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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Aussi, cet arrêt du 16 décembre 2010, à la suite de bien d'autres rendus au plan national ou européen, suscite deux séries d'interrogations, l'une qui ne manque pas de jeter le trouble sur les fondements de la décision au regard du principe de laïcité, l'autre au regard de la globalisation.
D'abord, la Cour commence par relever l'existence, dans une majorité des Etats membres du Conseil de l'Europe, d'un consensus en faveur de l'autorisation de l'avortement pour des motifs plus larges que ceux prévus par le droit irlandais. Elle a, toutefois, rappelé que la question de savoir à quel moment la vie commence relève de la marge d'appréciation des Etats.
Première série d'interrogations ! Il nous semblait que, en dehors de toute considération religieuse, la vie s'appréhendait de manière organique et que, par conséquent, il appartenait à la science de déterminer ce qui en composait les tenants et conditionnait l'existence. Cela ne veut, en aucun cas, dire que la définition scientifique, fut-elle unique et revêtant les apparats de l'universalité -ce qui n'est pas le cas, d'ailleurs, en l'espèce-, doit servir d'étalon maître pour autoriser ou non l'avortement et/ou la période d'avortement. Mais, si l'on écarte toute doctrine religieuse en la matière et toute philosophie politique nataliste, il peut paraître étrange, voire choquant, que la "vie" soit caractérisée de telle manière dans un pays et de telle autre, ailleurs dans le monde. Il n'existe, ainsi, que deux branches à l'alternative de l'existence de la vie : soit sa définition relève de la science, soit elle est dictée par le religieux. Et, l'Etat, dans l'élaboration de sa législation, choisit de se référer à l'une ou l'autre. L'Irlande, puisqu'il s'agissait d'elle dans le contentieux soumis à l'examen de la Cour européenne, a choisi une conception religieuse de l'existence de la "vie" ; c'est ce que soulignent les juges strasbourgeois, lorsqu'ils font référence aux "valeurs morales profondes du peuple irlandais relativement au droit à la vie de l'enfant à naître". Par conséquent, les gardiens de la foi laïque ne manquent pas d'admettre que la législation d'un Etat membre du Conseil de l'Europe puisse être d'inspiration religieuse. A partir du moment où un équilibre est trouvé entre le droit au respect de la vie privée et les droits invoqués au nom des enfants à naître, c'est-à-dire, en Irlande, la préservation de la vie de la mère, seul fondement du droit à l'avortement, et le principe de non atteinte à la vie de l'enfant à naître, un législation fortement restrictive n'est pas contraire aux droits et libertés garantis par la Convention. Sans critiquer l'appréciation de cet équilibre par la Cour, on peut simplement dire que l'on aura connu les juges européens plus engagés sur la voie de la laïcité, lorsqu'il s'est agi de condamner la présence des crucifix dans les écoles italiennes. Les enjeux et les sujets sont d'ordres différents, mais il incombe, dans les deux cas, de savoir si une législation ou une tradition litigieuse est ou non d'inspiration religieuse, au risque de choquer les athées et les tenants d'autres religions. Le "Cerbère" des droits et libertés fondamentaux relève une tête devant les crucifix, mais semble abaisser l'autre au son de la voix irlandaise.
Ensuite, la Cour se réfère à la possibilité qu'ont eue les deux premières requérantes d'aller se faire avorter à l'étranger et d'obtenir, à cet égard, des soins médicaux adéquats en Irlande, pour conclure que l'interdiction litigieuse a ménagé, là aussi, un juste équilibre entre le droit des première et deuxième requérantes au respect de leur vie privée et les droits invoqués au nom des enfants à naître. Ainsi, l'Irlande n'a pas violé l'article 8 de la Convention concernant les deux premières requérantes. En revanche, concernant la troisième requérante, en phase de rémission d'un cancer, qui a dû avorter à l'étranger parce qu'elle craignait que sa grossesse entraîne une rechute, la Cour a estimé que ni le processus de consultation médicale, ni les recours judiciaires invoqués par le Gouvernement ne constituaient des procédures effectives et accessibles propres à permettre à la troisième requérante de faire établir l'existence, dans son cas, d'un droit à avorter en Irlande. Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas justifié l'absence de mise en oeuvre par une loi du droit constitutionnel à avorter légalement en Irlande -en 1983, les Irlandais ont adopté un article constitutionnel qui protège la vie de l'embryon tout autant que celle de la femme. L'IVG est donc illégale sauf si la mère est en danger de mort-. Dès lors, il y a eu violation de l'article 8 dans le chef de la troisième requérante.
Seconde série d'interrogations ! A la lecture de cet arrêt du 16 décembre 2010, il est permis de se poser la question de l'intérêt et de la pertinence d'un droit national de la personne et de la famille. Pour assurer l'équilibre entre une législation restrictive de l'avortement et le droit au respect de la vie privée -et de la libre disposition de leur corps par les femmes notamment-, il suffit de rappeler aux bons souvenirs de toutes que notre monde est global et que cette globalisation permet à toutes un chacune de prendre l'avion et, une heure et demie plus tard, d'atterrir sous des cieux plus cléments pour bénéficier d'une législation plus "permissive". D'Irlandaise, devenez Française, Espagnole ou Allemande quelques heures, l'essentiel étant que l'Irlande assure les conséquences et le traitement postopératoires d'un tel traumatisme. Après le treaty shopping en matière conventionnelle ou fiscale -de l'art de se placer sous la meilleure Convention pour bénéficier des meilleurs avantages-, le family shopping -de l'art de s'établir, même très temporairement, dans le pays dont la législation s'accorde le mieux avec ses voeux familiaux-. Et, c'est parce que les autres Etats membres du Conseil de l'Europe ont une législation sur l'avortement moins restrictive, que l'Irlande peut continuer, sur ce sujet sensible, à préserver ses "valeurs morales profondes du peuple irlandais relativement au droit à la vie de l'enfant à naître".
Si l'on se souvient, notamment, que l'arrêt de la Cour de cassation, qui le 8 juillet 2010, donna force exécutoire à la décision d'un tribunal de Géorgie ayant prononcé l'adoption de l'enfant né d'une mère américaine par insémination artificielle, par sa compagne française, alors que la loi française ne reconnaît pas et condamne la gestation pour autrui ; ou si l'on considère que la loi et la jurisprudence françaises peinent à reconnaître l'adoption par des couples homoparentaux, alors que le principe est acquis, sans compter celui du mariage homosexuel, dans des pays frontaliers de la France ; nous sommes en droit de questionner, aujourd'hui, les droits internes de la personne et de la famille, sur leur pertinence et leur raison d'être, au sein d'une communauté d'Etats libres comme l'est l'Union européenne, où la liberté de circulation permet d'aller trouver et se voir reconnaître, ailleurs, les droits qui nous font défaut, ici. Tel est l'une des conséquences de la "globalisation", c'est -à-dire de l'extension à l'échelle de la planète, non seulement des échanges économiques, mais désormais des échanges politiques, sociaux et médicaux... en attendant la mondialisation, c'est-à-dire l'uniformisation, à l'échelle mondiale, des approches tant des libertés publiques que des droits fondamentaux parties intégrantes des droits de la personne et de la famille.
Mais nous n'en sommes pas encore là. L'avortement est, sans doute, avec la peine de mort, le sujet le plus sensible à appréhender au niveau mondial. Avec 42 millions, soit un taux de 29 interruptions volontaires de grossesse pour mille femmes en âge de procréer, dans le monde, le sujet est loin d'être marginal, mais il demeure un tabou (ce taux est de 12 pour mille en Europe occidentale, de 17 pour mille en Europe du Nord, de 18 pour mille en Europe du Sud, de 21 pour mille globalement aux Etats-Unis et au Canada, de 44 pour mille en Europe de l'Est). Si l'on considère, en outre, que le bouddhisme condamne l'avortement comme une faute grave, que l'Eglise catholique réaffirme, dans l'encyclique Evangelium Vitæ, sa condamnation de l'avortement direct, que l'Islam prohibe l'avortement au nom du respect de la vie humaine et que la loi juive n'autorise l'avortement que si le foetus constitue une menace directe pour l'intégrité de la femme enceinte, on comprend, dès lors, que seuls l'Occident, la Chine et l'Inde autorisent l'avortement sur demande, mais que l'Afrique et l'Amérique du Sud demeurent hermétiques à toute avancée sur le sujet. Et, la mondialisation, contrairement au divorce qui n'est condamné de manière absolue que par l'Eglise catholique, n'aura que peu de vertu prosélyte sur un sujet tel que celui de l'avortement.
Pourtant, "tout le genre humain n'est qu'une famille dispersée sur la face de toute la terre" écrivait Fénelon dans son Télémaque à l'adresse du Grand Dauphin...
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction
Le 26 Janvier 2011
Lexbase : Pouvez-nous présenter le réseau Visio-Barreaux ? Quelle est la genèse de ce projet et quelles en sont les principales caractéristiques ?
Rémi Chaine : Visio-Barreaux est un système de visioconférence. Il a pour objet de permettre aux Ordres de s'équiper en visioconférence de qualité professionnelle aux meilleures conditions, et d'échanger le plus simplement possible à travers un réseau dans lequel a été privilégiée la facilité d'utilisation.
J'ai conçu ce projet à l'automne 2009. J'avais conscience du fait que la concertation entre les Bâtonniers était très nécessaire et fructueuse, mais se heurtait à des difficultés d'agenda et des contraintes de déplacement qui devenaient vite insupportables. Par ailleurs, je m'étais rendu compte que la concertation entre les barreaux ne devait pas se limiter aux échanges entre Bâtonniers -qui changent tous les deux ans !- mais que, par exemple, les commissions spécialisées des différents barreaux pouvaient avoir des échanges entre elles. J'avais également fait le constat que les offres de formation n'étaient pas égales selon la taille du barreau. Les barreaux qui ont un grand nombre d'avocats peuvent offrir toutes sortes de formation, ce qui n'est pas le cas des barreaux plus petits. Le but était donc de permettre les formations à distance car je suis très attaché à une certaine égalité de traitement entre les confrères quelque soit la taille du barreau. C'est aussi un réseau ouvert, qui permet de communiquer avec les tiers, et notamment les juridictions. Enfin, c'est aussi très largement une préoccupation d'ordre écologique qui m'animait : trop souvent les réunions se traduisent pas des heures de déplacement, le plus fréquemment en voiture.
Par pragmatisme, je me suis adressé aux barreaux avec lesquels j'étais le plus en relation en ma double qualité de Bâtonnier de Lyon et de président de la COBRA (Conférence Régionale des Barreaux Rhône-Alpins). Il me semblait préférable d'expérimenter la mise en place de ce réseau avec un certain nombre de barreaux volontaires avant de s'adresser à tous. L'accueil a été très favorable. C'est ainsi que vingt barreaux ont décidé de soutenir ce projet. Le temps de faire faire les études techniques et commerciales, et c'est effectivement en juin dernier que Visio-Barreaux a été lancé.
Visio-Barreaux fonctionne par internet, ce qui permet des coûts de connexion très bas. Pour autant, il s'agit bien de visioconférence de qualité professionnelle et sécurisée, et non de visioconférence grand public du type Skype. Visio-Barreaux fait appel à une technique récente développée par la société Vidyo. De fait, les premières visioconférences organisées par les premiers barreaux équipés confirment la qualité de l'image et du son, et notamment leur parfaite synchronisation. Mais également une très grande simplicité d'utilisation.
Lexbase : Concrètement comment se traduit l'adhésion au réseau pour les avocats d'un barreau ? Le coût ne semble-t-il pas trop élevé pour les barreaux de petite taille ?
Rémi Chaine : Nous avons crée une société civile de moyens, la société Visio-Barreaux. Avec un capital variable pour permettre à tous les barreaux qui le souhaiteront, et d'une façon plus générale tous nos organismes professionnels, d'y adhérer très simplement. Cette adhésion suppose la souscription d'une part de 500 euros. La société est bien une société de moyens qui n'a pas vocation à faire des profits, mais simplement à couvrir les frais.
Il faut ensuite que les barreaux s'équipent en matériel. Nous avons négocié des forfaits correspondant à plusieurs niveaux d'équipement entre lesquels les barreaux peuvent choisir. Pour le premier niveau d'équipement, cela représente un coût d'un peu plus de 3 000 euros. C'est naturellement le minimum, et il est préférable d'investir un peu plus. Mais cela démontre que le système est accessible. Avec le Bâtonnier Philippe Reffay, nous travaillons néanmoins à cette question du financement pour aider les barreaux qui ne pourraient véritablement y faire face. Une fois cet investissement réalisé, il y a un coût de fonctionnement qui est de l'ordre de 360 euros par mois pour une connexion illimitée. Ce qui est très faible pour une visioconférence professionnelle.
Nous sommes parvenus à ce coût en mutualisant, les grands barreaux acceptant à ma demande de supporter seuls des frais communs.
Il est bien certain que ce coût -essentiellement d'ailleurs celui de l'investissement initial- n'est pas négligeable et peut être lourd pour certains barreaux. Mais il faut le comparer aux frais de déplacement que cela permet d'économiser et aux services que le réseau peut rendre. Et l'on verra que ce sera rapidement rentabilisé. Prenons par exemple une formation suivie à distance par dix confrères. Il suffit que chacun d'entre eux paie une contribution de 36 euros pour cette formation pour rentabiliser l'abonnement mensuel. Les Ordres peuvent également mettre ce service à la disposition des confrères pour les besoins de leur exercice professionnel. Il faut bien comprendre que c'est un excellent instrument pour les barreaux et les confrères qui sont parfois éloignés de leur cour d'appel ou de leurs centres de formation professionnelle.
Lexbase : A ce jour, combien de barreaux ont déjà franchi le pas de l'abonnement ? Quelles perspectives avez-vous pour 2011 ?
Rémi Chaine : Seize barreaux sont équipés ou en cours d'équipement. J'ai eu la grande satisfaction d'apprendre du président Wickers que le CNB va également rejoindre Visio-Barreaux. La plupart des centres de formation professionnelle se sont déclarés intéressés et celui de la région Rhône-Alpes a déjà pris la décision d'adhérer à Visio-Barreaux. Je pense que c'est l'équipement de ces centres qui va accélérer l'équipement des barreaux en permettant l'accès à des formations à distance. Les perspectives sont donc plus qu'encourageantes si l'on mesure le chemin parcouru en quelques mois !
Pour tout renseignement complémentaire : remi.chaine@avocat-conseil.fr ou ph.reffay@avocatline.com
Il est également possible de visualiser un petit film de présentation du réseau Visio-Barreaux par internet, au moyen du lien suivant : http://www.chardin.fr/movies/visio-barreaux/ |
(1) NDLR : Rémi Chaine est candidat à la vice-présidence de la Conférence des Bâtonniers, dont l'élection se tiendra les 28 et 29 janvier 2011 lors de l'assemblée générale de la Conférence. Lire (N° Lexbase : X9371AHK)
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Réf. : Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ)
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par Laurent Ducroux et Stéphane Lesueur -Avocats Associés- DL Avocats (Montpellier)
Le 10 Mars 2011
A - Dispositions communes
Cadre général
L'article 30 de la loi organise la classification des groupements de collectivités territoriales à travers une nouvelle rédaction des articles L. 5111-1 (N° Lexbase : L9114INU) et L. 5210-1 (voir CGCT, art. L. 5210-1-1 A N° Lexbase : L9113INT) du Code général des collectivités territoriales, excluant, notamment, les pôles métropolitains de la catégorie des EPCI et intégrant dans cette dernière catégorie non seulement les nouvelles métropoles, mais aussi les syndicats d'agglomération nouvelle (SAN) avec les conséquences qui y sont rattachées.
Transformation des SAN
Les dispositions de l'article 32 de la loi prévoient la possibilité de transformation des SAN en communauté d'agglomération s'ils réunissent les conditions propres à celles-ci. Dans l'hypothèse où le SAN dispose déjà des compétences obligatoires de la communauté d'agglomération, cette transformation peut être décidée par simple arrêté du préfet. Dans le cas inverse, celle-ci devra être accompagnée d'une modification concomitante des compétences du SAN après, notamment, accord des communes membres dans les conditions prévues par la loi. En tout état de cause, la communauté d'agglomération issue de la transformation du SAN continue d'exercer les compétences propres à ce dernier. Sur un plan fonctionnel, l'EPCI reprend l'ensemble des biens, droits, obligations et personnels du SAN.
Délégations de signature
Pour faciliter le fonctionnement des EPCI, les dispositions de l'article 33 de la loi modifient de façon notable le champ des délégations de signature données aux différents directeurs et responsables de services des EPCI. La nouvelle rédaction de l'article L. 5211-9 du même code (N° Lexbase : L9115INW) étend, ainsi, ce champ aux matières pouvant être déléguées par l'organe délibérant au président, sauf s'il en a été décidé autrement, ce qui accroît la souplesse de fonctionnement de ces institutions.
B - Achèvement et rationalisation de l'intercommunalité
Mise en place des schémas départementaux de coopération intercommunale
Objectifs - Un des objectifs essentiel de la loi tient dans l'achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale. L'objectif est, tout d'abord, de couvrir à brève échéance l'ensemble du territoire national par des EPCI à fiscalité propre avec la suppression des enclaves et discontinuités territoriales, par le biais de l'article L. 5210-1-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9117INY).
Cet achèvement doit intervenir au plus tard le 1er juin 2013, sauf pour Paris et les trois départements de la première couronne. Dans cette perspective, la loi prévoit l'établissement obligatoire d'un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) par département consacrant, ainsi, la démarche qui avait déjà été entreprise sur la base d'une circulaire du 23 novembre 2005 (N° Lexbase : L1381IPT). A ce titre, les délais prévus par la loi peuvent apparaître relativement courts, mais témoignent de la volonté de parachever l'édifice intercommunal à brève échéance. Une circulaire en date du 13 décembre 2010 (N° Lexbase : L1058IPU) a, d'ores et déjà, été adressée aux préfets pour mettre en place cette nouvelle carte de l'intercommunalité.
Cette approche quantitative se double d'une démarche plus qualitative, l'objectif étant de rationaliser le périmètre des établissements existants, et même de réduire un nombre de structures jugé trop important. La loi prévoit, ainsi, que ce schéma départemental est établi au vu d'une "évaluation des périmètres et de l'exercice des compétences des groupements existants" et prévoit les "modalités de rationalisation" des périmètres des EPCI et des syndicats mixtes existants par le biais de la création, de la transformation ou de la fusion d'EPCI. Il en est de même pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes. Le schéma est établi en prenant en compte les orientations définies par la loi et visant, tout d'abord, à parvenir au mieux à des ensembles de plus de 5 000 habitants (hormis des cas spécifiques tels que les zones de montagne), à recouper les unités urbaines c'est-à-dire les espaces correspondant aux continuités du bâti, les bassins de vie et les SCOT, à accroître la solidarité financière, à transférer les compétences des syndicats de communes et des syndicats mixtes vers les EPCI à fiscalité propre, et à rationaliser des structures compétentes en matière d'aménagement de l'espace, de protection de l'environnement et de développement durable.
Modalités d'établissement - L'Etat conserve un rôle prépondérant dans l'établissement des schémas. L'élaboration des schémas est, ainsi, assurée par le préfet du département. Les communes, EPCI et syndicats mixtes concernés sont consultés sur le projet. Celui-ci, ainsi que les avis recueillis sont ensuite soumis à la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI). Les propositions de modifications de cette dernière sont insérées de droit dans le projet de schéma si elles sont adoptées à la majorité qualifiée de ses membres et conformes aux orientations fixées par la loi. La CDCI peut donc jouer un rôle important. Le schéma est ensuite arrêté par le préfet avec une publication locale. Ce SDCI est arrêté au plus tard par le préfet du département au 31 décembre 2011 (article 37 de la loi). Il est révisé tous les six ans.
Application des schémas départementaux de coopération intercommunale
Règles temporaires d'évolution des établissements publics de coopération - Les dispositions des articles 60 et 61 de la loi définissent des mesures temporaires et exceptionnelles pour la mise en oeuvre des SDCI en vue d'achever et de rationaliser la carte intercommunale d'ici le 1er juin 2013. Ces mesures concernent à la fois la création et la modification de périmètres d'EPCI à fiscalité propre, la fusion d'EPCI dont l'un au moins est à fiscalité propre, la dissolution, la modification de périmètres et la fusion de syndicats de communes ou de syndicats mixtes.
Globalement, la loi prévoit un mécanisme à plusieurs temps. En premier lieu, dès la publication du SDCI et au plus tard à compter du 1er janvier 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012, le préfet de département définit pour la mise en oeuvre du schéma les projets d'évolution ou de création des établissements publics de coopération. La loi précise qu'à défaut de schéma adopté, il peut, également, définir directement ces projets dans le respect des objectifs et des orientations définis par la loi pour les SDCI. En outre, il peut de la même manière définir des projets ne figurant pas dans les schémas après avis de la CDCI dont les propositions doivent être intégrées au projet si elles sont adoptées à la majorité qualifiée de ses membres. Là encore, le rôle de l'Etat reste prépondérant, même si la CDCI peut orienter dans certains cas l'évolution de cette carte intercommunale.
Les procédures définies par la loi prévoient ensuite pour les projets de création (sauf le cas des nouvelles métropoles), de modification et de fusion des EPCI à fiscalité propre, la consultation des communes et/ou groupements concernés et leur adoption sous des conditions strictes de majorité, soit l'accord de la moitié au moins de celles-ci représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci, et intégrant la commune dont la population est la plus nombreuse si elle représente au moins le tiers de la population totale. A défaut d'accord, le préfet retrouve un pouvoir fort de décision puisqu'il peut, jusqu'au 1er juin 2013, adopter le projet envisagé par décision motivée et après avis de la CDCI. Celle-ci auditionne tout représentant des communes ou groupements concernés et ses propositions de modification devront être intégrées si elles sont adoptées à la majorité qualifiée.
La loi précise, également, que les procédures d'exception pour les cas de modifications de périmètres ou de fusions des EPCI s'appliquent de plein droit pendant l'année qui suit la révision du SDCI et jusqu'en 2018.
La loi prévoit des dispositions analogues concernant les dissolutions, modifications et fusions de syndicats de communes ou syndicats mixtes avec, cette fois, notamment, l'accord des membres des organes délibérants des syndicats concernés dans des conditions de majorité définies par la loi avec, à nouveau, des pouvoirs de décisions conférés au préfet en l'absence d'accord. En revanche, ses prérogatives sont limitées à la date butoir du 1er juin 2013.
Détermination des compétences des nouveaux établissements - L'arrêté créant des nouveaux périmètres d'EPCI peut aussi entériner les compétences de celui-ci sur lesquelles les communes se sont accordées ; à défaut d'accord, ces compétences devront être définies dans un délai de 6 mois (au lieu du délai habituel de 2 ans) en ce qui concerne les communautés de communes ou d'agglomération, à défaut de quoi le nouvel EPCI exercera l'intégralité des compétences prévues par la loi. Dans le cas d'une fusion d'EPCI, l'adoption du projet fixe, également, les compétences du nouvel établissement public qui exerce l'intégralité de celles dont étaient dotés les EPCI qui ont fusionné, sur l'ensemble de son périmètre. En cas de fusion de syndicats de communes ou de syndicats mixtes, l'arrêté d'adoption peut, également, porter sur le nombre et la composition du nouveau comité syndical et sur les compétences de l'établissement.
Composition et attributions nouvelles de la commission départementale de coopération intercommunale
La loi modifie les dispositions des articles L. 5211-43 (N° Lexbase : L9136INP) et suivants du Code général des collectivités territoriales relatives à la composition et aux fonctions de la CDCI, en lien, notamment, avec le renforcement de l'intercommunalité et le rôle qu'elle est appeler à y jouer.
Composition - Les règles de composition sont ainsi modifiées significativement, avec un abaissement de la part des représentants des communes qui passe de 60 % à 40 %, une augmentation de la part des représentants des EPCI qui passe de 20 à 40 %, avec, en outre, une part de 5 % de représentants des syndicats, de 10 % de représentants du conseil général et de 5 % du conseil régional. Des adaptations des règles de représentation sont prévues dans les départements comprenant des zones de montagnes. Ces nouvelles règles de composition doivent être mises en oeuvre dans le cadre du calendrier fixé par la loi pour achever et rationaliser la carte intercommunale. Ainsi, les dispositions de l'article 55 de la loi prévoient de procéder à une nouvelle élection des membres de la CDCI dans chaque département dans le délai de 3 mois à compter de la promulgation de la loi.
Fonction - La loi adapte les conditions d'intervention de la CDCI qui, non seulement est associée à la définition du SDCI, mais qui est aussi saisie par le préfet ou à la demande de 20 % de ses membres sur tout projet de création d'EPCI ou de syndicats mixtes. Elle est, également, consultée sur tout projet de modifications d'un périmètre ou de fusion d'EPCI quand il diverge du SDCI. En dernier lieu, elle peut être à l'initiative de projets de fusion entre EPCI et entre syndicats de communes et syndicats mixtes.
Sort des communes et établissements publics de coopération isolés
Dans le cadre de l'achèvement de la carte intercommunale, la loi insère un nouvel article L. 5210-1-2 (N° Lexbase : L9118INZ) dans le Code général des collectivités territoriales permettant à l'Etat de rattacher les communes n'appartenant à aucun EPCI à fiscalité propre (près de 2 000 communes encore à ce jour) ou constituant une enclave ou une discontinuité territoriale, à un EPCI à fiscalité propre, après accord de l'organe délibérant de celui-ci et avis de la CDCI. Là encore, le projet de rattachement du préfet peut être modifié par la CDCI à la majorité qualifiée de ses membres.
A un autre niveau, les dispositions de l'article 47 entérinent le principe selon lequel un établissement public de coopération est dissous de plein droit lorsqu'il ne comporte plus qu'une seule commune membre. Ces dispositions visent les syndicats de communes et par extension, les syndicats mixtes fermés régis par l'article L. 5711-1 (N° Lexbase : L1911GUC) et suivants du Code général des collectivités territoriales, les communautés et les syndicats mixtes ouverts régis par l'article L. 5721-1 et suivants du même code (N° Lexbase : L0003ABQ). Cette dissolution est, de même, acquise pour les syndicats intercommunaux lorsque les services en vue desquels ils ont été institués sont transférés à un EPCI ou à un syndicat mixte, avec, dans ce cas, un mécanisme de substitution des communes au sein de celui-ci. Les dispositions modifiées de l'article L. 5721-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9118IMN) relatives aux syndicats mixtes ouverts prévoient aussi cette dissolution de plein de droit, lorsque celui-ci transfère à un autre syndicat mixte la totalité de ses compétences.
Suppression des "pays"
Dans son souci de rationalisation administrative, la loi abroge, par son article 51, l'article 22 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 (1) qui avait créé les "pays". Seuls les contrats conclus antérieurement à cette abrogation pourront être exécutés jusqu'à leur échéance.
Modifications du régime de droit commun
L'article 42 de la loi aménage la procédure de droit commun de fusion d'EPCI défini à l'article L. 5211-41-3 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9107INM) afin d'encourager celle-ci en consacrant, d'une part, la possibilité de mise en oeuvre de cette procédure à l'initiative des CDCI, en insérant des objectifs similaires à ceux qui président à l'élaboration du SDCI, et en imposant que le projet soit accompagné dans sa phase consultative auprès des collectivités concernées d'un rapport explicatif et d'une étude budgétaire et fiscale afin, sans doute, de pouvoir mettre en évidence les bienfaits du projet envisagé. Là encore, les propositions de modifications du projet par la CDCI sont intégrées de plein droit si elles sont conformes aux objectifs de rationalisation définis légalement, et si elles sont adoptées à la majorité qualifiée de ses membres. Par ailleurs, les modifications apportées par la loi privilégient désormais l'accord des conseils municipaux des communes concernées. Enfin, la loi prévoit des mécanismes visant à ajuster les compétences de l'établissement au niveau des compétences obligatoires de la catégorie du nouvel établissement public constitué, avec l'obligation, le cas échéant, de délibérer sur l'intérêt communautaire dans un délai de deux ans et la faculté de restituer les autres compétences aux communes membres.
La loi apporte aussi des modifications aux procédures de droit commun relative, notamment, à la création, à la transformation et à la fusion des EPCI, mais qui ne s'appliquent pas aux projets en cours au jour de la promulgation de la loi, tels que visé par l'article 83 de la loi. Des règles sont, également, édictées à travers une nouvelle rédaction de l'article L. 5211-26 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9143INX) concernant le régime de liquidation des EPCI qui manquait jusque là de précision.
Adaptations propres aux syndicats de communes et syndicats mixtes
Les dispositions de l'article 44 de la loi, codifiées dans un nouvel article L. 5111-6 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9122IN8), subordonnent la création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte à sa compatibilité avec le SDCI, ce qui conforte le rôle déterminant de celui-ci dans la rationalisation de la carte intercommunale, mais aussi le pouvoir d'appréciation et de décision du représentant de l'Etat à ce titre compte tenu, en particulier, de la souplesse qui reste attaché à la notion de compatibilité.
Sur un plan plus pratique, les dispositions nouvelles de l'article L. 5212-8 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9359INX), issues de l'article 45 de la loi, entérinent la possibilité d'une représentation indirecte des communes au sein des syndicats de communes à travers la possibilité de désigner des délégués communaux formant un collège pour l'élection de leurs représentants au sein comité syndical, ce qui est une formule particulièrement adaptée au cas de syndicats comportant de très nombreux membres. La loi précise que, sauf dispositions contraires, les représentants ainsi élus sont, également, habilités à prendre part aux votes pour toute affaire pour laquelle au moins une commune représentée au sein du collège est représentée.
La loi instaure, par ailleurs, une procédure spécifique de fusion des syndicats de communes et des syndicats mixtes à travers le rétablissement de l'article L. 5212-27 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9123IN9), avec ici encore l'intervention de la CDCI, mais aussi des conditions spécifiques d'accord à la majorité qualifiée des communes et EPCI concernés, et des mesures de prise ou de restitution de compétences par le nouvel établissement avec, notamment, le transfert des biens et des actes correspondants. Des mesures transitoires sont aussi prévues concernant la désignation des délégués.
Dans une logique d'intégration forte, l'article 48 de la loi codifié à l'article L. 5214-21 du même code (N° Lexbase : L9133INL) étend les mécanismes existants de substitution des communautés de communes aux syndicats de communes inclus en totalité dans leur périmètre ou identique à celui-ci. La loi instaure, également, un mécanisme de substitution des communautés de communes, pour les compétences qu'elles exercent ou viennent à exercer, aux communes qui en sont membres lorsque celles-ci sont groupées avec des communes extérieures dans un syndicat de communes ou un syndicat mixte.
C - Le renforcement de l'intercommunalité
La participation des conseillers municipaux aux commissions
Dans le but, sans doute, de mieux articuler les liens entre le niveau intercommunal et le niveau communal, l'article 62 de la loi, codifié à l'article L. 5211-40-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9144INY), permet désormais, lorsqu'un EPCI forme une commission, d'associer les conseillers municipaux de ses communes membres dans des conditions qu'il détermine.
Le transfert des pouvoirs de police
L'article 63 de la loi, codifié à l'article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9635IN8), organise le transfert automatique des pouvoirs de police spécial dans les domaines de l'assainissement, de l'élimination des déchets ménagers et de réalisation d'aires d'accueil des gens du voyage au président de l'EPCI. Les arrêtés de police pris par ce dernier sont alors notifiés. Dans ce cas, la loi permet à un ou plusieurs maires, voire au président de l'EPCI, de s'opposer à un tel transfert dans un délai de 6 mois suivant la date de l'élection du président de l'EPCI concerné, ce qui permet de faire échec au transfert. En ce qui concerne les mesures transitoires, ces transferts de pouvoirs de police de plein droit doivent intervenir au plus tard le 1er jour du douzième mois qui suit la promulgation de la présente loi, sauf opposition dans les conditions spécifiquement prévues par la loi. La nouvelle rédaction de l'article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales organise, également, un transfert facultatif des pouvoirs de police de la circulation et du stationnement au profit du président de l'EPCI compétent en matière de voirie.
Des possibilités de mutualisation des moyens
Le partage des ressources humaines - La loi prévoit plusieurs mécanismes de partage des ressources humaines des collectivités territoriales et leurs groupements, afin de permettre à chaque organisme de pouvoir disposer ou de pouvoir renforcer des moyens humains nécessaires à la bonne exécution de ses missions, sur fond de limitation des moyens financiers, de désengagement de l'Etat, mais aussi de montée en charge des responsabilités locales et de complexité croissante des conditions d'intervention.
L'article L. 5211-4-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9197INX) est, tout d'abord, modifié pour permettre de déroger à la règle selon laquelle le transfert de compétence entraîne le transfert des services concernés. Ainsi, "dans le cadre d'une bonne organisation des services", une commune peut conserver tout ou partie du service concerné par le transfert de compétence lorsque celui-ci revêt un caractère partiel, ce qui concernera, notamment, toutes les matières scindées entre les communes et les EPCI sur la base du critère d'intérêt communautaire. Dans ce cas, les services peuvent être mis à disposition de l'EPCI pour éviter justement les dédoublements de services. La possibilité de mise à disposition des services par les EPCI au profit des communes membres pour l'exercice de leurs compétences est aussi prévue dans tous les cas si cela présente un intérêt. Une convention doit être conclue en toutes hypothèses entre les organismes. Celle-ci doit, notamment, prévoir les conditions de remboursement par le bénéficiaire des frais de fonctionnement du service.
La loi insère, par ailleurs, un article L. 5211-4-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9361INZ) donnant la possibilité à un EPCI à fiscalité propre et à ses communes membres de se doter de services communs en dehors même des compétences transférées, suivant des modalités définies par convention étant précisé que les services communs seront gérés par l'EPCI.
Le partage des moyens matériels - La loi crée, également, un nouvel article L. 5211-4-3 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9360INY) visant à la mutualisation de moyens matériels entre un EPCI à fiscalité propre et ses communes membres en dehors des compétences transférées, étant précisé que, dans ce cas, l'allocation des biens se fait par l'EPCI qui les met à disposition et le partage avec les communes selon les termes d'un règlement à établir.
Schéma de mutualisation des moyens - Dans une logique de rationalisation de cette mutualisation de moyens, les dispositions du nouvel article L. 5211-39-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9198INY), issu de l'article 67 de la loi, prévoient, après chaque renouvellement des conseils municipaux, la rédaction par le président de l'EPCI à fiscalité propre d'un rapport comportant un schéma de mutualisation des services à mettre en oeuvre pendant la durée du mandat avec l'évaluation de ces impacts. Ce schéma est soumis pour avis aux conseils municipaux des communes membres, puis adopté par l'EPCI. Cette disposition s'applique à compter du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la présente loi.
Conventions de prestations de services - Les dispositions nouvelles de l'article L. 5111-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9114INU) entérinent la possibilité de conventions de prestations de services entre les collectivités territoriales, ainsi que leurs groupements. La loi précise qu'elles sont exemptes des obligations de publicité de mise en concurrence lorsqu'elles portent sur des services non économiques d'intérêt général au sens du droit communautaire. Cette exemption s'applique aussi dans les autres cas, quand elles portent sur l'exercice en commun d'une compétence, ce qui rejoint les exemptions admises par la Cour de justice de l'union européenne au titre de convention de coopération, ou quand elles concernent un service mutualisé dans un syndicat mixte créé à cette fin. A ce titre d'ailleurs, les nouvelles dispositions de l'article L. 5111-1-1 établissent la possibilité de créer des syndicats mixte entre les départements et les régions, leurs établissements publics et les syndicats mixtes ouverts pour se doter d'un service unifié ayant pour objet d'assurer en commun des services fonctionnels.
Selon ces mêmes dispositions, en cas de conventions portant sur l'exercice commun d'une compétence, celle-ci doit prévoir, soit la mise à disposition au profit de l'un des signataires à la convention, soit le regroupement au sein d'un service unifié relevant d'un seul des signataires. Dans ce dernier cas, la convention doit prévoir, également, le remboursement des dépenses engagées.
L'unification des ressources financières
La dotation globale de fonctionnement - En ce qui concerne le volet financier, les dispositions du nouvel article L. 5211-28-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9147IN4) prévoient la possibilité pour l'EPCI à fiscalité propre de percevoir au lieu et place de ses communes membres le montant de leur dotation globale de fonctionnement (DGF) sur délibération concordantes de chacune des parties. Dans ce cas, il y a l'obligation d'une dotation de reversement allouée annuellement à chacune des communes selon un montant fixé par l'organe délibérant de l'EPCI à la majorité qualifiée en tenant compte, prioritairement, de l'écart entre revenu par habitant de commune et le revenu moyen par habitant de l'EPCI, ainsi que de l'insuffisance de potentiel fiscal par habitant de la commune au regard du potentiel fiscal communal moyen par habitant sur le territoire de l'EPCI.
Les taxes locales - Par ailleurs, l'article 72 de la loi, codifié à l'article L. 5211-28-3 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9148IN7), permet d'unifier la fiscalité directe. L'EPCI à fiscalité propre et ses communes membres peuvent décider, sur délibérations concordantes de chacun, de procéder à l'unification de l'un ou de plusieurs des impôts directs constitués de la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Pour ce faire, la loi prévoit que, lorsque l'unification est décidée, le taux voté par l'organe délibérant de l'EPCI l'est dans la même limite que le taux voté par les communes membres. Une particularité est prévue pour ce qui concerne la taxe d'habitation qui, lors de la première année d'unification, voit son taux plafonné dans la limite du taux moyen harmonisé des communes membres constaté l'année précédente. Dans un souci de lissage progressif, la loi prévoit que le taux de la taxe applicable dans chaque commune membre doit être rapproché du taux de l'EPCI jusqu'à l'instauration d'un taux unique.
IV - La clarification des compétences des collectivités territoriales
A - La redéfinition des compétences
La spécialisation des compétences - L'article 73 de la loi modifie les articles L. 3211-1 (N° Lexbase : L9225INY) et L. 4221-1 (N° Lexbase : L9224INX) du Code général des collectivités territoriales en supprimant la clause générale de compétence des départements et des régions au profit d'un principe de spécialisation. Désormais, ces collectivités territoriales ne peuvent intervenir, en principe, que dans les matières que la loi leur attribue afin d'éviter des chevauchements d'intervention. Ces conditions d'intervention gagnent sans doute en clarté, même si les limites de chaque domaine d'intervention ne sont pas toujours aisées à déterminer. Mais elles perdent aussi en souplesse en limitant les partenariats qui pouvaient être utilement noués au cas par cas selon les contextes territoriaux, entre les collectivités. A ce titre, la loi prévoit des aménagements pouvant atténuer largement ce principe de spécialisation. Ainsi, ces collectivités territoriales sont expressément habilitées à intervenir en dehors des compétences spéciales qui leurs sont attribuées, par délibération motivée, sur tout objet les intéressants pour lesquels "la loi n'a donné compétence à aucune autre personne publique" et faut-il ajouter, dans le respect des conditions qui limitent classiquement les possibilités d'intervention des collectivités publiques, notamment dans le domaine économique.
Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 1111-4 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9279INY) sont modifiées avec l'affirmation d'un principe de compétence exclusive pour toute matière attribuée par la loi aux collectivités territoriales avec, néanmoins, la possibilité "à titre exceptionnel" de partager une compétence que la loi prévoit. La loi du 16 décembre 2010 prévoit, d'ores et déjà, que les compétences en matière de tourisme, de culture et de sports sont partagées entre les communes, les départements et les régions. Pour autant, la loi ne définit pas les conditions de partage de ces compétences.
La délégation de compétences - En contrepoint du principe de spécialité de compétences, la loi opère une avancée notable dans la mesure où, si une compétence exclusive interdit l'intervention d'une autre collectivité territoriale, les nouvelles dispositions de l'article L. 1111-8 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9226INZ) donnent la possibilité à une collectivité territoriale de déléguer à une collectivité territoriale relevant d'une autre catégorie, ou à un EPCI à fiscalité propre, une compétence dont elle est attributaire. Cette délégation peut porter sur une compétence exclusive ou partagée. Le délégataire agit alors "au nom et pour le compte" du délégant, ce qui s'apparente à un mandat. Pour satisfaire aux exigences du Conseil constitutionnel qui avaient pu être manifestées sur ce type de dispositions, il est prévu qu'une convention fixe la durée, les objectifs et les modalités de contrôle de cette délégation selon des modalités restant à préciser par décret. La loi ne fait pas allusion à d'éventuelles obligations de publicité et de mise en concurrence, en raison, sans doute, de l'objet de ces conventions qui portent sur l'exercice de compétences publiques et du fait que le délégataire ne peut pas a priori être considéré comme un opérateur agissant sur un marché concurrentiel. Pour autant, il conviendra de rester prudent sur ce point et de veiller, en tous cas, à ne pas dénaturer le contenu de ces conventions.
Dispositions transitoires - L'article 73-VII prévoit des dispositions transitoires puisque ces nouvelles règles de spécialisation et de délégation de compétences n'entreront en vigueur qu'au 1er janvier 2015. Par ailleurs, il est prévu une évaluation du dispositif au bout de trois ans.
Schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services - L'article 75 de la loi, codifié à l'article L. 1111-9 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9200IN3), prévoit l'adoption d'un schéma entre la région et les départements dans les six mois qui suivent l'élection des conseillers territoriaux, afin de fixer les délégations de compétences, l'organisation des interventions financières et de mutualisation des services, ceci en vue de rationaliser et de clarifier les interventions publiques.
Ce schéma porte au moins sur les compétences en matière de développement économique, de formation professionnelle de collège et lycées, de transports, de voiries et réseaux, d'aménagements des territoires ruraux et d'action environnementale. La métropole est obligatoirement consultée sur ce schéma. Ce schéma qui doit être approuvé par les assemblées délibérantes est mis en oeuvre dans le cadre de conventions.
B - Les financements croisés
Règles propres aux départements et aux régions - La "réorganisation" des compétences des départements et des régions n'est pas accompagnée par une réallocation directe par la loi des ressources financières au profit des communes et de leurs groupements. Par suite, la loi maintient, nonobstant le principe de compétence exclusive, la possibilité pour les départements de participer au financement des opérations sous maîtrise d'ouvrage des communes et de leurs groupements à travers les nouvelles dispositions de l'article L. 1111-10 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9201IN4). Pour la région, la possibilité de participer au financement des opérations d'intérêt régional des départements, des communes et de leurs groupements, ainsi que des groupements d'intérêt public est également prévue, selon ces nouvelles dispositions.
Dispositions générales - Ces dispositions prévoient aussi, pour toutes les collectivités territoriales et leurs groupements, un principe général de participation minimale du maître d'ouvrage au financement d'une opération d'investissement d'un montant de 20 % (sauf exception concernant, notamment, le programme nationale de rénovation urbaine et réparation des dégâts causés par les calamités publiques). Ce plafond s'apprécie au regard du montant total des financements publics, ce qui reste peu restrictif par rapport aux montages contractuels complexes tels que, notamment, les concessions d'aménagements ou les délégations de service public correspondant à des projets initiés par les collectivités et pouvant intégrer des financements publics, mais dans lesquels celles-ci n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage.
Par ailleurs, ces dispositions prévoient que les collectivités territoriales peuvent financer toute opération figurant dans les contrats de projets Etat-région et toute opération dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'Etat ou des établissements publics, y compris en l'absence de schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services.
Dispositions transitoires - Selon les dispositions de l'article 76-II, ces principes financiers entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2015, selon les dispositions nouvelles de l'article L. 1611-8 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9202IN7), à défaut d'adoption d'un schéma d'organisation des compétences et de la mutualisation des services dans la région, aucun projet ne peut bénéficier d'un cumul de subventions accordé par un département et par une région, sauf pour les communes de moins de 3 500 habitants ou un EPCI de moins de 50 000 habitants, et sauf, également, pour les subventions de fonctionnement liées à la culture, au sport et au tourisme.
Transparence financière - Enfin, dans un souci de transparence financière, les délibérations des départements et des régions allouant une subvention à un projet public local doivent s'accompagner d'un état récapitulatif des subventions attribuées par les collectivités territoriales. Selon les dispositions de l'article 78, ces principes entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
C- Les transferts de compétences en matière de ZAE et de ZAC
Dans ses dispositions terminales, la loi modifie discrètement les règles de l'article L. 5211-18 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9119IN3) liées aux conditions financières et patrimoniales de transferts de compétences en matières de zones d'activité économique (ZAE), en prévoyant, désormais, une simple faculté de transfert en pleine propriété des biens correspondant, avec une délibération sur les conditions patrimoniales et financières devant intervenir dans un délai souple d'un an après la décision de transfert (article 89 de la loi).
Parallèlement, les dispositions de l'article 90 de la loi valident de manière opportuniste les illégalités qui auraient pu entacher les transferts opérés au profit de certains EPCI en matière de ZAE et de zones d'aménagement concerté, sous réserve de décision de justice passée en force de chose jugée.
V - Conclusion
Même si certains points ont été revus à la baisse, la loi de réforme des collectivités territoriales offre indéniablement les outils pour créer et renforcer des EPCI à fiscalité propre très intégrés (métropoles aux compétences étendues, y compris dans les domaines des département et des régions, pôles métropolitains, rabaissement des seuils démographiques des communautés d'agglomération, participation des élus aux commission des EPCI, mutualisation des moyens en personnels, matériels, unification des ressources financières, transfert des pouvoirs de police spéciaux.). Ce renforcement, y compris d'un point de vue démocratique puisque les élus proviendront désormais directement du suffrage universel, reflète la volonté du législateur d'accompagner l'essor sans cesse croissant des institutions intercommunales dans la gestion et le développement des territoires.
Sur ce point, l'établissement obligatoire à brève échéance des SDCI est un élément central de la réforme de l'intercommunalité offrant au préfet la possibilité de "redistribuer" la carte actuelle de l'intercommunalité, en créant, modifiant, étendant, et fusionnant les établissements publics de coopération, dans le but de couvrir intégralement le territoire et ce, de façon plus rationnelle. Dans ce processus, le rôle de la CDCI est important et il est à souhaiter que ces deux acteurs travaillent en bonne intelligence afin de donner à la loi toute sa portée. Si le préfet a légalement le dernier mot, il n'en reste pas moins qu'il faudra un volontarisme politique fort afin que la loi ne soit vidée de sa substance quant à ces aspects et que les objectifs de renforcement et de rationalisation de l'intercommunalité, qui ne se conjuguent pas toujours avec une simplification, puissent être atteints.
Ce chantier de l'intercommunalité renvoie aux enjeux plus vastes d'une meilleure organisation administrative décentralisée, notamment en allégeant "le mille-feuille territorial" et en limitant les chevauchements. Pour ce qui concerne les départements, on se souvient de la volonté récurrente et discutée de les faire disparaître. De ce point de vue, le "foisonnement électif" lié à la création, controversée, des conseillers territoriaux qui siègent à fois dans les départements et dans la région peut être une première étape d'unification des institutions, même si cela n'est pas clairement explicité. La possibilité, certes sur la base du volontariat, de remodelage des territoires voire des institutions entre les régions et les départements démontre que, si rien n'est imposé, la loi permet, également, aux collectivités de sortir du cadre actuel pour évoluer vers une organisation mieux adaptée à leurs réalités. La suppression de la clause générale de compétences des régions et des départements, le principe d'exclusivité attaché aux compétences attribuées aux différentes collectivités, expriment aussi la volonté d'orienter les interventions de celles-ci vers une plus stricte complémentarité.
Le caractère cependant inachevé de ce processus, en dépit des efforts évidents de régulation, laisse, d'ores et déjà, présager le besoin de nouvelles réformes.
(1) Loi n° 95-115 du 4 février 1995, d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (N° Lexbase : L8737AGP).
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Réf. : Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ)
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par Laurent Ducroux et Stéphane Lesueur -Avocats Associés- DL Avocats (Montpellier)
Le 17 Janvier 2011
- la rénovation de l'exercice de la démocratie locale avec la création des fameux conseillers territoriaux appelés à siéger à la fois dans les départements et dans les régions et la consécration, enfin, de l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires ;
- l'adaptation des structures à la diversité des territoires la création attendue mais en deçà de certaines attentes des métropoles, l'instauration des pôles métropolitains et des communes nouvelles, ainsi que les possibilités de regroupement et modifications des départements et des régions ;
- le développement et la simplification de l'intercommunalité avec les possibilités de transformation des syndicats de villes nouvelles, l'achèvement et la rationalisation de la carte de l'intercommunalité à travers un nouveau schéma départemental obligatoire de coopération intercommunale, un renforcement de l'intercommunalité à travers le transfert de certains pouvoirs de police, les possibilités de mutualisation, de mise à disposition et de prestations de services entre personnes publiques, l'unification de la dotation globale de fonctionnement et des grandes taxes locales ;
- la clarification des compétences des collectivités territoriales avec la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions, l'encadrement de leurs possibilités de financement des projets communaux et intercommunaux, les nouvelles règles de coopération entre collectivités, la faculté de délégation de compétences entre collectivités territoriales.
Par ailleurs, il est à noter que la loi habilite le Gouvernement à adapter certaines de ses dispositions par voie d'ordonnances pour les départements et régions d'outre-mer.
I - La rénovation de l'exercice de la démocratie locale
A - L'instauration des nouveaux conseillers territoriaux
Issue directement des propositions du comité "Balladur", la création, controversée, des conseillers territoriaux, est certainement l'un des points clés de la réforme. Cette disposition, qui consacre le maintien des départements et ne remet pas en cause la dualité département/région et l'autonomie de chaque collectivité territoriale, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 2010, permet, néanmoins, de réduire le nombre d'élus locaux (environ 3 500 au lieu de 6 000 selon les sources de la direction générale des collectivités locales (DGCL)). Elle doit aussi permettre aux élus, selon les promoteurs de la loi, d'avoir une vision à la fois de proximité au niveau départemental et plus stratégique au niveau régional.
Elus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, sur la base des cantons qui doivent du reste être redéfinis, les conseillers territoriaux assureront donc une double fonction représentative au sein des conseils généraux et régionaux (article 1er de la loi). Ils seront renouvelés intégralement tous les six ans, mettant ainsi fin au renouvellement triennal qui prévalait jusqu'alors pour les départements. Ce nouveau mode de désignation doit intervenir pour la première fois en 2014 ce qui impliquait d'harmoniser le terme des mandats actuels, ce qui a été fait à travers la loi du 16 février 2010, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (7).
Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif, hormis la répartition démographique des conseillers territoriaux dans chaque département compte tenu des écarts de représentation de population de certains départements au sein des régions "dans une mesure manifestement disproportionnée". Cette décision implique qu'une nouvelle loi soit prochainement débattue par le Parlement afin de définir une nouvelle répartition du nombre des conseillers territoriaux. Parallèlement, il est à noter que les dispositions de l'article 81 de la loi modifient le régime de l'aide publique aux partis et groupements politiques avec une fraction accordée en fonction des résultats aux élections des conseillers territoriaux et assimilés en intégrant l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
B - L'élection des conseillers communautaires
Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (nouvelles métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes) qui assurent un rôle essentiel dans la vie locale vont désormais trouver une nouvelle légitimité à travers la désignation des délégués au sein de leur organe délibérant par le biais du suffrage universel direct.
Ce dispositif, issu d'une nouvelle rédaction de l'article L. 5211-6 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1925GUT) (article 8 de la loi), avait déjà évoqué à la suite de la loi "Chevènement", notamment dans le cadre du projet de loi relatif à la démocratie de proximité de 2002, mais avait subi des atermoiements. Il demeurait, néanmoins, incontournable compte tenu de la montée en puissance des intercommunalités dans le paysage institutionnel français. Il se trouve donc consacré par la loi du 16 décembre 2010 et sera mis en oeuvre dès les prochaines élections de 2014 (article 83 de la loi).
Plusieurs aménagements ont été édictés. En premier lieu, cette désignation va intervenir dans le cadre de l'élection municipale. Ainsi que l'énonce la brochure rédigée par la DGCL (La réforme des collectivités territoriales : une nouvelle impulsion pour les territoires) : "L'élection au suffrage universel direct des conseillers intercommunaux se fera par un système de 'fléchage', et ce dès les élections municipales de 2014. Il s'agit bien de conforter la légitimité des communes et non de créer une légitimité concurrente, ce qui aurait été le cas si le principe d'une élection autonome avait été retenu". Cette disposition vise cependant les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste, ce qui devra être combiné avec les dispositions du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale qui prévoit, en l'état actuel, d'abaisser ce seuil jusqu'aux communes de 500 habitants. Dans les communes de moins de 500 habitants, la désignation des délégués procédera directement du conseil municipal.
Par ailleurs, la loi prévoit, pour les communes membres d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté de communes ne disposant que d'un délégué, la désignation obligatoire d'un suppléant avec voix délibérative en cas d'absence du titulaire, s'il n'a pas donné de procuration, ce qui participe à l'évidence d'une bonne administration. En cas de scrutin de liste, ce suppléant doit être de sexe différent du titulaire.
Pour les EPCI sans fiscalité propre, les règles actuelles demeurent avec la désignation de délégués par les conseils municipaux des communes membres, dans les conditions fixées à l'article L. 2122-7 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1318IEK). Ce principe créé, ainsi, un système "à deux vitesses" qui témoigne de la prévalence des formes de coopération intercommunale intégrées (article 8 de la loi). Pour des raisons pratiques, ce système de désignation s'applique aussi aux EPCI à fiscalité propre créés ou étendus entre deux renouvellements généraux de conseillers municipaux avec des adaptations (article 9-VII de la loi).
C - La nouvelle composition des organes délibérants des EPCI
L'article 9 affirme, tout d'abord, un principe général de représentation des territoires sur une base démographique. Il encadre ensuite les conditions de détermination du nombre et la répartition des sièges au sein des EPCI à travers les deux nouveaux articles L. 5211-6-1 (N° Lexbase : L9104INI) et L. 5211-6-2 (N° Lexbase : L9103INH) du Code général des collectivités territoriales. Ces dispositions ne font pas préjudice des dispositions spécifiques applicables aux syndicats de communes et, par extension, aux syndicats mixtes "fermés". Elles prévoient tout d'abord, pour les communautés de communes et d'agglomération, que le nombre et la répartition des sièges sont décidés à la majorité qualifiée des communes intéressés dans le respect de certains principes, notamment d'un nombre maximal de sièges fixé par la loi, de l'obligation pour chaque commune de disposer d'au moins un siège et pour aucune de disposer de plus de la moitié, ce qui tend à limiter les risques d'exclusion et d'hégémonie. En l'absence d'accord, les dispositions applicables qui prévalent sont celles applicables aux communautés urbaines et aux nouvelles métropoles.
Pour celles-ci, la loi fixe directement le nombre de sièges variant par strate de population totale de l'établissement avec des possibilités d'ajustement. En ce qui concerne la répartition des sièges, la loi fixe un principe de représentation proportionnelle avec l'obligation pour chaque commune de disposer d'un siège. En revanche, les communes peuvent décider de fixer, pour une commune, un nombre de sièges supérieur à la moitié des sièges, sous certaines conditions, ce qui peut permettre dans certains cas de mieux correspondre aux réalités territoriales et d'assurer une gouvernance plus cohérente, mais au risque d'une hégémonie qui impliquera sans doute des contreparties.
Prenant acte de ces nouvelles règles définies directement par la loi, les statuts des EPCI n'ont plus à mentionner, notamment, les modalités de répartition des sièges et le nombre de sièges attribué à chaque commune membre, selon la nouvelle rédaction de l'article L. 5211-5-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9266INI).
Selon les dispositions de l'article 9-VII de la loi, les délibérations à intervenir pour fixer le nombre et la répartition des sièges devront être adoptées avant le 30 juin 2013, le préfet devant en prendre acte au plus tard le 30 septembre de la même année. En cas de création nouvelle d'un EPCI, ces délibérations s'effectuent en même temps que celles relatives au projet de périmètre. La loi précise aussi les conditions d'application de ces dispositions en cas d'extension, de transformation et de fusion des EPCI. Des aménagements pratiques sont prévus dans la période comprise entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux. Par ailleurs, les dispositions de l'article 83 de la loi prévoient que les nouvelles règles concernant la composition des organes des EPCI existants ou cours de constitution ne s'appliqueront qu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux.
D - La nouvelle composition des bureaux des EPCI
La composition des bureaux des EPCI est modifiée par une nouvelle rédaction de l'article L. 5211-10 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9265INH). La loi opère un plafonnement du nombre de vice-présidents fixé à 20 % de l'effectif total de l'organe délibérant avec un maximum de 15 vice-présidents, ce qui rend compte de la volonté de limiter les effectifs, le seuil étant jusqu'alors fixé à 30 %. Pour les petites communautés, la loi garantit un minimum de 4 vice-présidents.
II - L'adaptation des structures à la diversité des territoires
La loi du 16 décembre 2010 crée des nouvelles formes de coopération intercommunale qui permettront sans doute de mieux répondre aux enjeux de développement local et de coopération intercommunale. Mais au risque aussi d'une plus grande complexité, ces nouveaux EPCI venant s'ajouter au "mille-feuille territorial" décrié par les partisans de la simplification administrative.
A - Les métropoles
Définition
Sans remettre en cause l'existence des communautés urbaines, l'article 12 de la loi introduit un nouvel article L. 5217-1 dans le Code général des collectivités territoriales ([LXB=L9169INW ]) ayant pour objet de créer des grandes agglomérations rayonnant à l'échelle européenne, les métropoles, destinées à "améliorer la compétitivité et la cohésion" des territoires concernés. Ce dispositif ne s'applique pas à la région d'Ile-de-France qui est régie à travers la constitution du Grand Paris. Les métropoles constituent une nouvelle catégorie d'EPCI à fiscalité propre regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave et qui s'associent pour élaborer et conduire ensemble "un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire".
La condition de continuité territoriale n'est, cependant, pas exigée pour la création d'une métropole dont le périmètre intègre celui d'une communauté d'agglomération créée avant le 1er janvier 2000 et ayant déjà bénéficié de dispositions dérogatoires à ce titre. De manière incitative, les dispositions de l'article 16 de la loi prévoient aussi la possibilité de constituer une métropole comportant une enclave ou une discontinuité territoriale pendant un délai de un an à compter de la publication de la loi, et à condition que l'ensemble des communes soit déjà membres d'un EPCI à fiscalité propre.
La métropole doit être constituée sur un territoire d'un minimum de 500 000 habitants (sauf pour les anciennes communautés urbaines créées par la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 (8)). Ce seuil relativement haut limite de ce fait le nombre de territoires susceptibles d'être concernés, ce que d'aucun considère comme un manque pour les grandes agglomérations qui n'ont pas encore atteint ce seuil, mais incite aussi à élargir la base territoriale des EPCI existants pour bénéficier de ce statut. La création de la métropole n'est en principe pas obligatoire. Elle est créée soit ex nihilo, soit dans le cadre d'une transformation d'un EPCI à fiscalité propre, avec ou sans extension de périmètre, soit dans le cadre d'une fusion d'EPCI.
La création de la métropole peut être décidée par décret après consultation des départements et des régions et accord des conseillers municipaux des communes concernées dans les conditions prévues à l'article L. 5211-5 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9267INK). Une fois créée, la métropole se substitue aux EPCI inclus en totalité dans son périmètre dans des conditions définis à l'article L. 5217-5 du même code (N° Lexbase : L9165INR), ce qui constitue aussi une mesure de simplification administrative. Le régime juridique d'organisation et de fonctionnement emprunte ensuite, pour l'essentiel, aux règles des communautés urbaines avec des spécificités concernant notamment les règles budgétaires et comptables.
Compétences
Initialement, la métropole a été conçue comme une collectivité de plein exercice regroupant à la fois les compétences intercommunales et départementales. Aujourd'hui, même si la loi a revu ce statut à la baisse, elle consacre des évolutions significatives par rapport aux formules classiques de coopération intercommunale.
Au niveau du transfert des compétences communales, le régime de la métropole reste assez proche de celui de la communauté urbaine, avec quelques nuances. Elle s'appuie dans de nombreux cas sur la notion d'intérêt métropolitain.
La différence se situe donc surtout au niveau des compétences départementales, régionales et même étatiques que peut intégrer la métropole afin de conforter son rôle structurant dans l'évolution des principales aires urbaines du territoire national. En premier lieu, la métropole intègre de plein droit dans son périmètre au lieu et place du département les compétences de celui-ci en matière de transports scolaires, de voirie, de zones d'activités et de promotion économique à l'étranger et au lieu et place de la région cette dernière compétence.
En outre, et conventionnellement, sur demande de la métropole, celle-ci peut exercer dans son périmètre au lieu et place du département des compétences en matière, notamment d'actions sociales, d'investissement et de fonctionnement des collèges, de développement économique, d'action dans le domaine du tourisme, de la culture, et des équipement et infrastructures sportives. Il en est de même en ce qui concerne les compétences des régions en matière d'investissement et de fonctionnement des lycées et de développement économique. La loi prévoit que la convention doit être signée dans un délai de 18 mois à compter de la demande, sans pour autant régler explicitement l'hypothèse d'un désaccord faisant suite à la demande de la métropole, ce qui sera sujet à interprétation compte tenu de l'importance des enjeux.
En tout état de cause, cette prise de compétence sur le territoire des départements et de la région nécessitera sans doute une bonne gestion afin de définir des articulations adéquates entre les politiques territoriales qui seront conduites dans le même domaine, par les métropoles, les départements et les régions. Par ailleurs, sur demande de la métropole, l'Etat peut transférer par décret la responsabilité des grands équipements et infrastructures. Il s'agit là d'une simple faculté.
Moyens
L'article 12 de la loi règle dans le détail les conditions transfert des biens, droits et obligations et personnels lorsque la métropole exerce de plein droit ses compétences au lieu et place des collectivités concernées. Ces transferts s'inspirent du droit commun mais avec quelques aménagements concernant notamment le transfert patrimonial des biens et des droits, et des personnels et la détermination des délais correspondants. En ce qui concerne les personnels, il est prévu qu'aucun emploi territorial permanent ne peut être créé dans le délai de trois ans suivant le transfert de tout ou partie des services, à besoin constant.
Concernant le transfert des compétences des départements et de la région, les dispositions nouvelles des articles L. 5217-14 (N° Lexbase : L9156ING) et suivants du Code général des collectivités territoriales énoncent un principe de transfert par ses collectivités territoriales des ressources équivalentes aux dépenses effectuées à la date du transfert, au titre des compétences concernées, par une dotation de compensation versée annuellement. Le transfert des ressources, qui sera sans doute l'objet de discussions sensibles, fait l'objet d'une évaluation par une commission locale, étant précisé qu'à défaut d'accord de celle-ci la loi fixe directement les règles applicables pour la détermination du droit à compensation au profit de la métropole.
B - L'élargissement des communautés urbaines et des communautés d'agglomération
Les dispositions des articles 18 et 19 de la loi abaissent les seuils de création des communautés urbaines à 450 000 habitants et celui des communautés d'agglomération à 30 000 sous certaines conditions, notamment d'intégration d'un chef lieu de département. Ces dispositions procèdent, elles aussi, de la volonté de renforcement de l'intercommunalité qui inspire la loi.
C - Les nouveaux pôles métropolitains
Les dispositions de l'article 20 de la loi instaurent aux articles L. 5731-1 (N° Lexbase : L9222INU) et suivants du Code général des collectivités territoriales une nouvelle forme de coopération intercommunale, hors région d'Ile-de-France, dénommée "pôle métropolitain".
Absents du projet de loi initial, ces pôles métropolitains ont été conçus à l'initiative de parlementaires pour combler l'absence d'outils de renforcement de la coopération intercommunale sur les territoires n'atteignant pas le seuil de la métropole et pour favoriser la coopération entre des grands pôles urbains déjà constitués. Ils demeurent facultatifs et reposent donc sur le volontariat. Ils ne peuvent, cependant, être créés que sur un territoire de plus de 300 000 habitants comportant un EPCI de plus de 150 000 habitants, sauf dérogation pour les pôles limitrophes d'un Etat étranger. Hormis ce dernier cas, la loi ne prévoit pas de conditions tenant à la continuité territoriale entre les EPCI membres, ce qui tend à favoriser la mise en oeuvre de dispositifs collaboratifs multipolaires au sein des aires urbaines concernées.
Ces pôles métropolitains prennent la forme de syndicats mixtes. Ils sont composés exclusivement d'EPCI à fiscalité propre et se superposent donc à ces derniers, ce qui ne simplifie pas évidemment l'organisation administrative. Ils sont créés sur la base d'un accord entre les EPCI concernés en vue "d'actions d'intérêt métropolitain en matière de développement économique, de promotion de l'innovation, de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la culture, d'aménagement de l'espace par la coordination des SCOT correspondant à leur territoire et de développement de structures et de services de transports". Dans ce cadre, ils peuvent se voir transférer des compétences dans des domaines d'intérêt métropolitain, par délibérations concordantes de chaque EPCI, étant précisé que la loi ne prévoit directement aucune consultation des communes membres des EPCI constituant le pôle métropolitain. Ils fonctionnent selon les règles des syndicats mixtes fermés visées à l'article L. 5711-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1911GUC), hormis la répartition des sièges des assemblées délibérantes qui doivent tenir compte du poids démographique de chacun de membres selon les règles fixées dans le statuts, étant précisé que chaque membre doit disposer d'un siège et qu'aucun ne peut disposer de plus de la moitié.
D - Les communes nouvelles
Création
L'article 21 de la loi rénove l'ancien régime de fusion des communes issue de la loi "Marcellin" (9) par la possibilité de création de communes nouvelles regroupant et se substituant à des communes contiguës et, le cas échéant, se substituant à l'EPCI dont elles forment le périmètre.
Le régime des communes nouvelles défini par les articles L. 2113-1 (N° Lexbase : L9191INQ) et suivants du Code général des collectivités territoriales prévoit, tout d'abord, une procédure de création par arrêté préfectoral résultant de la demande, soit de tous les conseils municipaux concernés, soit de leur majorité qualifiée, soit de l'organe délibérant d'un EPCI à fiscalité propre (pour qu'elle se substitue à celui-ci, mais la création nécessite alors l'accord à la majorité qualifiée des communes concernées), soit du préfet dans le département (sous condition là encore, pour la création de la commune nouvelle, d'un accord à la majorité qualifiée des communes intéressées). Il est à noter qu'en l'absence de demande concordante de l'ensemble des conseils municipaux, il est, également, nécessaire de procéder à la consultation des électeurs, lesquelles doivent participer et donner leur accord, dans chaque commune, dans des conditions de majorité définies par la loi. La création d'une commune nouvelle demeure donc subordonnée à un accord notamment de chaque commune concernée.
Lorsque la commune nouvelle est instaurée en lieu et place de communes appartenant à un même EPCI à fiscalité propre, sa création emporte suppression de cet EPCI. Par ailleurs, selon des mécanismes classiques propres à assurer la continuité administrative, la loi prévoit que cette création emporte reprise par la commune nouvelle des biens, des actes, des personnels, des droits et obligations de l'EPCI supprimé et des communes dont elle est issue. Dans l'hypothèse où une commune nouvelle est issue de communes membres d'EPCI à fiscalité propre distincts, son organe délibérant doit définir dans le mois de sa création celui auquel elle souhaite être rattachée. Si le représentant de l'Etat est en désaccord, la commission interdépartementale de coopération intercommunale (CDCI) doit donner son accord à la majorité qualifiée, à défaut de quoi c'est la solution du préfet qui s'applique. Cette règle ne s'applique, cependant, pas si l'une des anciennes communes est membres d'une communauté urbaine ou d'une métropole car dans ce cas, le rattachement se fait obligatoirement à celle-ci.
A titre transitoire, jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux, le préfet fixe directement la composition du conseil municipal de la commune nouvelle dans les conditions définies par la loi à partir des membres des anciens conseils municipaux et dans le respect d'un principe de représentation proportionnelle au nombre des électeurs inscrits.
Par ailleurs, il est prévu que l'adhésion de la commune nouvelle à un EPCI à fiscalité propre peut intervenir à compter du 1er janvier de la deuxième année suivant sa création quand elle réunit toutes les communes membres d'EPCI, ou qu'elle a été créée à partir de toutes les communes membres d'un EPCI et de communes non membres d'un EPCI.
Organisation et fonctionnement
La commune nouvelle a seule la qualité de collectivité territoriale. Elle est soumise au même régime que les communes. Elle bénéficie de la fiscalité communale et perçoit les différentes parts de dotations forfaitaires des communes et de leurs dotations de péréquation. Selon les dispositions de l'article L. 2214-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9195INU), elle conserve le bénéfice du régime de la police d'Etat dans le cas où il s'appliquait à, au moins, une des anciennes communes.
Concernant son organisation, la loi prévoit, sauf délibération contraire, l'instauration dans les six mois de sa création de communes déléguées correspondant aux anciennes communes, dotées de mairies annexes et d'un maire délégué qui assure les fonctions d'officier d'état civil et d'officier de police judiciaire, et qui peut être chargé de l'exécution des lois et règlements de police et recevoir délégation du maire de la commune nouvelle. Le conseil municipal de la commune nouvelle peut décider à la majorité qualifiée de ses membres la création de conseils délégués dans une ou plusieurs communes déléguées. Il peut, également, désigner parmi ses membres un ou plusieurs adjoints au maire délégués dans les limites fixées par la loi. Le maire et les adjoints délégués disposent de prérogatives semblables à celles des maires et conseils d'arrondissement applicables aux villes de Paris, Lyon, Marseille.
Parallèlement, le régime ancien des communes associées continue à s'appliquer aux communes qui ont fusionné sur la base de ce dernier, sauf décision de leur organe délibérant de se voir appliquer le nouveau régime d'organisation et de fonctionnement des communes nouvelles. Par ailleurs, jusqu'au 31 décembre 2011, le retour à l'autonomie des commune associée peut être prononcé sous certaines conditions, par le préfet du département après consultation des électeurs concernés, dans le cadre de l'appartenance à un EPCI à fiscalité propre (article 25 de la loi).
E - La possibilité d'évolution des départements et des régions
Faisant suite à la revendication de certains élus, la loi prévoit la possibilité de regroupement et de modification des limites territoriales des départements et des régions.
En premier lieu, la loi instaure ainsi une possibilité de regroupement de plusieurs départements formant un territoire d'un seul tenant dans les conditions fixées par l'article L. 3114-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9109INP). Ce regroupement est sollicité par délibérations concordantes des conseils généraux avec le cas échéant consultation du comité de massif visé par la "loi montagne" du 9 janvier 1985 (10). Pour favoriser le débat à ce titre, la loi prévoit que cette demande de regroupement peut être inscrite à l'ordre du jour des assemblées à l'initiative d'une part minoritaire de ses membres. Le projet de regroupement est soumis au vote des électeurs et le projet ne peut trouver d'issue favorable que s'il recueille dans chaque département concerné, l'accord de la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant au moins au quart des électeurs inscrits. Le regroupement est alors décidé par décret en Conseil d'Etat. Dans des conditions similaires, les dispositions de l'article L. 4123-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9111INR) donnent, également, la possibilité à plusieurs régions formant un territoire d'un seul tenant sans enclave de se regrouper.
De manière analogue, les dispositions de l'article L. 4122-1 (N° Lexbase : L8229AAZ) donnent la possibilité à un département et à deux régions contiguës de solliciter une modification des limites régionales visant à inclure le département dans une région qui lui est limitrophe. Les dispositions de l'article L. 4124-1 du même code (N° Lexbase : L9112INS) prévoient, également, la possibilité de fusion en une collectivité unique d'une région et des départements qui la composent. Le sort du projet de fusion dépend alors du choix des électeurs de chacun des départements concernés et la fusion ne peut être décidée que par la loi.
Nous vous invitons à poursuivre l'étude de la loi de réforme des collectivités territoriales en découvrant une seconde partie qui se penchera, notamment, sur l'achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale d'ici à juin 2013 et sur la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions en 2015 (lire N° Lexbase : N0482BRB).
(1) Loi n° 82-213 du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (N° Lexbase : L7770AIM).
(2) Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat (N° Lexbase : L4726AQ4).
(3) Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (N° Lexbase : L1827ASH).
(4) Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République (N° Lexbase : L8035BB9).
(5) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4).
(6) Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ).
(7) Loi n° 2010-145 du 16 février 2010, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (N° Lexbase : L5725IG7).
(8) Loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966, relative aux communautés urbaines (N° Lexbase : L1057IPT).
(9) Loi n° 71-588 du 16 juillet 1971, sur les fusions et regroupements de communes (N° Lexbase : L8745IEM).
(10) Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne (N° Lexbase : L7612AGZ).
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 17 Janvier 2011
Nicolas Becquevort : Ce texte représente l'aboutissement du chantier prioritaire lancé en 2008 par le chef de l'Etat. Ce processus avait, notamment, pour objectif la simplification de l'échelon local composé alors des communes, des intercommunalités, des départements et des régions. Une fois la loi promulguée, il n'est pas certain que cet objectif soit véritablement atteint. En effet, le texte a, certes, modifié l'architecture institutionnelle locale, mais sa simplification n'est pas flagrante.
En premier lieu, et contre toute attente, la région et le département sont maintenus. Par ailleurs, trois nouveaux échelons sont créés : la métropole, le pôle métropolitain et la commune nouvelle. Ainsi, même si on relève le "gel" de la création de pays, largement anecdotique, la cartographie de l'intercommunalité semble ressortir de la réforme plus complexe qu'elle ne l'était auparavant. Il est, certes, prévu la simplification de la procédure de fusion des communes et des communautés de communes, ainsi que la possibilité pour des régions ou des départements de fusionner entre eux, voire, pour une région, de fusionner avec les départements qui la composent en une collectivité territoriale unique.
Toutefois, il est à craindre que la fusion des régions et des départements reste lettre morte, dans la mesure où elle repose principalement sur la volonté des collectivités concernées. Or, on a pu constater l'opposition, y compris dans les rangs de la majorité, à la création du conseiller territorial unique, qui ne présage rien de bon quant à cette fusion. On connaît, par ailleurs, l'attachement de la population à son département et à sa région, qui s'est notamment exprimée, très prosaïquement, lors du changement de numérotation des plaques d'immatriculation des véhicules.
Il est fort à craindre que dans la période électorale qui s'ouvre, qui débutera par les élections cantonales en 2011 et qui s'achèvera par le renouvellement des conseils municipaux en 2014, aucune démarche de ce type ne soit entreprise.
Lexbase : La création de trois nouveaux échelons (métropoles, pôles métropolitains, communes nouvelles) n'est-elle pas susceptible de complexifier encore un peu plus le "mille-feuille territorial" ?
Nicolas Becquevort : Nous l'avons dit, le dispositif mis en place par la réforme n'est pas, loin s'en faut, de nature à simplifier la cartographie des collectivités territoriales, du fait de la création de trois nouvelles catégories de collectivités et du caractère très hypothétique de la fusion des départements et des régions.
Certaines dispositions oeuvrent, toutefois, dans le bon sens. Ainsi, les règles en matière de regroupement des collectivités sont assouplies, ce qui devrait permettre, à terme, la réduction du nombre de celles-ci, à défaut d'en réduire les catégories. Nous ne reviendrons pas sur les fusions de départements et de régions, dont nous doutons de la mise en oeuvre effective. S'agissant des fusions de communes, le dispositif est réformé, avec la création de la commune nouvelle.
Si le dispositif est d'apparence plus complexe, il présente le mérite d'être précisément encadré, ce qui n'était pas le cas auparavant. Une commune nouvelle peut donc être créée à l'initiative, soit des conseils municipaux intéressés, soit de l'organe délibérant d'un EPCI à fiscalité propre, soit du représentant de l'Etat dans le département. Lorsque la création de la commune nouvelle résulte de délibérations concordantes des conseils municipaux de toutes les communes concernées, le recours au référendum n'est pas nécessaire, ce qui allège considérablement la procédure. Lorsque l'initiative de la création provient de l'EPCI en vue de la création d'une commune nouvelle en lieu et place de toutes ses communes membres, la création de la commune nouvelle emportera la dissolution de l'EPCI et le transfert de tous ses biens, droits et obligations.
S'agissant des créations, extensions et fusions de communauté de communes et de communauté d'agglomération, la loi modifie les règles de majorité du régime de droit commun, et prévoit un régime dérogatoire. Sans entrer dans les détails de ces dispositions complexes, qu'il nous suffise de dire ici que les conditions de majorité, notamment quant aux seuils de populations, sont assouplies pour la création des communautés d'agglomération.
En ce qui concerne la fusion des communautés, si les conditions de majorité des conseils municipaux ne changent pas, on note la disparition de l'accord des organes délibérants des établissements publics, qui ne sont plus consultés que pour avis. Les articles 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010 prévoient également un régime dérogatoire, désigné comme des "dispositifs temporaires d'achèvement et de rationalisation de l'intercommunalité".
Aux termes de ces dispositions, qui dérogent donc aux règles de droit commun susvisées, la création, l'extension et la fusion de communautés peuvent être mises en oeuvre par le préfet dans des conditions passablement autoritaires, qui prévoient, notamment, une majorité simplifiée. Il n'est donc pas certain, au final, que le système en ressorte simplifié, du moins temporairement du fait de l'existence de ce régime transitoire. En revanche, à défaut de simplification, il est permis de se réjouir d'une certaine clarification.
A de nombreux égards, en effet, les dispositions issues de la loi du 16 décembre 2010 permettent de percevoir plus aisément les compétences respectives de chacune des collectivités territoriales. Ainsi, et en premier lieu, la loi propose une définition qui se veut plus précise des notions d'EPCI et de groupement de collectivités territoriales. Désormais, forment la catégorie des groupements de collectivités territoriales : les EPCI et les syndicats mixtes fermes, ainsi que ceux associant exclusivement des communes, des départements et des régions, les pôles métropolitains, les agences départementales, les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes interrégionales.
S'agissant des EPCI, la liste en est donnée par le nouvel article L. 5210-1-1 A du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9113INT) qui dispose que "forment la catégorie des établissements publics de coopération intercommunale les syndicats de communes, les communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d'agglomération, les syndicats d'agglomération nouvelle et les métropoles".
Il en va également, et en deuxième lieu, de la précision concernant les compétences des départements et des régions. Désormais, les compétences attribuées par la loi à une catégorie de collectivités territoriales le sont à titre exclusif, hormis pour certaines compétences comme le tourisme, le sport ou la culture, en raison de leur nature spécifique. S'agissant des départements et des régions, ceux-ci n'auront plus que des compétences spécialisées, seule les communes conservant des compétences générales.
En troisième lieu, cette exclusivité des compétences s'accompagne d'un dispositif de plus en plus contraignant au fil du temps, visant à couvrir l'ensemble du territoire par des structures intercommunales. Ainsi, puisqu'il ne devrait plus exister, à terme, aucune commune isolée, et puisque les compétences de chaque structure intercommunale seront précisément définies, il devrait être beaucoup plus aisé de distinguer la collectivité compétente, ou responsable, selon l'action administrative mise en oeuvre.
En résumé, si la loi consacre bien la création de deux échelons supplémentaires, la commune nouvelle n'étant que le résultat d'une fusion de communes avec, cependant, la possibilité de créer des communes déléguées, elle prévoit tout de même divers mécanismes tendant à la réduction du nombre de collectivités territoriales et à la clarification de leurs compétences respectives.
Lexbase : L'instauration du conseiller territorial peut-elle véritablement apporter une plus-value dans la complémentarité entre départements et régions ?
Nicolas Becquevort : Le conseiller territorial est un élu qui, à compter de mars 2014, siègera tant à l'échelon du département que de la région. A notre sens, l'instauration de ce conseiller territorial peut véritablement apporter une plus-value dans la complémentarité entre départements et régions. En effet, outre de réduire le nombre de conseillers et donc les dépenses publiques, l'instauration de ce nouveau personnage permettra de sensibiliser les élus sur les problématiques des deux échelons territoriaux. Du fait de son ancrage territorial, il disposera d'une vision de proximité des besoins et des attentes des administrés sur l'ensemble des compétences dévolues tant au département qu'à la région. Une véritable synergie des politiques régionales et départementales pourra prendre corps.
Concrètement, les conseillers territoriaux pourront adapter la répartition des compétences aux spécificités locales. Ainsi, le nouvel article L. 1111-9-I du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9200IN3) prévoit qu'"afin de faciliter la clarification des interventions publiques sur le territoire de la région et de rationaliser l'organisation des services des départements et des régions, le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux des départements de la région peuvent élaborer conjointement, dans les six mois qui suivent l'élection des conseillers territoriaux, un projet de schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services. Chaque métropole constituée sur le territoire de la région est consultée de plein droit à l'occasion de son élaboration, de son suivi et de sa révision".
Ce schéma permettra de définir la répartition optimale des compétences entre la région et les départements en ce qui concerne le développement économique, la formation professionnelle, l'éducation (collèges et lycées), les transports, l'environnement, l'aménagement du territoire, notamment, et d'en tirer les conséquences en termes de réorganisation des interventions financières et de mutualisations des services.
Lexbase : Le retrait de la clause de compétence aux régions et aux départements ne comporte-t-il pas un risque de recentralisation du fonctionnement de l'Etat ?
Nicolas Becquevort : A notre sens, la modification apportée à la clause de compétence des départements et des régions ne manifeste pas une volonté de "recentralisation". En premier lieu, il convient d'observer que le Conseil constitutionnel, saisi du contrôle de constitutionnalité du projet de loi, a estimé, dans sa décision du 9 décembre 2010 (Cons. const., décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 N° Lexbase : A7110GMB), qu'il n'existait pas auparavant de clause de compétence générale au profit des départements et des régions.
En effet, selon les requérants, le paragraphe I de l'article 73 de la loi déférée, qui complète le premier alinéa de l'article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9225INY), relatif aux compétences du conseil général, et le premier alinéa de l'article L. 4221-1 du même code (N° Lexbase : L9224INX), relatif au conseil régional, par les mots "dans les domaines de compétence que la loi lui attribue", supprimait la clause générale de compétence, et méconnaissait le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Au vu de sa jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a jugé que la loi antérieure n'avait eu ni pour objet, ni pour effet, de créer une clause générale rendant le département ou la région compétents pour traiter de toute affaire ayant un lien avec leur territoire et que, par suite, elle ne saurait avoir donné naissance à un principe garantissant une telle compétence. A bien le lire, le texte de l'article 73 de la loi du 16 décembre 2010 ne fait donc que préciser le cadre des compétences tel qu'il existait déjà.
En deuxième lieu, on ne note pas, dans les dernières années, une tendance à la recentralisation, l'Etat recherchant sans cesse, au contraire, à se décharger de missions intéressant au premier chef les collectivités territoriales. Les collectivités territoriales ne l'ignorent d'ailleurs pas, puisque ce transfert s'effectue, bien souvent, sans pour autant que l'Etat ne dote lesdites collectivités des moyens budgétaires nécessaires.
En réalité, les craintes de recentralisation ont plutôt été suscitées par les dispositions des articles 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010, qui accordent aux préfets des pouvoirs, dont l'intensité s'accroit au fil du temps, en vue d'achever la carte de l'intercommunalité. L'article 60 de la loi est relatif aux EPCI, et prévoit des dispositions distinctes, mais dont le mécanisme est sensiblement le même, s'agissant de la création d'EPCI, de la modification ou de la fusion d'ECPI existants.
Schématiquement, les pouvoirs du préfet peuvent se découper en trois phases.
- première phase : à compter de l'adoption du schéma départemental de coopération intercommunale, et au plus tard à compter du 1er janvier 2012, et jusqu'au 31 décembre 2012, le préfet doit mettre en oeuvre les options retenues par la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), avec l'accord des collectivités concernées. Cet accord doit être exprimé par la moitié des conseils municipaux des communes intéressées, représentant la moitié de la population totale de celles-ci, la commune la plus peuplée disposant d'un pouvoir de blocage si celle-ci représente au moins un tiers de la population totale. Durant cette phase, seul l'avis, et non l'accord des organes délibérants des EPCI, sera requis.
- deuxième phase : en cas d'échec de la première phase, et pendant une période de 5 mois comprise entre le 1er janvier et le 31 mai 2012, le préfet disposera de pouvoirs renforcés. Il pourra, durant cette phase, créer, étendre ou fusionner les EPCI en passant outre les délibérations des communes ou des EPCI. Cependant, il sera contraint d'intégrer les propositions de la CDCI, dès lors que celles-ci auront été adoptées à la majorité des deux tiers de ses membres.
- troisième phase : à compter du 1er juin 2013, le préfet pourra rattacher les dernières communes isolées, après accord de la CDCI et de l'EPCI d'accueil. En cas de refus de l'EPCI, il pourra passer outre, la CDCI conservant son pouvoir d'amendement à la majorité des deux tiers. Le schéma départemental sera révisé tous les six ans et les procédures temporaires prévues en 2012 pourront être réactivées selon la même périodicité pour modifier le périmètre ou fusionner des EPCI, sur une durée d'un an.
Des dispositions similaires sont envisagées pour les syndicats intercommunaux par l'article 61 de la loi, à ceci près qu'il n'est pas prévu de conférer au préfet de pouvoirs s'agissant de la création de nouveaux syndicats. On sait, en effet, que la volonté du législateur est de ne pas créer de nouveaux syndicats mais, au contraire, de favoriser la dissolution d'un maximum d'entre eux au profit des EPCI. En ce sens, le préfet dispose de pouvoirs similaires à ceux prévus pour la création des EPCI mais, cette fois-ci, en vue de la dissolution des syndicats.
Ces dispositions, si elles consacrent, des pouvoirs accrus du préfet, ne constituent pas, à notre sens, une volonté du législateur de porter atteinte à la décentralisation. En premier lieu, elles ne sont prévues que dans le but de rationaliser l'intercommunalité, objectif poursuivi depuis de très nombreuses années par le législateur, certes désormais avec des pouvoirs de contrainte plus importants. Ainsi, au terme des phases transitoires de rationalisation, les compétences des collectivités territoriales ne seront pas amoindries, et leur exercice sera sans doute facilité par la plus grande cohérence de leur périmètre.
En second lieu, ces pouvoirs du préfet en phase transitoire sont limités par le rôle et les pouvoirs accrus de la CDCI. Il s'agit, en réalité, d'un mécanisme incitatif déjà appliqué dans de nombreuses matières, notamment en matière d'urbanisme réglementaire.
Lexbase : Que peut-on attendre de l'achèvement de la carte de l'intercommunalité d'ici à juin 2013 ?
Nicolas Becquevort : La loi du 16 décembre 2010 présente, nous l'avons dit, plusieurs axes, qui sont essentiellement les suivants :
- la rationalisation de la coopération intercommunale passant, notamment, par la création de groupements de collectivité de taille et de périmètre pertinents ;
- la clarification des compétences et des moyens attribués à chaque collectivité ;
- et la synergie entre les différentes collectivités.
Il n'en reste pas moins que cette réforme, du moins en ce qui concerne les modalités de sa mise en oeuvre, reste passablement complexe, et qu'elle intervient dans une période électorale particulièrement dense, alors qu'une partie importante des élus locaux a marqué son scepticisme, voire son opposition aux nouvelles dispositions. La période, finalement très brève, qui s'est ouverte le 17 décembre 2010 avec la promulgation de la loi au Journal officiel, risque donc d'être le théâtre de nombreuses difficultés, sans qu'il soit possible de dire si l'objectif sera atteint. Il y a fort à parier que le juge administratif, et les avocats, auront fort à faire dans les mois qui viennent.
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Réf. : Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-70.833, F-P+B+I (N° Lexbase : A3361GL3)
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par Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I, Avocat au barreau de Montpellier
Le 31 Janvier 2011
Sans précision dans l'arrêt, on peut s'interroger sur les conditions de vente de la prestation de service qui étaient imposées dans cette affaire. Dans le cadre d'un contrat classique de réservation de nuits d'hôtel, les professionnels, mais ce n'est là qu'une offre commerciale à laquelle ils ne sont pas tenus, permettent souvent une modification de réservation sous conditions. Si tel n'était pas le cas, en l'espèce, il s'agissait sans doute d'une de ces offres promotionnelles pour lesquelles les prix sont bradés mais les conditions particulièrement rigoureuses. Le risque est grand, alors, pour un consommateur peu attentif ou trop obnubilé par l'offre, d'y souscrire trop rapidement.
Dans une telle hypothèse, seul un droit de rétractation pourrait, efficacement, permettre au consommateur trop pressé de revenir sur ses engagements. Bien évidemment d'autres actions seraient juridiquement envisageables pour permettre au consommateur de revenir sur son engagement. Le droit commun, et plus précisément l'erreur et le dol, pourraient être invoqués pour autant que leurs conditions soient réunies. Il faudrait alors caractériser l'erreur "légitime" ou la manoeuvre "dolosive" du professionnel, ce qui s'avère toujours difficile et aléatoire dans l'hypothèse où les conditions d'engagement étaient clairement exposées sur le site internet de l'agence de voyages (ce qui sera à vérifier dans le cas d'espèce, v. infra).
En comparaison du droit commun, le droit de rétractation présente surtout l'avantage d'une plus grande simplicité et d'une plus grande rapidité. Le juge n'a, a priori, pas à être saisi (même si le présent contentieux démontrerait le contraire) : il suffit au consommateur de signifier au professionnel dans les délais prescrits son intention de se rétracter, qui plus est, selon le Code de la consommation, sans avoir à s'en justifier.
Pourtant, dans cette affaire de réservation d'hôtel par un site internet, point de droit de rétractation selon la Cour de cassation. Le juge de proximité avait certes accueilli la demande de ces consommateurs qui s'étaient trompés dans leur réservation. Au visa de l'article L. 121-20 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1037HBZ), le juge considéra que les demandeurs avaient été privés de leur droit de rétractation. Dans le cadre d'une vente ou d'une prestation de services à distance, en effet, "le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour" (C. consom., art. L. 121-20). Dans cette affaire, le professionnel qui s'estimait ne pas être tenu par un tel droit n'avait vraisemblablement pas indiqué sur son site que le consommateur avait la possibilité de se rétracter pour ce type de contrat, ce qui, si ce droit de rétractation était effectivement applicable, aurait permis de porter le délai à trois mois à compter de l'acceptation de l'offre.
Pour le juge de proximité, le consommateur avait fait connaître sa rétractation au professionnel, encore une fois sans qu'il ait à se justifier, et ce dès le lendemain de l'acceptation de l'offre. Le contrat n'était plus formé.
A l'inverse, le professionnel estimait que le droit de rétractation n'était pas applicable au contrat en cause : "il résulte des dispositions l'article L. 121-20-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6449G9Q) que le droit de rétractation de sept jours prévu à l'article L. 121-20 du même code, n'est pas applicable aux prestations d'hébergement, quel que soit le mode de conclusion du contrat dont celles-ci sont l'objet, et notamment en cas de conclusion par la voie électronique". L'argumentaire est simple mais efficace et la Cour de cassation l'a sans grande surprise retenu : "en statuant ainsi alors que le droit de rétractation n'était pas applicable à la prestation de service litigieuse, le tribunal a violé les textes susvisés".
D'autres affaires avaient donné lieu à une solution similaire, les juges retenant pleinement l'exception de l'article L. 121-20-4 qui vise en son 2° "la prestation de services d'hébergement, de transport, de restauration, de loisirs, qui doivent être fournis à une date ou selon une périodicité déterminée", et les exclut donc du bénéfice du droit de rétractation.
La Cour de justice des Communautés européennes avait ainsi jugé que la Directive 97/7 du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (N° Lexbase : L7888AUP), devait être interprétée en ce sens que la notion de contrat de fourniture de services de transports inclut les contrats de fourniture de location de voitures (CJCE, 10 mars 2005, aff. C-336/03 N° Lexbase : A3867DHP). La première chambre civile de la Cour de cassation avait, quant à elle, considéré que le droit de rétractation n'était pas applicable à l'achat auprès de la SNCF d'un billet de train via le site Thalys (Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-16.466, F-D N° Lexbase : A0323D3D, Contrats conc. consom., 2008, comm. n° 58, obs. G. Raymond).
L'exception est issue de la Directive communautaire du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (Directive CE 97/7 N° Lexbase : L7888AUP, transposée dans le Code français de la consommation par l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 N° Lexbase : L2527ATR, v. G. Raymond, JCP éd. G, 2001, Chronique n° 50). La loi française n'accordait auparavant aucun droit de rétractation pour les prestations de services conclues à distance, la Directive a donc renforcé la protection du consommateur sur ce point mais avec quelques exceptions dont les deux époux souhaitant partir au Sénégal ont fait les frais.
La juridiction de proximité n'avait pourtant pas écarté l'argument invoqué d'un revers de la main. Elle avait considéré que l'article L. 121-20-4 du Code de la consommation s'interprète dans le sens qu'en matière de commerce électronique de prestations de services d'hébergement, le consommateur dispose d'un droit de rétractation qui doit faire l'objet d'une "information renforcée conformément aux articles L. 121-18 (N° Lexbase : L8350IM9) et L. 121-19 (N° Lexbase : L8349IM8) du même code".
L'argument est intéressant, étant précisé que, si le droit de rétractation n'est pas applicable aux prestations visées par le 2° de l'article L. 121-20-4 du Code de la consommation, les dispositions des articles L. 121-18 et L. 121-19 sont pleinement applicables et visent une parfaite information du consommateur. L'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-18 dispose, par ailleurs, que "ces informations, dont le caractère commercial doit apparaître sans équivoque, sont communiquées au consommateur de manière claire et compréhensible, par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée".
Poursuivons le raisonnement de la juridiction de proximité : les conditions générales de vente de l'agence de voyages stipulaient que "le nouvel article L. 121-20-4 du Code de la consommation précise que la plupart des dispositions ne sont pas applicables aux contrats ayant pour objet la prestation de service d'hébergement, de transport, de restauration, de loisirs qui doivent être fournis à une date ou selon une périodicité déterminée. L'acheteur ayant réservé et/ou commandé à distance (par téléphone ou via internet), une prestation auprès de l'organisateur, ne bénéficie pas du droit de rétractation". Pour la juridiction de proximité, "ces stipulations ne respectent pas les dispositions [des articles L. 121-18 et L. 121-19 du Code de la consommation]". Elle en déduisait, mais c'est ici sans doute que l'argumentaire pêche, "que par conséquent mademoiselle X et monsieur Y ayant réservé plusieurs nuits d'hôtel par l'intermédiaire du site de la société Go Voyages, ils devaient bénéficier, nonobstant les stipulations contractuelles, d'un droit de rétractation [...] mademoiselle X et monsieur Y ont sollicité la modification du billet puis par courrier reçu le 5 septembre 2007, ont demandé de manière alternative le remboursement des sommes versées estimant que la clause relative aux frais d'annulation en cas de simple modification de la commande était abusive, ce qui leur a été refusé, la société Z interprétant ces demandes comme une demande d'annulation ou de modification du contrat ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer qu'ils ont ainsi été privés de leur faculté de rétractation eu égard aux informations qui leur ont été fournies".
Or, en droit, l'interprétation à retenir est sans doute celle de l'agence de voyages. Il est indiscutable, en effet, que le droit de rétractation n'était pas applicable au cas d'espèce, tant parce que les dispositions du Code de la consommation sont sans ambiguïté que parce que la jurisprudence a déjà rendu des solutions identiques dans des faits analogues (v. supra). Et à s'appuyer sur un défaut d'information du consommateur, la sanction invocable ne peut être a priori que celle du dol : la nullité du contrat et/ou des dommages et intérêts (si le dol est principal/si le dol est incident). Il est bien évidemment plus facile de remarquer les solutions envisageables à un contentieux une fois que le juge s'est prononcé, mais on suggèrera que, en l'espèce, le consommateur aurait effectivement pu invoquer un dol : la présentation du droit de rétractation sur le site internet de l'agence de voyages était peut-être trop générale et, dès lors, difficile à comprendre. Elle aurait pu être considérée comme à même de tromper le consommateur ce qui l'aurait amené à contracter pensant pouvoir bénéficier d'un droit de rétractation qu'il n'avait pas en réalité.
Il ne s'agit là, pourtant, que d'une solution bien moins efficace que ne l'est le droit de rétractation qui permet au consommateur, faut-il le rappeler, de revenir sur un engagement qu'il a mal estimé, sans avoir en principe à saisir le juge. Peut-être faudra-t-il envisager, au vu du succès croissant des sites internet de démarque ou autres qui offrent des rabais considérables mais à des conditions bien plus contraignantes, une réforme de la Directive de 1997 qui supprimerait les exceptions au bénéfice du droit de rétractation ?
Ce serait aussi, et il faut en être conscient, prendre le risque de faire disparaître certaines ou la plupart de ces offres, qui ne peuvent être maintenues, diront les opérateurs du secteur, qu'à des conditions plus strictes. Imposer en ces matières un droit de rétractation pourrait bouleverser l'économie de ces offres.
Nous laissons le lecteur à ses propres réflexions sur ce point. La réponse n'est pas strictement juridique.
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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Le 17 Janvier 2011
Stéphane Michel : Le Sénat a seulement accepté, contre l'avis du nouveau Garde des Sceaux, que le partenaire pacsé survivant soit inscrit sur l'acte de décès du partenaire pacsé décédé. Cette modification bienvenue permet, en effet, d'assurer un parallélisme, tout à fait cohérent, avec l'obligation de mentionner sur l'acte de naissance d'une personne l'identité de son partenaire pacsé.
Très concrètement, cette mesure de publicité est salutaire car elle permet également d'améliorer le sort du partenaire pacsé survivant, en révélant ouvertement et officiellement son existence (ce qui n'est pas toujours le cas en pratique...) et, par là même, en facilitant la naissance et l'exercice de ses éventuels droits de succession, par rapports aux autres ayants droits du partenaire décédé.
En revanche, les propositions d'étendre aux partenaires pacsés le bénéfice du droit aux congés pour événements familiaux ou d'attribuer d'office au partenaire pacsé survivant la qualité pour "pourvoir aux funérailles" du partenaire pacsé décédé ont été écartées par le Sénat.
Il en ressort donc peu d'évolution en perspective pour le régime juridique du PACS et ce d'autant que l'Assemblée nationale et le Gouvernement actuels, compte tenu des prochaines échéances électorales, sont, à mon avis, susceptibles de montrer dans un avenir proche une certaine frilosité face au régime juridique du PACS, toujours considéré -hélas- comme un sujet de société.
Lexbase : En quoi le régime actuel du PACS est-il, selon vous, incomplet ?
Stéphane Michel : En l'état actuel du droit, je pense que le régime du PACS est incomplet, essentiellement du point de vue des droits et avantages sociaux des partenaires pacsés : en effet, les dernières réformes ont conduit, notamment, à aligner la situation fiscale des partenaires pacsés sur celle des couples mariés et introduit, à la charge des partenaires pacsés, des obligations lourdes : il ne faut pas oublier que les partenaires pacsés s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproque, ce qui les rapproche très sensiblement des couples mariés.
Dans ce contexte, je ne vois pas au nom de quels principes, si ce n'est au regard de préoccupations purement électoralistes, la situation sociale des partenaires pacsés ne devrait pas être alignée sur celle des couples mariés. C'est en quelque sorte le sens de l'histoire législative du régime juridique du PACS.
On peut également identifier une autre limite au régime actuel du PACS : je pense que le lieu d'enregistrement du PACS, à savoir, le greffe du tribunal d'instance, n'est pas du tout satisfaisant. On ne voit, en effet, pas non plus pourquoi les PACS ne bénéficient pas d'un peu plus de solennité par le biais d'une véritable cérémonie en mairie.
Enfin, et très concrètement, le PACS crée, compte tenu de son succès dans les grandes villes notamment, un inquiétant goulot d'étranglement dans les greffes des tribunaux d'instance, rendant souvent son délai d'enregistrement particulièrement long et totalement inadapté.
Lexbase : Quelles seraient, selon vous, concrètement, les mesures indispensables à prévoir ?
Stéphane Michel : Pour moi, la réforme prioritaire doit conduire à étendre aux partenaires pacsés les droits sociaux accordés aux personnes mariées en matière de pension de réversion, de congés accordés pour événements familiaux et d'assurance de prévoyance. C'est le minimum en termes de justice sociale.
C'est d'autant plus urgent que cet alignement de la situation des partenaires pacsés sur les couples mariés a été accordé dans la fonction publique, ce qui renforce d'autant le sentiment d'inégalité entre la situation des partenaires pacsés "non fonctionnaires" et les couples mariés.
A cet égard, un autre argument est également souvent surexploité par le législateur et le Gouvernement actuel pour justifier leur réticence à accorder de nouveaux droits sociaux aux partenaires pacsés : on a, en effet, le sentiment que ces derniers souhaiteraient idéalement, s'agissant des salariés des entreprises privées, se décharger totalement de la question de l'alignement des droits des partenaires pacsés sur les couples mariés, pour en confier la gestion aux seuls partenaires sociaux.
Or, s'il est vrai que les partenaires sociaux sont parfois allés plus loin dans ce domaine que les pouvoirs publics, il s'est toujours agi de solutions au cas par cas, dépourvues de tout caractère général, ce qui n'est absolument pas satisfaisant du point de vue de l'égalité de traitement et des droits entre les personnes.
Lexbase : Et en matière de procédure d'enregistrement des PACS, quelle réforme est envisageable ?
Stéphane Michel : Il serait utile de prévoir, purement et simplement, son enregistrement en mairie, et ce afin de lui conférer une certaine solennité, au regard notamment des obligations que le PACS confère aux partenaires pacsés. De plus, les mairies, compte tenu de leur expérience et de leurs moyens en matière de gestion des actes d'état civil, paraissent beaucoup plus adaptées que les greffes de tribunal d'instance qui pourraient ainsi se recentrer sur leurs fonctions purement judiciaires.
En revanche, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de faire procéder à l'enregistrement des PACS par les notaires, en lieu et place des greffes des tribunaux d'instance : en effet, outre le fait que le passage devant un notaire pour enregistrer un PACS pourrait donner, à tort ou à raison, l'impression de sortir l'enregistrement des PACS de la sphère administrative, cette mesure me paraît surtout susceptible d'en augmenter le coût vis-à-vis des partenaires pacsés.
Lexbase : Un alignement poussé des droits sur ceux résultant du mariage ne reviendrait-il pas alors à vider de son sens ce "troisième mode de conjugalité", aux côtés du concubinage et du mariage ?
Stéphane Michel : C'est en effet la critique habituelle qui est portée par la majorité parlementaire actuelle pour refuser l'alignement de la situation des partenaires pacsés sur les couples mariés, alors que cette même majorité parlementaire a consacré l'égalité fiscale entre ces deux formes d'union... J'avoue pour ma part ne pas bien comprendre cet argument, compte tenu des précédentes évolutions législatives du régime du PACS et de la nécessité de lutter, de manière générale, contre l'ensemble des inégalités de traitements sociaux.
Lexbase : Au fond, le problème ne se situe-t-il pas dans celui de l'ouverture, ou non, du mariage aux couples homosexuels ?
Stéphane Michel : La situation actuelle des couples homosexuels renforce le sentiment d'inégalité de traitement entre les partenaires pacsés et les couples mariés : en effet, en ce qui concerne les couples homosexuels, le régime actuel du PACS crée une discrimination supplémentaire -et j'insiste sur le terme "supplémentaire"- au regard des droits accordés aux couples hétérosexuels.
Comme vous le savez, les couples de même sexe n'ont, en l'état actuel du droit et de la jurisprudence de la Cour de cassation (TGI Bordeaux, 27 juillet 2004, n° 6427/2004 N° Lexbase : A4937DD9, D., 2004, 2392, note Agostini ; Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-16.627, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6575DU3, Bull. civ. 1, n° 113), sous réserve d'une décision contraire -et particulièrement improbable- du Conseil constitutionnel, pas le droit de se marier et ne peuvent donc pas, en tout état de cause, bénéficier de plein droit de pensions de réversions de leurs partenaires décédés, des congés pour événements familiaux, etc., sauf en cas d'accord des partenaires sociaux, c'est-à-dire au cas par cas.
Il faut souligner que, dans certaines hypothèses, cette inégalité de traitement créée des situations humainement difficiles, un certain nombre de témoignages ayant révélé la mesure du rejet porté au partenaire survivant par la "famille officielle" du partenaire décédé.
Il va de soi que cette inégalité de traitement manifeste devrait conduire idéalement le Parlement à étendre le mariage aux couples de même sexe ; je ne vois toutefois pas de projet pérenne en ce sens, et ce d'autant plus dans le contexte actuel de pré-campagne électorale et de frilosité que cela sous-entend !
Enfin, je considère que la situation inégalitaire dans laquelle se trouvent, aujourd'hui, les couples homosexuels renforce d'autant la nécessité de réformer le PACS dans le sens d'une égalité de traitement social entre les partenaires pacsés et les couples mariés.
En effet, compte tenu des obligations de vie commune, d'aide matérielle, d'assistance réciproque, et le cas échéant, de solidarité imposées aux partenaires pacsés, je ne vois pas pourquoi l'égalité de traitement social ne leur serait pas accordée... alors même que la majorité parlementaire actuelle leur a accordé l'égalité fiscale dans le cadre de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5203GUA)...
Il existe, donc, une discrimination initiale entre les partenaires pacsés et les couples mariés, abstraction faite de la situation discriminatoire propre aux couples homosexuels, qui n'ont pas le droit au mariage, ce qui vient également renforcer la discrimination initiale, propre au seul PACS et la nécessité d'y mettre fin.
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Réf. : Ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010, portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (N° Lexbase : L8794INZ)
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N1473BRY
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, membre du CERDP, Directeur du master 2 Droit des difficultés d'entreprise
Le 17 Janvier 2011
L'ouverture des procédures de conciliation et des procédures collectives permet de se convaincre de cette affirmation. La situation économique du débiteur est appréciée patrimoine par patrimoine. C'est bien la signification du nouvel article L. 680-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8969INI), selon lequel "les dispositions des titres 1er à VI du présent livre qui intéressent la situation économique [...] du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ou, si l'activité est exercée sans affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté".
Ainsi, pour savoir si un débiteur est en état de cessation des paiements, il faut tenir compte uniquement des éléments de l'actif disponible du patrimoine concerné par l'ouverture de la procédure, que l'on va mettre en balance avec le passif exigible généré par ce patrimoine. Puisqu'il faut raisonner patrimoine par patrimoine, il est possible, pour un même débiteur, de connaître plusieurs procédures collectives.
La possibilité pour un débiteur de bénéficier de l'ouverture d'une sauvegarde est conditionnée par la démonstration qu'il rencontre des difficultés qu'il ne peut surmonter. La Cour de cassation, rapidement, a précisé que le débiteur seul ne devait pas pouvoir surmonter ses difficultés, peu important s'agissant d'une filiale, qui se trouve au sein d'un groupe de sociétés sain (1), voire sous le contrôle d'une société mère dont la situation est florissante, aisément à même de l'aider à surmonter les difficultés rencontrées. En présence d'un EIRL, le raisonnement, qui doit être mené patrimoine par patrimoine, ainsi que le précise l'article L. 680-2 du Code de commerce en disposant que "les dispositions des titres 1er à VI du présent livre qui intéressent la situation économique [...] du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ou, si l'activité est exercée sans affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté", doit-il conduire à décider qu'il faut, pour savoir si l'EIRL peut bénéficier de la sauvegarde, raisonner uniquement sur le patrimoine que le débiteur veut placer sous le bénéfice de la sauvegarde ? La logique de l'EIRL semble bien commander une réponse positive. La morale n'est peut-être alors pas sauve, car l'on va demander aux créanciers des efforts, que le débiteur lui-même, sur ses autres patrimoines, ne veut pas consentir. Il y a là de quoi, nous semble-t-il, s'émouvoir quelque peu, au regard de la morale des affaires...
Le principe de l'unicité du patrimoine étant abandonné, symétriquement est abandonné celui de l'unicité de procédure collective, traduit par le célèbre adage "faillite sur faillite ne vaut". Il sera ainsi possible de placer l'EIRL sous procédure collective, cependant qu'au titre de son patrimoine non affecté, une autre procédure collective autonome pourra être ouverte, si ce dernier abrite une autre entreprise. A partir du moment où il sera possible de constituer plusieurs entreprises individuelles à responsabilité limitée, on pourra envisager autant de procédures collectives que d'entreprises, une procédure collective supplémentaire pouvant, en outre, être ouverte du chef du patrimoine non affecté.
La possibilité de démultiplication des procédures emporte une autre conséquence, prise en compte par l'ordonnance du 9 décembre 2010. La personne exploitant une EIRL peut bénéficier de la procédure de surendettement au titre de son patrimoine non affecté. L'article L. 333-7 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9077INI), qui pose cette règle, est novateur, mais trouve parfaitement sa justification dans l'idée de traitement des difficultés patrimoine par patrimoine. Pour que la procédure de surendettement trouve application au bénéfice d'une personne éligible aux procédures collectives, il faudra que le surendettement soit caractérisé par des dettes contractées au titre de son patrimoine non affecté et, en outre, que ces dettes ne soient pas de nature professionnelles. Les dettes contractées dans le cadre de la création ou de l'exploitation de l'EIRL, non seulement ne seront pas prises en compte pour apprécier l'état de surendettement, mais encore ne seront pas traitées dans le plan conventionnel ou judiciaire de la procédure de surendettement, ou encore dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel. Ainsi, la personne physique éligible aux procédures collectives du livre VI du Code de commerce est également éligible, au titre de son patrimoine non affecté, aux procédures de surendettement. En outre, les procédures peuvent se combiner, puisqu'il s'agit de traiter des passifs inclus dans des patrimoines différents.
Puisqu'il est possible d'ouvrir plusieurs procédures collectives simultanément, elles ne produiront pas l'effet universel d'appréhension des biens, droits et obligations du débiteur, comme cela est le cas en présence d'une procédure collective classique. Trois articles du Code de commerce, tels qu'il résultent de la rédaction que leur donne l'ordonnance du 9 décembre 2010, ont vocation à traduire ce principe nouveau d'éclatement des biens, droits et obligations, en fonction du patrimoine affecté par l'ouverture de la procédure collective : les articles L. 680-2 à L. 680-4.
L'article L. 680-4 (N° Lexbase : L8967ING) a spécialement vocation à s'intéresser à l'entreprise et, par voie de conséquence, aux règles qui concernent sa gestion pendant la période d'observation ou celle de la liquidation judiciaire.
Selon ce texte, lorsque les dispositions du livre VI du Code de commerce visent l'entreprise, elles doivent s'entendre comme visant "l'entreprise exploitée dans le cadre de l'activité en difficulté". Ainsi, toutes les règles de gestion de l'entreprise pendant la période d'observation n'ont-elles vocation à s'appliquer qu'à l'entreprise logée dans le patrimoine concerné par la procédure collective. Il en est ainsi, par exemple, des règles qui gouvernent la répartition de pouvoirs entre le débiteur et l'administrateur judiciaire, qualifiées de règles de l'administration contrôlée. De même, les règles relatives à la continuation des contrats en cours devront-elles s'appliquer distributivement, en fonction des patrimoines concernés par la procédure collective. La solution résulte des nouveaux articles L. 680-4 et L. 680-5.
Les règles relatives au dessaisissement du débiteur doivent identiquement s'appliquer au regard des seuls biens et droits compris dans le périmètre de la procédure collective, et non sur tous les biens saisissables du débiteur. Le débiteur en liquidation judiciaire au titre de l'un de ses patrimoines restera parfaitement maître de ses biens -in bonis- au regard de tous ses autres patrimoines. Il pourra donc vendre, constituer en garantie de la dette de tiers ou donner les éléments de son patrimoine non affecté par la procédure collective.
Symétriquement, les créanciers ne seront soumis à la discipline collective que de façon distributive, en raisonnant au regard du seul patrimoine concerné par la procédure collective. La solution résulte clairement de l'article L. 680-3 nouveau du Code de commerce (N° Lexbase : L8968INH), selon lequel "les dispositions du livre VI du [Code de commerce] qui intéressent les droits ou obligations des créanciers du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée s'appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ou, si l'activité est exercée sans affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté".
Seul le créancier détenant une créance pouvant être rattachée au patrimoine en rapport avec l'activité en difficulté sera soumis à la discipline collective. Si le créancier détient une créance sur le débiteur, qui se rattache au patrimoine non affecté, il ne sera pas concerné par la procédure collective ouverte contre ce même débiteur, si elle l'est au titre de son EIRL.
Ce critère permet de déterminer les créanciers soumis à l'interdiction des paiements, à l'interdiction ou à l'interruption des poursuites individuelles et des voies d'exécution et à l'obligation corrélative de déclarer leur créance au passif.
Le chef d'entreprise EIRL pourra passer des contrats avec lui-même, au titre d'un autre patrimoine. Il en résulte qu'il sera soumis, comme s'il était un tiers, à exercer, au titre d'un patrimoine autre que celui concerné par la procédure collective, une action en reprise dans la procédure collective, qui est une variété d'action en revendication, obéissant dans les grandes lignes, au régime procédural de l'action en revendication sous une réserve : il ne sera jamais demandé au débiteur son avis sur la décision prise par l'organe compétent pour acquiescer, puisque la demande en acquiescement de reprise du bien émane du débiteur lui-même.
Le principe de l'étanchéité des patrimoines, sur lequel repose la structure juridique de l'EIRL est toutefois tenu en échec dans un nombre de cas relativement grand, qui font apparaître soit une disparition totale du cloisonnement des patrimoines, soit une responsabilité de l'EIRL pouvant être étendue aux patrimoines non concernés par la procédure.
La première illustration de la disparition totale du cloisonnement des patrimoines tient à la création d'une action en réunion de patrimoines, qui n'est, en réalité, rien d'autre qu'une action en confusion des patrimoines. Cette action sera d'abord fondée dans tous les cas d'action en confusion des patrimoines. Mais elle le sera encore dans des cas spécifiquement prévus pour l'EIRL : un manquement grave aux règles d'affectation à un patrimoine, c'est-à-dire la violation des règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5612IMS) ou un manquement grave aux obligations comptables et bancaires de fonctionnement de l'EIRL prévues à l'article L. 526-13 du même code (N° Lexbase : L5607IMM). Il s'agit ici de faire "sauter" l'étanchéité entre des patrimoines, dès lors que les règles présidant à cette étanchéité ne sont pas respectées.
Dans d'autres cas, il s'agit de rendre responsable l'EIRL sur tous ses biens, ce qui revient également à faire disparaître le cloisonnement entre les patrimoines. Il en est ainsi du jeu de l'article L. 526-12, avant dernier alinéa, du Code de commerce (N° Lexbase : L5608IMN) : manquement grave aux règles d'affectation à un patrimoine ou fraude.
L'article L. 562-12, alinéa 1er, du Code de commerce pose le principe d'opposabilité de plein droit de l'affectation aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt. Pour les créanciers antérieurs, l'opposabilité est possible, mais à la double condition qu'il soit fait mention de la créance préexistante dans la déclaration d'affectation (2) et que le créancier concerné en soit informé. Si cette double condition n'est pas remplie, le créancier antérieur au dépôt de l'affectation peut l'ignorer. En outre, si l'entrepreneur a respecté ces conditions au jeu de l'opposabilité de la déclaration d'affectation, le créancier concerné peut former opposition afin de faire déclarer inopposable l'affectation. La juridiction rejettera l'opposition ou ordonnera soit le remboursement des créances, soit la constitution de sûretés. Si, selon le cas, le remboursement ou la constitution de sûretés n'intervient pas, la déclaration d'affectation sera inopposable au créancier opposant.
Si la déclaration d'affectation est inopposable à un créancier, ce dernier peut opposer au patrimoine affecté son droit de créance, qui se rattache pourtant au patrimoine non affecté. En cas de procédure collective atteignant l'EIRL, il ne pourra toutefois exercer son droit de créance qu'en déclarant sa créance au passif de l'EIRL. L'inopposabilité de la création du patrimoine d'affectation lui confère le droit d'accès au gage général soumis à la procédure collective, mais ne l'émancipe pas de l'obligation de respecter les règles d'opposabilité du droit de créance à la procédure collective, ce qui passe par une déclaration de créance au passif.
L'inopposabilité peut ne concerner que l'affectation d'un immeuble (C. com., art. L. 526-9 N° Lexbase : L5598IMB). Cette dernière obéit notamment aux règles de la publicité foncière. Si les règles présidant à l'affectation de l'immeuble à un patrimoine ne sont pas respectées, l'affection est inopposable. L'immeuble reste donc le gage des créanciers du patrimoine non affecté (3). En application de l'article L. 526-11 (N° Lexbase : L5597IMA), l'affectation d'un bien commun ou indivis suppose l'accord exprès du conjoint ou des coïndivisaires. A défaut, l'affectation est inopposable, semble-t-il, aux créanciers du patrimoine affecté, le bien restant dans le gage des créanciers du patrimoine non affecté (4).
Le législateur édicte également un certain nombre de cas dans lesquels l'on peut constater une responsabilité illimitée de l'EIRL.
Il en est d'abord ainsi en cas de problème de valorisation des biens affectés. L'article L. 526-10, alinéa 1er, du Code (N° Lexbase : L5609IMP) pose le principe d'une évaluation de tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur supérieure à un montant fixé par décret, par un professionnel du chiffre ou un notaire, s'agissant d'un immeuble. Deux cas de figure sont envisagés par le législateur.
Dans une première situation, lorsque la valeur déclarée par l'EIRL est supérieure à l'évaluation faite, l'EIRL est responsable à hauteur de la différence pendant 5 ans à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté ou non. Il serait toutefois illogique qu'il soit tenu sur un autre patrimoine affecté, hypothèse que ne semble pas avoir envisagée le législateur.
Dans une seconde situation, le législateur envisage l'hypothèse d'absence d'évaluation par un professionnel. Une sanction comparable à celle précédemment décrite est posée : l'EIRL est alors tenu de la différence entre la valeur qu'il a déclarée et la valeur réelle du bien lors de l'affectation.
Ces règles peuvent être mises en oeuvre par le défenseur de l'intérêt collectif des créanciers en cas de procédure collective, c'est-à-dire le mandataire judiciaire ou le liquidateur, et, en cas de carence de ces deniers, et après une mise en demeure restée infructueuse, par un contrôleur, défendant alors subsidiairement l'intérêt collectif des créanciers. Ces règles mettant euli.n jeu l'intérêt collectif des créanciers ne semblent, en revanche, pas pouvoir être mises en oeuvre par un créancier agissant ut sing
Les article 5 à 7 de la loi du 15 juin 2010 prévoient que lorsque l'EIRL, par des manoeuvres frauduleuses ou à la suite de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales, a rendu impossible le recouvrement des cotisations fiscales et sociales dont il est redevable au titre de cette activité, le recouvrement de ces sommes peut être recherché sur le patrimoine non affecté dès lors que le tribunal de grande instance a constaté la réalité de ces agissements. Une règle symétrique est posée lorsque les agissements de l'intéressé ont rendu impossible le recouvrement des impôts étrangers à son activité professionnelle. En ce cas, le recouvrement peut être recherché sur le patrimoine affecté. En cas de procédure collective de l'EIRL, l'administration fiscale devra toutefois limiter ses prétentions à une déclaration de créance au passif de l'EIRL. Cette solidarité fiscale et sociale prend ici un tour un peu particulier, puisqu'il s'agit d'instaurer une solidarité entre patrimoines, et non entre deux personnes. L'action n'appartient pas au défenseur de l'intérêt collectif des créanciers, puisqu'il n'est question que de protéger une catégorie de créanciers. Elle n'appartient, en conséquence, qu'aux créanciers protégés, le Trésor public ou les administrations sociales, selon le cas.
L'article L. 526-12, dernier alinéa, du Code de commerce permet une appréhension du bénéfice de l'EIRL réalisé au titre du dernier exercice clos, en cas d'insuffisance du patrimoine non affecté. Le législateur part du postulat que le bénéfice de l'EIRL est un bien du patrimoine de cet EIRL, qui ne peut donc, par principe, être appréhendé par les créanciers du patrimoine non affecté. Ce principe est écarté en cas d'insuffisance patrimoniale, qui rappelle un peu le droit pour les créanciers d'une société civile de poursuivre les associés, dans cette même hypothèse. Ici encore, il s'agit d'une sorte de responsabilité indéfinie de l'EIRL, qui est tenu envers des créanciers qui ne sont pas ceux du patrimoine affecté. En cas de procédure collective de l'EIRL, ce droit sur le gage du patrimoine affecté, portant spécialement sur le bénéfice, pendra la forme d'une déclaration au passif.
Un auteur a très bien démontré les emprunts fonctionnels de l'EIRL à l'EURL (5), le législateur utilisant des techniques et des concepts du droit des sociétés pour les appliquer à une personne physique. L'une des illustrations importantes de ce propos tient à la possibilité de condamner l'EIRL sur son patrimoine non affecté, en cas de faute de gestion ayant contribué à la création ou à l'augmentation d'une insuffisance d'actif. L'EIRL répondra de ses fautes de gestion à l'instar du dirigeant d'une société débitrice. Comme le dirigeant social condamné, le débiteur personne physique ne pourra, s'il est créancier de l'EIRL au titre d'un autre de ses patrimoines, participer aux distributions consécutives à sa condamnation.
Ainsi, au final, le principe est assez simple : un patrimoine, composé de biens et de droits, qui répond de dettes générées par l'exploitation de l'entreprise logée dans ce patrimoine. Mais les exceptions au principe sont assez nombreuses. Ce qui est plus inquiétant, encore, est qu'elles ont vocation à jouer assez facilement, dès lors que le débiteur n'aura pas scrupuleusement respecté les règles de constitution du patrimoine affecté ou les règles de fonctionnement et de gestion de ce même patrimoine affecté.
Est-on bien sûr que cet instrument de protection juridique des plus faibles jouera véritablement ce rôle, eu égard à sa sophistication ? Une sérieuse notice d'emploi devra être fournie à l'utilisateur, si l'on ne veut pas que la promesse d'un outil de protection ne se transforme en un merveilleux miroir aux alouettes (6).
(1) Cass. com. 26 juin 2007, n° 06-20.820, FSP+B+R+I (N° Lexbase : A9315DWW), Bull. civ. IV, n° 177 ; D., 2007, AJ 1864, note A. Lienhard ; D., 2008, pan. 570, obs. F.-X. Lucas ; Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 20, note Ch. Lebel ; Act. proc. coll., 2007/13, n° 145, note J. Vallansan ; JCP éd. E, 2007, 2120, p. 28, note J. Vallansan ; RD banc. et fin., juillet-août 2007, p. 23, n° 158, note F.-X. Lucas ; Dr. sociétés, octobre 2007, p. 22, n° 177, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll., 2007/4, p. 223, n° 4, obs. B. Saintourens ; JCP éd. E, 2008, chron. 1207, n° 2, p. 29, obs. crit. Ph. Pétel ; RJ com., 2007, p. 359, note Ph. Roussel Galle ; Defrénois, 2007, 38675, p. 1575, n° 11, note D. Gibirila ; Rev. proc. coll., 2008, p. 50, note G. Sonier et N. Ghalimi ; RJDA, 2008/2, p. 103, note H. Guyader ; Dr. et patr., 2008, n° 172, p. 103, note C. Saint-Alary Houin ; Bull. Joly sociétés, novembre 2007, § 314, p. 1165, note C. Régnaut-Moutier ; et nos obs. in La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N9341BBL).
(2) Comp., toutefois, F. Vauvillé, Commentaire de la loi du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, Defrénois, 2010, art. 39144, p. 1649, sp. p. 1660.
(3) En ce sens aussi, F. Vauvillé, art. préc., sp. p. 1658.
(4) Sur cette question, M. Sénéchal, Le patrimoine affecté à l'épreuve du droit des procédures collectives, Dr. et patr., 2010, n° 191, p. 89 et s., sp. p. 93.
(5) A. Guesmi, EIRL versus EURL à l'aune du droit des procédures collectives, D., 2011, n° 2.
(6) Sur cette prophétie, Th. Montéran, EIRL: le miroir aux alouettes ?, Gaz. pal., éd. spécialisée Droit des entreprises en difficultés, Editorial, janvier 2011.
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Réf. : Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011 (N° Lexbase : L9901INZ) et loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L9902IN3)
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par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 24 Janvier 2011
Les lois de finances adoptées fin décembre 2010 prévoient une modernisation du régime fiscal des sociétés de personnes (A), des modifications quant au crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt intéressement (B), à l'assiette de l'impôt (C) et à la notion de groupe consacrée en matière de TVA pour son paiement (D).
A - Modernisation du régime fiscal des sociétés de personnes : rapport Gouvernemental attendu pour le 30 avril 2011
Alors que le parlement a modifié les règles régissant la théorie du bilan à compter du 1er janvier 2012, les aspects les plus significatifs de la réforme annoncée du régime fiscal des sociétés de personnes sont suspendus à la production, au plus tard le 30 avril 2011, d'un rapport du Gouvernement garantissant, parmi les différentes options présentées, une stabilité du coût par rapport à celui du régime fiscal actuel de semi-transparence.
Ce rapport devra, notamment, présenter le rôle que joue la fiscalité dans la constitution des structures et le coût budgétaire qui y est associé, en distinguant les associés par catégorie d'imposition et par taille d'entreprise, et en isolant les associés appartenant à un groupe fiscal. Il en est de même des conséquences, notamment budgétaires, de la transformation de chacun des types d'entités bénéficiant actuellement d'un régime fiscal de semi-transparence en sociétés opaques imposées à l'impôt sur les sociétés lorsque l'un au moins de ses associés l'est. Les parlementaires s'interrogent également quant aux choix arrêtés par les autres partenaires européens de la France par rapport au régime des sociétés de personnes et les conséquences qui résulteraient pour les associés de la disparition de la société de personnes en tant que sujet fiscal, notamment en termes de modalités déclaratives, de recouvrement et de contrôle pesant sur les associés au titre des différents impôts.
Par conséquent, on retiendra de ce projet de réforme annoncé qu'il sera le bienvenu pourvu, dans l'hypothèse la plus pessimiste, qu'il ne coûte rien ou bien, dans le meilleur des mondes, que cette réforme engrange des rentrées budgétaires supplémentaires (lire Simon Ginesty, Sociétés de personnes : la réforme issue de la loi de finances rectificative pour 2010, Lexbase Hebdo n° 422 du 6 janvier 2011 - édition fiscale N° Lexbase : N0419BRX).
B - Crédit d'impôt intéressement et crédit d'impôt recherche
1 - Crédit d'impôt intéressement (LDF 2011, art. 131)
Jusqu'au 31 décembre 2014, les entreprises qui concluent un accord d'intéressement pourront bénéficier d'un crédit d'impôt calculé sur le montant des primes versées à ce titre dont le taux est relevé de 20 % à 30 % des sommes versées à compter du 1er janvier 2011.
2 - Crédit d'impôt recherche (LDF 2011, art. 41)
Le crédit d'impôt recherche est à nouveau amendé ! Outre des aménagements afférents à l'évaluation des dépenses de fonctionnement, la loi de finances pour 2011 modifie l'article 199 ter B du CGI (N° Lexbase : L2027IG8) quant au remboursement immédiat de la créance lorsqu'elle est constatée par certaines entreprises (1) créées à compter du 1er janvier 2004 et dont le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue à 50 % au moins par des personnes physiques, ou par une société dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques, ou par des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation ou des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance entre les entreprises et ces dernières sociétés ou ces fonds. Ce remboursement immédiat de la créance constatée peut l'être au titre de l'année de création et des quatre années suivantes. Il en est de même des entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires qui peuvent alors demander le remboursement de la créance à compter de la date du jugement qui a ouvert ces procédures. Sont également concernées les jeunes entreprises innovantes et les entreprises qui satisfont à la définition communautaire des micro, petites et moyennes entreprises (2). Un garde-fou cependant : la loi a prévu que les entreprises créées depuis moins de deux ans, et qui sollicitent le remboursement immédiat de cette créance de crédit d'impôt, devront présenter à l'appui de leur demande les pièces justificatives attestant de la réalité des dépenses de recherche.
Enfin, une clause anti-abus a été adoptée s'agissant de la rémunération des conseils qui aident les entreprises à monter leurs dossiers de crédit d'impôt recherche. Ces conseils comprennent l'ensemble des officines qui ont été créées dans le but d'optimiser les charges fiscales et sociales des entreprises (notamment quant aux impôts locaux) mais également -ce qui est fort regrettable- la profession réglementée d'auxiliaire de justice qu'est celle des avocats. Désormais, à compter du 1er janvier 2011, le montant des dépenses exposées par les entreprises auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour l'octroi du bénéfice du crédit d'impôt est déduit des bases de calcul de ce dernier à concurrence :
- du montant des sommes rémunérant ces prestations, fixé en proportion du montant du crédit d'impôt pouvant bénéficier à l'entreprise ;
- du montant des dépenses ainsi exposées, autres que celles mentionnées ci-dessus, qui excède le plus élevé des deux montants suivants ; soit la somme de 15 000 euros hors taxes, soit 5 % du total des dépenses hors taxes minoré des subventions publiques.
C - Assiette de l'impôt, régimes particuliers d'imposition
1 - Régime des sociétés mères filles (LDF 2011, art. 10)
Le régime des sociétés mères filles (CGI, art. 145 N° Lexbase : L3391IGP ; CGI, art. 216 N° Lexbase : L3998HLN) permet une remontée des dividendes de la fille en franchise d'impôt à l'exception d'une quote-part forfaitaire de frais et charges fixée à 5 %. La rédaction du Code général des impôts permettait de retenir également une quote-part de frais et charges pour sa valeur réelle ce qui permettait d'en limiter le coût fiscal. L'article 10 de la loi de finances pour 2011 supprime cette valorisation au réel.
2 - Cession de participations supérieures à 25 % dans le groupe familial (LDFR 2010, art. 18)
La cession de participations supérieures à 25 % dans le groupe familial ouvre droit à une exonération d'impôt dans certaines conditions (CGI, art. 150-0 A I 3 N° Lexbase : L0088IKH).
Ce régime est aménagé sur deux points :
- il est prévu une extension de son champ d'application aux sociétés de l'Union européenne et à celles de l'Espace économique européen (Islande, Norvège, Liechtenstein). Il n'est pas certain que cette mesure adoptée pour satisfaire le droit communautaire concerne beaucoup de contribuables...
- en revanche, ils seront beaucoup plus nombreux d'une part à être frappés par les prélèvements sociaux, dont le montant sera de 12,3 % en 2011 ; d'autre part à voir leur revenu fiscal de référence majoré de cette même plus-value.
3 - Revenus mobiliers (LDF 2011, art. 6, 7 et 8)
La fiscalité liée aux revenus mobiliers subit quelques changements : d'une part, le taux de l'imposition est relevé de 18 à 19 % pour la distribution de dividendes et la cession de valeurs mobilières est, désormais, taxable dès le premier euro de cession ; d'autre part, le crédit d'impôt servi aux particuliers plafonné à 115 euros pour une personne seule, ou 230 euros pour un couple, lors d'une distribution de dividendes est supprimé.
4 - Départ à la retraite (LDFR 2010, art. 58)
La loi fiscale permet aux contribuables devant partir à la retraite dans les deux ans précédant ou suivant la cession de leur entreprise de bénéficier d'une exonération d'impôt (CGI, art. 150-0 D ter N° Lexbase : L4706ICB ; CGI, art. 151 septies A N° Lexbase : L8863ICA). Tenant compte de la récente réforme portant sur les retraites, le législateur a prévu de proroger ce délai jusqu'à la date d'ouverture de leurs droits à une pension de retraite si la cession a été réalisée entre le 1er juillet 2009 et le 10 novembre 2010 :
- en application de la législation antérieure à la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L3048IN9), le cédant aurait pu faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années de la cession ;
- en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 précitée, le cédant ne peut plus faire valoir ses droits dans les deux années de la cession.
D - TVA : notion de groupe et paiement de la taxe (LDFR 2010, art. 50)
Alors que chaque société d'un même groupe est tenue de régler la TVA due au titre de la période concernée, il est prévu, à compter du 1er janvier 2012, un régime optionnel de consolidation de paiement de la TVA qui intéressera les groupes de société détenant, pendant toute la durée de l'option, des filiales à plus de 50 %. Certaines obligations sont également mises à la charge des membres du groupe, qui doivent être soumis au régime réel normal d'imposition (CGI, art. 287 2 N° Lexbase : L3092IGM), quant à l'ouverture et la clôture de leurs exercices comptables aux mêmes dates et le dépôt de leurs déclarations de résultats par voie électronique (CGI, art. 1649 quater B quater N° Lexbase : L3240IG4).
II - Mesures intéressant la lutte contre la fraude fiscale, les activités illicites et l'évasion fiscale et réforme du recouvrement de l'impôt
Le ministre du Budget a annoncé, dans une circulaire du 2 novembre 2010, relative aux orientations stratégiques du contrôle fiscal pour les années 2010-2011 (N° Lexbase : L3137INI), vouloir intensifier les opérations du contrôle fiscal dans les plus petites structures, c'est-à-dire les entreprises (3) qui, sur le plan statistique, ont peu de chance d'être dans les faits contrôlées a contrario de ce que connaissent les grands groupes et les patrimoines à fort enjeu. La loi de finances rectificatives pour 2010, adoptée le 30 décembre 2010, traduit cette orientation (A) ainsi qu'une réforme du recouvrement de l'impôt (B).
A - Lutte contre la fraude fiscale, les activités illicites et l'évasion fiscale (LDFR 2010, art. 63 et 69)
La lutte contre la fraude fiscale a fait l'objet, depuis quelques années, d'une modification substantielle des outils offerts à l'administration fiscale : outre la modification des règles régissant la prescription, le Parlement a durci en 2009 la législation portant sur les transactions avec les Etats et territoires non coopératifs. Il a, également, introduit une procédure de flagrance fiscale (loi n° 2007-1824, 25 décembre 2007, de finances rectificative pour 2007 N° Lexbase : L5490H3Q ; LPF art. L. 16-0 BA, N° Lexbase : L2754IG4) et une procédure judiciaire d'enquête fiscale (loi n° 2009-1674, 30 décembre 2009, de finances rectificative pour 2009 N° Lexbase : L1817IGE ; C. proc. pén., art. 28-2 N° Lexbase : L3331IGH ; v. également : décret n° 2010-1318, portant création d'une brigade nationale de répression de la délinquance fiscale N° Lexbase : L2908INZ (4)) ainsi qu'un dispositif de présomption de revenus pour les contribuables s'étant adonnés à des trafics illicites portant atteintes à la sécurité publique et à l'ordre public (CGI, art. 1649 quater-0 B bis N° Lexbase : L2845IGH (5)) que le législateur a enfin consacré en 2009 pour donner les moyens à l'administration fiscale de combattre efficacement l'économie souterraine française.
Tous ces textes sont complétés par la loi de finances rectificative pour 2010. Ainsi, la procédure judiciaire d'enquête fiscale est modifiée permettant aux agents des services fiscaux habilités d'enquêter sur les infractions connexes aux infractions fiscales. De plus, lorsque l'administration fiscale est informée, dans le cadre de la lutte contre les activités lucratives non déclarées portant atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique, elle peut, en cas de disproportion marquée entre le train de vie du contribuable et ses revenus, porter la base d'imposition à l'impôt sur le revenu à une somme forfaitaire : la loi de finances rectificative pour 2010 prévoit l'hypothèse de la location de véhicules et modifie en conséquence le barème prévu par le Code général des impôts (CGI, art. 1649 quater-0 B ter N° Lexbase : L0175IKP).
Enfin, en matière de fiscalité internationale, le Livre des procédures fiscales (LPF, art. L. 189 A) prévoit qu'à la suite d'une proposition de rectification, lorsqu'une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte entre la France et un autre Etat ou territoire sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou de la Convention européenne 90/436/CEE, relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées du 23 juillet 1990, le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes.
L'article 69 de la loi de finances rectificative pour 2010 restreint la portée de ce texte dans l'hypothèse où les bénéfices ou revenus rectifiés ont bénéficié d'un régime fiscal privilégié dans l'autre Etat ou territoire au sens de l'article 238 A du CGI (N° Lexbase : L3230IGQ).
B - Recouvrement de l'impôt (LDFR 2010, art. 55)
Le recouvrement de l'impôt, qui intéresse tous les contribuables et en particulier les entreprises, est réformé à la suite de la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) qui a donné naissance à la direction générale des finances publiques (DGFiP ; décret n° 2008-310, du 3 avril 2008, relatif à la direction générale des finances publiques N° Lexbase : L8598H3T).
On retiendra, essentiellement, que la loi de finances rectificative pour 2010 prévoit que les poursuites seront effectuées dans les formes prévues par le Code de procédure civile pour le recouvrement des créances et qu'à compter du 1er octobre 2011, une relance des défaillants sera initiée par le comptable public (ordonnance n° 2010-420, du 27 avril 2010, portant adaptation de dispositions résultant de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique N° Lexbase : L0034IHQ), si aucune autre défaillance de paiement n'a été constatée pour un même contribuable au titre d'une même catégorie d'impositions au cours des trois années précédant la date limite de paiement ou la date de mise en recouvrement de l'imposition dont le recouvrement est poursuivi.
D'autres exceptions à cette procédure de relance sont prévues lorsque :
- les impositions résultent de l'application d'une procédure de rectification ou d'une procédure d'imposition d'office ;
- les créances sont d'un montant supérieur à 15 000 euros ;
- les créances sont nées postérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective ;
- les créances des entreprises tenues de souscrire leurs déclarations de résultats auprès du service chargé des grandes entreprises.
Puis, le comptable public, à l'issue d'un délai de trente jours, et à défaut d'un sursis de paiement au soutien d'une réclamation contentieuse (LPF, art. L. 277 N° Lexbase : L4684ICH), pourra adresser une mise en demeure de payer et engager des poursuites à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la notification de cette mise en demeure.
Dans les hypothèses de cession ou de cessation d'entreprise, d'exercice d'une profession non commerciale, du décès de l'exploitant ou du contribuable, du déménagement hors du ressort du service chargé du recouvrement (6), ou encore en cas d'application d'une majoration pour non-déclaration ou déclaration tardive ou insuffisante des revenus et bénéfices imposables (CGI, art. 1663 N° Lexbase : L0676IHI), le comptable public compétent peut faire signifier une mise en demeure de payer au contribuable dès l'exigibilité de l'impôt sur le revenu, des contributions sociales recouvrées comme en matière d'impôt sur le revenu (7). La saisie peut alors être pratiquée un jour franc après la signification de la mise en demeure de payer.
Enfin, les frais de poursuites mis à la charge des redevables au titre des produits recouvrés par le comptable public seront calculés par application d'un pourcentage qui ne pourra pas excéder 5 % du montant total des créances dont le paiement leur est réclamé, dans la limite de 500 euros (8).
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 17 Janvier 2011
Lexbase : Les deux questions prioritaires de constitutionnalité que vous avez soulevées sont relatives aux expertises. La première a plus particulièrement trait à l'expertise prévue par l'article L. 621-9 du Code de commerce, en matière de procédures collectives, alors que la seconde s'intéresse au tiers évaluateur de l'article 1843-4 du Code civil. Pouvez-vous nous rappeler leurs régimes juridiques respectifs ?
Edouard Bertrand : Si ces deux QPC portent sur deux dispositions distinctes, l'une du Code de commerce et l'autre du Code civil, elles se ressemblent en ce que ces deux textes régissent deux types d'expertises qui se caractérisent par les mêmes anomalies.
L'article L. 621-9 du Code de commerce régit les attributions du juge-commissaire, dans le cadre de la loi de sauvegarde des entreprises en difficultés (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT). Il prévoit que "lorsque la désignation d'un technicien est nécessaire, seul le juge-commissaire peut y procéder en vue d'une mission qu'il détermine [...]".
Au cas présent, une société avait été mise en liquidation judiciaire. Le mandataire liquidateur avait fait désigner un expert, par ordonnance du juge-commissaire, aux fins de "vérifier la régularité des opérations intervenues, en relevant les faits susceptibles d'entraîner la mise en cause de la responsabilité civile, comme pénale, des dirigeants".
Le but de l'expertise était clairement affiché : trouver les éléments permettant de fonder une action en comblement de passif contre les dirigeants.
L'article 1843-4 du Code civil, issu de la loi du 4 janvier 1978 (loi n° 78-9, du 4 janvier 1978, modifiant le titre IX du livre III du Code civil N° Lexbase : L1471AIC), concerne les litiges entre associés sur la valeur des parts sociales ou actions qu'ils détiennent : "dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible".
Au cas d'espèce, le président du tribunal de commerce de Lyon était saisi, sur le fondement de cet article 1843-4 par une société, actionnaire à 33 % d'une société holding, d'une demande d'évaluation des actions détenues par elle dans le capital de cette société.
Ces deux types d'expertises se caractérisent par les mêmes défauts d'une gravité susceptible de violer les droits et libertés garantis par les textes ayant valeur constitutionnelle : elles ne sont pas des expertises judiciaires au sens des articles 263 (N° Lexbase : L1796H4B) et suivants du Code de procédure civile.
Le débat contradictoire, la faculté de discuter du pré-rapport de l'expert par des dires, ou encore la possibilité de solliciter l'intervention du juge chargé du contrôle de l'expertise..., tous ces principes ne s'appliquent pas dans ces expertises effectuées sur fond soit de défaillance, soit d'évaluation de l'entreprise. La jurisprudence ne soumet pas, en effet, ces expertises aux règles élémentaires définies par le Code de procédure civile et notamment les articles 232 (N° Lexbase : L1719H4G) et suivants relatifs aux expertises judiciaires (cf. not., Cass. com., 23 juin 1998, n° 96-12.222 N° Lexbase : A5422ACS)
En cela, ces deux QPC se rejoignent.
Lexbase : Le tribunal de commerce de Romans a transmis à la Cour de cassation la QPC que vous lui aviez soumise sur la constitutionnalité de l'article L. 621-9 du Code de commerce. En quoi cette dernière revêtait-elle un caractère sérieux ?
Edouard Bertrand : Tout d'abord, le tribunal a facilement admis les deux premiers des trois critères d'examen de la recevabilité de la QPC car ce sont des critères objectifs : celui de l'antériorité (la disposition législative contesté a-t-elle déjà été reconnue conforme à la Constitution ?) et celui de l'applicabilité (la disposition critiquée est-elle applicable ou sert-elle de fondement aux poursuites ?). Le dernier critère est plus subjectif : la QPC est-elle dépourvue ou non de caractère sérieux ?
Reprenant les arguments du procureur de la République qui avait requis la transmission de la QPC à la Cour de cassation, et ceux des demandeurs à la QPC, le tribunal de Romans a jugé que "les conséquences de l'article L. 621-9, qui ne prévoit pas expressément de procédure contradictoire dans l'élaboration du rapport de l'expert désigné par le juge-commissaire, ne sont pas neutres pour les défenseurs". Pour motiver le caractère sérieux de la QPC, les demandeurs avaient réunis un ensemble d'arguments : des articles de doctrine émanant d'auteurs qui s'étaient saisis de cette question des expertises conduites non contradictoirement alors qu'elles servaient de base à des poursuites de dirigeant en faillite ou en comblement de passif, ou encore un récent congrès des experts-comptables de justice ayant réunis les plus hautes autorités judiciaires, sur le thème des expertises judiciaires conduites dans le cadre des procédures collectives.
Précisément, la question du respect du contradictoire et de l'égalité des armes devant le tribunal de commerce à l'occasion de ces expertises était au coeur de ces réflexions.
Poursuivre des dirigeants en comblement de passif pour leur réclamer jusqu'à la totalité de leur patrimoine personnel sur la base d'une expertise au cours de laquelle ils ne peuvent s'exprimer et faire valoir leur position, pose incontestablement une question sérieuse, alors que, par exemple, pour une simple expertise de dégât des eaux par un voisin, bénéficiant des règles du Code de procédure civile, les parties peuvent participer au déroulement de l'expertise commise par le juge des référés.
Lexbase : A l'instar des juges romanais, les juges consulaires de Lyon ont transmis la QPC sur la constitutionnalité de l'article 1843-4 du Code de commerce à la Cour de cassation, aux termes d'un raisonnement particulièrement intéressant. En quoi cette dernière revêtait-elle alors un caractère sérieux ?
Edouard Bertrand : Le président du tribunal de commerce de Lyon a rendu une ordonnance particulièrement bien motivée sur ce caractère sérieux : outre le congrès des experts-comptables de justice déjà évoqué, il a examiné la jurisprudence de la Cour de cassation.
Ce point est important car le défendeur à la QPC opposait le fait que c'est la seule jurisprudence rendue par la Cour de cassation sous l'article 1843-4 du Code civil, et non la disposition elle-même, qui avait fixé que l'expertise se déroulait non contradictoirement et à l'écart des règles du Code de procédure civile (cf. Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-11.790, FS-P+B+R N° Lexbase : A9568DHT). Au motif que la QPC ne peut porter que sur une disposition législative, et non sur son interprétation jurisprudentielle, le défendeur déniait tout caractère sérieux à cette QPC.
Pour écarter cette thèse, le président du tribunal de commerce de Lyon a retenu les deux décisions du Conseil constitutionnel des 6 (Cons. const., décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010 N° Lexbase : A9923GAR) et 14 octobre 2010 (Cons. const., décision n° 2010-52 QPC du 14 octobre 2010 N° Lexbase : A7696GBN), selon lesquelles tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, l'interprétation de la loi faisant corps avec le texte législatif qui en fournit l'occasion.
Enfin, sans confondre l'exception de constitutionnalité avec celle de conventionalité, le président du tribunal de Lyon n'a pas été insensible à la portée de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme qui avait sanctionné la France, sur le fondement de l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), dans une affaire où le débat portait déjà sur le caractère non contradictoire d'une expertise judiciaire alors que le rapport de l'expert représentait l'élément essentiel, sinon unique de la décision du tribunal saisi.
Lexbase : Quels sont, dès lors, selon vous les textes à valeur constitutionnelle méconnus par les articles L. 621-9 et 1843-4 du Code civil ?
Edouard Bertrand : Le rédacteur d'une QPC doit obligatoirement viser les textes ayant valeur constitutionnelle (les textes du bloc de constitutionnalité) qui garantissent les droits et les libertés qui sont contrariés par la disposition législative critiquée.
Etaient ainsi mis en avant les atteintes au débat contradictoire, lequel a été reconnu comme consubstantiel aux droits de la défense, ces derniers faisant partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (Cons. const., 2 décembre 1976, n° 76-70 DC N° Lexbase : A7934ACT), Rec. Cons. const., 1976, p. 39 ; Cons. const., 19 et 20 janvier 1981, n° 80-127 DC N° Lexbase : A8028ACC, Rec. Cons. const., 1981, p. 15).
Etait également invoqué le principe de l'égalité des citoyens reconnu par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1370A9M) auquel on peut rattacher le principe de l'égalité des armes devant le juge.
Comment celui à qui le rapport de l'expert est opposé peut-il le combattre devant le juge dès lors que c'est ce juge qui l'a désigné et que l'expert est agréé auprès du tribunal ? La question ne se pose d'ailleurs même pas pour l'expertise de tiers évaluation de l'article 1843-4 du Code civil puisque le rapport lie le juge du fond qui ne peut que l'entériner, "sauf erreur grossière" (cf. Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-11.790, préc.). La QPC est d'autant plus fondée.
Pour l'expertise de l'article L. 621-9 du Code de commerce, on répondra qu'une fois déposé, le rapport de l'expert est soumis à la critique, dans le cadre d'un débat contradictoire, devant le tribunal de commerce, au moment de statuer sur l'action en comblement de passif. C'est parfaitement inexact. Le dirigeant fait face à un tribunal disposant d'un rapport établi unilatéralement par un expert, sollicité par un des juges, à la requête d'un mandataire liquidateur, ces trois professionnels (l'expert, le juge et le liquidateur), bénéficiant de la qualité d'autorité judiciaire ou d'auxiliaire de justice. Et, si le dirigeant entend contredire le rapport de l'expert en sollicitant un autre expert pour évaluer le travail effectué, on lui opposera, à juste titre, que ce second rapport n'est pas plus contradictoire que le premier.
Pire, payé par le dirigeant, il sera forcément partiel et tendancieux ! Le "bon" expert sera nécessairement celui qui était désigné par le juge.
Enfin, le second expert ne bénéficiera pas de la même qualité d'information parce que la comptabilité, les archives, toutes les pièces... ne lui seront pas accessibles.
Finalement, on le comprend bien, ce sont les droits de la défense, que les avocats ont pour mission de consolider, qui sont lourdement malmenés dans ce type d'expertises. Or, pour faire jaillir la vérité, la justice doit, en toute circonstance, assurer le respect du contradictoire. Les procédures collectives et le droit des sociétés ne sauraient faire exception en raison des enjeux considérables qui peuvent en découler.
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Le 17 Janvier 2011
Matinée sous la présidence de Dominique Folscheid, Professeur de philosophie, UPEMLV
9h - Accueil des participants
9h15 - Médiation, droit & justice : résonances philosophiques par Monique Castillo, Professeur de philosophie, UPEC
En matière pénale
9h45 - La médiation & les finalités du droit pénal par Claudia Ghica-Lemarchand, Maître de conférences en droit, UPEC
10h15 - La pratique de la médiation pénale par Mathieu Debatisse, Substitut du Procureur, tribunal de grande instance de Créteil
10h45 - Débats avec la salle
11h15 - Médiation & médiatisation dans les affaires pénales par Frédéric Gros, Professeur de philosophie, UPEC
11h45 - La médiation comme traitement des crimes de masse ? par Françoise Sironi, Maître de conférences en psychologie, Université Paris VIII, Expert
12h15 Débats avec la salle
Après-midi sous la présidence de Philippe Théry, Professeur de droit, Université Panthéon-Assas
En matières civile & commerciale
14h - La médiation parmi les modes de règlement des différends civils & commerciaux par Pascal Ancel, Professeur de droit, Université Jean Monnet, Saint-Etienne, & Catherine Peulvé, Avocat au barreau de Paris, Médiateur, coprésidente de la Commission Contentieux & Règlement des litiges de l'ACE
15h - Débats avec la salle
15h15 - La pratique de la médiation inter-entreprise par Gilles Duverger-Nedellec, Président de l'Institut d'Expertise, d'Arbitrage & de Médiation, & Marie-Laure Chalopin, Médiateur, Membre du Centre de Médiation & d'Arbitrage de Paris
16h - Débats avec la salle
16h15 - Table ronde : Pourquoi & comment institutionnaliser la médiation en matière civile ?
Introduction & modération : Antoine Bolze, Maître de conférences en droit, Co-directeur de l'IEJ, UPEC - Participants : Danièle Ganancia, Vice-présidente, tribunal de grande instance de Paris ; Elisabeth Menesguen, Avocat, ancien Bâtonnier de l'Ordre du barreau du Val de Marne ; Fabrice Vert, Conseiller, Cour d'appel de Paris
17h15 - Débats avec la salle
17h30 - Propos conclusifs par André Decocq, Professeur de droit, Université Panthéon-Assas, Doyen honoraire
Jeudi 3 février 2011
9h -18h
Université Paris-Est Créteil
Amphi A2
83-85 avenue du Général de Gaulle, 94000 Créteil
Métro : Créteil l'Echat (ligne 8)
Inscription obligatoire & gratuite :
La participation à ce colloque sera validée pour huit heures au titre de l'obligation de formation continue des avocats.
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Le 17 Janvier 2011
Tenu, en tant que rédacteur d'actes, de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte (1), il incombe à l'avocat d'apporter la diligence à se renseigner sur les éléments de droit et de fait qui commandent les actes qu'il prépare ou les avis qu'il doit fournir, et d'informer ses clients sur la portée de l'acte et sur la conduite à tenir (2). Et l'avocat est, bien entendu, également soumis à un devoir de conseil lorsqu'il intervient non plus simplement en tant que rédacteur d'actes, mais également en tant qu'il est investi d'une mission d'assistance et de représentation, soit en vertu d'un mandat ad litem, c'est-à-dire d'un mandat général obligeant l'avocat, dans le cadre de l'activité judiciaire, à accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de forme et de fond de la procédure, soit d'un mandat ad negotia, c'est-à-dire d'un mandat qui peut n'avoir aucun lien avec une procédure judiciaire ou bien être l'accessoire ou une extension du mandat ad litem. La caractérisation d'un éventuel manquement de l'avocat à ses obligations suppose alors naturellement de déterminer l'étendue de la mission qui lui a été confiée et qui ressort, précisément, de son mandat : la responsabilité de l'avocat ne peut valablement s'apprécier qu'au regard du mandat (3). Tout cela est parfaitement connu. Encore faut-il tout de même relever que si, appréciée globalement, la jurisprudence parait sévère et rigoureuse à l'égard de l'avocat, il est tout de même des circonstances de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 25 novembre 2010, à paraître au Bulletin, en constitue d'ailleurs un exemple.
En l'espèce, par acte établi par un notaire, une banque avait accordé à une SCI un crédit à court terme, suivi d'un prêt de consolidation, opération garantie par une hypothèque consentie sur la parcelle devant accueillir l'ensemble immobilier dont la construction était ainsi financée. A la suite de la défaillance de l'emprunteur, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière. Mais ayant découvert que le cahier des charges établi par la SCP d'avocats comportait une indication inexacte relativement à la contenance de l'immeuble, comme mentionnant des locaux construits sur une parcelle non comprise dans l'assiette de la saisie, l'adjudicataire a engagé une action en responsabilité contre l'avocat et la banque, laquelle a appelé en garantie le notaire, ainsi que l'huissier de justice ayant dressé le procès-verbal de description du bien saisi. Aux termes d'une procédure passablement longue, la cour d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 21 décembre 2006, n° 05-11.262, F-D N° Lexbase : A0880DTR), a condamné l'avocat à réparation, ayant constaté, d'une part, que les constructions litigieuses, initialement prévues sur la parcelle donnée en garantie, avaient été, pour des raisons inconnues, édifiées sur un terrain voisin et énoncé, d'autre part, que le cahier des charges avait été établi sur le postulat erroné d'une concordance parfaite entre terrains hypothéqués et immeubles construits et que cette faute d'inattention était à l'origine du litige dès lors que la vente immobilière ne pouvait aboutir qu'à la cession du terrain hypothéqué tandis que l'adjudicataire, sur la base du cahier des charges, avait cru acquérir la totalité de l'ensemble immobilier. Cette décision est à présent cassée, sous le visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) : la Haute juridiction décide, en effet, "qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi les éléments dont disposait l'avocat, qui, comme cela ressort des énonciations de l'arrêt, avait rédigé le cahier des charges sur la foi des mentions de l'acte notarié relatives à l'hypothèque et en se conformant, pour la désignation du bien saisi, au procès-verbal de description dressé par l'huissier de justice, étaient de nature à éveiller ses soupçons quant à la discordance constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".
On se souvient, pour l'avoir déjà évoqué ici même, que, "l'avocat ne saurait être tenu, dans le cadre de son obligation de conseil, de vérifier les informations fournies par son client s'il n'est pas établi qu'il disposait d'informations de nature à les mettre en doute ni d'attirer son attention sur les conséquences d'une fausse déclaration" (4). Il est, en effet, acquis que l'avocat n'est pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties, du moins dans les hypothèses dans lesquelles aucun élément ne permettait de douter de leur exactitude. La solution est au demeurant la même pour le notaire : ainsi décide-t-on que lorsqu'une partie déclare n'avoir jamais fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, le notaire n'a pas à vérifier cette déclaration, sauf à ce qu'existent des raisons objectives de mettre en doute sa véracité (5). Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 mars 2010 était encore venu rappeler la solution, en énonçant que "si le professionnel doit veiller, dans ses activités de conseil et de rédaction d'actes, à réunir les justificatifs nécessaires à son intervention, il n'est, en revanche, pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties en l'absence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons quant à la véracité des renseignements donnés" (6).
Ces solutions valent également, non pas seulement lorsqu'il est question d'apprécier l'exécution par le professionnel de son devoir d'information et de conseil, mais aussi, plus généralement, lorsqu'il s'agit de vérifier qu'il a correctement exécuté son obligation d'assurer l'efficacité des actes auxquels il prête son concours, ce qui, au demeurant, est parfaitement logique dans la mesure où cette obligation constitue en quelque sorte le socle sur lequel se greffe le devoir d'information et de conseil. Sous cet aspect, il a déjà été jugé que, si l'obligation d'efficacité impose, certes, au notaire de requérir un état hypothécaire et un certificat d'urbanisme avant chaque vente en la forme authentique, y compris lorsqu'il en est dispensé par les parties (7), il n'engage, cependant, pas sa responsabilité si ces documents sont erronés, sauf à ce qu'il dispose d'éléments "susceptibles de l'amener à suspecter l'exactitude des renseignements d'urbanisme fournis" (8). De même, n'engage pas sa responsabilité le notaire ayant établi l'acte de vente d'un immeuble sur la base de documents attestant de la répartition des parts sociales de la société civile immobilière détenant l'immeuble, dont aucun indice ne permettait de soupçonner la fausseté, le notaire, chargé de donner forme authentique à la vente de l'immeuble et non à la cession des parts sociales, étant ainsi fondé à ne pas consulter le registre des nantissements (9). L'arrêt du 25 novembre dernier procède de la même logique et applique ce principe à l'avocat. Aussi bien comprend-on que la Cour de cassation reproche ici aux juges du fond une insuffisance de motivation : pour engager la responsabilité de l'avocat qui avait rédigé le cahier des charges sur la foi des mentions de l'acte notarié, encore aurait-il fallu être en mesure d'établir qu'il disposait d'éléments suffisants pour éveiller ses soupçons quant à la discordance constatée à l'origine du litige.
Si l'occasion a déjà été donnée, ici même, d'insister sur l'importance du devoir d'information et de conseil qui pèse sur les professionnels du droit, notaires et avocats en tête, il ne faut pas perdre de vue que, en réalité, le conseil est avant tout l'instrument permettant d'atteindre l'exigence d'efficacité inhérente à leurs obligations, comme l'a d'ailleurs exprimé l'arrêt "Boiteux" de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 avril 1981, suivant lequel le devoir de conseil du notaire est destiné à assurer la validité et l'efficacité des actes (10). Ainsi les notaires doivent-ils, avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de ces actes (11), en même temps qu'ils doivent éclairer les parties et attirer leur attention sur les conséquences et les risques des actes qu'ils authentifient (12). Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de la Cour de cassation du 9 décembre 2010, à paraître au Bulletin -qui décide qu'engage sa responsabilité le notaire qui rapporte à l'acquéreur d'une vente conclue sous condition suspensive de la modification du plan d'occupation des sols d'une commune afin de permettre la réalisation d'un hôtel-restaurant l'information qu'il tient du maire de ladite modification sans vérifier la teneur de la délibération du conseil municipal ni consulté les documents d'urbanisme- confirme la rigueur dont fait preuve la jurisprudence en la matière.
En l'espèce, des acquéreurs avaient conclu avec une société un compromis de vente aux termes duquel celle-ci s'engageait à leur vendre un ensemble immobilier sous la condition suspensive de l'obtention par elle de la modification du plan d'occupation des sols de la commune permettant la réalisation par les acquéreurs d'un hôtel-restaurant qu'ils envisageaient d'exploiter. Or, le maire de la commune ayant informé le notaire instrumentaire que le conseil municipal avait procédé à la modification du plan d'occupation des sols, ce dernier avait, sur la foi de cette correspondance, établi l'acte authentique de vente mentionnant "le comparant [...] constate et reconnaît que par le fait de la modification du POS de la commune de Portel des Corbières, par délibération du conseil municipal en date du 23 novembre 1995, la condition suspensive [...] se trouve réalisée et, en conséquence, ladite vente est devenue définitive". Mais le problème est venu du fait que le permis de construire a finalement été ultérieurement refusé aux acquéreurs, notamment au motif que le POS interdisait toute construction à usage hôtelier, de commerce et de service. C'est dans ce contexte qu'ils sont assigné le notaire aux fins d'indemnisation de leur préjudice tel qu'évalué par l'expert, soit la somme de 218 142 euros, sur le fondement de la faute commise pour n'avoir pas vérifié la teneur de la délibération du conseil municipal ni consulté les documents d'urbanisme. S'est dès lors engagée une discussion entre les parties non pas tant sur le principe de la responsabilité du notaire que sur l'évaluation du préjudice causé par la faute du notaire, elle indiscutable. Ainsi, pour réformer le jugement qui avait condamné la SCP notariale à payer la somme fixée par l'expert judiciaire et pour débouter les acquéreurs de leurs demandes, un arrêt de la cour d'appel de Montpellier avait énoncé que le préjudice qu'ils pourraient avoir subi du fait de l'acquisition de l'immeuble ne pourrait consister qu'en la perte du profit qu'ils espéraient tirer de l'hôtel-restaurant qu'ils avaient projeté de construire, dont l'estimation impliquait l'examen de l'intégralité du dossier qu'ils avaient nécessairement constitué en vue de construire et d'exploiter un établissement hôtelier et en particulier du plan de financement de ce projet et du calcul prévisionnel de rentabilité de cette opération et qu'aucun élément de preuve n'était apporté à cet égard. La Cour de cassation casse cette décision sous le visa de l'article 16 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1133H4Q) : "qu'en se déterminant ainsi, après avoir réfuté la méthode d'évaluation adoptée par l'expert et admis que le préjudice que les intéressés pourraient avoir subi ne pourrait consister qu'en la perte du profit qu'ils espéraient tirer de l'hôtel-restaurant qu'ils avaient projeté de construire, sans mettre les demandeurs intimés, qui demandaient la confirmation pure et simple du jugement, en mesure de justifier du préjudice dont elle admettait le principe selon une démarche différente de celle de l'expert, retenue par les premiers juges, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
On laissera à d'autres, spécialistes de ces questions, le soin d'examiner la solution sous l'angle de la procédure civile pour ne s'en tenir ici qu'à la mise en cause de la responsabilité du notaire. Or, sous cet aspect, l'arrêt confirme la teneur de l'obligation qui pèse sur le notaire d'assurer la validité et l'efficacité des actes auxquels il apporte son concours (13). La Cour de cassation a ainsi pu décider que le notaire, tenu de s'assurer, en sa qualité de rédacteur de l'acte, de l'efficacité de celui-ci, doit vérifier la situation de l'immeuble au regard des exigences administratives (14). Il doit encore procéder à des recherches sur la situation des biens et, plus particulièrement, vérifier les origines de propriété de l'immeuble vendu (15), si bien que sa responsabilité se trouve engagée s'il s'est borné à reprendre d'un acte antérieur une origine de propriété qui s'est finalement révélée erronée (16). Ainsi s'évince de la jurisprudence l'idée selon laquelle le notaire doit faire preuve des diligences propres à assurer l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, diligences qui supposent qu'il procède lui-même aux vérifications utiles. C'est au demeurant ce qui explique que le notaire qui établit un acte de garantie hypothécaire a l'obligation de s'assurer de l'efficacité de la sûreté qu'il constitue au regard de la situation juridique de l'immeuble et, le cas échéant, d'appeler l'attention du créancier sur les risques d'insuffisance du gage inhérents à cette situation (17). Et, dans le même ordre d'idée, la Cour de cassation a affirmé que "le notaire, tenu de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, doit, sauf s'il en est dispensé expressément par les parties, veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l'exécution, dont, quelles que soient ses compétences personnelles, le client concerné se trouve alors déchargé" (18).
Rien d'étonnant, donc, dans ces conditions, que la responsabilité du notaire soit engagée à raison de sa faute consistant dans le fait de ne pas avoir vérifié la teneur de la délibération d'un conseil municipal ni consulté les documents d'urbanisme avant d'établir un acte définitif de vente dans l'hypothèse dans laquelle l'opération était, jusqu'alors, suspendue à une modification du plan d'occupation des sols de la commune. La Cour de cassation avait d'ailleurs déjà jugé qu'il revient au notaire de vérifier la constructibilité d'un terrain : ainsi avait-elle pu faire valoir que "le fait que la réalisation d'une promesse de vente soit soumise à la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire ne saurait décharger le notaire de son obligation d'assurer l'efficacité de cet acte eu égard au but poursuivi par les parties, et de son obligation de renseigner celles-ci sur les risques de l'opération projetée 'pour en déduire qu'il' appartenait à ce notaire de se renseigner sur la possibilité de construire sur un tel terrain au regard du plan d'occupation des sols en vigueur" (19).
David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)
(1) Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 89-13.528 (N° Lexbase : A4419AH7), Bull. civ. I, n° 46.
(2) Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-18.142, F-P+B sur la première branche (N° Lexbase : A4608EBB), Bull. civ. I, n° 267, jugeant que l'avocat, unique rédacteur d'un acte sous seing privé, est tenu de veiller à assurer l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et de prendre l'initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d'autre, peu important le fait que l'acte a été signé en son absence après avoir été établi à la demande d'un seul des contractants.
(3) Voir, encore, pour un rappel récent du principe, Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-15.697, F-P+B (N° Lexbase : A1017E33).
(4) Cass. civ. 1, 30 octobre 2007, n° 05-16.789, F-D (N° Lexbase : A2275DZB).
(5) Cass. civ. 1, 28 septembre 2004, n° 01-01.081, F-D (N° Lexbase : A4564DDE).
(6) Cass. civ. 1, 25 mars 2010, n° 09-12.294, F-P+B+I (N° Lexbase : A1345EUD).
(7) Cass. civ 1, 15 juin 2004, n° 01-02.621, F-D (N° Lexbase : A7299DCC).
(8) Cass. com., 12 octobre 2004, n° 00-13.348, F-D (N° Lexbase : A5938DDB).
(9) Cass. civ. 1, 5 mars 2009, n° 07-20.848, F-P+B (N° Lexbase : A6306EDW), D., 2009, AJ., p. 871.
(10) Cass. civ. 1, 22 avril 1981, n° 80-11.398 (N° Lexbase : A4212EXB), Bull. civ. I, n° 126.
(11) Cass. civ. 1, 4 janvier 1966, n° 62-12.459 (N° Lexbase : A9526DUD), Bull. civ. I, n° 7 ; Cass. civ. 1, 20 janvier 1998, n° 96-14.385 (N° Lexbase : A2257ACL), Bull. civ. I, n° 22.
(12) Cass. civ. 1, 7 novembre 2000, n° 96-21.732 (N° Lexbase : A7765AH3), Bull. civ. I, n° 282.
(13) Sur la question, voir, not., Vincent Téchené, La responsabilité du notaire, rédacteur d'acte, pour défaut d'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place de sûretés, Lexbase Hebdo n° 325, 4 novembre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N6892BHQ), note sous Cass. civ. 1, 16 octobre 2008, n° 07-14.695, F-P+B (N° Lexbase : A8018EA9).
(14) Cass. civ. 3, 28 novembre 2007, n° 06-17.758, FS-P+B (N° Lexbase : A9422DZY), Bull. civ. III, n° 213 (en l'espèce vérification de la commercialité de l'immeuble compte tenu de l'exigence d'un périmètre de protection autour) ; Cass. civ. 3, 23 septembre 2009, n° 07-20.965, FS-P+B (N° Lexbase : A3375ELL), Bull. civ. III, n° 201.
(15) Cass. civ. 1, 12 décembre 1995, Bull. civ. I, n° 459.
(16) Cass. civ. 1, 12 février 2002, Bull. civ. I, n° 54.
(17) Cass. civ. 1, 5 octobre 1999, n° 97-145.45, publié (N° Lexbase : A2322CG4). Voir déjà, auparavant, Cass. civ. 1, 30 juin 1987, n° 85-17.737 (N° Lexbase : A1369AH8).
(18) Cass. civ. 1, 16 octobre 2008, n° 07-14.695, préc..
(19) Cass. civ. 1, 21 février 1995, Bull. civ. I, n° 94.
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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 17 Janvier 2011
Eric Moutet : Pour comprendre ce problème de l'automaticité de la rupture du contrat, il faut analyser l'enquête effectuée par les services de la préfecture. Il faut, cependant, s'interroger sur le sérieux de cette procédure. Avant la loi nº 2003-239 du 18 mars 2003, pour la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9731A9B), dite loi "Sarkozy", le refus d'autoriser l'accès à des zones réservées était dû à des critères objectifs telle qu'une condamnation pénale. Désormais, même si le débat ne se situe pas sur ce terrain là, le retrait peut intervenir sur les seuls critères de "moralité au regard des règles de sûreté aéroportuaires", concept qui semble pour le moins flou. Les faits, présidant à un refus de renouvellement de badge, sont donc, totalement, subjectifs et parfois erronés. Les préfectures, se contentant d'une simple consultation au fichier STIC (ce dernier comprenant, notamment, dans ses données, l'origine ethnique, le conflit entre voisinage, etc.), n'effectuent pas une véritable enquête. Dès lors que les faits reprochés n'interviennent pas dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, nous voyons mal comment ils pourraient justifier un licenciement.
L'automaticité de la rupture est, également, parfaitement illégale. Dans un arrêt de principe du 14 novembre 2000, la Chambre sociale de la Cour de cassation s'est prononcée très clairement sur l'interdiction de toute clause résolutoire qui serait insérée dans un contrat de travail, par laquelle un employeur pourrait se préconstituer à l'avance un motif de licenciement dont le caractère réel et sérieux ne pourrait être remis en cause par le juge en cas de contentieux (3).
Lexbase : Vous reprochez à l'entreprise de ne pas avoir respecté son obligation d'adaptation à l'emploi. Etait-elle obligée ? Etait-elle en moyen de la faire respecter ?
Eric Moutet : On ne peut appliquer, dans cette affaire, la théorie du "fait du prince", les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité n'étant pas remplis. En insérant, dans un contrat de travail, l'obligation d'obtention d'une autorisation d'accès à des zones réservées, les entreprises prennent conscience que les salariés peuvent très bien se voir refuser cette habilitation. Comme l'énonce l'arrêt, "le retrait de l'habilitation n'était pas imprévisible, dans la mesure où l'employeur ne pouvait pas ignorer [...]" l'hypothèse de non renouvellement.
L'irrésistibilité ne peut être, également, démontrée. Pour des sociétés ne travaillant qu'en zone réservée des aéroports, le reclassement est, effectivement, impossible, elles ne peuvent que se plier à la décision administrative. Ce n'est pas le cas de grandes entreprises comme Air France, disposant d'emplois en zone non réservée. L'obligation d'adaptation à l'emploi, prévue notamment par l'article L. 6321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9649IE4), doit ainsi jouer (4). Il ne s'agit pas, comme l'affirme la partie adverse, d'une obligation de reclassement qui n'est pas énoncée par la loi mais de l'application de la portée large de l'obligation d'adaptation.
Lexbase : Air France, estimant que l'arrêt de la cour d'appel est isolé, a décidé de se pourvoir en cassation, arguant que plusieurs autres décisions lui étaient favorables (5). Ne peut-on pas, cependant, rapprocher cette affaire de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 13 novembre 2007 (6) ?
Eric Moutet : Nous avons évidemment plaidé l'arrêt de la Cour de cassation que vous citez. L'arrêt de la cour d'appel est, effectivement, le premier pour Air France. Il est totalement logique et parfaitement motivé.
La question fondamentale est celle de la politique de mobilité et d'adaptation sur les nombreuses sociétés, travaillant en zone réservée. Peut-on admettre que l'entreprise "renvoie la balle" à l'administration, sans autre examen des situations individuelles ? Dans un dossier, par exemple, que j'ai traité, un salarié, disposant de 20 ans d'ancienneté, s'est retrouvé fiché au STIC pour une banale altercation de voisinage purement privée, et a été ainsi privé d'emploi du jour au lendemain.
Il convient de contraindre les entreprises à faire du cas par cas. Il y a certaines situations où effectivement la décision administrative est motivée par des faits graves, mais, en ce cas, ce sont ces faits qui doivent être visés dans la lettre de licenciement. Pour des cas mineurs, et ils sont légions, l'entreprise doit adapter l'emploi et placer le salarié en zone non réservée, au minimum le temps pour le salarié d'exercer les recours contre la décision administrative.
Cet arrêt est une belle victoire pour les salariés. Depuis de nombreuses années, nous essayons d'organiser des rencontres entre les zones aéroportuaires et les préfectures pour tenter de parler de cette obligation d'adaptation. Les grandes compagnies aériennes vont peut être entamer une réflexion profonde sur cette question. Le juge ne va plus forcément être "berné" par l'application du fait du prince et analyser la cause réelle et sérieuse du licenciement.
(1) Cass. soc., 19 novembre 1980, n° 78-41.574 (N° Lexbase : A3480AGY). Sur ce point, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E9899ESG).
(2) CA Paris, 16 décembre 2010, Pôle 6, 5ème ch. (N° Lexbase : A6842GP4).
(3) Cass. soc., 14 novembre 2000, n° 98-42.371 (N° Lexbase : A7799AHC), "attendu, cependant, qu'aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement ; qu'il appartient au juge d'apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail [...], si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement" ; v. sur cette question, les obs. de B. Juéry, Une cause prédéterminée de licenciement : la fin de chantier, Lexbase Hebdo n° 13 du 7 mars 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N2165AAG).
(4) Sur cette question, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E9298ES8).
(5) Pour des faits similaires, v. CA Paris, 16 mars 2006, 21ème ch., sect. B (N° Lexbase : A6819GPA) et CA Paris, 12 décembre 2007, 21ème ch., sect. A (N° Lexbase : A7272D3Q).
(6) Cass. soc., 13 novembre 2007, n° 06-41.717 (N° Lexbase : A6023DZ4), v. les obs. de S. Tournaux, Le champ restreint de la force majeure invoquée au soutien de la rupture du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2154BD7).
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Réf. : Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 (N° Lexbase : L9901INZ) et loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L9902IN3)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"
Le 07 Février 2011
I - Santé et protection sociale
A - Droit de la Sécurité sociale, cotisations sociales
La loi de finances pour 2011 et la loi de finances rectificative pour 2010 réforment trois aspects importants du droit de la Sécurité sociale : la contribution supplémentaire versée au titre du Fonds national d'aide au logement ; la décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite. Il faut, enfin, citer (même si l'on ne se trouve plus, à proprement parler, dans le champ du droit de la Sécurité sociale, mais celui du droit fiscal) la fiscalisation des prestations de retraite versées sous forme de capital.
1 - Contribution supplémentaire versée au titre du Fonds national d'aide au logement
Depuis le 1er janvier 2011, le taux de la contribution supplémentaire versée au titre du Fonds national d'aide au logement (FNAL) due par les employeurs d'au moins 20 salariés est modifié (article 209 de la loi de finances pour 2011). Le taux de 0,40 % s'applique désormais sur la part de rémunération limitée au plafond de la Sécurité sociale (auparavant il s'appliquait sur la totalité de la rémunération). Pour la part de rémunération excédant le plafond, la contribution FNAL supplémentaire est portée à 0,50 %.
2 - Décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite
L'article 211 de la loi de finances 2011 aligne, à compter du 1er janvier 2011, les modalités de calcul des pensions civiles et militaires des retraites des anciens combattants ressortissants de pays ou territoires ayant été placés sous la souveraineté de la France sur les mêmes valeurs de points et d'indices que celles prises en compte pour les ressortissants français, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 (Cons. const., 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC N° Lexbase : A6283EXY) (2).
L'article 211, I définit le champ d'application de la "décristallisation", les nouvelles modalités de calcul concernant les pensions militaires d'invalidité, les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous les protectorat ou sous la tutelle de la France.
L'article 211, II et III aligne la valeur du point de pension et des indices servant au calcul des pensions sur les mêmes critères et valeurs que ceux applicables aux ressortissants français. L'article 211, IV étend le principe d'égalité de la valeur du point et des indices au calcul des pensions attribuées au conjoint survivant et aux orphelins.
L'article 211, V, VI, VII et VIII prévoit les modalités d'application de l'alignement des pensions des anciens combattants : les demandes sont instruites dans les conditions prévues par le Code des pensions d'invalidité et des victimes de la guerre et par le Code des pensions civiles et militaires de retraite ; la "décristallisation" est applicable aux instances en cours au 28 mai 2010, date du prononcé de la décision du Conseil constitutionnel. Avant la concession des nouvelles pensions résultant de la "décristallisation", les pensions existantes sont maintenues car l'administration doit, pour reconstituer les carrières et déterminer les nouveaux indices qui serviront au calcul et à la liquidation des pensions décristallisées, instruire les éléments nouveaux (enfants à charge, invalidité) qui seront communiqués par les bénéficiaires. Enfin, un décret fixera notamment les mesures d'information des bénéficiaires ainsi que les modalités de présentation et d'instruction des demandes.
3 - Fiscalisation des prestations de retraite versées sous forme de capital
Des travaux parlementaires ont montré que des résidents français peuvent percevoir des pensions versées sous forme de capital en provenance de pays étrangers. Il est ainsi apparu (3) que certaines pensions, correspondant aux prestations de retraite complémentaire, peuvent être versées en Suisse sous forme de capital, option qui n'existe pas en droit français pour ce type de pension. Lorsque des personnes résidant en France percevaient de telles pensions (par exemple, des anciens travailleurs frontaliers), elles n'étaient imposées, à ce titre, ni en France (le droit interne ne prévoyant pas de mécanisme d'imposition pour les pensions versées en capital), ni en Suisse.
La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L3048IN9), a tenté d'atténuer l'effet "tunnel" des contrats qui relèvent du régime de retraite complémentaire institué par la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique (Préfon) et du plan d'épargne retraite populaire (PERP). Elle prévoit, en effet, en lieu et place d'une sortie en rente viagère, une possibilité de rachat dans la limite de 20 % des droits individuels résultant de ces contrats ou de la valeur de rachat du contrat, selon le cas.
Aussi, la loi de finances rectificative pour 2010 pose le principe de l'imposition aux revenus des pensions versées en tout ou partie sous forme de capital. L'article 58-I 2° de la loi n° 2010-1658 vise à insérer un 6° bis au sein de l'article 120 du Code général des impôts (N° Lexbase : L2125HLB), aux termes duquel seraient considérés comme des revenus de capitaux mobiliers les produits attachés aux prestations de retraite versées sous forme de capital et perçues en exécution d'un contrat souscrit auprès d'une entreprise établie hors de France, lorsque le bénéficiaire justifie que les sommes versées durant la phase de constitution des droits, y compris par l'employeur, n'étaient pas déductibles du revenu imposable et n'étaient pas afférentes à un revenu exonéré dans l'Etat auquel était attribué le droit d'imposer celui-ci. Il s'agit de permettre la taxation en France des retraites complémentaires suisses susmentionnées, versées sous forme de capital.
4 - Aide médicale de l'Etat
a - Panier de soins des bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat
La loi de finances pour 2011 (art. 185) recentre le panier de soins des bénéficiaires de l'AME sur les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu a été qualifié de moyen ou d'important ou lorsqu'il n'est pas destiné directement au traitement ou à la prévention d'une maladie (4).
A côté de la couverture maladie universelle (CMU), a été mis en place par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 (N° Lexbase : L1364AID), un dispositif particulier destiné à assurer la protection de la santé des personnes étrangères résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, mais ne remplissant pas la condition de régularité de séjour exigée pour l'admission à la CMU et dont les ressources sont inférieures au plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c).
L'AME offre une couverture sociale avec dispense d'avance de frais à près de 215 000 personnes. Elle comprend trois dispositifs : le dispositif de droit commun, géré par la Caisse nationale d'assurance maladie pour le compte de l'Etat ; les soins urgents des personnes françaises ou étrangères qui ne résident pas en France (l'AME "humanitaire") ; les évacuations sanitaires d'étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de la Réunion et éventuellement vers la métropole, ainsi que les soins des personnes retenues dans les locaux de rétention administrative. Le nombre de bénéficiaires de l'AME a rapidement augmenté, le législateur ayant été conduit à engager un resserrement des conditions d'accès à ce dispositif.
Les bénéficiaires de l'AME bénéficient de la prise en charge à 100 %, dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale, des soins médicaux et hospitaliers en cas de maladie ou de maternité, soit :
- la couverture des frais de médecine générale et spéciale, des frais de soins et de prothèses dentaires, des frais pharmaceutiques et d'appareils, des frais d'examens de biologie médicale, des frais d'hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d'éducation professionnelle, ainsi que des frais d'interventions chirurgicales nécessaires pour l'assuré et la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais d'examens de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions contraceptives (CSS, art. L. 321-1, 1° N° Lexbase : L3953IGI) ;
- la couverture des frais de transport de l'assuré se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état de santé (CSS, art. L. 321-1, 2°) ;
- la couverture des frais de soins et d'hospitalisation afférents à l'interruption volontaire de grossesse (CSS, art. L. 321-1-4°) ;
- la couverture des frais relatifs aux actes et traitements à visée préventive réalisés dans le cadre des programmes de santé destinés à éviter l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies ou incapacités (CSS, art. L. 321-1, 6°) ;
- les frais médicaux, pharmaceutiques, d'analyse et d'examens de laboratoires, d'appareils et d'hospitalisation relatifs ou non à la grossesse, à l'accouchement et à ses suites (CSS, art. L. 331-2 N° Lexbase : L5316DYK) ;
- enfin, le forfait journalier hospitalier pour les mineurs et, dans des conditions particulières, pour les autres bénéficiaires de l'AME (CSS, art. L. 174-4 N° Lexbase : L4566H9Y).
La loi de finances pour 2011 exclut ces soins médicaux et hospitaliers de la prise en charge par l'assurance maladie, lorsqu'ils résultent d'actes, de produits et de prestations dont le service médical rendu n'a pas été qualifié de moyen ou d'important ou lorsqu'ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d'une maladie.
b - Contrôle systématique de la condition de résidence
La loi de finances pour 2011 (art. 186) soumet à un agrément préalable la prise en charge de certains soins des bénéficiaires de l'AME (CASF, art. L. 251-2 N° Lexbase : L4982H9E) (5). Sauf pour les soins délivrés aux mineurs et pour les soins inopinés, la prise en charge des bénéficiaires de l'AME est subordonnée, pour les soins hospitaliers dont le coût dépasse un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, à l'agrément préalable du représentant de l'Etat dans le département ou du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés.
Cet agrément sera accordé dès lors que la condition de stabilité de la résidence (résidence ininterrompue depuis plus de trois mois) est respectée et que la condition de ressources (7 611,36 euros par an pour une personne seule) est remplie. La procédure de demande d'agrément est fixée par décret en Conseil d'Etat.
c - Récupération des sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME
L'article 187 de la loi de finances pour 2011 donne aux caisses d'assurance maladie la possibilité de récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME (CASF, art. L. 251-3 N° Lexbase : L5175DKU) (6). Les caisses générales de Sécurité sociale et les caisses primaires d'assurance maladie pourront obtenir le remboursement des prestations qu'elles ont versées à tort dans le cadre de l'AME.
En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite. Le public concerné par cette mesure est une population souvent très précaire ne disposant pas toujours d'une adresse fixe et dont la solvabilité est faible. Le risque que les sommes indues ne puissent être récupérées est donc important.
d - Droit de timbre annuel de 30 euros et limitation des ayants droit
L'article 188 de la loi de finances 2011 crée un droit de timbre annuel de 30 euros pour les bénéficiaires de l'AME (7). L'introduction d'un ticket modérateur a été prévue par la loi finances rectificative pour 2002 (loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 N° Lexbase : L9372A8M) afin de permettre de limiter la consommation de soins des bénéficiaires de l'AME. Mais le décret d'application de ce dispositif n'a cependant jamais vu le jour. L'instauration du ticket modérateur se heurte à des obstacles politiques, compte tenu de l'opposition des associations et de certains professionnels de santé, mais aussi techniques.
Le nouvel article 968 E du CGI (N° Lexbase : L0629IPY) prévoit le conditionnement de la prise en charge des soins des bénéficiaires de l'AME à l'acquittement d'un droit de timbre annuel de 30 euros par bénéficiaire majeur. Ce versement prendrait la forme d'un timbre fiscal acquitté lors de la remise de l'attestation d'admission au dispositif.
B - Droit de la santé
1 - Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures sanitaires graves
L'article 189 de la loi de finances pour 2011 aligne le financement de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures sanitaires graves sur le régime de l'indemnisation des vaccinations obligatoires (C.santé publ., art. L. 1142-23 N° Lexbase : L9739INZ).
La réparation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales est confiée à l'ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales). Celui-ci est financé, pour ce volet de son activité, par le biais du fonds prévu par l'article L. 3131-5 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9617HZ9), qui finance l'ensemble des actions nécessaires à la préservation de la santé de la population en cas de menace sanitaire grave ou d'alerte épidémique. La loi de finances pour 2011 substitue, à la dotation versée par le fonds, un financement direct de l'Etat.
Cette mesure a été justifiée par plusieurs motifs : préciser le rôle de l'Etat pour l'indemnisation des préjudices résultant des mesures de santé publique qu'il met en place en cas de menace sanitaire grave ; homogénéiser les modes de financement de l'ONIAM (par ailleurs financé directement par l'Etat pour l'indemnisation des préjudices résultant de vaccinations obligatoires) ; enfin, raccourcir les circuits de financement et permettre de limiter le nombre d'acteurs sollicités (8).
2 - Transformation de la contribution CMU en taxe
L'article 190 de la loi de finances pour 2011 transforme la contribution CMU acquittée par les organismes complémentaires d'assurance santé en une taxe assise sur les cotisations payées par les assurés ayant souscrit un contrat d'assurance santé complémentaire.
Le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ("Fonds CMU") finance le volet complémentaire de la couverture maladie universelle (CMU-c) et assure la gestion de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS). Les recettes du Fonds sont constituées par le produit d'une contribution, dite "contribution CMU", et d'une dotation budgétaire de l'Etat destinée à assurer son équilibre. Les mutuelles, les institutions de prévoyance et les entreprises d'assurance y sont assujetties au titre de leur activité réalisée en France. La contribution est assise sur le montant hors taxes des primes ou cotisations émises au cours d'un trimestre civil, déduction faite des annulations ou remboursements, ou, à défaut d'émission, recouvrées, afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé, à l'exclusion des réassurances.
La contribution frappe donc les organismes d'assurance complémentaire intervenant dans le domaine des soins de santé (en 2009, 781 organismes) sur leur chiffre d'affaires santé. L'article 12 de la loi n° 2008-1330 du 18 décembre 2008 de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (N° Lexbase : L2678IC8) a fixé le taux de la contribution à 5,9 % (contre 2,5 % auparavant). En 2009, d'après les données du rapport d'activité du Fonds CMU, l'assiette de la contribution représentait environ 30,5 milliards d'euros. Son produit s'est élevé à près de 1,8 milliards d'euros, soit l'intégralité des ressources du Fonds.
La loi de finances pour 2011 transforme la contribution CMU en une taxe assise sur les cotisations payées par les assurés ayant souscrit un contrat d'assurance santé complémentaire. Cette transformation est, selon les travaux parlementaires (9), indolore tant pour le Fonds CMU, qui percevra un niveau de recettes identique, que pour les assurés qui acquitteront un montant global au titre de leur complémentaire santé analogue. L'objectif est de neutraliser les effets des augmentations ou diminutions de la contribution sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires et, corrélativement, sur le niveau de fonds propres qu'ils doivent posséder.
3 - Prorogation de quatre ans de la taxe assurant le financement du centre national de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS)
L'article 192 de la loi de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 proroge de quatre ans la taxe additionnelle à la taxe sur les médicaments et les produits bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché, destinée à financer le centre national de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS).
L'article 23 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 (N° Lexbase : L6430HEU) a créé une taxe additionnelle à la taxe sur les médicaments et les produits bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché. Les médicaments et les produits bénéficiaires d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation d'importation parallèle délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ou par la Communauté européenne sont frappés d'une taxe annuelle perçue au profit de l'AFSSAPS et des comités de protection des personnes.
La taxe additionnelle créée par la loi de finances rectificative pour 2005 correspond à une majoration de 50 % de la taxe annuelle. Le produit de cette taxe est réparti entre les centres de gestion des essais de produits de santé. Cette taxe est provisoire : elle doit être perçue au titre des ventes réalisées au cours des années 2005 à 2008. Cette nouvelle taxe servira à financer des centres de gestion des essais de produits de santé (CEGEPS). Un centre national de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS) a ainsi été mis en place en mars 2007. Le CeNGEPS est essentiellement financé par le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les médicaments et les produits bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché. Pour 2009, le CeNGEPS a ainsi reçu, à ce titre, près de 10 millions d'euros. La loi de finances 2011 propose de proroger de quatre ans la perception de la taxe additionnelle mise en place par la loi de finances rectificative pour 2005 (10).
4 - Indemnisation des personnes vaccinées contre l'hépatite B exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ou volontaire au sein de services d'incendie et de secours
L'article 193 de la loi n° 2010-1657 permet l'indemnisation des personnes, exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ou volontaire au sein de services d'incendie et de secours, vaccinées contre l'hépatite B (C. santé publ., art. L. 3111-9 N° Lexbase : L2910ICR) (11). L'article L. 3111-9 du Code de la santé publique prévoit que, sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre de la solidarité nationale.
La loi de finances pour 2011 vise à étendre ce dispositif d'indemnisation aux personnes exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ou volontaire au sein de services d'incendie et de secours et qui ont été vaccinées contre l'hépatite B depuis la date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services d'incendie et de secours.
5 - Adaptation au droit communautaire et simplification du système de taxes affectées à l'Afssaps
L'article 191 de la loi de finances pour 2011 a pour objet de renforcer la conformité du système de taxes affectées à l'Afssaps au droit communautaire et de simplifier leur recouvrement. La loi de finances pour 2011 modifie la rédaction du premier alinéa de l'article L. 5121-16 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4143ICG) pour :
- insérer les demandes de reconnaissance, par au moins un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par le directeur général de l'Afssaps (CSP, art. L. 5121-8 N° Lexbase : L6409IGH). Cette insertion permettra de soumettre au droit progressif ces demandes qui ne font pas actuellement l'objet d'une taxation, alors qu'elles exigent un travail d'évaluation et de coordination important qui justifie l'application de taux spécifiques ;
- porter le plafond des droits progressifs de 25 400 euros à 45 000 euros, sachant que, selon l'Afssaps, le montant applicable pour l'autorisation de mise sur le marché décentralisée (lorsque la France est désignée par le demandeur comme Etat membre de référence) sera d'environ 40 000 euros ;
- supprimer le mot "demande", en ce qui concerne les modifications d'autorisation de mise sur le marché, afin de permettre la perception du droit progressif, que la modification soit déclarée ou demandée. Le Règlement n° 1234/2008/CE du 24 novembre 2008 (N° Lexbase : L1380IPS) concernant l'examen des modifications des termes d'une autorisation de mise sur le marché de médicaments à usage humain et de médicaments vétérinaires, applicable au 1er janvier 2010, prévoit que certaines modifications, principalement des modifications administratives, auront un caractère déclaratoire (12).
C - Solidarité
1 - Financement du revenu de solidarité active (RSA) en faveur des jeunes actifs et du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA)
La loi de finances pour 2011 (art. 195) tend à faire financer le "RSA jeunes" pour l'année 2011 et le revenu supplémentaire temporaire d'activité, pour les années 2011 et 2012, par le Fonds national des solidarités actives (FNSA). L'article 135 de la loi de finances pour 2010 n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 (N° Lexbase : L1816IGD) a instauré le "RSA jeunes" qui permet à des jeunes de moins de 25 ans d'être éligibles au RSA. Pour l'année 2010, par dérogation à l'article L. 262-24 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L0992ICQ), le "RSA jeunes" est entièrement pris en charge par le Fonds national des solidarités actives (FNSA) alors même qu'une partie de son coût aurait dû revenir aux conseils généraux.
Le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) a été créé par le décret n° 2009-602 en date du 27 mai 2009 (N° Lexbase : L2932IEC) à la suite des troubles sociaux survenus dans certains départements d'outre-mer. En Guadeloupe, Guyane, Martinique et à la Réunion, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, le RSTA apporte un complément de rémunération de 100 euros au maximum pour tous les salariés de droit privé et les agents non titulaires de droit public percevant un salaire inférieur ou égal à 1,4 SMIC brut. Il est financé par l'Etat (pour un coût de 204 milliards d'euros en 2009 et 160 milliards d'euros en 2010). Ce dispositif a pris fin au 31 décembre 2010 mais les bénéficiaires actuels pourront continuer de percevoir le RSTA jusqu'au 31 décembre 2012.
La loi de finances pour 2011 prolonge, pour l'année 2011, le financement du "RSA jeunes" par le FNSA et prévoit que le FNSA finance les sommes versées et les frais de gestion dus au titre du RSTA servi en 2011 et 2012 (13).
2 - Dispositions censurées
L'article 196 de la loi n° 2010-1657 entendait modifier la loi du 5 mars 2007 pour proroger le délai dans lequel les mandataires judiciaires à la protection des majeurs doivent se conformer aux nouvelles dispositions relatives à leur habilitation. De même, l'article 197 de la loi de finances pour 2010 prévoyait un rapport au Parlement sur l'état des lieux de l'offre et des besoins d'accompagnement et d'hébergement assurés dans les établissements et services médico-sociaux accueillant les personnes handicapées de plus de quarante ans.
Mais ces articles 196 et 197 ont été déclarés non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010 (N° Lexbase : A6964GNA). En effet, ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'Etat ; elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'Etat ; elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières ; elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 (N° Lexbase : L1295AXA).
La seconde partie de ce commentaire sera diffusée dans Lexbase Hebdo n° 424 - édition sociale du 20 janvier 2011.
(1) P. Marini, Rapport général n° 111, Sénat (2010-2011), fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2010.
(2) Voir nos obs., Le Conseil constitutionnel met fin à la 'cristallisation' des pensions de retraite des ressortissants des anciennes colonies françaises, Lexbase Hebdo n° 397 du 3 juin 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2970BPP) ; P. Marini, Rapport général n° 111, Sénat (2010-2011), 18 novembre 2010, préc., B. Auban, Rapporteur spécial, Tome III, seconde partie de la loi de finances, Annexe n° 23, Régimes sociaux et de retraite Compte d'affectation spéciale : pensions, p. 31. Selon le parlementaire, l'impact financier de la revalorisation des quelque 32 000 bénéficiaires de la mesure est estimé à 150 millions d'euros par an sur la base d'un montant moyen de pension de 4 687,5 d'euros par an.
(3) P. Marini, Rapport n° 166, Sénat (2010-2011), au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010, 13 décembre 2010, Tome I, Rapport, p. 337.
(4) J.-J. Jégou, Rapport général n° 111, Sénat (2010-2011), fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2010, p. 53.
(5) Ibid.,p. 59.
(6) Ibid., p. 61.
(7) Ibid., p. 62.
(8) Ibid., p. 65.
(9) Ibid., p. 67.
(10) Ibid., p. 72.
(11) Ibid., p. 77.
(12) A. Milon, Avis n° 113, Sénat (2010-2011), 18 novembre 2010, au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2011, Tome V - Santé, p. 43.
(13) A. Cazalet et A. de Montgolfier, Rapport général n° 111, Sénat (2010-2011), fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2010 ; P. Blanc, Avis n° 113, Sénat (2010-2011), fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 18 novembre 2010 ; C. Sirugue, Avis Assemblée nationale n° 2864, tome 3, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010.
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