inégaux en fait comme en droit», F. Georges, L’égalité des créanciers : un mythe ?, Revue de la Faculté de droit de l’Université de Liège, 2009/2, p. 319.
[10] Pour une vue complète des motifs de révision de l’AUPC, v. D. C. Sossa, Avant-propos au n° spécial de la Revue Droit &Patrimoine consacrant un dossier sur la modernisation de l’AUPC, n° 253, décembre 2015, p. 30.
[11] F. M. Sawadogo, Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé…, op. cit., p. 32. Sur les critiques faites à l’ancienne législation, cf. par exemple J. Kom, Droit des entreprises en difficultés OHADA, PUA, Yaoundé, 2013, p. 193 et s ; F. M. Sawadogo, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, 2002, 446 p ; P. Roussel Galle, OHADA et difficultés des entreprises, Etude critique des conditions et effets de l’ouverture de la procédure de règlement préventif , Revue de jurisprudence commerciale, février-mars 2001, p. 9-19; S. Kokou Evelamenou, Le concordat préventif en droit Ohada , Thèse, Université Paris-Est, 2012, p. 23 et s et S. Toé, Pratique judiciaire des procédures collectives OHADA, Thèse, éd. Universitaires Européennes, 2012, 388 p.
[12] F. M. Sawadogo, L’application judiciaire du droit des procédures collectives en Afrique francophone à partir de l’exemple du Burkina Faso, Rev. Burkinabé de droit, n° 26, juillet 1994, n° 131 et s..
[13] Ph. Pétel, Procédures collectives, Dalloz, 8ème éd. 2014, n° 23, p. 11.
[14] Cf. Ph. Roussel Galle, Les débiteurs dans l’AUPC révisé : la modernisation du droit de l’insolvabilité dans la continuité, Droit &Patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 58.
[15] Banque Mondiale, Doing business dans les Etats membres de l’OHADA, 2012, p. 77.
[16] Banque Mondiale, Doing business dans les Etats membres de l’OHADA, 2014, repris par F. M. Sawadogo, Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé, op. cit., p. 32.
[17] L’article 1er du nouvel AUPC affiche pour objet du nouveau droit «de préserver les activités économiques et les niveaux d’emplois des entreprises débitrices, de redresser rapidement les entreprises viables et de liquider les entreprises non viables dans des conditions propres à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter les montants recouvrés par les créanciers et d’établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties». Par rapport à l’ancien Acte uniforme, cet article présente formellement une liste détaillée et assez précise des finalités du droit des entreprises en difficulté. En effet, l’article 1er de l’ancien AUPC prévoyait seulement que le droit OHADA des procédures collectives avait pour objectif «d’organiser les procédures collectives de règlement préventif, de redressement judiciaire et de liquidation des biens du débiteur en vue de l’apurement collectif de son passif ; de définir les sanctions patrimoniales, professionnelles et pénales relatives à la défaillance du débiteur et des dirigeants de l’entreprise débitrice». Interprétant cet article, un auteur soutient que «l’Acte uniforme de l’OHADA met en première place le paiement des créanciers puisqu’il fixe comme objectif prioritaire à toutes les procédures collectives l’apurement du passif » (F. M. Sawadogo, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, coll. Droit Uniforme Africain, Juriscope, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 4). Un autre, allant dans le même sens, relève que de «manière générale, il apparait que l’Acte uniforme de l’OHADA privilégie une des fonctions primordiales du droit des procédures collectives : le paiement des créanciers» (J. R. Gomez, OHADA, Entreprises en difficulté. Lecture de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif à la lumière du droit français, coll. Le Droit en Afrique, Serie Droit des Affaires, éd. BAJAG-MERI, France, 2003, p. 24). Confrontant les deux articles, d’autres auteurs pensent que le paiement des créanciers n’est plus la finalité première du droit des entreprises en difficulté, car l’article 1er du nouvel Acte uniforme procède à un changement de paradigme en ce qui concerne la graduation des finalités des procédures collectives. Ils soutiennent que si la satisfaction des créanciers demeure l’une des finalités du nouveau droit des entreprises en difficulté, elle devient subsidiaire ; la pérennisation des entreprises étant, aujourd’hui plus qu’hier, devenue la finalité primordiale (cf. R. Akono Adam, Regards sur les innovations introduites par la réforme du 10 septembre 2015 dans les procédures collectives de l’OHADA, RCDA, n° 22, octobre-novembre-décembre 2015, p. 6 et A.-F. Tjouen, La graduation des finalités du droit OHADA des entreprises en difficultés (première partie), Revue Lexbase, édition Afrique-OHADA, n° 3, 2017 N° Lexbase : N9772BWT). Un tel ordre de priorité n’est pas anodin : il se justifie aujourd’hui où du droit de la faillite autrefois dirigé contre le débiteur dont les biens étaient vendus aux enchères publiques pour désintéresser les créanciers, on est passé au droit des procédures collectives dont la finalité première est la prévention et le traitement des difficultés des entreprises(Sur cette mutation en général, cf. J. Paillusseau, Du droit des faillites au droit des entreprises en difficulté… , Mélanges Houin, 1985, p. 109 ; J. Hilaire, Introduction historique au droit commercial, PUF, 1986, p. 305 et s et C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 6ème éd., Montchrestien, Domat, 2009, n° 1, p. 1). Cependant, ce changement de paradigme doit être relativisé, parce que le législateur ne l’exprime pas explicitement et la préservation de l’intérêt des débiteurs apparait comme un moyen de protection des créanciers puisqu’on ne peut valablement protéger ces derniers si les premiers ne le sont pas.
[18] Cf. préambule du traité institutif de l’OHADA. L’interrogation est d’autant intéressante qu’elle offre l’occasion de faire une mise en garde aux créanciers et de tirer la sonnette d’alarme sur les manquements à leur protection, même ceux bénéficiaires des privilèges.
[19] Cf. article 72 du nouvel AUPC.
[20] P.-M. Le Corre, Les créanciers antérieurs dans le projet de sauvegarde des entreprises, Colloque CRAJEFE, Nice 27 mars 2004, Les Petites Affiches, 10 juin 2004, p. 25, n° 5 ; F. Pérochon, Le sort des créanciers antérieurs, même colloque, même revue, p. 17.
[21] Les premiers bénéficient d’un traitement préférentiel par rapport aux seconds qui n’ont sur le patrimoine de leur débiteur que le droit de gage général.
[22] A l’exception de créanciers dont les créances sont nées de l’exploitation du locataire-gérant qui restent exclusivement à sa charge sans solidarité avec le propriétaire du fonds. V. art. 117 du nouvel AUPC.
[23] J. Gatsi, Le créancier privilégié dans les procédures collectives OHADA : un géant au pied d’argile ?, RTDE, 2017-1, Janvier/Mars 2017, p. 67.
[24] Mais encore faut-il que les biens composant l’actif du débiteur ne soient pas grevés de sûretés spéciales, parce que le jeu de ces sûretés empêche ces créanciers du bénéfice tiré de l’ordre de paiement avantageux. Cf. les articles 165, 166 et 167 du nouvel AUPC.
[25] Cette catégorie résulte de l’analyse a contrario de l’article 117 du nouvel Acte uniforme. Ces créanciers ne peuvent pas obtenir un paiement tant que dure la procédure.
[26] Cf. F. M Sawadogo, Commentaires de l’Acte uniforme du 10 sept. 2015 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, in OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, France, 2016, p. 1109.
[27] Cf. F.-X. Lucas, L’apport de la nouvelle loi et sa philosophie, Les Petites Affiches, 16 mars 2006, p. 9.
[28] Cf. article 256-12 al. 1 du nouvel AUPC : «les créanciers domiciliés dans un Etat étranger, en ce qui concerne l’ouverture d’une procédure collective et leur participation à cette procédure… , ont les mêmes droits que les créanciers résidant dans tout Etat partie». L’exception est faite en ce qui concerne le rang de priorité des créances visées aux articles 166 et 167 et des créances fiscales et sociales étrangères. Cf. art. 256-12 al. 2 du même Acte.
[29] L’article 27 de l’ancien Acte uniforme prévoyait le délai de quinze jours pour le redressement judiciaire.
[30] Sur l’appréciation de ces caractères, v. par exemple CCJA, 31 mai 2018, nos 121/2018 (N° Lexbase : A9152XQZ) ; CCJA, 11 janvier 2018, n° 008/2018 (N° Lexbase : A0818XBW).
[31] Cf. art. 28 de l’Acte uniforme abrogé.
[32] Cf. les articles 2, alinéa 2 et 5, alinéa 1, de l’AU originel. Sur la critique du monopole du débiteur, v. S. Kokou Evelamenou, Le concordat préventif en droit Ohada, Thèse, Université Paris-Est, 2012, p. 32 et s.
[33] C’est du moins ce qui ressort de l’article 29, alinéa 1, de l’AU révisé qui prévoit que la juridiction compétente «peut se saisir d’office, notamment sur la base des informations fournies par le représentant du ministère public, les commissaires aux comptes des personnes morales de droit privé, les membres de ces personnes morales ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver cette saisine». En qualité de messager et de porte-parole des salariés auprès du chef d’entreprise (G. Couturier, Traité de droit du travail, PUF, Tome II, 2001, n° 168), le délégué du personnel est l’une des personnes les plus indiquées à même de fournir des informations dignes de foi au tribunal.
[34] Pour ces diligences, cf. art. 48 du nouvel AUPC.
[35] Article 49, alinéa 1, du nouvel AUPC.
[36] Article 49, alinéa 2, du nouvel AUPC.
[37] Article 49, alinéa 3, du nouvel AUPC.
[38] Sur l’appréciation de cette consultation, cf. V. Yanpelda, Les salariés dans les procédures collectives OHADA. Acteurs ou spectateurs ?, Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, n° 1, 2011, p. 42.
[39] C. Saint-Halary houin, Droit des entreprises en difficultés, Ed, Montchrestien, EJA Paris, 1995, p. 51.
[40] F. M. Sawadogo, Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement préventif, Droit & Patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 34.
[41] Cf. Article 5-2 du nouvel AUPC.
[42] F. Pérochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 10ème éd, 2014, n° 91, p. 64.
[43] Cf. article 88 de l’AUPC révisé.
[44] Cf. D. Takafo-Kenfack, Focus sur l’encadrement de la rémunération des mandataires judiciaires de l’OHADA, RDAA, janvier 2017, p. 3.
[45] Dans la liquidation de l’ex-usine Faso Fani par exemple, l’ordonnance de taxation n° 1823 du 10 août 2001 du juge commissaire avait accordé 317.498.620 francs CFA aux deux syndics qui avaient également droit aux honoraires supplémentaires (cf. www.lefaso.net/spip/php). Dans la liquidation de la SOREMIB, alors que la procédure était clôturée pour insuffisance d’actifs, les syndics réclamaient la somme de 238 290 925 francs CFA, en plus du montant de 222 600 000 francs qu’ils avaient déjà perçu par ordonnance no 525 du 15 février 2002 du juge-commissaire (cf. S. Toé, Pratique judiciaire des procédures collectives OHADA, Thèse, éd. Universitaires Européennes, 2012, p. 314).
[46] Pour toutes ces précautions, cf. art. 4-18 et 4-20 du nouvel AUPC.
[47] Le mérite de ces mesures innovantes est d’autant plus grand qu’il n’existait jusqu’à lors aucune tarification applicable dans les Etats parties à l’OHADA (cf. CA Dakar, 27 avr. 2001, n° 26).
[48] C’est le sens de l’article 4-18 de l’AUPC révisé.
[49] Article 24-2 al. 2 du nouvel AUPC.
[50] Cf. les articles 145-2 à145-4 de l’AUPC révisé.
[51] D. Takafo-Kenfack, La rationalisation des procédures collectives de l’OHADA : un modèle prometteur ?, Rev. dr. unif., 2017, p. 3.
[52] Relativement aux créanciers, une procédure collective est efficace lorsqu’elle débouche sur leur paiement substantiel dans un délai raisonnable. Atteindre cet objectif, exige d’agir dans les délais de telle sorte que la satisfaction de l’intérêt des créanciers est fonction de la rapidité avec laquelle les difficultés d’une entreprise sont traitées.
[53] Cf. article 7 et 8 de l’ancien AUPC.
[54] Pour toutes ces précautions, cf. art. 4-18 et 4-20 du nouvel AUPC.
[55] Pour ces caractères, v. art. 2 du nouvel AUPC.
[56] P. Crocq, Des créanciers et des contractants mieux protégés, Droit &Patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 60.
[57] Sur ces procédures, lire utilement D. Bakary, Des procédures adaptées aux ‟petites” entreprises : les procédures simplifiées, Droit & Patrimoine, n° 253, déc. 2015, p. 44.
[58] Cf. les articles 5 à 17 de l’ancien AUPC.
[59] Cette situation de non-respect des délais non suivi de sanctions, avait conduit la République de Côte d’Ivoire à saisir la CCJA de la demande d’avis n° 001/2007/AC du 26 juin 2007, laquelle a émis l’avis n° 01/2009/EP du 15 avril 2009. Cet avis «méconnu n’avait pas eu d’impact tangible sur la question» (F. M. Sawadogo, Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé, op. cit., p. 38, note n° 21).
[60] Cf. article 14, al. du nouveau texte.
[61] P. Roussel Galle, Les débiteurs dans l’AUPC révise : la modernisation du droit de l’insolvabilité dans la continuité, Droit &Patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 58.
[62] De même, le rapport de l’expert en matière de règlement préventif doit être établi dans les trois mois de la décision d’ouverture, ce délai ne pouvant être prorogé qu’à titre exceptionnel une seule fois pour une durée d’un mois sur décision spécialement motivée du président de la juridiction compétente à la demande de l’expert ou du débiteur (article 12, alinéa 6).
[63] Pour tous ces délais de redressement judiciaire et de liquidation des biens, cf. art. 33 de l’AUPC révisé.
[64] Il est de huit (8) jours à compter du prononcé de la décision.
[65] Il est de quinze (15) jours, soit à compter de leur prononcé ou de la première publicité selon les cas.
[66] Pour le délai d’opposition, cf. art. 23-1, s’agissant des autres délais, cf. article 23 du nouvel AUPC.
[67] Cf. article 5-3 du nouvel AUPC.
[68] Article 12 alinéa 7, du nouvel AUPC.
[69] L’article 14 (3) de l’AUPC révisé.
[70] Cf. les articles 226 de l’ancien et du nouvel AUPC.
[71] Récemment, au Cameroun, la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal, complète utilement la législation communautaire en prévoyant des peines réprimant notamment les infractions de banqueroute et de banqueroute simple (art. 332 et 333). Plus récemment, deux autres pays membres de l’OHADA ont, à l’occasion de l’actualisation de leur Code pénaux, mis leur dispositif pénal en conformité avec le droit OHADA. Par la loi n° 2017-10 du 31 mars 2017, modifiant et complétant celle n° 61-27 du 15 juillet 1961 portant institution du Code pénal, le Niger a ainsi consacré à la répression des infractions prévue en droit OHADA, le Titre IV-bis, comprenant les articles 377.1 à 377.43. Plus récemment encore, et par sa loi n° 01 portant Code pénal, promulgué le 8 mai 2017, le Tchad a inséré dans son nouveau Code pénal un Livre 7 comportant les articles 473 à 517 qui traitent des peines applicables aux infractions prévues par les Actes uniformes OHADA. Au Mali la loi portant répression des infractions prévues par les Actes uniformes a été adoptée le 28 juin 2017.Bien avant ces Etats, d’autres pays membres de l’organisation avaient déjà mis leur droit pénal interne en conformité avec les Actes uniformes. L’on pense notamment au Sénégal (loi n° 98-22 du 26 mars 1998 portant sur les sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique), au Bénin (loi no 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, Chapitres X et XI , les infractions relatives aux Actes uniformes de l’OHADA et la banqueroute), à la République Centrafricaine (loi n° 10.001 du 6 janvier 2010 portant Code pénal centrafricain, Titre VI, chapitre IX : «De la banqueroute, des infractions assimilées et autres infractions») et au Congo (loi no 12-2013 du 28 juin 2013 portant sanctions pénales aux infractions prévues par les actes uniformes du traité de l’OHADA).
[72] L’article 234 alinéa 1 du nouvel AUPC prévoit simplement, s’agissant de la poursuite de l’infraction de banqueroute et des infractions assimilées, que «la juridiction pénale peut être saisie par le ministère public ou par le syndic».
[73] Y.-R. Kalieu Elongo, Droit et pratique des sûretés réelles OHADA, coll. Droit uniforme, PUA, Yaoundé, 2010, p. 219.
[74] P. Crocq, Des créanciers et des contractants mieux protégés, Droit & Patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 62.
[75] Pour toutes ces précautions, cf. art. 149 du nouvel AUPC.
[76] V. les art. 70 à 73 du Code du travail camerounais, loi n° 92/007 du 14 août 1992, portant Code du travail.
[77] Code camerounais du travail, art. 70 et Code Burkinabè du travail, loi n° 11-92-ADP du 22 décembre 1992, art. 117.
[78] Ce privilège couvre les rémunérations dues pour les douze derniers mois précédent le jugement d'ouverture de la procédure collective. Au Cameroun, le décret n° 94/197/PM du 9 mai 1994 relatif aux retenues sur salaire fixe les différentes fractions insaisissables.
[79] Pour toutes ses mesures, lire utilement l’art. 96 du nouvel AUPC.
[80] Article 9, alinéa 3, du l’Acte uniforme révisé.
[81] Cf. article 15, alinéa 2, du nouvel AUPC.
[82] Sur cette protection, cf. J. Issa-Sayegh, Le sort des travailleurs dans les entreprises en difficulté : droit OHADA, Penant, n° 870, janvier-mars 2010, p. 82 et s. AUPC, art. 97 al. 1 du nouvel AUPC.
[83] Pour toutes ces mesures cf. art 97 du nouvel AUPC.
[84] Pour tous ces privilèges, v. art. 98 du nouvel AUPC.
[85] Sur l’exigence du respect de ces conditions, cf. par exemple CCJA, 5 février 2009, n° 001/2009, Actualités Juridiques n° 64-65, 2009, p. 266.
[86] La jurisprudence française montre bien l’importance d’une telle précision s’agissant de l’attribution de la charge de la preuve de l’existence en nature du bien revendiqué en affirmant qu’en l’absence d’inventaire, c’est aux organes de la procédure collective qu’il appartient de prouver que le bien n’existait pas en nature au jour de l’ouverture de la procédure (Cass. com., 1er décembre 2009, n° 08-13.187, F-P+B N° Lexbase : A3400EPM, D., 2010, p. 12, obs. A. Lienhard).
[87] Cf. article 101-1 al. 2 du nouvel AUPC.
[88] Cf. les articles 101-1 et 101-3 du nouvel AUPC.
[89] Sur cette définition de l’assiette de la revendication, cf. les articles 102 à 106 du nouvel AUPC. Le revendiquant qui récupère son bien est tenu de restituer les acomptes déjà versés par l’acquéreur défaillant. Voir M. Kouakou Brou, La protection des vendeurs des biens avec clause de réserve de propriété dans les procédures collectives : l'apport de l’OHADA, Penant n° 837, septembre - décembre 2003, p. 300 et s.
[90] Cf. ancien Acte uniforme, articles 166 (4o) pour la distribution des deniers provenant de la vente des immeubles, et 167 (7o) pour la répartition du prix de la vente des meubles.
[91] R. Assontsa et H. I. Silenou, L’introduction du privilège de ‟new money” en droit OHADA des procédures collectives, Penant, n° 900, juillet-septembre 2017, p. 296, no 32.
[92] Cf. nouvel Acte uniforme, articles 5-11 al 1 en ce qui concerne l’accord de conciliation, 11-1 pour ce qui est du concordat préventif et 33-1 s’agissant du concordat de redressement judiciaire.
[93] Cf. les articles 5-11 al. 2, 11-1 al 2, 33-1 al. 2 du nouvel Acte uniforme.
[94] Y. R. Kalieu Elongo, Les procédures collectives de l’OHADA, PUA, 2016, p. 72.
[95] Le privilège est ainsi qualifié parce que le législateur français ne l’accorde que dans le cadre d’une procédure de conciliation (cf. article 611-11 du Code de commerce français issu de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ; P. M. Le Corre, Le privilège de la conciliation, Gaz. Pal., n° 251, 8 septembre 2005, p. 50).
[96] C’est la transposition en droit des procédures collectives de la parabole selon laquelle les premiers seront les derniers (cf. A. Martin-Serf, L’évolution législatives et les conflits, Gaz. Pal., n° 178, 26 juin 2008, p. 9 et s).
[97] Cf. les articles 5-11 al. 1, 11-1 al 1, 33-1 al. 1 du nouvel AUPC.
[98] F. Pérochon, Entreprise en difficulté, LGDJ, 10ème éd. 2014, n° 1492, p. 684.
[99] V. C. com., art. L. 626-30-2 (N° Lexbase : L2751LBI).
[100] V. C. com., art. L. 626-30-2.
[101] Cf. art. 49, alinéa 1 et 2 de l’AUPC révisé.
[102] Cf. art. 88 du nouvel AUPC.
[103] Cf. art. 234, alinéa 1, de l’ancien AUPC.
[104] Article 13 in fine du nouvel AUPC (v. art. 12 de ce texte ; la numérotation étant brouillée entre les articles à ce niveau). Conformément à l’article 13 de l’ancien Acte uniforme, l’expert devait élaborer ce rapport dans les deux mois de sa saisine au plus tard, sauf autorisation motivée du président de la juridiction compétente de proroger ce délai d’un mois.
[105] Cf. article 9 de l’AUPC révisé.
[106] P.-M. Le Corre et E. Le Corre-Broly, Droit du commerce et des affaires - Droit des entreprises en difficulté, 2ème éd., Sirey, 2006, n° 71, p. 72.
[107] Pour s’en convaincre, il suffit de lire attentivement les articles 145 à 145-9 de l’AUPC révisé.
[108] C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 6eme éd., Montchrestien, Domat, 2009, p. 537, n° 832.
[109] Le législateur français s'est confronté à cette difficulté à propos de l'article L. 622-4 du Code de commerce et a finalement abrogé cet article par l'ordonnance du 18 décembre 2008, faisant du plan de sauvegarde un plan de continuation de l’activité avec les mêmes dirigeants. En ce sens, F.-X. Lucas et H. Lécuyer, La loi de sauvegarde article par article (1ère partie), Les Petites Affiches, février 2006, n° 28, p. 74.
[110] La situation est d’autant préoccupante que l’inopposabilité qui frappe certains actes d’administration et de disposition de ses biens accomplis par le débiteur en violation des exigences légales est une sanction inappropriée qui ne protège pas suffisamment les intérêts des créanciers (cf. par exemple article 52, alinéa 1, du nouvel AUPC). A quoi sert une telle sanction si la trésorerie de l’entreprise aura à subir directement des coûts de l’opération mettant ainsi en péril les droits des créanciers ? La sanction de l’inopposabilité n’est donc pas de nature à vaincre les résistances du débiteur comme l’aurait fait la nullité.
[111] Banque Mondiale, Doing business dans les Etats membres de l’OHADA, 2017, p. 67.
[112] Cf. S. Toe, Pratique judiciaire des procédures collectives OHADA, Thèse, op. cit., p. 314.
[113] Sur ce rôle de chef d’orchestre, cf. par exemple F. Derrida, P. Godé et J.-P. Sortais, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, 2ème éd., Dalloz, 1986, p. 28 et A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, 5ème éd., Litec, 2007, n° 223, p. 129.
[114] A. Fénéon, Des mandataires judiciaires mieux encadrés, pour une procédure plus efficace, Droit &Patrimoine, no 253, décembre 2015, p. 67.
[115] Article 4-17 du nouvel AUPC.
[116] Cf. article 4-1ç du nouvel AUPC.
[117] Ce renvoi porte également porte atteinte à l’unification législative puisque chaque Etat partie de l’OHADA peut arrêter une liste de critères de rémunération différente de celle d’un autre.
[118] Cf. V. E. Bokalli, La coutume, source de droit au Cameroun, Rev. Gén. Dr. 1997, n° 28, p. 37.
[119] E. Soupgui, La protection du créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l’espace juridique OHADA, Revue des procédures collectives, septembre-octobre 2009, p. 37. Sur ce changement de statut entraînant l’inapplication de l’AUPC, cf. par exemple TGI Ouagadougou, Jugement no 701 du 26 juin 2002, Sté des Ciments d’Abidjan (SCA) c/ Syndics liquidateurs de la Sté des Ciments et Matériaux du Burkina (CIMAT), Ohadata J-04-42.
[120] M. Cabrillac et C. Mouly, Droit des sûretés, Litec, 6ème éd., 2002, n° 728. V. aussi Th. Tauran, Le succès des garanties en droit positif, RRJ, 2001-2, p. 650.
[121] M. Cabrillac et C. Mouly, ibid.
[122] C. com., art. L. 622-17 (N° Lexbase : L8102IZ4).
[123] N. Borga, Privilège de conciliation et paiement provisionnel, Obs. sous TC-Paris, 5 décembre 2011, n° 2011/057998, L’essentiel du droit des entreprises en difficulté n° 2, 5 février 2012, p. 5.
[124] N. Picod, Regard français sur le nouveau droit espagnol de l’insolvabilité, BJE n° 6, 1er novembre 2012, p. 5.
[125] R. Assontsa et H. I. Silenou, L’introduction du privilège de ‟new money” …, op. cit., p. 298.
[126] Sur la reconnaissance des décisions rendues en matière de procédures collectives dans l’espace OHADA, lire utilement, L.-C. Henry et J.-L. Vallens, Le droit international privé de l’Acte uniforme OHADA, Droit & Patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 49 et s.
[127] G. Teboul, Le renforcement du rôle des créanciers dans le cadre de la nouvelle réforme du droit des entreprises en difficulté (1re partie), Petites Affiches, n° 15, 1er janvier 2014, p. 6 et s.
[128] Les alinéas 4 des articles 5-11, 11-1 et 33-1 de l’Acte uniforme révisé prévoient respectivement que les créanciers du débiteur ne peuvent en aucun cas bénéficier de ce privilège pour les créances nées antérieurement à l’ouverture de la conciliation, du règlement préventif ou du redressement judiciaire. A contrario, les créances nées à l’ouverture de chacune de ces procédures peuvent être assorties de ce privilège. Il était nécessaire que le législateur le dise explicitement et ajoute que lorsqu’un accord a été trouvé avant l’homologation ou l’exequatur, il doit être déposé au rang des minutes d’un notaire, ce qui permettrait de préserver son caractère confidentiel, de lui donner date certaine tout en évitant toute fraude du débiteur qui consisterait à inscrire certaines créances antérieures dans l’accord.
[129] Le cantonnement de ses effets à l’ouverture de la liquidation des biens, fait abstraction d’un débat important qui a eu lieu en France jusqu’en 2014 sur le paiement hors plan ou selon le plan du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation (F.-X. Lucas, Argent frais : paiement hors plan ou selon le plan ? - Controverse entre François-Xavier Lucas et Françoise Pérochon, Bull. Joly Entreprise en difficulté, no 5, 1er septembre 2012, p. 341).
[130] Cf. art. 26, 8° du nouvel AUPC.
[131] En l’absence de ces mesures, le privilège disparaît tout simplement en cas de sauvetage de l’entreprise. La question peut alors se poser de savoir ce que deviennent les nouveaux apports. Les créanciers concernés peuvent-ils, s’ils le souhaitent, participer au capital social en tant qu’associés pour les sommes dues par le débiteur ? Les textes fournissent une réponse négative en disposant que les sommes allouées au titre de l’assistance du débiteur ne peuvent être assimilées aux apports consentis dans le cadre d’une augmentation du capital social. Les créanciers bénéficiaires du privilège de new money ne peuvent donc pas, s’ils le souhaitent, participer au capital ou acquérir la qualité d’associé, en vertu des alinéas 3 des articles 5-11, 11-1 et 33-1 de l’AUPC révisé, qui les considèrent comme de simples «prêteurs» ou «assistants» de l’entreprise en difficulté. Ces sommes dues par le débiteur seront-elles alors rétrocédées à leurs émetteurs ou s’ajouteront-elles à l’assiette des créances antérieures ? Face au silence des textes, l’on peut conclure que le législateur a opté pour la seconde solution d’autant plus qu’aucune obligation de rembourser en priorité en cas de sauvetage de l’entreprise ne pèse sur le débiteur. Les nouveaux sacrifices ayant été demandés en vue de faire face à la situation désespérée dans laquelle se trouve le débiteur et d’assurer la pérennité de l’exploitation, il était nécessaire d’instituer une telle obligation afin de récompenser ceux qui ont pris des risques en faveur de l’entreprise qui s’est remise de son malaise.
[132] Cf. P. Lepeytre, Le rôle central du banquier, Gaz. pal., n° 178, 26 juin 2008, p. 37 et s.
[133] Cf. H. D. Modi Koko, La force obligatoire du contrat à l’épreuve du droit des procédures collectives OHADA, in l’Obligation, Etudes offertes à Pougoué Paul Gérard, L’Harmattan, Cameroun, 2015, p. 489 et s.
[134] Le sacrifice de l’intérêt des créanciers bénéficiaires du privilège de new money s’accentue en cas de la clôture de la liquidation des biens pour insuffisance d’actif, parce qu’en principe elle libère le débiteur et efface sa dette (art. 174 de l’AUPC révisé).
[135] Article 26, 8° du nouvel AUPC.
[136] Article 63, alinéa 3 du nouvel AUPC.
[137] La force du droit de rétention est désormais ainsi expressément reconnue. Une jurisprudence avait paralysé ce droit à l’ouverture du règlement préventif. Cf. CA d’Abidjan, arrêt n° 92 du 31 janvier 2003, Penant n° 872, juillet-septembre 2010, p. 379 et s.
[138] En droit français, cf. par exemple E. Kuntz et V. Nurit, Le paiement des dettes connexes et le principe de l’égalité des créanciers : l’éternelle incompatibilité, JBE n° 2, 1er mai 2011, p. 160 et s.
[139] Cf. article149 al. 2 et 3 de l’AUPC révisé.
[140] Cf. article 103 al. 3 du nouvel AUPC. La clause de réserve de propriété suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie (art. 72 AUS). Lorsque le bien est vendu, le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l’égard du sous-acquéreur (art. 78 de l’AUS).
[141] P. Crocq, Des créanciers et des contractants mieux protégés, Droit &Patrimoine, op. cit., p. 64.
[142] Article 154, al. 1er, de l’AUPSRVE.
[143] F. M. Sawadogo, Effets de l’ouverture d’une procédure collective à l’égard des créanciers, Encyclopédie du droit OHADA, op. cit., p. 731.
[144] Article 73 du nouvel AUPC.
[145] Il convient de préciser qu’il s’agit des sûretés régulièrement constituées avant le jugement d’ouverture mais qui n’ont pas fait l’objet de publicité avant cette date. Du fait de l’interdiction de toute inscription de sûreté, cette dernière perd son efficacité et paralyse, par voie de conséquence, la mise en œuvre de la garantie assortie à la créance.
[146] La règle de la suspension des poursuites individuelles connait des exceptions (cf. article 9 al. 3 et 4 du nouvel AUPC).
[147] Sur l’interdiction de paiement des créances nées antérieurement à la décision de suspension des poursuites individuelles, cf. CCJA, 11 janvier 2018, n° 004/2018 N° Lexbase : A0814XBR).
[148] Telle est la solution retenue par un arrêt de la CCJA, 18 mai 2017, n° 128/2017 (N° Lexbase : A3028WQ9), Revue Lexbase Afrique-Ohada, n° 3, 2017 (N° Lexbase : A3028WQ9).
[149] Cf. par exemple F. Pérochon, Entreprise en difficulté, LGDJ, 10ème éd. 2014, n° 569, p. 262.
[150] Le délai est de 60 jours suivant la deuxième insertion dans un journal d’annonces légales de l’Etat partie à l’OHADA concerné pour les créanciers internes. Il est de 90 jours pour les créanciers domiciliés hors du territoire national où la procédure a été ouverte. Cf. article 78 du nouvel AUPC. Pour une application jurisprudentielle, cf. CA d’Abidjan, ch. civ. et com., arrêt n° 73, 17-62005, Ohadata J-09-15.
[151] M. R. Akono Adam, Le sort des sûretés personnelles dans l’avant-projet de réforme de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives du 10 avril 1998, Banque & Droit, no 164, novembre-décembre 2015, p. 5.
[152] Pour l’obligation de produire la liste des créanciers, v. art. 63 al. 4 de l’AUPC révisé. Les créanciers défaillants ne peuvent être relevés de la forclusion que par décision motivée du juge commissaire, tant que l’état des créances n’a pas été arrêté et déposé, et uniquement s’ils démontrent que leur défaillance n’est pas de leur fait (art. 83, alinéa 2, du nouvel AUPC).
[153] Cf. article L. 622-6 al. 3 du Code de commerce français issu de l’ordonnance du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L2849IXS).
[154] F. Pérochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 10ème éd. 2014, n° 1529, p. 704. La sanction n’en reste pas moins lourde pour le créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai légal, puisque celui-ci est forclos et fait presque, par conséquent, face à une «peine de mort» frappant ses créances non déclarées (F. Pérochon, Entreprises en difficulté, op. cit., p. 720).
[155] Article 174 de l’ancien AUPC.
[156] H. Tsague Donkeng, Le traitement de l’insuffisance d’actif en droit des procédures collectives OHADA, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 2006, p. 31.
[157] Article 174 du nouvel AUPC.
[158] Les articles 170, alinéa 3, 174, 183 et 193 du nouvel AUPC dressent la liste des exceptions à ce principe. Dans les faits, la multiplicité des exceptions légalement prévues est de nature à rendre difficile l’application de la règle. L’on ne comprend pas pourquoi le législateur a choisi de fixer un tel principe et de le malmener en prévoyant autant d’exceptions.
[159] B. Dubreuil, La purge des dettes par l’article 169 de la loi du 25 janvier 1985, Rev. proc. coll.,1989, p. 389.
[160] C. Mouly, Revue de jurisprudence commerciales, n° spécial, février 1987, p. 172, cité par M. Houssin, Le droit français est-il creditor friendly ?, International Journal of Insolvency Law, Vol. 1, 2017, p. 86.
[161] Les législations offrant au débiteur des opportunités d’échapper à la contrainte des dettes se sont multipliées. Cf. P. M. Le Corre, Faut-il encore payer ses dettes en droit des entreprises en difficulté ?, Petites affiches numéro spécial 63, 29 mars 2006, p. 9-14 ; Y. Guyon, Le droit des contrats à l’épreuve des procédures collectives, Eudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, Paris, 2001, p. 417. Pour le cas de la France, cf. art. 643-11 du Code de commerce, loi no 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT).
[162] Article 1134 du Code civil de 1804 (N° Lexbase : L1234ABC) applicable dans la plupart des Etats membres de l’OHADA.
[163] Sur cette disparition, cf. art. 205 du nouvel AUDSC-GIE.
[164] Il s’agit de tous les associés de la société en nom collectif et des seuls associés commandités de la société en commandite simple. Cf. respectivement les art. 270 et 293 du nouvel AUDSC-GIE.
[165] En droit français, une même personne physique peut disposer de deux patrimoines, l’un personnel ou non affecté et l’autre affecté à tout ou partie de son activité professionnelle dans le cadre d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). Les biens personnels de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée échappent à toute poursuite dans le cadre du déroulement d’une procédure collective. (Cf. loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 instituant l’EIRL N° Lexbase : L5476IMR, complétée par l’ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée N° Lexbase : L8794INZ). Sur les contestations de l’utilité de l’EIRL, cf. par exemple M. Menjucq, L’EIRL, quelle utilité ?, Rev. proc. coll. n° 4/2010, p. 1. A cette affectation de patrimoine s’ajoute la déclaration d’insaisissabilité des biens prévue par la loi n° 2003 du 1er août 2003 pour l’initiative économique dont les dispositions sont intégrées dans le Code de commerce aux articles L. 526-1 (N° Lexbase : L2000KG8) à 526-3 et R. 526-2. La loi "LME" du 4 août 2008 modifie le régime de cette insaisissabilité.
[166] Les articles 196 et suivants du nouvel AUPC qui traitent de la faillite personnelle, ne remettent pas en cause cette solution.
[167] F. Pérochon, R. Bonhomme, Entreprise en difficulté. Instruments de crédit et de paiement, op. cit., n° 414.
[168] Y. Guyon, Droit des affaires, Tome 2. Entreprise en difficulté Redressement judiciaire-Faillite, Economica, 6ème éd., 1997, n° 1368.
[169] G. Ripert, Le droit de ne pas payer ses dettes, D. H., 1936, Chron., p. 57.
[170] L’article 83 du nouvel AUPC ne mentionne plus, comme l’avait fait l’ancien article 83, alinéa 2, de l’Acte abrogé, qu’en cas de redressement judiciaire, la forclusion éteint les créances sauf clause de retour à meilleure fortune.
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Réf. : Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3539Y9X)
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par Blanche Chaumet
Le 25 Avril 2019
► La notification de la décision prise par l’employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts consiste en une information, spécifique et préalable à l’organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (le Direccte) conformément à l’article R. 2313-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0617LIP) ; en l’absence d’information préalable régulière, le délai de contestation ne court pas ;
► l’article L. 2313-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8477LG3) prévoit que le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) est déterminé par un accord d’entreprise ; selon l’article L. 2313-4 (N° Lexbase : L8475LGY) du même Code, en l’absence d’accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l’employeur ; il résulte de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts ; ayant constaté l’absence de toute tentative de négociation, le tribunal d’instance a retenu exactement que la décision unilatérale de l’employeur devait être annulée, sans que le Direccte n’ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n’auraient pas été préalablement engagées, et qu’il a fait injonction à l’employeur d’ouvrir ces négociations ;
► les élections organisées par l’employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l’objet d’une demande d’annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi l’autorité administrative d’une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l’article R. 2314-24 du Code du travail (N° Lexbase : L0637LIG) de contestation des élections courant à compter de la décision du Direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.
Telles sont les précisions dégagées par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 avril 2019 (Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3539Y9X, voir la note explicative).
Faits et procédure. En l’espèce, un employeur avait invité les organisations syndicales à négocier le protocole préélectoral de mise en place du CSE, sur la base d’un CSE unique. Les syndicats ayant refusé la négociation du protocole tant qu’il n’aurait pas été négocié sur le nombre de CSE à mettre en place au sein de l’entreprise, l’employeur avait saisi le Direccte, qui avait fixé la répartition des sièges et électeurs dans les collèges. Les syndicats avaient à leur tour saisi le Direccte pour demander à ce qu’il soit enjoint à l’employeur de négocier sur le nombre et le périmètre des établissements distincts. Le Direccte avait fait droit à cette demande. Mais, entre temps, l’employeur avait organisé les élections sur la base de la première décision du Direccte. Saisi par l’employeur d’un recours contre la seconde décision du Direccte, le tribunal d’instance a, à son tour, enjoint à l’employeur de reprendre des négociations sur le périmètre de mise en place du ou des CSE.
A la suite de cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation.
En énonçant les règles susvisées, la Haute juridiction rejette le pourvoi (sur La notion d'établissement distinct à compter de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E2288GAY).
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Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 10 avril 2019, n° 411961, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8877Y8B)
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par Gilles Pellissier, Rapporteur public au Conseil d'Etat
Le 24 Avril 2019
Dans un arrêt rendu le 10 avril 2019, la Haute juridiction indique que des dommages causés par EDF perturbant le fonctionnement d'une usine hydroélectrique ne présentent pas de caractère de dommage permanent de travaux publics en l’absence de lien avec le fonctionnement ou l'entretien normal de l’ouvrage. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Gilles Pellissier.
L'affaire qui vient d'être appelée pose de manière exemplaire l'intéressante question du ou des critères de distinction entre les dommages accidentels et les dommages permanents causés par le fonctionnement d'un ouvrage public. Bien que ces régimes de responsabilité soient anciens, ils n'ont jamais été clairement établis. Peut-être d’ailleurs ne peuvent-ils l’être qu’à travers leur application aux différents cas d’espèce, qui sont tous particuliers.
Les faits sont simples. Au cours des derniers jours du mois de mai et des premiers du mois de juin 2008, la société EDF a procédé à des opérations dites de chasse sur six aménagements hydroélectriques qu'elle exploite sur l'Isère. Ces opérations, qui ont pour objet d'évacuer les sédiments des ouvrages, consistent à lâcher subitement, en période de montée de crue de la rivière, un important flux d'eau qui emporte les sédiments en aval. L'Isère se jetant, comme vous savez, dans le Rhône, elle y a déversé les sédiments ainsi libérés qui ont provoqué l'envasement d'usines hydrauliques et d'écluses exploitées sur ce fleuve par la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Le volume de ces sédiments était en effet particulièrement important, 3,7 millions de tonnes, les dernières opérations de chasse sur ces ouvrages remontant à plus de quatre ans. Il ressort assez logiquement des chiffres fournis par la CNR que le volume des sédiments reçus en aval est d'autant plus important que les chasses sont espacées, et la période précédant celle en litige était la plus longue sans chasse depuis 1990. La CNR soutient également qu'EDF, qui le conteste fermement, aurait procédé à ces opérations alors que le Rhône n'avait pas atteint un débit suffisant, en méconnaissance d'une consigne de la DRIRE.
Estimant avoir subi de ce fait un préjudice qu'elle évalue à plus de 3 700 000 euros, la CHR en a réclamé en vain l'indemnisation à la société EDF, avant de saisir de cette demande le tribunal administratif de Grenoble, qui y a partiellement fait droit. Il a retenu la responsabilité sans faute d'EDF dans la survenance d'un dommage qu'il a qualifié d'accidentel mais ne l'a condamnée à verser à la Cie nationale du Rhône qu'une somme d'un peu plus de 740 000 euros. Sur l'appel principal de la société EDF, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement et rejeté la demande. Contrairement au tribunal, elle a considéré que le dommage trouvant "son origine dans le fonctionnement des installations hydro-électriques exploitées par EDF sur l'Isère, lequel implique qu'il soit procédé périodiquement à des opérations de ‘chasse’ sur les retenues de ses ouvrages", il présentait un caractère permanent et non accidentel et que le préjudice subi par la Cie nationale du Rhône de ce fait n'étant pas anormal, elle ne pouvait prétendre à son indemnisation.
La compétence de la juridiction administrative pour connaître d'un litige relatif à un dommage provoqué par le fonctionnement d'un ouvrage public ne fait aucun doute, alors même qu'il tend à la mise en cause de la responsabilité de la personne privée qui l'exploite (T. conf., 12 avril 2010, n° 3718 N° Lexbase : A7846EWI, au Rec. ; CE Ass, avis, 29 avril 2010, n° 323179 N° Lexbase : A1274EXH, p. 126).
Rappelons brièvement, car ils sont bien connus, même s'ils donnent encore lieu à discussions, les traits caractéristiques des deux régimes de responsabilité dont le choix est l'enjeu du présent litige.
Le principe d’une responsabilité sans faute du fait des dommages causés aux tiers par des travaux publics ou un ouvrage public est ancien (CE, 7 novembre 1952, Grau, p. 503 ; CE, 4 octobre 1957, Min des travaux publics c/ Beaufils, p. 510). La précision selon laquelle elle pèse sur la personne publique qui en a la garde est plus récente. Selon la formulation de vos dernières décisions concernant les ouvrages publics, «le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure» (CE, 3 mai 2006, n° 261956 N° Lexbase : A2334DP7 ; CE, 10 février 2014, n° 361280 N° Lexbase : A3819ME8, au Rec.) [1]. Les tiers par rapport à l’ouvrage public -telle est bien la situation de la CNR au regard des ouvrages exploités par EDF- n’ont donc qu’à établir l’existence d’un lien de causalité entre l’existence ou le fonctionnement de l’ouvrage et leur préjudice, sans avoir à démontrer que le fait générateur de ce dernier procéderait d’une faute dans l’implantation ou le fonctionnement de l’ouvrage.
Mais ce droit à indemnisation est limité aux dommages présentant un caractère grave [2] et spécial lorsqu'ils sont dits permanents, c'est à dire inhérents à la réalisation des travaux ou à l'existence ou au fonctionnement de l'ouvrage (CE Sect., 24 juillet 1931, Cne de Vic-Fezensac, p. 860), alors que cette condition n'est pas exigée lorsque le dommage présente un caractère accidentel. L'affirmation la plus nette de cette différence figure dans votre décision du 7 août 2008, «SA de gestion des eaux de Paris» (SAGEP) (aux Tables sur un autre point), par laquelle vous avez indiqué "qu’en jugeant que le département du Val-de-Marne, qui avait la qualité de tiers par rapport aux travaux litigieux, pouvait demander que la responsabilité sans faute de la SAGEP soit engagée à raison du préjudice qu’avaient occasionné pour lui les dommages accidentels de travaux publics en cause, alors même qu’il ne démontrait pas lui-même le caractère anormal et spécial de ce préjudice, la cour n’a pas commis d’erreur de droit".
La différence entre ces deux régimes juridiques repose donc sur la nature du lien entre le fait générateur du préjudice et l’activité publique qui l’a provoqué, travaux ou ouvrage. Le dommage permanent est celui qui est inhérent à cette activité, qu’elle cause nécessairement pour être menée à bien ou dont la réalisation est prévisible et qui est assumée par la personne publique. Ce n’est pas tant sa durée qui le caractérise [3], comme l’adjectif permanent pourrait le laisser croire, mais le fait qu’il constitue un effet normal, naturel, ordinaire, de l’exécution de cette activité ou de la présence ou du fonctionnement de cet ouvrage. Il en est la contrepartie, de même que le risque de dommage est inhérent à l’ouvrage dangereux qu’il faut tout de même bien implanter quelque part.
Les exemples ne manquent pas dans votre jurisprudence : Les feuilles des platanes d’une place publique tombent à l’automne et peuvent endommager le toit d’une maison riveraine («Cne de Vic-Fezensac», préc.) ; les travaux de construction d’un parking vont perturber l’accès aux commerces riverains pendant le temps de leur exécution (CE, 6 mai 1977, n° 92269 N° Lexbase : A4259B7U, aux Tables) ; l’implantation d’une ligne de TGV fait perdre de la valeur aux propriétés riveraines (CE, 31 mars 2008, SNCF, n° 296991 N° Lexbase : A9498D7W, aux Tables sur ce point) ; la prolifération des lapins de garenne dans les remblais des voies ferrées créé un dommage permanent pour les cultures maraîchères voisines (CE, 27 juillet 2005, n° 268861 N° Lexbase : A1376DK8, aux Tables sur ce point) ; etc..
A l’inverse, comme son appellation l’indique cette fois mieux, le dommage accidentel est celui qui ne découle pas nécessairement de la réalisation des travaux ou de l’existence ou du fonctionnement de l’ouvrage. Il n’était pas censé se produire, il n’était ni prévisible ni nécessaire à l’exécution des travaux ou à l’existence ou au fonctionnement de l’ouvrage. Tel est par exemple le cas de l’incendie provoqué par une entreprise effectuant des travaux de débroussaillage en vue du passage d’une ligne électrique (CE, 23 mai 1980, n° 10896 N° Lexbase : A7971AI3, aux Tables sur ce point) ou d’une explosion de gaz dans un collège (CE, 26 février 2001, n° 196759 N° Lexbase : A0775ATU, aux Tables).
La limitation aux préjudices graves et spéciaux du droit à indemnisation des seuls dommages permanents découle de ce qui distingue ces deux catégories de dommages. Le préjudice anormal et spécial est traditionnellement défini comme celui qui excède ce que tout un chacun doit supporter du fait de l'activité administrative, dans l'intérêt général qu'elle poursuit.
S'agissant des dommages permanents, et plus particulièrement de ceux liés à un ouvrage public, cette condition traduit, dans la logique de l'équilibre qui fonde l'existence d'un droit administratif, la spécificité du régime de voisinage avec un ouvrage établi dans l'intérêt général. Les inconvénients inhérents à l'existence même de l'ouvrage ou à son fonctionnement n'ouvrent en principe pas droit à indemnisation, sauf pour ceux qui subissent de ce fait des dommages particulièrement importants, car ils se trouvent alors supporter seuls une part plus lourde de l'intérêt général auquel contribue l’ouvrage, que le principe d'égalité commande de compenser.
En revanche, les tiers à un ouvrage public ou à un travail public n'ont aucune raison de supporter des dommages qui ne sont pas inhérents à la réalisation du travail, à l'existence ou au fonctionnement de l'ouvrage, mais qui résultent le plus souvent d'une mauvaise exécution du travail ou d'un mauvais entretien ou usage de l'ouvrage, même si, comme nous l’avons dit, la victime n’a pas à en faire la démonstration. La cause du dommage accidentel ne réside pas dans l'intérêt général, qui justifiait qu'il puisse être supporté dans une certaine mesure par tout un chacun ; elle ne réside pas non plus dans la réalisation d'un risque inhérent à un ouvrage dangereux, qui répond au même régime de responsabilité, pour les mêmes raisons, que les dommages permanents (CE, 28 mars 1919, n° 62273 N° Lexbase : A8937B8I, p. 329). C'est pourquoi le dommage accidentel est indemnisé quelles que soient l'importance et la généralité du préjudice qu'il cause.
La question de la qualification du caractère permanent ou accidentel du dommage peut se poser à propos de travaux publics et, comme en l'espèce, du fonctionnement d'ouvrages publics. En revanche, les dommages liés à l'existence même d'ouvrages publics ou aux risques auxquels ils exposent les tiers lorsqu'ils sont dangereux sont toujours des dommages permanents.
Nous conclurons cette présentation de ces régimes juridiques en vous invitant à contrôler en cassation cette qualification du dommage, dont dépend le régime de responsabilité applicable à la demande. Vous contrôlez d'ailleurs la qualification opérée par les juges du fond sur le caractère anormal et spécial du préjudice (CE, 10 mars 1997, n° 150861 N° Lexbase : A8879AD9, au Rec.), qui est plus factuel et subséquent à la détermination du régime de responsabilité. Tel est le terrain sur lequel se place le premier moyen du pourvoi.
Si votre jurisprudence comporte de nombreuses illustrations de ces deux régimes de responsabilité, la particularité de la présente affaire et ce qui lui donne tout son intérêt est que le dommage trouve sa cause dans la réalisation d'une opération qui fait partie du fonctionnement ordinaire de l'ouvrage mais dont les conditions dans lesquelles elle a été réalisé a entraîné des conséquences dommageables exceptionnellement importantes, pour des raisons tenant, comme nous l'avons dit, à la fois à la masse de sédiments qui s'étaient accumulés pendant une assez longue période sans chasses et peut-être à un débit insuffisant du Rhône. Le dommage se situe ainsi sur la ligne de partage entre les deux régimes de responsabilité, ce qui conduit à s'interroger plus que dans d'autres affaires où sa qualification est plus évidente sur les critères de celle-ci.
Deux approches nous semblent envisageables.
La plus simple est celle de la cour, qui s'est bornée à constater que le dommage trouvait son origine dans une opération relevant du fonctionnement normal de l’ouvrage -l’évacuation périodique des sédiments par chasse est inhérente au fonctionnement d’un ouvrage hydraulique-, sans s’interroger sur la manière dont elle avait été exécutée – fréquence, moment, modalités. Selon cette approche, la distinction entre dommage permanent et dommage accidentel réside dans l'origine du fait générateur du dommage : s'il se rattache à un usage normal de l'ouvrage, il s'agit d'un dommage permanent, quelle que soit la manière dont il en a été fait usage lors de la survenance du dommage. Ne seront accidentels que les dommages survenus à l’occasion du fonctionnement de l’ouvrage mais qui ne trouvent pas leur cause dans le fonctionnement de l’ouvrage.
L'autre approche est plus subtile puisqu'elle ne s’arrête pas au constat que le dommage trouve sa cause dans le fonctionnement de l'ouvrage mais tient compte des conditions dans lesquelles ce fonctionnement a eu lieu, ce qui conduit à qualifier d'accidentel le dommage causé par un fonctionnement anormal de l'ouvrage.
La première approche présente à nos yeux le double avantage de la simplicité et de ne pas réintroduire dans un régime de responsabilité sans faute une recherche du caractère plus ou moins normal du fonctionnement de l'ouvrage, qui conduit inéluctablement à une appréciation qualitative du comportement du maître de l'ouvrage au regard de ses obligations de bon usage et de bon entretien de l'ouvrage. Elle évite également la tentation de mesurer l'anormalité du fonctionnement de l'ouvrage à l'aune de la gravité du dommage. Elle semble enfin être celle que vous avez implicitement suivie dans votre décision précitée «Courson», où vous avez qualifié de dommage permanent le préjudice causé par la prolifération de lapins de garenne sur les remblais de la SNCF sans rechercher si ce phénomène était inhérent aux remblais ou avait atteint une situation critique du fait de l’inaction du maître de l’ouvrage à réguler la reproduction de ses hôtes. Vous avez au contraire explicitement rattaché aux dommages permanents imputables à l’ouvrage ceux résultant non seulement de son implantation mais aussi de son fonctionnement ou de son entretien (affirmation reprise dans CE, 31 mars 2008, n° 296053 N° Lexbase : A7562D79, aux Tables).
Mais elle a l'inconvénient de son avantage. Elle manque de finesse et risque de faire bénéficier d'un régime de responsabilité limité aux préjudices les plus graves des dommages qui, parce qu'ils relèvent en fait de la mauvaise gestion ou du mauvais entretien de l'ouvrage, ne contribuent pas à l'intérêt général qui justifie que les tiers en supportent, dans une certaine mesure, les conséquences. Or, comme l’illustre une de vos très récentes décisions, la responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage public du fait des dommages permanents qu’il peut causer aux tiers n’exclut pas la reconnaissance des fautes qu’il peut commettre dans la gestion de cet ouvrage, fautes dont le tiers victime peut se prévaloir pour demander au juge de lui enjoindre de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets (CE, 18 mars 2019, n° 411462 N° Lexbase : A1774Y4H, aux Tables, qui prolonge et précise, dans la champ de la responsabilité sans faute, la décision du CE, 27 juillet 2015, n° 367484 N° Lexbase : A0742NNS, p. 285). Le pouvoir d’injonction est ainsi limité à ce qui est nécessaire pour mettre fin aux seuls dommages causés par un comportement fautif du propriétaire de l’ouvrage parce que si la victime a droit à l’indemnisation des préjudices graves et spéciaux inhérents à l’existence ou au fonctionnement normal de l’ouvrage, elle est tenu de les supporter, contrairement aux conséquences de fautes dans la gestion de l’ouvrage, qui relèvent d’un fonctionnement anormal et présentent de ce fait un caractère accidentel. Il serait logique que lorsque cette faute est la cause exclusive du dommage, sa réparation elle-même ne soit pas limitée au préjudice grave et spécial. Vous ne l’avez certes pas précisé dans votre récente décision, qui s’en tient pour l’indemnisation au dommage grave et spécial, mais la question ne vous était pas posée.
La seconde approche, en permettant de n’opposer l’exigence de gravité et de spécialité du préjudice qu’aux préjudices trouvant leur cause dans un dommage permanent, inhérent à la présence ou au fonctionnement normal de l’ouvrage, apparaît ainsi plus en accord avec les principes fondateurs de ces régimes de responsabilité.
On le voit, chacune de ces deux approches comporte des avantages et des inconvénients entre lesquels nous avons avouons avoir beaucoup hésité. Nous en sommes arrivé à la conclusion que la bonne approche devait éviter de tracer une ligne de partage trop rigoureuse qui ne permettrait pas de trouver des solutions adaptées à la diversité des situations.
Pour le dire autrement, l’approche substantielle de la cour nous paraît devoir être posée en principe, tout en réservant le cas où le fait générateur du dommage, bien que trouvant sa cause dans le fonctionnement de l’ouvrage, est dû à un usage tellement éloigné du fonctionnement normal et prévu qu’il apparaît comme détachable de celui-ci et donc accidentel, selon un raisonnement qui ne serait pas sans rappeler celui que vous suivez pour qualifier la faute personnelle de l’agent public détachable du service. Ce même dommage qui, s’il était continu, conduirait le juge à enjoindre au maître d’ouvrage d’y mettre fin, car il procède d’une faute dans la maîtrise de l’ouvrage, rien ne justifie d’en faire supporter une part à la victime.
La cour n’a pas complètement suivi cette grille d’analyse puisqu’elle a qualifié le dommage de permanent en se bornant à constater qu’il trouvait sa cause dans l’exécution d’une opération inhérente au fonctionnement normal de l’ouvrage, sans rechercher si les modalités de son exécution ne devaient conduire à la regarder comme détachable de ce fonctionnement normal. Mais cette erreur de droit ne lui est pas reprochée.
En revanche, il lui est reproché d’avoir inexactement qualifié les faits et vous pourrez, si vous nous suivez, répondre à ce moyen dans le cadre de la grille d’analyse que nous avons décrite.
Il nous paraît fondé. Les chasses relèvent du fonctionnement normal de l’ouvrage lorsqu’elles ont lieu de manière régulière et dans certaines conditions de crue du fleuve. En n’y procédant pas pendant quatre ans puis en exécutant cette opération alors que le Rhône n’avait semble t-il pas atteint un débit suffisant, EDF a libéré une quantité exceptionnellement importante de sédiments dans des circonstances ne permettant pas leur évacuation normale. Les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette opération traduisent donc à notre avis, contrairement à ce qu’a jugé la cour, un fonctionnement anormal et donc fautif de l’ouvrage provoquant un dommage accidentel dont la victime peut demander réparation alors même que son préjudice ne présenterait pas un caractère grave et spécial.
Et par ces motifs nous concluons :
- à l’annulation de l’arrêt attaqué et au renvoi de l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon ;
- à ce que vous mettiez à la charge d’EDF le versement à la société CNR d’une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés.
[1] Comme l’explique le président Braibant dans ses conclusions sur la décision «ctrs Arbez-Gindre» (13 juillet 1965, p. 442) : «le régime de responsabilité applicable aux ouvrages publics est la contrepartie des privilèges qui leur sont attachés ; la collectivité bénéficie de privilèges pour les implanter, les construire et les protéger ; il est normal qu’elle répare les dommages que, même sans faute de sa part, leur existence ou leur fonctionnement ont causés».
[2] Le terme «grave» a remplacé le terme «anormal» à partir d’une décision CE, 1er février 2012, n° 347205 (N° Lexbase : A6878IBD), au rec.
[3] Cf. CE, 23 février 1968, n° 68976 (N° Lexbase : A5755B8N), au Rec.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2019-777 QPC du 19 avril 2019 (N° Lexbase : A4357Y9A)
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par Yann Le Foll
Le 24 Avril 2019
► Est inconstitutionnel le dispositif de caducité de la requête introductive d'instance en l'absence de production des pièces nécessaires au jugement en ce qu’il porte au droit à un recours juridictionnel effectif une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi. Telle est la solution d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 19 avril 2019 (Cons. const., décision n° 2019-777 QPC du 19 avril 2019 N° Lexbase : A4357Y9A).
En permettant au juge administratif de déclarer caduque une requête en matière de contentieux de l'urbanisme lorsque son auteur n'a pas produit, dans un délai déterminé et sans motif légitime, les pièces nécessaires au jugement de l'affaire, le législateur, par l'article L. 600-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7625LCE), dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, relative à l'égalité et à la citoyenneté (N° Lexbase : L6432LC9), a entendu limiter les recours dilatoires. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
Cependant, la caducité, qui a pour effet d'éteindre l'instance, est susceptible de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.
Or, en premier lieu, d'une part, la notion de «pièces nécessaires au jugement d'une affaire» est insuffisamment précise pour permettre à l'auteur d'une requête de déterminer lui-même les pièces qu'il doit produire. D'autre part, le juge administratif peut, sur le fondement des dispositions contestées, prononcer la caducité de la requête sans être tenu, préalablement, ni d'indiquer au requérant les pièces jugées manquantes ni même de lui préciser celles qu'il considère comme nécessaires au jugement de l'affaire.
En second lieu, d'une part, si la déclaration de caducité peut être rapportée lorsque le demandeur fait connaître, dans un délai de quinze jours, un motif légitime justifiant qu'il n'a pas produit les pièces nécessaires au jugement de l'affaire dans le délai imparti, elle ne peut en revanche être rapportée par la seule production des pièces jugées manquantes. D'autre part, dès lors que la caducité a été régulièrement prononcée, le requérant ne peut obtenir l'examen de sa requête par une juridiction ; il ne peut introduire une nouvelle instance que si le délai de recours n'est pas expiré.
Il en résulte la solution précitée.
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