Réf. : Cass. com., 12 juillet 2017, deux arrêts, n° 15-23.552 (N° Lexbase : A6548WMH) et n° 15-27.703 (N° Lexbase : A6550WMK), FP-P+B+R+I
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N9455BW4
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par June Perot
Le 20 Juillet 2017
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Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 16-10.460, FS-P+B (N° Lexbase : A9886WM4)
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N9558BWW
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par Blanche Chaumet
Le 21 Juillet 2017
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Réf. : Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, n° 16-22.548, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6553WMN)
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N9460BWB
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par Marie Le Guerroué
Le 20 Juillet 2017
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Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 15-26.262, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A6549WMI)
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N9453BWZ
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par Blanche Chaumet
Le 20 Juillet 2017
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Réf. : Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-10.591, F-P+B+I (N° Lexbase : A6375WKC) ; Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-12.382, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6376WKD)
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N9478BWX
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Nice Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Côte d'Azur
Le 21 Septembre 2017
De longue date, notre droit connaît un mode particulier de réalisation du gage, l'attribution judiciaire, autrefois réglementé par l'article 2078 du Code civil (N° Lexbase : L2316ABE) et, depuis l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 ayant réformé le droit des sûretés (N° Lexbase : L8127HHH), par l'article 2347 du Code civil (N° Lexbase : L1174HIC). L'ordonnance du 23 mars 2006 a innové considérablement en permettant au créancier hypothécaire de demander l'attribution judiciaire de l'immeuble en paiement, comme le ferait un créancier gagiste pour un bien gagé. La solution résulte explicitement de l'article 2458 du Code civil (N° Lexbase : L6532HWT). La solution ne vaut que pour les immeubles autres que ceux qui assurent la résidence principale du débiteur.
Dans le domaine du gage, l'attribution judiciaire permet au créancier de demander en justice que le bien gagé lui soit attribué en paiement. Ce mode de réalisation est analysé en une dation en paiement judiciaire et c'est pourquoi il est, par principe, interdit après ouverture de la procédure collective. Par exception, il est autorisé par le législateur en situation de liquidation judiciaire du débiteur.
Que faut-il décider, dans le silence des textes du droit des entreprises en difficulté, quant à la possibilité pour un créancier de solliciter en liquidation judiciaire l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué ?
Deux thèses doctrinales se sont opposées sur la question.
Selon le premier courant, que l'on qualifiera de montpelliérain (1), l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est possible en liquidation judiciaire. Certes, observe-t-on, les textes sur la liquidation judiciaire ne le prévoient pas, mais font remarquer les tenants de cette thèse, lors de la rédaction des dispositions du Code de commerce régissant l'attribution judiciaire, l'attribution de l'immeuble hypothéqué n'existait pas. En outre, ajoutent-ils, l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué n'aurait guère d'utilité s'il fallait l'interdire en liquidation judiciaire. Françoise Pérochon, après n'avoir guère émis de réserve sur la possibilité de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en liquidation judiciaire (2), a ensuite indiqué que l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en liquidation judiciaire aurait l'avantage de la cohérence tout en prenant des libertés avec la lettre des textes (3).
Selon un second courant que l'on dénommera niçois (4), l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est clairement impossible en liquidation judiciaire. L'attribution judiciaire est une demande en justice qui a pour objet l'obtention d'un paiement réalisé sous la forme de l'attribution du bien objet de la sûreté. Cette attribution judiciaire paraît pouvoir être qualifiée de dation en paiement judiciaire ; dation en paiement parce que le créancier reçoit autre chose que ce qui lui était dû ; judiciaire, parce que c'est la décision du tribunal, et non la volonté du débiteur qui est la source du transfert de propriété (5).
Cette analyse de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en une dation judiciaire en paiement permet immédiatement d'apercevoir que le mécanisme viole ouvertement deux règles essentielles du droit des entreprises en difficulté, qui s'inscrivent dans ce que l'on dénomme la discipline collective : celle de l'arrêt des poursuites individuelles et celle de l'interdiction des paiements. Or ces règles ne peuvent être tenues en échec que par des textes d'exception, lesquels méritent tous, comme tels, une interprétation restrictive.
Tel est le cas de l'attribution judiciaire du gage, énoncée par l'article L. 642-20-1, alinéa 2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3466ICD) : "le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire". Le texte n'existe que dans la liquidation judiciaire et c'est pourquoi la Cour de cassation exclut le jeu de l'attribution judiciaire du gage en période d'observation (6). La solution est aisée à comprendre. L'attribution judiciaire du gage viole la règle de l'interdiction des poursuites individuelles et des voies d'exécution. Rappelons en effet que l'attribution judiciaire suppose une demande en justice ayant pour objet le paiement d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective. La violation de la règle posée par l'article L. 622-21, I du Code de commerce (N° Lexbase : L3452ICT) est manifeste. En outre, l'attribution judiciaire emporte paiement. A ce titre, elle viole tout aussi ouvertement la règle de l'interdiction des paiements. Posée exclusivement en liquidation judiciaire, la solution n'est donc pas exportable dans une autre procédure collective. L'interprétation stricte des exceptions commande la solution.
Or l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué n'est pas prévue en liquidation judiciaire. La conclusion semblait donc s'imposer : l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est exclue en liquidation judiciaire.
La première décision portée à notre connaissance sur la question, l'arrêt de la cour d'appel de Bastia étant passé inaperçu faute de diffusion, avait refusé au créancier inscrit l'attribution judiciaire de l'immeuble, au motif que l'autoriser reviendrait à permettre au créancier de confisquer un actif essentiel de la liquidation judiciaire, alors que son privilège spécial est primé par le privilège des frais de justice et par le super privilège des salaires (7).
Si la solution nous avait semblé mériter approbation, sa motivation n'était guère convaincante, en ce que le tribunal avait clairement pris l'effet pour la cause. En effet, l'attribution judiciaire est par nature indépendante de l'ordre dans lequel s'exercent les privilèges. Cet effet ne peut donc justifier la solution. Il est plus juste, en revanche, comme le fait le tribunal, de refuser le jeu de l'attribution judiciaire sur l'observation qu'elle vaut paiement.
C'est au second courant doctrinal que se rattache très clairement la Cour de cassation, qui énonce que "la demande d'un créancier hypothécaire tendant à ce que l'immeuble lui demeure en paiement, en application de l'article 2458 du Code civil, tend au paiement d'une somme d'argent, au sens de l'article L 622-21 du Code de commerce ; à défaut de disposition autorisant, par dérogation au principe de l'interdiction des paiement posé par ce texte, la présentation d'une telle demande en cas de procédure collective, comme il en existe pour l'attribution judiciaire du gage, la demande d'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est irrecevable".
Nous ne pouvons évidement qu'approuver la solution. L'analyse de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est la même que celle posée pour l'attribution judiciaire du gage. Il s'agit d'une dation judiciaire en paiement. Faute de texte particulier autorisant son utilisation après ouverture de la procédure, la règle de l'interdiction des paiements des créances antérieures et le caractère strict des exceptions à ce principe doivent conduire à en interdire l'exercice au cours d'une procédure collective, même si cette procédure est une liquidation judiciaire.
La décision de la Cour de cassation se rattache au courant général qui considère que la possibilité pour un créancier d'obtenir paiement après jugement d'ouverture d'une créance antérieure ne peut exister sans texte. C'est ce principe de solution qui avait adopté il y maintenant une dizaine d'années lorsque la Cour avait statué sur la problématique de la levée d'option d'achat du crédit-bail.
Le législateur n'avait, sous l'empire de législation du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), pas réglé la question de la levée d'option d'achat d'un contrat de crédit-bail en liquidation judiciaire. Un obstacle s'élevait contre la possibilité de lever l'option d'achat par le liquidateur : l'existence de loyers antérieurs au jugement d'ouverture. Le liquidateur ne peut tourner l'interdiction de payer les créances antérieures, qui n'est tenue en échec, par le biais d'une autorisation du juge-commissaire, que dans les seules situations envisagées par l'article L. 621-24, alinéa 3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6876AII), devenu l'article L. 622-7, alinéa 3, du même code (N° Lexbase : L7285IZT), sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT). Ces textes sont des exceptions au principe d'interdiction du paiement des créances antérieures et méritent à ce titre une interprétation stricte, qui interdit la levée d'option du contrat de crédit-bail par le liquidateur. La solution a été posée en ces termes par la Cour de cassation : "la faculté prévue à l'article L. 621-122, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L6974AI7), d'interprétation stricte en ce qu'il déroge à l'interdiction de payer les créances antérieures au jugement d'ouverture, ne permet pas de s'opposer à la restitution du bien, objet d'un contrat de crédit-bail, en payant les échéances antérieures au jugement d'ouverture restées impayées" (8).
Le législateur, à l'occasion de l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), a dû régler cette difficulté, en insérant un texte autorisant le liquidateur à payer les loyers antérieurs au jugement d'ouverture pour lever l'option d'achat.
Cette question de la levée d'option avait en tout cas permis de se convaincre de la force de la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures, par une technique autre que celles des répartitions liquidatives.
Par rapport à ce principe très fort, on mesure bien que la portée très mesurée de l'argument selon lequel "l'article L. 642-18 a été écrit à une époque où l'attribution contractuelle et judiciaire était exclue en matière immobilière", pour soutenir que l'absence de texte exprès autorisant l'attribution judiciaire de l'immeuble n'est pas un obstacle à son jeu en liquidation judiciaire (9), apparaissait bien insuffisant à autoriser cette solution. En effet, rien n'aurait interdit au législateur, à l'occasion de l'ordonnance du 18 décembre 2008, dont l'un des axes forts a été de coordonner le droit des sûretés et le droit des entreprises en difficulté, de régir spécifiquement l'utilisation de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué après ouverture de la procédure collective. Il ne l'a pas fait. Ce mutisme ne peut donc qu'invalider la possibilité d'attribution en liquidation judiciarise, du fait de la violation que la technique emporte au principe d'interdiction du paiement des créances antérieures : pas d'exception sans texte ; pas d'extension par analogie des textes d'exception.
On retiendra en conclusion que depuis l'insaisissabilité légale de la résidence principale, le dernier vestige de l'effet réel des procédures collectives en matière immobilière est représenté par les immeubles autres que ceux assurant la résidence principale du débiteur. Il importe, à notre sens, de le protéger si l'on ne veut pas que les procédures collectives liquidatives n'aient de collectives que le nom et ne se réduisent à une exécution individuelle sous l'oeil d'un liquidateur impuissant!
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Nice Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice
En matière de vérification des créances déclarées, l'article L. 622-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L7291IZ3) dispose que "s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance [...], le mandataire judiciaire en avise le créancier en l'invitant à faire connaître ses explications". Ce courrier de contestation contient les motifs de la contestation ainsi que le montant pour lequel le mandataire judiciaire entend proposer au juge-commissaire d'admettre la créance (C. com., art. R. 624-1, al. 2 N° Lexbase : L6267I3I). La lettre de contestation de créance invite également le créancier à y apporter une réponse dans le délai de trente jours prévu à l'article L. 622-27. Le respect de ce délai de réponse par le créancier est essentiel si ce dernier n'est pas d'accord avec la contestation. En effet, l'article L. 622-27 précise que "le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins" -comme l'a précisé l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L7194IZH)- "que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances".
Il résulte de cette disposition que deux éléments doivent être parfaitement distingués.
Le premier tient à ce que, si la contestation de créance porte sur l'existence, le montant, ou encore la nature de la créance, et que le créancier n'apporte pas de réponse au courrier de contestation qui lui est adressé, il lui sera impossible de contester ultérieurement la proposition du mandataire judiciaire. Cela se traduit, sur le plan procédural, par l'impossibilité pour le créancier d'interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire admettant la créance dans les termes de la proposition faite par le mandataire judiciaire. En effet, relever appel de l'ordonnance reviendrait alors à contester la proposition du mandataire judiciaire entérinée par le juge-commissaire.
A contrario, si le juge-commissaire rend une ordonnance qui n'est pas conforme à la proposition formulée par le mandataire judiciaire (décision d'admission ou de rejet plus clémente ou, au contraire, moins clémente par rapport à la proposition du mandataire), le créancier conserve le droit d'exercer une voie de recours à l'encontre de cette ordonnance.
Le second élément qui ressort clairement de l'article L. 622-27 est que, si la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, le créancier conserve le droit de contester la proposition du mandataire judiciaire. Ainsi, si la contestation a trait à l'existence d'un pouvoir pour déclarer, à la forme ou au respect du délai de déclaration de la créance, le créancier qui n'aura pas répondu au courrier de contestation de créance conservera la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire même si celle-ci elle est conforme à la proposition du mandataire judiciaire contestant la régularité de la déclaration. Cette solution a d'abord été posée en jurisprudence (10) avant d'être consacrée par l'ordonnance du 12 mars 2014 (11). L'article 30 de cette ordonnance a en effet complété l'alinéa 2 de l'article L. 622-27, lequel prévoit que le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, par le membre de phrase suivant : "à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créance".
Le texte étant désormais mis au diapason de la jurisprudence, les difficultés soulevées par l'application de l'article L. 622-27 semblaient aplanies... C'était sans compter sur le fait que la pratique est toujours plus riche que la théorie ! En effet, une difficulté non résolue par le texte est apparue : lorsque le courrier de contestation du mandataire judiciaire a trait non seulement à la régularité de la déclaration de créance, mais encore à l'existence et au montant de la créance, et que le créancier ne répond pas au courrier de contestation de créance dans le délai imparti, le créancier est-il privé du droit d'interjeter appel à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ?
Telle est la question sur laquelle la Chambre commerciale de la Cour de cassation s'est penchée dans une espèce ou un créancier avait été rendu destinataire d'une lettre de contestation de créance par laquelle le mandataire judiciaire, contestant non seulement la régularité de la déclaration de créance, mais aussi la créance elle-même, avait proposé au juge-commissaire l'admission de la créance "pour zéro euro". Le créancier qui avait omis de répondre au courrier de contestation de créance avait cependant interjeté appel de l'ordonnance du juge-commissaire entérinant la proposition du mandataire. La cour d'appel (12) avait déclaré recevable l'appel et admis la créance déclarée à concurrence de diverses sommes. Le mandataire judiciaire avait alors formé pourvoi contre l'arrêt d'appel en considérant que le défaut de réponse à contestation aurait dû priver le créancier de la possibilité d'interjeter appel, car la discussion ne portait pas exclusivement sur la régularité de la déclaration de créance. La Cour de cassation, dans un arrêt qu'elle affiche clairement comme étant de principe (arrêt P+B+I), rejette le pourvoi formé par le mandataire judiciaire en jugeant "qu'après avoir relevé que la lettre de contestation envoyée par le mandataire judiciaire à la banque concernait, à la fois, la régularité de la déclaration de créance pour défaut de justification d'un pouvoir et le montant de la créance déclarée, l'arrêt retient exactement qu'une disposition privant une partie d'une voie de recours est d'interprétation stricte et que l'article L. 622-27 du Code de commerce n'exige pas que la discussion porte exclusivement sur la régularité de la déclaration de créance pour autoriser le créancier, qui n'a pas répondu à la lettre de contestation du mandataire judiciaire, à exercer un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire confirmant la proposition du mandataire".
Quelle appréciation porter sur cette solution ? Maintenir, par principe, au profit du créancier, la possibilité d'interjeter appel, malgré l'absence de réponse au courrier de contestation de créance, semble à l'abri de toute critique dès lors que la régularité de la déclaration de créance est contestée. De prime abord, il pourrait pourtant être tentant de considérer que, dans le cadre de l'appel diligenté par le créancier, ce dernier ne pourrait, au regard de l'article L. 622-27 in fine, soulever que des arguments ayant trait à la régularité de la déclaration de créance, sans pouvoir discuter de questions relatives à l'existence, au montant ou encore au caractère privilégié de la créance.
Cependant, cette dichotomie ne peut matériellement pas être opérée. Certes, dans le courrier du mandataire, la créance est contestée au regard d'arguments portant, d'une part, sur le fond de la créance et, d'autre part, sur la régularité de la déclaration. Pourtant, la proposition d'admission ou de rejet formulée par le mandataire judiciaire est monolithique : il ne propose pas le rejet à hauteur d'un certain montant sur le fondement de motifs de fond et le rejet à hauteur d'un autre montant sur le fondement d'un motif de forme. L'argument portant sur la régularité de la déclaration de créance, tenant en l'espèce au défaut de pouvoir pour déclarer la créance, aura nécessairement un impact sur le quantum (en l'espèce "zéro euro" !) pour lequel la créance est admise par le juge-commissaire. Puisque, à l'image de la proposition du mandataire judiciaire, la décision d'admission de la créance est d'un seul bloc, l'appel qui en est fait l'est également, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible d'interjeter appel sur une partie seulement de la décision d'admission au passif, contrairement à ce qui est, par exemple, possible pour le cocontractant judiciairement cédé en application de l'article L. 642-7 (N° Lexbase : L7333IZM), recevable à interjeter appel de la seule partie du plan de cession qui emporte cession judiciaire de son contrat.
En conséquence, la Cour de cassation ne pouvait que considérer, comme elle l'a fait, que dès lors que la contestation de créance portait, notamment, sur la régularité de la déclaration de créance, le créancier était recevable à interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire entérinant la proposition du mandataire. Puisque l'effet dévolutif de l'appel de l'ordonnance du juge-commissaire aura pour effet de laisser le soin au juge d'appel de fixer le montant de la créance, ce dernier pourra, comme le pouvait le juge-commissaire, entériner ou non la proposition du mandataire judiciaire, peu important le défaut de réponse à contestation du créancier.
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Côte d'Azur, Co-directrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté, Membre du CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice
(1) M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, 9ème éd., LexisNexis, 2010, n° 1095.
(2) F. Pérochon, Les sûretés immobilières classiques, in Colloque Sûretés réelles et droit des entreprises en difficulté, Nice, 20 mars 2010, LPA ,11 février 2011, n° 30, p. 49 et s., spéc. p. 53, n° 23.
(3) F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10ème éd., Lgdj - Lextenso, 2014, n° 1209.
(4) D. Boustani, note sous T. mixte com. Saint-Pierre, 1er mars 2016, n° 2015003678 (N° Lexbase : A1871Q7G), D., 2016, 1185 ; nos notes sous T. mixte com. Saint-Pierre, 1er mars 2016, préc., D., 2016, pan. 1902 et Gaz. Pal., 12 avril 2016, n° 14, p. 55 ; E. Le Corre-Broly, note sous T. mixte com., Saint-Pierre, 1er mars 2016, préc., in Chron., Lexbase, éd. aff., 2016, n° 458 (N° Lexbase : N1782BWW). Adde notre ouvrage, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 9ème éd., 2017/2018, n° 621.79.
(5) L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés - la publicité foncière, LGDJ, Lextenso Editions, 9ème éd., 2015, n° 686.
(6) Cass. com. 28 mai 1996, n° 94-16.269, publié (N° Lexbase : A2473AB9), Bull. civ. IV, n° 144 ; D., 1996, Somm. 385, obs. S. Piedelièvre ; RD banc. et bourse, 1996, 211, obs. M.-J. Campana et J.-M. Calendini.
(7) T. mixte com. Saint-Pierre, 1er mars 2016, préc. et les obs. préc. ; adde Rev. proc. coll., 2016, comm. 120, note F. Macorig-Venier.
(8) Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-15.447, FS-P+B (N° Lexbase : A8791DWI), Bull. civ. IV, n° 166 ; D., 2007, jur. 2363, note E. Le Corre-Broly ; D., 2007, AJ 1878, obs. A. Lienhard ; D., 2008, pan. 576, nos obs. ; Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 46, note Ph. Roussel Galle ; Act. proc. coll., 2007/13, n° 151, note J. Vallansan ; RTDCom., 2007, 818, n° 10, obs. D. Legeais ; RTDCom., 2008, 198, n° 5, obs. A. Martin-Serf ; JCP éd. E, 2008, Chron, 1207, n° 6, p. 30, obs. M. Cabrillac ; nos obs., Lexbase, éd. priv. 2007, n° 269 (N° Lexbase : N9341BBL).
(9) M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, préc., n° 1095.
(10) Cass. com., 7 juillet 1998, n° 95-18.984, publié (N° Lexbase : A5329ACD), Bull. civ. IV, n° 219, D. Affaires, 1998, 1322, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 1998, pan. 1231, D., 1998, IR 209, RJDA, 1998/11, p. 945, n° 1260 ; Cass. com., 5 janvier 1999, n° 95-16.360, inédit (N° Lexbase : A0049AUD), Act. proc. coll. 1999/4, n° 51 ; Cass. com., 16 octobre 2001, n° 98-19.316, FS-P (N° Lexbase : A4776AWS), Bull. civ. IV, n° 168, Rev. proc. coll. 2002, p. 95, n° 7, obs. M.-N. Legrand ; CA Reims, 3 juillet 2001, JCP éd. E, 2002, pan. 1015, p. 1120.
(11) Ordonnance n° 2014-326, 12 mars 2014, art. 30 (N° Lexbase : L7194IZH).
(12) CA Toulouse, 16 décembre 2015, n° 15/04013 (N° Lexbase : A4446NZP).
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Réf. : CE 1° et 6° ch.-r., 12 juillet 2017, n° 394254, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6547WMG)
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N9476BWU
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par Yann Le Foll
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Réf. : TA Paris, 12 juillet 2017, cinq jugements, n° 1505113 (N° Lexbase : A6559WMU), n° 1505126 (N° Lexbase : A6560WMW), n° 1505147 (N° Lexbase : A6561WMX), n° 1505165 (N° Lexbase : A6562WMY) et n° 1505178 (N° Lexbase : A6563WMZ)
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par Jules Bellaiche
Le 20 Juillet 2017
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Réf. : Cass. com., 12 juillet 2017, n° 16-10.793, F-P+B+I (N° Lexbase : A6551WML)
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N9475BWT
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par Vincent Téchené
Le 20 Juillet 2017
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Réf. : Cass. soc., 29 juin 2017, deux arrêts, n° 15-21. 008 (N° Lexbase : A1625WLR) et n° 16-12.007 (N° Lexbase : A1626WLS), FS-P+B+R+I
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N9483BW7
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 20 Juillet 2017
Résumé
Il n'y a pas de violation du principe d'égalité de traitement lorsque deux procédures de licenciement économique collectif ont été successivement engagées dans l'entreprise accompagnées de PSE distincts, le salarié licencié dans le cadre de la première procédure n'étant pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle a été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant les avantages revendiqués. |
I - Des droits distincts pour des plans distincts
Contexte. Le PSE doit respecter l'ordre public et à ce titre le principe d'égalité de traitement. Depuis 2001, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait indiqué que "si un PSE peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise, placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause, puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables" (1).
Jusqu'à présent, les contentieux avaient été initiés par des salariés concernés par un seul et même plan, et qui contestaient les restrictions mises au bénéfice de certains avantages dans le plan lui-même. Mais, jamais encore, la Cour de cassation n'avait eu à se prononcer sur le sort de salariés relevant de plans différents, adoptés successivement dans la même entreprise, dans une période rapprochée, et qui se plaignaient de n'avoir pas bénéficié des avantages de l'autre plan. C'est tout l'intérêt de ces deux arrêts, fortement médiatisés, qui conduisent à rendre les plans presque totalement étanches l'un à l'autre.
Première affaire (n° 15-21.008). Un salarié du laboratoire Fabre, licencié le 7 juin 2010 dans le cadre d'un PSE adopté courant 2009, avait contesté le bien-fondé de son licenciement, et demandé la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité pour violation du principe d'égalité de traitement, en se prévalant d'une différence injustifiée de montant de l'indemnité complémentaire et de la durée du congé de reclassement prévus dans un autre plan adopté quatre jours après avoir reçu sa lettre de licenciement.
La cour d'appel de Montpellier lui avait donné raison et lui avait accordé plus de quarante mille euros au titre de la violation du principe d'égalité de traitement (2). Elle avait considéré que "la différence de traitement entre les salariés relevant du PSE arrêté en 2010 et ceux qui avaient fait l'objet d'un licenciement dans le cadre du plan de l'année précédente ne repose sur aucune raison objective et étrangère à toute discrimination prohibée" et que, "pour justifier ces différences de traitement d'un plan par rapport à l'autre, il n'est allégué aucune difficulté particulière de reclassement professionnel, ni de niveau de qualification différent des salariés concernés ou d'une dégradation de la situation de l'emploi [...]. Le seul fait de procéder à une réorganisation de l'entreprise en deux licenciements collectifs avec négociation de plans de sauvegarde de l'emploi ne constitu[ant] pas une raison objective justifiant une différence de traitement".
Seconde affaire (n° 16-12.007). Il s'agissait, ici, de soixante-neuf salariés licenciés en janvier 2006 par la société Géodis logistics ouest dans le cadre d'un PSE adopté en décembre 2005, à la suite d'une réduction significative des prestations confiées par son principal donneur d'ordre courant 2005, et qui prévoyait la suppression de deux cent vingt-quatre postes sur deux cent quatre-vingt-cinq dans son établissement situé à Saint-Berthevin. A la suite de la rupture définitive des relations commerciales avec ce même donneur d'ordre, la fermeture du site avait été décidée, entraînant la mise en place d'une nouvelle procédure de licenciement économique collectif emportant la suppression de cinquante-sept nouveaux postes de travail sur les soixante-quatre restant sur le site, et l'adoption d'un PSE, le 10 avril 2007, prévoyant, notamment, une indemnité spécifique de fermeture de site de 12 030 euros au bénéfice de l'ensemble des salariés visés par cette seconde procédure.
S'estimant lésés par le fait qu'une telle indemnité n'avait pas été prévue par le PSE du 16 décembre 2005 dont ils avaient bénéficié, les soixante-neuf licenciés de la première vague ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir notamment le paiement d'une telle indemnité, sur le fondement du principe d'égalité de traitement.
Ils ont également obtenu gain de cause auprès de la cour d'appel d'Angers (3). Pour cette dernière, en effet, "la circonstance que le second PSE et la procédure de licenciement collectif pour motif économique qu'il accompagnait se soient inscrits dans le cadre d'une fermeture du site de Saint-Berthevin alors que le premier PSE et la première procédure de licenciement collectif pour motif économique se sont inscrits dans le cadre de la suppression d'un grand nombre d'emplois au sein de cet établissement ne suffit pas, en soi, à caractériser une différence de situation propre à justifier le versement de l'indemnité litigieuse aux seuls salariés licenciés en 2007". Par ailleurs, la cour a considéré "qu'au regard de l'avantage en cause, les salariés concernés par le premier PSE et licenciés en 2006 étaient placés dans une situation identique à ceux concernés par le second PSE et licenciés en 2007" et que "la rupture anticipée du contrat du 7 septembre 2005, la fermeture du site, les possibilités de reclassement et de nouvel emploi, ne constituent pas des raisons objectives et pertinentes propres à justifier la différence de traitement litigieuse caractérisée par le versement aux seuls salariés licenciés en 2007 d'une indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site".
Une double cassation pour un même motif. Dans les deux affaires, les deux arrêts d'appel sont cassés de manière absolument identique, au visa du principe d'égalité de traitement, la Haute juridiction considérant que les salariés ne se trouvaient pas dans la même situation selon qu'ils relevaient de l'un ou l'autre des plans considérés.
Dans les deux cas, les magistrats du fond sont cassés pour "fausse application" du principe d'égalité de traitement, c'est-à-dire pour en avoir fait une application inexacte "au regard de leurs constations". Dans ces deux affaires, en effet, les salariés du premier PSE réclamaient les avantages conférés aux licenciés du second, et les juges avaient considéré que tous les salariés concernés par ces deux plans se trouvaient dans la même situation (perte d'emploi) au regard des avantages en cause (indemnité complémentaire et durée de congé de reclassement pour les deux plans du laboratoires Fabre, et indemnité de perte d'emploi dans l'affaire Géodis). Les deux cours d'appel n'avaient pas considéré que la situation des salariés était différente selon qu'ils avaient été licenciés lors de la première vague ou de la seconde, ce qui n'est pas du goût de la Cour de cassation qui considère le contraire.
II - La volonté de ne pas accabler les entreprises en difficultés
Une double cassation discutable. Le moins que l'on puisse dire est que l'argumentation retenue par la Haute juridiction ne convainc guère.
Dans la première affaire qui concernait le laboratoire Fabre, aucun élément (notamment dans l'arrêt d'appel) ne permettait de dire que les salariés se seraient trouvés dans des situations différentes, alors que tous perdaient leur emploi dans le cadre de l'un ou l'autre plan. On aurait pu admettre que les droits accordés aux salariés dans les différents plans n'avaient pas le même objet, ce qui rendait une comparaison avantage par avantage délicate, mais que précisément la variété des droits conférés les plaçaient dans une situation différente au regard des avantages concernés. Mais rien de tel ne ressortait de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, et la lecture de la décision ne met en lumière aucune donnée distinctive tirée des caractéristiques des salariés, qu'il s'agisse de leur âge, leur ancienneté (4), leur statut (5) ou leurs fonctions.
Dans la seconde affaire, c'est l'entreprise qui ne se trouvait pas dans la même situation économique, puisque le premier plan faisait suite à une très importante baisse des commandes du principal fournisseur d'activité de l'entreprise, alors que le second faisait suite à la rupture définitive des relations commerciales avec celui-ci et à la fermeture du site. Mais, pour les salariés, et au regard des avantages en cause, rien ne semblait devoir justifier la différence de traitement.
Alors pourquoi avoir cassé et donné raison aux entreprises ?
Deux explications, l'une propre au principe d'égalité de traitement, l'autre propre au régime des PSE, peuvent être avancées.
Des différences de traitement justifiables, mais autrement. On sait qu'il y a deux manières de "justifier" une différence de traitement, soit en amont, en considérant que les demandeurs ne sont pas dans la même situation que les autres personnes avec lesquelles ils se comparent (ce qui était le cas ici), soit en aval du raisonnement, en établissant que les différences de traitement sont justifiées.
La seconde manière de justifier est, de notre point de vue, préférable, dans la mesure où elle élargit le spectre des motifs admissibles, notamment à la situation de l'entreprise, à sa taille, à sa situation économique et financière, à son appartenance à un groupe ou une UES, voire à des éléments extérieurs tenant au coût de la vie locale (6), à l'évolution du contexte économique et social, ou encore au comportement de tiers (dans l'affaire Géodis, le principal client de l'entreprise avait cessé toute commande).
La lecture de la note explicative qui accompagne ces deux arrêts, et qui préfigure le commentaire au rapport annuel, montre bien, selon nous, la confusion entretenue entre situation des salariés (données personnelles) et situation de l'entreprise, et donc entre ces deux manières de justifier la différence de traitement : "en effet, dans une même entreprise, la succession dans le temps de procédures de licenciement économique collectif implique, de fait, une évolution du contexte économique et social ayant donné lieu à ces procédures. Les PSE, établis par l'employeur dans le cadre de ces procédures successives en fonction des besoins des salariés concernés par chacune des procédures et des moyens de l'entreprise ou du groupe évalués au moment de leur élaboration, et soumis à chaque fois à la consultation des institutions représentatives du personnel qui peuvent en demander l'amélioration, répondent à des circonstances particulières et présentent nécessairement un équilibre qui leur est propre. Aussi, d'une procédure de licenciement économique collectif à une autre dans une même entreprise, les salariés licenciés ne sont pas placés dans une situation identique propre à leur permettre de revendiquer les avantages d'un PSE élaboré dans le cadre d'une procédure qui ne les a pas concernés".
Au final, cette confusion n'est pas véritablement problématique, dans la mesure où elle ne change en rien la conclusion du raisonnement : les différences entre les plans ne sont pas remises en cause et les salariés sont déboutés de leurs demandes. Mais, il nous semble qu'elle affaiblit la solution, en la rendant moins compréhensible, et qu'elle pourrait donc susciter un vague de résistance devant les juridictions du fond, tant il semble incompréhensible, précisément du point de vue des salariés, de considérer que la perte d'emploi lors d'un premier plan serait moins grave que lors d'un second.
Des différences de traitement présumées justifiées ? Reste une autre justification, tirée de ce qu'on pourrait appeler l'autonomie des PSE. Il s'agirait de raisonner, ici, comme la Cour de cassation le fait depuis janvier 2015 en matière de différences de traitement résultant de l'application d'un (7) ou plusieurs accords collectifs (8), où ces dernières sont présumées être justifiées, sauf à démontrer un hypothétique détournement de pouvoirs des parties à l'accord.
On s'est évidemment interrogé sur la portée de ces décisions s'agissant d'un PSE "négocié", car leur légitimité semble supérieure encore à celle des accords de droit commun (9) puisque depuis 2013, leur validité est subordonnée à un accord ayant recueilli la signature d'un ou de plusieurs syndicats ayant obtenu au moins la moitié des suffrages exprimés en faveur des organisations reconnues représentatives à l'issu des dernières élections professionnelles (10).
Mais qu'en est-il pour les plans adoptés dans le cadre d'une élaboration unilatérale par l'employeur dans le respect de la procédure d'information/consultation ad hoc du comité d'entreprise ? Dans cette hypothèse, il semble difficile de défendre l'idée d'une autonomie comparable du plan, dans la mesure où les mesures arrêtées dans le plan de reclassement (ou dans le plan de départ volontaire) sont uniquement contrôlées par l'autorité administrative qui en vérifie la légalité, et donc, à ce titre, le respect du principe d'égalité de traitement (11). Il semble donc logique de laisser au juge (administratif) le soin de vérifier que l'employeur a bien respecté l'égalité entre les salariés, tout comme d'ailleurs le juge judiciaire continue de vérifier la légitimité des différences de traitement résultant d'actes unilatéraux ou de pratiques d'entreprises, depuis 2015.
On pourrait tout de même être tenté de lire dans ces deux décisions la volonté du juge ne pas se substituer aux acteurs pour imposer "sa" vision du "juste", et de se contenter de sanctionner les comportements manifestement abusifs. Fondée sur les valeurs de la démocratie sociale depuis 2015, cette modestie du contrôle du juge, singulièrement du juge de cassation, doit être saluée, surtout lorsque le législateur a fait le choix de confier des prérogatives à l'administration pour gérer avec les entreprises ses phases délicates de règlement des difficultés économiques. Il faudra voir, maintenant, comment le Conseil d'Etat statuera s'agissant de plans adoptés après l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi ([LXB=L0394IXUi]).
(1) Cass. soc., 10 juillet 2001, n° 99-40.987, publié (N° Lexbase : A1731AUN) ; Dr. soc., 2001, p. 1012, obs. Ch. Radé ; Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 09-15.182, FS-P+B (N° Lexbase : A6782E4X).
(2) CA Montpellier, 6 mai 2015, n° 12/02135 (N° Lexbase : A7331NHY).
(3) CA Angers, 17 décembre 2015, n° 13/02031 (N° Lexbase : A9163NZE).
(4) Cass. soc., 28 octobre 2015, n° 14-16.115, FS-P+B (N° Lexbase : A5287NUD).
(5) Cass. soc., 16 décembre 2015, n° 14-11.294, FS-P+B (N° Lexbase : A8705NZG) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 639, 2016 (N° Lexbase : N0779BWR).
(6) Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11.386, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7920RZD) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 670, 2016 (N° Lexbase : N4436BW9).
(7) Cass. soc., 27 janvier 2015, trois arrêts, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3401NA9), n° 13-25.437, FS-P+B (N° Lexbase : A6934NA3) et n° 13-14.773, FS-P+B (N° Lexbase : A7024NAE) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 600, 2015 (N° Lexbase : N5806BUL) ; Dr. soc., 2015, p. 237, étude A. Fabre ; RDT, 2015, p. 339, obs. E. Peskine.
(8) Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18.844, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4697SCX).
(9) Sauf en matière de durée du travail et de congés où l'exigence d'un accord majoritaire (plus de 50 %, ou de 30 % avec ratification par la majorité des salariés) s'applique depuis le 1er janvier 2017 ; loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), art. 21, IX.
(10) C. trav., art. L. 1233-24-1 (N° Lexbase : L0630IXM).
(11) En toute hypothèse c'est le juge administratif qui doit apprécier le respect de ce principe pour les plans élaborés depuis la loi de sécurisation de l'emploi, ce qui n'était pas le cas ici.
Décisions
1/ Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-21. 008, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1625WLR) Cassation (CA Montpellier, 6 mai 2015, n° 12/02135 N° Lexbase : A7331NHY) 2/ Cass. soc., 29 juin 2017, n° 16-12.007, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1626WLS) Cassation (CA Angers, deux arrêts, 17 décembre 2015, n° 13/01983 N° Lexbase : A9181NZ3 et n° 13/02031 N° Lexbase : A9163NZE) Textes concernés : Néant. Mots clés : principe d'égalité de traitement ; procédures de licenciement économique collectif ; PSE successifs. Lien base : (N° Lexbase : E9336ESL). |
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Réf. : Cass. crim., 20 juin 2017, n° 16-80.935, F-P+B (N° Lexbase : A8279WL9)
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par Aziber Seïd Algadi
Le 20 Juillet 2017
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Réf. : Cass. crim., 31 mai 2017, n° 15-82.159, FS-P+B (N° Lexbase : A2684WGI)
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par Thierry Lamulle, Maître de conférences HDR en droit public à l'Université de Caen-Normandie et Membre de l'Institut Demolombe (EA 967)
Le 20 Juillet 2017
Celui-ci affirmait que la société britannique ne disposait pas d'établissement stable (une installation fixe d'affaires) dans les locaux de la société B en France. La société britannique était spécialisée dans la vente par correspondance de produits minceurs et de compléments alimentaires et disposait d'une adresse postale à Paris auprès de la société B qui enregistrait les commandes des clients. Le requérant était aussi le gérant de droit de la société C, de droit belge, chargée du stockage et de l'expédition des commandes et d'une société responsable des campagnes publicitaires. Les règlements des clients étaient versés sur des comptes bancaires français et les fournisseurs de produits étaient des sociétés françaises. Un cycle commercial complet était effectué en France ce qui rendait la société imposable à l'impôt sur les sociétés en France. En vertu des dispositions de la Convention fiscale franco-britannique (N° Lexbase : L5161IEU), l'administration des impôts a estimé que la société britannique disposait d'un établissement stable en France par le biais d'une installation fixe d'affaires dans les locaux de la société B à Paris.
Parallèlement à la procédure pénale, s'est déroulée une procédure fiscale à l'encontre du requérant, résidant fiscalement en France ; après reconstitution du chiffre d'affaires, le montant des droits éludés est de 106 083 euros. Ce redressement en matière d'impôt sur le revenu, mis à la charge du requérant en tant que maître de l'affaire est assorti de pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses. Ce redressement a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Paris le 22 février 2012. Ayant interjeté appel, l'intéressé est déchargé des impôts mis à sa charge car la société ne disposait pas d'un établissement stable en France à savoir un agent dépendant disposant de pouvoirs exercés habituellement en France lui permettant de conclure des contrats au nom de la société britannique en vertu de l'article 4, 4° de la Convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968.
Devant la Cour de cassation, le requérant contestait l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait refusé de prendre en compte la décision de la cour administrative d'appel de Paris devenue définitive. Le requérant avait été finalement condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis et était solidaire avec la société britannique du paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes. Le requérant reprochait à la cour d'appel de Paris la non-application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue des décisions "Wildenstein" et "Cahuzac" en matière de droits de succession d'impôt de solidarité sur la fortune (Cons. const., 24 juin 2016, n° 2016-545 QPC N° Lexbase : A0909RU9 et n° 2016-546 QPC N° Lexbase : A0910RUA ; jurisprudence confirmée par la suite dans une décision n° 2016-556 QPC du 22 juillet 2016 N° Lexbase : A7432RXK).
Le Conseil constitutionnel admet le cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales sous trois réserves d'interprétation, notamment le fait que le contribuable soit déchargé de l'impôt par une décision devenue définitive et portant sur des motifs de fond par les juridictions administratives. La Cour de cassation refuse d'appliquer cette réserve d'interprétation qui ne concerne que la dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et non l'omission de souscrire des déclarations. De plus, le requérant avait été déchargé de l'impôt sur le revenu par la cour administrative d'appel de Paris alors que la condamnation pénale a été prononcée en matière d'impôt sur les sociétés.
La lecture de cet arrêt de la Chambre criminelle conduit à s'interroger sur la notion d'établissement stable (I) et sur l'interprétation des réserves du Conseil constitutionnel à propos de la règle non bis in idem (sanctions fiscales et sanctions pénales) par la Cour de cassation (II).
I - La notion d'établissement stable
Tout d'abord, avant d'appliquer les dispositions de la Convention fiscale franco-britannique, il convient de s'assurer que la société britannique est bien imposable à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209-I du CGI (N° Lexbase : L2929LCH). En l'occurrence, l'administration des impôts a relevé qu'il s'agissait d'un cycle complet d'opérations réalisées en France (prise de commandes, livraison des produits minceurs et de compléments alimentaires aux clients français, les fournisseurs sont aussi domiciliés en France, encaissement des produits des ventes sur des comptes ouverts auprès de banques françaises). Cependant, le critère du cycle complet d'opérations réalisées en France est inconnu du droit conventionnel et ne se retrouve pas dans la définition de l'établissement stable.
Cette dernière relève d'une approche synthétique de l'imposition des revenus dégagés par une entreprise. Le concept a été forgé dès la fin du XIXème siècle en Allemagne et en Autriche. Il permet d'imposer une activité réalisée en France par une société étrangère lorsque l'activité a pris une certaine consistance et s'exerce dans des conditions similaires à celle d'une entreprise française. L'article 7 de la Convention modèle OCDE (N° Lexbase : L6769ITU) précise que "les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé". Dans le contexte de la mondialisation marquée par une forte évasion fiscale, les Etats, pour s'assurer de la matière imposable, n'hésitent pas à démontrer l'existence d'établissements stables sur leur territoire. Les non déclarations de résultats par les sociétés étrangères sont sanctionnées par les juridictions administratives et les juridictions pénales (Cass. crim., 18 janvier 2017, n° 15-82.940, F-D N° Lexbase : A7052S93 ; Cass. crim., 14 mai 2003, n° 02-85.667 ; Cass. crim., 18 septembre 1997, n° 96-84.624, inédit au bulletin N° Lexbase : A5643CWW).
Le critère de l'établissement stable se subdivise en deux branches, "une installation fixe d'affaires et un agent dépendant".
Une installation fixe d'affaires : différentes catégories d'établissements stables sont répertoriées à l'article 5 de la Convention modèle OCDE. Cette liste n'est pas limitative. Un certain degré de permanence est nécessaire, ainsi qu'une activité effective.
C'est le critère retenu par les juridictions pénales et le tribunal administratif de Paris. En ayant une adresse et disposant de locaux au sein de la société B à Paris, la société britannique dispose d'une installation fixe d'affaires à partir de laquelle elle pouvait réaliser des ventes par correspondance en France. Pour pouvoir retenir cette définition, les juridictions pénales et le tribunal administratif de Paris ont estimé que le requérant était gérant de fait de la société britannique. La cour d'appel de Paris relève que le requérant était l'unique interlocuteur des fournisseurs. Il prenait en charge les relations avec les clients et assurait la maîtrise du cycle commercial complet. En outre, il était dirigeant de droit des principaux partenaires de la société britannique, à savoir la société C belge (stockage et expédition des commandes) et la société responsabilité des campagnes publicitaires.
A contrario, la cour administrative d'appel de Paris, en retenant le critère de l'agent dépendant, a estimé que la société britannique ne disposait pas d'un établissement stable en France. Le requérant ne disposait pas de pouvoirs exercés habituellement en France lui permettant de conclure des contrats au nom de la société. En conséquence, le requérant était déchargé du redressement d'impôt sur le revenu qui lui avait été infligé par l'administration des impôts.
Les juridictions pénales et les juridictions administratives ont retenu le critère de l'établissement stable à travers ses deux branches pour aboutir à un résultat diamétralement opposé et difficilement compréhensible pour le contribuable. Condamnation sur le plan pénal et décharge de l'impôt sur le plan fiscal. Cette décharge sur le plan fiscal n'a donc eu aucune conséquence sur le plan pénal.
II - Les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel à propos de la règle non bis in idem et la jurisprudence de la Cour de cassation
Les suites de l'affaire "Cahuzac" ( le ministre fut traduit devant le tribunal correctionnel sur le fondement du délit de fraude fiscale), et de l'affaire "Wildenstein" (les héritiers avaient omis de déclarer lors de la succession une part importante du patrimoine laissé par le défunt et furent poursuivis aussi sur le fondement du délit général de fraude fiscale), ont conduit à la saisine du Conseil constitutionnel dans la cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les prévenus à propos du cumul des sanctions fiscales (CGI, art. 1729 N° Lexbase : L4733ICB) et des sanctions pénales de non-déclaration de sommes imposables (CGI, art. 1741 N° Lexbase : L9491IY8). La pénalisation de la fraude fiscale revenait ainsi au premier plan de l'actualité. Le Conseil constitutionnel a estimé que les sanctions fiscales et les sanctions pénales étaient complémentaires en matière de lutte contre la fraude fiscale. Elles sont déclarées conformes au principe de nécessité des délits et des peines avec des réserves d'interprétation. Le Conseil constitutionnel se refuse à donner une valeur constitutionnelle au principe non bis in idem.
Le cumul des sanctions fiscales et pénales ne doit pas excéder "le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues" (§ 8 de la QPC n° 2016-545 du 24 juin 2016). Deux autres réserves d'interprétation ont été retenues par le Conseil constitutionnel :
- la gravité de l'infraction qui justifie les poursuites pénales "ce principe impose néanmoins que les dispositions de l'article 1741 ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt. Cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention" ;
- l'abandon des poursuites pénales lorsque le contribuable a été déchargé de l'imposition par le juge de l'impôt au fond de l'affaire ("un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne peut pas être condamné pour fraude fiscale").
La Chambre criminelle (Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.047, FS-P+B N° Lexbase : A2441TP4) a précisé que l'application combinée de l'article 1729 du CGI et de l'article 1741 du CG ne vise que les poursuites pénales pour dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et non les omissions volontaires de souscrire une déclaration. En outre, l'engagement d'une procédure administrative sur le fondement de l'article 1729 du CGI doit être justifié.
Le Conseil constitutionnel n'avait retenu que la dissimulation de sommes sujettes à l'impôt car il avait été saisi uniquement sur ce cas de fraude fiscale dans le cadre des QPC "Wildenstein" et "Cahuzac". L'article 1741 vise trois autres cas : l'omission d'effectuer des déclarations dans les délais prescrits, les obstacles mis au recouvrement de l'impôt, notamment en organisant son insolvabilité, et enfin tout autre agissement frauduleux : se placer sous un régime fiscal indu (entreprises nouvelles par exemple). L'application de la réserve uniquement aux dissimulations de sommes sujettes à l'impôt si elle apparaît logique du fait de la non saisine du Conseil constitutionnel pour les trois autres cas laisse planer néanmoins un sentiment d'insatisfaction puisque les omissions de déclarations représentent une part non négligeable des poursuites pénales pour fraude fiscale. Dans la présente espèce, la Chambre criminelle confirme sa jurisprudence du 22 février 2017 mais apporte un élément important en précisant que la décharge de l'impôt devenue définitive devant le juge fiscal ne peut entraîner une relaxe sur le plan pénal uniquement en cas d'impôt identique. Les poursuites pénales visaient l'impôt sur les sociétés, alors que le redressement fiscal mis en place par l'administration des impôts, puis annulé par la cour administrative d'appel de Paris à l'encontre de l'intéressé, avait trait à l'impôt sur le revenu.
Il n'y a donc pas de sanctions pénales si le contribuable a été déchargé de l'impôt par une décision rendue sur le fond de l'affaire.
La CEDH (15 novembre 2016, n° 24130/11 et n° 29758/11 N° Lexbase : A9900SGR) a finalement admis le cumul des sanctions fiscales et pénales dans le cadre du droit norvégien en matière de fraude fiscale. Les procédures étaient imbriquées et la sanction pénale tenait compte de la sanction fiscale.
La CJUE (5 avril 2017, aff. C-217/15 et C-350/15 N° Lexbase : A6071UWR) a jugé aussi que l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux ne s'oppose pas à "une réglementation nationale qui permet de diligenter des poursuites pénales pour omission de verser la TVA, après l'infliction d'une sanction fiscale pour les mêmes faits, lorsque cette sanction a été infligée à une société ayant la personnalité morale tandis que les poursuites pénales sont engagées contre une personne physique".
Ces jurisprudences confirment que le cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales est possible et ne s'oppose pas au principe non bis in idem.
Par sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a voulu préserver le caractère d'exemplarité du délit de fraude fiscale vis-à-vis de l'opinion publique face à deux affaires emblématiques.
La stigmatisation de la fraude fiscale se traduirait alors pleinement. Cependant, la complémentarité des sanctions fiscales et pénales invoquée par le Conseil constitutionnel masque en fait un cumul d'impositions qui n'ose dire son nom. Lorsque des pénalités pour manquement délibéré ou pour manoeuvres frauduleuses sont infligées, elles sont cumulables avec des poursuites pénales. Pourtant les agissements réprimés sont semblables. Dans le cas des pénalités pour manquement délibéré, le juge administratif vérifie le caractère volontaire des infractions commises qu'il peut puiser notamment dans l'importance des redressements effectués par rapport au chiffre d'affaires. Ces redressements résultent d'une minoration systématique des recettes ou d'une déduction des charges indues. La profession exercée par le contribuable : expert-comptable ou notaire renforce le caractère volontaire des infractions commises. Une recherche qui peut être rapprochée de celle de l'élément intentionnel par le juge pénal. Les manoeuvres frauduleuses en droit fiscal traduisent une fraude sophistiquée qui s'opère par le biais de montages agressifs ou astucieux et l'utilisation d'opérations fictives. Les agissements poursuivis en droit fiscal et en droit pénal présentent donc la même configuration. La solution réside, maintenant que l'amende pénale a été substantiellement relevée (un nouveau relèvement de cette dernière est parfaitement envisageable) de faire un choix entre les sanctions fiscales et les sanctions pénales. Les règles en la matière seraient clairement établies, des décisions contradictoires ne seraient plus rendues et le sentiment de frustration du contribuable disparaîtrait.
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