La lettre juridique n°696 du 27 avril 2017

La lettre juridique - Édition n°696

Bancaire

[Brèves] Billet à ordre : impossibilité pour l'avaliste de rechercher la responsabilité de la banque, bénéficiaire du titre, pour manquement à un devoir d'information

Réf. : Cass. com., 20 avril 2017, n° 15-14.812, F-P+B (N° Lexbase : A3082WAE)

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par Vincent Téchené

Le 27 Avril 2017

L'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque, bénéficiaire du billet à ordre, pour manquement à un devoir d'information. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 avril 2017 (Cass. com., 20 avril 2017, n° 15-14.812, F-P+B N° Lexbase : A3082WAE).
En l'espèce, une banque a consenti un crédit de trésorerie de 450 000 euros, matérialisé par l'établissement d'un billet à ordre à une société sur lequel son gérant a porté son aval. L'avaliste a cédé ses parts à son associé. A la suite de la défaillance de la société, la banque a assigné l'avaliste en paiement. Ce dernier ayant été condamné à payer à la banque une certaine somme, il a formé un pourvoi en cassation.
Il soutenait, notamment, que la banque avait manqué à son devoir d'information pour ne pas lui avoir indiqué les conséquences de l'aval d'un billet à ordre par rapport à celles d'une caution. Ainsi, en retenant que sa qualité d'avaliste ne lui permet pas de se prévaloir d'un tel défaut, quand aval et cautionnement étant de même nature, les mesures protectrices accordées à la caution doivent bénéficier au donneur d'aval, la cour d'appel a violé l'(ancien) article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT).
Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel (cf. les Ouvrages "Droit bancaire" N° Lexbase : E5605AU7 et "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8827AGZ).

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Contrat de travail

[Jurisprudence] La stipulation d'une condition suspensive dans le contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 15 mars 2017, n° 15-24.028, FS-P+B (N° Lexbase : A2584UCP)

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N7789BWE

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 28 Avril 2017

Tout contrat peut être assorti de l'une des deux grandes catégories de modalités contractuelles que sont le terme et la condition. Le contrat de travail ne déroge pas à cette règle et s'intéresse depuis fort longtemps à la première, depuis que le législateur a choisi d'encadrer les contrats à durée déterminée en 1979 puis en 1982. La stipulation d'une condition résolutoire ou suspensive dans le contrat de travail soulève davantage d'incertitudes en ce que ces clauses pourraient être destinées à mettre en échec les règles protectrices de la rupture du contrat, qu'il soit conclu à durée déterminée ou à durée indéterminée. Encore faut-il, pour que la question se pose véritablement, que la réalisation de la condition aboutisse véritablement à la rupture du contrat, ce qui ne semble pas être le cas lorsqu'est en cause une condition suspensive. C'est, en tous les cas, ce que juge la Chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 15 mars 2017, qui considère que les dispositions d'ordre public relatives à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ne font pas obstacle à la stipulation d'une condition suspensive dans le contrat (I). La solution rendue est parfaitement défendable d'un point de vue technique. On peut, toutefois, regretter qu'une autre question soit passée sous silence, faute que les parties n'aient interrogé la Cour de cassation à son propos. En effet, l'événement constitutif de la condition était la réalisation d'un examen médical approfondi comme en subissent la majorité des sportifs professionnels au moment de leur recrutement. L'état de santé du candidat à l'embauche peut-il vraiment faire l'objet d'une condition sans tomber sous le coup de la prohibition des discriminations en raison de l'état de santé ? (II).
Résumé

Les dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0887I7Y), dont il résulte que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme que dans les seuls cas visés par ce texte, ne prohibent pas la stipulation de conditions suspensives.

Commentaire

I - La faculté de stipuler une condition suspensive au contrat à durée déterminée

Contrat de travail et stipulation d'une condition. Comme l'illustrent les nombreuses réflexions relatives à l'application de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations au contrat de travail (N° Lexbase : L4857KYK) (1), le droit civil demeure une ressource essentielle en droit du travail, ce dont témoigne toujours l'article L. 1221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B) qui dispose que "le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun" (2). A moins que le législateur ait souhaité les exclure du champ des relations de travail, l'ensemble des techniques contractuelles peuvent être utilement mobilisées et la stipulation de conditions n'échappe pas à cette règle.

Il n'est ainsi pas rare que la Chambre sociale admette, plus ou moins explicitement, la stipulation de conditions au contrat de travail. L'exécution d'un contrat à durée indéterminée peut être subordonnée à la réalisation d'une condition suspensive (3), auquel cas le contrat de travail s'approche d'une promesse d'embauche suspendue à la réalisation de tel ou tel événement (4). La stipulation d'une condition suspensive semble également permise dans un contrat de travail à durée déterminée, quoique la plupart des illustrations jurisprudentielles concernent des conditions stipulées par convention collective et non par le contrat de travail lui-même (5).

L'affaire. Une basketteuse est engagée par un club professionnel en 2008 pour deux saisons. A l'issue de ce premier contrat, elle conclut un nouveau contrat à durée déterminée pour une durée d'un an. Ce contrat stipule que l'engagement ne deviendra définitif qu'une fois remplies les conditions d'enregistrement par la fédération française de basket-ball et de passage, par la joueuse, d'un examen médical. Victime d'un accident de travail, la salariée prend "acte de la rupture de son contrat de travail (sic)" et saisit le juge prud'homal de demandes au titre de la rupture mais aussi, pour ce qui nous intéresse, de l'exécution de son contrat.

Déboutée en appel, la salariée forme pourvoi devant la Chambre sociale de la Cour de cassation. Elle soutient, d'abord, que l'existence d'une condition suspensive est incompatible avec les dispositions de l'article L. 1243-1 du Code du travail, qui limite les cas de rupture du contrat de travail à durée déterminée et, ensuite, que l'examen médical ne pouvait intervenir après l'embauche, faute qu'une période d'essai ait été stipulée dans le contrat de travail.

Par un arrêt rendu le 15 mars 2017, la Chambre sociale rejette le pourvoi. Dans un chapeau de tête, elle énonce que "les dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du Code du travail, dont il résulte que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme que dans les seuls cas visés par ce texte, ne prohibent pas la stipulation de conditions suspensives". Elle poursuit en approuvant les juges d'appel d'avoir considéré que l'examen médical constitutif de l'événement auquel le contrat était suspendu devait être "pratiqué au plus tard trois jours après l'arrivée de la joueuse pour sa prise de fonction", prise de fonction n'ayant jamais eu lieu en raison de l'accident du travail subi quelques semaines avant la date auquel le nouveau contrat devait commencer, si bien que "ce second contrat n'avait pas pris effet".

D'un point de vue de la technique contractuelle, la décision de la Chambre sociale nous semble devoir être approuvée.

Les conséquences de réalisation de la condition sur le contrat de travail. A la différence de la condition résolutoire dont la réalisation aboutit à la résolution du contrat et, qui est plus difficilement admissible en ce qu'elle écarte les règles spécifiques de rupture du contrat de travail, la condition suspensive a pour conséquence de paralyser l'exécution d'un contrat légalement formé. La rétroactivité qui accompagnait systématiquement la réalisation de la condition avant l'ordonnance du 10 février 2016, avait pour conséquence que le contrat était réputé ne jamais avoir ni existé, ni avoir été exécuté (6), ce qui semblait ne pas entrer en conflit avec les règles spécifiques de rupture des contrats de travail.

L'article L. 1243-1 du Code du travail dispose que, "sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail". Sont donc seulement et limitativement envisagées par le Code du travail la rupture par l'échéance du terme, la force majeure ou la résiliation unilatérale motivée par une faute ou l'inaptitude médicale du salarié. Tout autre mode de rupture du contrat à durée déterminée devrait, par conséquent, être interdit, ce qui n'a jamais empêché la Chambre sociale d'admettre les clauses libératoires, véritables conditions résolutoires stipulées dans les contrats de travail de nombreux sportifs professionnels (7).

A plus forte raison, la stipulation d'une condition suspensive ne contrevient pas au texte spécial en ce qu'elle ne constitue pas, à proprement parler, un mode de rupture du contrat de travail. Tant que l'événement constitutif de la condition ne s'est pas réalisé, que la condition est pendante, "l'obligation est, en réalité, inexistante" (8). La défaillance de la condition a des conséquences radicales puisque "le droit qui lui était subordonné est mort-né : le contrat est définitivement privé d'effet" (9). Le contrat, qui n'a jamais été exécuté, n'existe pas et est réputé n'avoir jamais existé. Le nouvel article 1304-6 du Code civil (N° Lexbase : L0655KZB), qui n'était certes pas applicable à l'espèce, dispose d'ailleurs qu'"cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé". Il est difficile de rompre ce qui n'a jamais existé et, chercher à apparenter les effets de la condition à un mode de rupture du contrat de travail qui viendrait concurrencer ceux prévus par l'article L. 1243-1 du Code du travail, n'a pas de sens.

Il n'en demeure pas moins que l'on peut s'interroger sur la licéité de la condition stipulée, quoique cette question n'ait pas été formellement posée à la Chambre sociale de la Cour de cassation.

II - La faculté d'ériger un examen médical comme événement permettant la réalisation de la condition

La licéité de la condition suspensive. Avant la réforme du droit des obligations, l'article 1172 du Code civil (N° Lexbase : L1274ABS) disposait que "toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes moeurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend" (10). Est-il admissible de subordonner la naissance des obligations résultant d'un contrat de travail à la réalisation d'un examen médical ?

Si cette question peut légitiment être posée, c'est que l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1000LDE) prohibe toute discrimination directe ou indirecte en raison de l'état de santé du salarié ou du candidat à un emploi. Le Code du travail n'aménage qu'une exception à cette prohibition, à l'article L. 1133-3 (N° Lexbase : L6057IAL), qui dispose que "les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées". En d'autres termes, seule l'inaptitude constatée par un médecin du travail permet d'empêcher le recrutement d'un salarié en raison de son état de santé.

Or la clause contractuelle en cause ne conditionnait pas le recrutement à une visite médicale d'embauche telle qu'elle était encore imposée à l'époque des faits (11), mais à une visite médicale spéciale destinée à apprécier la capacité médicale à s'adonner au sport pour lequel la salariée était recrutée. Pour être parfaitement conforme à ces dispositions, la condition suspensive ne devrait pouvoir produire effet qu'à la condition que l'inaptitude soit confirmée par un médecin du travail et non, seulement, par un médecin habilité par le club.

Des conditions suspensives conventionnelles. Par extension, ces interrogations peuvent également s'étendre aux dispositions de la grande majorité des conventions collectives de branche encadrant la pratique de tel ou tel sport collectif professionnel. L'article 2.3 de l'accord collectif "handball masculin de 1e division - saison 2014-2015" stipule, par exemple, que le contrat doit prévoir "que le joueur doit, à titre de condition suspensive, être déclaré comme ne présentant pas de contre-indication à la pratique du handball en compétition par le médecin désigné par le club distinct du médecin du club". L'article 9.1 de la Convention collective de branche du basket professionnel prévoit, pour sa part, que le contrat n'entrera en vigueur qu'à condition que le joueur subisse "un examen médical approfondi démontrant l'absence de contre-indication médicale à la pratique du basket dans les compétitions professionnelles".

La question de la contrariété à l'ordre public, qualité dont est évidemment pourvu l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1000LDE), se pose donc également à l'égard de ces textes conventionnels. On comprend évidemment bien la nécessité que des précautions médicales spécifiques soient prises pour ces salariés très particuliers qui exposent leurs corps à des contraintes hors du commun. Il faut, toutefois, regretter que la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale (N° Lexbase : L5025KRK), ne se soit pas intéressée à la question, soit pour légitimer une nouvelle exception à l'article L. 1132-1 du Code du travail, pour les seuls sportifs professionnels, soit pour imposer qu'un examen médical du médecin du travail vienne "confirmer" la position du médecin du club, pratique spontanée qui nous semble de nature à désamorcer tout risque de contentieux futur.


(1) Sans exhaustivité, v. les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 645, 2016 (N° Lexbase : N1492BW8) ; L. Bento de Carvalho, L'incidence de la réforme du droit des contrats sur le régime du contrat de travail : renouvellement ou statu quo ?, RDT, 2016, p. 258 ; Y. Pagnerre, Impact de la réforme du droit des contrats sur le contrat de travail, Dr. soc., 2016, p. 727.
(2) Sur l'articulation entre droit commun et droit du contrat de travail, v. notre étude à paraître au BICC du mois de septembre 2017.
(3) "A défaut de stipulation expresse contraire, l'exécution d'un contrat n'est subordonnée à la réalisation d'aucune condition", Cass. soc., 14 décembre 2016, n° 15-26.676, F-D (N° Lexbase : A2168SXL) ; Cass. soc., 23 mai 1995, n° 91-44.659, inédit (N° Lexbase : A1261CZQ).
(4) Par ex., Cass. soc., 13 mai 2003, n° 01-42.729, F-D (N° Lexbase : A0290B7U) ; Cass. soc., 9 juillet 2015, n° 13-25.606, FS-D (N° Lexbase : A7591NM4).
(5) Par ex., Cass. soc., 5 janvier 1995, n° 91-40.201, inédit (N° Lexbase : A4777AUH).
(6) La rétroactivité n'intervient plus, désormais, qu'à la condition d'avoir été prévue par les parties, v. C. civ., art. 1304-6 (N° Lexbase : L0655KZB).
(7) Sur la question, v. G. Auzero, La validité des clauses de rupture anticipée dans les contrats de travail à durée déterminée, Dr. soc., 2001, p. 17. Ces clauses sont désormais admises, par interprétation a contrario de l'article article L. 222-2-7 du Code du sport (N° Lexbase : L8134KRP) issu de la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale (N° Lexbase : L5025KRK), v. les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., n° 636, 2015 (N° Lexbase : N0320BWR).
(8) J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations. 3. Le rapport d'obligation, Sirey, 9ème éd., 2015, p. 304.
(9) Ibid., p. 306.
(10) La règle figure désormais à l'article 1304-1 du Code civil (N° Lexbase : L0650KZ4) en ces termes : "La condition doit être licite. A défaut, l'obligation est nulle".
(11) La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C) a, sauf exceptions, supprimé l'obligation de soumettre le salarié recruté à une visite médicale d'embauche.

Décision

Cass. soc., 15 mars 2017, n° 15-24.028, FS-P+B (N° Lexbase : A2584UCP)

Rejet (CA Montpellier, 1er juillet 2015, n° 13/03191 N° Lexbase : A3118NMG)

Texte concerné : C. trav., art. L. 1243-1 (N° Lexbase : L0887I7Y).

Mots-clés : contrat à durée déterminée ; condition suspensive ; sportif professionnel ; examen médical.

Liens base : (N° Lexbase : E6121ETU), (N° Lexbase : E7856ESR) et (N° Lexbase : E4971EXE).

newsid:457789

Contrat de travail

[Brèves] Transfert d'entreprise sans accord de substitution : absence de maintien du statut cadre et de la rémunération d'une salariée postérieurement à la date d'expiration du délai de survie de la Convention collective applicable au cédant

Réf. : Cass. soc., 20 avril 2017, n° 15-28.789, FS-P+B (N° Lexbase : A3077WA9)

Lecture: 2 min

N7804BWX

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par Aurélia Gervais

Le 28 Avril 2017

Si, du fait de l'absence d'accord de substitution, une salariée pouvait conserver jusqu'à l'expiration du délai de quinze mois son statut de cadre et la rémunération résultant de la Convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000 (N° Lexbase : X0803AEH), elle ne pouvait prétendre au maintien pour l'avenir de ce statut qui ne résultait pas du contrat de travail mais des dispositions de cette convention collective qui ne s'appliquait plus. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 avril 2017 (Cass. soc., 20 avril 2017, n° 15-28.789, FS-P+B N° Lexbase : A3077WA9).
En l'espèce, une salariée a été engagée en novembre 1999 par une société au sein de laquelle s'appliquait la Convention collective nationale des télécommunications. Par avenant du 12 septembre 2005, elle a été nommée aux fonctions de responsable de groupe, statut cadre selon cette Convention collective. Son contrat de travail a ensuite été transféré à une société cessionnaire, au sein de laquelle elle a été classée au coefficient 220, dans la grille de classification issue de la Convention collective applicable du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999 (N° Lexbase : X0801AEE), correspondant à un poste de superviseur, statut agent de maîtrise. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour solliciter le paiement de rappel de salaires compte tenu de son statut cadre.
Le 21 octobre 2015, la cour d'appel de Poitiers (CA Poitiers, 21 octobre 2015, n° 14/03002 N° Lexbase : A7570NTK) a condamné la société cessionnaire au paiement d'un rappel de salaire, retenant que pour la période postérieure au 31 octobre 2008, date d'expiration du délai de survie de la Convention collective auquel doit être ajouté le délai de préavis de dénonciation, par l'effet du transfert du contrat de travail, la société cessionnaire était tenue de le poursuivre dans les conditions mêmes où il était exécuté lors de la cession et que la salariée conservait notamment sa qualification, y compris son statut cadre dans ses rapports avec la société et qu'elle pouvait prétendre au coefficient 280 de la Convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire. La société s'est pourvue en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel, au visa des articles L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y) et L. 2261-14 (N° Lexbase : L7179K9R) du Code du travail et l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1697H4M), dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016. Elle estime qu'en faisant bénéficier la salariée du coefficient 280 de la Convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire correspondant au coefficient minimal du statut cadre dans cette Convention, la cour d'appel viole les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8887ESX).

newsid:457804

Domaine public

[Brèves] Publication de l'ordonnance relative à la propriété des personnes publiques

Réf. : Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L8339LD9)

Lecture: 2 min

N7772BWR

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par Yann Le Foll

Le 27 Avril 2017

L'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L8339LD9), a été publiée au Journal officiel du 20 avril 2017. Son objectif est de poursuivre un réel objectif de valorisation des propriétés publiques et de mettre le droit en cohérence avec la jurisprudence européenne issue de la décision dite "Promoimpresa Srl" du 14 juillet 2016 (CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-458/14 et C-67/15 N° Lexbase : A2158RX9), laquelle implique l'obligation d'attribution transparente d'autorisations d'occupation du domaine public destinées, en l'espèce, à l'exercice d'activités touristiques et récréatives.
A ce titre, la présente ordonnance, à son article 3, impose de soumettre la délivrance de certains titres d'occupation du domaine public et privé à une procédure de sélection entre les candidats potentiels ou de simples obligations de publicité préalable, lorsque leur octroi a pour effet de permettre l'exercice d'une activité économique sur le domaine. Il prévoit également une procédure "simplifiée" visant les occupations de courte durée délivrées quotidiennement par les personnes publiques : manifestations artistiques et culturelles, manifestations d'intérêt local, privatisations temporaires de locaux.
L'article 4 précise, conformément à la décision "Promoimpresa Srl", les conditions de détermination a priori de la durée des occupations du domaine public lorsque celles-ci permettent l'exercice d'une activité économique par l'occupant.
Les articles 5, 6 et 8 adaptent le régime juridique applicable aux titres constitutifs de droits réels, afin de tenir compte de l'introduction, dans le droit positif, d'obligations préalables de sélection ou de simple publicité.
L'article 7 remédie à une incohérence résultant de l'articulation entre le droit de la commande publique et le droit du domaine en prévoyant que lorsque l'occupation du domaine public est autorisée par un contrat de la commande publique (marché de partenariat ou concession) ou qu'un titre d'occupation est nécessaire à l'exécution d'un tel contrat, les modalités de détermination du montant de la redevance seront fonction de l'économie générale du contrat. L'article 9 étend la possibilité de recourir, dans la perspective de cessions de biens du domaine public, à un déclassement par anticipation à l'ensemble des personnes publiques ainsi qu'à l'ensemble des biens relevant de leur domaine public.
L'article 10 consacre la possibilité, pour les personnes publiques, de conclure des promesses de vente portant sur des biens du domaine public, sous condition suspensive de déclassement, avec un véritable engagement de désaffectation et de déclassement, possibilité jusqu'ici discutée par la doctrine et sur laquelle le juge n'a jamais été amené à se prononcer clairement.
Les dispositions relatives aux modalités de délivrance des titres entreront en vigueur le 1er juillet 2017.

newsid:457772

Entreprises en difficulté

[Brèves] Audience du juge-commissaire statuant en matière de contestation de créance : la caducité de la citation prévue par l'article 468 du Code de procédure civile n'est pas applicable en cas de défaut de comparution du créancier déclarant

Réf. : Cass. com., 20 avril 2017, n° 15-18.598, F-P+B+I (N° Lexbase : A0468WAL)

Lecture: 1 min

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par Vincent Téchené

Le 27 Avril 2017

Les créanciers du débiteur en redressement judiciaire n'ayant aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créances, les opérations de vérification des créances incombant au mandataire judiciaire, agissant comme représentant des créanciers, et la direction de la procédure de contestation de créance leur échappant, la caducité de la citation prévue par l'article 468 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6580H7T) n'est pas applicable en cas de défaut de comparution du créancier déclarant à l'audience du juge-commissaire, saisi par le mandataire judiciaire de la contestation de sa créance. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 avril 2017 (Cass. com., 20 avril 2017, n° 15-18.598, F-P+B+I N° Lexbase : A0468WAL).
En l'espèce, une société a été mise en redressement judiciaire. Un créancier a déclaré diverses créances privilégiées à concurrence de 13 112 euros. Le mandataire judiciaire ayant contesté cette déclaration, le créancier l'a rectifiée en réduisant le montant de ses créances à la somme de 7 893,40 euros. Par ordonnances, le 15 mai 2014, le juge-commissaire, constatant le défaut de comparution ou de représentation du créancier déclarant à l'audience, a prononcé la "caducité de l'instance". Le créancier a formé appel de l'une de ces décisions.
La cour d'appel (CA Toulouse, 15 octobre 2014, n° 14/03847 N° Lexbase : A4344MYK) confirme la caducité de la déclaration de créance de la caisse. Elle énonce que l'article 468 du Code de procédure civile a vocation à s'appliquer dans le cadre de la procédure de vérification de créances dans la mesure où le juge-commissaire est une juridiction à part entière et où les parties demanderesses et défenderesses doivent être présentes ou représentées à l'audience, de sorte qu'en raison de l'absence du créancier déclarant lors de cette audience, le juge-commissaire saisi de leur contestation était en droit de constater, en application de ce texte, la caducité de la citation.
Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0410EXH)

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Sur les conséquences du défaut de déclaration des résultats d'une filiale membre d'un groupe fiscal intégré - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 31 mars 2017, n° 393253, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0464UTD)

Lecture: 10 min

N7864BW8

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par Marie-Astrid de Barmon, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 28 Avril 2017

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 31 mars 2017, a décidé que l'absence de déclaration de son résultat, bénéficiaire ou déficitaire, par une société membre d'un groupe fiscal intégré ne saurait, à elle seule, faire obstacle à sa prise en compte dans la détermination du résultat d'ensemble par la société mère du groupe (CE 9° et 10° ch.-r., 31 mars 2017, n° 393253, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Marie-Astrid de Barmon, Maître des requêtes au Conseil d'Etat. L'administration peut-elle refuser de prendre en compte dans le résultat d'ensemble d'un groupe fiscalement intégré le déficit d'une société intégrée qu'elle n'a pas contrôlée ? C'est la question posée par l'affaire qui vient d'être appelée.

L'on sait que le régime de l'intégration fiscale, régi par les articles 223 A (N° Lexbase : L1889KG3) et suivants du CGI, permet à une société mère de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble du groupe intégré, calculé en faisant la somme algébrique des résultats individuels de la société mère et de chacune de ses filiales entrant dans le périmètre d'intégration. Ce régime a pour intérêt d'imputer immédiatement les résultats déficitaires de certains membres du groupe sur les bénéfices d'autres sociétés intégrées, en s'abstrayant des règles moins souples de report des déficits d'une société non intégrée sur ses propres bénéfices passés ou futurs.

L'on sait également que l'intégration fiscale ne dispense pas les sociétés membres du groupe de satisfaire leurs propres obligations déclaratives. Chacune des sociétés intégrées doit souscrire sa déclaration de résultats individuels, en plus de la déclaration du résultat d'ensemble du groupe déposée par la société intégrante (CE 3° et 8° s-s-r., 7 février 2007, n° 279588, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9638DT7, RJF, 2007, n° 407).

Une société intégrée a tout intérêt à déclarer son résultat déficitaire pour minorer l'imposition globale du groupe et, par ricochet, sa part de cette charge fiscale que lui attribue en principe la convention d'intégration. C'est pourquoi le pourvoi de la société requérante, placée à la tête d'un groupe fiscalement intégré comprenant une filiale qui n'a pas déclaré son déficit annuel, vous confronte à une configuration assez inhabituelle.

L'administration fiscale a effectué un contrôle sur pièces de la société requérante au titre de l'exercice clos le 30 juin 2006. A cette occasion, elle s'est intéressée non seulement au résultat propre de cette société mère, mais aussi au résultat d'ensemble du groupe. Elle a remarqué que la filiale, dont le déficit au 30 juin 2006 était venu minorer ce résultat d'ensemble, n'avait pas déposé de déclaration de résultats individuels pour cet exercice. Le 15 février 2007, l'administration a adressé à cette société intégrée une première mise en demeure de déposer sa déclaration dans un délai de trente jours, sans toutefois la soumettre à un contrôle en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice litigieux, la vérification de comptabilité dont elle avait par ailleurs fait l'objet se limitant pour cet impôt aux exercices clos de 2003 à 2005. Avant même que n'expire le délai supplémentaire de déclaration imparti à la filiale pour produire sa déclaration au titre de l'exercice 2006, l'administration a notifié le 9 mars 2007 à sa société mère une rectification du résultat d'ensemble du groupe en le rehaussant du montant du déficit de la filiale, qu'elle a ainsi refusé de prendre en compte.

La société requérante a porté le litige devant le tribunal administratif de La Réunion, qui ne lui a pas donné gain de cause sur ce chef de redressement. Elle a contesté son jugement dans cette mesure, mais la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé la position des premiers juges par un arrêt du 7 juillet 2015 contre lequel la société se pourvoit en cassation (CAA Bordeaux, 7 juillet 2015, n° 14BX00067 N° Lexbase : A1142UTH).

Dans l'arrêt attaqué, la cour a jugé qu'à défaut pour la filiale d'avoir souscrit une déclaration de résultats au titre de l'exercice 2006 malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, la société ne pouvait intégrer dans les résultats d'ensemble du groupe le déficit accusé par sa filiale sans méconnaître les règles découlant des dispositions des articles 223 A et 223 B (N° Lexbase : L3878KWK) du CGI. Elle en a déduit que l'administration avait à bon droit refusé la prise en compte de ce déficit non déclaré pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe, sans avoir à procéder au préalable à un contrôle de la filiale.

La société requérante voit dans cette dernière affirmation une erreur de droit : elle soutient qu'une telle rectification liée au résultat d'une de ses filiales ne pouvait au contraire qu'être consécutive à une procédure de contrôle menée à l'égard de la société intégrée concernée.

Le ministre s'en défend en arguant que ce n'est pas l'existence ou le montant du déficit de la filiale qui a été remis en cause, mais uniquement sa prise en compte dans la détermination du résultat du groupe. Il fait valoir que ses services se sont contentés de contrôler la déclaration du résultat d'ensemble du groupe souscrite par la société requérante et qu'ils pouvaient, dans ce cadre, constater l'absence de justification du déficit de la filiale, faute de souscription par cette dernière de sa déclaration de résultats dans les délais légaux, et refuser pour ce motif la remontée du déficit litigieux pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe. Selon le ministre, un déficit non déclaré au niveau de la société intégrée est un déficit non intégré au niveau du groupe, et un contrôle sur pièces de la société tête de groupe suffit à corriger les conséquences de cette anomalie sur l'imposition d'ensemble du groupe.

Nous n'adhérons pas à cette thèse du ministre transcrite dans l'arrêt attaqué.

En premier lieu, parce qu'en déplaçant indûment le centre de gravité procédural des sociétés intégrées vers la société intégrante, à rebours de votre jurisprudence, elle confère à l'intégration fiscale une portée qu'elle n'a pas.

Les redressements apportés aux résultats déclarés par les sociétés intégrées ne constituent certes que les éléments d'une procédure unique aboutissant à la correction du résultat d'ensemble du groupe déclaré par la société mère et à la mise en recouvrement à son nom des rehaussements d'impôt en découlant (CE 3° et 8° s-s-r., 7 février 2007, n° 279588, publié au recueil Lebon, déjà citée ; aussi CE 9° et 10° s-s-r., 2 juin 2010, n° 309114, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2026EYP, RJF, 2010, n° 784, et CE 9° et 10° s-s-r., 13 décembre 2013, n° 338133, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3703KRL, RJF, 2014, n° 231).

Toutefois, ces mêmes décisions précisent que les sociétés membres du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs propres résultats et que c'est avec chacune des sociétés qui composent le groupe que l'administration fiscale doit mener les procédures de contrôle, puis de redressement. Ce n'est que dans un second temps que l'administration tire les conséquences des rectifications de chaque société intégrée sur le résultat d'ensemble du groupe, en les notifiant à la société tête de groupe. Cette articulation habituelle des procédures reflète le fait que les sociétés intégrées demeurent des personnes fiscales à part entière.

Les règles de détermination du résultat imposable du groupe intégré obéissent à la même logique. Le premier alinéa de l'article 223 B du CGI oblige ainsi à examiner d'abord la situation de la filiale en déterminant son résultat imposable au regard du droit commun, c'est-à-dire comme si elle n'appartenait pas à un groupe fiscalement intégré, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception (CE 3° et 8° s-s-r., 10 mars 2006, n° 263183, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4850DNX, RJF, 6/06, n° 678 ; CE 3° et 8° s-s-r., 28 avril 2006, n° 277572, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1988DPC, RJF, 7/06, n° 836). Vous avez confirmé ce principe dans votre décision du 10 novembre 2010, pour en déduire que les retraitements apportés aux résultats bruts d'ensemble d'un groupe intégré doivent, sauf texte contraire, être effectués après l'établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe. Une cour commet ainsi une erreur de droit en acceptant que la neutralisation d'une subvention intra-groupe s'effectue directement par une absence d'inscription symétrique dans les résultats individuels des sociétés en cause alors qu'elle devait d'abord être déclarée dans leurs comptes respectifs avant d'être neutralisée au stade de la détermination du résultat d'ensemble du groupe (CE 3° et 8° s-s-r., 10 novembre 2010, n° 309148, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8894GGI, RJF, 2/11, n° 153, concl. E. Cortot-Boucher, BDCF, 2011, n° 18).

C'est encore le même raisonnement qui vous a conduit à juger que la notification régulière à une société intégrée des rehaussements de son bénéfice imposable interrompt la prescription à l'égard de la société mère en tant que redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble du groupe (décision CE 9° et 10° s-s-r., 13 décembre 2013, n° 338133, précitée).

Plus proche de notre cas de figure, conformément aux dispositions du IV de l'article 1733 du CGI (N° Lexbase : L1855ABC), c'est au niveau de chaque filiale redressée membre de l'intégration fiscale qu'il y a lieu de rechercher si l'insuffisance des résultats déclarés par chacune d'elle excède la tolérance légale d'un vingtième de sa base d'imposition rectifiée au-delà de laquelle sont infligés des intérêts de retard, et ce bien qu'ils soient acquittés ensuite par la société mère (décision CE 9° et 10° s-s-r., 2 juin 2010, n° 309114, précitée).

On le voit, les dispositions des articles 223 A et B du CGI ont pour seul objet d'aménager les modalités de recouvrement de l'impôt pesant sur une addition de bases imposables définies et contrôlées, sauf dérogation expresse, à l'échelle de chaque société intégrée. Elles n'ont nullement pour effet d'ériger la société mère du groupe intégré en interlocuteur unique de l'administration fiscale et encore moins de dissoudre dans le groupe intégré la personnalité fiscale de ses membres. La déclaration de la société intégrée est sans doute une pièce justificative essentielle au contrôle de la rectitude de la déclaration d'ensemble du groupe, mais son absence est un manquement de cette seule société à ses obligations déclaratives. Par conséquent, il nous semble que l'administration ne peut refuser de prendre en compte le déficit d'une société intégrée pour déterminer l'assiette imposable du groupe, au motif qu'elle n'a pas déclaré ce déficit, sans engager un contrôle, fut-ce un simple examen sur pièces, à l'endroit de cette filiale, lui adresser une mise en demeure de produire sa déclaration et attendre le terme du délai légal de trente jours pour constater le défaut de déclaration avant d'en tirer des conséquences sur le résultat de la filiale concernée puis sur celui du groupe dans son ensemble.

En second lieu, la position du ministre et de la cour revient à ériger le respect des obligations déclaratives des sociétés intégrées en condition légale de prise en compte de leur résultat individuel dans le résultat d'ensemble du groupe. Le ministre vous demande de juger que le résultat d'ensemble mentionné à l'article 223 B du CGI ne peut être que la somme algébrique des résultats spontanément déclarés par chacune des sociétés du groupe. Cette condition ne figure cependant pas dans la loi. Et vous avez engagé la jurisprudence en sens contraire, en jugeant que la méconnaissance par une filiale intégrée de ses obligations déclaratives ne remet pas en cause son appartenance au groupe fiscalement intégré (CE 3° et 8° s-s-r., 10 avril 2015, n° 371765, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5031NGG, RJF, 7/15, n° 570). Or, refuser d'intégrer le déficit de la société coupable de cette infraction au résultat du groupe revient en pratique à l'exclure du périmètre de l'intégration fiscale. La thèse du ministre, difficilement compatible avec ce précédent, ajouterait ainsi de facto une sanction à celles prévues par les textes en cas de défaut de déclaration : ce qu'une société s'abstenant de souscrire sa déclaration encourt, c'est la taxation d'office de ses résultats après mise en demeure, impliquant la privation des règles protectrices de la procédure de redressement contradictoire (LPF, art. L. 66 N° Lexbase : L8954IQP et L. 68 N° Lexbase : L7397I8H) et l'inversion à son détriment de la charge de la preuve (LPF, art. L. 193 N° Lexbase : L8356AE9), ainsi que les pénalités pour défaut de déclaration prévues à l'article 1728 du CGI (N° Lexbase : L9544IY7), mais pas l'exclusion de son déficit du résultat d'ensemble du groupe.

Nous vous invitons donc à juger que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration avait pu légalement refuser la prise en compte du déficit de la filiale dans le résultat d'ensemble du groupe sans rectifier au préalable le résultat de cette société et à annuler son arrêt pour ce motif.

Vous pourrez mettre un terme au litige en réglant l'affaire au fond, dès lors qu'il découle du motif de cassation qu'en s'affranchissant de la première étape de la rectification devant porter sur le résultat de la filiale, l'administration a entaché la procédure d'imposition d'une irrégularité entraînant la décharge de l'imposition contestée. L'irrégularité est même double : comme le soutient la société requérante par un moyen nouveau en cassation mais qui devient opérant dans le cadre du règlement au fond du litige, le vérificateur ne pouvait lui adresser la proposition de rectification avant l'expiration du délai de trente jours suivant la notification de la mise en demeure imparti au contribuable pour régulariser sa situation par l'article L. 68 du LPF.

Vous réformerez le jugement du tribunal en tant qu'il a rejeté la demande de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge du fait du refus de l'administration de prendre en compte dans le résultat d'ensemble du groupe le déficit accusé par sa filiale au titre de l'exercice 2006 et accorderez à la requérante la décharge sollicitée, ainsi qu'une somme globale de 5 000 euros en réponse aux conclusions présentées en appel et en cassation sur le fondement de l'article L. 761-1 du CJA (N° Lexbase : L3227AL4).

Tel est le sens de nos conclusions dans cette affaire.

newsid:457864

Impôts locaux

[Brèves] Convention fiscale entre la France et la Nouvelle-Calédonie : une entreprise exonérée d'IR peut être assujetti à la CFE

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 21 avril 2017, n° 400297, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3427WA8)

Lecture: 1 min

N7860BWZ

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par Jules Bellaiche

Le 28 Avril 2017

Une société qui serait exonérée de l'impôt sur le revenu en vertu de la Convention fiscale entre la France et la Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : L5155IEN), peut rester redevable de la cotisation foncière des entreprises. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 21 avril 2017 (CE 10° et 9° ch.-r., 21 avril 2017, n° 400297, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3427WA8).
En l'espèce, la société requérante a pour objet la location à des entreprises exerçant leur activité dans les départements et collectivités d'outre-mer de tous biens d'équipements ou immobiliers à destination professionnelle éligibles aux dispositions du CGI relatives à la réduction d'impôt accordée au titre de certains investissements réalisés outre-mer. Elle a également été assujettie, dans les rôles de la commune de Sainte-Foy-lès-Lyon, à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 et 2013. La société a soutenu les règles de territorialité prévues par les stipulations de la Convention fiscale entre la France et la Nouvelle-Calédonie faisaient obstacle à ce que ses bénéfices soient soumis, en France, à l'impôt sur le revenu dans le chef de ses associés, et par suite, à ce qu'elle soit assujettie à la cotisation foncière des entreprises.
Toutefois, la Haute juridiction n'a pas donné raison à cette dernière. D'une part, si les stipulations de cette Convention fiscale ont pour objet de répartir, entre les deux parties contractantes, les impositions qu'elles visent, elles n'ont en revanche ni pour objet, ni pour effet, de modifier les règles de territorialité propres à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés telles qu'elles résultent du CGI. D'autre part, en ce qui concerne la France, les seules impositions visées par cette Convention sont celles qu'énumèrent les stipulations de son article 2, au nombre desquelles ne figure pas la cotisation foncière des entreprises. Dès lors, le moyen soulevé par la société doit être écarté (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X7769ALC).

newsid:457860

Majeurs protégés

[Brèves] L'indispensable constatation médicale de l'altération des facultés du majeur pour l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire

Réf. : Cass. civ. 1, 20 avril 2017, n° 16-17.672, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0470WAN)

Lecture: 1 min

N7763BWG

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 27 Avril 2017

Selon l'article 431 du Code civil (N° Lexbase : L9478I78), la demande d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République ; au sens de ce texte, le certificat circonstancié peut être établi sur pièces médicales, en cas de carence de l'intéressé. Telle est la précision apportée par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d'un arrêt rendu le 20 avril 2017, qui retient qu'en tout état de cause, l'absence de présentation de l'intéressé aux convocations du médecin inscrit ne saurait dispenser ce dernier d'établir un certificat circonstancié (Cass. civ. 1, 20 avril 2017, n° 16-17.672, FS-P+B+I N° Lexbase : A0470WAN).
En l'espèce, pour déclarer recevable la requête du procureur de la République aux fins d'ouverture d'une mesure de protection au profit de Mme X, la cour d'appel de Rennes, après avoir relevé que cette requête était accompagnée d'une lettre du médecin inscrit constatant que l'intéressée ne s'était pas présentée aux convocations, avait retenu que les éléments du dossier, à savoir, l'état du logement de Mme X, ses difficultés récurrentes de paiement du loyer, son état de surendettement chronique et les propos qu'elle tenait, étaient en faveur d'un diagnostic de pathologie psychotique décompensée et d'une perte de contact avec la réalité, ce dont il résultait qu'elle présentait une altération de ses facultés mentales l'empêchant de pourvoir seule à ses intérêts. La décision est censurée par la Cour suprême qui relève qu'en statuant ainsi, alors que la requête n'était pas accompagnée d'un certificat circonstancié du médecin inscrit, fût-il établi sur pièces médicales, la cour d'appel a violé le texte susvisé (cf. l’Ouvrage "La protection des mineurs et des majeurs vulnérables" N° Lexbase : E3483E4R).

newsid:457763

Procédure administrative

[Brèves] Introduction de dispositions relatives à la médiation dans la partie réglementaire du Code de justice administrative

Réf. : Décret n° 2017-566 du 18 avril 2017, relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif (N° Lexbase : L8347LDI)

Lecture: 1 min

N7761BWD

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par Yann Le Foll

Le 27 Avril 2017

Le décret n° 2017-566 du 18 avril 2017, relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif (N° Lexbase : L8347LDI), a été publié au Journal officiel du 20 avril 2017.
Il précise les règles procédurales de la médiation (à l'initiative des parties ou du juge) dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif, dont le régime législatif est fixé par les articles L. 213-1 (N° Lexbase : L1805LBH) et suivants du Code de justice administrative, issus de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3).
Il précise en outre les modalités d'articulation de la médiation à l'initiative des parties avec la procédure de recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, dont le régime est fixé par les articles R. 4125-1 (N° Lexbase : L4103IUI) à R. 4125-10 du Code de la défense (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E7641E9U).

newsid:457761

Procédure civile

[Brèves] CEDH : condamnation de la Grèce pour manquement à l'exigence de célérité

Réf. : CEDH, 20 avril 2017, Req. 71999/12 (N° Lexbase : A0528WAS)

Lecture: 2 min

N7771BWQ

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par Aziber Seïd Algadi

Le 27 Avril 2017

Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la CEDH, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés. Il en résulte qu'il y a violation de l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), relatif à l'exigence de délai raisonnable, dès lors qu'aucun fait ni argument ne justifie la durée de la procédure. En effet, même en déduisant les périodes d'inactivité qui peuvent être imputées au requérant, la durée restante de la procédure, à savoir cinq ans et neuf mois environ pour trois instances est excessive et ne répond pas à l'exigence du délai raisonnable. Telle est la solution retenue par un arrêt de la CEDH, rendu le 20 avril 2017 (CEDH, 20 avril 2017, Req. 71999/12 N° Lexbase : A0528WAS ; en ce sens, pour un cas de condamnation de la France, CEDH, 27 juin 2000, Req. 30979/96 N° Lexbase : A7714AWM, ou de l'Italie, CEDH, 13 avril 2017, Req. 36974/11 N° Lexbase : A9534U7A).
En l'espèce, le 25 juin 2002, le requérant a saisi le tribunal de première instance d'Athènes d'une action en dommages-intérêts contre l'hôpital psychiatrique d'Athènes, qui l'employait en tant qu'agent de sécurité. Le 6 mars 2003, le tribunal ajourna l'examen de l'affaire et fixa une nouvelle audience au 8 décembre 2003. A cette dernière date, le tribunal reporta à nouveau l'examen de l'affaire en raison de la non comparution des parties à l'audience. Le 11 décembre 2003, l'hôpital psychiatrique demanda une nouvelle date d'audience. Celle-ci fut fixée au 29 septembre 2004 avant d'être reportée au 10 juin 2005. Le 19 septembre 2005, le tribunal de première instance d'Athènes rejeta l'action du requérant. Le 5 septembre 2007, le requérant interjeta appel de ce jugement. Son appel est rejeté par la cour d'appel d'Athènes. Le 5 janvier 2011, le requérant se pourvut en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel. La Cour de cassation rejeta son pourvoi. Il saisit alors la CEDH, alléguant que la durée de la procédure civile a méconnu le principe du délai raisonnable prévu par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
La CEDH, énonçant les principes susvisés, retient la violation de l'article précité et condamne la Grèce à verser au requérant la somme de 3 600 euros pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E0650EUM).

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Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Droit de suite français : le principe de sa prise en charge par le vendeur est d'ordre public

Réf. : CA Versailles, 24 mars 2017, n° 15/07800 (N° Lexbase : A6267UIX)

Lecture: 12 min

N7812BWA

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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour

Le 09 Novembre 2018

Les objectifs poursuivis par une Directive communautaire lient les Etats membres mais son texte de transposition en droit national n'est pas nécessairement strictement identique, tant que ces objectifs sont respectés. Pour la cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 24 mars 2017, saisie sur renvoi après cassation, la volonté exprimée par le législateur français d'éliminer les distorsions de concurrence et de réguler le marché français de l'art s'oppose à ce que la charge du paiement du droit de suite soit transférée par voie conventionnelle du vendeur à l'acquéreur.

A en juger par sa place marginale au sein du Code de la propriété intellectuelle, le droit de suite serait une prérogative patrimoniale du droit d'auteur "secondaire", en comparaison avec le droit de reproduction et le droit de représentation. Pourtant, les enjeux économiques du droit de suite sont loin d'être anecdotiques. L'affaire objet du présent commentaire, opposant le Syndicat national des antiquaires à la société Christie's, en donne une intéressante illustration. Parallèlement, le Comité professionnel des galeries d'art avait d'ailleurs intenté une action similaire à l'encontre de cette société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, pour un résultat in fine identique (1).

I - Le droit de suite, un "rattrapage" économique au bénéfice de certains auteurs

Si l'auteur peut tirer des revenus parfois substantiels de l'exploitation commerciale de son oeuvre immatérielle, il arrive que le support matériel de sa création concentre l'essentiel de sa valeur. Ce constat trouve plus particulièrement à se vérifier dans les domaines de la peinture et de la sculpture, qui alimentent les salles de vente et le marché de l'art en général. Les enchères parfois extraordinaires atteintes pour certaines oeuvres se chargent de le rappeler très régulièrement.

Le législateur français a rapidement institué un droit de suite au bénéfice de l'auteur, visant à lui assurer un intéressement minimum sur les reventes successives des supports originaux de certaines catégories d'oeuvres. L'auteur bénéficie ainsi directement de la hausse de sa côte et de la spéculation que peut susciter sa production artistique. On peut y voir une mesure d'équité et de "rattrapage" bienvenue au regard des bénéfices engrangés par des tiers grâce à l'exploitation de son travail et ce, alors qu'une situation économique obérée avait pu le contraindre par le passé à céder les supports matériels de ses oeuvres à trop bon marché.

Le droit de suite a été introduit en droit français par une loi du 20 mai 1920, puis a été intégré à la Convention de Berne (article 14ter) en suite de la révision de Bruxelles du 26 juin 1948. Au niveau communautaire, sa consécration a toutefois du attendre l'adoption d'une Directive 2001/84 du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale (N° Lexbase : L4714GU7) (2). Il faut dire que coexistait alors au sein de la Communauté européenne des régimes juridiques très divers (oeuvres visées, bénéficiaires, taux, etc.), certains Etats membres ignorant même totalement cette prérogative. L'objectif de la Directive était donc d'assurer aux créateurs un niveau de protection adéquat et uniforme (2) et d'harmoniser les législations des Etats membres afin de mettre un terme aux distorsions de concurrence occasionnées par leurs divergences et préserver le bon fonctionnement du marché intérieur des oeuvres d'art (3). La transposition de la Directive en droit interne est intervenue aux termes de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 (N° Lexbase : L4403HKB).

L'article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L9474LBI) dispose ainsi que les auteurs d'oeuvres originales graphiques et plastiques bénéficient d'un droit de suite, présenté comme un "droit inaliénable de participation aux produits de toute vente d'une oeuvre après la première cession opérée par l'auteur ou par ses ayants droit", lorsqu'intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l'art. Ce texte précise par ailleurs expressément en son troisième alinéa que le droit de suite est à la charge du vendeur et que la responsabilité de son paiement incombe aux professionnels intervenants dans la vente (si la cession s'opère entre deux professionnels, au vendeur) (4). Le législateur français n'a donc pas saisi la possibilité qui lui était laissée par la Directive de prévoir des dérogations pour la responsabilité du paiement effectif du droit de suite (5).

II - Le caractère impératif de la prise en charge du droit de suite par le vendeur en débat

L'affaire objet du présent commentaire est intéressante en ce qu'elle oppose deux acteurs du marché de l'art en principe redevables du droit de suite. Le litige ne porte donc pas sur le bénéfice du droit de suite mais sur les modalités de sa mise en oeuvre. Si, conformément à la lettre de l'article L.122-8 précité, le Syndicat national des antiquaires (6) -ci-après, "le SNA"- s'acquittait de la redevance en sa qualité de vendeur, Christie's avait en effet pris l'habitude de faire peser la charge de son règlement sur l'acquéreur. En pratique, cette décision n'était évidemment pas anodine mais s'inscrivait dans une stratégie réfléchie. En effet, le marché de l'art est par nature un marché de pénurie compte tenu de la rareté des oeuvres disponibles ; pour cette raison, ce sont les vendeurs qui en dictent le tempo (7). A l'inverse, les acheteurs sont souvent plus sensibles à la qualité des oeuvres proposées qu'au surcoût lié au règlement du droit de suite. Les maisons de vente capables de proposer les catalogues les plus riches sont donc vouées à dominer le marché de l'art.

Le choix opéré par Christie's d'exonérer ainsi les vendeurs lui assurait donc un avantage compétitif évident. Le SNA, dont les membres respectent pour leur part le régime du droit de suite posé à l'article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle, y a vu une distorsion de concurrence fautive. Le droit de suite n'étant que l'instrument du comportement déloyal allégué, c'est dès lors sur le fondement de droit commun de la concurrence déloyale que le SNA a saisi les juridictions françaises pour tenter de faire annuler la clause des conditions générales de vente de Christie's transférant la charge du paiement du droit de suite du vendeur à l'acquéreur (8). La Cour de cassation rappelle en effet régulièrement que le non-respect de la réglementation par un opérateur économique peut être de nature à créer un déséquilibre entre concurrents à l'origine d'une rupture fautif d'égalité (9).

A - L'appréciation divergente des juges du fond

Aux termes d'un jugement du 20 mai 2011 (10), le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l'action en nullité du SNA, comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir. Ayant précisé que le droit de suite vise "à titre principal" à assurer aux auteurs, "qui ont pu, en raison notamment de difficultés matérielles, se défaire de leurs oeuvres en dessous de leur valeur, une juste rétribution de leur art quand par la suite celles-ci atteignent un surcroît de cote", le jugement en a déduit que la nullité de la clause en question ressortait d'une nullité relative. Seuls les auteurs ou leurs ayants droit seraient donc recevables à saisir le tribunal, à l'exclusion du SNA (11). Les demandes au titre de la concurrence ont également été rejetées, le jugement ayant relevé que le droit de suite a été effectivement versé à l'auteur de l'oeuvre, la répartition de la charge de ce versement entre l'acheteur et le vendeur ne pouvant à elle seule être constitutive d'une faute.

Saisie d'un recours, la cour d'appel de Paris (12) a, au contraire, retenu la recevabilité de l'action en nullité du SNA, approuvée sur ce point par la première chambre civile de la Cour de cassation (13). Son arrêt du 12 décembre 2012 souligne en effet que la Directive du 27 septembre 2001 est une Directive d'harmonisation dont l'objectif est de "résoudre le problème résultant de l'inexistence du droit de suite dans certains Etats membres, source d'entrave sur le marché intérieur, de distorsion de concurrence ainsi que d'un manque de protection pour les auteurs des oeuvres d'art originales". La finalité première de la Directive n'est donc pas seulement d'assurer la protection des auteurs (ainsi que l'avait retenu le tribunal) mais aussi de contribuer au bon fonctionnement du marché commun de l'art, objectif d'ordre public économique. Pour cette raison, le SNA, qui regroupe des opérateurs dont les ventes sont soumises au droit de suite, présentait un intérêt légitime à soulever la violation de l'article L. 122-8 précité, qui garantit une unité de traitement des professionnels de l'art et ce, quand bien même il était tiers au contrat.

Après avoir souligné l'absence d'ambiguïté des dispositions législatives françaises et rappelé l'intention du législateur telle que ressortant des travaux parlementaires, la cour souligne que le droit de suite, de création française, a été conçu comme une rétribution versée par le vendeur qui s'est enrichi par la vente d'une oeuvre. En l'absence de possibilité d'aménagement prévue par le Code de la propriété intellectuelle et eu égard à l'objectif d'uniformisation du régime juridique du droit de suite poursuivi par la Directive, la cour dénonce l'effet de distorsion de concurrence recherché par la société Christie's afin de bénéficier d'un avantage par rapport aux autres opérateurs intervenant sur le marché de l'art.

A noter que, dans l'affaire parallèle opposant le Comité professionnel des galeries d'art à la société Christie's et ayant trait aux même problématiques juridiques, cette même cour d'appel de Paris a rendu le 3 juillet 2013 (14) un arrêt aux conclusions diamétralement opposées. Se référant à un avis rendu par la Commission européenne le 22 décembre 2008, les conseillers parisiens ont en effet confirmé l'existence d'une possibilité de dérogation pour les modalités de paiement du droit de suite.

B - Pour la CJUE, l'objectif d'harmonisation de la Directive ne s'étend pas à la question de l'identité de la personne supportant effectivement le droit de suite

Saisie d'un pourvoi, la première chambre civile de la Cour de cassation (15) a approuvé la cour d'appel d'avoir accueilli l'intérêt à agir du SNA. La question de la recevabilité de ce syndicat était dès lors définitivement tranchée (16).

En revanche, il en allait différemment s'agissant du régime juridique du droit de suite. L'arrêt du 22 janvier 2014 a en effet renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle de savoir si le principe du paiement du droit de suite par le vendeur peut faire l'objet de dérogations conventionnelles. Aux termes d'un arrêt du 26 février 2015 (17), cette dernière a dit pour droit que les dispositions de la Directive 2001/84/CE ne s'opposent pas ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l'art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l'acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou partie, le coût du droit de suite, "pour autant qu'un tel arrangement contractuel n'affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l'auteur". La Cour justifie notamment cette solution par le constat que, si les dispositions de la Directive (18) énoncent certes que la personne redevable du droit de suite est en principe le vendeur (19), elles précisent que les Etats membres peuvent prévoir des dérogations à ce principe pour ce qui est de la prise en charge du paiement. Elle insiste, par ailleurs, sur le fait que l'objectif d'harmonisation poursuivi par la Directive est limité aux dispositions nationales qui ont l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur, de sorte que des différences entre les législations nationales peuvent subsister, notamment en ce qui concerne la question de savoir qui supportera en définitive le coût du droit de suite (20).

En résumé, la Cour de justice apparaît principalement soucieuse d'assurer un niveau de protection adéquat et uniforme à l'auteur, imposant donc la désignation par la législation nationale de la personne redevable du droit de suite. A l'inverse, l'objectif de régulation du marché de l'art par l'élimination des distorsions de concurrence est relatif (21) et n'implique aucune harmonisation totale des législations ; ainsi, la question de savoir qui supportera in fine le coût du droit de suite est laissée à la libre appréciation des Etats. La Cour de justice admet que cette liberté emporte des inconvénients, tenant au fait que certains acteurs du marché puissent être assujettis deux fois au règlement du droit de suite (la première fois comme acquéreur ; la seconde en tant que vendeur). Elle estime toutefois que l'effet de distorsion qui en résulte sur le marché de l'art n'est qu'indirect et ne pose donc pas de difficultés pour autant que la rémunération de l'auteur soit assurée (22).

L'arrêt du 26 février 2015 focalise son analyse de la Directive 2001/84/CE sur la protection des seuls auteurs. On le constate, la position de la Cour de justice est ainsi parfaitement en phase avec celle exprimée par le tribunal dans son jugement du 20 mai 2011. La première chambre civile de la Cour de cassation (23) en a alors pris acte et a prononcé la cassation partielle de l'arrêt du 12 décembre 2012 en ce qu'il a refusé, en considération de "l'objectif de suppression des distorsions de concurrence poursuivi par la Directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001", un aménagement conventionnel de la charge du règlement du droit de suite et a déclaré nulle et de nul effet la clause 4b des conditions générales de vente de Christie's. L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Versailles.

C - La législation française du droit de suite poursuit un objectif d'ordre public économique

Sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Versailles a rendu son arrêt le 24 mars 2017 (24). Faisant sien le raisonnement du SNA, la cour rappelle qu'une Directive ne lie les Etats que quant aux objectifs à atteindre et leur laisse le choix quant aux moyens d'y parvenir, de sorte qu'elle n'emporte aucun effet direct dès lors qu'elle a été dûment transposée en droit interne. Renvoyant aux considérants de l'arrêt rendu par la Cour de justice, l'arrêt du 24 mars 2017 prend par ailleurs acte que les Etats membres sont responsables de ce que la redevance au titre du droit de suite doit être perçue mais qu'ils demeurent souverains pour déterminer l'identité de la personne qui doit supporter définitivement le coût du droit de suite.

Or, le législateur français a délibérément choisi de faire de l'article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle un outil de régulation du marché de l'art afin d'assainir les règles de la concurrence sur le marché national. Si cet objectif n'est apparemment que secondaire pour la Directive 2001/84, il est donc essentiel en droit interne. D'ailleurs, la faculté d'amender l'article L.122-8 précité pour y introduire la possibilité de dérogations conventionnelles a fait l'objet d'une décision de rejet par la commission mixte paritaire, alors qu'elle avait un temps été envisagée dans le cadre des travaux parlementaires.

Pour la cour d'appel de Versailles, la distinction "personne redevable du droit de suite/personne supportant définitivement le coût du droit de suite" retenue par la Cour de justice n'a pas cours en droit français. Le règlement du droit de suite est donc à la charge du vendeur, à qui seul incombe la responsabilité de son paiement. Le caractère impératif de ce principe étant fondé sur un ordre public économique de direction (25), aucun aménagement conventionnel n'est envisageable. Pour cette raison, la clause des conditions générales Christie's visant à imputer la charge définitive du droit de suite à l'acheteur a été déclaré nulle et de nul effet comme contraire aux dispositions impératives du droit français. La cour d'appel de Versailles a par ailleurs retenu une solution en tous points identique dans le litige impliquant le Comité professionnel des galeries d'art (26).

La cour d'appel de Versailles, infirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris et aboutissant donc au même résultat que la cour d'appel de Paris, pourrait sembler être entrée en résistance à l'encontre de l'arrêt de la Cour de cassation. La possibilité de transférer conventionnellement la charge du droit de suite du vendeur vers l'acquéreur est en effet à nouveau fermement rejetée. Pourtant, il n'en est rien.

Les conseillers parisiens avaient en effet justifié la solution retenue au regard d'un objectif de suppression des distorsions de concurrence poursuivi par la Directive 2001/84 ; désavoués par l'arrêt de la Cour de justice du 26 février 2015 (qui rappelle que cet objectif n'est que relatif), ce raisonnement a été logiquement censuré par la Cour de cassation. A l'inverse, c'est en considération des seuls objectifs poursuivis par la loi française de transposition n° 2006-961 du 1er août 2006 que la cour d'appel de Versailles a refusé toute dérogation au principe posé à l'article L.122-8 du Code de la propriété intellectuelle. Les objectifs poursuivis par une Directive et son texte de transposition peuvent donc n'être pas partiellement identiques, notamment lorsque le législateur national décide d'aller plus loin que le texte communautaire.

Au demeurant, cette solution présente le mérite de pacifier le marché français de l'art en imposant à Christie's de revenir dans le rang. Elle pourrait, en revanche, fragiliser le marché de l'art français dans le cadre de la concurrence inter-étatique, dans la mesure où la Cour de justice a confirmé la validité de législations plus "souples" prévoyant un mécanisme de transmission conventionnelle de la charge du droit de suite du vendeur vers l'acquéreur.


(1) TGI Paris, 3ème ch., 27 octobre 2011, n° 10/00943 (N° Lexbase : A9764HYB), confirmé par CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 3 juillet 2013, n° 11/20697 (N° Lexbase : A0242MUI) ; censure de l'arrêt d'appel par Cass. civ. 1, 18 juin 2014, n° 13-21.145, F-D (N° Lexbase : A5965MRD) ; et CA Versailles, 24 mars 2017, n° 16/00137 (N° Lexbase : A6187UIY), statuant sur renvoi.
(2) Considérant 4 de la Directive.
(3) Considérants 9, 10 et 15 de la Directive.
(4) Ce même principe est également rappelé à l'article R.122-9 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L5314ICS), issu du décret n° 2007-756 du 9 mai 2007 (N° Lexbase : L4652HXL).
(5) Article 1 § 4 et Considérant 25 de la Directive.
(6) Réunissant 400 antiquaires et galeries de tableaux de maîtres anciens et modernes.
(7) CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 12 décembre 2012, n° 11/11606 (N° Lexbase : A7913IYQ) : "C'est la vitalité de l'offre qui fait la renommée des places de vente et non les acheteurs qui peuvent passer des ordres par téléphone".
(8) "Pour tout lot assujetti au droit de suite, et désigné par le symbole lambda au sein du présent catalogue, Christie's percevra de la part de l'acheteur, pour le compte et au nom du vendeur, une somme équivalente au montant du droit de suite exigible, aux taux applicables, à la date de la vente".
(9) En ce sens, Cass. com., 28 septembre 2010, n° 09-69.272, F-D (N° Lexbase : A7696GAB) ; Cass. com., 12 février 2013, n° 12-13.808, F-D (N° Lexbase : A0632I8W) ; Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-25.443, F-D (N° Lexbase : A9952MCL).
(10) TGI Paris, 3ème ch., 20 mai 2011, n° 09/10883 (N° Lexbase : A9009HSH) ; les condamnations du SNA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG) n'ont pas été assorties de l'exécution provisoire.
(11) Dans l'affaire parallèle ayant donné lieu à un jugement du 27 octobre 2011 (n° 10/00943, préc.), le TGI de Paris ajoute les cocontractants de Christie's à la liste des personnes recevables à solliciter la nullité (relative) de la clause en débat.
(12) CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 12 décembre 2012, n° 11/11606, préc..
(13) Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 13-12.675, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9862KZB).
(14) CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 3 juillet 2013, n° 11/20697 (N° Lexbase : A0242MUI) ; la composition du Pôle 5, 4ème Chambre était toutefois partiellement distincte.
(15) Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 13-12.675, préc..
(16) Ce qui a été rappelé sur renvoi après cassation par la cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 24 mars 2017.
(17) CJUE, 26 février 2015, aff. C-41/14 (N° Lexbase : A2330NCB).
(18) Article 1er § 4, lu à la lumière du considérant 25 de la Directive.
(19) Eu égard au fait que c'est le vendeur qui obtient normalement le prix d'achat à l'issue de la transaction et qui lui est donc plus aisé de procéder à la redistribution de la redevance
(20) Points n° 27 à 31 ; en ce sens, avis de la Commission européenne du 22 décembre 2008.
(21) Considérant 28 : "si celle-ci vise, notamment, à mettre fin aux distorsions de concurrence sur le marché de l'art, cet objectif est néanmoins enfermé dans des limites précisées aux considérants 13 et 15 de cette Directive".
(22) Considérants 30 et 31.
(23) Cass. civ. 1, 3 juin 2015, n° 13-12.675, FS-P+B (N° Lexbase : A2098NKW).
(24) CA Versailles, 24 mars 2017, n° 15/07800.
(25) Le caractère d'ordre public de cette disposition avait été écarté par le tribunal de grande instance de Paris dans un jugement du 27 octobre 2011, précité.
(26) CA Versailles, 24 mars 2017, n° 16/00137, préc. note 1.

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