La lettre juridique n°692 du 23 mars 2017

La lettre juridique - Édition n°692

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Jusqu'à quand un avocat nommé magistrat par décret garde-t-il sa qualité d'avocat ?

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-10.525, F-P+B (N° Lexbase : A2641UCS)

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N7319BWY

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 29 Mars 2017

L'entrée en fonction de tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, étant subordonnée à sa prestation de serment, et l'incompatibilité édictée par l'article 115 du décret n° 91-1197 (N° Lexbase : L8168AID) n'interdisant seulement, sous les réserves qu'il vise, l'exercice simultané de la profession d'avocat et de toute autre profession, un avocat nommé magistrat par décret garde sa qualité d'avocat tant qu'il n'a pas prêté serment. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mars 2017 (Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-10.525, F-P+B N° Lexbase : A2641UCS). Dans cette affaire, Me B., avocate inscrite au tableau de l'Ordre des avocats au barreau de la Guadeloupe, a bénéficié d'une intégration directe dans le corps judiciaire et a été nommée magistrat par décret du Président de la République du 25 mars 2014, publié le 27 mars ; elle a poursuivi l'exercice de la profession d'avocat jusqu'au 31 août 2014, date de son omission du tableau et veille de sa prestation du serment de magistrat. Or, le 12 juin 2014, elle avait interjeté appel d'un jugement rendu par un juge de l'exécution, dans un litige opposant la société A. à deux autres sociétés. Pour déclarer son recours irrecevable, la cour d'appel retient qu'à compter de sa nomination comme magistrat, Mme B. avait perdu la qualité d'avocat, même si elle n'avait pas encore été omise du tableau et n'avait pas prêté le serment de magistrat, qui conditionne la prise de fonction mais pas l'application du statut (CA Basse-Terre, 23 novembre 2015, n° 15/00713 N° Lexbase : A5930NXW). L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa des articles 1er, I, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) et 115 du décret n° 91-1197, ensemble les articles 6 et 7 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature (N° Lexbase : L5336AGQ) (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8309ETW).

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Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Conséquences de l'irrecevabilité de l'appel du procureur général contre une décision disciplinaire

Réf. : Cass. civ. 1, 8 février 2017, n° 16-19.855, F-D (N° Lexbase : A1968TCU)

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N7197BWH

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris, cabinet SEFJ, Chargé d'enseignement à l'Université Paris V, Responsable des commissions nationales de l'ACE (Association des Avocats Conseils d'Entreprises)

Le 23 Mars 2017

Par une décision du 8 février 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation retient que la décision de relaxe d'un avocat prononcée par le conseil de discipline, devenant irrévocable du fait de la cassation pour irrecevabilité de l'appel du procureur général, en raison de l'écoulement du délai de recours à la suite de la notification de la décision du conseil de discipline, il ne reste plus rien à juger. La procédure disciplinaire que connait la profession d'avocat aura eu ces derniers temps l'occasion de mettre en exergue ses spécificités en matière de voies de recours.

Très récemment, par deux arrêts rendus par la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 8 septembre 2016, deux arrêts, n° 16/09339 N° Lexbase : A7590RZ7 et n° 16/08663 N° Lexbase : A7514RZC), les tierces oppositions formées à l'encontre d'une décision disciplinaire furent jugées irrecevables pour défaut d'intérêt à agir du mandataire judiciaire, avec comme conséquence logique, l'irrecevabilité de la demande de suspension de l'exécution de la décision attaquée.

Le 8 février 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation vient de réitérer sa position stricte d'application des conditions de l'appel formé à l'encontre d'une décision disciplinaire : le non-respect par le procureur général des conditions posées à l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), rend son appel irrecevable, peu importe qu'il fût par la suite correctement régularisé dans le délai, la clôture des débats ayant été prononcée avant.

Il s'agit d'un arrêt de cassation venant censurer l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble qui avait jugé recevable l'appel du procureur général formé, dans un premier temps, par déclaration au greffier en chef de la cour d'appel à l'encontre une décision de relaxe ayant bénéficié à un avocat qui avait comparu devant le conseil de discipline de son Ordre. Le procureur général avait par la suite, dans le délai d'un mois, régularisé et confirmé son recours en remettant une lettre contre récépissé au greffier en chef de la cour d'appel. Hélàs, à cette date, l'affaire avait été mise en délibéré, de sorte que les débats étaient clôturés. La cassation était imparable.

La décision de cassation vise expressément l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, ainsi que les articles 126 (N° Lexbase : L1423H4H) et 445 (N° Lexbase : L1119INR) du Code de procédure civile.

L'appel formé à l'encontre d'une décision disciplinaire répond à un régime strict, que la jurisprudence rend inflexible (I). La portée de cette solution doit cependant être examinée au regard des spécificités de la cause (II).

I - Un principe inflexible

A - Rappel des règles

L'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat dispose en son premier alinéa que le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef.

Il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. Le délai de recours est d'un mois et suspend l'exécution de la décision du conseil de l'Ordre (décret n° 91-1197, art. 16, al. 2 et 6).

En l'espèce, la décision de relaxe attaquée datait du 11 mai 2016, le procureur général s'était contenté, dans un premier temps et dès le 11 mai 2016, de former appel par déclaration au greffier en chef de la cour, puis le 10 juin 2016, dans un second temps et donc avant l'expiration du délai d'un mois, confirmé son appel en remettant au greffier en chef une lettre contre récépissé, respectant ainsi la lettre de l'alinéa 1 de l'article 16.

La première chambre civile de la Cour de cassation a déjà affirmé à plusieurs reprises son intention de voir strictement appliquées les dispositions de l'article 16 précité. Ainsi, le 18 février 2015 elle décidait que le recours effectué par déclaration orale reçue par un greffier n'est pas recevable (1).

Le 29 juin 2016, la première chambre civile allait au-delà : une requête enregistrée au greffe de la cour d'appel n'est également pas recevable, quand bien même la requête serait revêtue du cachet du greffe précisant la date du dépôt et équivalant à un récépissé (2). Les juridictions de fond verront ainsi leur indulgence mise au ban.

"Dura lex, sed lex - la loi est dure, mais c'est la loi" rappelait à propos de cette affaire M. Aziber Seïd Algadi, dans son article du 1er septembre 2016 (3).

La règle est précise et jugée comme impérative, bien que le texte ne le précise pas. Il s'agit cependant d'une règle processuelle, ce qui en expliquerait la nature impérative quoique la sanction, en cas de non-respect, ne soit pas expressément prévue.

B - La sanction en cas de non-respect

La première chambre civile rappelle le principe du caractère irrecevable de l'appel formé au mépris d'une condition posée à l'article 16 du décret du 27 novembre 1991.

Il s'agit donc du régime des fins de non-recevoir, non limitativement énumérées à l'article 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47). L'irrecevabilité est la sanction d'un cas de fin de non-recevoir.

Cette sanction ne s'applique, par conséquent, qu'aux seules fins de non-recevoir, c'est-à-dire à celles énumérées à l'article 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47) : défaut de qualité, d'intérêt à agir, la prescription, le délai préfix, la chose jugée".

Cette liste n'a pas un caractère limitatif : d'autres textes prévoient des cas d'irrecevabilité.

La Cour de cassation est venue compliquer le choix de la qualification en estimant, dans un arrêt rendu le 28 octobre 1997 (4) que la fin de non-recevoir peut résulter indirectement d'un texte.

Comment alors les reconnaître ?

Si le terme "fin de non-recevoir" n'est pas expressément prévu par le texte considéré, ce qui est le cas de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, l'indice de reconnaissance peut résulter de la qualification de la sanction y édictée : les mentions d'irrecevabilité, de forclusion, de prescription répondent à une fin de non-recevoir.  

En l'espèce, le texte de l'article 16 n'en dit pas plus. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le défaut de saisine régulière d'un tribunal ne constitue pas un vice de forme mais une fin de non-recevoir et celui qui l'invoque n'a pas à justifier d'un grief (5).

La Cour n'ayant pas été régulièrement saisie, par analogie, il est alors permis de penser que la règle des nullités de forme ne s'applique pas.

C'est effectivement le principe qu'avait rappelé la première chambre civile dans son arrêt du 29 juin 2016 (Cass. civ. 1, 29 juin 2016, n° 15-19.589, F-P+B N° Lexbase : A2075RWR) en cas de saisine de la cour au mépris des règles de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991.

La cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion avait déjà jugé en ce sens le 6 mars 2015 (6).

Le régime des fins de non-recevoir est moins contraignant que celui applicable, en principe, aux exceptions de procédure : on peut soulever une fin de non-recevoir à tout moment de la procédure (sauf intention dilatoire sanctionnée par des dommages-intérêts), et sans avoir à justifier d'un grief. On peut régulariser jusqu'à ce que le juge statue.

La Cour de cassation, dans l'affaire commentée, rappelle indirectement ce principe en visant l'article 126 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1423H4H), en vertu duquel, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Dans cette affaire cependant, la Cour de cassation ne permettra pas la régularisation formée dans le délai d'appel car le jour de la régularisation effectuée par le procureur général, la clôture des débats avait été prononcée.

II - Portée et spécificités

A - Champ d'application

Ce champ n'est pas restreint aux seules décisions disciplinaires. Il n'est, par ailleurs, pas assimilable en tous points à la procédure contentieuse sans représentation obligatoire.

L'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ne vise pas que les seules décisions du conseil de discipline. Cet article prescrit le formalisme à respecter en cas de recours à l'encontre d'une délibération ou une décision du conseil de l'Ordre.

La jurisprudence issue de l'arrêt commenté s'applique au-delà des seules décisions disciplinaires.

Dans son arrêt précité du 29 juin 2016, la première chambre civile rappelait ainsi le principe en cas de recours à l'encontre d'une décision de rejet d'une demande d'inscription au tableau ou d'une ouverture d'un cabinet secondaire (N° Lexbase : A2075RWR). Sont donc concernées les décisions disciplinaires mais également celles relatives à l'inscription, au refus d'inscription au tableau, à l'omission du tableau, à l'inscription d'une mention de spécialisation ou au refus d'une telle inscription, au contrat de collaboration libérale ou de travail des avocats.

L'article 13 du décret du 27 novembre 1991 en fait référence au titre du délai de leur notification au procureur général et à l'avocat concerné : 15 jours à compter de leur date, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Bien que le texte de l'article 16 prescrive que le recours est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire, force est de constater que le régime propre à cette procédure n'est pas intégralement appliqué.

Selon cette procédure, la saisine de la cour peut être effectuée par déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour (C. pr. civ., art. 932 N° Lexbase : L1007H43).

Le pli simple a été accepté et jugé recevable dès lors que la cour a pu constater que la déclaration a été enregistrée avant l'expiration du délai d'appel (7).

Il était donc tentant, comme la cour d'appel de Grenoble le fit, de juger recevable l'appel formé par le procureur général dans la présente affaire, d'autant qu'il avait remis au greffe de la cour une copie de la décision attaquée, conformément aux dispositions de l'article 933 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1012H4A).

Une telle solution est pourtant cassée car le formalisme de l'article 16, impérieux, est distinct.

B - L'irrévocabilité de la décision attaquée suit l'irrecevabilité du recours

La conséquence de l'irrecevabilité du recours est rude : la décision devient irrévocable car le délai a couru et a expiré depuis sa notification, notamment depuis la cassation de la décision qui rendait initialement recevable le recours.

L'article 126 permettait cependant au procureur général de régulariser la recevabilité de son recours dans le délai de procédure d'un mois imparti.

C'est bien ce qu'il fit puisque qu'il remit au greffier en chef le 10 juin 2016 une lettre contre récépissé, conformément à la lettre de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991.

La jurisprudence a rappelé de nombreuses fois que la régularisation est possible dès lors qu'elle a bien été effectuée dans le délai d'appel.

Dans le cadre de la procédure sans représentation obligatoire, il n'y a pas de réelle mise en état, le greffier convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats. C'est lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée que son instruction peut être confiée à un des membres de la chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire (C. pr. civ., art. 937 N° Lexbase : L1431I8I et s.). Or, après la clôture des débats, les parties ne peuvent plus déposer aucune note à l'appui de leurs observations.

En pareil cas, l'affaire est mise en délibéré, de sorte que la régularisation d'un recours contre la décision attaquée, objet des débats devant la cour d'appel, ne peut plus être effectuée, les débats ayant été clôturés sur la base d'une autre saisine : en l'espèce, celle initialement effectuée par le procureur général, non conforme aux exigences de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991.

Une jonction n'était donc pas possible puisqu'il n'y avait plus de débats et que l'affaire était mise en délibéré. Une autorisation de produire une note en délibéré eût elle été demandée par le procureur général, son second appel n'aurait, à notre sens, pas d'avantage permis de régulariser sa procédure car il ne serait pas agi de déférer à une demande précise de la juridiction saisie ni de répondre à la partie adverse au sens où la jurisprudence admet la recevabilité des notes en délibéré.

La portée de l'arrêt commenté est donc drastique de par le caractère irrévocable de la décision attaquée qui s'en évince mais uniquement parce que les débats étaient clôturés au moment de la régularisation du second recours.

Il n'y aurait pas eu de clôture, le respect du délai d'un mois aurait permis au procureur général de joindre son premier appel avec le second, ce qui aurait régularisé toute sa procédure d'appel.


(1) Cass.civ. 1, 18 février 2015, n°14-50.040, FS-P+B (N° Lexbase : A0152NCM).
(2) Cass.civ. 1, 29 juin 2016, n°15-19.589, F-P+B (N° Lexbase : A2075RWR).
(3) A. S. Algadi, Du formalisme en matière de recours devant la cour d'appel contre une décision du conseil de l'Ordre, Lexbase éd. priv., n° 222, 2016 (N° Lexbase : N4016BWN).
(4) Cass. civ. 1, 28 octobre 1997, n°  95-19.538, F-D (N° Lexbase : A4286UCQ), Bull. civ. I, n° 293.
(5) Cass. civ. 2, 6 janvier 2011, n° 09-72.506, F-P+B (N° Lexbase : A7508GNE), Bull. civ. II, n° 5.
(6) CA Saint-Denis de la Réunion, 6 mars 2015, n°14/02283 (N° Lexbase : A7344NDD).
(7) Cass. civ. 1, 2 novembre 1994, n° 93-05.085, Bull. civ. I, n° 315 (N° Lexbase : A7485ABT).
(8) Cf., notamment, Cass. com., 3 novembre 2015, n° 14-16.750, F-D (N° Lexbase : A0291NWP), Gaz. Pal., 19 janvier 2016, p. 58.

newsid:457197

Contrôle fiscal

[Brèves] Droit de visite et de saisie : pas d'obligation pour l'agent de l'administration fiscale signataire de la requête de se présenter en personne devant le JLD

Réf. : Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-23.507, F-D (N° Lexbase : A2833UCW)

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N7241BW4

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par Jules Bellaiche

Le 30 Mars 2017

Dans le cadre du droit de visite et de saisie, l'agent de l'administration fiscale signataire de la requête n'est pas tenu de se présenter en personne devant le juge des libertés et de la détention. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mars 2017 (Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-23.507, F-D N° Lexbase : A2833UCW). En l'espèce, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a, sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L3180LCR), autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à une visite et des saisies dans des locaux et dépendances sis à Paris, susceptibles d'être occupés par plusieurs sociétés ainsi que des personnes physiques, afin de rechercher la preuve de la fraude commise par une des sociétés au titre de l'impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par ailleurs, l'administration fiscale a présenté dans le même temps une demande d'autorisation de visite et de saisie devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Douai. Les requérants soutiennent que dans des conclusions demeurées sans réponse, ils faisaient valoir qu'il existait un doute sur la personne ayant présenté la requête, dès lors que le même fonctionnaire avait, au même moment, présenté une autre requête identique au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Douai et qu'en omettant de répondre à ce moyen, le premier président a violé l'article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B). Cependant, pour la Haute juridiction, contrairement à ce que postule le moyen, aucune disposition de l'article L. 16 B ne prévoit que l'agent de l'administration fiscale signataire de la requête est tenu de se présenter en personne devant le juge des libertés et de la détention. Dès lors, le premier président n'était pas tenu de répondre à des conclusions inopérantes .

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Discrimination et harcèlement

[Jurisprudence] Laïcité dans l'entreprise : mieux vaut prévenir que sévir !

Réf. : CJUE, 14 mars 2017, deux arrêts, aff. C-188/15 (N° Lexbase : A4790M9B) et aff. C-157/15 (N° Lexbase : A4829T3A)

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N7218BWA

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 23 Mars 2017

Les arrêts étaient attendus. Par deux décisions rendues le 14 mars 2017 dans deux affaires différentes mais complémentaires, la Cour de justice de l'Union européenne a pris position sur la possibilité reconnue à l'entreprise d'imposer collectivement un principe de neutralité, dès lors que cette mesure est justifiée par la volonté de ne pas imposer les convictions personnelles des salariés aux clients de l'entreprise, limitée aux salariés dans leurs relations avec la clientèle, et qu'en l'absence de telles prévisions, l'employeur ne puisse valablement reprocher à une salariée le port d'un foulard islamique sous prétexte que les clients de l'entreprise en avaient exprimé le désir (I). Ces deux décisions ne devraient certainement pas avoir d'impact majeur sur le droit français et confirment la nécessité d'anticiper ces difficultés (II).
Résumés

- aff. C-188/15 : La volonté d'un employeur de tenir compte des souhaits d'un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante de nature à justifier le licenciement d'une salarié au motif que celle-ci refusait de retirer son foulard islamique lorsqu'elle était en mission auprès des clients de cette entreprise.

- aff. C-157/15 : L'interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d'une règle interne d'une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions. En revanche, une telle règle interne d'une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte s'il est établi que l'obligation, en apparence neutre, qu'elle prévoit, entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l'employeur, dans ses relations avec ses clients, d'une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

I - Les apports de la jurisprudence de la CJUE sur le port du voile islamique dans l'entreprise

A - Le voile islamique et l'obligation de neutralité dans le règlement intérieur

Les particularités de l'affaire belge. L'entreprise en cause était dotée d'une règle collective en vigueur au moment du recrutement de la salariée imposant une obligation de neutralité au personnel. Il ne s'agissait pas, au moment où naît le différend avec la salariée, d'un règlement intérieur au sens strict du terme, mais d'une "règle non écrite [...] en vertu de laquelle les travailleurs ne pouvaient pas porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses". La salariée avait, après son recrutement, informé son employeur de son intention de porter le foulard islamique, ce dernier lui indiquant qu'aucune dérogation à la règle commune de neutralité ne serait tolérée. Quelques jours après son retour (voilée) dans l'entreprise, à l'issue d'un arrêt maladie, le règlement intérieur de l'entreprise fut formellement révisé pour intégrer explicitement cette obligation de neutralité (1). Près d'un mois plus tard, et après de nombreuses tentatives de le lui faire enlever, la salariée avait été licenciée, et c'est à l'occasion du différend opposant les parties en justice que la Cour de cassation belge allait formuler la question préjudicielle suivante : "l'article 2, paragraphe 2, sous a), de la Directive 2000/78 (N° Lexbase : L3822AU4) doit-il être interprété en ce sens que l'interdiction de porter un foulard en tant que musulmane sur le lieu de travail ne constitue pas une discrimination directe lorsque la règle en vigueur chez l'employeur interdit à tous les travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes extérieurs de convictions politiques, philosophiques ou religieuses ?".

La neutralité religieuse de la clause de neutralité des expressions personnelles. En premier lieu, la CJUE considère qu'en visant plusieurs modalités d'expression des convictions personnelles des salariés (politiques, philosophiques ou religieuses) l'entreprise n'avait pas établi de discrimination religieuse directe mais imposé une règle plus large de neutralité des expressions personnelles dans l'entreprise (2).

Mais, désireuse d'aider le juge belge dans l'analyse complète de la situation, la CJUE a décidé de se prononcer sur l'existence d'une possible discrimination indirecte, au-delà donc du constat de la neutralité apparente de la règle posée au sein de l'entreprise, dès lors que "l'obligation en apparence neutre qu'elle contient aboutit, en fait, à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données" (§ 30). Restera donc à déterminer si, dans cette affaire, la différence de traitement pouvant résulter de cette clause de neutralité, plus particulièrement pour les salariés exprimant, par le port du voile, leurs convictions religieuses, "était objectivement justifiée par un objectif légitime et si les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires" (§ 35).

Détermination de la légitimité de la recherche d'une neutralité d'expression des convictions personnelles. La CJUE affirme très clairement, ici, la justification de la clause de neutralité considérée comme un prolongement naturel de la liberté d'entreprendre, singulièrement lorsqu'elle vise les relations avec la clientèle (§ 37).

Détermination de la proportionnalité de l'exigence de neutralité. La proportionnalité de cette mesure est assurée par le fait que l'obligation de neutralité ne concerne que les salariés lorsqu'ils sont en contact avec la clientèle, ce qui semble condamner les clauses étendant cette réglementation aux relations purement internes à l'entreprise (§ 38 et 42).

Détermination du caractère approprié de la règle d'entreprise. Cette exigence relevait ici de l'évidence dans la mesure où le moyen (la clause de neutralité) servait évidemment la fin (la neutralité de l'image que les salariés donnent de l'entreprise dans leurs rapports avec les tiers) (§ 40). On observera d'ailleurs que la CJUE n'impose pas que cette politique d'entreprise se matérialise nécessairement par une clause du règlement intérieur. On rappellera que, dans cette affaire, le règlement intérieur avait été modifié alors que le différend avec la salariée avait commencé, et qu'au moment où celle-ci avait été recrutée la neutralité s'imposait comme simple "usage" en vertu d'une règle connue de tous, mais non écrite (3).

Détermination du caractère proportionné de la sanction. La CJUE indique également que, pour que la sanction du non-respect de l'obligation de neutralité soit valable, le juge belge devra établir que l'employeur n'avait pas pu proposer d'autre poste à la salariée, compte tenu de sa qualification et des postes disponibles, qui lui auraient permis de ne pas être en contact avec la clientèle et donc de conserver son foulard (§ 43) (4).

B - Le voile islamique et les désirs de la clientèle

Rappel de la question préjudicielle. Il s'agissait ici de l'affaire française, c'est-à-dire de la question posée par la Cour de cassation le 9 avril 2015, visant à faire préciser les conditions dans lesquelles l'employeur pourrait se fonder sur les désirs de la clientèle de voir une salariée ne pas porter le voile islamique pour la licencier ; plus exactement, la question visait à déterminer "si les dispositions de l'article 4 § 1 de la Directive 78/2000/CE doivent être interprétées en ce sens que constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, le souhait d'un client d'une société de conseils informatiques de ne plus voir les prestations de service informatiques de cette société assurées par une salariée, ingénieur d'études, portant un foulard islamique" (5).

Une réponse évidente. La CJUE n'avait jamais eu, jusque-là, à répondre à ce genre de questions ; elle avait déjà été confrontée à des comportements ouvertement discriminatoires mais qui ne faisaient pas le détour par l'intérêt de l'entreprise où les lois du marché, comme le fait pour un employeur de déclarer publiquement qu'il ne recrutera pas de salariés ayant une certaine origine ethnique ou raciale et constituant de ce fait une discrimination directe à l'embauche (6).

La CJUE apporte ici une réponse clairement négative à la justification de la mesure et conclut à l'existence d'une discrimination directe : "l'article 4 § 1, de la Directive 2000/78, doit être interprété en ce sens que la volonté d'un employeur de tenir compte des souhaits d'un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de cette disposition" (§ 41).

La réponse est lapidaire et conforme aux conclusions de l'avocat général, mais si cette dernière n'avait pas écarté la qualification "d'exigence essentielle et déterminante" et considéré, au contraire, que le licenciement avait été prononcé en considération de la religion de la salariée, cela constituait bien une "'caractéristique liée' à la religion ou aux convictions" (§ 93). La lecture de la lettre de licenciement, qui fixe le cadre du litige, semblait lui donner raison et montrait que dans l'esprit de l'employeur, le motif du licenciement était bien le refus de la salariée d'ôter son voile, et que l'exigence en cause était la neutralité vestimentaire attendue d'elle, le désir de la clientèle justifiant la demande de retirer le voile, et non le licenciement en lui-même. L'avocat général avait, toutefois, considéré que des considérations liées à l'intérêt de l'entreprise (éviter un préjudice financier par exemple) n'étaient pas susceptibles de justifier l'atteinte réalisée à la liberté religieuse d'un salarié (§ 100), ce qui revenait finalement au même puisqu'elle concluait à l'existence d'une discrimination directe.

La Cour ne l'a donc pas suivi sur l'analyse du motif du licenciement et considéré que cette mesure était bien fondée sur la volonté de suivre les désirs de la clientèle, ce qui suffisait à écarter toute idée d'une "exigence professionnelle essentielle et déterminante" susceptible de justifier une différence de traitement, directe comme indirecte, entre salariés placés dans la même situation. Reprenant les exemples issus de sa propre jurisprudence, la CJUE a, en effet, rappelé qu'une telle exigence ne peut concerner qu'une caractéristique objective relative au salarié en cause, comme son âge ou sa force physique (7), et non un élément subjectif extérieur à sa personne, comme les préférences des clients de l'entreprise (8), ce qui suffit, ici, à écarter toute idée d'une justification à la prise en compte du port du voile islamique dans le licenciement (9). Comment ne pas être d'accord avec une telle conclusion ? Le racisme n'est pas plus acceptable lorsqu'il est le fait des clients d'une entreprise que lorsqu'il émane directement de l'employeur, sauf à placer la logique commerciale au-dessus de toute valeur morale et à nier ainsi la portée du principe de non-discrimination, ce que personne ne peut sérieusement soutenir (10).

Une portée moins évidente. La lecture des conclusions de l'avocat général, ainsi que de la décision montre, en réalité, la relativité de la réponse au regard des termes de la question posée, et des faits de l'espèce.

En premier lieu, et cela a été souligné par l'avocat général (§ 83), la rédaction de la lettre de licenciement ne faisait pas apparaître très clairement le motif exact de la mesure, singulièrement la "teneur de l'interdiction qui s'appliquait" à la salariée et qui justifiait la sanction, ni le domaine (et donc la proportionnalité de l'atteinte) de cette interdiction qui lui avait été faite de porter le foulard (dans l'entreprise ou uniquement chez les clients). Voilà pourquoi, sans doute, la question du motif du licenciement avait dérivé du refus d'ôter le voile dans les rapports avec la clientèle, à celui des désirs du client.

La Cour relève également qu'il convient de raisonner différemment selon que l'entreprise s'était dotée ou non d'un règlement intérieur interdisant le port de signes faisant état de préférences personnelles du salarié, car dans cette hypothèse la neutralité de la restriction situerait nécessairement le débat en termes de discrimination indirecte (§ 32).

Les entreprises seront donc incitées à se doter de règlements intérieurs répondant à ces exigences, ce qui sera certainement le cas des entreprises françaises dans l'avenir, si cela n'a pas déjà été fait au regard des évolutions jurisprudentielles ou légales de ces dernières années.

II - L'impact marginal de ces solutions sur la situation en France

Jurisprudence "Baby Loup". La France a été marquée très fortement par l'affaire de la crèche "Baby Loup", dont il est ressorti que le règlement intérieur d'une entreprise peut valablement comporter une clause de neutralité religieuse au regard des conditions concrètes de son activité (notamment de sa dimension), de la nature de son activité et du caractère proportionné de la restriction (11).

Loi "Travail". Pour renforcer la validité de ce type de clause, le Parlement a adopté, lors des débats sur la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), dite loi "Travail", une modification des règles légales relatives au règlement intérieur, destinée à forcer les juges à admettre le principe même de cette validité, en le confrontant aux principes de nécessité et de proportionnalité des atteintes aux libertés (12). L'article L. 1321-2-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6642K9U) dispose, désormais, que "le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché".

Apports des solutions. L'examen de ces deux solutions montre à quel point les entreprises qui souhaitent restreindre l'expression, notamment vestimentaire, des "opinions personnelles" des salariés (qu'elles soient politiques, philosophiques ou religieuses) doivent prévoir des normes collectives définies avec suffisamment de précision.

Comme le démontre l'arrêt concernant la salariée belge, ces règles, qui peuvent être fixées dans le règlement intérieur, peuvent également résulter d'autres sources collectives, dès lors que les attentes de l'entreprise sont connues des salariés. Voilà donc que la pratique controversée du groupe Paprec de se doter, dans le cadre d'un référendum, d'une charte de la laïcité et de la diversité (13), pourrait bien être validée, non pas en ce que ce texte, qui n'a pas le statut de règlement intérieur, puisse directement fonder un licenciement disciplinaire, mais dans le cadre d'une confrontation directe entre la demande présentée par l'employeur au salarié de renoncer au port d'un vêtement manifestant des convictions personnelles, et le respect des droits fondamentaux de l'intéressé.

Reste que si l'outil (un document adopté unilatéralement et soumis à référendum) ne nous semble pas adapté, la recherche d'un consensus sur ces questions sensibles au sein de l'entreprise est bienvenue, et le recours au règlement intérieur, acte adopté unilatéralement par l'employeur, pas nécessairement idéal, précisément en raison de l'absence de négociation collective sur les termes des interdictions.

On ne saurait, dès lors, qu'encourager les entreprises à privilégier la voie de la négociation collective pour se doter d'un véritable accord d'entreprise sur le sujet ; cette négociation pourrait d'ailleurs intégrer le bloc "égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et qualité de vie au travail" de l'article L. 2242-8 du Code du travail (N° Lexbase : L7306K9H) au titre de la négociation annuelle obligatoire relative à la qualité de vie au travail.

Le message adressé aux juges est également clair. L'employeur ne peut pas se cacher derrière les préférences de la clientèle pour justifier le licenciement d'une salariée qui refuse de retirer son voile. Cette mesure ne peut qu'être fondée sur la prise en compte d'une caractéristique propre au salarié (par exemple, le non-respect de l'obligation de neutralité qui s'impose dans l'entreprise) dès lors que la qualité attendue est indispensable à la préservation des intérêts de l'entreprise vis-à-vis de ses clients, compte tenu notamment de la nature de son activité, et que cette obligation se trouve strictement limitée aux relations avec les tiers.


(1) En ces termes : "Il est interdit aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d'accomplir tout rite qui en découle".
(2) "En l'occurrence, la règle interne en cause au principal se réfère au port de signes visibles de convictions politiques, philosophiques ou religieuses et vise donc indifféremment toute manifestation de telles convictions. Ladite règle doit, dès lors, être considérée comme traitant de manière identique tous les travailleurs de l'entreprise, en leur imposant, de manière générale et indifférenciée, notamment une neutralité vestimentaire s'opposant au port de tels signes".
(3) Il n'est pas certain que cette solution puisse être transposée en droit français dans la mesure où, classiquement, l'usage peut être source de droits pour les salariés, mais non d'obligations, contrairement au règlement intérieur dont c'est précisément l'objet et qui est soumis au contrôle de légalité de l'autorité administrative, ainsi que du juge.
(4) Le CJUE consacre ainsi, sur le fondement de l'exigence de proportionnalité, un droit au reclassement du salarié.
(5) Cass. soc., 9 avril 2015, n° 13-19.855, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3737NGI) et les obs. de Ch. Willmann, Lexbase, éd. soc., n° 610, 2015 (N° Lexbase : N7102BUL) ; JCP éd. S, 2015, p. 1224, note B. Bossu et 1225, rapport. B. Aldigé.
(6) CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-54/07 (N° Lexbase : A5470D9H).
(7) Le considérant 23 de la Directive 2000/78 du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4) fournit ici des illustrations plus détaillées en visant "une caractéristique liée à la religion ou aux convictions, à un handicap, à l'âge ou à l'orientation sexuelle" du salarié, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée.
(8) CJUE, 12 janvier 2010, aff. C-229/08 (N° Lexbase : A2385EQE), point 35 ; CJUE, 13 septembre 2011, aff. C-447/09 (N° Lexbase : A7249HXR), point 66 ; CJUE, 13 novembre 2014, aff. C-416/13, point 36 (N° Lexbase : A0046M34) ; CJUE, 15 novembre 2016, aff. C-258/15, (N° Lexbase : A9901SGS), point 33.
(9) N° 40.
(10) Quitte à en subir les conséquences sur le plan économique, ce qui n'est pas sans faire difficulté pour l'entreprise, J.-G. Huglo, Le ressenti de la clientèle et la discrimination en raison des convictions religieuses, SSL, 2015, n° 1672, p. 6.
(11) Ass. plén., 25 juin 2014, 13-28.369, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7715MR8) et les obs. de Ch. Willmann, Lexbase, éd. soc., n° 577, 2014 (N° Lexbase : N2936BUB), et les réf. citées ; Dr. soc., 2014, p. 811, obs. J. Mouly ; JCP éd. S, 2014, 1287, note B. Bossu ; JCP, 2014, p. 903, note D. Corrignan-Carsin ; JCP éd. G, 2014, p. 902, note J.-Cl. Marin. Sur le premier pourvoi, Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8) et les obs. de B. Gauriau, Lexbase, éd. soc., n° 522, 2013 (N° Lexbase : N6484BTC).
(12) Lire le commentaire de Ch. Willmann, L'employeur peut-il restreindre l'expression des convictions religieuses ? Des réponses législatives et judiciaires, incertaines et partielles, Lexbase, éd. soc., n° 673, 2016 (N° Lexbase : N4825BWM).
(13) Notre commentaire, L'entreprise et les chartes de laïcité, D., 2014, p. 816, voir également la Charte de la laïcité et de la diversité.

Décisions

- CJUE, 14 mars 2017, aff. C-157/15 (N° Lexbase : A4829T3A)

Question préjudicielle : interprétation de l'article 2, paragraphe 2, sous a), de la Directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4).

Mots clef : licenciement ; discrimination ; voile islamique ; règlement intérieur.

Liens base : (N° Lexbase : E9166ESB) et (N° Lexbase : E2590ET4).

- CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15 (N° Lexbase : A4790M9B)

Question préjudicielle : interprétation de l'article 4, paragraphe 1, de la Directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail

Mots clef : licenciement ; discrimination ; voile islamique ; justification.

Liens base : (N° Lexbase : E9166ESB) et (N° Lexbase : E2590ET4).

newsid:457218

Droit pénal des affaires

[Brèves] Mise en place de l'Agence française anticorruption

Réf. : Décret n° 2017-329 du 14 mars 2017, relatif à l'Agence française anticorruption (N° Lexbase : L2581LDX) ; arrêté du 14 mars 2017, relatif à l'organisation de l'Agence française anticorruption (N° Lexbase : L2641LD8)

Lecture: 2 min

N7250BWG

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par Vincent Téchené

Le 29 Mars 2017

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi dite "Sapin II" N° Lexbase : L6482LBP), a créé l'Agence française anticorruption, service à compétence nationale chargé de la détection et de la prévention des atteintes à la probité, placé auprès du ministre de la Justice et du ministre des Finances. Cet organisme est chargée d'élaborer des recommandations relatives à la prévention et à l'aide à la détection de la corruption à destination des acteurs publics et économiques, ainsi qu'un plan national de prévention de la corruption, et fournir un appui aux administrations de l'Etat et aux collectivités territoriales en matière de prévention et d'aide à la détection de la corruption. Elle contrôle le respect, par les grandes entreprises, de l'obligation de vigilance dans le domaine de la lutte contre la corruption et le trafic d'influence et pourra sanctionner ces entreprises en cas de manquement à cette obligation. Elle exerce, par ailleurs, un contrôle de la mise en oeuvre des mesures de mise en conformité, ordonnées par la justice, dans le cadre de condamnations ou de transactions pénales, ou par des autorités étrangères aux sociétés dont le siège est situé sur le territoire français. Les textes fixant l'organisation de ce service ont été publiés au Journal officiel du 15 mars 2017. Un décret (décret n° 2017-329 du 14 mars 2017, relatif à l'Agence française anticorruption N° Lexbase : L2581LDX) précise, tout d'abord, les conditions d'application de certaines des missions de l'agence. Il fixe ensuite l'organisation générale de l'agence et précise ses conditions de fonctionnement avec la mise en place d'un conseil stratégique. Il expose également les conditions de fonctionnement de la commission des sanctions ainsi que les conditions de désignation et de récusation de ses membres. Il confère, en outre, à une partie des agents de l'agence une habilitation à effectuer des contrôles sur pièces et sur place. Il prévoit, enfin, les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts et les personnes ou autorités qualifiées auxquels l'agence a recours ainsi que les règles déontologiques qui leur sont applicables dans le cadre des missions de contrôle des opérateurs économiques et des autorités publiques et dans le cadre de l'exécution de la peine de mise en conformité. Le décret est complété par un arrêté (arrêté du 14 mars 2017, relatif à l'organisation de l'Agence française anticorruption N° Lexbase : L2641LD8). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 16 mars 2017.

newsid:457250

Électoral

[Brèves] Absence d'un candidat au premier débat télévisé de campagne : pas de déséquilibre incompatible avec le respect du principe d'équité

Réf. : CE référé, 16 mars 2017, n° 408730, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3294UCY)

Lecture: 1 min

N7264BWX

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par Yann Le Foll

Le 24 Mars 2017

Compte tenu, d'une part, de la représentativité du candidat et de sa contribution au débat électoral, et, d'autre part, de la proposition qui lui a été faite par la société TF1 d'un entretien d'une dizaine de minutes au cours du journal de 20 heures dans la semaine du 13 au 19 mars, l'absence d'un candidat au débat prévu le 20 mars 2017 n'est pas incompatible avec le respect du principe d'équité. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans une ordonnance rendue le 16 mars 2017 (CE référé, 16 mars 2017, n° 408730, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3294UCY). Sur le fondement de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (N° Lexbase : L8240AGB), et de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (N° Lexbase : L5341AGW), le CSA a établi des recommandations pour l'élection présidentielle de 2017, qui prévoient que le respect de l'équité de traitement entre les candidats doit être apprécié au titre de chacune des deux périodes suivantes : celle allant du 1er février 2017 à la veille de la publication au Journal officiel de la liste des candidats établie par le Conseil constitutionnel ; celle allant de la publication de cette liste à la veille de l'ouverture de la campagne électorale, où l'exigence d'équité est renforcée. Le débat se situant au début de la seconde période, le juge des référés du Conseil d'Etat estime que le fait que M. X n'y participe ne compromet pas à lui seul de manière irrémédiable le respect du principe d'équité dite renforcée au titre de cette période. Enonçant la solution précitée, le juge des référés estime que le CSA n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion.

newsid:457264

État d'urgence

[Brèves] Inconstitutionnalité du dispositif des assignations à résidence dans le cadre de l'état d'urgence

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 (N° Lexbase : A3171T8X)

Lecture: 2 min

N7205BWR

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par June Perot

Le 23 Mars 2017

Les dispositions de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l'état d'urgence (N° Lexbase : L6821KQP), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016, prorogeant l'application de l'état d'urgence (N° Lexbase : L8588LBP), en ce qu'elles prévoient que la décision de prolonger une assignation à résidence au-delà de douze mois est prise après autorisation du juge des référés du Conseil d'Etat, alors même que la contestation de cette décision est susceptible de relever du contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat, méconnaissent l'article 16 de la DDHC (N° Lexbase : L1363A9D) qui garantit notamment le droit à un recours juridictionnel effectif. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a procédé à une censure partielle des dispositions contestées. Ensuite, s'agissant des dispositions selon lesquelles, d'une part, la durée d'une mesure d'assignation à résidence ne peut en principe excéder douze mois et, d'autre part, au-delà de cette durée, une telle mesure ne peut être renouvelée que par période de trois mois, le Conseil a formulé une triple réserve d'interprétation pour admettre qu'une mesure d'assignation à résidence puisse ainsi être renouvelée au-delà de douze mois par périodes de trois mois sans qu'il soit porté une atteinte excessive à la liberté d'aller et de venir. D'une part, le comportement de la personne en cause doit constituer une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ; d'autre part, l'administration doit être en mesure de produire des éléments nouveaux ou complémentaires de nature à justifier la prolongation de la mesure d'assignation à résidence ; enfin, il doit être tenu compte, dans l'examen de la situation de la personne concernée, de la durée totale de son placement sous assignation à résidence, des conditions de cette mesure et des obligations complémentaires dont celle-ci a été assortie. Tel est le sens de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 16 mars 2017 (Cons. const., décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 N° Lexbase : A3171T8X). Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d'Etat le 20 janvier 2017 (CE référé, 16 janvier 2017, n° 406614 N° Lexbase : A7252S9H). Le Conseil constitutionnel, énonçant la solution susvisée, juge contraire à la Constitution le mécanisme d'autorisation des assignations par le Conseil d'Etat (cons. 12). Il accepte toutefois les assignations à résidence de plus de douze mois mais tout en fixant de strictes conditions (cons. 17). Concernant les assignations à résidence de longue durée, celles-ci demeurent sous le contrôle "classique" du juge administratif (cons. 18). Notons qu'à la suite de cette censure, le Conseil d'Etat a annoncé, dans un communiqué de presse, qu'il annulait les audiences relatives aux demandes d'autorisation de prolonger des assignations à résidence au-delà de douze mois.

newsid:457205

Fiscalité internationale

[Brèves] Imposition des plus-values réalisées par les personnes physiques n'étant pas fiscalement domiciliées en France : délai de réclamation applicable

Réf. : CE 3° ch., 17 mars 2017, n° 391668, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4291UCW)

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N7244BW9

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par Jules Bellaiche

Le 24 Mars 2017

Les réclamations relatives à l'imposition des plus-values réalisées par les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France doivent être présentées à l'administration dans le délai prévu par les dispositions du b) de la première partie de l'article R. 196-1 du LPF (N° Lexbase : L6486AEX), sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'imposition en cause soit qualifiée de "prélèvement" et que son versement ne soit pas effectué par le contribuable lui-même. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 17 mars 2017 (CE 3° ch., 17 mars 2017, n° 391668, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4291UCW). En l'espèce, les requérants, ressortissants américains fiscalement domiciliés aux Etats-Unis, ont cédé le 22 novembre 2008 un bien immobilier situé en France. La plus-value réalisée à cette occasion a été soumise au prélèvement au taux de 33,1/3 % prévu à l'article 244 bis A du CGI (N° Lexbase : L3828KWP) pour un montant total de 54 111 euros. Par une réclamation du 20 juillet 2010, ils ont demandé, sans succès, la restitution d'une somme de 28 138 euros correspondant à la différence existant entre ce taux de 33, 1/3 % et le taux de 16 % réservé aux résidents français ou communautaires. Toutefois, la Haute juridiction leur a donné raison pour une question procédurale. En effet, les dispositions de l'article 244 bis A instituent, à la charge des contribuables non-résidents de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative, un impôt, dont le taux était d'un tiers à la date de la réalisation de la plus-value en cause, sur la plus-value notamment réalisée lors de la cession de biens immobiliers. Cet impôt, acquitté lors de l'enregistrement de l'acte de cession des immeubles, ou, à défaut d'enregistrement, dans le mois suivant la cession, par un représentant fiscal agréé par l'administration agissant pour le compte du contribuable, n'est pas recouvré par voie de rôle ou d'avis de mise en recouvrement. Dès lors, selon le principe dégagé, les réclamations relatives à cet impôt doivent être présentées à l'administration dans le délai prévu par les dispositions du b) de la première partie de l'article R. 196-1 du LPF, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'imposition en cause soit qualifiée de "prélèvement" et que son versement ne soit pas effectué par le contribuable lui-même .

newsid:457244

Licenciement

[Brèves] Justification du licenciement de la salariée enceinte faisant l'objet d'une interdiction de travail

Réf. : Cass. soc., 15 mars 2017, n° 15-27.928, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2918T79)

Lecture: 2 min

N7201BWM

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par Charlotte Moronval

Le 23 Mars 2017

Les dispositions d'ordre public de l'article L. 8251-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5110IQC) s'imposant à l'employeur qui ne peut, directement ou indirectement, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, une salariée dans une telle situation ne saurait bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mars 2017 (Cass. soc., 15 mars 2017, n° 15-27.928, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2918T79, lire la note explicative).
Dans cette affaire, une salariée est engagée en qualité d'auxiliaire parentale. Lors de son embauche, elle remet à ses employeurs une carte de séjour temporaire de vie privée et familiale avec autorisation de travail. Par la suite, la préfecture notifie aux employeurs que l'autorisation de travail demandée pour la profession de garde d'enfant est refusée et interdit à la salariée d'exercer une activité salariée en France. La salariée, convoquée à un entretien préalable à un licenciement, informe ses employeurs de son état de grossesse. Elle est licenciée au motif de l'interdiction de travail salarié notifiée par la préfecture.
La cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 4ème ch., 13 janvier 2015, n° S 12/09459 N° Lexbase : A4614SDA) considère que l'interdiction de travail salarié notifiée à l'employeur justifiait le licenciement sans que puisse lui être opposée la protection de la femme enceinte. La salariée décide de former un pourvoi en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt de la cour d'appel mais seulement en ce qu'il condamne les employeurs à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité forfaitaire. En retenant que l'autorité administrative avait notifié à l'employeur son refus d'autoriser la salariée à exercer une activité salariée en France, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à des recherches que cette constatation rendait inopérantes, a tiré les conséquences légales de ses constatations (cf. les Ouvrages "Droit du travail" N° Lexbase : E3341ETW et "Droit des étrangers" N° Lexbase : E3205E4H).

newsid:457201

Notaires

[Brèves] Procédure disciplinaire à l'encontre d'un notaire : du respect du contradictoire !

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-10.046, FS-P+B (N° Lexbase : A2707UCA)

Lecture: 2 min

N7318BWX

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 25 Mars 2017

En matière disciplinaire, le notaire poursuivi doit avoir reçu communication des conclusions de l'avocat général afin de pouvoir y répondre utilement ; dès lors que la cour d'appel n'a pas constaté cela, elle n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale. Tel est le rappel opéré par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mars 2017 (Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-10.046, FS-P+B N° Lexbase : A2707UCA ; cf. déjà en ce sens Cass. civ. 1, 1er juillet 2016, n° 15-11.243, F-P+B N° Lexbase : A8525RR8 et lire les obs. N° Lexbase : N3674BWY). Dans cette affaire, sur les poursuites disciplinaires exercées par son syndic, le conseil régional des notaires de la cour d'appel de Grenoble, siégeant en chambre de discipline, a condamné Me X, notaire, à la peine disciplinaire de la censure devant la chambre assemblée. Cette décision ayant été confirmée en appel (CA Grenoble, 3 novembre 2015, n° 15/02357 N° Lexbase : A7115NU3), Me X a formé un pourvoi. Elle reprochait entre autres aux juges du fond de ne pas avoir respecté la procédure disciplinaire propre aux notaires et d'avoir violé le principe du contradictoire. Dans un premier temps, approuvant les juges grenoblois, la Haute juridiction rappelle que la seule mention, portée en tête de l'arrêt, selon laquelle les débats ont eu lieu "en présence" du président de la chambre de discipline des notaires, ne confère pas à ce dernier la qualité de partie à l'instance ; de plus, les observations formulées, en qualité de sachant, par le président de la chambre de discipline des notaires devant la cour d'appel statuant disciplinairement, ont un caractère technique et visent à informer le juge sur les spécificités de la profession de notaire et de son exercice, de sorte que son audition ne contrevient pas aux exigences de l'article 6, § 1, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR). Mais, dans un second temps, elle va censurer l'arrêt au visa de l'article 6, § 1, de la CESDH, ensemble les articles 15 (N° Lexbase : L1132H4P) et 16 (N° Lexbase : L1133H4Q) du Code de procédure civile. Enonçant, la solution précitée, la Cour constate que l'arrêt mentionne qu'à l'audience, l'avocat général a été entendu, en ses réquisitions, et que, dans des conclusions datées du 8 septembre 2015 et présentées oralement, le ministère public sollicite la confirmation de la décision entreprise, sans pour autant constater que le notaire avait communication desdites conclusions.

newsid:457318

Pénal

[Brèves] Publication de la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'IVG

Réf. : Loi n° 2017-347, 20 mars 2017, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (N° Lexbase : L3061LDQ)

Lecture: 2 min

N7314BWS

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par June Perot

Le 23 Mars 2017

A été publiée au Journal officiel du 21 mars 2017, la loi n° 2017-347 relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (N° Lexbase : L3061LDQ). Le Conseil constitutionnel s'était prononcé, dans sa décision du 16 mars 2017, sur la constitutionnalité de ces dispositions. Il a retenu qu'elles étaient conformes à la Constitution mais a formulé deux réserves : d'une part, la seule diffusion d'informations à destination d'un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d'intimidation au sens des dispositions contestées, sauf à méconnaître la liberté d'expression et de communication. Ces dispositions ne peuvent donc permettre que la répression d'actes ayant pour but d'empêcher ou de tenter d'empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou d'y recourir. D'autre part, sauf à méconnaître également la liberté d'expression et de communication, le délit d'entrave, lorsqu'il réprime des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, ne saurait être constitué qu'à deux conditions : que soit sollicitée une information, et non une opinion ; que cette information porte sur les conditions dans lesquelles une interruption volontaire de grossesse est pratiquée ou sur ses conséquences et qu'elle soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière 2017 (Cons. const., décision n° 2017-747 DC, du 16 mars 2017 N° Lexbase : A2865UC4). La loi est entrée en vigueur le lendemain de sa publication. L'article L. 2223-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3143LDR) est modifié et sanctionne désormais le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d'allégations ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse, en exerçant, notamment (2°), à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur un tel acte, des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation (cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E9776EQ7).

newsid:457314

QPC

[Brèves] Sanction découlant du contrôle de certaines obligations des employeurs et des prestataires d'actions en matière de formation professionnelle continue : validation sous réserve d'interprétation par les Sages

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-619 QPC du 16 mars 2017 (N° Lexbase : A3170T8W)

Lecture: 1 min

N7206BWS

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par Blanche Chaumet

Le 23 Mars 2017

Le Conseil constitutionnel a validé l'article L. 6362-7-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9752IEW), dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (N° Lexbase : L9345IET), mais a formulé une double réserve d'interprétation : l'amende infligée aux employeurs ou aux organismes prestataires d'actions de formation qui ne peuvent justifier de la réalité des actions de formation conduites, et qui doivent alors rembourser les sommes prises en charge, ne peut être prononcée sans que soient prises en compte les observations de l'intéressé, et le juge saisi de la sanction prononcée doit pouvoir, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, annuler la décision prononçant la sanction en tant qu'elle oblige à verser une telle somme qui lui apparaîtrait disproportionnée au regard de la gravité des manquements. Telle est la solution dégagée par le Conseil constitutionnel dans un arrêt rendu le 16 mars 2017 (Cons. const., décision n° 2016-619 QPC du 16 mars 2017 N° Lexbase : A3170T8W).
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 décembre 2016 par le Conseil d'Etat (CE 1° et 6° ch.-r., 9 décembre 2016, n° 403559, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2415SXQ) d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 6362-7-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, portant sur le contrôle du respect par les employeurs et les prestataires d'actions de formation de certaines de leurs obligations en matière de formation professionnelle continue.
En énonçant la solution susvisée, le Conseil constitutionnel a, sous la réserve indiquée plus haut, jugé conforme à la Constitution l'article L. 6362-7-1 du Code du travail, dans sa version contestée (pour en savoir plus, voir le communiqué de presse relatif à la décision ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1527ETQ).

newsid:457206

Responsabilité médicale

[Jurisprudence] La décision d'arrêt des traitements prodigués à un enfant devant le Conseil d'Etat

Réf. : CE référé, 8 mars 2017, n° 408146 (N° Lexbase : A5871TTM)

Lecture: 14 min

N7211BWY

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par Cécile Castaing, Maître de conférences de droit public, Institut Léon Duguit (EA 7439), Université de Bordeaux

Le 28 Mars 2017

Par un arrêt du 8 mars 2017, le Conseil d'Etat statuant en appel d'un référé-liberté s'est prononcé pour la première fois sur une décision d'arrêt des traitements d'un enfant de 15 mois. Il refuse en l'espèce de considérer que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4208KYI) (1) pour décider de l'arrêt d'un traitement traduisant une obstination déraisonnable sont réunies et rejette le recours de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. La patiente, âgée de 15 mois, est atteinte de lésions neurologiques graves et définitives entraînant un polyhandicap majeur avec une paralysie quasi complète de l'organisme et dépendant d'une ventilation et d'une alimentation artificielles. Le médecin la prenant en charge dans un établissement de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille a engagé une procédure collégiale à l'issue de laquelle il a décidé de l'arrêt des traitements. Les parents s'y sont opposés et ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille lui demandant de suspendre cette décision et d'ordonner la poursuite des traitements. Considérant, comme l'avait fait le Conseil d'Etat dans les décisions "Lambert I" et "Lambert II" (2) qu'il appartient au juge des référés "d'exercer ses pouvoirs de manière particulière" lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT) d'une décision médicale conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif qu'il traduirait une obstination déraisonnable, le tribunal administratif statuant en formation collégiale a suspendu provisoirement l'exécution de la décision et a ordonné une expertise de l'enfant par une première ordonnance avant-dire-droit (3). Ce qui était une "solution atypique" ou un "fait rarissime" (4) en matière de référé-liberté en 2014 semble bien devenir, si ce n'est le droit commun (5), au moins une solution admise lorsque cette procédure est utilisée pour faire obstacle à l'exécution d'une décision qui porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Statuant sur la requête par une seconde ordonnance du 8 février 2017 et aux vues des résultats de l'expertise, le tribunal administratif de Marseille a suspendu la décision d'arrêter les traitements et a enjoint à l'équipe médicale de maintenir à l'enfant les traitements et soins appropriés à son état (6). L'ordonnance est motivée par l'opposition constante des parents à la décision d'arrêt des traitements et sur l'absence de certitude sur l'efficacité ou non des thérapeutiques et la consolidation de l'état de santé de l'enfant.

Saisi en appel par l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, le Conseil d'Etat a confirmé cette ordonnance et refusé de considérer que la poursuite des traitements pouvait en l'espèce caractériser une obstination déraisonnable.

Si la question du contrôle d'une décision d'arrêt des traitements entraînant la mort du patient n'est plus inédite devant le juge administratif, elle l'était en l'espèce compte tenu, d'une part, de l'âge de la patiente et, d'autre part, des modifications apportées au Code de la santé publique par la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (N° Lexbase : L4191KYU).

Malgré l'extrême particularité de cette situation dans laquelle les requérants ont placé la vie ou la mort de leur enfant entre les mains du juge, celui-ci ne pouvait que remplir l'office particulier qui est désormais le sien dans le cadre d'un tel référé-liberté et dire si la décision médicale obéissait aux règles juridiques en confrontant les faits aux textes, se gardant de toute autre considération éthique ou morale.

C'est ce qu'il a tenté de faire dans son ordonnance du 8 mars 2017 sans parvenir toutefois à ne pas s'inviter dans le dilemme éthique. Le Conseil d'Etat a considéré que les conditions imposées par la loi pour que puisse être régulièrement prise par le médecin la décision de mettre fin au traitement de l'enfant ne pouvaient être regardées comme réunies au regard du nouvel article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique. Alors que la version en vigueur avant la loi du 2 février 2016 ne prenait pas en considération la volonté du patient, la version actuelle dispose que lorsque les traitements apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire. Le Conseil d'Etat s'est fondé à la fois sur les éléments médicaux et sur la volonté exprimée par les parents pour rejeter le recours en appel de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. Il a d'une part considéré qu'il résultait du rapport d'expertise et des dernières évaluations médicales produites en cours d'instruction (dont la clôture a été différée de quelques jours après l'audience publique) que l'arrêt des traitements n'avait pas été décidé à l'issue d'un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences des lésions neurologiques et, d'autre part, que les parents s'opposaient tous les deux à l'arrêt des traitements et que cet avis revêtait une importance particulière.

I - Les éléments médicaux : l'incertitude sur l'état de conscience de la patiente et son évolution future

La loi a déterminé le cadre dans lequel peut être prise la décision de suspendre ou de ne pas entreprendre un traitement lorsque sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable et il revient au juge, fût-il juge des référés, de contrôler que cette décision médicale a été prise dans le respect des conditions fixées par la loi. La décision de limiter ou d'interrompre un traitement est une décision qui relève de la seule compétence du médecin dès lors qu'il a pu apprécier l'existence d'une obstination déraisonnable. Si la loi du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L1457AXA) a entendu faire participer le patient aux décisions relatives à sa santé, le médecin retrouve son entier pouvoir décisionnel lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et qu'il n'a pas laissé de directives anticipées (7). Si la procédure menant à cette décision doit être collégiale, la décision est individuelle. Contrairement à ce que laisse entendre certaines formules un peu confuses du Conseil d'Etat, la décision n'est pas juridiquement prise par l'"équipe médicale" et la procédure collégiale ne donne pas lieu à délibération. Peu importe donc, dans le contrôle de la régularité de la décision, que celle-ci ait été prise "à l'unanimité" (§ 18). C'est donc le bien-fondé de cette décision prise par le médecin que le juge va devoir apprécier, sans pour autant substituer sa propre appréciation de l'obstination déraisonnable à celle de l'homme de l'art. Avant de procéder à cette appréciation, le Conseil d'Etat a précisé que la ventilation mécanique est, au même titre que l'alimentation et l'hydratation artificielles, au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable.

Pour caractériser l'obstination déraisonnable, le médecin doit apprécier si les traitements sont utiles ou non, proportionnés ou disproportionnés ou encore s'ils ont pour seul effet le maintien artificiel de la vie. Le Conseil d'Etat précise que les éléments médicaux, qui vont être pris en considération par le médecin, doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique. Pour apprécier le bien-fondé ou non de la décision, le Conseil d'Etat souligne qu'il résulte du rapport des médecins experts mandatés par les premiers juges et des évaluations médicales conduites au sein de l'Hôpital avant la saisine du juge et pendant l'instruction que la patiente souffre de lésions cérébrales définitives entraînant une paralysie motrice et une dépendance à la ventilation mécanique et à l'alimentation artificielle. Il relève également que son état de conscience n'est pas déterminé de manière certaine et que des éléments d'amélioration ont été constatés. Le Conseil d'Etat relève en outre les difficultés d'apprécier avec précision son niveau de conscience, une telle appréciation étant particulièrement entravée par les difficultés de communication, de coopération et d'apprentissage de la patiente compte tenu de son handicap fonctionnel et de son jeune âge. A ces éléments s'ajoutent enfin un état de souffrance qui est également difficile à évaluer pour les mêmes raisons et un pronostic établi par les experts extrêmement péjoratif.

Parmi ces éléments, et alors que le rapport d'expertise évoque des lésions cérébrales définitives, le Conseil d'Etat fait prévaloir les éléments d'amélioration constatés de l'état de conscience de l'enfant et l'incertitude sur l'évolution future de cet état pour en déduire que "l'arrêt des traitements ne peut être regardé comme pris au terme d'un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences de ses lésions neurologiques". L'âge de la patiente semble avoir été un critère déterminant pour le Conseil d'Etat.

Une autre affaire soumise au juge des référés-liberté relative à la régularité d'une décision d'arrêt des traitements d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, a donné lieu à une appréciation différente. Le tribunal administratif de Lyon a pu considérer que la poursuite des soins devait être regardée comme constitutive d'une obstination déraisonnable, sans même avoir ordonné à un collège de médecins de réaliser une expertise sur la situation clinique du patient, son évolution ou ses perspectives d'évolution. On se souvient que, dans la décision "Vincent Lambert I", le Conseil d'Etat avait demandé une expertise avant de se prononcer, comme l'a fait le tribunal administratif de Marseille dans l'affaire commentée. Au vu des éléments médicaux dont il disposait, le tribunal administratif de Lyon a considéré, accordant une place prépondérante aux lésions neurologiques et alors même que les chances de réveil du patient n'étaient pas exclues, que "la poursuite de soins actifs et douloureux a pour seul effet de maintenir le patient artificiellement en vie, alors qu'en cas de retour, non exclu, mais très hypothétique, à un état de conscience, la vie de celui-ci serait extrêmement affectée par des lésions majeures de caractère irréversible" pour en déduire que la poursuite des traitements caractérisait une obstination déraisonnable (8).

En l'espèce, au contraire, s'agissant de la jeune enfant, le Conseil d'Etat considère que la poursuite des traitements ne peut caractériser une obstination déraisonnable. Au-delà de l'appréciation des éléments médicaux, le critère de l'âge a été déterminant dans ces décisions : alors que dans le litige soumis au tribunal administratif de Lyon le patient est âgé de 79 ans, la patiente de Marseille est âgée de 15 mois. Et il apparaît que le critère de l'âge a également été déterminant dans l'appréciation des éléments non médicaux.

II - Les éléments non médicaux : l'importance particulière de l'avis des parents

L'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille soutenait que l'ordonnance du tribunal administratif était entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle érigeait l'absence d'opposition des parents de l'enfant mineur à la décision d'arrêt des traitements en une condition de légalité de cette dernière en méconnaissance de l'article R. 4127-37-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6271K97). Le Conseil d'Etat a confirmé de façon assez laconique que "à défaut de pouvoir rechercher quelle aurait été la volonté de la personne s'agissant d'un enfant de moins d'un an à la date de la décision, l'avis de ses parents, qui s'opposent tous les deux à l'arrêt des traitements, revêt une importance particulière". Avec les éléments médicaux, c'est le deuxième élément qu'il retient pour considérer que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique n'étaient pas réunies. Cette motivation ne peut manquer de surprendre. Sans se prononcer sur l'autorité parentale, ce qui ne relève pas de sa compétence, le Conseil d'Etat reste au milieu du gué en reconnaissant à l'avis des parents une importance particulière.

D'un point de vue éthique, il est évidemment extrêmement difficile de faire peser la responsabilité d'une décision insupportable sur les parents et il est tout aussi difficile de ne pas tenir compte de leur opposition constante. Mais ce n'est pas sur ce terrain que devait se placer le juge. C'est pourtant bien dans cette réflexion éthique que s'est situé le Conseil d'Etat, suivant en cela le tribunal administratif qui fondait l'importance particulière de l'avis des parents sur "le souci de la plus grande bienfaisance" (§ 9).

Il faut dire que l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique interdisant la poursuite des traitements lorsqu'ils traduisent une obstination déraisonnable est une disposition ambiguë à bien des égards.

Il faut relever en premier lieu que la loi ne distingue pas selon l'âge du patient pour prohiber la poursuite des traitements lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Dans pareille hypothèse, les traitements ne doivent pas être poursuivis, sans considération de l'âge du patient. C'est d'ailleurs ce qui avait été mis en évidence dans un litige portant sur un acte de réanimation néonatale, dans lequel le tribunal administratif de Nîmes avait retenu la responsabilité de l'hôpital sur le fondement de l'obstination déraisonnable constituée par la durée de la réanimation d'un enfant né en état de mort apparente et gravement handicapé (9).

En deuxième lieu, la loi pose une obligation passive et négative : elle dispose que les traitements ne doivent pas être poursuivis et non que le médecin doit interrompre les traitements. La seule obligation expresse et positive du médecin dans cette disposition est qu'il doit, lorsque l'arrêt des traitements provoque la fin de vie, sauvegarder la dignité du mourant et lui assurer la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs. Entre les deux phases -celle où les traitements peuvent être qualifiés d'obstination déraisonnable et celle de la fin de vie provoquée- la formule est ambiguë : les traitements "peuvent" être interrompus ou ne pas être entrepris. Le législateur place ainsi le médecin dans une situation inextricable en interdisant la poursuite des traitements tout en semblant offrir un choix au médecin de les interrompre. Il semble plus conforme à l'esprit du texte de considérer que cette disposition prohibe l'obstination déraisonnable puis fixe les modalités de mise en oeuvre de cette interdiction : dans le cas où les traitements sont inutiles, disproportionnés ou n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie du patient, le médecin va pouvoir décider de les interrompre soit conformément à la volonté du patient, soit lorsqu'il n'est pas en état d'exprimer sa volonté dans le respect de la procédure collégiale. C'est donc dans la mise en oeuvre de l'interdiction et l'exercice du droit pour le patient de ne pas subir une telle obstination déraisonnable que la loi du 2 février 2016 distingue les patients du seul fait qu'ils sont ou non en état d'exprimer leur volonté, et non en fonction de leur âge.

La loi fait de la volonté conforme du patient ou du respect de la procédure collégiale une condition d'application de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique, c'est-à-dire une condition de régularité de la décision d'arrêt des traitements. La procédure collégiale requise lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant (10). Outre qu'il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant, l'avis motivé d'un deuxième consultant peut être recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. Enfin, la disposition prévoit que, sauf urgence, "lorsque la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur".

En l'espèce, la patiente était bien hors d'état d'exprimer sa volonté et la procédure collégiale devait être engagée. Ce n'est pas parce que la patiente était une enfant en bas âge que la procédure collégiale devait être engagée, mais parce que, en raison de son état de conscience, elle était hors d'état d'exprimer sa volonté. C'est sans doute ici que réside la dernière ambiguïté de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique. Lorsque la loi fixe les procédures à suivre pour ces personnes hors d'état d'exprimer leur volonté, elle n'exclut pas les personnes mineures ou les majeurs protégés, mais elle ne les inclut pas davantage. Sans doute la notion de "personne hors d'état d'exprimer sa volonté" méritait pourtant d'être précisée dans la mesure où le législateur y attache un certain nombre de conséquences juridiques. Il ressort de la lecture des travaux parlementaires que la situation d'une personne "hors d'état d'exprimer sa volonté" est une situation factuelle qui dépend de son état de conscience. Un amendement avait été proposé au moment de la discussion sur le projet de loi relatif au droit des malades indiquant que le fait d'être hors d'état d'exprimer sa volonté "doit provenir d'une altération de la conscience" pour éviter que le médecin se dispense de recueillir le consentement de personnes qui seraient atteintes de paralysie ou de dysarthrie (11). L'amendement n'a pas été adopté. Il semble que l'intention du législateur soit bien d'assimiler la personne hors d'état d'exprimer sa volonté à la personne inconsciente. Une première indication en ce sens est mentionnée dans le rapport d'information sur la loi de 2002 qui énumère de façon non exhaustive trois situations pouvant qualifier la situation d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté : coma, inconscience, handicap mental (12). Une autre indication figure dans l'exposé des motifs de la proposition de loi du 22 avril 2005 (13), dans lequel les auteurs distinguent le malade "conscient" du malade "inconscient". C'est donc au degré de conscience de la personne que renvoie la formule législative et c'est l'altération de la conscience qui provoque la procédure collégiale et la consultation des parents dans le cas d'un patient mineur.

Le Conseil d'Etat s'est donc éloigné des textes et de son office en considérant que c'est en raison du jeune âge de la patiente que le médecin ne pouvait rechercher sa volonté et devait accorder une place particulière à l'avis des parents. Il était sans doute guidé par "le souci de la plus grande bienfaisance" (§ 15) à l'égard de sa patiente et a tenté de trouver la solution la plus humaine entre l'impossibilité de faire peser sur les parents la responsabilité d'une décision de vie ou de mort de leur enfant et la même impossibilité de passer outre leur opposition à un arrêt des soins. La tension éthique entre ces deux perspectives est exacerbée par les éléments médicaux de l'espèce qui laissent le choix entre la certitude de la mort et l'incertitude sur l'état futur de l'enfant (14).

Ce faisant, le Conseil d'Etat paraît substituer son appréciation à celle du médecin, déterminant ainsi lui-même le poids respectifs des éléments médicaux et non médicaux : "le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité" (§ 15). En contrôlant la régularité de la décision médicale, c'est le juge qui en l'espèce a déterminé le poids respectif de ces éléments et a accordé une place déterminante à l'âge de la patiente et une importance particulière à l'avis des parents. Cela ne veut pas dire qu'il accordera systématiquement une importance particulière à l'avis émis par la famille dans ce genre de décision (15), mais assurément que la question de l'exercice de l'autorité parentale pour les décisions d'arrêt des traitements sur des enfants mineurs doit être posée... Elle l'est à nouveau, mais notre propre légitimité à y répondre est des plus réduites...


(1) Dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (N° Lexbase : L4191KYU).
(2) CE Contentieux, 14 février 2014, n° 375081 (N° Lexbase : A5009MEA) ; CE Contentieux, 24 juin 2014, n° 375081 (N° Lexbase : A6298MRP).
(3) TA Marseille, 16 novembre 2016, n° 1608830 (N° Lexbase : A0718SH3).
(4) Aurélie Bretonneau et Jean Lessi, La question de l'arrêt de traitement devant le Conseil d'Etat, AJDA, 2014, 790.
(5) Contra TA Lyon, 9 novembre 2016, n° 1607855.
(6) TA Marseille, 8 février 2017, n° 1608830 (N° Lexbase : A0002TNE).
(7) C. santé. pub., art. L. 1110-5-1, art. L. 1111-4, alinéa 6 (N° Lexbase : L4252KY7) et art. R. 4127-37-2, III (N° Lexbase : L6271K97).
(8) TA Lyon, 9 novembre 2016, n° 1607855, § 13.
(9) TA Nîmes, 2 juin 2009, n° 0622251 (N° Lexbase : A6780ENG) ; voir les conclusions de Denis Riffard, L'acharnement thérapeutique peut engager la responsabilité de l'hôpital, AJDA, 2009, 2474. La cour administrative d'appel de Marseille a cassé le jugement sur ce point, considérant aux vues des éléments médicaux que l'obstination déraisonnable n'était pas constituée ; CAA Marseille, 12 mars 2015, n° 10MA03054 (N° Lexbase : A5044NQU), conclusions C. Chamot, RFDA, 2015, 574.
(10) C. santé. pub., art. R. 4127-37-2, III.
(11) AN, Discussion en séance publique, 2ème séance du 3 octobre 2001, Compte-rendu analytique. Amendement 128.
(12) Rapport d'information, AN n° 3688, 11 avril 2002.
(13) AN n° 1882, 26 octobre 2004.
(14) Voir sur ces questions le rapport du CCNE n° 65 - 14 septembre 2000, Réflexions éthiques autour de la réanimation néonatale.
(15) Dans l'affaire préc., le tribunal administratif de Lyon avait considéré que l'équipe médicale n'était pas tenue de se conformer à l'avis de la famille qui s'opposait à la décision médicale d'arrêt des traitement qu'elle avait pu déduire des seuls éléments médicaux que la poursuite des traitements devait être regardée comme constitutive d'une obstination déraisonnable. TA Lyon, 9 novembre 2016, n° 1607855.

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Sociétés

[Brèves] Say on pay : conditions d'application du dispositif de vote de l'assemblée générale des actionnaires

Réf. : Décret n° 2017-340 du 16 mars 2017, relatif à la rémunération des dirigeants et des membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes cotées (N° Lexbase : L2814LDL)

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N7219BWB

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par Vincent Téchené

Le 23 Mars 2017

La loi "Sapin II" (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique N° Lexbase : L6482LBP) a mis en place un "Say on Pay" coercitif dans les sociétés cotées. Un décret, publié au Journal officiel du 17 mars (décret n° 2017-340 du 16 mars 2017, relatif à la rémunération des dirigeants et des membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes cotées N° Lexbase : L2814LDL), précise les conditions d'application du dispositif de vote de l'assemblée générale des actionnaires sur la résolution présentant les principes et les critères de détermination, de répartition et d'attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux dirigeants de la société, mentionné à l'article L. 225-37-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L7433LBW) pour les sociétés anonymes à conseil d'administration et à l'article L. 225-82-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L7434LBX) pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance. Sont introduits dans le Code de commerce, un article R. 225-29-1 (N° Lexbase : L2861LDC : SA à conseil d'administration) et un article R. 225-56-1 (N° Lexbase : L2862LDD : SA à conseil de surveillance), selon lesquels les éléments composant la rémunération totale et les avantages de toute nature comprennent, le cas échéant :
- les jetons de présence ;
- la rémunération fixe annuelle ;
- la rémunération variable annuelle ;
- la rémunération variable pluriannuelle ;
- les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions ;
- les attributions gratuites d'actions ;
- les rémunérations exceptionnelles ;
- les rémunérations, indemnités ou avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise de fonction ;
- les engagements mentionnés aux premier et sixième alinéas des articles L. 225-42-1 (N° Lexbase : L2058KGC) et L. 225-90-1 (N° Lexbase : L2057KGB) ;
- les éléments de rémunération et des avantages de toute nature dus ou susceptibles d'être dus à l'une des personnes mentionnées au premier alinéa des articles L. 225-37-2 et L. 225-82-2, au titre de conventions conclues, directement ou par personne interposée, en raison de son mandat, avec la société dans laquelle le mandat est exercé, toute société contrôlée par elle, au sens de l'article L. 233-16 (N° Lexbase : L9089KBA), toute société qui la contrôle, au sens du même article, ou encore toute société placée sous le même contrôle qu'elle, au sens de cet article ;
- tout autre élément de rémunération attribuable en raison du mandat ;
- les avantages de toute nature (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E0217GAB et N° Lexbase : E0226GAM).

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Urbanisme

[Brèves] Appréciation de la validité du recours contre un permis modificatif présenté par un requérant qui n'a pas contesté le permis initial

Réf. : CE 1° et 6° ch.-r., 17 mars 2017, n° 396362, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2872UCD)

Lecture: 1 min

N7278BWH

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par Yann Le Foll

Le 25 Mars 2017

La validité du recours contre un permis modificatif présenté par un requérant qui n'a pas contesté le permis initial s'apprécie au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 15 mars 2017 (CE 1° et 6° ch.-r., 17 mars 2017, n° 396362, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2872UCD). Il résulte de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4348IXC) qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir (CE 1° et 6° s-s-r., 13 avril 2016, n° 389798, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6777RCY) lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. En jugeant, pour rejeter leur demande comme manifestement irrecevable, que les requérants ne justifiaient pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire modificatif attaqué, alors qu'ils avaient établi être propriétaires d'une maison à usage d'habitation située à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et avaient produit la décision attaquée, de laquelle il ressortait que le permis litigieux apportait des modifications notables au projet initial, affectant son implantation, ses dimensions et l'apparence de la construction, ainsi que divers clichés photographiques, pris depuis leur propriété, attestant d'une vue directe sur la construction projetée, l'ordonnance attaquée a donc inexactement qualifié les faits de l'espèce (cf. l’Ouvrage "Droit de l'urbanisme" N° Lexbase : E4908E7W).

newsid:457278