La lettre juridique n°718 du 9 novembre 2017

La lettre juridique - Édition n°718

Avocats/Honoraires

[Brèves] Prescription de l'honoraire : le prononcé de la décision de justice n'entraîne pas nécessairement la fin du mandat de l'avocat

Réf. : Cass. civ. 2, 26 octobre 2017, n° 16-23.599, FS-P+B (N° Lexbase : A1419WXT)

Lecture: 2 min

N0986BXS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460986
Copier

par Aziber Seïd Algadi

Le 09 Novembre 2017



Si la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin, en soi le prononcé de la décision que l'avocat a été chargé d'obtenir n'a pas pour effet de mettre fin au mandat qu'il a reçu de son client. Telle est l'utile précision apportée par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 26 octobre 2017 (Cass. civ. 2, 26 octobre 2017, n° 16-23.599, FS-P+B N° Lexbase : A1419WXT ; à rapprocher de Cass. civ. 2, 10 décembre 2015, n° 14-25.892, F-P+B+I N° Lexbase : A9029NY3).

Dans cette affaire, une cliente a confié à un avocat la défense de ses intérêts dans une procédure devant un tribunal des affaires de sécurité sociale pour obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral. Par un jugement du 16 juillet 2012, ce tribunal lui a accordé une certaine somme à ce titre. Ayant informé l'avocat qu'elle souhaitait être assistée d'un autre conseil devant la cour d'appel, elle l'a dessaisi du dossier. L'avocat a alors établi une facture d'honoraires le 14 août 2012 et l'a adressée à sa cliente ; cette dernière ne l'ayant pas acquittée, l'avocat a saisi le 28 juillet 2014 le Bâtonnier de son Ordre d'une demande en fixation de ses honoraires. Pour déclarer prescrite cette demande, l'ordonnance du Premier président énonce que la prescription extinctive court à compter de la date à laquelle le mandat de l'avocat a pris fin, soit à la date de la décision juridictionnelle mettant fin au contentieux dans lequel l'avocat a défendu les intérêts de son client ; cette décision étant intervenue le 16 juillet 2012, et l'avocat ayant saisi le Bâtonnier de sa demande le 28 juillet 2014, soit deux ans et douze jours après la fin de son mandat, celle-ci est prescrite.

La Haute juridiction casse l'ordonnance et rappelle que, si la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin, le Premier président ne peut tenir pour acquis qu'un jugement a mis un terme au mandat de l'avocat (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2710E47).

newsid:460986

Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Elections du CNB - Une candidature sous le signe de l'audace - Entretien avec Aminata Niakate, Avocate au barreau de Paris

Lecture: 3 min

N1112BXH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461112
Copier

par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 09 Novembre 2017

Actuelle première vice-présidente de la FNUJA, ancienne présidente de l'UJA (2015-2016), Aminata Niakaté, 37 ans, a toujours été fidèle à l'UJA depuis qu'elle a intégré l'EFB. C'est donc tout naturellement que cette jeune avocate fiscaliste se présente, aux côtés de 15 autres colistiers, sur la liste UJA de Paris du collège général parisien du CNB pour les élections du 21 novembre prochain. Lexbase : L'UJA, qu'est-ce que c'est ?

Aminata Niakaté : L'UJA, c'est plus de 90 ans d'engagement pour la profession. Née du besoin d'évolution de la profession et de solidarité entre avocats de même génération, l'UJA agit sans relâche pour favoriser l'insertion des jeunes avocats dans la profession.

Comptent parmi les belles et concrètes réalisations de l'UJA au profit des avocats : le contrat de collaboration aujourd'hui intégré au RIN, l'instauration du Tarif UJA devenu une référence, la gratification des élèves-avocats, l'allongement du congé maternité à 16 semaines, l'adoption du congé paternité, la protection de deux mois (que nous souhaitons porter à quatre mois) de la collaboratrice au retour de congé maternité ...

Outre ses nombreux travaux sur tous les sujets de la profession, les questions de libertés publiques..., l'UJA c'est aussi, au quotidien, un certain nombre de prestations bénévoles et gratuites, soit sur les deux dernières années : une soixantaine de formations, une quarantaine d'ateliers de corrections de CV et d'entraînement aux entretiens d'embauche, plus de 250 confrères accompagnés dans leur projet d'installation et d'association, plus de 600 collaborateurs assistés par SOS Collaborateurs, et des moments de convivialité !

Lexbase : Quels sont les enjeux et défis à relever pour la profession ?

Aminata Niakaté : La profession est à la traîne. Si elle ne veut pas être "ubérisée" par ce qu'on appelle les "braconniers du droit", l'un de ses véritables enjeux est d'être présente sur le numérique. Si on peut se féliciter de la création par le CNB de sa plateforme de consultation en ligne, force est de constater qu'il devient impératif que la profession aille plus loin, en se mettant, par exemple, aux legaltech d'avocats, dans le respect de nos règles déontologiques.

Il est nécessaire aussi de revoir la formation initiale dispensée à l'EFB. Une réelle stratégie pédagogique pérenne est aujourd'hui indispensable. Il faut mettre en place des formations très pratiques : former les avocats à devenir des entrepreneurs et former les futurs "patrons" à être des managers, des gestionnaires de ressources humaines. On relève encore aujourd'hui trop de comportements inadmissibles en cabinet : de trop nombreux confrères entravent le développement de la clientèle personnelle de leurs collaborateurs, un projet de maternité donne trop souvent lieu à des abus : rupture du contrat de collaboration à l'annonce de la grossesse ou en retour de congé maternité, harcèlement pour pousser à la démission.

Pour que les pratiques changent, il faudrait aussi que nos institutions fassent preuve de volontarisme. On devrait pouvoir, lorsque l'on saisit l'Ordre d'une difficulté menant à une transaction financière pour dédommager le collaborateur lésé, basculer vers le disciplinaire. L'avocat quel qu'il soit est tenu de respecter le RIN et le règlement de son barreau ; tout manquement doit pouvoir être sanctionné. Et ce n'est que si de réelles sanctions dissuasives sont prononcées que les comportements déplacés cesseront.

Lexbase : Comment concilier l'exercice de l'avocat avec les legaltech ?

Aminata Niakaté : Souvent le réflexe du CNB est d'attaquer en justice ces legaltech. Je ne suis pas sûre que ce soit la réponse la plus efficace. Si ces legaltech occupent un marché du droit c'est parce que nous, les avocats, y sommes absents. Nous manquons également de transparence et de clarté sur nos honoraires, que les justiciables estiment peu lisibles. Or nous devons, en conformité avec nos principes essentiels, être présents sur le marché du numérique, saisir les nouvelles opportunités qu'offrent la pluralité d'exercice, l'interprofessionnalité, la filialisation d'activités commerciales connexes et accessoires, travailler avec d'autres professions, développeurs par exemple, pour automatiser des actes à faible valeur ajoutée, faciliter la mise en relation des avocats et des justiciables...

L'avocat de demain doit être un startupper du droit et trouver de nouvelles façons d'exercer et de toucher un public qui a un réel besoin en droit mais qui ne trouve pas la solution chez nous parce que nous sommes perçus comme trop chers ou pas assez visibles sur internet. L'avocat de demain doit aussi ouvrir son cabinet aux capitaux extérieurs. Une révolution et une transition numériques des avocats sont plus que jamais indispensables.

newsid:461112

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Recours en matière d'expropriation : admission de la déclaration d'appel via le RPVA

Réf. : Cass. civ. 2, 19 octobre 2017, n° 16-24.234, F-P+B (N° Lexbase : A4653WWA)

Lecture: 4 min

N1034BXL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461034
Copier

par Thierry Vallat, Avocat au barreau de Paris

Le 09 Novembre 2017

La transmission par voie électronique des déclarations d'appel peut toujours réserver bien des surprises. Il arrive, en effet, que le recours au RPVA, ce "réseau privé virtuel avocat", qui constitue désormais la voie privilégiée pour communiquer les pièces et actes de procédures, rencontre des ratés et met en difficulté l'avocat qui se voit par exemple refuser un de ses envois pour raison technique et peut dès lors se retrouver hors délais, et donc irrecevable. Tel était le cas dans cette affaire d'expropriation pour cause d'utilité publique tranchée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 19 octobre 2017.
  • Quels étaient les faits ?

Un avocat veut interjeter appel d'un jugement du 2 mai 2015, signifié le 20 mai 2015, fixant la valeur de parcelles, suite à l'exercice d'un droit de préemption.

Insatisfait de cette décision, il entreprend de régulariser son recours par la voie électronique via le RPVA.

La déclaration d appel doit être faite, en matière d'expropriation publique, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, puis l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration d'appel pour produire mémoire et pièces.

Notre avocat appelant formalise donc sa déclaration d'appel par message électronique le 16 juin 2015.

Il se trouve donc bien dans le délai de l'article R. 311-24 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L4296LG9).

Mais voilà que son acte est rejeté le jour même par le facétieux système RPVA qui lui renvoie un message d'erreur ainsi libellé "sans le message structuré, votre enregistrement ne peut aboutir" !

L'avocat finit donc par envoyer une recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel de Rennes le 25 juin 2015, réitérant sa déclaration d'appel.

Mais c'est cette dernière date que va retenir la cour d appel de Rennes dans son arrêt du 22 juillet 2016 (CA Rennes, 22 juillet 2016, n° 15/05251 N° Lexbase : A7539RXI) pour le déclarer irrecevable en son recours, envoyé selon elle après expiration du délai d'un mois.

Un pourvoi en cassation est donc formé qui aboutit à l'arrêt rendu le 19 octobre 2017.

La deuxième chambre civile valide la déclaration d'appel en déclarant : 'la régularité de la transmission par la voie électronique d'une déclaration d'appel formée contre un jugement rendu en matière d'expropriation s'apprécie au regard des seules dispositions des articles 748-1 (N° Lexbase : L0378IG4) et suivants du Code de procédure civile et de l'arrêté pris en application de ces articles le 5 mai 2010 [arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel N° Lexbase : L3316IKZ]''

  • Les seules exigences des articles 748-1 et suivants du Code de procédure civile

L'article 748-1 du Code de procédure civile dispose que 'les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, des avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux, ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectuées par voie électronique dans les conditions et selon les modalités visées par le présent titre et sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication''

Un arrêt du 10 novembre 2016 (Cass. civ. 2, 10 novembre 2016, n° 14-25.631, FS -P+B N° Lexbase : A9119SGT et lire N° Lexbase : N5211BWW) avait eu l'occasion de préciser qu'il résultait de la combinaison de cet article 748-1 avec les articles 748-3 ([LXB=L5857ICW ]) et 748-6 (N° Lexbase : L8588IAC), ainsi que de l'article 1er de l'arrêté du 5 mai 2010, qu'en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, la déclaration d'appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées peuvent être valablement adressées au greffe de la chambre de l'expropriation par la voie électronique par le biais du RPVA.

On peut donc certainement procéder par le RPVA à la déclaration d'appel d'un jugement en matière d'expropriation. Mais encore faut-il que ce recours soit valablement envoyé par voie électronique.

Or, tel n'avait pas été le cas dans notre affaire nantaise. En effet, aussitôt après son envoi, le système du RPVA refusait la démarche et faisait parvenir un message d'erreur à l'avocat appelant

Et c'est là que la cour d'appel croit pouvoir déceler la cause de l'irrecevabilité de l'appel en se basant non pas sur le seul message d'erreur, mais sur sa conformité avec un protocole mis en place avec le barreau de Nantes et l'article 5 de la convention passée avec ce barreau selon laquelle 'lorsqu'une déclaration d'appel est incorrecte et refusée par l'application électronique il est envoyé à l'expéditeur un accusé de réception négatif [...]. L'acte rejeté n'est pas pris en compte, n'est pas traité et ne reçoit aucun numéro de DA ni de RG''.

Ainsi, la déclaration d'appel avait été refusée par le RPVA sur le fondement de ce protocole particulier mis en place localement qui avait généré un message d'erreur et conduit la cour d'appel à la déclarer irrégulière de ce fait.

C'est ce raisonnement que sanctionne la Cour de cassation qui nous rappelle en conséquence que seules les dispositions des articles 748-1 et suivants et l'arrêté de 2010, à l'exclusion de toutes autres, peuvent amener une cour d'appel à prononcer l'irrégularité d'un recours via la voie électronique comme hors délais, peu important d'autres dispositions qui seraient prévues, par ailleurs, à ce sujet.

Le débat sur l'appel interjeté par RPVA dans les procédures sans représentation obligatoire semble ainsi clos, mais l'avocat appelant n'en sera pas tranquille pour autant.

Rappelons en effet que la Cour de cassation a jugé que les écritures (conclusions ou mémoires), notifiées par le RPVA devant la chambre de l'expropriation, étaient, elles, irrecevables (Cass. civ. 2, 10 novembre 2016, n° 15-25.431, FS-P+B [LXB=A8985SGU ] et lire N° Lexbase : N5212BWX), car l'article 1er de l'arrêté du Garde des sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, s'il valide l'emploi de procédés techniques garantissant la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et permettant la date certaine des transmissions, ne fixe une telle garantie que pour l'envoi par un auxiliaire de justice de la déclaration d'appel, de l'acte de constitution et des pièces qui leur sont associées, à l'exclusion des écritures des parties !

On le voit, beaucoup de chausse-trappes pour l'appelant avec cette voie électronique et la nécessité pour l'avocat de procéder avec les plus extrêmes circonspection et attention lorsqu'il va régulariser ses actes via le RPVA, afin d'éviter irrecevabilité ou déchéance d'appel.

newsid:461034

Consommation

[Brèves] VEFA : application de la prescription biennale à l'action en paiement du constructeur contre l'acquéreur

Réf. : Cass. civ. 3, 26 octobre 2017, n° 16-13.591, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8796WWP)

Lecture: 1 min

N0966BX3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460966
Copier

par Laïla Bedja

Le 09 Novembre 2017

L'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T), disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, a vocation à s'appliquer à l'action d'une société, professionnelle de l'immobilier, en paiement du solde du prix de l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement. Telle est la solution retenue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 octobre 2017 (Cass. civ. 3, 26 octobre 2017, n° 16-13.591, FS-P+B+I N° Lexbase : A8796WWP, voir en ce sens, Cass. civ. 1, 17 février 2016, n° 14-29.612, F-P+B+I N° Lexbase : A3360PLZ).

Dans cette affaire, par acte notarié du 26 novembre 2004, la société européenne d'aménagement foncier a vendu en l'état futur d'achèvement un appartement à Mme X, le délai de livraison étant fixé "au cours du 1er trimestre 2005". La livraison est intervenue le 23 février 2006. Mme X n'ayant pas réglé le solde du prix, d'un montant de 5 178,74 euros, la société l'a assignée en paiement de cette somme et cette dernière a formé des demandes reconventionnelles en paiement. La cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 17 décembre 2015, n° 13/20898 N° Lexbase : A5365NZQ) déclare irrecevable la demande du constructeur. Pourvoi est formé par ce dernier.

En vain. Enonçant la solution susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que le texte susvisé, de portée générale, avait, en l'absence de dispositions particulières, vocation à s'appliquer à l'action du constructeur en paiement du solde du prix de l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement.

newsid:460966

Construction

[Brèves] La garantie décennale applicable aux éléments d'équipement sur existant

Réf. : Cass. civ. 3, 26 octobre 2017, n° 16-18.120, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8797WWQ)

Lecture: 2 min

N1109BXD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461109
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 10 Novembre 2017

Les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la garantie décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. Tel est le rappel opéré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, à propos d'une cheminée à foyer fermé, aux termes d'un arrêt rendu le 26 octobre 2017 (Cass. civ. 3, 26 octobre 2017, n° 16-18.120, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8797WWQ ; déjà en ce sens : Cass. civ. 3, 15 juin 2017, n° 16-19.640, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6831WHH, à propos d'une pompe à chaleur ; et Cass. civ. 3, 14 septembre 2017, n° 16-17.323, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6554WR8, à propos d'un insert).

En l'espèce, le 9 février 2006, M. et Mme K., propriétaires d'une maison et assurés auprès de la société X avaient fait installer une cheminée par la société A, assurée auprès de la société Y ; un incendie ayant détruit leur maison dans la nuit du 1 au 2 novembre 2008, M. et Mme K., partiellement indemnisés par leur assureur, avaient assigné en complément d'indemnités les sociétés X et Y ainsi que la société A représentée par son liquidateur judiciaire. La société Y faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar de dire qu'elle devait sa garantie décennale au titre de la réparation des dommages matériels (CA Colmar, 17 février 2016, n° 14/02445 N° Lexbase : A7516Q8U).

En vain. La Haute juridiction énonce, d'une part, que les dispositions de l'article L. 243-1-1 II du Code des assurances (N° Lexbase : L2007IBX) ne sont pas applicables à un élément d'équipement installé sur existant, d'autre part, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la garantie décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. Elle approuve alors la cour d'appel qui, ayant relevé que la cheminée à foyer fermé avait été installée dans la maison de M. et Mme K. et que l'incendie était la conséquence directe d'une absence de conformité de l'installation aux règles du cahier des clauses techniques portant sur les cheminées équipées d'un foyer fermé, avait retenu qu'il en résultait que, s'agissant d'un élément d'équipement installé sur existant, les dispositions de l'article L. 243-1-1 II précité n'étaient pas applicables et que les désordres affectant cet élément relevaient de la garantie décennale.

newsid:461109

Contrats administratifs

[Brèves] Modalités d'indemnisation de la part non amortie des biens de retour dans un contrat de concession conclu entre deux personnes publiques

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 25 octobre 2017, n° 402921, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4481WXA)

Lecture: 1 min

N1023BX8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461023
Copier

par Yann Le Foll

Le 09 Novembre 2017

La possibilité de ne pas indemniser ou de n'indemniser que partiellement les biens de retour non amortis ne peut être prévue par le contrat lorsque le concessionnaire est une personne publique. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 25 octobre 207 (CE 2° et 7° ch.-r., 25 octobre 2017, n° 402921, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4481WXA, voir dans le cas d'un contrat conclu entre une personne publique et une personne privée, CE, Ass., 21 décembre 2012, n° 342788 N° Lexbase : A1341IZP).

Estimant qu'elle pouvait se fonder sur les stipulations du cahier des charges de la concession pour apprécier les droits à indemnisation de la commune au titre de la valeur non amortie des biens de retour, sous la seule réserve que leur application ne conduise pas à un montant manifestement disproportionné au regard du préjudice subi par celle-ci, alors qu'il lui revenait, s'agissant d'un contrat de concession conclu entre deux personnes publiques, de vérifier que les stipulations contractuelles permettaient d'assurer au concessionnaire l'indemnisation de la part non amortie des biens de retour et, à défaut, de les écarter, la cour administrative d'appel (CAA Nantes, 4ème ch., 28 juin 2016, n° 14NT01984 N° Lexbase : A0089RW9) a entaché son arrêt d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation.

newsid:461023

Domaine public

[Brèves] Contravention de grande voirie : possibilité pour le juge de moduler le montant de l'amende eu égard à la gravité des faits

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 25 octobre 2017, n° 392578, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4470WXT)

Lecture: 1 min

N1043BXW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461043
Copier

par Yann Le Foll

Le 09 Novembre 2017

Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant de faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les textes ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois moduler leur montant dans la limite du plafond que constitue le montant de l'amende prévu par ces textes et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 25 octobre 2017 (CE 3° et 8° ch.-r., 25 octobre 2017, n° 392578, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4470WXT).

En l'espèce, le requérant s'est amarré, sans autorisation, à un emplacement d'un port réservé à un autre bateau qui devait y débarquer le produit de sa pêche et a refusé d'obtempérer à l'ordre qui lui avait été donné de libérer le poste d'amarrage. Le bateau du contrevenant étant d'une longueur de 21 mètres, l'amende pouvant être infligée par le juge à l'intéressé à raison de ce manquement constitutif d'une contravention de grande voirie, sur le fondement des articles L. 5334-5 (N° Lexbase : L6980INT), L. 5337-1 (N° Lexbase : L6949INP) et L. 5337-5 (N° Lexbase : L6945INK) du Code des transports, était nécessairement comprise entre la somme de 8 000 euros, maximum possible pour les bateaux d'une longueur supérieure à 20 mètres et inférieure ou égale à 100 mètres, et 500 euros, maximum possible pour les bateaux d'une longueur inférieure ou égale à 20 mètres. Compte tenu à la fois de la gravité du manquement et de sa brièveté, le montant de l'amende est fixé à 4 000 euros.

newsid:461043

Entreprises en difficulté

[Brèves] Revendication d'un bien vendu sous réserve de propriété au débiteur : charge de la preuve de l'existence en nature au jour du jugement d'ouverture

Réf. : Cass. com., 25 octobre 2017, n° 16-22.083, F-P+B+I (N° Lexbase : A6300WWA)

Lecture: 2 min

N0954BXM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460954
Copier

par Vincent Téchené

Le 09 Novembre 2017

En présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire prévu par l'article L. 622-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L2849IXS), la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe au liquidateur. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 25octobre 2017 (Cass. com., 25 octobre 2017, n° 16-22.083, F-P+B+I N° Lexbase : A6300WWA).

En l'espèce, une société a été mise en sauvegarde puis en liquidation judiciaire, les 20 décembre 2012 et 6 mars 2013, et sa filiale a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires, les 5 mars et 2 juillet 2013. Le 7 juin 2013, le liquidateur judiciaire de la société mère a saisi l'administrateur judiciaire de la filiale d'une requête en revendication de marchandises qu'elle lui avait vendues avec une clause de réserve de propriété et livrées entre les 30 août et 31 janvier 2013.

La cour d'appel (CA Poitiers, 27 octobre 2015, n° 14/04157 N° Lexbase : A1168NUS) a accueilli cette requête en revendication. Le liquidateur et l'administrateur de la filiale débitrice ont formé un pourvoi en cassation, soutenant qu'il incombe au vendeur d'identifier et d'individualiser les biens qu'il entend revendiquer dans le patrimoine de la personne morale débitrice. Et, seul le défaut d'établissement de l'inventaire ou l'obstacle mis par la société débitrice à la réalisation d'un inventaire plus détaillé renverse la charge de la preuve, et met à la charge du liquidateur de la société débitrice l'obligation de prouver que les marchandises revendiquées n'existaient plus en nature au jour du jugement d'ouverture. Ainsi, en considérant cependant qu'un inventaire présentant un caractère incomplet, sommaire et/ou inexploitable était assimilable à une absence d'inventaire, et avait pour effet juridique d'induire un renversement de la charge de la preuve et l'obligation pour le débiteur de prouver que les biens revendiqués n'existaient pas en nature dans son patrimoine au jour de l'ouverture de sa procédure collective, la cour d'appel aurait violé les dispositions des articles L. 622-6, L. 624-16 (N° Lexbase : L3509ICX), L. 631-9 (N° Lexbase : L2072KGT) et L. 641-1 (N° Lexbase : L4160K8L) du Code de commerce.

Enonçant le principe de solution précité, la Cour de cassation rejette le pourvoi : ayant souverainement retenu que l'inventaire des actifs de la société, dressé les 20 et 21 mars 2013, était sommaire et incomplet, et que le liquidateur de cette société n'apportait pas la preuve que les marchandises revendiquées n'existaient plus en nature à la date du jugement d'ouverture, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en revendication devait être accueillie (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E9985ETY et N° Lexbase : E5008E7M).

newsid:460954

Entreprises en difficulté

[Brèves] Délai de fixation des créances des organismes de Sécurité sociale

Réf. : Cass. com., 25 octobre 2017, n° 16-15.784, F-P+B+I (N° Lexbase : A6297WW7)

Lecture: 2 min

N0965BXZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460965
Copier

par Vincent Téchené

Le 09 Novembre 2017

Conformément à l'article L. 622-24, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L7290IZZ), le délai dans lequel les créances des organismes de Sécurité sociale doivent être définitivement établies par la production d'un titre exécutoire n'est autre que celui, prévu par l'article L. 624-1 du même code (N° Lexbase : L7294IZ8), dans lequel le mandataire judiciaire ou le liquidateur doit vérifier le passif et, fixé par le jugement ouvrant la procédure collective, la publication de ce jugement suffit à l'indiquer. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 25 octobre 2017 (Cass. com., 25 octobre 2017, n° 16-15.784, F-P+B+I N° Lexbase : A6297WW7 ; rapp. pour les créances du Trésor public, Cass. com., 9 février 2010, n° 08-22.054, F-D N° Lexbase : A7740ER4).

En l'espèce, une société (la débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 mai et 4 octobre 2012. Le jugement d'ouverture, qui a été publié au Bulletin des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 10 juillet 2012, dispose que le mandataire devra établir la liste des créances dans le délai d'un an à compter de la publication du jugement au BODACC. Une caisse de Sécurité sociale (la caisse) a déclaré une créance pour un montant de 75 537 euros. Après contestation adressée par le liquidateur à la caisse le 25 mars 2013, faute pour elle d'avoir adressé un titre exécutoire, celle-ci a, le 24 avril 2013, formulé des observations et déposé une déclaration de créance rectificative.

La cour d'appel admet la créance (CA Basse-Terre, 18 janvier 2016, n° 14/01203 N° Lexbase : A8169N7P). Elle retient que ni le juge-commissaire, ni le mandataire judiciaire n'ont indiqué quel était le délai imposé à la caisse pour établir définitivement sa créance, et que le jugement de liquidation judiciaire ne comportait lui-même aucun délai.

Saisie d'un pourvoi formé par le liquidateur, la Cour de cassation énonçant la solution précitée, censure la cour d'appel, au visa de l'article L. 622-24, alinéa 4, du Code de commerce, retenant qu'elle a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0536EX7).

newsid:460965

Entreprises en difficulté

[Brèves] Champ d'application de l'allongement du délai de déclaration définitive des créances fiscales

Réf. : Cass. com., 25 octobre 2017, quatre arrêts, n° 16-18.938, F-P+B+I (N° Lexbase : A6299WW9) ; n° 16-18.939, F-D (N° Lexbase : A1542WXE) ; n° 16-18.940, F-D (N° Lexbase : A1551WXQ) et n° 16-18.942, F-D (N° Lexbase : A1452WX3)

Lecture: 2 min

N1006BXK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461006
Copier

par Vincent Téchené

Le 09 Novembre 2017

Le nouveau délai introduit à l'alinéa 4 de l'article L. 622-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L7290IZZ) par l'ordonnance du 12 mars 2014 (ordonnance n° 2014-326 N° Lexbase : L7194IZH), autorisant l'établissement définitif des créances fiscales jusqu'au dépôt au greffe du compte-rendu de fin de mission du mandataire judiciaire, lorsqu'une procédure administrative d'établissement de l'impôt a été mise en oeuvre, a pour finalité de prolonger le délai de déclaration définitive de la créance fiscale dans le seul cas d'engagement d'une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 octobre 2017, publié au Bulletin et sur son site internet (Cass. com., 25 octobre 2017, n° 16-18.938, F-P+B+I N° Lexbase : A6299WW9 ; cf. trois autres arrêts du même jour dans le même sens, Cass. com., 25 octobre 2017, trois arrêts, n° 16-18.939, F-D N° Lexbase : A1542WXE ; n° 16-18.940, F-D N° Lexbase : A1551WXQ et n° 16-18.942, F-D N° Lexbase : A1452WX3).

En l'espèce, une société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 22 janvier et 26 mars 2015. Le délai imparti par le tribunal au mandataire judiciaire pour établir la liste des créances déclarées en application de l'article L. 624-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L7294IZ8) avait été fixé au 5 octobre 2015. Ayant déclaré à titre provisionnel une créance de cotisation foncière des entreprises le 18 février 2015, le comptable chargé du recouvrement, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Haute Garonne (le comptable) en a demandé l'admission définitive le 2 novembre suivant. L'arrêt d'appel (CA Toulouse, 13 avril 2016, n° 15/05697 N° Lexbase : A6132RC4) a rejeté sa créance. Le comptable a formé un pourvoi en cassation au soutient duquel il faisait valoir, en substance, que l'article L. 622-24, alinéa 4, offre à l'administration un allongement du délai d'établissement définitif lorsqu'une procédure administrative d'établissement de l'impôt a été mise en oeuvre. Ce texte ne limiterait pas le bénéfice de l'allongement du délai d'établissement définitif aux seules procédures de contrôle ou de rectification de l'imposition et toute procédure préalable à l'exigibilité de l'impôt ou à l'obtention du titre exécutoire et enfermée dans des délais qui s'imposent aux comptables publics constitue une procédure administrative d'établissement de l'impôt.

Enonçant le principe précité, la Cour de cassation rejette le pourvoi : en effet, la cour d'appel, qui a relevé que le comptable ne décrivait, à l'appui de sa position, que le processus normal de détermination de l'assiette de l'impôt et de calcul de son montant, et constaté qu'il n'avait pas respecté le délai qui lui était imparti par le tribunal, en a exactement déduit le rejet de la créance (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0536EX7).

newsid:461006

Libertés publiques

[Jurisprudence] Installation d'une croix en surplomb d'une statue du pape érigée sur une place publique : violation de la loi du 9 décembre 1905 - conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 25 octobre 2017, n° 396990, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6295WW3)

Lecture: 22 min

N1005BXI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461005
Copier

par Romain Victor, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 09 Novembre 2017

Dans un arrêt rendu le 25 octobre 2017, le Conseil d'Etat indique qu'est contraire à la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l'Etat (N° Lexbase : L0978HDL), l'installation d'une croix en surplomb d'une statue du pape Jean-Paul II érigée sur une place d'une commune. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Romain Victor. 1.- L'affaire qui arrive aujourd'hui devant vous soulève une nouvelle question d'application de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l'Etat. Politiquement moins sensible que l'affaire des "crèches de Noël" portée, il y a de cela un an, devant l'Assemblée du contentieux (CE, 9 novembre 2016, n°s 395122 N° Lexbase : A0617SGX, rec. p. 462 et 395223 N° Lexbase : A0618SGY, rec. p. 449, concl. A. Bretonneau), elle a néanmoins suscité, tout au long de son parcours contentieux, à peu près autant d'émoi parmi les défenseurs de la laïcité que parmi les catholiques et les admirateurs du pape Jean-Paul II. Nous ne pouvons garantir qu'aujourd'hui nos conclusions, et demain votre décision, apaiseront cette émotion.

2.- Par une délibération du 28 octobre 2006, le conseil municipal de la commune bretonne de Ploërmel -10 000 habitants environ- située dans le département du Morbihan, a accepté le don d'une statue du souverain pontife polonais décédé en 2005, oeuvre du sculpteur monumentaliste Zurab Tsereteli. L'extrait du registre des délibérations du conseil municipal indique : "La Ville de Ploërmel a reçu de Zurab Tsereteli, artiste russe de réputation internationale, une proposition de don à la commune d'une statue géante du défunt pape Jean-Paul II. Cette statue sera implantée sur la place Jean-Paul II. Cette statue sera un témoignage du service rendu à l'Humanité par cet homme, géant de l'Histoire, choisi par ses pairs pour devenir le chef de l'Etat du Vatican et qui a su mettre son autorité au service de la Paix. Cette oeuvre d'art contribuera, à n'en pas douter, à la notoriété de la ville et au développement du tourisme. Il est demandé au conseil municipal [...] d'accepter ce don".

Installée sur la place publique "Saint Jean-Paul II" de la ville de Ploërmel, l'oeuvre a été inaugurée le 10 décembre 2006 en présence d'une foule nombreuse -environ 1 000 personnes- ainsi que d'élus locaux, de parlementaires et de représentants du clergé.

La statue de bronze, représentant Jean-Paul II en costume ecclésiastique, debout, les mains jointes, a été érigée sur un épais socle de granit. Sur ce socle a été apposée une plaque reproduisant en lettres majuscules l'injonction "N'ayez pas peur" adressée par le nouveau pape aux fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre de Rome, le 22 octobre 1978, dans son discours inaugurant son pontificat. La statue a été entourée de deux piliers massifs en pierre enduite, fixés dans le même support que la statue et supportant à leur sommet une arche surmontée d'une croix latine, l'ensemble culminant à 7,50 mètres de hauteur au-dessus du socle. Sachez qu'une réplique de la statue a été installée en octobre 2014 à Paris, dans le square public Jean-XXIII qui jouxte la cathédrale Notre-Dame, mais sans arche ni croix.

3.- Un premier épisode contentieux, initié en 2007, a opposé deux adhérents de la Fédération morbihannaise de la libre pensée au département du Morbihan. Etait en cause une subvention de 4 500 euros octroyée par une délibération du conseil général du 20 octobre 2006 à la communauté de communes du pays de Ploërmel destinée à financer une partie du socle appelé à recevoir la statue de Jean-Paul II, délibération que le tribunal administratif de Rennes a annulé par un jugement devenu définitif du 31 décembre 2009 (TA Rennes, 31 décembre 2009, n° 0701701).

La Fédération morbihannaise de la libre pensée ne s'est pas arrêtée en si bon chemin. Courant 2012, l'association et deux de ses adhérents habitant Ploërmel ont saisi le maire de demandes tendant "à faire disparaître de tout emplacement public ce monument consacré à Jean-Paul II" en se fondant sur le motif que l'édification de la croix supportée par l'arche, qui constituait un élément indissociable de la statue, méconnaissait les dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905. Face au silence gardé par le maire, ils ont déféré au tribunal administratif de Rennes les décisions implicites de rejet de leurs demandes. Par un jugement du 30 avril 2015, ce tribunal a annulé ces décisions pour excès de pourvoir et ordonné au maire de Ploërmel de retirer le monument de son emplacement dans un délai de six mois.

Les premiers juges, qui ont commencé par citer l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4) et l'article 28 de la loi de 1905, ont relevé que la statue, érigée sur une place publique, était entourée d'une arche surplombée d'une croix, symbole de la religion chrétienne, qui, par sa disposition et ses dimensions, présentait un caractère ostentatoire. Ils ont estimé qu'alors même que l'édification de la statue ne méconnaîtrait pas, par elle-même, la Constitution et la loi de 1905, en revanche l'apposition de la croix au sommet de l'arche méconnaissait ces textes. Ils ont ajouté que cette incompatibilité faisait obligation à la commune de mettre fin, à la première demande, à la situation illicite, sans qu'y puisse faire obstacle l'invocation du droit moral de l'auteur de l'oeuvre. Le tribunal a seulement rejeté les conclusions des requérants tendant à ce qu'ils déclarent illégales la convention de cession à la commune des droits patrimoniaux de M. Tsereteli sur son oeuvre ainsi que la délibération du conseil municipal de Ploërmel approuvant cette cession.

La commune a interjeté appel de ce jugement, en tant qu'il lui faisait grief, devant la cour administrative d'appel de Nantes à laquelle elle a en outre demandé qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué. Sont intervenus à l'instance, au soutien de l'appel de la commune, M. Tsereteli, auteur du monument litigieux, ainsi que l'association de défense de la statue de Jean-Paul II "Touche pas à mon Pape", qui a pour objet le maintien, la mise en valeur et l'exposition de la statue de Saint Jean-Paul II à son emplacement actuel.

Pour annuler les dispositions contestées du jugement du tribunal administratif de Rennes et rejeter la demande de Fédération morbihannaise de la libre pensée et autres, la cour a réglé le litige sur un terrain procédural après avoir communiqué aux parties un moyen qu'elle a relevé d'office. Les juges d'appel ont en effet analysé la demande des requérants de faire disparaître la statue de Jean-Paul II comme tendant implicitement mais nécessairement à l'abrogation de la délibération du 28 octobre 2006 du conseil municipal de Ploërmel. Or, ils ont aussitôt constaté que cet acte était devenu définitif faute d'avoir été contesté en temps utile de sorte que, faisant application de votre jurisprudence de Section "Association Les Verts" (CE, 30 novembre 1990, n° 103889 N° Lexbase : A5713AQN, rec. p. 339), ils ont jugé que le refus de l'abroger ne pouvait être annulé, car l'illégalité entachait la délibération depuis l'origine et n'était pas apparue à la faveur de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction. C'est l'arrêt attaqué.

Vous pourrez admettre la recevabilité de l'intervention de l'association "Touche pas à mon pape", qui a été présentée par mémoire distinct conformément à l'article R. 632-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L9919LAM). L'intervention est par ailleurs motivée et émane d'une personne qui justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêt (CE Sect., 25 juillet 2013, n° 350661 N° Lexbase : A1209KKY, rec. p. 224). Enfin, si elle est intervenue avant toute défense au pourvoi, la production du mémoire en défense de la commune a régularisé cette irrecevabilité (CE, 26 mars 1996, n° 157678 N° Lexbase : A8293ANH, aux T.).

4.- L'un des moyens du pourvoi nous paraît fondé. Il est tiré de ce que les juges d'appel auraient inexactement interprété la portée de la délibération du 28 octobre 2006, ce dont il résulterait une erreur de droit.

Nous l'avons dit, cette délibération a uniquement pour objet d'accepter le don de la statue représentant le pape Jean-Paul II dont il est précisé qu'elle est destinée à être implantée sur la place Saint Jean-Paul II de la commune. La délibération prend par ailleurs le soin de faire ressortir la stature politique de dimension internationale et l'envergure historique du personnage. En revanche, il n'y est nullement question de l'édification d'un portique en forme d'arche surmontée d'une croix. A la seule lecture de l'acte, qui n'est par ailleurs assorti d'aucune photographie ni d'aucun croquis, il n'est pas permis de savoir que la statue, décrite comme une oeuvre "géante", sera entourée de deux piliers supportant une arche et une croix aux proportions plus monumentales encore.

Dans ces conditions, l'installation de l'ouvrage en pierre entourant et surplombant la statue doit être regardée comme "révélant" l'existence d'une décision distincte de la délibération du 28 octobre 2006 et ce quand bien même -et, à vrai dire, nous n'en savons rien- l'oeuvre de Zurab Tsereteli aurait comporté ces deux éléments dès sa création. Or cette seconde décision, certes manifestée par l'installation puis l'inauguration publique de l'ensemble, n'a pas fait l'objet des mesures de publicité prescrites par l'article L. 2131-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2602KGH) de sorte qu'aucun délai de recours n'a été déclenché et qu'elle ne présente par conséquent aucun caractère définitif.

La théorie de la connaissance acquise ne peut par ailleurs jouer s'agissant d'une décision pour laquelle, comme en l'espèce, un mode d'opposabilité particulier est prévu par la loi, conformément à votre jurisprudence constante. Voyez, pour une publication au Journal officiel, votre arrêt de Section "Union pour la défense des radios locales privées" (CE, 14 mai 1993, n° 95042 N° Lexbase : A9610AMU, rec. p. 155) ou, pour un affichage en mairie, votre décision "Epoux Boulanger" (CE, 29 novembre 1999, n° 182214 N° Lexbase : A5090AXS, T. p. 941).

N'ayant pas un caractère réglementaire, la décision litigieuse n'est pas au nombre des actes que l'autorité compétente est tenue d'abroger au sens de votre décision "Cie Alitalia (CE Ass., 3 février 1989, n° 74052 N° Lexbase : A0651AQ8, rec. p. 44). Enfin si la commune invoque, dans son mémoire en défense, votre récente décision d'Assemblée "Czabaj" (CE, 13 juillet 2016, n° 387763 N° Lexbase : A2114RXL, à publier au recueil, concl. O. Henrard), selon laquelle, même en l'absence d'indication des voies et délais de recours, une décision administrative individuelle notifiée à son destinataire ne peut, au nom du principe de sécurité juridique, être remise en cause au-delà d'un délai raisonnable qui, en général, ne peut excéder un an, cette jurisprudence, telle que vous l'avez conçue, ne trouve pas à jouer lorsqu'est en cause, comme en l'espèce, une décision qui, non seulement, ne saurait être regardée comme une décision individuelle adressée à un destinataire désigné, mais aussi appartient à la catégorie des décisions "révélées" par un fait quelconque.

La cour ne pouvait donc clore le débat contentieux en se fondant sur le caractère définitif d'une délibération dont elle a mal interprété la portée. Elle a par voie de conséquence commis une erreur de droit car si la délibération du 28 octobre 2006 était bel et bien devenue irrévocable en 2012, à la date des demandes d'abrogation, elle ne pouvait refuser d'abroger la décision non formalisée de faire surplomber la statue d'une croix monumentale pour laquelle aucun délai de recours n'avait commencé à courir.

5.- Ce moyen ne conduisant qu'à une cassation partielle, il nous faut dire quelques mots des deux autres moyens du pourvoi dirigés contre le surplus des motifs de l'arrêt.

5.1.- On ne saurait d'abord faire grief à la cour d'avoir insuffisamment motivé sa décision en tenant pour acquis que la délibération du 28 octobre 2006 était devenue définitive, dès lors qu'il ressort des mentions marginales de celle-ci, non utilement combattues, qu'elle a été affichée en mairie le 9 novembre 2006.

5.2.- Les requérants font pour le reste grief à la cour d'avoir commis une erreur de droit et à tout le moins dénaturé leurs écritures en jugeant que leur demande devait être regardée comme tendant à l'abrogation de la délibération de 2006 alors qu'ils avaient saisi le maire en qualité d'autorité de police chargée de la préservation du domaine public.

La cour a objecté aux requérants, qui soutenaient avoir saisi le maire de la commune de Ploërmel sur le fondement du 1° de l'article L. 2122-27 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8595AAL), en sa qualité d'agent de l'Etat chargé de l'exécution des lois et règlements sous l'autorité du préfet, que la mission confiée au maire par ce texte ne lui donnait le pouvoir ni de faire disparaître le monument incriminé ni d'enjoindre aux organes de la commune de le faire disparaître.

Ce faisant, la cour n'a pas dénaturé les écritures des requérants qui mentionnaient bien les dispositions de l'article L. 2122-27 précité, lesquelles ne constituent pas, il est vrai, le fondement des pouvoirs de police administrative de protection du domaine public que le maire tient d'autres textes (1) et de votre jurisprudence. En tout état de cause, la cour ne peut se voir reprocher aucune erreur de droit car la police de la conservation du domaine public n'était pas véritablement en cause dans le présent litige ce que chacun comprend aisément. Certes et contrairement à ce qu'allègue l'association intervenante dans un mémoire produit avant-hier, la domanialité publique de la place Saint Jean-Paul II de Ploërmel, dont personne n'avait jusqu'à présent contesté qu'elle était affectée à l'usage direct du public (2), est peu contestable. Certes encore, votre jurisprudence retient que les autorités chargées de la police de la conservation du domaine public sont tenues de veiller à l'utilisation normale de ce domaine et d'exercer les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris, le cas échéant, celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite qui s'opposent à l'exercice par le public de son droit à l'usage du domaine (CE Sect., 23 février 1979, n° 4467 N° Lexbase : A2200AKP, rec. p. 75), sans pourvoir s'y soustraire pour des raisons de simple convenance administrative. Vos décisions retiennent ainsi qu'un maire est tenu de mettre fin à une autorisation illégale d'occupation du domaine public communal (CE, 29 juin 1979, n° 1474 N° Lexbase : A0984AKN, rec. p. 290) et de faire cesser l'occupation irrégulière d'une voie publique communale (CE, 21 novembre 2011, n° 311941 N° Lexbase : A9923HZK, rec. p. 578).

Mais l'invocation par les requérants d'une demande tendant à l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police ne convainc pas. Outre qu'elle revient ici à demander au maire de remédier à un désordre dont il serait l'auteur, on relèvera que la police de la conservation du domaine public poursuit un double objectif de protection du patrimoine public et de maintien de l'affectation des dépendances du domaine public à l'usage direct du public ou au service public qui n'est pas méconnu ici. Il n'a en effet jamais été soutenu que l'installation de la statue aurait porté atteinte à l'intégrité du domaine ou à son affectation à l'usage du public.

Vous pourrez donc vous limiter à casser l'arrêt en tant qu'il porte sur les conclusions tendant à l'annulation du refus du maire de décider le retrait de l'arche et de la croix installées en surplomb de la statue.

6.- Nous vous invitons, après annulation, à régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, pour mettre un terme au présent litige. Vous vous retrouvez donc saisis de la requête d'appel de la commune de Ploërmel dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Rennes en tant que, par cette décision, le tribunal a fait droit aux conclusions tendant au retrait de l'arche et de la croix.

6.1.- Si la commune rappelle exactement que les règles de recevabilité des recours sont d'ordre public ce qui emporte l'obligation pour le juge de les examiner d'office, vous pourrez néanmoins écarter son moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Rennes aurait dû relever l'irrecevabilité, pour défaut d'intérêt à agir, des demandes qui lui ont été soumises.

En ce qui concerne Mme X et M. Y, les intéressés avaient justifié, par la production de factures d'eau et d'avis d'imposition, qu'ils résidaient dans la commune de Ploërmel et avaient la qualité de contribuables locaux. Vous jugez qu'un habitant a, en cette qualité, intérêt à contester un décret portant changement du nom de sa commune (CE, 4 avril 1997, n° 177987 N° Lexbase : A9569ADR, rec. p. 131, concl. J.-H. Stahl), une délibération du conseil municipal attribuant des dénominations à des voies privées de la commune (CE, 19 juin 1974, n° 88410 N° Lexbase : A1010AIA, rec. p. 346) ou l'arrêté rendant public le plan d'occupation des sols (CE, 1er février 1989, n° 66700 N° Lexbase : A1827AQQ, T. p. 836). Si la qualité d'habitant ne confère pas un intérêt à agir contre tous les actes de la commune, notamment contre la décision de délivrer un permis de construire (CE, 25 mars 1981, n° 20227 N° Lexbase : A6581AKX, rec. p. 164 ; CE, 8 avril 1987, n° 50755 N° Lexbase : A3691APE, T. p. 871), il nous semble ici qu'elle est suffisante, s'agissant de l'édification d'un monument sur une place affectée à l'usage du public. En outre, la qualité de contribuables municipaux était invoquée à bon escient s'agissant d'une décision ayant entraîné une charge pour les finances communales étant rappelé qu'il a fallu réunir des financements pour construire le socle du monument litigieux (CE, 17 octobre 1980, n° 17395 N° Lexbase : A7641AIT, T. p. 636).

Le tribunal n'avait pas davantage à opposer l'irrecevabilité de sa demande à la branche morbihannaise de la Fédération de la libre pensée, dont ses statuts lui donnent pour objet de défendre le principe de laïcité dans le département du Morbihan, dans lequel se situe la commune de Ploërmel. Vous avez d'ailleurs admis l'intérêt pour agir de la branche vendéenne de cette fédération dans l'affaire de la crèche de Noël du conseil général de la Vendée.

6.2.- Le moyen suivant, tiré de ce que le tribunal aurait dû, là encore d'office, relever la tardiveté de la requête ne peut qu'être écarté compte tenu de ce que vous aurez dit au stade de la cassation.

6.3.- Contrairement à ce soutient encore la commune, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision en jugeant, d'une part, que la commune ne pouvait se prévaloir des règles du droit de la propriété intellectuelle pour faire échec à l'application des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 et, d'autre part, que l'arche surplombée de la croix présentait, par sa disposition et ses dimensions, un caractère ostentatoire.

6.4.- Le tribunal administratif s'étant régulièrement prononcé sur le fond, vous vous retrouvez donc saisi de l'ensemble du litige et il vous reviendra ainsi d'aborder la question centrale que soulève la demande de première instance relative à la conformité à la loi de 1905 de l'installation de l'arche et de la croix entourant la statue de Jean-Paul II. Il faut, à ce stade, rappeler les termes précis de l'article 28 de la loi de séparation, qui dispose qu'"[i]l est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions".

Ainsi que le retiennent vos décisions d'Assemblée Commune de Melun et Fédération de la libre pensée de Vendée précitées, ainsi que votre avis M. Bonn (CE, 28 juillet 2017, n° 408920 N° Lexbase : A0704WQ7, à mentionner aux Tables), ces dispositions, qui ont pour objet d'assurer la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes, s'opposent à l'installation par celles-ci, dans un emplacement public, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse. Elles ménagent néanmoins des exceptions à cette interdiction, notamment lorsque ces signes ou emblèmes sont apposés dans un emplacement public "à titre d'exposition", ainsi que dans le cas d'un cimetière, quand bien même il serait une dépendance du domaine public communal. En outre, vous soulignez qu'en prévoyant que l'interdiction qu'il a édictée ne s'appliquerait que pour l'avenir, le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existant à la date de l'entrée en vigueur de la loi ainsi que la possibilité d'en assurer l'entretien, la restauration ou le remplacement

Ceci étant rappelé, nous n'éprouvons pour notre part aucune hésitation à vous proposer de juger que l'installation sur une place publique du centre-ville d'une commune, en décembre 2006 soit cent ans après l'adoption de la loi de 1905, c'est-à-dire dans cet "avenir" qu'avaient dessiné les auteurs du texte, d'une croix dont la nature de signe religieux ne fait aucun doute, dès lors qu'elle surmonte la statue d'un pape de l'Eglise catholique, contrevient évidemment aux dispositions que nous venons de rappeler et porte atteinte à la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes.

Nous souhaitons immédiatement préciser sur plusieurs points la position que nous vous suggérons d'adopter.

1°) Nous vous parlons bien de la croix et de la croix seulement. En revanche, les piliers en maçonnerie, de même que l'arche qui les relie, peuvent difficilement être regardés comme des signes ou emblèmes religieux. Il nous semble ainsi que vous devrez poursuivre au stade du règlement au fond la démarche pragmatique que votre décision aura initiée au stade de la cassation, consistant à analyser de manière autonome les différents éléments composant le monument dédié à Jean-Paul II. Si vous partagez cette approche, vous vous séparerez de l'analyse retenue par le tribunal administratif de Rennes qui a estimé que le monument, composé de la statue, des piliers, de l'arche et de la croix, formait un tout indissociable.

2°) Il nous semble ensuite, et nous nous séparons également sur ce point des premiers juges, qu'il n'y a pas lieu de s'appuyer sur le "caractère ostentatoire" de la croix, un tel caractère n'étant pas requis par la stricte application de l'article 28 de la loi de 1905. Il suffit que le signe ou l'emblème litigieux manifeste la reconnaissance d'un culte ou marque une préférence religieuse. Et tel est bien le cas de la croix surmontant l'arche, compte tenu de la nature même de ce symbole dont la dimension imposante le rend aisément visible par tous depuis la voie publique.

3°) La place publique "Saint Jean-Paul II" de Ploërmel doit incontestablement être regardée comme étant un "emplacement public" au sens et pour l'application de l'article 28 de la loi de 1905, sans même qu'il soit besoin de se référer aux travaux préparatoires lesquels -nous le signalons tout de même- sont clairement en ce sens que les places publiques étaient visées au même titre que les rues et les édifices publics autres que les cimetières et les musées. Voyez les précisions apportées sur ce point par Aristide Briand lors de la séance de la chambre des députés du 27 juin 1905 sur ce qui était alors le projet d'article 26. Un "emplacement public" sera généralement une dépendance du domaine public. Cependant le législateur de 1905 n'a nullement entendu raisonner en termes de "domanialité publique" mais bien davantage en termes de "propriété publique" et vous n'avez jamais opéré vous-mêmes une telle réduction. Substituer le "domaine public" à "l'emplacement public" ferait en outre courir le risque d'un contournement de la loi par des personnes publiques qui apposeraient des signes ou emblèmes religieux dans des locaux relevant de leur domaine privé ou dont elles ne seraient pas même propriétaires.

4°) La circonstance que la croix surmontant l'arche serait un élément d'une oeuvre d'art consacrée à Jean-Paul II ne conduit évidemment pas à retirer à celle-ci le caractère de signe ou d'emblème religieux. Pour manier les critères utilisés par vos décisions d'Assemblée sur les crèches de Noël, la reconnaissance du culte catholique et la préférence pour cette religion marquée par l'installation de la croix au sommet de l'arche l'emportent selon nous sur la dimension artistique de l'ensemble. Et que peut-on faire de mieux que de rappeler ces précisions d'Aristide Briand aux parlementaires qui l'interrogeaient : "Je vous indique que par ces mots emblèmes, signes religieux', nous entendons désigner des objets qui ont un caractère nettement symbolique, qui ont été érigés moins pour rappeler des actions d'éclat accomplies par les personnages qu'ils représentent que dans un but de manifestation religieuse. On peut honorer un grand homme, même s'il est devenu saint, sans glorifier spécialement la partie de son existence qui l'a désigné à la béatification de l'Eglise".

5°) Si la commune convoque ensuite sa propre histoire, remontant à sa fondation par Saint-Armel au VIème siècle, pour souligner qu'elle est "empreinte de faits religieux", qu'elle abrite de nombreux monuments classés liés à l'histoire religieuse -chapelles, églises, croix et calvaires- et réclame ainsi la prise en compte de "circonstances locales" manifestant une tradition religieuse municipale que n'aurait pas interrompue la loi de 1905, ce moyen ne saurait prospérer. Si, dans l'affaire des crèches, il a été admis de tenir compte, parmi d'autres éléments, de l'existence ou de l'absence d'usages locaux pour apprécier le caractère culturel ou cultuel d'installations qui sont susceptibles de revêtir une pluralité de significations, accueillir une telle argumentation au cas d'espèce reviendrait à priver d'effet utile l'article 28 de la loi de séparation qui a précisément pour but d'éviter, à compter de 1905, sous les exceptions qui ont été rappelées, que soient installés dans l'espace public de véritables signes religieux, tels une croix, qui ne revêt pas une pluralité de significations, quand bien même elle serait un élément d'une statuaire consacrée à un homme d'Eglise et homme d'Etat.

6°) Vous pourrez de même juger inopérante la circonstance que l'édification du monument surmonté de la croix procurerait à la commune des avantages économiques.

7°) Enfin, vous devrez prendre position sur le dernier groupe de moyens soulevés par la commune et tirés de la méconnaissance des droits de propriété intellectuelle attachés au monument dédié à Jean-Paul II. Celle-ci fait valoir, d'une part, que M. Zurab Tsereteli est titulaire d'un droit moral sur sa création qui fait obstacle à toute modification de celle-ci. D'autre part, elle rappelle qu'elle a signé en 2007 un contrat avec M. Tsereteli par lequel ce dernier lui a cédé les droits d'exploitation patrimoniale de son oeuvre et soutient que cette convention, dans la mesure où elle mentionne expressément l'emplacement actuel de l'oeuvre, fait obstacle à tout déplacement de celle-ci.

Il n'est pas contesté que le monument dédié à Jean-Paul II est une oeuvre de l'esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle, l'article L. 112-2, 7° de ce code (N° Lexbase : L3334ADT) mentionnant notamment les oeuvres de sculpture. Il n'est pas davantage contesté que M. Tsereteli a la qualité d'auteur de cette création originale. Enfin, il ne fait aucun doute que le droit moral de l'auteur fait en principe obstacle à ce qu'il soit porté atteinte à l'intégrité physique de l'oeuvre. Mais, dès lors que la croix a été installée en méconnaissance des dispositions de la loi de 1905, ni le droit moral de l'auteur, ni les accords contractuels portant sur les droits patrimoniaux conclus postérieurement à l'installation de l'oeuvre sur une place publique ne peuvent être utilement invoqués pour obtenir le maintien en l'état et à son emplacement de la croix. Notez que, dans un registre voisin, la Cour de cassation juge que dès lors qu'une oeuvre a été édifiée au mépris des règles d'ordre public édictées tant par la législation sur la protection des sites que par le code de l'urbanisme, le droit moral de l'auteur ne saurait faire échec à l'exécution des mesures prévues par la loi en vue de mettre fin aux conséquences des infractions pénales constatées (Cass. crim., 3 juin 1986, n° 85-91.433 N° Lexbase : A5166AAL, Bull. crim., 1986, n° 194, D., 1987 p. 301, note Edelman : à propos d'une oeuvre du sculpteur Arman).

Il résulte de ce qui précède que la commune est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les décisions du maire de Ploërmel en tant qu'elles portent sur l'arche installée en surplomb de la statue et enjoint au maire de procéder au retrait de celle-ci.

En maintenant le dispositif du jugement en tant seulement qu'il porte sur la croix surplombant la statue, y compris en ce qu'il prononce une injonction, votre décision soulève-t-elle une difficulté d'exécution prévisible ?

Nous ne le pensons pas car deux solutions s'offrent à la commune de Ploërmel.

1°) La commune, qui est propriétaire du monument par suite de la donation qu'elle a reçu, peut d'abord rechercher l'accord de M. Tsereteli pour que soient entrepris des travaux visant à supprimer la croix, qui ne fait pas corps avec la statue du pape Jean-Paul II dont elle est parfaitement distincte, tout en maintenant le surplus du monument. Le droit moral est certes inaliénable et l'auteur ne peut, en vertu d'un principe d'ordre public, consentir par avance à un tiers, par contrat, le droit général de modifier son oeuvre (Cass. civ. 1, 28 janvier 2003, n° 00-20.014 N° Lexbase : A8434A47, Bull. civ. I, 2003 n° 28), mais il ne fait obstacle qu'à des modifications non consenties (v. sur ce point Jcl. Propriété littéraire et artistique -Droit moral, droit au respect- A. Lucas, n° 13) et l'artiste demeure libre de modifier ou remanier son oeuvre si le propriétaire le lui demande (T. civ. Seine, 10 octobre 1951, Gaz. Pal., 1951. 2. 290).

2°) Si la commune n'obtient pas cet accord ou ne souhaite pas l'obtenir, elle devra alors retirer l'ensemble du monument pour le transférer dans un lieu qui ne puisse être regardé comme un emplacement public au sens de la loi de 1905.

Par ces motifs nous concluons :

- à ce que vous admettiez l'intervention de l'association "Touche pas à mon pape" ;

- à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour s'est prononcée sur les conclusions de la demande de première instance tendant au retrait de l'arche et de la croix installées en surplomb de la statue du pape Jean-Paul II ;

- au rejet de la requête d'appel de la commune de Ploërmel en tant qu'elle porte sur les conclusions des demandeurs de première instance relatives à la croix installée au sommet de l'arche surplombant la statue du pape Jean-Paul II ;

- au rejet des demandes d'annulation et d'injonction en tant qu'elles portent sur l'arche ;

- à la réformation du jugement du tribunal administratif du Rennes du 30 avril 2015 en ce qu'il a de contraire à la présente décision ;

- à ce que la commune de Ploërmel et l'association "Touche pas à mon pape" versent la somme globale de 3 000 euros à la Fédération morbihannaise de la libre pensée, Mme X et M. Y ;

- et au rejet du surplus des conclusions du pourvoi.


(1) Par exemple de l'article L. 2213-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3519IZD), ainsi que du code de la voirie routière et du Code général de la propriété des personnes publiques.
(2) Au sens de l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4505IQW).

newsid:461005

Licenciement

[Brèves] Etendue du pouvoir du juge dans l'appréciation du caractère réel et sérieux du motif du licenciement

Réf. : Cass. soc., 25 octobre 2017, n° 16-11.173, F-P+B (N° Lexbase : A1370WXZ)

Lecture: 1 min

N0989BXW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460989
Copier

par Charlotte Moronval

Le 09 Novembre 2017

Il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux ; la cour d'appel a pu estimer que l'utilisation parfois abusive de la carte de télépéage mise à la disposition de la salariée et le téléchargement sur l'ordinateur portable de fichiers personnels volumineux n'étaient pas constitutifs d'une faute grave, et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1350KHH), a décidé dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'ils n'étaient pas constitutifs d'une cause réelle et sérieuse. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 octobre 2017 (Cass. soc., 25 octobre 2017, n° 16-11.173, F-P+B N° Lexbase : A1370WXZ).

Dans cette affaire, une salariée est convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire puis convoquée à nouveau à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire. Elle apprend qu'elle est licenciée pour faute grave.

La cour d'appel (CA Douai, 27 novembre 2015, n° 14/02990 N° Lexbase : A9704NXP) condamne l'employeur à payer à sa salariée un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégularité de la procédure. L'employeur décide de former un pourvoi en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4682EXP).

newsid:460989

Procédure pénale

[Brèves] Publication du Règlement concernant la mise en oeuvre du Parquet européen

Réf. : Règlement (UE) n° 2017/1939 du Conseil, du 12 octobre 2017, mettant en oeuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (N° Lexbase : L2117LHU)

Lecture: 1 min

N1021BX4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461021
Copier

par June Perot

Le 09 Novembre 2017

Le Règlement européen n° 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en oeuvre une coopération renforcée concernant la création d'un Parquet européen est paru au Journal officiel de l'Union européenne du 31 octobre 2017 (N° Lexbase : L2117LHU).

Il sera compétent, dans un premier temps, pour poursuivre les auteurs de fraudes aux intérêts financiers de l'Union européenne (fraudes graves à la TVA, détournements de subventions européennes, corruption de fonctionnaires européens,...), mais sa compétence pourra être étendue à l'avenir à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Il sera composé d'un procureur par Etat membre, et de plusieurs procureurs européens délégués au sein de chaque Etat membre, qui seront chargés de la conduite des enquêtes. Il aura à sa tête un Chef du Parquet européen, assisté de deux adjoints.

Le Parquet européen commencera à fonctionner d'ici trois ans, soit à la fin de l'année 2020. Il sera basé à Luxembourg, siège également de la Cour de justice de l'Union européenne.

newsid:461021

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Possibilité de rompre le contrat d'apprentissage en cas de conclusion d'un nouveau contrat avec un nouvel employeur pour achever la formation

Réf. : Cass. soc., 25 octobre 2017, n° 16-19.608, F-P+B (N° Lexbase : A1524WXQ)

Lecture: 1 min

N0988BXU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460988
Copier

par Charlotte Moronval

Le 09 Novembre 2017

La possibilité prévue par le premier alinéa de l'article L. 6222-18 du Code du travail (N° Lexbase : L7365IZS), dans sa rédaction alors en vigueur, de rompre le contrat d'apprentissage, n'est pas applicable quand, après la rupture d'un contrat d'apprentissage, un nouveau contrat est conclu entre l'apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation, seule pouvant être prévue dans cette hypothèse une période d'essai dans les conditions prévues à l'article L. 1242-10 du même code (N° Lexbase : L1442H9B) auquel renvoie le dernier alinéa de l'article L. 6222-18. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 octobre 2017 (Cass. soc., 25 octobre 2017, n° 16-19.608, F-P+B N° Lexbase : A1524WXQ).

En l'espèce, un apprenti boulanger est engagé le 1er septembre 2013 pendant plus de huit mois. Le contrat est rompu d'un commun accord. Il est ensuite engagé par un autre employeur à compter du 25 juillet 2014 jusqu'au 31 août 2015 pour deux ans afin de continuer sa formation de boulanger, la période d'essai expirant le 25 août 2014. L'apprenti ayant refusé la proposition faite le 5 septembre 2014 d'une rupture d'un commun accord avec effet le lendemain, son employeur a saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire pour faute grave de l'apprenti.

La cour d'appel (CA Rennes, 29 avril 2016, n° 15/07383 N° Lexbase : A6674RLR) impute la rupture du contrat d'apprentissage à l'employeur et le condamne en conséquence à payer des rappels de salaire, heures supplémentaires et dommages-intérêts à son apprenti. L'employeur forme un pourvoi en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi, la cour d'appel ayant légalement justifié sa décision (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1332ETI).

newsid:460988

Sociétés

[Brèves] Application du principe de libre établissement au transfert intracommunautaire du siège statutaire d'une société sans déplacement de son siège réel

Réf. : CJUE, 25 octobre 2017, aff. C-106/16 (N° Lexbase : A6221WWC)

Lecture: 2 min

N0979BXK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460979
Copier

par Charlotte Moronval

Le 09 Novembre 2017

Les Etats membres ne peuvent pas imposer une obligation de liquidation aux sociétés qui souhaitent transférer leur siège statutaire dans un autre Etat membre. Le transfert du siège statutaire d'une société sans déplacement de son siège réel relève de la liberté d'établissement protégée par le droit de l'Union. Telle est la solution apportée par la CJUE dans une décision du 25 octobre 2017 (CJUE, 25 octobre 2017, aff. C-106/16 N° Lexbase : A6221WWC).

L'affaire concerne une société établie en Pologne. En 2011, l'assemblée générale extraordinaire des associés de cette société décide, par une résolution, de transférer son siège social au Luxembourg. Il ne ressort pas de cette résolution que le lieu de la direction des affaires de la société et celui de l'exercice effectif de son activité économique seraient eux aussi transférés au Luxembourg. Sur le fondement de cette résolution, l'ouverture de la procédure de liquidation est inscrite au registre du commerce polonais. En 2013, le siège social de la société est transféré au Luxembourg et la société change de nom, devenant une société de droit luxembourgeois. La société demande au tribunal d'enregistrement polonais d'être radiée du registre du commerce polonais, ce que refuse le tribunal.

La société forme un recours contre cette décision. Saisi en cassation, la Cour suprême de Pologne demande, tout d'abord, à la Cour de justice si la liberté d'établissement est applicable au transfert du seul siège statutaire d'une société constituée en vertu du droit d'un Etat membre vers le territoire d'un autre Etat membre, dans le cas où cette société est transformée en une société relevant du droit de cet autre Etat membre sans déplacement de son siège réel. Ensuite, la Cour demande si la réglementation polonaise subordonnant la radiation du registre du commerce à la dissolution de la société au terme d'une procédure de liquidation est compatible avec la liberté d'établissement.

En énonçant la règle précitée, la Cour répond aux questions préjudicielles posées. Ainsi, la Cour considère qu'une situation dans laquelle une société constituée selon la législation d'un Etat membre souhaite se transformer en une société de droit d'un autre Etat membre relève de la liberté d'établissement, quand bien même cette société exercerait l'essentiel voire l'ensemble de ses activités économiques dans le premier Etat membre. Aussi, la décision de transférer vers le Luxembourg le seul siège statutaire de la société sans transfert de son siège réel ne saurait, en soi, avoir pour conséquence de soustraire ce transfert à la liberté d'établissement. Par ailleurs, la Cour considère que, en exigeant la liquidation de la société, la réglementation polonaise est de nature à gêner voire à empêcher la transformation transfrontalière d'une société. Cette réglementation constitue donc une restriction à la liberté d'établissement (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E1908AWL).

newsid:460979

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Le bridge n'est pas un sport au sens de la Directive-TVA !

Réf. : CJUE, 26 octobre 2017, aff. C-90/16 (N° Lexbase : A7642WWX)

Lecture: 2 min

N1009BXN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461009
Copier

par Jules Bellaiche

Le 09 Novembre 2017

Le bridge en duplicate ne relève pas de la notion de "sport" au sens de la Directive-TVA (N° Lexbase : L7664HTZ) et ne peut donc pas être exonéré en tant que tel. Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt rendu le 26 octobre 2017 (CJUE, 26 octobre 2017, aff. C-90/16 N° Lexbase : A7642WWX).
En l'espèce, l'organisme requérant est chargé de la réglementation et du développement du bridge en duplicate en Angleterre. Il organise des tournois de bridge en duplicate, en faisant payer aux joueurs des droits d'entrée pour pouvoir y participer. Elle acquitte la TVA sur ces droits. Il a alors demandé, en vain, le remboursement de cette taxe en vertu de la Directive-TVA.
La CJUE, qui a donné raison à l'administration, considère que, dans le contexte des exonérations de TVA devant faire l'objet d'une interprétation stricte, l'interprétation de la notion de "sport" figurant dans la Directive se limite à des activités répondant au sens habituel de cette notion, lesquelles sont caractérisées par une composante physique non négligeable. Bien qu'admettant que le bridge en duplicate fait appel à la logique, à la mémoire, à la stratégie et peut constituer une activité bénéfique à la santé mentale et physique de ceux qui la pratiquent régulièrement, la Cour juge que le fait qu'une activité favorise la santé physique et mentale n'est pas, à lui seul, un élément suffisant pour conclure que cette activité relèverait de la notion de "sport" au sens de la Directive. La circonstance qu'une activité favorisant le bien-être physique et mental se pratique en compétition ne permet pas d'arriver à une conclusion différente. Ainsi, la Cour conclut qu'une activité telle que le bridge en duplicate, qui est caractérisée par une composante physique paraissant négligeable, ne relève pas de la notion de "sport".
La Cour indique cependant qu'une telle interprétation ne préjuge pas de la question de savoir si une activité comportant une composante physique paraissant négligeable pourrait relever de la notion de "services culturels" au sens de la Directive, lorsque cette activité occupe, compte-tenu de sa pratique, de son histoire et des traditions auxquelles elle appartient, une place telle dans le patrimoine social et culturel d'un pays qu'elle peut être considérée comme faisant partie de sa culture (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8089AL8).

newsid:461009

Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] Inconstitutionnalité de la taxe sur les services de télévisions

Réf. : Cons. const., 27 octobre 2017, n° 2017-669 QPC (N° Lexbase : A8821WWM)

Lecture: 2 min

N0980BXL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-460980
Copier

par Laïla Bedja

Le 09 Novembre 2017

Les dispositions de l'article L. 115-7 du Code du cinéma et de l'image animée (N° Lexbase : L1801K7T), qui instituent une taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision qui ont programmée, au cours de l'année précédant celle de la taxation, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides financières du Centre national du cinéma (CNC) sont contraires aux articles 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L6813BHS) et 34 de la Constitution (N° Lexbase : L7403HHN). Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 27 octobre 2017 (Cons. const., 27 octobre 2017, n° 2017-669 QPC N° Lexbase : A8821WWM).
Les Sages ont été saisi le 31 juillet 2017 par le Conseil d'Etat (CE 9° ch., 28 juillet 2017, n° 411837, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9027WNN) d'une QPC portant sur l'article L. 115-7 du Code du cinéma et de l'image animée, dans ses rédactions résultant de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011 (N° Lexbase : L9901INZ) et de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L7970IUQ). Il prévoit que la taxe susmentionnée est assise sur le montant des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage, non seulement aux éditeurs de services de télévision (le chaînes de télévision), mais aussi "aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage". La société requérante soutenait que ces dispositions méconnaissaient le principe d'égalité devant les charges publiques, au motif que la taxe à laquelle elles soumettent les éditeurs de services de télévision est en partie assise sur des sommes perçues par des tiers, les régisseurs de messages publicitaires et de parrainage. Cette taxe serait ainsi établie sans tenir compte des facultés contributives de ses redevables.
Enonçant la solution précitée, les Sages déclarent la disposition contraire aux exigences de la DDHC et de la Constitution. En l'espèce, ils relèvent que les dispositions contestées incluent dans l'assiette de la taxe dont sont redevables les éditeurs de services de télévision les sommes versées, par les annonceurs et les parrains, aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage, que ces éditeurs aient ou non disposé de ces sommes. Elles ont ainsi pour effet de soumettre un contribuable à une imposition dont l'assiette peut inclure des revenus dont il ne dispose pas.
Afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions contestées, il a reporté la date de prise d'effet au 1er juillet 2018, laissant aux juridictions saisies de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5951ALY).

newsid:460980

Voies d'exécution

[Chronique] Chronique de procédures civiles d'exécution - Novembre 2017

Lecture: 23 min

N1018BXY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/43388567-edition-n-718-du-09-11-2017#article-461018
Copier

par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Nice, et Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon

Le 09 Novembre 2017

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver la chronique de procédures civiles d'exécution réalisée par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Nice et Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon, Directeurs scientifiques de l’Ouvrage "Voies d'exécution", retraçant l'essentiel de l'actualité juridique en matière de procédures civiles d'exécution. Dans la présente édition de la chronique semestrielle de procédures civiles d'exécution, l'actualité de la matière est envisagée à l'aune de deux problématiques récurrentes et récemment renouvelées ayant respectivement trait à l'office du juge de l'exécution (I) et à la réforme de la procédure d'appel des décisions rendues par le juge de l'exécution (II). I - L'office du juge de l'exécution

La définition des contours de l'office du juge de l'exécution -et, par extension, de la cour d'appel saisie d'un recours contre une décision qu'il a prononcée-, tel que notamment déterminé de façon générale à l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG) et complété dans différents articles du Code des procédures civiles d'exécution, ne cesse d'alimenter la jurisprudence de la Cour de cassation. Plusieurs arrêts prononcés ces derniers mois en offrent de nouvelles illustrations et soulignent l'actualité permanente de cette question. Sans nullement prétendre à l'exhaustivité, sept d'entre eux retiennent l'attention. Ils concernent quatre chefs de compétence matérielle du juge de l'exécution, à savoir : la présence de difficultés relatives aux titres exécutoires (A), l'existence de contestations s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée (B), la tenue d'une procédure de saisie immobilière (C) ainsi que la formulation de demandes en réparation fondées sur l'(in)exécution dommageable d'une mesure d'exécution forcée (D).

A - Difficultés relatives aux titres exécutoires

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution "connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires [...], même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire". En la matière, trois affaires récentes contribuent à cerner la portée de ce texte, lorsque le titre est une décision de justice ou un accord transactionnel homologué, et à rappeler les limites de la compétence du juge de l'exécution en matière pénale.

  • Absence de pouvoir du juge de l'exécution de réformer ou d'annuler une décision de justice (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 15-26.640, F-P+B N° Lexbase : A5901WTQ ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8238E8M)

Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 28 septembre 2017, consécutivement à la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée, une société débitrice saisit un juge de l'exécution afin que soit constaté le caractère non avenu d'un jugement de condamnation prononcé par un tribunal de commerce servant de fondement aux poursuites, pour ne pas avoir été signifié dans les six mois de sa date, conformément aux dispositions de l'article 478 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6592H7B). Saisie d'un appel contre le jugement du juge de l'exécution, la cour d'appel prononce l'annulation du jugement du tribunal de commerce aux motifs que certaines des parties n'ont pas été valablement citées devant cette juridiction, rendant par voie de conséquence irrégulière la décision qui en résulte. Avec succès, les sociétés créancières se pourvoient alors en cassation en raisonnant non seulement sur le fait que la cour d'appel a jugé au-delà de ce qui lui était demandé (C. pr. civ., art. 5 N° Lexbase : L1114H4Z), mais également sur les limites du pouvoir du juge de l'exécution. Sur ce second point, après avoir affirmé que le "juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation d'une décision de justice", la Cour de cassation casse l'arrêt attaqué -au visa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire- en jugeant que "saisie du recours formé à l'encontre du jugement d'un juge de l'exécution", la cour d'appel "n'avait pas le pouvoir de réformer ou d'annuler une autre décision de justice". Cet arrêt s'inscrit en cela dans le prolongement d'arrêts antérieurs, dont l'arrêt de la deuxième chambre civile du 31 janvier 2002 (Cass. civ. 2, 31 janvier 2002, n° 00-17.042 N° Lexbase : A8915AXH, Procédures, 2002, comm. n° 90, obs. R. Perrot) dans lequel la Cour de cassation disait pour droit que le "juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni connaître de demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits ou obligations qu'il constate".

  • Compétence du juge de l'exécution pour l'examen de la validité d'une transaction judiciairement homologuée (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 16-19.184, FS-P+B N° Lexbase : A5895WTI ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8238E8M)

Dans un autre arrêt prononcé le 28 septembre 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte d'utiles précisions quant à l'étendue du pouvoir du juge de l'exécution lorsque le titre servant de fondement aux poursuites est un accord transactionnel homologué par un juge (C. civ., art. 2044 N° Lexbase : L2431LBN et s. ; C. pr. civ., art. 1567 N° Lexbase : L1241IZY). En l'espèce, en sa qualité de caution solidaire de sociétés qu'elle dirigeait, une personne est condamnée à payer à une banque une certaine somme. Par la suite, les parties concluent un accord transactionnel, lequel est judiciairement homologué. Cependant, à défaut d'exécution spontanée, la banque créancière fait délivrer contre son débiteur un commandement de payer à fin de saisie-vente. Ce dernier conteste la validité de l'accord et demande l'annulation dudit commandement. Cette contestation est rejetée par la cour d'appel, qui prend appui sur le fait que l'ordonnance par laquelle le conseiller de la mise en état a homologué ladite transaction est passée en force de chose jugée, ce qui -selon elle- a pour conséquence d'interdire toute appréciation de la validité de cette transaction par le juge de l'exécution. La Cour de cassation ne fait pas sienne cette interprétation et casse l'arrêt attaqué au visa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 480, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6594H7D). Pour la Cour de cassation, "l'homologation d'un accord transactionnel qui a pour seul effet de lui conférer force exécutoire ne fait pas obstacle à une contestation de la validité de cet accord devant le juge de l'exécution". Sans doute, la nature contractuelle de la transaction explique-t-elle cette solution et permet-elle à la Cour de cassation de faire le départ entre cette catégorie de titre exécutoire et les décisions de justice pour lesquelles le principe demeure celui de l'intangibilité (voir supra). Un rapprochement peut donc être fait sur ce point entre les transactions judiciairement homologuées et les actes notariés exécutoires (Cass. civ. 2, 18 juin 2009, n° 08-10.843 N° Lexbase : A2954EIA ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8237E8L ; RTDCiv., 2009, p. 577, obs. R. Perrot ; Procédures, 2009, n° 8, comm., 273, note R. Perrot ; Dr. et procéd., 2009, n° 5, p. 281, obs. C. Lefort ; Gaz. Pal., 2009, rec., p. 3309, note C. Brenner ; D., 2010, Pan., 1307, obs. A. Leborgne).

Dans un arrêt du 1er juin 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à identifier les limites de la compétence du juge de l'exécution en matière pénale et, singulièrement, à l'égard du paiement d'amendes forfaitaires majorées. Dans cette affaire, le comptable public de Paris forme des oppositions au transfert du certificat d'immatriculation d'un véhicule, afin de garantir le paiement de telles amendes. Le débiteur -propriétaire du véhicule- conteste ces mesures devant un juge de l'exécution, arguant de la violation des dispositions de l'article R. 49-6 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3444I3X). Débouté par la cour d'appel, il forme un pourvoi en cassation, en vain. Pour la Cour de cassation, "en matière de recouvrement des amendes, le juge de l'exécution ne connaissant, en application combinée des articles 530-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6290I74) et 9 du décret n° 64-1333 du 22 décembre 1964 (N° Lexbase : L8364CIM), que de la régularité en la forme de l'acte de poursuite, il ne peut pas apprécier le respect de l'obligation faite, par l'article R. 49-6 du même code, au comptable public d'envoyer au contrevenant un avis l'invitant à s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire majorée" (sur la compétence du tribunal de police, en la matière, v. Cass. civ. 2, 19 octobre 2017, n° 16-25.765, F-P+B N° Lexbase : A4472WWK ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E0286E9H).

B - Contestations s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée

Tout en leur donnant compétence pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires, le premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire permet également aux juges de l'exécution de trancher les "contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée". Là encore, le fait qu'elles portent sur le fond du droit est indifférent. Ainsi, pour que les juges de l'exécution soient valablement saisis sur le fondement de cette disposition, il est nécessaire que l'exécution ait débuté.

On le sait, la signification d'un commandement de payer engage la procédure d'exécution et donne ainsi compétence au juge de l'exécution pour statuer sur les contestations subséquentes portant sur la validité de la mesure pratiquée (Cass. civ. 2, 16 décembre 1998, n° 96-18.255 N° Lexbase : A8004CHW, Bull. civ. II n° 301, D., 1999, 221, obs. P. Julien). Cependant, pour cela, il faut qu'il s'agisse d'un commandement de payer à fin de saisie-vente (C. proc. civ. exécution, art. L. 221-1 N° Lexbase : L5851IR7 et R. 221-1 N° Lexbase : L2246ITD et s.). A défaut de commandement s'inscrivant dans une telle procédure d'exécution forcée, la compétence du juge de l'exécution est en effet remise en cause ; du moins, cette compétence ne peut être fondée sur le premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire. C'est l'enseignement qu'il convient de retenir de l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 22 juin 2017 (Cass. civ. 2, 22 juin 2017, n° 16-17.277, F-P+B N° Lexbase : A1207WKW ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" [LXB=: E8243E8S]). En l'espèce, le cessionnaire d'une créance a fait signifier cette cession aux débiteurs et leur a fait délivrer un commandement de payer. L'un des débiteurs saisit alors le juge de l'exécution notamment aux fins de faire constater la prescription de la créance et l'inopposabilité de la cession de créance. Dans un arrêt confirmatif, la cour d'appel constate l'extinction de la créance en raison d'un paiement. Saisie du pourvoi du créancier -lequel contestait la compétence du juge de l'exécution dans cette affaire- la Cour de cassation casse logiquement l'arrêt attaqué, au visa du premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire précité, en affirmant que le "commandement litigieux n'étant pas un commandement à fin de saisie-vente, il n'engageait aucune mesure d'exécution".

C - Compétence du juge de l'exécution en matière de saisie immobilière

Deux arrêts illustrant l'étendue de la compétence du juge de l'exécution dans le cadre de la procédure de saisie immobilière (COJ, art. L. 213-6, al. 3) peuvent être ici brièvement évoqués.

Dans un arrêt du 11 mai 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation traite de la compétence du juge de l'exécution quant à la détermination du montant de la créance litigieuse et, à cette occasion, clarifie la répartition des tâches entre ce juge et les parties. Dans cette affaire, à la suite de l'absence de remboursement d'un prêt consenti au moyen d'un acte notarié, une banque fait délivrer un commandement valant saisie immobilière. Ses débiteurs demandent et obtiennent, à l'issue de l'audience d'orientation, la nullité de ce commandement et sa mainlevée. Les griefs portent sur le décompte produit par la banque créancière, lequel comporte notamment diverses majorations indues. Saisie du recours de la banque, la cour d'appel confirme la solution retenue dans ce premier jugement, en se basant sur le fait que le quantum de la créance est incertain -en raison notamment de l'existence d'une compensation invoquée par les débiteurs- et considère qu'elle n'est donc pas à même de mentionner le montant retenu pour la créance du poursuivant. Insatisfaite, la banque forme alors, avec succès, un pourvoi en cassation. Au visa des articles 4 du Code civil (N° Lexbase : L2229AB8) (prohibant tout déni de justice) et R. 322-18 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2437ITG) (aux termes duquel le jugement d'orientation "mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires"), la Cour de cassation censure l'arrêt attaqué. Selon les Hauts magistrats, lorsque -comme en l'espèce- "seul le montant de la créance du poursuivant demeure à fixer", le juge de l'exécution "est tenu de déterminer ce montant et, à cette fin, de faire, s'il y a lieu, les comptes entre les parties, sans pouvoir s'y refuser en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies". A défaut, ainsi qu'en atteste la référence faite à l'article 4 du Code civil dans le visa de l'arrêt, ce juge se rendrait coupable de déni de justice.

Dans l'affaire à l'origine de l'arrêt de la deuxième chambre civile du 23 février 2017, l'adjudicataire d'un immeuble fait délivrer, à l'ancien propriétaire, un commandement de quitter les lieux. Ce commandement étant demeuré sans effet, s'en est suivi la délivrance d'un procès-verbal d'expulsion contre le débiteur. Saisi par ledit débiteur récalcitrant dans le but de faire annuler ce procès-verbal, le juge de l'exécution constate la résolution de la vente sur adjudication de l'immeuble litigieux et ordonne l'expulsion de l'adjudicataire. Dans l'arrêt infirmatif attaqué, la cour d'appel retient que si le juge de l'exécution est effectivement compétent pour connaître des difficultés rencontrées à l'occasion de l'exécution d'une décision d'expulsion, il n'a en revanche pas le pouvoir de modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites, pas plus que la possibilité de connaître des demandes qui tendent à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits et obligations qu'il constate. A la demande du débiteur, la Cour de cassation casse l'arrêt attaqué. En effet, l'adjudicataire n'avait pas respecté son obligation de consigner le prix. Or, on le sait, ce manquement entraîne une résolution de plein droit de la vente, en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 322-12 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5890IRL). Il s'ensuit que, pour les Hauts magistrats, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution étant "compétent pour constater la résolution de la vente sur adjudication du fait de l'absence de consignation du prix".

D - Demandes en réparation fondées sur l'(in)exécution dommageable d'une mesure d'exécution forcée

En application du quatrième alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, sous réserve qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, entrent dans la compétence du juge de l'exécution les "demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires". A ce sujet, dans le sillage d'un avis sollicité auprès de la deuxième chambre civile en application de l'article 1015-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1249H4Z) (Cass. civ. 2, 15 décembre 2016, n° 15-15.742, FS-D N° Lexbase : A7661ULC), la Chambre commerciale de la Cour de cassation rend un intéressant arrêt (Cass. com., 22 mars 2017, n° 15-15.742, F-P+B+I N° Lexbase : A4313UCQ ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E0287E9I), relatif aux limites de la compétence matérielle du juge de l'exécution au regard des actions en responsabilité.

Dans cette affaire, un arrêt prononcé en matière de référé condamne une société à verser, à un établissement bancaire, une provision à valoir sur l'indemnité de résiliation d'un contrat de crédit-bail souscrit deux ans avant. La banque engage une procédure de saisie-attribution à l'encontre de la caution de ladite société débitrice. La personne s'étant porté caution saisit un juge de l'exécution afin que soit ordonnée la mainlevée de cette mesure d'exécution, en raison du manque de diligence de la banque. Il est reproché, à cette dernière, son manque de célérité dans les démarches réalisées afin de récupérer le matériel objet du contrat de crédit-bail, à la suite de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société débitrice. Pour la caution, le comportement de la banque s'analyse en une faute ayant fait naître une créance de réparation devant se compenser avec l'indemnité de résiliation. N'ayant pas obtenu gain de cause devant les juges du fond, la caution se pourvoit en cassation, en avançant une argumentation axée sur le manquement de la banque à son devoir de bonne foi, celle-ci ayant -prétendument- laissé la dette s'accroître de façon indue. Au soutien du rejet du pourvoi, la Cour de cassation considère que le juge de l'exécution, "saisi d'une demande de mainlevée d'une mesure d'exécution, n'est pas compétent pour se prononcer sur une action en responsabilité qui n'est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de cette mesure, cette action serait-elle présentée au soutien d'une exception de compensation". En somme, l'action en responsabilité formée dans cette affaire ne comptait pas parmi celles entrant dans la compétence du juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire.

Guillaume Payan

II - La réforme de la procédure d'appel des décisions du juge de l'exécution

Depuis le 1er janvier 2017, la réforme des procédures d'appel issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 (N° Lexbase : L2696LEL ; sur ce décret, lire le commentaire du Professeur Vergès intitulé, Réforme de la procédure civile de mai 2017 - Deuxième partie - la réforme de l'appel : technique, toujours plus technique..., Lexbase, éd. priv., n° 704 N° Lexbase : N9031BWE) est entrée en vigueur. Elle impacte donc l'appel formé contre les décisions rendues par le juge de l'exécution depuis cette date, alors même que certaines spécificités sont maintenues dans cette matière en fonction des décisions attaquées !

A - L'appel selon la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile

Aux termes de l'article R. 121-19 Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2163ITB), les décisions du JEX sont susceptibles d'appel, sauf en cas de dispositions contraires ou s'il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire. L'article R. 121-20 (N° Lexbase : L7259LEL) modifié par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, précise que l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7288LEN) ou à la procédure à jour fixe.

De même, les jugements rendus en matière de saisie immobilière, aux termes de l'article R. 311-7 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L7260LEM), modifié par le n° 2017-891 du 6 mai 2017, sont, sauf disposition contraire, susceptibles d'appel. L'appel est formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui en est faite. Sous réserve des dispositions de l'article R. 322-19 (N° Lexbase : L2438ITH) et sauf s'il est recouru à la procédure à jour fixe, l'appel est jugé selon la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile.

On constate que la procédure de droit commun est celle prévue à l'article 905 du Code de procédure civile, sauf s'il est recouru à la procédure à jour fixe. Le fait que les rédacteurs du Code des procédures civiles d'exécution aient introduit l'alternative de la procédure à jour fixe dans le texte de l'article R. 121-9 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2153ITW), texte général à l'appel de toutes les décisions du JEX, peut laisser penser que cette modalité procédurale est ouverte dans tous les cas d'appel contre toute décision du JEX (indépendamment des références expresses faites au jour fixe en matière de saisie immobilière aux articles R. 311-7 [LXB= L7260LEM ] et R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution).

1° La procédure à jour fixe est régie par les articles 917 (N° Lexbase : L0969H4N) et suivants du Code de procédure civile et suppose (sauf pour le jugement d'orientation) que l'appelant justifie que ses droits sont en péril (C. pr. civ., art. 917). Elle n'a pas été réformée et ne sera pas développée.

2° La procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile a été profondément remaniée. Elle s'applique à défaut de jour fixe. La procédure d'appel et les nouvelles charges procédurales sont précisées à l'article 905-2 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7036LEC). Le président de la chambre fixe les jour et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai, et le greffe envoie un avis de fixation à l'avocat (C. pr. civ., art. 904-1 N° Lexbase : L7034LEA).

a) A compter de la réception de l'avis de fixation l'appelant doit effectuer deux charges procédurales à peine de caducité de la déclaration d'appel

- D'abord, l'appelant doit faire signifier la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre. A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables (l'annulation ultérieure de la signification entraînerait rétroactivement la caducité de la déclaration d'appel...). Cependant, si, entre-temps (dans ce même délai de 10 jours), l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat et non plus de signification à la partie.

- Ensuite, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie. Il doit, dans ce même délai et en vertu de l'article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7242LEX), notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé constitué. L'article 911 du Code de procédure civile indique que si l'intimé n'a pas constitué avocat à l'issue du mois, l'appelant dispose d'un délai supplémentaire d'un mois pour signifier, par acte d'huissier de justice, à la partie elle-même ses conclusions d'appel (soit deux mois depuis la réception de l'avis de fixation -C. pr. civ., art. 911-). Si, avant que la signification soit faite à la partie, l'intimé a constitué avocat, il est procédé par notification à cet avocat et la signification devient inutile (Cass. civ. 2, 19 février 2015, n° 14-13.019, F-D N° Lexbase : A0091NCD ; Cass. civ. 2, 4 juin 2015, n° 14-19.732, F-D N° Lexbase : A2261NKX et Cass. civ. 2, 4 juin 2015, n° 14-12.293, F-D ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5675EYT).

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. Dans ce même délai et à peine d'irrecevabilité, il doit également notifier ses conclusions à l'avocat de l'appelant (C. pr. civ., art. 911).

L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué, à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation, pour remettre ses conclusions au greffe (C. pr. civ., art. 905-2 N° Lexbase : L7036LEC). Il doit également notifier ses conclusions à tous les avocats des parties (C. pr. civ., art. 911).

L'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie, d'un délai d'un mois à compter de la notification de la demande d'intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire. Les conclusions doivent être notifiées aux avocats des parties dans ce même délai (C. pr. civ., art. 911).

Seule la force majeure peut faire échapper aux sanctions de caducité ou d'irrecevabilité (C. pr. civ., art. 910-3). Une nouvelle définition de la force majeure a été donnée à l'article 1218 du Code civil (N° Lexbase : L0930KZH) : "il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur". On peut penser que la jurisprudence adoptera cette définition en matière processuelle (on observe qu'elle peut provenir d'une cause interne au débiteur).

Les ordonnances du président de la chambre saisie (ou du magistrat désigné par le premier président) statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l'article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7249LE9) (irrecevabilité pour non-respect des règles de la communication par voie électronique) ont autorité de la chose jugée au principal.

b) Les dispositions générales applicables à la procédure ordinaire intéressent le circuit procédural prévu à l'article 905 du Code de procédure civile

Ainsi, les exigences relatives à la régularité de la déclaration d'appel doivent être respectées : notamment, à peine de nullité pour vice de forme, la déclaration indique les chefs du jugement expressément critiqués (C. pr. civ., art. 901), sachant que l'étendue de l'effet dévolutif est limitée à la connaissance des chefs du jugement expressément critiqués et à ceux qui en dépendent (C. pr. civ., art. 562 N° Lexbase : L7233LEM).

Les règles applicables aux conclusions doivent être respectées :

- leur modélisation est organisée à l'article 954 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7253LED), sans omettre les mentions prévues à peine d'irrecevabilité aux articles 960 (N° Lexbase : L0359ITH) et 961 (N° Lexbase : L7255LEG) (une régularisation est possible jusqu'à l'ouverture des débats en l'absence de mise en état) ;

- leur contenu est précisé : les premières conclusions définissent l'objet du litige (C. pr. civ., art. 910-1 N° Lexbase : L7041LEI) et concentrent "l'ensemble des prétentions sur le fond" (C. pr. civ., art. 910-4 N° Lexbase : L7044LEM). En revanche, de nouveaux moyens peuvent être développés, de nouvelles preuves peuvent être communiquées (C. pr. civ., art. 563 N° Lexbase : L6716H7U) postérieurement. Des exceptions sont prévues à l'article 910-4 du Code de procédure civile, résultant, notamment, de la survenance ou la révélation d'un fait postérieurement aux premières conclusions ou de la nécessité de répliquer aux conclusions et pièces adverses. Une prétention sur le fond formulée après les premières conclusions est frappée d'irrecevabilité (C. pr. civ., art. 910-4, relevée d'office ou soulevée par la partie contre laquelle elle est formée).

A l'audience fixée, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 (N° Lexbase : L6979H7M) à 762 du Code de procédure civile : renvoi à l'audience des débats, ou renvoi à une seconde audience si un ultime échange de pièces ou de conclusions est nécessaire, ou renvoi à la mise en état s'il convient d'instruire l'affaire.

B - L'appel selon la procédure à jour fixe du jugement d'orientation

L'appel formé contre le jugement d'orientation est prévu à l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2438ITH) : il est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe. Mais celle-ci est originale, puisque l'appelant n'a pas à se prévaloir dans sa requête d'un péril (contrairement au dispositif prévu à l'article 917 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0969H4N). L'acte de signification du jugement qui ne mentionne pas cette procédure ne fait pas courir le délai (Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n° 15-11.391, F-P+B N° Lexbase : A3232N7T : l'acte de signification avait omis de mentionner les modalités de l'appel contre le jugement d'orientation qui est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe en application de l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution).

La requête, qui doit mettre en cause tous les créanciers inscrits, doit être présentée à peine ; d'irrecevabilité dans les huit jours de la déclaration d'appel (C. pr. civ., art. 919 N° Lexbase : L0973H4S ; Cass. civ. 2, 7 avril 2016, n° 14-22.181, F-D N° Lexbase : A1549RCD, même si le président autorise à assigner à jour fixe, alors que la requête est déposée hors délai). La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé les obligations de l'appelant dans un arrêt du 22 septembre 2016 (Cass. civ. 2, 22 septembre 2016, n° 15-19.622, F-D [LXB= A0197R43] ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9573E83), au visa des articles R. 311-7 (N° Lexbase : L7260LEM) et R. 322 -19 du Code des procédures civiles d'exécution et 122, 125 et 919 du Code de procédure civile : à peine d'irrecevabilité l'appel du jugement d'orientation doit être formé selon la procédure à jour fixe dans les quinze jours suivant sa notification et la requête tendant à voir fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité doit être présentée au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel. L'arrêt indique "que les époux X... n'avaient pas déposé de requête tendant à être autorisés à assigner leurs adversaires à jour fixe, de sorte que le formalisme de l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution n'avait pas été respecté, et que la délivrance, fût-ce dans le délai de l'article 919 du Code de procédure civile, d'une ordonnance fixant la date à laquelle l'affaire sera appelée ne dispense pas l'appelant de déposer préalablement, dans le délai imparti de huit jours après la déclaration d'appel, une requête tendant à être autorisée à assigner à jour fixe" (déjà, en ce sens, Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-23.768, F-P+B N° Lexbase : A8203NPI ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E4660EU7).

L'ordonnance du premier président qui fixe la date est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours et ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation, même en cas d'excès de pouvoir allégué (Cass. civ. 2, 19 mars 2015, n° 14-14.926, FS-P+B N° Lexbase : A1740NE8 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile " N° Lexbase : E5677EYW).

Comme la matière de la saisie immobilière est indivisible, en application de l'article 553 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6704H7G), l'indivisibilité s'applique à tous les créanciers, poursuivants ou autres, de sorte que l'appel de l'une des parties à l'instance devant le juge de l'exécution doit être formé par déclaration d'appel dirigée contre toutes les parties à cette instance et que l'assignation à jour fixe des créanciers inscrits ne suffit pas à valider la déclaration d'appel formée contre le jugement d'orientation qui n'a pas intimé le créancier inscrit (Cass. civ. 2, 2 juin 2016, n° 15-19.435, F-D N° Lexbase : A8621RRQ).

Natalie Fricero

newsid:461018