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N4353BXI
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par Mamadou Ismaïla Konate, Avocat, ancien Garde des Sceaux ministre de la Justice de la République du Mali
Le 13 Juin 2018
L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) est née le 17 octobre 1993 en Ile Maurice par le Traité de Port-Louis (N° Lexbase : L3252LGK), depuis, révisé en 2008 (N° Lexbase : L3251LGI) à Québec. Elle regroupe pour le moment dix-sept pays [1]. L’objectif originel était d’instaurer en Afrique subsaharienne essentiellement francophone un espace unifié et sécurisé [2], permettant le développement des activités économiques des Etats-parties pour répondre aux attentes et besoins des investisseurs nationaux et étrangers.
L’OHADA comprend cinq grandes institutions. Outre la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernements et le Conseil des ministres, le Secrétariat Permanent qui est basé à Yaoundé au Cameroun, la Cour commune de justice et d’arbitrage à Abidjan en Côte d’ivoire, et l’Ecole régionale supérieure de la magistrature à Porto Novo au Bénin.
A ce jour, une abondante production normative a permis une réelle et authentique pratique du droit des affaires au sein d’un espace, jadis dominé par le foisonnement et la très grande disparité des textes juridiques en vigueur au sein des Etats-parties, lesquels textes étaient pour la plupart inaccessibles, méconnus ou inusités.
Cependant, au regard de l’évolution du droit et de son environnement en perpétuelle mutation, sans compter les nouvelles exigences qui se font jour dans la pratique des affaires, un constat paraît évident : les institutions et organes initiaux de l’Organisation apparaissent aujourd’hui à la fois inadaptés et incomplets, à tout le moins pas toujours à même de lui assurer de nouvelles perspectives permettant de mieux asseoir le droit et la pratique communautaire juridique au sein d’un monde de plus en plus complexe et concurrentiel.
Il est aujourd’hui devenu nécessaire et même impérieux d’entreprendre une réflexion en vue de faire évoluer les organes et les institutions de l’OHADA, pour une plus grande efficacité, dans une synergie d’action plus large et plus coopérative tant de l’ensemble des Etats-parties que des Etats non-parties, mais qui souhaitent nouer un cadre de partenariat.
Cette nécessaire réforme devrait pouvoir être envisagée de façon sereine, notamment en ce qui concerne les structures décisionnelles de l’Organisation et ses instances techniques. Il s’agit également de développer des actions ambitieuses visant à promouvoir l’OHADA dans la communauté juridique des affaires et économique mondiale.
On aurait tort de considérer tout ceci comme de simples questions de spécialistes. Bien au contraire, il s’agit de placer l’OHADA au cœur d’une stratégie africaine de développement économique et d’en faire plus encore l’un des moteurs dans le monde. Une telle vision n’est d’ailleurs pas en déphasage avec les travaux de l’Union Africaine visant à développer une zone continentale de libre échange qui, espérons-le, verra le jour dans des délais raisonnables. Au risque d’une certaine redondance, la réforme des institutions de l’OHADA va dans le sens de l’histoire. Si la structure ne se réforme pas, si elle n’évolue pas rapidement, elle risque de se retrouver marginalisée et dépassée, ce qui serait fort dommageable vu le travail abattu depuis un quart de siècle. Dès lors, il ne s’agit pas de réformer pour réformer mais bel et bien de positionner et d’armer l’OHADA pour qu’elle puisse répondre aux défis à venir. Derrière tout cela c’est du développement économique de l’Afrique et de l’affirmation de structures juridiques solides dont il est question.
I - Réformer les organes décisionnels : plus de fluidité, d’efficacité
Au sein de l’OHADA, trois institutions sont dotées du pouvoir décisionnel qui leur permet de prendre des actes et des mesures portant effets : la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement dont il faut aménager les compétences pour faire face aux nouvelles contraintes et le Conseil des ministres qui doit être encore plus efficace. Quant à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, elle gagnerait, elle aussi, à être largement réformée.
A - La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement : l’adapter aux nouveaux enjeux
Instituée à la faveur de la révision du Traité d’octobre 2008 à Québec, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement est l’organe suprême de l’OHADA. Elle est compétente pour toutes les questions relatives au Traité. A l'instar des autres organisations multinationales, elle se réunit à l'initiative de son Président ou à celle des deux tiers des Etats membres. Les décisions sont prises par consensus ou, à défaut, à la majorité absolue des Etats-parties présents. Si la mise en place de cette institution vise à donner une impulsion aux actions de l’OHADA, elle tend toutefois à transformer l’Organisation, conçue à l’origine comme un outil technique d’intégration juridique, en une machine politique à l’instar de beaucoup d’autres dans le continent, les intérêts politiques divergents des Etats membres ou leur passivité pouvant retarder la prise de certaines décisions importantes. De plus, l’institutionnalisation d’une Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement instaure une procédure lourde et coûteuse qui peut grever dangereusement le budget de l’Organisation au détriment d’autres activités [3].
Pour ces raisons, il est urgent d’envisager la réforme de cette institution sans pour autant la supprimer. Ses missions devraient être davantage sériées pour tenir compte du caractère technique et juridique de l’OHADA qui doit rester à l’abri des contingences politiques. Ainsi est-il proposé de réduire les missions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement en les ramenant à la seule révision du Traité pouvant intervenir à tout moment, à l’initiative des deux tiers des Etats membres. Elle se réunira une fois tous les cinq ans pour adopter un plan quinquennal, fixer et orienter la stratégie, et procéder, si besoin, à la révision du Traité. Une telle souplesse dans la structuration et les missions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement permettra une meilleure fluidité dans la mise en œuvre des grandes orientations qu’elle aura dégagé pour les autres organes, notamment pour le Conseil des ministres. Le sujet de l’institution d’un mécanisme efficace de financement des activités de l’organisation fait partie des priorités qu’un plan quinquennal devrait prendre en charge pour assurer la poursuite et la pérennisation des activités de l’organisation.
B - Le Conseil des Ministres : le rendre plus efficace
Le Conseil des ministres OHADA est composé des ministres chargés de la Justice et des Finances. Il se réunit au moins une fois par an, sur convocation de son Président, à l'initiative de celui-ci ou du tiers des Etats-parties. Il ne peut valablement délibérer que si deux tiers au moins de ses membres sont représentés. La présidence est assurée à tour de rôle par chaque Etat-partie pour une durée d'un an dans l'ordre alphabétique des pays. Dans le présent format, c'est le Conseil qui se charge de l'adoption des Actes Uniformes, d'élire les membres de la Cour commune de justice et d'arbitrage et d’adopter les budgets annuels de son Secrétariat Permanent, de nommer le Secrétaire Permanent et le directeur de l'Ecole régionale Supérieure de la Magistrature.
A l’évidence, les missions et compétences du Conseil des ministres sont nombreuses et marquent nécessairement le fonctionnement normal des autres organes. Or, en tant qu’émanation des gouvernements des Etats membres, les membres du Conseil des ministres ne sont pas toujours disponibles pour assurer au mieux leur rôle. On assiste à une grande lourdeur dans les procédures, toute chose qui joue sur l’efficacité du système [4].
Aussi, pour éviter cette situation dommageable, on pourrait réorienter les missions et compétences du Conseil des ministres avec plus de clarté et de précision pour que l’Organisation gagne en efficacité. Ainsi, le Conseil des ministres pourra être utilement chargé de la mise en œuvre du plan quinquennal de l’Organisation, du suivi de ses activités, de la validation de la nomination des personnes composant ses institutions, de l’adoption des Actes Uniformes nouveaux ou révisés et, enfin, du suivi et de la validation du budget.
C - La Cour commune de justice et d’arbitrage : gagner en commodité
La Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) est la juridiction suprême de l’OHADA, elle se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel ou celles rendues en premier et dernier ressort. La compétence de la Cour couvre l’interprétation et l’application du Traité, des règlements et des Actes Uniformes. Son organisation actuelle lui confère le monopole des pourvois en cassation pour tout litige impliquant l’application des Actes Uniformes. Un tel monopole viendrait à dépouiller les juridictions suprêmes nationales de l’essentiel du contentieux des affaires, ce qui ne va pas sans grincements de dents [5]. De plus, le format actuel de la Cour ne favorise pas la rapidité dans le traitement des dossiers, ce qui est un inconvénient majeur quand on sait le rôle crucial de la célérité dans les affaires. Ce constat impose donc une réforme de la CCJA pour une plus grande efficacité dans le traitement judiciaire du contentieux des affaires dans l’espace communautaire.
On peut donc envisager, au plan judiciaire et à titre expérimental, la possibilité d’avoir, au sein des Cours d’appel, des chambres spécialisées OHADA dans les Etats membres de l’Organisation, tenant compte du poids démographique des Etats-parties et du niveau de leurs activités économiques. Sur ces bases, le nombre de chambres spécialisées à instituer varierait d’une à trois, dans une à trois cours d’appels par Etats-parties. Elles auront des compétences plus larges qu’actuellement, la nouveauté se situant à deux niveaux. Tout d’abord et principalement, au sein des cours d’appels, ces chambres OHADA statueront en dernier ressort sans possibilité de recourir à la CCJA pour certains types d’affaires et de contrevaleur. Cette dernière ne sera saisie que des pourvois de pur droit. En cas de cassation, elle disposera de la faculté d’évoquer l’affaire et de statuer en dernier ressort comme actuellement ou de faire un renvoi devant une juridiction d’appel d’un Etat-partie, ce qui est une nouveauté. Ensuite, c’est le second niveau, au sein des chambres spécialisées OHADA dans les Cours d’appel nationales seront nommés de sept à onze magistrats, sans considération de nationalité, dans une proportion d’un tiers de nationaux, d’un tiers de juges ressortissants de la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine) et d’un dernier tiers issu de la zone CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale), à l’exception des Comores, de la Guinée Bissau et de la Guinée Equatoriale pour des questions de langues à régler sans compter le Cameroun dans une certaine mesure. Tous les juges étant nommés selon les mêmes modalités de recrutement que ceux de la CCJA.
Par ailleurs, en vue d’accélérer l’intégration juridique et judiciaire qui est, rappelons-le l’un des objectifs prioritaires de l’Organisation, il est proposé de donner la possibilité aux plaideurs de délocaliser le règlement de leur contentieux par l’institution d’une «convention de compétence» au sein de la communauté OHADA. A l’image de la convention d’arbitrage, cette «convention de compétence» pourra se former soit, par clause de compétence insérée dans un contrat avant la naissance de tout litige, soit par un compromis de compétence à la naissance d’un éventuel litige. Cette ouverture nécessitera en outre, la mise en place d’un barreau-OHADA en lieu et place d’une conférence des Bâtonniers de l’espace OHADA qui ne peut se concevoir sans avocats et sans barreau. Un barreau est la structure qui assurera une meilleure synergie d’action dans la défense des intérêts des justiciables au sein de l’espace communautaire et constituera de veille face à la juridiction communautaire suprême.
II - Réformer les organes techniques : plus de collectif et de compétences, plus d’influence et de lobbying
Au-delà de la réforme des instances décisionnelles, il convient également d’agir sur les organes purement techniques. On en compte deux principaux : le Secrétariat Permanent et l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA). Pour une plus grande efficacité, la structure d’ensemble de ces deux instances doit évoluer. Le Secrétariat Permanent gagnerait à devenir un Secrétariat Exécutif, l’ERSUMA évoluant quant à elle en Ecole communautaire. On ajouterait également une troisième et nouvelle structure à créer dénommée le «Tiers Etat OHADA». Enfin, il faut absolument envisager une politique de lobbying et de communication pour développer l’Organisation.
A - Le Secrétariat permanent devenant le Secrétariat exécutif : jouer plus collectif
Le Secrétariat permanent est l'organe exécutif de l'OHADA, ses principales attributions sont actuellement d’assister le Conseil des Ministres et coordonner les activités des institutions, de préparer et suivre la procédure d'adoption des Actes Uniformes, de les publier au Journal Officiel de l'OHADA et d’exercer la tutelle sur l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature.
Depuis 2008, le Secrétaire permanent est désigné par le Conseil des ministres pour une durée de quatre ans renouvelable une fois. Il nomme ses collaborateurs conformément aux critères de recrutement définis par le Conseil des ministres, sur la base de compétences professionnelles, et dans la limite des effectifs prévus au budget. Cependant, aujourd’hui nombre d’Etats-parties se sentent à l’écart du fonctionnement de l’Institution, ce qui à terme peut entraîner une certaine désaffection de ces Etats vis-à-vis de l’Organisation à un moment où la solidarité communautaire devrait être renforcée.
Ainsi, est-il proposé que le Secrétariat Permanent soit transformé en Secrétariat Exécutif composé des représentants des dix-sept Etats-parties. Ces représentants porteront le titre d’Ambassadeurs de tel ou tel Etat près l’OHADA, ce qui aura pour avantage d’alléger le budget de fonctionnement de l’Organisation en faisant directement supporter les charges de séjour de ces «diplomates» par leur propre pays. Ils auront pour mission de procéder à l’animation et au suivi des activités administratives, législatives et politiques de l’OHADA. Le Secrétaire Exécutif est ressortissant de l’Etat-partie qui assure la présidence du Conseil des Ministres. Il assure cette fonction pour une période de douze mois. Durant ces douze mois, le Secrétaire Exécutif assure les fonctions d’Administrateur en Chef de l’Organisation et la représente aux yeux des tiers.
La mise en oeuvre d’une telle formule aura l’avantage de permettre une meilleure animation de l’OHADA avec la participation effective de tous les Etats-parties, ce qui est assurément un gage de succès et d’atteinte des finalités affichées de l’Organisation.
B - L’ERSUMA devenant Ecole communautaire OHADA : monter en compétence et se recentrer sur des missions de formation et de recherches fondamentales
L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature avait fait l’objet de plusieurs propositions de réformes [6]. Ces propositions ont en partie été prises en compte par le Traité révisé de 2008. En effet, aux termes de l’article 41 du Traité, «il est institué un établissement de formation, de perfectionnement et de recherche en droit des affaires dénommé Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature». De la sorte, l’ERSUMA ne doit plus se limiter à assurer un perfectionnement au bénéfice du seul personnel judiciaire des Etats-parties, mais peut élargir ses actions de formation pour englober tant les personnels judiciaires que para-judiciaires, les personnes du secteur privé et d’une manière générale, les acteurs du monde des affaires. Ses actions de formation peuvent également porter sur les matières des autres organisations communautaires des affaires telles l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la Conférence Interministérielle des Marchés d’Assurance et l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle et de bien d’autres.
La mission de recherche confiée à l’ERSUMA soulève toutefois quelques interrogations. En effet, s’il est vrai, que l’Ecole, au regard de la facilité qu’elle a pour constituer une base de données jurisprudentielles peut être un centre de documentation très efficace en droit africain des affaires [7], il est à craindre que cette mission de recherche ne vienne annihiler les missions principales de formation et de perfectionnement en droit des affaires.
Pour recentrer l’ERSUMA sur ces missions essentielles de formation et de perfectionnement, il est proposé de changer sa dénomination en «Ecole communautaire OHADA» qui aura pour mission de dispenser des enseignements du droit OHADA, de constituer un centre de documentation de référence en la matière, d’assurer la formation initiale et continue en droit OHADA, d’en valider les connaissances et les enseignements par la délivrance de certificats, de diplômes ou de mention de spécialités, de procéder à la formation à distance et d’assurer la promotion et la diffusion du droit OHADA, toute chose qui contribuera à mieux assoir le rayonnement de l’OHADA tant en Afrique que dans le reste du monde.
C - L’institution d’un nouvel organe dénommé le «Tiers Etat OHADA» : gagner en influence
Monument juridique de la première importance, l’OHADA suscite de nombreux espoirs tant au sein de l’Organisation qu’au-delà. Ainsi, certains Etats non-parties comme le Ghana, le Nigéria ou le Maroc, pourraient être intéressés. Pour transformer ces espoirs en réalité, il convient d’associer les forces vives des Etats-parties de l’Organisation au processus OHADA en créant un cadre juridique propice et opérationnel à la coopération pour attirer de nouveaux entrants. A côté, le «Tiers Etat OHADA» regrouperait les représentants des usagers, utilisateurs et bénéficiaires du droit communautaire. C’est-à-dire des professionnels du droit, de la justice et des chiffres. Il aura une voix consultative au sein de l’Organisation et sera appelé à remplacer les actuelles commissions nationales. Une telle formule pourrait rendre l’OHADA plus attractive et plus effective, toute chose qui garantira au mieux l’atteinte des objectifs d’intégration, de sécurité juridique et judiciaire, pour un meilleur développement socio-économique de l’Afrique.
D - Développer un lobbying OHADA : faire rayonner l’organisation, renforcer les liens avec les partenaires et associer de nouveaux acteurs
On ne pourra faire rayonner l’OHADA et développer le droit communautaire sans faire l’économie d’une communication et un lobbying plus charpentés, ni sans développer des initiatives ciblées que ce soit en Afrique bien évidemment mais également hors du Continent.
L’OHADA a un rôle à jouer dans l’enseignement du droit communautaire au sein de l’enseignement supérieur africain. Aujourd’hui l’enseignement du droit OHADA reste épars, encore trop balbutiant et morcelé dans les Etats-membres [8]. L’organisation doit impérativement sensibiliser les Facultés de Droit sur la question en les aidant et en les conseillant pour mettre en place de véritable cursus-OHADA dans les dernières années d’études des apprentis juristes. On gagnerait également à infuser le droit OHADA chez les juges nationaux qui, trop souvent encore, voient l’organisation et ses magistrats comme des empêcheurs de tourner en rond et de ronronner tranquillement. L’Ecole communautaire a un rôle à jouer mais elle ne doit pas simplement rester un simple centre d’enseignement ni une structure collectant la documentation OHADA. Depuis quelques temps, elle organise des formations délocalisées dans les pays membres, c’est heureux mais cela reste peut-être insuffisant au vu de son potentiel.
Les activités de formation permettraient de passer des conventions d’associations ou de réels partenariats avec des écoles prestigieuses que ce soit dans les domaines juridiques stricto sensu ou dans les études africanistes (de la London School of Economics à la School of Oriental and African Studies, en passant par l’Université de Galatasaray ou Sciences Po Paris avec son Ecole de Droit et son programme Europe-Afrique). Ceci légitimerait et valoriserait encore davantage le travail de l’OHADA, permettrait de recueillir des ressources humaines et financières, et de développer plus encore l’aura du droit communautaire.
Pour les Institutions qui soutiennent l’organisation au premier rang desquelles on trouve l’Union Européenne, la Banque Africaine de Développement, le Programme des Nations Unies pour le Développement et l’Organisation Internationale de la Francophonie au sein desquels l’OHADA doit être plus visible et mieux connue au-delà des petits cercles de spécialistes évoluant dans ces institutions.
Plus globalement, l’OHADA gagnerait à évangéliser les mondes non-africains pour porter la bonne nouvelle du droit communautaire. Ceci notamment dans les pays qui investissent en Afrique, de la Chine à la Turquie en passant par la France ou le Brésil. Bien évidemment les facultés de droit, les barreaux et le monde juridique de ces pays sont les cibles prioritaires mais on doit également penser à toutes les associations économiques (patronales, investisseurs, etc.) tentées par le continent. Ceci afin de démontrer aux plus frileux que leurs investissements seront sécurisés, d’attester que des normes existent et que l’Afrique n’est décidément pas une terra incognita au niveau du droit des affaires.
L’OHADA a un quart de siècle. Le monde et l’Afrique ont changé depuis ses débuts, les choses s’accélèrent, la demande et les obligations se font plus pressantes, le niveau d’intervention et les exigences augmentent. Réformer l’Organisation paraît indispensable pour développer une réelle force de frappe capable de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain.
Il faut s’en donner les moyens économiques, humains et structurels. C’est un impératif pour le développement des pays africains.
[1] Cf. Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée, Guinée-Equatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo. Les langues de travail sont celles de l’Afrique (français, anglais, portugais et espagnol). Voir : http://www.OHADA.org/index.php/fr/.
[2] Cf. K. M’Baye, l’unification du droit en Afrique, Revue sénégalaise de droit, n° 10, décembre 1971, p.65 ; J. Issa-Sayegh et J. Lohoues-Oble, OHADA, Harmonisation du droit des affaires, coll. Droit uniforme africain, UNIDA, Juriscope, Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 87 ; B. Martor et S. Thouvenot, L’unification du droit des affaires en Afrique par l’OHADA, La semaine Juridique, n° 44, 28 octobre 2004, Supplément n° 5, p. 11 ; J. Issa-Sayegh, L’intégration juridique des Etats africains de la Zone Franc, Revue Penant, n° 823, Janvier-avril 1997, p. 5 et suiv ; M. Alliot, Problème de l’unification du droit africain, Journal of African Law, Vol. II, n° 2, 1967 ; J. Issa-Sayegh, L’OHADA, Instrument d’intégration juridique, Revue de jurisprudence commerciale, juin, 1999, p. 237.
[3] Cf. S. Toe, Les enjeux et les perspectives du traité OHADA révisé, Penant, 2010, n° 872, p. 357.
[4] En témoignent les lourdes et coûteuses procédures de révision des Actes Uniformes.
[5] Notamment en raison de la résistance de certaines juridictions nationales. En ce sens, voir par exemple : Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, 16 août 2001, n° 01-158/C.
[6] Cf. J. Issa-Sayegh et P.-G. Pougoué, L’OHADA : défis, problèmes et tentatives de solutions, Actes du Colloque sur l'harmonisation du droit OHADA des contrats - Ouagadougou 2007, Revue de droit Uniforme, UNIDROIT, 2008, p. 455.
[7] Selon F.-M. Sawadogo, «L’ERSUMA a abattu un travail important, de même que nombre d’Etats et d’universités, qui explique que le droit OHADA soit incontestablement le droit communautaire le plus connu en Afrique. Il est même plus connu que le droit national. Il reste à poursuivre l’œuvre en veillant à l’accroissement de son efficacité. Finalement, le rôle essentiel de l’ERSUMA, c’est de contribuer à une correcte application des Actes Uniformes… », in Présentation de l’OHADA : les organes de l’OHADA et les Actes Uniformes, OHADATA, D-O6-32.
[8] Voir sur ce point : A. Sow, La diffusion du droit communautaire Ouest-Africain, Civitas Europa, n° 37, 2016/2, pp. 351-370.
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 6 juin 2018, n° 410774, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4563XQ3)
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N4435BXK
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par Yann Le Foll
Le 13 Juin 2018
Est illégal un couvre-feu des mineurs de moins de treize ans en l’absence de risques avérés de troubles à l'ordre public. Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 6 juin 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 6 juin 2018, n° 410774, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4563XQ3).
Il ne ressort des documents présentés par la ville devant les juges du fond ni que la mise en cause des mineurs de moins de 13 ans présente un niveau particulièrement élevé dans les zones concernées par l'arrêté attaqué, ni que l'augmentation de la délinquance constatée, en 2013 et au premier semestre 2014, dans ces zones se soit accompagnée d'une implication croissante de ces mineurs.
Dans ces conditions, en jugeant, sans que des éléments précis et circonstanciés de nature à étayer l'existence de risques particuliers relatifs aux mineurs de moins de 13 ans dans le centre ville de Béziers et dans le quartier de la Devèze ne soient soumis à son appréciation, que la mesure d'interdiction de circulation des mineurs de moins de 13 ans contestée était justifiée par l'existence de risques particuliers et adaptée aux objectifs visés, la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 5ème ch., 20 mars 2017, n° 16MA03385 N° Lexbase : A4165UCA) a entaché son arrêt d'inexacte qualification juridique des faits.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2018-711 QPC du 8 juin 2018 (N° Lexbase : A4533XQX)
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par Yann Le Foll
Le 13 Juin 2018
► Les modalités de versement de la dotation d’intercommunalité peuvent varier entre communautés d'agglomération de plus trois ans et celles nouvellement créées, ceci sans nuire au principe d’égalité. Ainsi statue le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 8 juin 2018 (Cons. const., décision n° 2018-711 QPC du 8 juin 2018 N° Lexbase : A4533XQX).
Les Sages relèvent, d’une part, que la différence de traitement instaurée par le paragraphe I de l'article L. 5211-33 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8265KG9) n'est pas pérenne.
D'autre part, en assortissant l'attribution de la dotation d'intercommunalité de garanties proportionnelles aux attributions individuelles par habitant perçues les années précédentes, le législateur a entendu assurer aux établissements publics de coopération intercommunale la stabilité et la prévisibilité de leurs ressources.
Or, à cet égard, les communautés d'agglomération d'au moins trois ans d'existence ne sont pas placées dans la même situation que les établissements publics de coopération intercommunale nouvellement créés, qui n'ont jamais perçu une telle dotation. Elles ne sont pas davantage placées dans la même situation que les communautés d'agglomération issues de la fusion ou de la transformation d'établissements publics, dont l'attribution de dotation d'intercommunalité était, jusqu'alors, déterminée en fonction des règles et de la composition propres à la catégorie dont elles relevaient.
Les différences de traitement contestées sont donc justifiées par une différence de situation. Elles sont également en rapport avec l'objet de la loi. Il en résulte la solution précitée.
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newsid:464454
Réf. : Cass. civ. 3, 7 juin 2018, n° 17-15.981, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4489XQC)
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N4437BXM
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par June Perot
Le 13 Juin 2018
► Le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire. Telle est la solution d’un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 7 juin 2018 (Cass. civ. 3, 7 juin 2018, n° 17-15.981, FS-P+B+I N° Lexbase : A4489XQC).
Dans cette affaire, une association foncière urbaine (le maître de l’ouvrage) a confié des travaux de rénovation d’un immeuble à une entreprise (l’entrepreneur principal), qui a sous-traité les menuiseries extérieures à une autre société (le sous-traitant) agréée et bénéficiaire d’une délégation de paiement. L’association foncière estimant avoir payé des acomptes pour des prestations qui n’avaient pas été exécutées, a assigné en restitution le sous-traitant.
En cause d’appel, pour condamner le sous-traitant à payer à l’association foncière une somme de 35 771,43 euros, l’arrêt a retenu que, si la délégation consentie par l’entrepreneur principal au maître de l’ouvrage privait ce dernier de la possibilité d’opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l’entrepreneur principal, elle ne lui interdisait pas de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l’entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant, de sorte que l’association foncière était recevable à contester les factures comme aurait pu le faire l’entrepreneur principal en l’absence de délégation de paiement.
A tort selon la Haute juridiction qui énonce la solution et censure l’arrêt.
La solution énoncée par la Cour est celle qui figure au nouvel article 1336 du Code civil (N° Lexbase : L0984KZH), issu de l’ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4202K87), lequel énonce que : «Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire». Ce nouvel article qui jusqu’alors était muet sur le régime de l’inopposabilité des exceptions applicables à la délégation, a tranché la divergence existante de jurisprudence entre la première chambre civile et la Chambre commerciale, en faveur de cette dernière qui avait retenu que «dans la délégation de créance, le délégué ne peut opposer au délégataire les exceptions nées de ses rapports avec le délégant» (Cass. com., 22 avril 1997, n° 95-17664 N° Lexbase : A1957ACH).
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Réf. : Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12.782 , FP-P+B (N° Lexbase : A1644XQX) et Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-16.484, FP-P+B (N° Lexbase : A1815XQB)
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N4463BXL
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 13 Juin 2018
Egalité de traitement/cession d’entreprise (n° 17-12.782)
Egalité de traitement/droit d’opposition (n° 16-16.484)
Résumés
- Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12.782, FP-P+B : la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement. Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou établissements distincts, opérées par voie d'accords collectifs négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. L'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d'une entité économique, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent d'un usage en vigueur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.
- Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-16.484, FP-P+B : les accords frappés d'opposition majoritaire étant réputés non écrits, l'avenant à l’accord d’entreprise applicable aux salarié non cadres, qui avait modifié les heures d'accès à l'entreprise, les plages de présence obligatoires et le nombre de jours d'autorisation d'absence, ne pouvant être maintenu en vigueur par l'employeur pour cette catégorie de salariés, la différence de traitement par rapport aux cadres, qui bénéficiaient des mêmes dispositions par un accord distinct, se trouvait justifiée par un élément objectif et pertinent.
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Observations
On pouvait croire que la mise au point opérée début 2015 par la Cour de cassation en matière d’égalité de traitement allait entraîner une diminution des contentieux ; or, à en croire le nombre des arrêts que continue de rendre la Haute juridiction ces dernières semaines, il n’en est rien. Deux arrêts en date du 30 mai 2018 apportent à la fois la confirmation de la solution dégagée le 30 novembre 2017, s’agissant du traitement des salariés dont le contrat de travail a été repris après la cession de leur entreprise (I), et la réponse à un cas nouveau, celui des différences entre cadres et non cadres résultant de l’exercice du droit d’opposition ayant entraîné la disparition d’un accord d’entreprise destiné à ne bénéficier qu’aux non-cadres (II).
I - Une confirmation : les différences de traitement postérieures à une cession d’entreprise sont justifiables
Contexte. Prolongeant le revirement intervenu début 2015 [1], la Chambre sociale de la Cour de cassation a étendu le 30 novembre 2017 sa nouvelle «doctrine des justifications» aux différences de traitement résultant de la reprise par une entreprise attributaire d’un marché de nettoyage jusque là concédé à un concurrent [2]. Désormais, bénéficient également de la présomption de justification les différences de traitement constatées entre les salariés des entreprises «sortantes» et ceux des entreprises «entrantes» lorsqu’elles résultent des termes d’un accord de branche applicable dans le secteur d’activité et qui impose à l’entrant de maintenir la rémunération antérieure des salariés affectés à un marché repris. Pour reprendre les termes de l’arrêt du 30 novembre 2017 qui justifie la solution nouvelle par «l'évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d'égalité de traitement à l'égard des accords collectifs [qui] conduit à apprécier différemment la portée de ce principe à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle», «la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement». Cette solution a été appliquée quelques jours plus tard à la succession dans le temps, mais au sein d’une même entreprise, de deux accords collectifs ayant prévu des grilles de rémunération distinctes, justifiant ainsi que les salariés ne soient pas soumis aux mêmes règles conventionnelles selon la date de leur embauche [3].
C’est la solution dégagée le 30 novembre 2017 qui se trouve ici confirmée, la Haute juridiction ayant dû répondre à une argumentation nouvelle, développée par le demandeur, qui invoquait la violation de l’article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4) en raison d’une application jugée rétroactive de dispositions introduites dans le Code du travail par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi «El Khomri» (N° Lexbase : L8436K9C).
Les faits. 40 salariés ont été engagés par la société Hôpital service SFGH, avant de voir leurs contrats de travail transférés à la société Elior services propreté et santé à la suite de la perte du marché sur lequel ils avaient été affectés. Par un protocole de fin de grève conclu en décembre 2000 entre la société Hôpital service SFGH et les délégués syndicaux CFDT et CGT et relatif à l'établissement de l'hôpital Lapeyronie à Montpellier, il a été décidé de l'octroi d'une prime de treizième mois pour les salariés y travaillant [4]. Par un accord conclu au sein de l’établissement de Meyreuil en septembre 2013 entre la société Elior services propreté et santé et les délégués syndicaux CGT, CFDT et CFTC de l'établissement, il a été décidé de l'octroi de divers avantages de rémunération au profit des salariés affectés sur le site de ST Microelectronics à Rousset, «compte tenu des spécificités techniques et de la forte disponibilité demandée par le client».
Plusieurs salariés avaient alors saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en application du principe d'égalité de traitement, mais la cour d’appel d’Aix-en-Provence les avait déboutés de leurs demandes en se fondant sur «l'article L. 1224-3-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8126LG3), créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016», aux termes duquel «lorsque les contrats de travail sont, en application d'un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d'autres sites de l'entreprise nouvellement prestataire et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis».
Le pourvoi. Dans leurs pourvois les salariés contestaient l’application de ce texte, postérieur au litige, et considéraient que la cour d’appel avait ainsi violé l’article 2 du Code civil et le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, ainsi que le principe d’égalité de traitement.
La cassation. La Chambre sociale de la Cour de cassation ne nie pas, dans son arrêt, la violation de l’article 2 du Code civil, mais plutôt que de casser l’arrêt d’appel, elle choisit au contraire de le «sauver» en substituant au motif erroné un motif valable, conformément aux dispositions de l’article 620 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6779H79) [5].
La cour d’appel avait en effet procédé à une application immédiate des dispositions introduites par la loi «El Khomri» destinées à écarter l’application du principe d’égalité de traitement entre salariés d’une même entreprise lorsque les différences de traitement résultent de l’application de dispositions conventionnelles ayant organisé les conséquences d’un transfert d’entreprise [6].
L’article 2 du Code civil et les principes qui gouvernent l’application de la loi dans le temps, singulièrement en matière sociale, prévoient bien le principe de l’application immédiate de la loi nouvelle, même aux contrats de travail en cours, mais celle-ci ne peut prétendre modifier les solutions constituées antérieurement. Or, dans cette affaire, les faits litigieux (le transfert d’entreprise) étaient antérieurs à la loi nouvelle qui ne pouvait donc trouver à s’appliquer qu’à des transferts d’entreprise survenus postérieurement à son entrée en vigueur, y compris donc s’agissant de contrats de travail qui avaient été conclus antérieurement. La violation de l’article 2 du Code civil était bien ici caractérisée.
Cette application anticipée de la loi nouvelle, condamnable par principe, conduisait toutefois à faire application de la solution nouvelle dégagée le 30 novembre 2017, laquelle était fondée, par hypothèse, sur l’état du «droit» antérieur à la loi du 8 août 2016. Dans la mesure où le régime prétorien du principe d’égalité de traitement et les dispositions légales nouvelles conduisaient au même résultat, seul le visa du texte nouveau était erroné, ce qui autorisait le recours à la substitution de motif.
Une solution pragmatique, mais problématique. Sur un plan strictement technique et pratique, la solution est donc justifiée dans la mesure où une cassation et un renvoi auraient nécessairement conduit la cour de renvoi à adopter la même solution par application des solutions désormais admises par la Cour de cassation.
Mais sur le plan de l’application des solutions jurisprudentielles dans le temps, la décision est problématique dans la mesure où elle permet au juge de cassation à se soustraire par principe aux règles légales de conflit de loi dans le temps (revirement de 2017) qui s’imposent pourtant au législateur (loi de 2016) [7].
Il ne s’agit pas ici de nier toute possibilité reconnue au juge de cassation de faire évoluer sa jurisprudence, ni de le condamner à ne procéder qu’à des revirements valables uniquement pour l’avenir, mais simplement de le contraindre à envisager les effets de ses revirements au regard notamment des exigences du principe de sécurité juridique et d’accepter de mesurer ses effets pour les parties, et l’intérêt général, ce qu’il se refuse à faire aujourd’hui pour l’essentiel [8].
II - Un prolongement : la justification des différences de traitement résultant de l’annulation d’un accord catégoriel
Cadre juridique. Toute l’évolution de la jurisprudence en matière d’égalité de traitement est née après l’arrêt «Pain», rendu en 2009 [9], et dans le cadre des négociations collectives catégorielles, et le revirement intervenu début 2015 tire les conséquences de la légitimité de la réforme de la démocratie sociale intervenue en 2008 et qui a largement légitimé l’existence de différences conventionnelles induites par la possibilité de négocier des accords ne devant bénéficier qu’à certaines catégories de salariés [10].
Les faits. Deux accords relatifs à l'aménagement du temps de travail avaient été conclus au sein de la société Dassault systèmes, l’un pour les «cadres positionnés» du 15 octobre 1999, l’autre pour les salariés non-cadres en février 2000. A la suite de négociations entre la direction de la société et les organisations syndicales, un avenant applicable aux cadres et un avenant n° 2 applicable aux non-cadres ont été signés en juin 2011. Le syndicat CGT a exercé son droit d'opposition à l'avenant n° 2 à l'accord du 8 février 2000 concernant les salariés non-cadres et a sollicité l'ouverture de nouvelles négociations. A la suite de ce refus opposé par la direction, le syndicat CGT a saisi la juridiction civile le 8 novembre 2012 à l'effet de faire injonction à la société de faire application aux personnels non cadres des stipulations de l'avenant à l'accord d'entreprise portant sur l'aménagement du temps de travail au bénéfice des cadres de juin 2011 concernant les heures d'accès à l'entreprise et les plages de présence obligatoires, ainsi que le nombre de jours d'autorisation d'absence.
Pour faire droit à cette demande, la cour d’appel de Versailles [11] avait considéré notamment que l’inégalité de traitement ne résultait pas directement du vœu du législateur qui n’avait prévu que le droit d’opposition à l’entrée en vigueur de l' accord, et rien d’autre, notamment pas de légitimer la situation qui pourrait en résulter, pas plus d’ailleurs que le caractère «conventionnel» qui s’attacherait à l’origine de la différence de traitement.
La cassation. Telle n’est pas l’opinion de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui casse cet arrêt pour violation du principe d’égalité de traitement et de l’article L. 2231-9 du Code du travail (N° Lexbase : L2268H9U). Après avoir rappelé que «selon l'article L. 2231-9 du Code du travail, dans sa version applicable en la cause, les accords frappés d'opposition majoritaire sont réputés non écrits» et «qu'il en résulte que l'avenant n° 2 applicable aux salarié non cadres, qui avait modifié les heures d'accès à l'entreprise, les plages de présence obligatoires et le nombre de jours d'autorisation d'absence, ne pouvant être maintenu en vigueur par l'employeur pour cette catégorie de salariés, la différence de traitement par rapport aux cadres, qui bénéficiaient des mêmes dispositions par un accord distinct, se trouvait justifiée par un élément objectif et pertinent».
Une solution logique. Compte tenu de l’évolution de la jurisprudence depuis 2015, qui laisse aux employeurs et aux syndicats le soin de déterminer s’il y a lieu, ou pas, de traiter tous les salariés de la même manière ou si des distinctions selon leurs catégories professionnelles [12], leurs fonctions [13], leur établissement d’appartenance [14] ou leur parcours professionnel [15], sont souhaitables et dès lors qu’elles ne reposent pas sur un motif non-professionnel, la solution finalement admise, et qui refuse d’aligner de fait le traitement des non-cadres sur celui des cadres, n’est guère surprenante.
La justification de l’état de fait qui résulte ici de la caducité de l’accord «non cadres» peut d’ailleurs, ici, être admise, à la fois parce que la différence de traitement dénoncée par la CGT était finalement étrangère à la volonté de l’employeur, puisqu’elle résultait de l’exercice du droit d’opposition par un syndicat représentatif de l’entreprise, et parce que l’existence de négociations, et donc d’accords, catégoriels, résulte directement du Code du travail.
Une justification mystérieuse. Plus étrange, en revanche, est la justification de la solution. Jusqu’à présent, la question de la justification des différences de traitement était traitée dans le cadre de la formule initiée début 2015, précisément pour les distinctions catégorielles, qui étaient de nouveau en cause dans cette affaire, et qui fait référence au fait que ces dernières sont «instituées par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote» [16].
Or, cette fois-ci, la Cour ne se situe pas dans ce cadre argumentatif mais bien dans celui du contrôle restreint qu’elle opérait avant 2009 sur l’objectivité et la pertinence de la justification, et qu’elle continue d’appliquer depuis lorsque les différences de traitement ne résultent pas d’un ou de plusieurs accords collectifs applicables dans l’entreprise mais d’une décision, ou d’une pratique, imputable au seul employeur [17].
A cela deux explications peuvent être envisagées.
La plus vraisemblable tient au cadre dans lequel s’était située la cour d’appel de Versailles dans cette affaire où était contesté la justification de la différence de traitement constatée au bénéfice des cadres, dont l’accord était demeuré en vigueur, et les non cadres dont l’accord était mort-né en raison de l’exercice du droit d’opposition [18]. La Cour de cassation aurait donc voulu répondre sur ce point à la cour de Versailles, dont les motifs sont d’ailleurs isolés et longuement repris dans la décision commentée, en lui indiquant que le motif ainsi observé était parfaitement pertinent, puisqu’il résultait directement de l’application du régime du droit d’opposition et de la possibilité reconnue par le Code du travail de conclure des accords catégoriels.
La seconde explication tiendrait au fait que la Cour de cassation aurait volontairement fait l’économie de sa motivation tirée de l’exercice, par les salariés, du principe de participation à la détermination de leurs conditions de travail. On en voudra pour preuve, d’ailleurs, que dans les autres décisions rendues le même jour s’agissant du traitement des salariés postérieurement au transfert de leur contrat de travail, on retrouve bien cet attendu de principe forgé début 2015, et complété fin 2017 pour faire explicitement référence à l’évolution de la législation sociale et de la jurisprudence [19]. La Cour de cassation aurait donc pu reprendre cette affirmation et en faire application ici, pour casser l’arrêt de la cour d’appel qui s’était permis de contrôler la légitimité de la différence de traitement observée, alors que le juge doit au contraire la considérer comme établie et déterminer uniquement, au vu des éléments allégués par le demandeur, si elle ne reposerait pas sur un motif non professionnel.
Ce refus de se situer dans le prolongement des arrêts rendus depuis 2015 pourrait alors s’expliquer par le fait, ici, que la différence de traitement ne résultait pas d’un seul et même accord, mais bien de l’existence de deux accords négociés par des syndicats qui ne sont pas tous les mêmes, ce qui rendait la justification par l’existence de la négociation collective bien difficile. Lorsque les différences de traitement n’ont pas été voulues par les partenaires sociaux, alors la présomption de justification ne s’appliquerait pas et le juge devrait statuer de nouveau dans le cadre du contrôle qui était le sien avant la jurisprudence «Pain» et qu’il avait abandonné entre 2009 et 2015, s’agissant des différences catégorielles.
Il faudra sans doute attendre les prochaines décisions rendues par la Cour pour connaître plus précisément ses intentions, le plus serait le mieux pour que les juges du fond, et les conseils des parties, sachent exactement dans quel cadre se placer pour mettre en cause, ou au contraire défendre, les différences de traitement.
Décisions
- Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12.782, FP-P+B (N° Lexbase : A1644XQX) Cassation partielle (CA Aix-en-Provence, 9 décembre 2016) Règle : principe d’égalité de traitement. Mots clef : égalité de traitement ; cession d’entreprise. Lien base : (N° Lexbase : E2592ET8).
- Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-16.484, FP-P+B (N° Lexbase : A1815XQB) Cassation (CA Versailles, 15 mars 2016, n° 15/02376 N° Lexbase : A3041Q7R) Règle : le principe d'égalité de traitement, C. trav., L. 2231-9 (N° Lexbase : L2268H9U). Mots clef : égalité de traitement ; droit d’opposition. Lien base : (N° Lexbase : E2592ET8). |
[1] Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3401NA9) et n° 13-25.437, FS-P+B (N° Lexbase : A6934NA3), nos obs., Egalité de traitement et avantages catégoriels conventionnels : la volte-face de la Cour de cassation, Lexbase, éd. soc., n° 600, 2015 (N° Lexbase : N5806BUL) ; Dr. soc., 2015, p. 237, étude A. Fabre ; RDT, 2015, p. 339, obs. E. Peskine.
[2] Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-20.532, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9773W3D) : nos obs., Transferts conventionnels des contrats de travail et égalité de traitement : la Cour de cassation s'inscrit dans l'évolution générale de la législation du travail, Lexbase, éd. soc., n° 723, 2017 (N° Lexbase : N1675BXC) ; RDT, 2018, p. 56, note A. Fabre ; JCP éd. G, n° 6, 2018, 144, note J.-F. Cesaro.
[3] Cass. soc., 7 décembre 2017, deux arrêts, n° 16-14.235 (N° Lexbase : A1183W7X) et n° 16-15.109 (N° Lexbase : A1146W7L), FS-P+B : nos obs, Changement de grilles de rémunération et égalité de traitement, Lexbase, éd. soc., n° 724, 2017 (N° Lexbase : N1810BXC).
[4] Déjà, Cass. soc., 2 mars 2016, n° 14-18.057, F-D (N° Lexbase : A0694QYD) : admettant l’action des salariés appartenant à un autre établissement ; Cass. soc., 13 décembre 2017, n° 16-14.000, F-D (N° Lexbase : A1168W8R), faisant application de la présomption de justification à des différences de traitement observées entre les différents établissements de la même entreprise.
[5] Sur ce procédé, lire la présentation faite par M. Pluyette.
[6] C. trav., art. L. 1224-3-2 (N° Lexbase : L6777K9U). Sur cette loi, lire notamment le comm. de G. Auzero, Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs : favoriser une culture du dialogue et de la négociation (titre II), Lexbase, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2119BWE). Egalement nos comm. ss. Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-20.532, FS-P+B+R+I, préc.. Ces dispositions ont été légèrement modifiées par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail (N° Lexbase : L5827LA3).
[7] Sur ce débat, notre étude, De la rétroactivité des revirements de jurisprudence, D., 2005, chron. p. 988, et les réf. ; P. Malinvaud, A propos des revirements de jurisprudence, RTD Civ., 2005, p. 312 et s. ; J.-F. Cesaro, La jurisprudence doit-elle créer de la norme sociale ?, JCP éd. S, 2015, 1288 ; J.-Y. Frouin, Manifestations et instruments de la construction prétorienne du droit du travail, JCP éd. S, 2009, 1501.
[8] Hormis les hypothèses où l’application immédiate d’une solution jurisprudentielle nouvelle priverait les justiciables du droit d’accès au juge.
[9] Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.675, FS-P+B (N° Lexbase : A5734EI9) ; voir nos obs., Le cadre, les congés payés et le principe d'égalité de traitement, Lexbase, éd. soc., n° 359, 2009 (N° Lexbase : N0001BLM) ; JCP éd. S, 2009, p. 1451, note E. Jeansen ; Dr. soc., 2009, p. 1169, chron. P.-A. Antonmattéi ; SSL, 28 septembre 2009, p. 16, chron. J. Barthélémy, p. 13, interview P. Bailly.
[10] Sur le revirement intervenu en 2015 (Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3401NA9), notre étude, Egalité de traitement et avantages catégoriels conventionnels : la volte-face de la Cour de cassation, Lexbase, éd. soc., n° 600, 2015 (N° Lexbase : N5806BUL).
[11] CA Versailles, 15 mars 2016, n° 15/02376 (N° Lexbase : A3041Q7R).
[12] Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I, préc..
[13] Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-11.324, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0807RSP ; cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E2592ET8), G. Auzero, La présomption de justification étendue aux catégories «infra-catégorielles», Lexbase, éd. soc., n° 660, 2016 (N° Lexbase : N3276BWA).
[14] Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18.844, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4697SCX), nos obs., Egalité de traitement et différences résultant de la pluralité des accords d’établissements : la Cour de cassation poursuit son oeuvre, Lexbase, éd. soc., n° 675, 2016 (N° Lexbase : N5062BWE) ; LSQ, n° 17, p. 195, 7 novembre 2016, comm. F. Ducloz ; Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 16-19.692, F-D (N° Lexbase : A9809WMA).
[15] Notamment le fait que certains salariés ont vu leur contrat de travail transféré, et qu’à l’occasion de leur changement d’employeur ils ont perdu tout ou partie de leurs avantages collectifs : Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-17.517, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7346WTA ; cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E2592ET8), nos obs., Egalité de traitement dans l’entreprise : la nouvelle «doctrine des justifications» logiquement étendue aux accords conclus pour aménager les conséquences sociales d’une fusion-absorption, Lexbase, éd. soc., n° 716, 2017 (N° Lexbase : N0721BXY).
[16] Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18.844, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4697SCX), nos obs., Egalité de traitement et différences résultant de la pluralité des accords d'établissements : la Cour de cassation poursuit son oeuvre, Lexbase, éd. soc., n° 675, 2016 (N° Lexbase : N5062BWE) ; LSQ, n° 17195, 7 novembre 2016, comm. F. Ducloz ; Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 16-19.692, F-D (N° Lexbase : A9809WMA).
[17] Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11.386, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7920RZD ; cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E5502EX3) et nos obs., Engagement unilatéral de l'employeur et égalité de traitement : le juge veille toujours, Lexbase, éd. soc., n° 670, 2016 (N° Lexbase : N4436BW9) ; Cass. soc., 18 novembre 2015, n° 14-12.123, F-D (N° Lexbase : A5412NXQ) : «report de la liquidation de la retraite» ; Cass. soc., 18 novembre 2015, n° 14-12.123, F-D (N° Lexbase : A5412NXQ) : «report de la liquidation de la retraite» ; Cass. soc., 13 décembre 2017, n° 16-12.397, FS-P+B (N° Lexbase : A1243W8K) : Lexbase, éd. soc., n° 725, 2018 (N° Lexbase : N2084BXH) : élargissement du bénéfice des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi.
[18] Arrêt préc., p. 6 : «la situation à prendre en considération est ainsi une notion factuelle -quelle que soit son origine- qui conduit à rechercher si le traitement, plus favorable, dont bénéficie une catégorie de personnel, par rapport à une autre, est justifié par un motif objectif, fondé sur des considérations de nature professionnelle».
[19] Les deux arrêts n’ont toutefois pas été traités par les mêmes magistrats ; singulièrement les deux rapporteurs n’étaient pas les mêmes dans ces deux affaires.
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 6 juin 2018, n° 399990, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7918XQC)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 13 Juin 2018
►Afin d’éviter une différence de traitement entre les salariés transfrontaliers français travaillant dans un Etat de l’Union européenne et les salariés français travaillant en France, il appartient au juge de l’impôt, saisi d’un litige portant que le traitement fiscal de l’indemnité perçue par un salarié ayant exercé une activité salariée dans un Etat membre de l’Union européenne à la suite de mesures prises par l’entreprise ayant conduit à une réduction des effectifs par des départs volontaires ou de licenciements, d’identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis par le contribuable, la catégorie de rupture de contrat de travail à laquelle les mesures prises par cette entreprise sont assimilables en droit français. Il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l’indemnité versée par l’entreprise étrangère au regard de la loi fiscale française.
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 6 juin 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 6 juin 2018, n° 399990, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7918XQC).
En l’espèce, le requérant, a signé avec son employeur prévoyant la rupture de son contrat de travail au 31 décembre et le versement d’une indemnité qu’il a perçue en 2006. En tant que travailleur transfrontalier résidant en France, il était imposable en France sur les revenus de son activité professionnelle en Allemagne et fait l’objet d’un contrôle sur pièces de sa déclaration de revenus de l’année 2006. L’administration a qualifié l’indemnité perçue de «prime de départ à la retraite ou en préretraite» alors que le requérant soutenait qu’il avait fait l’objet d’un plan de départ volontaire assimilable à un plan social exigeant en France un plan de sauvegarde de l’emploi et que l’indemnité était par suite non imposable.
Le Conseil d’Etat juge que compte tenue de la taille de l’entreprise, du nombre de salariés qui l’ont quittée, de ce que les départs se sont effectués sur une courte période et du caractère économique du plan social mis en œuvre, l’indemnité perçue par la convention signée entre le requérant et la société devait être assimilée à une indemnité de départ volontaire versée dans le cadre d’un plan social qui aurait fait l’objet en France d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Dès lors, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits qui lui sont soumis (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5832ALL).
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Réf. : CAA Lyon, 3 mai 2018, n° 16LY03935 (N° Lexbase : A6860XMZ)
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N4450BX4
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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité)
Le 13 Juin 2018
Décision intéressante que celle rendue par la cour administrative de Lyon le 3 mai 2018. Le juge explique, une nouvelle fois, à l’administration fiscale la non pertinence de sa doctrine en matière de calcul de la plus-value immobilière en présence d’une majoration du prix d’acquisition à la suite de l’achat de matériaux.
Pour la cour administrative de Lyon, le contribuable peut -pour déterminer le montant de la plus-value immobilière réalisée lors de la cession d’appartements revendus après travaux- majorer le prix d’acquisition des frais d’acquisition, des dépenses de construction et de reconstruction, des frais de voirie et réseau. Il peut le faire alors même que lesdits matériaux ont été par lui achetés à une entreprise et installés par une autre entreprise.
La position de l’administration est récusée : celle-ci soutenait que les matériaux achetés par le contribuable ne peuvent venir en majoration du prix d’acquisition…pour défaut de certitude.
L’administration développe, depuis longtemps, une interprétation indument restrictive du 4° du II e l’article 150 VB du Code général des impôts (N° Lexbase : L3213LCY) : prenant seulement en compte les matériaux dont il est justifié qu’ils ont été installés par une entreprise, l’administration refuse la médiation du contribuable-acheteur. L’achat des matériaux -directement par le contribuable- viendrait annihiler la preuve de la certitude, corrompre le processus de justification exigé par le législateur.
Le raisonnement de l’administration est, par son automatisme, inacceptable tant il fait peser sur le contribuable une présomption de suspicion. Ce n’est pas la première fois que le juge de l’impôt tance l’administration en la matière (cf. infra) ; il serait de bon aloi de mettre fin à une lecture de la loi qui est, de surcroît, profondément stupide sur le plan économique. Une lecture minimalement libérale des relations administration fiscale/ individu implique que ce dernier puisse choisir la voie la plus intéressante pour lui, notamment quant à l’achat direct de matériaux.
Il est question de l’interprétation du 4° du II e l’article 150 VB du Code général des impôts a-t-on dit : en cas de cession de biens immobiliers, le prix d’acquisition est -«sur justificatifs»- majoré des «dépenses de construction, de reconstruction d’agrandissement ou d’amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l’achèvement de l’immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu’elles n’ont pas déjà été prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu et qu’elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives».
Dans notre affaire, le requérant a acquis en 2007 un bien immobilier qu’il a divisé en trois lots ; il a réalisé des travaux de rénovation, a cédé deux appartements et gardé le troisième pour son usage personnel. Afin de déterminer le montant de la plus-value immobilière, le requérant a majoré le prix d’acquisition de différents frais : frais d’acquisition, dépenses de construction et reconstruction, frais de voirie et de réseau. Aux yeux de l’administration, les factures relatives aux matériaux achetés directement par le requérant ne pouvaient venir majorer le prix d’acquisition des appartements vendus. Elle remet donc en cause le calcul de la plus-value déclarée, à savoir la méthode même usitée ; est notifié au contribuable une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Saisi, le tribunal administratif de Grenoble fait partiellement droit à la demande du requérant.
La cour administrative d’appel -cogitant sur la décision des premiers juges- constate qu’ils ont opéré un raisonnement en deux temps. De prime abord, le tribunal administratif a accepté de prendre en compte -pour le calcul de la plus-value de cession- diverses dépenses correspondant à des travaux réalisés, y compris lorsque les matériaux ont été achetés par le contribuable à une entreprise et installés par une autre. Sur un tel fondement, le tribunal administratif a retenu un montant de 34 883 euros, somme correspondant à des achats de matériaux commandés par l’entreprise ayant installé la charpente et (mais) réglés par le contribuable. Il s’agit là de dépenses réalisées par l’entreprise prestataire pouvant être intégrées au prix d’acquisition de l’immeuble.
Cependant, dans un second temps, le tribunal administratif écarte d’autres factures d’achat de matériaux : elles ne peuvent être rattachées -avec certitude- aux travaux de construction, reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration réalisés par l’entreprise opérant sur le chantier.
C’est précisément ce raisonnement que la cour administrative d’appel de Lyon censure, le tribunal administratif ayant rejeté à tort une partie du surplus de la demande du requérant. En effet, plusieurs factures litigieuses précisent l’adresse du lieu de livraison ou font référence au chantier («Le Vernay à Morillon») ; en certains cas, figure le nom du responsable de l’entreprise destinataire des matériaux en charge de leur installation. Le transport sur le site des matériaux nécessaires aux travaux n’étant pas contesté, le montant des dépenses peut venir en majoration du prix d’acquisition de l’immeuble. Tout est question de lien souligne la cour administrative d’appel. Et les justificatifs produits par le requérant sont suffisants dans les configurations suivantes : s’il est possible «d’établir un lien» entre les factures d’achat de matériaux et les travaux de construction/reconstruction/agrandissement/amélioration réalisés sur le chantier… s’il est fait mention ou référence expresse au lieu des travaux auxquels les matériaux sont destinés ou doivent être livrés.
C’est en un sens une forme de rappel à la loi, si l’on ose la formule, que réalise la cour administrative d’appel de Lyon : pour que les dépenses puissent être prises en compte dans la majoration du prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value de cession, encore faut-il qu’elles soient «justifiées».
Encore faut-il que l’administration ne pose pas des exigences à ce point étrangères à l’esprit de la loi qu’elles emportent méconnaissance de la volonté (présumée) du législateur. Dans l’espèce soumise à examen, il est logique de majorer le prix d’acquisition de l’immeuble du montant des factures d’achat de matériaux supportés par le vendeur : il existe une référence au chantier (Morillon), sont concernées des dépenses pour l’achat de matériaux nécessaires, le transport sur le site n’est aucunement contesté.
Une trilogie (alternative) s’impose : mention (ou) livraison (ou) lien. Les dépenses retenues sont celles comportant soit une mention du chantier (Morillon), soit celles prévoyant livraison sur le site, soit celles pour lesquelles est établi un lien avec les travaux réalisés sur l’immeuble. Et la cour administrative d’appel de conclure (quant à la matière chiffrée, source du contentieux) : le montant total des factures de matériaux nécessaires aux travaux est de 130 982,03 euros TTC, ce qui change quelque peu la donne pour le bienheureux requérant.
A la lecture de la décision de la cour administrative d’appel, est condamnée par le juge la position de l’administration (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20-20131220, n°220 N° Lexbase : X7249AL3) qui opère lecture erronée du 4° du II de l’article 150 VB. Prétextant que le texte prévoit que les travaux doivent avoir été «réalisés par une entreprise», l’administration refusait d’accueillir, pour majorer le prix d’acquisition, les dépenses de matériaux achetés par le contribuable quand bien même leur installation serait réalisée par une entreprise. La décision de la cour administrative d’appel est de bon sens, écartant les obstacles posés par l’administration dans le cadre de la (légitime) mission de justification qui échoit au contribuable quant à la nature des dépenses par lui réalisées. Or, qu’il s’agisse de la mention du chantier sur lequel les travaux sont réalisés, qu’il s’agisse de la livraison sur le site, qu’il s’agisse du lien avec les travaux…nous sommes en présence d’éléments opérant, raisonnablement, justification suffisante. Surtout, l’action du vendeur se faisant intermédiaire pour l’achat des matériaux ne saurait invalider, par elle-même et en elle-même, la logique justificatrice ; ce serait retenir un critère formaliste et automatique au détriment de critères matériels et analytiques.
La décision du 3 mai 2018 de la cour administrative d’appel de Lyon est à rapprocher de celle de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 8 février 2018 (CAA Bordeaux, 8 février 2018, n° 15BX03667 N° Lexbase : A3157XHE) qu’elle vient utilement compléter. Là encore, le juge d’appel dicte l’idoine raisonnement : «Contrairement à ce que soutient l’administration pour justifier le rejet de ces factures, les dispositions de l’article 150 VB du code général des impôts ne font pas obstacle à ce que le prix d’acquisition de matériaux et celui de leur pose soient pris en compte lorsque les matériaux ont été achetés par le contribuable à une entreprise et installés par une autre entreprise». Il y a plus. Cet arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux intéresse grandement car l’administration a tenté -en vain- de jouer une carte, celle de la substitution de motif. Se doutant que le juge rejetterait l’argument centré sur l’acquisition des matériaux par la requérante elle-même, l’administration dénonce : la dimension peu détaillée des factures, la rédaction des factures en langue anglaise, une description sommaire des travaux, la seule indication d’un prix global. Loin d’être sensible à cette argumentation, la cour administrative d’appel de Bordeaux souligne la carence du propos : il revenait à l’administration -«pour chaque facture» contestée- d’indiquer le ou les motifs justifiant son rejet. A défaut d’avoir réalisé -«pour chaque facture»- une telle opération, la demande de substitution de motif est rejetée par le juge qui, au passage, écarte ex abrupto l’argument linguistique (factures en anglais). De la charge de la preuve et de la justification des allégations : il revient à l’administration de supporter le fardeau probatoire et le juge ne saurait se contenter de suspicions génériques alors même qu’elle a été invitée, par un supplément d’instruction, à étayer son propos.
En quelques semaines, deux juges d’appel posent un frein aux prétentions disproportionnées de l’administration en matière de calcul de la plus-value immobilière quand survient une majoration du prix d'acquisition à la suite de l’achat de matériaux. Il faut espérer que cette doctrine, frappée avec constance par la censure, cessera d’être invoquée.
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Réf. : CJUE, 5 juin 2018, aff. C-210/16 (N° Lexbase : A2093XQL)
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N4423BX4
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par Vincent Téchené
Le 13 Juin 2018
► L’administrateur d’une page fan sur Facebook est conjointement responsable avec Facebook du traitement des données des visiteurs de sa page. Tel est le principal enseignement d’un arrêt rendu par la CJUE le 5 juin 2018 (CJUE, 5 juin 2018, aff. C-210/16 N° Lexbase : A2093XQL).
Dans cette affaire, l’autorité régionale indépendante de protection des données du Schleswig-Holstein (Allemagne) a ordonné à une société de désactiver sa page fan. En effet, selon l’autorité, ni la société, ni Facebook n’ont informé les visiteurs de la page fan que Facebook collectait, à l’aide de cookies, des informations à caractère personnel les concernant et qu’ils traitaient ensuite ces informations. La société a introduit un recours contre cette décision en faisant valoir que le traitement des données à caractère personnel effectué par Facebook ne peut pas lui être imputé et qu’elle n’a pas non plus chargé Facebook de procéder à un traitement de données qu’elle contrôlerait ou qu’elle pourrait influencer. L’autorité aurait donc dû agir directement contre Facebook et non contre elle.
La CJUE, saisie d’une question préjudicielle, constate donc qu’un administrateur tel doit être considéré comme étant, au sein de l’Union, conjointement responsable avec Facebook Ireland du traitement des données en question. En effet, un tel administrateur participe, par son action de paramétrage (en fonction, notamment, de son audience cible ainsi que des objectifs de gestion ou de promotion de ses propres activités), à la détermination des finalités et des moyens du traitement des données personnelles des visiteurs de sa page fan. Selon la Cour, le fait pour un administrateur d’une page fan d’utiliser la plateforme mise en place par Facebook, afin de bénéficier des services y afférents, ne saurait l’exonérer du respect de ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel. La Cour souligne que la reconnaissance d’une responsabilité conjointe de l’exploitant du réseau social et de l’administrateur d’une page fan hébergée sur ce réseau en relation avec le traitement des données personnelles des visiteurs de cette page fan contribue à assurer une protection plus complète des droits dont disposent les personnes qui visitent une page fan, conformément aux exigences de la Directive 95/46 sur la protection des données (N° Lexbase : L8240AUQ).
En outre, la Cour constate que l’autorité du Schleswig-Holstein est, en l’espèce compétente, aux fins d’assurer le respect sur le territoire allemand des règles en matière de protection des données à caractère personnel, pour mettre en œuvre, non seulement à l’égard de la société requérante mais également à l’égard de Facebook Germany, l’ensemble des pouvoirs dont elle dispose en vertu des dispositions nationales transposant la Directive 95/46.
La Cour précise encore que, lorsque l’autorité de contrôle d’un Etat membre entend exercer à l’égard d’un organisme établi sur le territoire de cet Etat membre les pouvoirs d’intervention prévus par la Directive 95/46 en raison d’atteintes aux règles relatives à la protection des données à caractère personnel, commises par un tiers responsable du traitement de ces données et ayant son siège dans un autre Etat membre, cette autorité de contrôle est compétente pour apprécier, de manière autonome par rapport à l’autorité de contrôle de ce dernier Etat membre, la légalité d’un tel traitement de données et peut exercer ses pouvoirs d’intervention à l’égard de l’organisme établi sur son territoire sans préalablement appeler l’autorité de contrôle de l’autre Etat membre à intervenir.
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Réf. : Cass. soc., 7 juin 2018, n° 17-28.056, FS-P+B (N° Lexbase : A4562XQZ)
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N4436BXL
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par Charlotte Moronval
Le 13 Juin 2018
► Il n’y a pas lieu de renvoyer la QPC mettant en cause la conformité de l'article L. 1235-5 du Code du travail (N° Lexbase : L8063LGQ), tel qu'interprété par la Cour de cassation, en ce qu’il méconnaitrait le principe d'égalité, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1370A9M), en ce qu'il exclut la prise en compte des salariés effectuant leur travail hors du territoire français, pour apprécier la taille de l'entreprise qui a son siège social à l'étranger et déterminer l'indemnité due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Telle est la solution d'une décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 7 juin 2018 (Cass. soc., 7 juin 2018, n° 17-28.056, FS-P+B N° Lexbase : A4562XQZ).
Elle juge que la question posée, à savoir si l’article L. 1235-5 du Code du travail méconnaît le principe d’égalité, garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, en ce qu’il exclut la prise en compte des salariés effectuant leur travail hors du territoire français, pour apprécier la taille de l’entreprise qui a son siège social à l’étranger et déterminer l’indemnité due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne présente pas un caractère sérieux en ce que le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que l’interprétation jurisprudentielle d’une disposition législative règle de façon différente des situations différentes.
Elle énonce que le principe de la territorialité de la loi française en droit du travail interdit de tenir compte, pour le calcul des seuils légaux d’effectifs, du nombre de salariés employés à l’étranger par une entreprise dont le siège social est situé à l’étranger, ce dont il résulte que la situation des salariés, travaillant sur le territoire national, engagés par un employeur dont le siège social est situé hors du territoire national, est différente de celle d’un salarié engagé par une entreprise dont le siège social est situé sur le territoire national.
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newsid:464436
Réf. : Cass. soc., 6 juin 2018, n° 17-21.068, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7324XQC)
Lecture: 2 min
N4478BX7
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par Blanche Chaumet
Le 13 Juin 2018
► La nullité d'un accord collectif relatif à la mise en place d'institutions représentatives du personnel n'a pas d'effet rétroactif. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 6 juin 2018 (Cass. soc., 6 juin 2018, n° 17-21.068, FS-P+B+R N° Lexbase : A7324XQC).
En l’espèce, la société DHL International express fait partie d’une unité économique et sociale comprenant trois établissements distincts. Dans le cadre de l’établissement «DHL International Express, DHL Services et DHL Express», vingt CHSCT sont constitués dont le CHSCT Paris Sud TD et le CHSCT Paris Nord TD. Le 18 octobre 2015, le syndicat CGT des salariés de la société DHL International express et MM. X et Y ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation des membres du CHSCT Paris Sud TD intervenue le 5 octobre 2015, au motif qu’une désignation avait déjà eu lieu le 11 février 2015 et que la nouvelle désignation avait été organisée au prétexte erroné qu’un accord d’établissement du 18 août 2015 avait modifié les périmètres des CHSCT Paris Nord TD et Paris Sud TD en réintégrant dans le périmètre du premier le site de Noisiel, nouvellement Collégien, alors qu’il avait été irrégulièrement rattaché au périmètre du second en 2011 par un accord des CHSCT concernés. Par jugement du 8 janvier 2016, la contestation du syndicat et des salariés a été rejetée. Ce jugement a été cassé au visa de l’article L. 4613-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6256ISI) aux motifs «qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la modification des périmètres d'implantation des CHSCT Paris Nord TD et Paris Sud TD avait été décidée par ces CHSCT sans saisine des comités d'établissement concernés et de l'employeur, le tribunal a violé le texte susvisé».
Le tribunal d’instance (sur renvoi après cassation, Cass. soc., 22 février 2017, n° 16-10.770, FS-P+B N° Lexbase : A2400TPL), ayant rejeté les demandes d’annulation de la désignation du 5 octobre 2015 du syndicat et des salariés, ces derniers se sont pourvus en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle précise qu'ayant relevé que l'accord conclu en mai 2011 entre les CHSCT de Paris Nord et de Paris Sud n'avait été déclaré invalide que par l'arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2017 et qu'il avait, bien qu'illicite, reçu exécution, le tribunal en a déduit à bon droit que l'accord entre l'employeur et le comité d'entreprise du 18 août 2015 avait procédé à une modification des périmètres des CHSCT pour mettre fin à une situation de fait illicite et que la demande d'annulation des élections organisées en exécution de cet accord, laquelle tendait ainsi au maintien des effets d'une illégalité à laquelle l'accord du 18 août 2015 avait remédié, devait être rejetée (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E3378ETB).
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