Réf. : CEDH, 17 juillet 2010, Req. 15086/07 (disponible en anglais)
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N5133BXE
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par Marie Le Guerroué
Le 25 Juillet 2018
►Faute d’avoir examiné les allégations des requérants selon lesquelles des agents du FSB (les services secrets russes) ou de l’administration de la République tchétchène étaient impliqués dans l’assassinat de la journaliste d’investigation Anna Politkovskaïa, la Russie a manqué à son obligation de mener une enquête adéquate et prompte, ce qui a emporté violation du volet procédural de l’article 2 de la CESDH (N° Lexbase : L4753AQ4). Ainsi statue la CEDH, par cinq voix contre deux, dans un arrêt du 17 juillet 2018 (CEDH, 17 juillet 2010, Req. 15086/07, disponible en anglais).
Anna Politkovskaïa, était une journaliste d’investigation connue pour avoir enquêté sur des allégations de violations des droits de l’Homme en Tchétchénie et pour avoir à plusieurs reprises critiqué la politique du président russe Vladimir Poutine. Elle avait été retrouvée assassinée dans son immeuble à Moscou en 2006. Les requérants -sa mère, sa sœur et ses enfants- invoquaient le droit à la vie protégé par l’article 2 de la CESDH et soutenaient qu’en étant pas parvenu à identifier le commanditaire de l’assassinat de la journaliste, les autorités russes ne s’étaient pas acquittées de leur obligation de mener une enquête effective.
La Cour rappelle que l’une des obligations que la Convention fait peser sur les Etats en cas d’homicide est de mener une enquête effective, indépendamment de l’implication ou non d’un agent de l’Etat. Le respect de cette exigence s’apprécie en tenant compte de différents facteurs comme l’adéquation des mesures d’investigation, la promptitude de l’enquête ou la participation des proches du défunt. En l’espèce, compte tenu de la profession de journaliste d'investigation d'Anna Politkovskaïa, les autorités devaient aussi rechercher s’il existait un lien entre l’assassinat de la journaliste et son travail.
La Cour note que l’enquête a, effectivement, conduit à des résultats puisque cinq hommes ont été reconnu coupables du meurtre. Pour autant, elle note aussi qu’aucun effort n’a été fait pour en identifier le commanditaire. La théorie des autorités russes désignait un homme d’affaires russe qui résidait à Londres et qui était décédé sans toutefois préciser les moyens mis en œuvre pour suivre cette piste, ni étudier d’autres hypothèses, dont celles des requérants qui alléguaient que des agents du FSB ou de l’administration de la République tchétchène étaient impliqués.
La Cour observe que le Gouvernement n’a, en outre, pas justifié pourquoi l’enquête était toujours en cours depuis douze ans.
Elle conclut donc que l’Etat russe a manqué à son obligation de mener une enquête adéquate et prompte, ce qui a emporté violation du volet procédural de l’article 2 (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E4886EXA).
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Réf. : Cass. soc., 11 juillet 2018, deux arrêts, n° 16-20.029 (N° Lexbase : A9420XX8) et n° 17-12.605 (N° Lexbase : A9485XXL), FP-P+B
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N5135BXH
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par Laïla Bedja
Le 23 Juillet 2018
► L’obligation pour l’employeur d’affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun qui était, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I), trentenaire ; la créance dépendant d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne court qu’à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 11 juillet 2018 (Cass. soc., 11 juillet 2018, deux arrêts, n° 16-20.029 N° Lexbase : A9420XX8 et n° 17-12.605 N° Lexbase : A9485XXL, FP-P+B).
Dans les deux espèces, les salariés demandent devant la juridiction prud’homale la régularisation par leurs employeurs respectifs, de leurs situations auprès des organismes de retraite complémentaires (ARRCO et AGIRC) en tenant compte de l’ensemble des éléments de leurs rémunérations pour des postes qu’ils ont occupés entre 1978 et 1996.
Dans la première affaire (pourvoi n° 16-20.029), la cour d’appel (CA Versailles, 19 mai 2016, n° 14/05329 N° Lexbase : A6462RPZ) juge la demande irrecevable en retenant que la prescription quinquennale instaurée par l’article L. 143-14 de l’ancien Code du travail, devenu L. 3245-1 (N° Lexbase : L0734IXH), s’applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail, que les cotisations de retraite patronales sont calculées et versées en principe en même temps que le salaire est payé au salarié, et que, dès lors, un salarié ne peut engager une action en paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires si l’action en paiement du salaire correspondant ne lui est pas ou plus ouverte. Le salarié forma alors un pourvoi en cassation.
Dans la seconde espèce (pourvoi n° 17-12.605), la cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 7 décembre 2016, n° 14/13621 N° Lexbase : A0262SPE) accède à la demande du salarié, rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription. L’employeur forma donc un pourvoi en cassation.
Pour les deux affaires, la Haute juridiction, énonçant la solution précitée, est unanime ; l’arrêt déclarant irrecevable la demande est cassé et le pourvoi de la société est rejeté.
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newsid:465135
Réf. : Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 17-22.381, FS-P+B (N° Lexbase : A9496XXY)
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N5061BXQ
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par June Perot
Le 18 Juillet 2018
► Les interrogations d’un auteur, au sein d’un ouvrage, sur l’évolution de la doctrine d’un parti politique, présenté comme plutôt homophobe à l’origine, et l’influence que pourrait exercer, à ce titre, l’orientation sexuelle de plusieurs de ses membres dirigeants, relèvent d’un débat d’intérêt général et ce d’autant que le dirigeant qui invoque une atteinte à sa vie privée est devenu un membre influent du parti. Telle est la solution d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 11 juillet 2018 (Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 17-22.381, FS-P+B N° Lexbase : A9496XXY ; v. déjà en ce sens : Cass. civ. 1, 9 avril 2015, n° 14-14.146, FS-P+B N° Lexbase : A5249NGI).
Dans cette affaire, le secrétaire général du Front national, invoquant l’atteinte portée à sa vie privée du fait de la révélation de son homosexualité dans un ouvrage, avait assigné son auteur, aux fins d’obtenir la réparation du préjudice en résultant.
En cause d’appel, après avoir relevé que l’auteur de l'ouvrage litigieux s'interrogeait sur les motifs de l'évolution du Front national, s'agissant, notamment, de son positionnement dans le débat relatif au mariage des personnes de même sexe et, plus généralement, de la lutte contre l'homophobie, l'arrêt a énoncé que, pour illustrer sa démonstration, il ne pouvait choisir de révéler l'orientation sexuelle du dirigeant politique en partant du principe, pour le moins sommaire, que celui-ci avait participé, du fait de son appartenance à la communauté homosexuelle, à la prise de position du parti relative au projet de loi sur le mariage pour tous. Les juges en ont déduit que cette révélation n'était pas justifiée par le droit à l'information légitime du public, ni proportionnée à la gravité de l'atteinte portée à la sphère la plus intime de sa vie privée.
Un pourvoi a été formé par l’auteur de l’ouvrage. La Haute juridiction, dans un attendu de principe aussi prolixe que pédagogique qui mérite d’être ici retranscrit, rappelle tout d’abord que «le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression revêtent une même valeur normative». Ensuite, «qu'il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime ; que, pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet de cette publication, le comportement antérieur de la personne concernée, ainsi que le contenu, la forme et les répercussions de la publication» (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, § 93 N° Lexbase : A2074NWQ ; Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 16-28.741, FS-P+B N° Lexbase : A8014XHB)
Elle énonce ensuite qu’il «résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme que se rapportent à un débat d'intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu'il peut légitimement s'y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu'elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, précité, § 103) ; que tel est le cas également des questions qui sont susceptibles de créer une forte controverse, qui portent sur un thème social important ou encore qui ont trait à un problème dont le public aurait intérêt à être informé (ibid.) ; que, si toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée (Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 06-10.393, FS-P+B+I N° Lexbase : A4173DU4,, le fait d'exercer une fonction publique ou de prétendre à un rôle politique expose nécessairement à l'attention du public, y compris dans des domaines relevant de la vie privée, de sorte que certains actes privés de personnes publiques peuvent ne pas être considérés comme tels, en raison de l'impact qu'ils peuvent avoir, eu égard au rôle de ces personnes sur la scène politique ou sociale et de l'intérêt que le public peut avoir, en conséquence, à en prendre connaissance (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, précité, § 120)».
En conséquence, l’arrêt est censuré.
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Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 11 juillet 2018, n° 410924, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7991XXA)
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N5033BXP
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par Marie-Claire Sgarra
Le 18 Juillet 2018
►Si, aux fins de limiter les risques de fraude, les véhicules conçus pour transporter des personnes sont exclus du droit général à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, cette exclusion ne s’applique pas aux assujettis dont les véhicules sont affectés de façon exclusive à l’enseignement professionnel de la conduite. A cet égard, le fait que la prestation d’enseignement soit exercée dans un contexte de loisir et n’ait pas un caractère diplômant est sans incidence sur le bénéfice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 11 juillet 2018 (CE 10° et 9° ch.-r., 11 juillet 2018, n° 410924, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7991XXA).
En l’espèce, pour confirmer la remise en cause, par l’administration fiscale, de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses afférentes aux véhicules que la société requérante utilise dans le cadre de son activité d’initiation ou pilotage sur circuit, la cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 28 mars 2017, n° 16DA00962 N° Lexbase : A4630UP8) a estimé que ces véhicules n’étaient pas affectés de façon exclusive à l’enseignement de la conduite dès lors, d’une part, que les prestations proposées s’inscrivaient dans un contexte de loisir sportif et, d’autre part, que leur contenu n’était encadré par aucune disposition législative ou règlementaire. La cour n’a ainsi pas recherché si compte tenu de l’activité effective de la société requérante, les véhicules en cause devaient être regardés comme affectés de façon exclusive à l’enseignement professionnel de la conduite et a entaché ainsi son arrêt d’erreur de droit (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8046ALL).
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