La lettre juridique n°667 du 8 septembre 2016

La lettre juridique - Édition n°667

Éditorial

Itsi bitsi tini ouini... et la décence dans tout cela ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 08 Septembre 2016


Ah ! Les retours de vacances... finies les plages bondées de touristes... aux esprits échauffés par le soleil... finies (?) les rengaines musicales qui trottent, tout l'été, sur les radios nostalgiques :

" Sur une plage il y avait une belle fille
Qui avait peur d'aller prendre son bain
Elle craignait de quitter sa cabine
Elle tremblait de montrer au voisin
Un deux trois elle tremblait de montrer quoi ?

Son petit itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Qu'elle mettait pour la première fois
Un itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Un bikini rouge et jaune à p'tits pois
Un deux trois voilà ce qu'il arriva

Elle ne songeait qu'à quitter sa cabine
Elle s'enroula dans son peignoir de bain
Car elle craignait de choquer ses voisines
Et même aussi de gêner ses voisins
Un deux trois elle craignait de montrer quoi ?

Son petit itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Qu'elle mettait pour la première fois
Un itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Un bikini rouge et jaune à p'tits pois
Un deux trois voilà ce qui arriva

Elle doit maintenant s'élancer hors de l'ombre
Elle craint toujours les regards indiscrets
C'est le moment de faire voir à tout le monde
Ce qu'il la trouble et qui la fait trembler
Un deux trois elle a peur de montrer quoi ?

Son petit itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Qu'elle mettait pour la première fois
Un itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Un bikini rouge et jaune à p'tits pois

Si cette histoire vous amuse
On peut la recommencer
Si c'est pas drôle on s'excuse
En tout cas c'est termin
é"

Autres temps, autres moeurs... A 70 ans, le bikini, qui s'institutionnalise à l'occasion d'une exposition-galerie Joseph Froissart, ne défraie plus la chronique... n'est plus une révolution "an-atomique" à la piscine Molitor récemment rouverte... n'encourt plus les interdictions sur les plages atlantiques... La femme moderne ne lit plus Modern girl, puisqu'il est désormais purement concevable qu'une fille "nantie de tact et décence" porte une telle chose. Face au risque ou à l'existence d'une atteinte à la dignité de la personne humaine -au regard des canons de l'époque pré-Vatican II-, l'autorité investie du pouvoir a tout simplement... capitulé : elle s'accommode avec légèreté des "attroupements, échauffourées qui sont générés par une telle tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une [non] appartenance religieuse"... aux vues d'une Jayne Mansfield s'exhibant sur les plages du festival de Cannes, en 1958.

Autrefois les bonnes moeurs ? Aujourd'hui, l'ordre public -rappellons qu'il est de jurisprudence constante que le maire doit veiller "au bon accès au rivage, à la sécurité de la baignade ainsi que l'hygiène et la décence sur la plage"- ?

Ah, pour la petite histoire, c'est l'Archiprêtre de Marbella, Rodrigo Bocanegra, qui convainquit Franco, peu connu pour son inclinaison en faveur de la libéralisation des moeurs, de lever l'interdit sur la plages Espagnoles. La raison ? Favoriser le tourisme international sur les côtes de Benidorm et de tout le pays... La nécessité du développement économique d'une Espagne enclavée par son conservatisme fut plus forte que l'obscurantisme religieux. La nécessité de relancer les feuilles de chou n'est plus à démontrer, aujourd'hui. A quand, de nouveau, des autorités religieuses plus enclines à la raison, qu'attachées au m² de tissus sur la plage ?

Plotin, lui, s'en moquait bien ! Parti lézarder dans la villa romaine du Casale, près de Piazza Armerina, au sud de la Sicile, le philosophe néo-platonicien, du Bien et de la Vérité, n'avait cure de ces mosaïques peignant des femmes en "bikini" s'adonnant au sport... Les trois hypostases (l'Un, l'intellect et l'âme)... c'est autre chose que deux bouts de tissus qui tiennent dans une boîte d'allumettes.

Que les paroles de Lee Pockriss et Paul Vance, traduites par André Salvet et Lucien Morisse pour Dalida, raisonnent encore bien à nos oreilles...

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Arbitrage

[Jurisprudence] Affaire "Tapie" : bientôt l'épilogue ?

Réf. : Cass. civ. 1, 30 juin 2016, n° 15-13.755, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0018RWL)

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par Denis Mouralis, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à Aix Marseille Université (CDE, Aix-en-Provence, France), Conseiller du Centre de médiation et d'arbitrage de Paris (CMAP)

Le 08 Septembre 2016

1. Voilà une étape supplémentaire et décisive dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire "Tapie" ! Par cet arrêt du 30 juin 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation approuve la cour d'appel de Paris d'avoir rétracté les sentences arbitrales rendues en faveur de Bernard T., accueillant ainsi le recours en révision intenté contre elles. En effet, la Cour de cassation rejette ici les pourvois formés par les consorts T. contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 17 février 2015 (CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 17 février 2015, n° 13/13278 N° Lexbase : A4794NB8) (1).
2. Pour comprendre, il faut remonter à l'origine de l'affaire. Au début des années 1990, Bernard T. avait confié à la société de banque occidentale (SDBO), filiale du Crédit lyonnais, le mandat de vendre sa holding de droit allemand, Bernard T. GMBH (BT GMBH), qui détenait ses participations dans le capital d'Adidas. En 1993, la SDBO vendit BT GMBH, pour 2,085 milliards de francs (soit environ 3 178 554,87 d'euros) -prix minimum imposé par Bernard T.- à huit acquéreurs, dont la société Clinvest, autre filiale du Crédit lyonnais, et une société luxembourgeoise détenue par feu Robert L-D..

Depuis lors, Bernard T. a invoqué certaines circonstances de cette vente pour alléguer qu'il aurait été trompé par son mandataire. Il lui reproche de s'être porté contrepartie, à son insu, en vendant à plusieurs prête-noms et d'avoir détourné la plus-value réalisée lors de la revente de BT GMBH au groupe Louis-Dreyfus. En particulier, souligne Bernard T., certains des acquéreurs ont obtenu du Crédit lyonnais un prêt dit "à recours limité", étant entendu qu'en cas de revente de BT GMBH, la plus-value serait partagée à raison d'un tiers pour l'acquéreur et de deux tiers pour la banque. En outre, au moment même de la vente, les acquéreurs ont octroyé à une société belge, également détenue par Louis D., une option de rachat de BT GMBH, pour le prix de 3,498 milliards de francs (équivalent de 533 265 464,92 d'euros), soit une plus-value de 67 % par rapport au prix d'acquisition. Cette option fut levée fin 1994.

Après le placement en liquidation judiciaire des époux T. et de leurs sociétés, les liquidateurs ont recherché la responsabilité du Crédit Lyonnais et de la société Consortium de réalisation Créances (CDR), qui avait succédé à la SDBO. Ils ont, une première fois, obtenu gain de cause devant la cour d'appel de Paris qui, par un arrêt du 30 septembre 2005 (CA Paris, 30 septembre 2005, n° 96/12548 N° Lexbase : A6115DKP) a condamné les défendeurs à payer à Bernard T. 145 millions d'euros de dommages intérêts, pour manquement à leurs obligations de mandataire et pour avoir refusé d'octroyer au groupe Tapie les crédits qui lui auraient permis de tenter de vendre lui-même Adidas à Robert.-L. D., lui faisant perdre une chance de tirer un meilleur profit de la cession (2). Cet arrêt a pourtant été cassé en 2006, parce qu'il avait condamné le Crédit lyonnais pour exécution fautive du mandat, alors que seule la SDBO était mandataire, et au motif que les deux banques n'étaient pas tenues d'accorder au groupe Tapie les concours bancaires qu'il avait sollicités (3).

3. L'affaire avait été renvoyée devant la cour d'appel de Paris, autrement composée. Pourtant, plutôt que de plaider devant la cour de renvoi, les parties ont décidé de recourir à l'arbitrage, par compromis en date du 6 novembre 2007. Ce compromis visait non seulement le litige décrit ci-dessus mais aussi d'autres différends opposant les consorts T. et les sociétés du groupe Crédit Lyonnais. Le CDR réclamait notamment le remboursement d'un prêt consenti à la société Alain Colas Tahiti (ACT) pour la rénovation du Phocéa, tandis que les consorts T. poursuivaient la banque en responsabilité pour soutien abusif, rupture abusive de concours bancaire et réparation du préjudice causé par le placement du groupe Tapie en liquidation judiciaire (4).

L'arbitrage a abouti à une sentence du 7 juillet 2008 et à trois sentences supplémentaires du 27 novembre 2008. Ces sentences estiment que les banquiers ont engagé leur responsabilité pour manquement à leur obligation de loyauté et à l'interdiction de se porter contrepartie et les condamnent, en conséquence, à payer aux consorts T. 285 millions d'euros de dommages intérêts, dont 45 millions d'euros pour le seul préjudice moral, outre les intérêts, pour un total de 405 millions d'euros.

4. Le montant de la condamnation a surpris, notamment celui des dommages-intérêts accordés pour préjudice moral, qui paraissait astronomique. De plus, d'aucuns ont soupçonné assez vite des liens occultes entre l'un des arbitres, Bernard T. et ses conseils. Ces soupçons expliquent que, par la suite, les sentences aient donné lieu à de multiples procédures, devant le juge judiciaire et le juge administratif (5), dont deux seulement se poursuivent encore.

D'une part, une enquête préliminaire a été ouverte en juin 2011, puis convertie en instruction judiciaire en septembre 2012, pour escroquerie en bande organisée. Plusieurs personnes y sont mises en examen. Plus récemment, par un arrêt du 17 décembre 2015, la commission d'instruction de la Cour de justice de la République a renvoyé Mme Christine L., ministre de l'Economie à l'époque du prononcé des sentences, devant la Cour pour y être jugé du chef de destruction, détournement ou soustraction de biens ou fonds publics (C. pén., art. 432-16 N° Lexbase : L1922AM7). La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cette décision (6). Bien évidemment, il ne s'agit que de renvoyer l'intéressée devant la formation de jugement : elle n'a pas été condamnée et elle est présumée innocente.

D'autre part, le CDR s'est finalement décidé à demander la révision des sentences arbitrales. Bien lui en a pris, puisque la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 17 février 2015, a constaté l'existence d'une fraude et a rétracté les sentences.

5. Il faut rappeler ici que la sentence arbitrale est une décision de justice, qui ne peut être critiquée qu'à travers les recours limitativement prévus par la loi, conformément à l'adage "voies de nullité n'ont lieu contre les jugements", dont le principe est également exprimé par l'article 460 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6570H7H). Les sentences arbitrales rendues en France peuvent toujours faire l'objet d'un recours en annulation (C. pr. civ., art. 1491 N° Lexbase : L1629ABX et 1518 N° Lexbase : L2784DZ7), sauf, en matière internationale, si les parties y ont renoncé (C. pr. civ., art. 1522 N° Lexbase : L2177IPC). Les sentences internes peuvent également faire l'objet d'un appel, si les parties l'ont expressément prévu (C. pr. civ., art. 1489 N° Lexbase : L2227IP8) (7). Néanmoins, ces recours doivent être exercés dans le mois qui suit la notification de la sentence (C. pr. civ., art. 1494, al. 2 N° Lexbase : L2226IP7 et 1519, al. 2 N° Lexbase : L2200IP8). En l'espèce, les sociétés CDR ont tenté, en 2013, d'obtenir l'annulation des sentences mais ce recours était irrecevable, comme introduit hors délai. Cela dit, les sentences arbitrales sont susceptibles de deux autres types de recours : la tierce opposition et le recours en révision.

La tierce opposition est ouverte aux tiers, contre toute sentence interne, pendant trente ans à compter de son prononcé. Elle peut même être exercée sans limitation de durée lorsqu'il s'agit de critiquer une sentence invoquée par une partie pendant une autre instance (C. pr. civ., art. 586 N° Lexbase : L6743H7U et art. 1501 N° Lexbase : L2219IPU). L'association "Contribuables Associés" a exercé un tel recours contre les sentences de 2008, devant le tribunal de commerce de Paris (8), qui s'est déclaré incompétent, avant que son jugement soit infirmé (9). Mais, en fin de compte, la tierce opposition a été rejetée par le tribunal de commerce de Paris (10), puis par la cour d'appel de Paris (11). Evidemment, le CDR, ayant été partie à l'arbitrage litigieux, ne pouvait pas exercer ce recours.

Il restait donc le recours en révision, par lequel le recourant demande la rétractation (C. pr. civ., art. 593) de la sentence, c'est-à-dire son anéantissement rétroactif. Ce recours est ouvert aux parties (C. pr. civ., art. 1502 N° Lexbase : L2214IPP), mais uniquement dans les circonstances suivantes (C. pr. civ., art. 595 N° Lexbase : L6752H79) :

- s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;

- si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;

- s'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;

- s'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.

Ce recours doit être exercé dans les deux mois suivant la date à laquelle le recourant à eu connaissance de la cause de révision invoquée (C. proc. civ., art. 596 N° Lexbase : L6753H7A). Le recours en révision a été très rarement employé à propos des sentences arbitrales mais un auteur avait annoncé, avec une clairvoyance certaine, que l'affaire "Tapie" "qui a déjà fait tant de mal à l'arbitrage, pourrait offrir à cette voie de recours un lustre spectaculaire, et peut-être exceptionnellement bienvenu" (12).

6. Pour exercer ce recours, c'était manifestement le premier cas de l'article 595 du Code de procédure civile que le CDR devait invoquer, puisqu'il soupçonnait son adversaire d'avoir eu des liens occultes avec un des arbitres. Encore fallait-il démontrer que ces liens dépassaient la seule absence d'indépendance et allaient jusqu'à l'existence d'un concert frauduleux entre les différents protagonistes. La cour d'appel de Paris, considérant que cette démonstration était faite, a, par son arrêt du 17 février 2015, déclaré le recours recevable et rétracté les sentences arbitrales.

Dès lors, le litige restait irrésolu, et la cour d'appel devait statuer au fond, ce qu'elle a fait par un second arrêt du 3 décembre 2015 (13). La cour y rejette les demandes de Bernard T., parce qu'il connaissait parfaitement le montage réalisé par son mandataire et y avait consenti pour permettre une vente plus rapide. En conséquence, Bernard T. est condamné à rembourser au CDR les sommes reçues en exécution des sentences, soit 405 millions d'euros ! Tout au plus la cour accorde-t-elle un euro de dommages intérêts à Bernard T. pour le préjudice moral causé par certaines procédures d'exécution jugées inutilement humiliantes.

7. Cela étant, les consorts T. avaient formé un pourvoi contre le premier arrêt de la cour d'appel de Paris, celui du 17 février 2015, qui rétractait la sentence. C'est précisément ce pourvoi que la décision commentée rejette. Le pourvoi articulait quatre moyens.

D'abord, les demandeurs au pourvoi reprochaient à la cour d'appel d'avoir déclaré le recours en révision recevable alors que, d'après eux, il aurait été exercé plus de deux mois après la découverte du fait considéré comme frauduleux. Ce moyen ne pouvait prospérer, puisque c'est souverainement que la cour d'appel a apprécié la question de fait consistant à savoir quand la fraude a été portée à la connaissance du CDR.

Ensuite, il était reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré admissible des éléments issus du dossier de l'instruction. Ce moyen est également rejeté, parce que le secret de l'instruction n'est opposable ni au ministère public, ni aux parties civiles. Or, ici, ce sont eux qui avaient versé aux débats les pièces litigieuses. Cette solution n'est pas nouvelle (14).

Ensuite encore, le pourvoi soutenait que le recours en révision était irrecevable parce que les sentences auraient été internationales et, enfin, que la cour d'appel n'avait pas caractérisé une fraude imputable à l'une des parties. Le rejet de ces deux derniers moyens appelle un certain nombre d'observations, relatives au caractère interne des sentences arbitrales (I) et à la caractérisation de la fraude (II).

I - Le caractère interne des sentences arbitrales

8. Le caractère interne des sentences arbitrales était une condition de recevabilité du recours en révision (A). La Cour de cassation approuve la cour d'appel de leur avoir reconnu ce caractère et sa décision sur ce point marque le triomphe d'une conception restrictive de l'arbitrage international (B).

A - Une condition de recevabilité du recours en révision

9. Les sentences arbitrales litigieuses ayant été rendues en 2008, le recours en révision relevait du régime antérieur à la réforme opérée par le décret du 13 janvier 2011 (15). Sous l'empire des anciens textes, les sentences internationales ne pouvaient pas faire l'objet d'un recours en révision (C. pr. civ., anc. art. 1507 N° Lexbase : L2350ADE), à la différence des sentences internes (C. pr. civ., anc. art. 1491). Certes, le fameux arrêt "Fougerolle" (16), avait, contra legem, admis le recours en révision contre les sentences internationales en cas de fraude, en visant les principes généraux du droit en la matière. Toutefois, cet arrêt avait précisé que le recours en révision ne devait être admis que si le tribunal arbitral "demeur[ait] constitué après le prononcé de la sentence (ou p[ouvai]t être à nouveau réuni)".

Cette condition paraît assez naturelle car le recours en révision est normalement porté devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Pourtant, lorsque, comme dans l'affaire "Tapie", la fraude alléguée implique un des arbitres, il est inconcevable de porter le recours devant le tribunal arbitral ayant rendu la sentence. L'arbitre incriminé devrait alors, avec ses collègues, se prononcer sur la demande de rétractation et il serait juge et partie. Devant les juridictions de l'Etat, le problème pourrait être facilement résolu, parce qu'elles comprennent un grand nombre de magistrats. Celui mis en cause pourrait s'abstenir (C. pr. civ., art. 339 N° Lexbase : L2059H4Z), à défaut le demandeur pourrait le récuser (C. pr. civ., art. 341 N° Lexbase : L8424IRG), du seul fait qu'il aurait précédemment connu de l'affaire (C.O.J, art. L. 111-6, 5° N° Lexbase : L7807HNH) ou y aurait un intérêt personnel (C.O.J., art. L. 111-6, 1°). Mais, devant un tribunal arbitral, ces remèdes n'existent pas. On pourrait songer à demander au juge d'appui de récuser l'arbitre incriminé mais alors le tribunal arbitral qui connaîtrait du recours en révision ne serait plus celui ayant rendu la sentence.

Or, en matière d'arbitrage interne, l'ancien article 1491 du Code de procédure civile prévoyait que le recours en révision devait être porté devant la cour d'appel qui eût été compétente pour connaître des autres recours contre la sentence. Ainsi, suivant que la sentence était interne ou internationale, le recours en révision était ou non possible, devant la cour d'appel de Paris.

10. Celle-ci a conclu au caractère interne de la sentence. Avant de se pencher plus avant sur cette qualification, il convient de faire deux observations. En premier lieu, depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011, portant réforme de l'arbitrage (N° Lexbase : L1700IPN), le Code de procédure civile autorise le recours en révision contre toutes les sentences arbitrales, qu'elles soient internes (C. pr. civ., art. 1502) ou internationales (C. pr. civ., art. 1506, 5° N° Lexbase : L2216IPR). Le recours est porté devant le tribunal arbitral. Si celui-ci ne peut plus être réuni et si la sentence est interne, le recours est porté devant la cour d'appel qui eût été compétente pour connaître des autres recours. Mais, en matière d'arbitrage international, le recours en révision demeure impossible lorsque le tribunal arbitral ne peut plus être réuni.

Toutefois, en second lieu, on pourrait imaginer de passer outre cette limite en admettant qu'une cour d'appel soit saisie d'un recours en révision contre une sentence internationale surprise par la fraude lorsque le tribunal arbitral ne peut en connaître. Le principe fraus omnia corrumpit pourrait justifier une telle solution, ainsi que le droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et rattaché, par le Conseil constitutionnel, à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1363A9D). Dans l'espèce commentée, le droit d'accès au juge ne supposait-il pas que les sociétés CDR pussent demander la révision de la sentence (17) ? Cela étant, la Cour de cassation n'a pas eu besoin de s'engager sur ce terrain, puisqu'elle a estimé que la sentence était interne.

B - Une conception restrictive de l'arbitrage international

11. En droit comparé, il existe deux conceptions de l'arbitrage international. Selon la conception juridique, empreinte de la philosophie des règles de conflits de lois, l'arbitrage est international dès lors que sa structure révèle un élément d'extranéité. On considérera alors qu'un arbitrage est international parce que le siège du tribunal arbitral ou le domicile des parties sont dans des Etats différents (18). Au contraire, selon l'approche économique, c'est le caractère international de l'opération sous-jacente, qui a donné lieu au litige arbitré, qui détermine le caractère international de l'arbitrage.

Cette dernière approche est celle du droit français (19). L'article 1504 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2217IPS) (C. pr. civ., anc. art. 1492 N° Lexbase : L6458H7C) indique qu'"est international l'arbitrage qui met en cause les intérêts du commerce international". La jurisprudence applique ce texte en s'inspirant de la doctrine "Matter", énoncée à propos des contrats internationaux (20), et décide qu'un arbitrage est international s'il porte sur "une opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul Etat, une telle opération devant réaliser un transfert de biens, de services, de fonds, de technologies ou de personnel à travers les frontières" (21). Il faut ajouter que les parties ne peuvent pas modifier le caractère interne ou international d'un arbitrage, qui dépend uniquement de ce critère économique (22).

12. Or, en l'espèce, l'application de cette définition posait problème. Les trois différends tranchés par le tribunal arbitral portaient sur le mandat de vente de BT GMBH ; sur la responsabilité du CDR pour soutien abusif et rupture abusive de crédit ; sur le prêt consenti à la société Alain Colas Tahiti. Les deux derniers litiges étaient purement internes. En revanche, on pouvait se demander si le mandat de vente d'Adidas n'était pas une opération internationale, puisque la société vendue était allemande et certains des acquéreurs, luxembourgeois. Cette vente a manifestement entraîné des flux financiers à travers les frontières.

Ainsi, la qualification de l'arbitrage litigieux dépendait de la nature interne ou international du différend relatif au mandat de vente d'Adidas. Au fond, toute la question était de savoir si on devait considérer le mandat de manière isolée ou si on devait tenir compte de l'objet de la vente. Dans le premier cas, l'opération était interne à la France, puisque mandant et mandataire étaient français et que les échanges monétaires entre eux ont été cantonnés à la France. Dans le second cas, l'opération était internationale.

Or, dans ce genre de situations, la cour d'appel de Paris a eu tendance, par le passé, à adopter une vision d'ensemble, en décidant que devait être considéré comme international l'arbitrage portant sur un litige interne mais en lien avec une opération internationale. Par exemple, la même cour d'appel avait considéré qu'un arbitrage relatif à des licences de marques déposées en France et opposant deux sociétés françaises était international parce que l'une de ces sociétés étaient contrôlées par des Japonais et que la conclusion des licences s'inscrivaient dans le montage qu'ils avaient réalisés pour investir en France (23). De même, ont été qualifiés d'internationaux l'arbitrage relatif au contrat de sous-traitance conclu entre deux sociétés françaises pour l'exécution d'un marché à l'étranger (24) et l'arbitrage relatif à une police d'assurance conclue entre des assureurs français et une société française mais destinée à couvrir les risques encourues par la société française à l'occasion de la cession à une société algérienne des actions d'une autre société algérienne (25).

13. Dans l'affaire "Tapie", la cour d'appel de Paris a manifestement décidé de resserrer sa conception de l'arbitrage international, ce que la Cour de cassation approuve en rejetant le pourvoi. Pour la plus Haute juridiction de l'ordre judiciaire, il faut se placer à la date de signature de la convention d'arbitrage pour déterminer si les litiges qu'elle vise sont internes ou internationaux. Or, ici, lors de la signature du compromis, la vente d'Adidas avait déjà eu lieu, de telle sorte que le contentieux subsistant ne concernait plus que le mandat de vente lui-même. Celui-ci, pris isolément, était une opération interne : une banque française avait reçu, de la part d'un investisseur français, la mission de vendre ses parts dans une société ; les fonds recueillis par le mandataire français devaient être déposés sur des comptes bancaires ouverts en France par le mandant.

Autrement dit, pour la Cour de cassation, le fait que cet arbitrage ait pour fondement un compromis est décisif. Si le mandat de vendre Adidas avait contenu une clause compromissoire, celle-ci aurait porté sur une série d'opération ne se dénouant pas exclusivement en France, puisqu'elle aurait visé tous les litiges en rapport avec le mandat de vente, dont l'objet était une société allemande.

La solution ainsi retenue doit être approuvée. D'une part, l'arbitrage repose sur le consentement des parties qui acceptent d'y recourir à propos d'un contentieux bien délimité. Dès lors, pour qualifier l'arbitrage, il est impératif de se fonder sur la volonté des parties, exprimée au moment de la conclusion de la convention d'arbitrage. Les litiges, actuels ou éventuels, qu'elles entendaient soumettre à l'arbitrage étaient-ils susceptibles, à ce moment-là, de porter sur une opération interne ou transfrontalières ? D'autre part, la conception très extensive un temps prônée par la cour d'appel de Paris était excessive (26), étendant plus que de raison le domaine de l'arbitrage international qui jouit, en droit français, d'un régime extrêmement libéral. Celui-ci ne doit s'appliquer qu'aux véritables arbitrages internationaux (27).

II - La caractérisation de la fraude

14. L'article 595, 1° du Code de procédure civile autorise la révision d'une décision de justice "s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue". Le pourvoi reprochait à la cour d'appel de Paris de ne pas avoir suffisamment caractérisé la fraude et de n'avoir pas constaté que cette fraude était imputable aux consorts T., au profit desquels la sentence avait été rendue. La cour d'appel aurait simplement relevé quelques éléments montrant qu'un des arbitres avaient des liens avec une partie et ne les avaient pas révélés, et auraient affirmé, sans vraiment étayer cette affirmation, que cet arbitre avait exercé, sur ces collègues, une influence illégitime.

Il est vrai que, l'occultation, par l'arbitre, de liens l'unissant à une partie ou à son conseil ne suffit pas à établir l'existence d'une fraude car elle ne signifie pas nécessairement que l'arbitre a délibérément essayé, de concert avec cette partie, d'obtenir une sentence à elle favorable. Comment tracer la limite entre la fraude et la simple omission de révéler certaines circonstances de nature à créer un doute raisonnable sur l'indépendance et l'impartialité d'un arbitre ? Telle est la question posée par le pourvoi, auquel la Cour de cassation répond en retenant le critère, somme toute assez naturel, de l'intention de l'arbitre : il y a fraude lorsque c'est dans l'intention de favoriser une partie que l'arbitre cache certaines circonstances qu'il aurait dû révéler. Dès lors, il y a un concert frauduleux entre l'arbitre et une partie, qui justifie l'annulation de la sentence si la solution qu'elle a adoptée a été orientée par ce concert frauduleux.

15. La Cour de cassation explique ensuite que la cour d'appel, en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation, a caractérisé ici l'intention d'un des arbitres de cacher les liens qui l'unissait à Bernard T. et à son conseil en vue de favoriser cette partie. La cour d'appel a constaté l'existence de manoeuvres dolosives et, de la part de l'arbitre incriminé, un comportement ayant eu pour effet de lui donner une importance prépondérante dans les délibérations du tribunal arbitral et de marginaliser les autres arbitres. Ainsi, la cour d'appel a pu considérer que cet arbitre avait agi de connivence avec les consorts T., de telle sorte que la sentence avait été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle avait été rendue, ce qui au regard de l'article 595, 1°, du Code de procédure civile, justifiait sa rétractation.


(1) Sur cet arrêt, v. D., 2015, p. 1253, nos obs. ; D., 2015, p. 425, éditorial Th. Clay ; Dalloz actualité, 20 février 2015, obs. X. Delpech ; D., 2015, p. 439 ; JCP éd. G, 2015, 289, note S. Bollée ; Gaz. Pal., 3/4 avril 2015, p. 17, note M. Boissavy ; Procédures, 2015, étude n° 4, note L. Weiller ; Economie matin, 9 mars 2015, nos. obs. ; Le Cercle / Les Echos, 26 mars 2015, nos. obs..
(2) CA Paris, 30 septembre 2005, n° 96/12548, D., 2005, p. 2945, note X. Lagarde ; D., 2005, p. 2740, obs. X. Delpech ; RTDCom., 2006, p. 175, obs. D. Legeais ; JCP éd. E, 2005, 1617, note A. Viandier ; Dr. et patr., 1er septembre 2006, n° 151, p. 84, obs. J.-P. Mattout et A. Prüm ; Lexbase éd. priv., n° 195, 2005, obs. D. Mancel (N° Lexbase : N2208AKY).
(3) Ass. plén., 9 octobre 2006, n° 06-11.056, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A6865DRP), Bull. civ., AP, n° 11 ; D., 2006, p. 2933, note D. Houtcieff ; D., 2006, p. 2525, obs. X. Delpech ; D., 2007, p. 753, obs. D. Martin et H. Synvet ; JCP éd. G, 2006, II, 10175, note Th. Bonneau ; JCP éd. E, 2006, 2618, note A. Viandier, Bull. Joly, 1er janvier 2007, p. 57, note F.-X. Lucas ; RDBF, 1er novembre 2007, p. 91, note D. Valette ; RDBF, 1er novembre 2006, p. 13, note Th. Samin et F.-J. Crédot ; RTDCiv., 2007, p. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTDCiv., 2007, p. 148, obs. P.-Y. Gautier ; RTDCom., 2007, p. 207, obs. D. Legeais ; Cah. dr. sport, 1er novembre 2006, p. 177, note F. Buy.
(4) Pour une énumération des litiges visés par le compromis, voir M. Boissavy, note précitée, p. 20.
(5) Not., un recours pour excès de pouvoir contre la décision de la ministre de l'Economie autorisant le recours à l'arbitrage. V. L. Mauduit, "Les dix procédures judiciaires de l'affaire Lagarde/Tapie", Mediapart, 6 juillet 2011. Pour une chronologie des différentes procédures postérieures aux sentences, v. aussi le site internet des Echos.
(6) Ass. plén., 22 juillet 2016, n° 16-80.133, P+B+R+I (N° Lexbase : A7470RXX)
(7) Avant la réforme opérée par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 (N° Lexbase : L1700IPN), l'appel était possible, sauf dérogation expresse des parties, à moins que les arbitres n'aient été chargés d'une mission d'amiable compositeurs, auquel cas l'appel était impossible, sauf stipulation contraire des parties (C. pr. civ., anc. art. 1482).
(8) T. com. Paris, 19 octobre 2010, n° 2009015655.
(9) CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 5 mai 2011, n° 10/21344 (N° Lexbase : A7968HRK).
(10) T. com. de Paris, 9 mai 2012, n° 2009015655.
(11) CA Paris, 4 juin 2013, n° 2009015655.
(12) Th. Clay, Le fabuleux régime du recours en révision contre les sentences arbitrales, précité, n° 16.
(13) CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 3 décembre 2015, n° 13/13278 (N° Lexbase : A5210NYM), JCP éd. G, 2015, p. 2399, obs. M. de Fontmichel. V. aussi nos. obs. Décryptage de la décision Tapie, Le Monde du droit, 14 janvier 2016, "Affaire 'Tapie' : les conséquences de la rétractation d'une sentence arbitrale pour les entreprises", L'Usine nouvelle, avril 2016.
(14) En ce sens, v. déjà : Cass. com., 15 novembre 1961, n° 59-11.938 (N° Lexbase : A1011RZH), Bull. civ., IV, n° 415 ; Cass. civ. 1, 10 juin 1992, n° 91-17.028 (N° Lexbase : A5964AHD), Bull. civ., I, n° 176.
(15) Décret n° 2011-48, précité. V. dispositions transitoires, art. 3, 2° : les textes nouveaux sont applicables seulement si le tribunal arbitral a été constitué après le 1er mai 2011.
(16) Cass. civ. 1, 25 mai 1992, n° 90-18.210 (N° Lexbase : A5416AH3), Bull. civ., I, n° 149 ; Rev. arb. 1993, p. 91 et obs. M. de Boisséson, p. 3 ; JDI, 1992, p. 974, note E. Loquin ; RCDIP, 1992, p. 699, note B. Oppetit ; RTDCiv., 1992, p. 201, obs. R. Perrot ; Yearb. Com. Arb., 1994, p. 205.
(17) En ce sens, v. Bollée, note précitée.
(18) V. not. la loi suisse de droit international privé, art. 176 ; v. aussi la loi type CNUDCI sur l'arbitrage commercial international, art. 1, § 3.
(19) C'est aussi l'approche américaine : v. 9 USC § 1.
(20) Cass. civ. 1, 17 mai 1927, DH, 1928, p. 25, concl. Matter et note Capitant.
(21) V. not. Cass. civ. 1, 20 novembre 2013, n° 12-25.266, F-P+B (N° Lexbase : A0475KQN), D., 2013, p. 2785, obs. X. Delpech ; RTDCiv., 2014, p. 107, obs. H. Barbier ; Rev. arb., 2014, p. 383, note D. Bureau ; JCP éd. G, 2013, 1391, spéc. n° 2, obs. C. Seraglini ; JCP éd. G, 2013, 256, spéc. n° 10, obs. C. Nourissat ; Procédures, 2014, comm. n° 49, note L. Weiller ; JCP éd. G, 2014, 57, note B. Le Bars ; Gaz. Pal., 8 mars 2014, p. 13, obs. D. Bensaude ; Cass. civ. 1, 30 mars 2004, n° 02-12.259, F-P (N° Lexbase : A7489DBY), Bull. civ. I, n° 97, D., 2004, p. 2458, note Najjar ; D., 2005, pan., p. 3053, obs. Th. Clay ; RTDCom., 2004, p. 447 ; obs. E. Loquin ; Rev. arb., 2005, p. 115, note Boucobza ; JCP éd. E, 2005, 676, n° 3, obs. Ch. Seraglini ; Cass. civ. 1, 3 juin 2003, n° 01-16.867, F-D (N° Lexbase : A9365C7Y), JCP éd. G, 2004, I, 119, spéc. n° 5, obs. J. Ortscheidt ; CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 7 octobre 2014, n° 13/05894 (N° Lexbase : A8635MX4), D., 2014, p. 2554, obs. Th. Clay ; Gaz. Pal., 22 novembre 2014, p. 20, obs. D. Bensaude ; CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 5 mars 2013, n° 11/13246 (N° Lexbase : A0024I9R), Rev. arb., 2013, p. 528 ; CA Paris, 14 juin 2001, n° 1999/23515 (N° Lexbase : A5610EKY), Rev. arb., 2001, p. 773, note Ch. Seraglini et p. 805, obs. Y. Derains ; CA Paris, 28 janvier 1988, Rev. arb. 1988, p. 565 et obs. J.-L. Goutal, p. 439.
(22) Cass. civ. 1, 20 novembre 2013, précité ; Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 04-10.970, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6573DUY), Bull. civ. I, n° 102, D. 2007, AJ, p. 949, obs. X. Delpech ; D., 2008, p. 180, obs. Th. Clay ; JCP éd. G, 2007, act., 135, obs. J. Ortscheidt ; Petites affiches, 25 septembre 2007, p. 7, obs. S. Ben Reguiga ; Rev. arb. 2007, p. 50, note L. Jaeger ; Rev. crit. DIP, 2007, p. 455, note D. Bureau.
(23) CA Paris, 5 avril 1990, Rev. crit. DIP, 1991, p. 580, note C. Kessedjian ; Rev. arb. 1992, p. 117, note H. Synvet.
(24) CA Paris 10 septembre 1997, n° 97/07772 (N° Lexbase : A5710DHX), Rev. arb. 1999, p. 121, obs. D. Bureau. Adde, Cass. civ. 1, 8 mars 1988, n° 86-12015 (N° Lexbase : A7680AAP), Bull. civ. I, n° 65.
(25) CA Paris, 20 juin 1996, n° 94/26063 (N° Lexbase : A9819RYC).
(26) V. C. Kessedjian, note sous CA Paris, 5 avril 1990, précitée.
(27) En ce sens, v. note S. Bollée précitée.

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Avocats/Déontologie

[Jurisprudence] Prescription et réitération des faits dans le contentieux disciplinaire des avocats

Réf. : CA Toulouse, 12 juillet 2016, n° 16/02166 (N° Lexbase : A1144RXN)

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par Guillaume Royer, Maître de conférences à Sciences-Po Paris (Campus franco-allemand de Nancy), Avocat au barreau de Nancy

Le 08 Septembre 2016

Par un arrêt en date du 12 juillet 2016, la cour d'appel de Toulouse rappelle quelques évidences relatives au contentieux disciplinaire de la profession d'avocat : d'une part, aucune prescription extinctive ne saurait faire échec aux poursuites disciplinaires d'un confrère et, d'autre part, il n'existe aucune obligation pour l'autorité de poursuite disciplinaire, en cas de réitération de faits, de regrouper les poursuites en une seule procédure. Selon une définition couramment admise, la confraternité est un principe essentiel qui impose à l'avocat de "s'efforcer d'entretenir de bonnes relations avec ses confrères et à ne pas oublier la solidarité qui les unit" (A. Damien et B. Ader, Règles de la profession d'avocat, Dalloz, 2011, Chap. 30).

Mais voici deux confrères qui avaient manifestement perdu de vue l'un des principaux commandements de la profession, leurs relations étant larvées d'une particulière animosité depuis de longues années... Me Z., avocat au barreau de Lozère, a dénoncé, par courriers adressés au procureur général près la cour d'appel de Nîmes les 21 février et 7 mars 2012, des faits de blanchiment de capitaux qu'aurait commis son confrère au barreau de la Lozère, Me C., avocat inscrit audit barreau. Les choses se sont encore envenimées lorsqu'au mois de juin 2012, Me Z. a saisi le procureur de la République de Mende de faits de violences qu'il aurait subis de la part de Me C. et dont il a fait part à des journalistes qui ont relaté l'incident dans la presse locale. Entretemps, Me Z. avait reconnu devant le conseil de l'Ordre que les faits dénoncés étaient imaginaires. Quelques jours plus tard, il a écrit au procureur de la République pour revenir sur sa plainte et à Me C. pour lui présenter ses excuses. Les choses paraissaient en rester là et le calme semblait revenu sur le barreau de la Lozère, mais en apparence seulement... car quelques mois plus tard, soit le 23 avril 2013, Me Z. a encore dénoncé au Bâtonnier un harcèlement réalisé par Me C. en... 1996 ! Pour le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de la Lozère, ces nouvelles accusations étaient manifestement de trop ! Le 12 septembre 2013, il a saisi le Conseil régional de discipline pour l'ensemble des faits dénoncés en 2012 et en 2013. Aussi, faut-il rappeler à cet endroit que Me Z. avait, quelques jours plus tôt, fait l'objet d'une autre sanction disciplinaire, pour d'autres faits, prononcée par le Conseil régional de discipline le 4 septembre 2013, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 11 décembre 2014, avec une interdiction d'exercer pendant un an avec sursis.

Le 22 mars 2014, le Conseil régional de discipline des avocats du ressort de la cour d'appel de Nîmes a déclaré Me Z. coupable de diffusion dans la presse de fausses déclarations contre des confrères, de fausses accusations contre Me C. d'opérations illicites de blanchiment, de fausses accusations contre certains confrères de violences volontaires sur sa personne. En répression, il a prononcé à l'encontre de Me Z. une interdiction temporaire d'exercice de la profession d'avocat pendant trois ans, assortie d'un sursis partiel d'un an. Par un arrêt en date du 11 décembre 2014, la cour d'appel de Nîmes a confirmé la décision déférée. Cependant, cet arrêt a été cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation au visa de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme au double motif qu'il n'avait pas été constaté par les juges du fond que le conseil de Me Z. ait eu la parole en dernier et qu'il n'était pas davantage établi par l'arrêt que les réquisitions écrites du procureur général près la cour d'appel de Nîmes lui ait été communiquées avant l'audience.

La cause a ainsi été renvoyée devant la cour d'appel de Toulouse. Aux termes de ses conclusions déposées devant la cour de renvoi, Me Z. a notamment fait valoir que les faits seraient couverts par la prescription et qu'il aurait été impossible de réitérer les poursuites concernant les dénonciations imaginaires commises en 2012. Ces arguments ne sont toutefois par retenus par la cour d'appel de Toulouse qui confirme la décision entreprise le 22 mars 2014 par le Conseil régional de discipline des avocats du ressort de la cour d'appel de Nîmes, condamnant Me Z. à une interdiction temporaire d'exercice de la profession d'avocat pendant trois ans assortie d'un sursis partiel d'un an.

Les déboires de Me Z. auront sans doute donné une image déplorable du barreau de la Lozère dans la presse locale. Ils auront cependant eu le mérite d'apporter leur lot de précision sur le régime des poursuites disciplinaires des avocats. Positivement, il est désormais acquis, au regard de l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 février 2016 (Cass. civ. 1, 17 février 2016, n° 15-15.043, F-D N° Lexbase : A4686PZL), que le conseil de l'avocat poursuivi doit avoir la parole en dernier et doit avoir connaissance des réquisitions écrites du Parquet général. Négativement, et c'est l'apport de l'arrêt commenté, les poursuites disciplinaires des avocats ne peuvent être couvertes par la fin de non-recevoir tirée d'une éventuelle prescription (I) et l'autorité de poursuites disciplinaires n'a pas l'obligation de regrouper les différents manquements en une seule et même poursuite disciplinaire (II).

I - Absence de prescription des faits

Le premier mérite de l'arrêt commenté est de rappeler que les poursuites disciplinaires dirigées contre un avocat sur le fondement de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) et du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID) ne peuvent être couvertes par une prescription extinctive.

Il est indéniable que le régime des poursuites disciplinaires des avocats est désormais plus respectueux des droits du confrère poursuivi. A cet égard, tous ont encore en mémoire que cette procédure disciplinaire a été, sur plusieurs aspects, jugée contraire au principe du procès équitable de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) (pour la participation de l'avocat ayant mené l'enquête préalable et du Bâtonnier au délibéré, Cass. civ. 1, 5 octobre 1999, deux arrêts, n° 96-19.291 N° Lexbase : A9752A7C et n° 97-15.277 N° Lexbase : A5194AWB, RTDCiv., 2000, p. 618 et s., obs. J. Normand). La présente affaire en témoigne aussi puisque la cour d'appel de Nîmes avait été censurée pour ne pas avoir veillé à ce que le conseil de l'avocat poursuivi ait la parole en dernier et pour ne pas avoir veillé à ce que les réquisitions du Parquet général lui aient été effectivement communiquées (Cass. civ. 1, 17 février 2016, n° 15-15.043, F-D, précité).

Pour autant, il ne faudrait pas en déduire que l'intégralité des garanties, habituellement rencontrées dans le cadre des poursuites de nature répressive, seraient reconnues par la loi du 31 décembre 1971 et par le décret du 27 novembre 1991. Ainsi, le mécanisme de la prescription extinctive n'est pas consacré par les textes applicables à la discipline de la profession d'avocat, ce qui est particulièrement surprenant puisqu'il est aujourd'hui généralement admis que le pouvoir de répression ne peut plus s'exercer lorsqu'un délai suffisamment long sépare la commission des faits de la décision de poursuivre. Les exemples sont divers et variés, de sorte que l'on peut citer, pêle-mêle, la prescription de l'action publique en matière pénale (C. pr. pén. art. 6 N° Lexbase : L9881IQZ à 9), la prescription des poursuites disciplinaires de l'employeur (C. trav., art. L. 1332-2 N° Lexbase : L5820ISD) ou encore la prescription des poursuites disciplinaires au sein d'un établissement pénitentiaire (C. pr. pén., art. R. 57-7-15 N° Lexbase : L0237IPH).

On considère généralement que ce mécanisme de prescription extinctive, empêchant le titulaire du droit de sanctionner d'exercer ses prérogatives, "repose généralement sur l'idée qu'au bout d'un certain délai, dans un intérêt de paix et de tranquillité sociale, mieux vaut oublier l'infraction qu'en raviver le souvenir. La paix sociale commande également qu'un voile soit jeté sur l'impuissance des autorités judiciaires à poursuivre en temps normal" (Ch. Courtin, Rép. pén. Dalloz, v° Prescription, n° 3). Pareille justification, empruntée au droit pénal, pourrait également correspondre à la nature du contentieux de la profession d'avocat. On peut avancer qu'au bout d'un certain délai, la paix sociale est revenue au sein du barreau et que les querelles du passé, qui n'ont point attiré l'attention de l'autorité ordinale en temps utiles, n'ont pas besoin d'être ravivées... Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la loi du 31 décembre 1971 et le décret du 27 novembre 1991 n'ont prévu aucun mécanisme de prescription extinctive. Dès lors, la cour d'appel de Toulouse devait nécessairement être approuvée en son raisonnement, d'où il résulte que "la cour d'appel souligne également qu'il n'existe pas de prescription en matière disciplinaire".

II - Absence d'obligation de regrouper les poursuites

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse comporte ensuite un second enseignement en affirmant -et bien que la solution se laissait aisément deviner- qu'aucun principe inscrit dans la loi du 31 décembre 1971 ou dans le décret du 27 novembre 1991 n'oblige l'autorité de poursuite disciplinaire à regrouper l'ensemble des manquements reprochés à un confrère dans le cadre d'une unique procédure.

Il convient de rappeler que le confrère avait fait l'objet d'une précédente sanction disciplinaire prononcée par le Conseil régional de discipline le 4 septembre 2013, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 11 décembre 2014 (CA Nîmes, 11 décembre 2014, n° 14/02172 N° Lexbase : A2302M7E) avec une interdiction d'exercer pendant un an avec sursis. C'est dire qu'à la date du 23 avril 2013 où Me Z. avait dénoncé la seconde série de faits de harcèlement au Bâtonnier du barreau de Lozère, ce dernier savait probablement que le Conseil régional de discipline était saisi d'une autre procédure disciplinaire à l'encontre de Maître Z... Tirant donc les exactes conséquences juridiques de l'absence de précision de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 27 novembre 1991 concernant l'obligation de regrouper les poursuites en cas de réitération de faits, la décision de la cour d'appel de Toulouse peut aboutir, en définitive, à des solutions particulièrement injustes. Gardons à l'esprit que la multiplicité des poursuites peut, mécaniquement, donner lieu à une multiplicité de sanctions tandis que le regroupement des poursuites permet le prononcé d'une seule et unique sanction disciplinaire.

Sans doute aurait-il été plus judicieux de joindre tous les incidents concernant ce confrère afin d'avoir une vue d'ensemble de sa situation et des difficultés qu'il pouvait causer, voire rencontrer, au sein du barreau. Mais il est vrai, comme le rappelle la cour d'appel de Toulouse, que "le Conseil régional de discipline pouvait sanctionner des faits antérieurs à une précédente décision". Aussi, il aurait été possible de s'inspirer de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, limitant le pouvoir disciplinaire de l'employeur en cas de réitération de faits. En cette matière, la chambre sociale considère que l'employeur qui sanctionne un fait fautif du salarié épuise en même temps son pouvoir disciplinaire à l'égard des autres fautes commises par ce salarié et dont il avait déjà connaissance. Ainsi la Cour de cassation a jugé, à propos d'un employeur qui, "bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés au salarié, avait choisi de lui notifier un avertissement pour certains d'entre eux, que la cour d'appel avait exactement décidé que ce dernier avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait prononcer un licenciement pour des faits antérieurs" (Cass. soc., 16 mars 2010, n° 08-43.057, FS-P+B N° Lexbase : A8091ETT, Bull. civ. V, n° 65).

En définitive, Monsieur le Bâtonnier Armand Marx rappelait, lors du séminaire des dauphins de la Conférence des Bâtonniers des 11 et 12 décembre 2015, qu'une réforme de la procédure disciplinaire avait échoué en 2012 et que celle-ci pourrait réapparaître en 2016. Gageons que le régime de la prescription extinctive des poursuites et que le régime de la réitération des faits ne soient pas oubliés dans le cadre de cette éventuelle réforme. Le principe de sécurité juridique, corollaire de l'exercice du pouvoir disciplinaire, en sortirait renforcé.

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Droit financier

[Brèves] Indépendance et impartialité de la commission des sanctions de l'AMF et prévisibilité des sanctions prononcées

Réf. : CEDH, 1er septembre 2016, Req. 48158/11 (N° Lexbase : A8276RY8)

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Le 09 Septembre 2016

Dans un arrêt du 1er septembre 2016, la CEDH rejette les griefs formés contre une décision de sanction de l'AMF tirés du non-respect de l'exigence d'impartialité et du fait que les sanctions aient été prononcées sur la base de dispositions ne répondant pas aux exigences d'accessibilité et de prévisibilité (CEDH, 1er septembre 2016, Req. 48158/11 N° Lexbase : A8276RY8). En ce qui concerne l'aspect subjectif de l'impartialité de la commission des sanctions, la Cour constate que rien n'indique en l'espèce un quelconque préjugé ou parti-pris de la part de ses membres et du rapporteur désigné parmi ceux-ci. Le fait que la commission des sanctions ait partagé l'avis du président de l'AMF quant à la compréhension des textes en cause ne saurait à lui seul mettre en doute son impartialité. En ce qui concerne l'impartialité objective, la Cour rappelle qu'elle est étroitement liée à la notion d'indépendance. Elle estime, notamment, que le fait pour la commission des sanctions d'avoir demandé un supplément d'instruction ne porte pas atteinte à son impartialité, dès lors que les requérants ont été également entendus. Elle considère également que le fait que le collège soit, au sein de l'AMF, l'autorité principalement compétente pour édicter ou conférer un statut normatif aux règles dont la violation peut être sanctionnée par la commission des sanctions ne porte pas non plus atteinte à l'impartialité de ladite commission, laquelle jouit d'une indépendance et d'une plénitude de juridiction pour apprécier la portée de ces règles et l'existence d'un manquement à celles-ci. Il en va de même de la possibilité pour la commission des sanctions et son rapporteur d'être assistés par les services administratifs de l'AMF, lesquels sont placés statutairement sous l'autorité de son secrétaire général. En conséquence, constatant qu'il n'existe aucune apparence de violation du principe d'impartialité, la Cour considère que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée. La Cour rappelle, par ailleurs, que le caractère inédit d'une question juridique posée ne constitue pas en soi une atteinte aux exigences d'accessibilité et de prévisibilité de la loi dès lors que la solution retenue fait partie des interprétations possibles et raisonnablement prévisibles. Le caractère inédit de la question posée était dû en grande partie, en l'espèce, à la réforme du mécanisme de sanction disciplinaire devant l'AMF, intervenue moins de deux ans avant les faits, qui ne pouvait cependant pas être ignorée des professionnels des marchés financiers. Dès lors, la loi applicable à l'époque des faits était suffisamment prévisible pour permettre aux requérants de savoir que leur responsabilité professionnelle pouvait être engagée du fait de la poursuite, sans couverture raisonnablement prévisible, des achats de droits préférentiels jusqu'à la clôture de la période de souscription.

newsid:454213

Environnement

[Brèves] Illégalité de la décision préfectorale interdisant l'installation d'un centre d'enfouissement en cas de mesures suffisantes prévues par le futur exploitant

Réf. : TA Bastia, 25 août 2016, n° 1400563 (N° Lexbase : A7061RY8)

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N4210BWT

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Le 10 Septembre 2016

La décision préfectorale interdisant l'installation d'un centre d'enfouissement à proximité d'un aéroport est illégale si le futur exploitant est en mesure de prouver qu'il a prévu des mesures suffisantes pour éviter tout risque pour la sécurité. Ainsi statue le tribunal administratif de Bastia dans un jugement rendu le 12 août 2016 (TA Bastia, 25 août 2016, n° 1400563 N° Lexbase : A7061RY8). Etait en cause un arrêté préfectoral ayant refusé à une société la possibilité d'exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux et une installation de déchets inertes à proximité d'un aéroport, au motif, notamment, du risque de collision entre oiseaux et avions. Le tribunal indique que le futur exploitant, afin de limiter l'attractivité aviaire vers les installations de stockage de déchets, prévoit d'assurer le transfert jusqu'au site des déchets fermentescibles en containers étanches et des déchets inertes en bennes bâchées, ainsi que l'installation de filets anti-aviaires et une couverture quotidienne des déchets. En soutenant que ces mesures ne permettront pas d'éviter que le projet de centre de traitement de déchets devienne un point de fixation et de transit des oiseaux en ce que, d'une part, le pétitionnaire n'a pas prévu de plan d'action ou d'urgence en cas de dysfonctionnement de l'ouvrage et, d'autre part, les solutions techniques envisagées ne présenteraient pas de garantie de pérennité, le préfet de la Corse-du-Sud ne justifie pas l'insuffisance des mesures proposées par la société pétitionnaire, ce qui justifie l'annulation de son arrêté.

newsid:454210

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Sur les bénéfices ultérieurement rehaussés par l'administration dans le cadre d'un carry-back - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 19 juillet 2016, n° 385768, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3502RXY)

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N4193BW9

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par Romain Victor, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 08 Septembre 2016

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 19 juillet 2016, a estimé que le contribuable qui a opté pour le report en arrière d'un déficit n'est pas lié par les montants des bénéfices d'imputation qu'il a mentionnés dans sa déclaration d'option, lorsque ces bénéfices sont ultérieurement rehaussés par l'administration (CE 9° et 10° ch.-r., 19 juillet 2016, n° 385768, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Romain Victor, Maître des requêtes au Conseil d'Etat. 1. Vous savez qu'il existe deux modes de report dans le temps d'un résultat déficitaire. Il résulte d'abord du 3ème alinéa du I de l'article 209 du CGI (N° Lexbase : L4558I7X) qu'un déficit subi pendant un exercice par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés est considéré comme une charge de l'exercice suivant et peut être déduit, sous certaines conditions, du bénéfice réalisé pendant cet exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants. C'est le report déficitaire de droit commun, qui est donc un report "en avant" du déficit, sur des bénéfices d'exercices postérieurs.

A titre dérogatoire, l'article 220 quinquies du CGI (N° Lexbase : L3976I3N), créé par l'article 19 de la loi de finances pour 1985 (1), ouvre également aux entreprises la faculté d'opter pour le report "en arrière" de leur déficit, mécanisme également connu sous sa dénomination de "carry-back". Jusqu'en 2011, le déficit constaté au cours d'un exercice N était considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'exercice N-3 et, le cas échéant, de l'exercice N-2 puis de l'exercice N-1. En 2011 (2), le législateur a durci ce régime en prévoyant qu'un déficit constaté au titre d'un exercice ne pourrait désormais être reporté que sur le bénéfice de l'exercice précédent. Vous savez, pour le reste, que l'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du report en arrière fait naître au profit de l'entreprise une créance sur le Trésor d'égal montant, qu'elle peut utiliser pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option a été exercée, ou dont elle peut demander le remboursement au terme de ces cinq années.

L'article 46 quater-0 W de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L8531HLK), pris pour l'application de l'article 220 quinquies, prévoit que l'entreprise qui exerce l'option en faveur du report en arrière d'un résultat déficitaire doit joindre à la déclaration de résultats de l'exercice au titre duquel cette option est exercée une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration. Il s'agit, en l'occurrence, de la déclaration n° 2039.

2. Nous pouvons maintenant dire quelques mots du présent litige. La société requérante, qui exerce une activité de recherche et développement, a déclaré, au titre des exercices clos en 1997, 1998 et 1999, des bénéfices. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1997 et 1998, ses résultats ont été fortement rehaussés par des notifications de redressement reçues en décembre 2000 et février 2001. Parallèlement, par une déclaration n° 2039 déposée conjointement à sa déclaration de résultats afférente à l'exercice clos le 31 décembre 2000, reçue le 5 juillet 2011, la société a opté pour le report en arrière du déficit de l'exercice 2000. Sur cette déclaration, la contribuable a porté en tant que bénéfices d'imputation, les bénéfices des exercices 1997 à 1999 qu'elle avait elle-même déclarés, et non, en ce qui concerne les exercices 1997 et 1998, les bénéfices rectifiés qui venaient de lui être notifiés, mais qui n'avaient pas encore été mis en recouvrement.

Le 30 décembre 2010, la société a demandé au Trésor le remboursement de la somme de 199 330,75 euros correspondant, selon elle, au montant de sa créance de carry-back du déficit de l'exercice 2000 qu'elle a calculée en prenant en compte les bénéfices 1997 et 1998 rectifiés, et non les bénéfices déclarés. Après rejet de sa demande, la société a porté le litige devant le tribunal administratif de Paris, qui y a fait droit en fixant sa créance à la somme de 189 448 euros (3) (TA Paris, 14 mai 2013, n° 1200856 N° Lexbase : A8671RXG). Toutefois, sur le recours du ministre, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement par un arrêt du 17 septembre 2014, fixé le montant de la créance de carry-back à la somme correspondant à l'imputation du déficit de l'année 2000 sur les bénéfices déclarés des années 1997 à 1999 et rejeté le surplus des conclusions des parties (CAA Paris, 17 septembre 2014, n° 13PA03064 N° Lexbase : A0037MXN). C'est l'arrêt attaqué, frappé des deux pourvois identiques que vous pourrez joindre.

3. Notons, à titre liminaire, que vous n'aurez pas à relever d'office la tardiveté de la demande de remboursement présentée par la société. Vous avez récemment jugé qu'il résulte des dispositions de l'article 220 quinquies du CGI et de l'article 46 quater-0 W de l'annexe III à ce code que la créance née du report en arrière d'un déficit doit être spontanément remboursée par l'administration, pour la fraction non utilisée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés, au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option a été exercée. Vous avez précisé que, lorsque l'administration ne s'acquitte pas de cette obligation, il appartient au contribuable, dans le délai de prescription quadriennale prévu par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 (loi n° 68-1250 N° Lexbase : L6499BH8), de lui présenter une demande tendant à ce remboursement et, en cas de rejet de cette demande, de porter le litige devant le juge de plein contentieux (CE 9° et 10° s-s-r., 9 mars 2016, n° 385244, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5432QYT, concl. Bokdam-Tognetti). C'est bien ici ce qu'a fait la société requérante. La prescription a commencé à courir le 1er janvier 2006, au terme des cinq années suivant la clôture de l'exercice 2000, au titre duquel l'option a été exercée. Le délai de quatre ans se décomptant année civile par année civile, conformément à l'article 1er de la loi de 1968 (4), il expirait donc le 31 décembre de la quatrième année à compter du 1er janvier 2006, soit le 31 décembre 2010. Le délai de prescription a donc été interrompu, in extremis, mais valablement, par la demande présentée le 30 décembre 2010.

4. La requérante fait principalement grief à la cour d'avoir jugé, tout en admettant qu'elle était fondée à demander le report en arrière du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2000 sur les bénéfices des exercices clos en 1997, 1998 et 1999, que ce déficit ne pouvait être imputé que sur le bénéfice calculé à partir des seuls résultats qu'elle avait déclarés, et non sur les bénéfices rectifiés, faute qu'elle ait présenté une nouvelle réclamation à la suite de la mise en recouvrement des suppléments d'impôt qui lui ont été assignés au titre des années 1997 et 1998.

Rappelons sur ce point que, par votre décision du 30 juin 1997 (CE 8° et 9° s-s-r., 30 juin 1997, n° 178742, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0501AEB, RJF, 1997, n° 776), vous avez regardé la déclaration d'option pour le report en arrière d'un déficit comme une réclamation au sens de l'article L. 190 du LPF (N° Lexbase : L9530IYM). Dix ans plus tard, par une autre décision (CE 9° et 10° s-s-r., 19 décembre 2007, n° 285588,, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1488D3I, Rec., p. 515, RJF, 2008, n° 347, concl. Landais, BDCF, 3/08, n° 42, chron. Burguburu, RJF, 2008, p. 211), vous avez déconnecté l'exercice de naissance du déficit de l'exercice au titre duquel l'option est exercée. Ainsi, alors que l'article 46 quater-0 W de l'annexe III au CGI prévoit que la déclaration d'option pour le report en arrière doit être jointe à la déclaration de résultat au titre de laquelle l'option est exercée, vous n'avez vu dans cette règle qu'un principe et avez admis que la déclaration d'option soit effectuée indépendamment de la déclaration de résultats de l'exercice déficitaire, sous réserve qu'elle intervienne dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du LPF (N° Lexbase : L6486AEX). Aussi avez-vous accepté que l'option soit exercée postérieurement à l'exercice déficitaire, dans l'hypothèse où l'administration a rehaussé les bénéfices des exercices antérieurs ou fait apparaître des bénéfices imposables au titre de ces exercices. Vous avez regardé l'exercice de l'option comme une réclamation ayant pour objet de permettre l'imputation du déficit sur les bénéfices rectifiés et jugé que la mise en recouvrement des suppléments d'impôt correspondants constituait l'événement qui motive la réclamation au sens du c de la première partie de l'article R. 196-1 du LPF.

Dans le même ordre d'idées, vous avez admis, par une décision de 2011 (CE 3° et 8° s-s-r., 23 décembre 2011, n° 338773, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8195H8Z, RJF, 2012, n° 232, concl. Geffray, BDCF, 2012, n° 31), la recevabilité d'une déclaration d'option pour le report en arrière souscrite en même temps que la déclaration de résultats, mais après l'expiration du délai imparti pour procéder à cette dernière déclaration, en retenant que l'option pour le report en arrière d'un déficit constitue une réclamation devant s'exercer dans les formes, conditions et délais prévus par le LPF.

Enfin, vous avez déclaré conforme à la loi la doctrine de l'administration (5) qui voyait dans l'option en faveur du report en arrière une décision de gestion opposable au contribuable (CE 8° et 9° s-s-r., 30 décembre 1998, n° 170959 N° Lexbase : A8654ASC, et n° 181394 N° Lexbase : A8724ASW, inédits au recueil Lebon, concl. Loloum, Dr. fisc., n° 48, comm. 861). Cette solution n'est pas douteuse, car le choix de reporter en arrière le déficit constaté au titre d'un exercice constitue bien la manifestation d'une faculté juridique d'option et emporte des conséquences, notamment en tant qu'elle prive de la possibilité d'un report en avant de ce même déficit (6).

Du fait de cette double assimilation de l'option pour le report en arrière à une réclamation et à une décision de gestion, nous n'avons pas d'hésitation à vous proposer de confirmer le raisonnement que la cour a tenu en l'espèce.

Celle-ci a en effet constaté qu'après avoir exercé, le 5 juillet 2011, l'option pour le report en arrière du déficit de l'exercice 2000 sur les bénéfices déclarés des exercices 1997 à 1999, la société n'avait pas, à la suite de l'avis de mise en recouvrement des suppléments d'impôt sur les sociétés dus au titre des exercices 1997 et 1998, présenté une nouvelle réclamation dans le délai de l'article R. 196-1 du LPF, alors que rien n'y faisait obstacle et qu'il n'appartenait pas à l'administration de prendre, à la place de la contribuable, une telle décision de gestion.

En juger autrement reviendrait à autoriser l'administration à substituer d'office au montant du bénéfice initialement porté dans une déclaration d'option, le montant du bénéfice éventuellement rectifié, au prix d'une immixtion peu justifiable dans la gestion de l'entreprise. Dans l'hypothèse où une entreprise a souscrit une déclaration d'option pour le report en arrière d'un déficit, une nouvelle réclamation doit donc être présentée, en cas de rectification par l'administration des bénéfices d'imputation, pour faire naître une créance complémentaire, calculée en appliquant le taux d'imposition au montant net du rehaussement. La cour n'a donc commis aucune erreur de droit en jugeant que l'imputation du déficit de l'exercice 2000 sur les bénéfices rectifiés des exercices 1997 et 1998 était subordonnée au dépôt d'une nouvelle réclamation.

5. Les autres moyens du pourvoi ne vous retiendront guère. La cour n'a d'abord pas dénaturé les faits de l'espèce en estimant que la demande de report en arrière présentée par la société ne pouvait être regardée, eu égard à son contenu, comme tendant à l'imputation du déficit constaté pour l'année 2000 sur les résultats rectifiés des exercices clos en 1997 et 1998. S'il est vrai qu'à la date de l'option, la société avait reçu des propositions de redressement au titre de ces exercices et qu'elle n'a pas rempli les cases de la déclaration n° 2039 relatives au bénéfice d'imputation et à la fraction du déficit reporté en arrière, elle n'a toutefois introduit dans ce document, comme l'a exactement relevé la cour, aucune mention pour demander par avance qu'il soit tenu compte, pour le calcul de sa créance, des bénéfices rectifiés, dans l'hypothèse où les rectifications seraient maintenues et mises en recouvrement.

Vous pourrez également écarter le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la mise en recouvrement des suppléments d'impôt établis sur les bénéfices rectifiés aurait eu pour effet de "régulariser" sa déclaration de report en arrière. D'une part, la cour a implicitement répondu à ce moyen en jugeant qu'une seconde réclamation était nécessaire. D'autre part, il ne s'agissait pas ici de régulariser une première déclaration qui était parfaitement régulière mais, nous l'avons dit, de souscrire une réclamation en vue de permettre l'identification d'une créance de carry-back complémentaire.

Contrairement à ce que soutient encore la société requérante, la cour n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité en ne répondant pas au moyen tiré de ce que l'article L. 199 C du LPF (N° Lexbase : L8352AE3) l'autorisait à fonder sa demande de remboursement de la créance de carry-back sur les bénéfices rehaussés, sans qu'elle ait besoin de présenter une nouvelle réclamation. Ce moyen a en effet été soulevé après la clôture de l'instruction et il ne peut être regardé comme un élément de droit nouveau susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire au sens de votre décision de Section de 2014 (CE 10° s-s., 5 décembre 2014, n° 340943, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9030M49, Rec., p. 369, avec concl. E. Crépey, RJF, 2015, n° 152, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe, AJDA, 2015, p. 211). Le moyen d'insuffisance de motivation n'est donc pas fondé et le moyen d'erreur de droit correspondant est nouveau en cassation et par suite inopérant.

Enfin, le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu le droit au recours effectif et l'équité fiscale en se fondant sur les seules mentions de la déclaration d'option pour le report en arrière n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Par ces motifs nous concluons au rejet des pourvois.


(1) Loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984, de finances pour 1985 (N° Lexbase : L4513K7B).
(2) Loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011, de finances rectificative pour 2011, art. 2 (N° Lexbase : L1269IRG) ; applicable aux déficits constatés au titre des exercices clos à compter du 21 septembre 2011, date d'entrée en vigueur de la loi.
(3) Conformément au dernier état des conclusions de la requérante.
(4) Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "Sont prescrites, au profit de l'Etat [...] toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis".
(5) Paragraphe 17 de l'instruction du 21 février 1986 publiée sous la référence 4 H-4-86 et reprise à la documentation administrative de base 4 H-2222.
(6) L'article 220 quinquies du CGI prévoit en effet que le déficit imputé dans le cadre d'un report en arrière cesse d'être reportable en avant.

newsid:454193

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Publication d'un décret relatif au régime d'amortissement exceptionnel des investissements réalisés dans les PME innovantes soumises à l'IS

Réf. : Décret n° 2016-1187 du 31 août 2016, relatif au régime d'amortissement exceptionnel sur cinq ans des investissements réalisés dans les petites et moyennes entreprises innovantes prévu à l'article 217 octies du CGI (N° Lexbase : L0023LA4)

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N4143BWD

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Le 08 Septembre 2016

A été publié au Journal officiel du 2 septembre 2016 le décret relatif au régime d'amortissement exceptionnel sur cinq ans des investissements réalisés dans les petites et moyennes entreprises innovantes soumises à l'IS (décret n° 2016-1187 du 31 août 2016 N° Lexbase : L0023LA4). Les entités concernées sont les entreprises soumises, de plein droit ou sur option, à l'impôt sur les sociétés, en tant qu'investisseuses, les petites et moyennes entreprises innovantes, en tant que bénéficiaires des investissements, et les fonds communs de placement à risques, les fonds professionnels de capital investissement, les sociétés de libre partenariat et les sociétés de capital-risque, en tant qu'intermédiaires. L'article 217 octies du CGI (N° Lexbase : L3952KWB) permet donc aux entreprises soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés, d'amortir sur cinq ans des investissements dans les petites et moyennes entreprises innovantes. Plus précisément, le VII de l'article 217 octies prévoit que ce régime d'amortissement exceptionnel s'applique aux sommes versées pendant les dix années suivant une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la décision de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme étant conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'Etat. Cette décision de conformité de la Commission européenne aux règles de l'Union européenne relatives aux aides d'Etat est intervenue le 5 novembre 2015 et a été confirmée par un courrier du 14 juillet 2016, qui valide le dispositif dans sa version issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, de finances rectificative pour 2015 (N° Lexbase : L1131KWS). Le présent décret est entré en vigueur le 3 septembre 2016.

newsid:454143

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Caractérisation du régime de faveur des plus-values réalisées sur la cession de "logiciels originaux"

Réf. : CAA Paris, 7 juillet 2016, n° 13PA01769, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2659RXR)

Lecture: 2 min

N4186BWX

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Le 15 Septembre 2016

Le régime de faveur s'agissant des plus-values réalisées sur la cession de "logiciels originaux" (CGI, art. 93 quater N° Lexbase : L0665IPC) est applicables aux logiciels pour lesquels leur auteur bénéficie de la protection de sa propriété intellectuelle en application des dispositions de l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3333ADS) et du 13° de l'article L. 112-2 du même code (N° Lexbase : L3334ADT). Telle est la solution retenue par la cour administrative d'appel de Paris dans un arrêt rendu le 7 juillet 2016 (CAA Paris, 7 juillet 2016, n° 13PA01769, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2659RXR). En l'espèce, le requérant, concepteur indépendant de logiciels, a réclamé la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti par suite de la remise en cause par le service du bénéfice du régime de faveur prévu au I de l'article 93 quater du CGI pour la taxation de la plus-value réalisée lors de la cession, le 17 juin 2003 d'un logiciel de gestion. Les magistrats, lors d'une première audience (CAA Paris, 16 avril 2015, n° 13PA01769 N° Lexbase : A5357NQH), ont fait procéder à une expertise, par un expert en informatique (spécialité logiciel), en vue d'être éclairée sur les éléments techniques permettant d'apprécier si le logiciel en cause revêtait lors de sa cession le caractère d'un logiciel original dont il était l'auteur et lui ouvrait dès lors droit au bénéfice du régime de faveur. Ainsi, l'expert, après avoir procédé à l'analyse du code source du logiciel, lequel correspond à l'ensemble des lignes de programmation, a conclu que le requérant avait créé lui-même ce code source en faisant une utilisation personnelle des jeux d'instructions résultant du langage de programmation, et il a également conclu que l'intéressé avait créé l'architecture propre au logiciel en relevant notamment dans son rapport, que le requérant "a justifié en séance tous les choix d'architecture et il n'y a aucun doute qu'il est à l'origine de cette architecture". Par conséquent, le code source et l'architecture du logiciel résultent de choix opérés par le requérant et témoignent d'un apport intellectuel propre à cet auteur-concepteur. Dès lors, en tant que personne physique auteur d'un logiciel original, l'intéressé a droit au bénéfice du régime de faveur remis en cause par l'administration .

newsid:454186

[Panorama] Panorama de droit des sûretés (janvier - juin 2016)

Lecture: 10 min

N4147BWI

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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 23 Mars 2018

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine le panorama de droit des sûretés de Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Ouvrages "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux", traitant de l'actualité du premier semestre 2016 (janvier à juin). L'objectif de ce panorama est de fournir aux lecteurs quelques observations sur des décisions ou des dispositions législatives qui n'ont pu faire l'objet de commentaires dans les colonnes de Lexbase Hebdo - édition affaires. I - Sûretés personnelles

Comme souvent, l'actualité jurisprudentielle concerne principalement le cautionnement.

Donneur d'aval et caution. Pendant longtemps, la notion d'aval était considérée comme une application du cautionnement, à ce domaine particulier que sont les engagements cambiaires. En 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation est revenue sur cette idée, en affirmant que l'exigence de proportionnalité requise en matière de cautionnement ne pouvait être invoquée par un donneur d'aval, les règles propres au droit du change n'étant pas celles propres au cautionnement (1). La Chambre commerciale (Cass. com., 28 juin 2016, n° 14-23.836, F-D N° Lexbase : A1929RWD) partage cette analyse, en décidant que le donneur d'aval n'est "pas fondé à invoquer le devoir de mise en garde des établissements de crédit ni la disproportion prétendue de son engagement, dont les cautions peuvent se prévaloir/". Ainsi, outre l'exigence de proportionnalité, le devoir de mise en garde dont profite la caution ne bénéficie pas non plus à l'avaliste. La solution est cohérente au regard de l'analyse de la Cour : à partir du moment où elle considère que les règles propres au cautionnement sont étrangères à l'aval, il est logique que toutes ces règles soient exclues (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8827AGZ).

Notion de caution avertie. La notion de caution avertie continue d'alimenter un contentieux stérile. Dans un arrêt du 22 mars 2016, la Cour de cassation a reproché à une cour d'appel (CA Reims, 30 avril 2013, n° 13/07023 N° Lexbase : A9060KCK) d'avoir déduit la qualité de caution avertie de la seule qualité de gérant et associé de la société débitrice principale (Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-20.216, FS-P+B N° Lexbase : A3599RAK). Depuis quelques années, la Cour de cassation apprécie le caractère averti de la caution de manière subjective, s'intéressant davantage à l'expérience de la caution qu'à sa qualité et ses fonctions. Ainsi, la qualification de caution avertie ne peut reposer sur le seul fait que la caution est dirigeante et/ou associée (2). Les juges du fond doivent en outre déterminer si elle possède les connaissances et les compétences suffisantes (3). Ainsi qu'il a été pertinemment relevé (4), davantage que les connaissances, ce qui compte véritablement est la compréhension par la caution de la portée de son engagement, au regard des connaissances dont elle dispose (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8617D3K).

Information annuelle, preuve. De nombreux textes mettent à la charge du créancier une obligation annuelle d'information de la caution, quant au montant des sommes restant dues par le débiteur. Les deux textes les plus invoqués par les cautions sont, à ce sujet, les articles L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2501IXW) et L. 333-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1160K74 ; C. consom., art. L. 341-6, anc. N° Lexbase : L5673DLP). Une difficulté revenant régulièrement est celle de la preuve de l'exécution de cette obligation par le créancier. De longue date, la jurisprudence estime que l'établissement de crédit doit justifier de l'envoi des lettres d'information annuelle (5), mais n'a en revanche pas à prouver leur réception effective par la caution (6). Mais comment prouver l'envoi des lettres d'information ? A la lecture de deux arrêts des 9 février et 5 avril 2016, une chose est sûre : pour la Cour de cassation, la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi (Cass. com., 9 février 2016, n° 14-22.179, FS-P+B N° Lexbase : A0236PLC ; Cass. com., 5 avril 2016, n° 14-20.908, F-D N° Lexbase : A1557RCN). Cette solution, répétée deux fois en l'espace de deux mois, n'est pas à l'abri de la critique. En effet, si la banque peut fournir une copie du courrier d'information, c'est qu'elle l'a édité. On perçoit alors difficilement pourquoi, se donnant la peine (relative) d'éditer le courrier, elle ne l'aurait pas envoyé à la caution : le plus dur était fait (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8178CDA).

Proportionnalité. Le lecteur se souviendra certainement que dans le précédent panorama de droit des sûretés (7), était présentée une divergence de positions entre diverses cours d'appel, sur le point de savoir si la sous-caution peut se prévaloir, ou non, de la disproportion de son cautionnement envers la caution. Les cours d'appel de Paris (8) et de Nancy (9) ont répondu par la positive, estimant que la caution s'était engagée dans le cadre de son activité professionnelle, et qu'elle avait vocation à devenir créancière du débiteur dans le cadre de son recours après paiement (celui que garantit la sous-caution). Ces juridictions estimaient donc justifié de lui reconnaître la qualité de créancier professionnel et d'appliquer l'ancien article L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C ; désormais, C. consom., art. L. 343-4 N° Lexbase : L1103K7Y) au profit de la sous-caution. Au contraire, la cour de Lyon (10) avait jugé que la caution n'étant intervenue au contrat de prêt que comme caution, et non comme établissement financier dispensateur de crédit, elle n'avait pas la qualité de créancier au moment du cautionnement. La cour d'appel d'Amiens (CA Amiens, 7 juillet 2016, n° 14/05361 N° Lexbase : A6854RWR) a opté pour la position des cours de Paris et Nancy, position, rappelons-le, la plus cohérente. Vivement l'opinion de la Cour de cassation (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E7179E9R) !

Concentration des moyens. En 2006, un important arrêt, rendu en Assemblée plénière, posait en principe "qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci" (11). Ce principe, dit de la concentration des moyens, fut logiquement appliqué à la caution (12). Ainsi, lorsqu'elle entend obtenir le rejet total ou partiel de la demande du créancier, la caution doit présenter l'intégralité des arguments dont elle entend se prévaloir: vice du consentement, violation du devoir de mise en garde, défaillance d'une mention manuscrite, disproportion de l'engagement, défaut d'information, bénéfice de subrogation, etc.. Cette exigence a été récemment rappelée par la Cour de cassation (Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-23.167, F-D N° Lexbase : A3731RAG). Même si certains ont tenté de le combattre sur le terrain des droits fondamentaux (13), le principe de la concentration des moyens est parfaitement fondé : il permet d'éviter des actions successives, au fur et à mesure que la caution et son conseil découvrent un nouveau pan du droit du cautionnement. La caution n'est en outre pas totalement démunie : elle peut éventuellement agir contre son conseil, sur le terrain de la responsabilité civile professionnelle, si elle estime qu'il a négligé des moyens pertinents (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E4639EUD).

Action du créancier. Dans un arrêt rendu en juin 2016, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler la distinction entre obligation de couverture et obligation de règlement, et ses conséquences pratiques (Cass. civ. 1, 22 juin 2016, n° 15-19.993, F-D N° Lexbase : A2380RUP). Dans cette espèce, le créancier avait poursuivi les cautions plus de deux ans après l'extinction de leur obligation de couverture. La cour d'appel (CA Montpellier, 26 mars 2015, n° 13/00207 N° Lexbase : A3708NE3) avait prononcé la nullité de ces actes de poursuite, en considérant que la demande du créancier était par trop tardive. La Cour de cassation casse cette décision, en retenant que le fait que le créancier ait introduit son action après la date limite de l'engagement de caution était sans incidence sur l'obligation de la caution, à une double condition : que la dette du débiteur soit antérieure à cette date limite (ce qui était le cas) et que l'acte de cautionnement ne comporte aucune disposition restreignant dans le temps le droit de poursuite du créancier (ce qui était également le cas). Ce faisant, la Cour rappelle une règle de base du droit du cautionnement : dès lors qu'une dette naît durant la période de couverture de la caution, cette dernière assume une obligation de règlement à son sujet, quelle que soit la date d'action du créancier (réserve faite, évidemment, de la prescription). La règle s'explique simplement : l'extinction de l'obligation de couverture ne provoque pas celle de l'obligation de règlement (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8888AGB).

II - Sûretés réelles

En matière de sûretés réelles, c'est surtout le gage des stocks qui a fait l'actualité du premier semestre de l'année 2016, même si la Cour de cassation a rendu deux décisions intéressantes au sujet de l'hypothèque.

Gage des stocks. Cette sûreté a connu quelques turbulences durant ces dernières années (14). Le début de l'année 2016 a certainement vu l'épilogue de cette situation tragi-comique. L'ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016 (N° Lexbase : L3474KYC) présente un double mérite (15). D'une part, elle a mis un terme aux divergences jurisprudentielles opposant notamment la Cour de cassation et la cour d'appel de Paris, en décidant que les parties demeurent libres de recourir au gage des stocks ou au gage de meubles corporels de droit commun (C. com., art. L. 527-1, al. 4 N° Lexbase : L3926KY3). D'autre part, l'ordonnance a considérablement simplifié le régime juridique du gage des stocks, tant dans sa constitution que dans ses effets, en le rapprochant du gage de droit commun (C. com., art. L. 527-1 et s.).

Postérieurement à cette ordonnance, la Cour de cassation (Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-14.401, FS-P+B N° Lexbase : A0686QY3) a apporté une dernière précision quant à l'articulation entre gage de droit commun et gage spécial des stocks. Une cour d'appel (CA Amiens, 26 septembre 2013, n° 12/05024 N° Lexbase : A7654KL3), se fiant à la position de la Cour de cassation consistant à refuser que des stocks soient grevés par un gage de droit commun, avait considéré comme nul un gage sur stocks dans lequel les articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce n'avaient pas été respectés (et notamment le formalisme alors requis). La Cour de cassation casse cette décision, en affirmant que "les dispositions des articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce s'appliquent seulement au gage des stocks sans dépossession et ne font pas obstacle à ce que, pour un gage des stocks avec dépossession, les parties, dont l'une est un établissement de crédit, soumettent leur contrat au droit commun du gage de meubles". Ainsi donc, les parties pouvaient, avant même l'entrée en vigueur du nouvel article L. 527-1 du Code de commerce, soumettre leur gage sur stocks au droit commun, à condition de le constituer avec dépossession du débiteur. Cette décision, avec les nouveaux textes, ne présente plus grand intérêt (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E0981E99).

Hypothèque. Les arrêts intéressants en matière hypothécaire ne sont pas toujours très nombreux. Raison de plus pour se réjouir que le premier semestre 2016 nous en livre deux.

Dans une première décision (Cass. civ. 3, 7 janvier 2016, n° 14-18.360, FS-P+B N° Lexbase : A3929N3W), la Cour rend une solution parfaitement fondée à propos du périmètre du droit de suite du créancier hypothécaire. En l'espèce, un immeuble placé en régime de copropriété avait été vendu. L'acheteur ne payant pas ses charges de copropriété, le syndicat des copropriétaires poursuivait la vente forcée de l'immeuble. Or, la vente ayant entre-temps été résolue, l'immeuble avait été restitué au vendeur, en raison de la rétroactivité de la résolution. Le syndicat justifiait sa saisie de l'immeuble par le droit de suite : selon son argumentation, le vendeur redevenu propriétaire n'était qu'un tiers détenteur, et le droit de suite attaché à l'hypothèque lui permettait de saisir l'immeuble entre ses mains. La Cour de cassation, en rejetant cette prétention, ne s'y est pas trompée. Par l'effet rétroactif de la résolution, la vente est censée n'avoir jamais eu lieu. Par conséquent, toute sûreté née du chef de l'acheteur doit s'analyser en sûreté constituée sur la chose d'autrui, et n'être point valable (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8487EPZ).

Dans une seconde décision (Cass. civ. 3, 31 mars 2016, n° 14-25.604 N° Lexbase : A1609RB9), la Cour fait une application intéressante de la fraude paulienne dans une hypothèse de bail commercial conclu dans un immeuble hypothéqué. Une banque, titulaire d'une hypothèque conventionnelle, avait délivré et publié un commandement de payer valant saisie immobilière. Postérieurement à cet acte, la SCI débitrice avait consenti un bail commercial. En lui-même, ce bail n'est pas condamnable, puisque le constituant de l'hypothèque n'est pas privé pour autant de ses prérogatives de propriétaire. Il est de jurisprudence constante, depuis plus d'un siècle (16), que le constituant hypothécaire peut donner l'immeuble grevé à bail, la seule limite résidant dans la durée du bail : si elle est supérieure à douze ans (c'est-à-dire que le bail est soumis à publicité), le bail sera inopposable au créancier pour la période postérieure aux douze premières années. La Cour de cassation ne trouve rien à redire à la conclusion de ce bail en elle-même. Elle censure pourtant la décision de la cour d'appel, sur le fondement de l'article 1167 du Code civil (N° Lexbase : L1269ABM). Elle reproche en effet aux juges du fond (CA Amiens, 3 juillet 2014, n° 12/03710 N° Lexbase : A4855MSM) de ne pas avoir recherché "si les termes et conditions du bail ne constituaient pas, de la part du débiteur, un acte d'appauvrissement de nature à priver d'efficacité l'inscription hypothécaire conventionnelle de la banque sur l'immeuble". La solution mérite d'être approuvée: l'existence d'un bail commercial peut dissuader de nombreux enchérisseurs potentiels. Le montant de l'adjudication risque fort d'en être diminué d'autant. Il importe donc de rechercher si le constituant de l'hypothèque n'a pas souhaité diminuer la valeur de l'immeuble grevé (ce qui est un acte d'appauvrissement), en vue de frauder les droits du créancier hypothécaire. Si tel est le cas, une action paulienne serait évidemment envisageable (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8451EPP).


(1) Cass. civ. 1, 19 décembre 2013, n° 12-25.888, F-P+B (N° Lexbase : A7415KSG), D., 2014, p. 518, note J. Lasserre-Capdeville et G. Piette ; F. Julienne, Lexbase, éd. aff., 2014, n° 366 (N° Lexbase : N0318BUC).
(2) V. par ex., Cass. com., 3 février 2009, n° 07-19.778, FS-D (N° Lexbase : A9484ECA) ; Cass. com., 30 mars 2010, n° 09-66.203, F-D (N° Lexbase : A4165EUS) ; Cass. com., 11 avril 2012, n° 10-25.904, FS-P+B (N° Lexbase : A5949II8), RD banc. et fin. mai 2012, p. 54, obs. D. Legeais.
(3) Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-24.694, F-D (N° Lexbase : A8875IBC), JCP éd. G, 2012, 626, n° 5, obs. Ph. Simler ; Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-25.967, F-D (N° Lexbase : A8640IXB), Gaz. Pal., 13 décembre 2012, p. 13, obs. Ch. Albigès ; Cass. com., 13 novembre 2012, n° 11-24.178, F-D (N° Lexbase : A0318IX3) ; Cass. civ. 1, 27 février 2013, n° 12-13.950, F-D (N° Lexbase : A3086I98), JCP éd. G, 2013, 585, n° 6, obs. Ph. Simler.
(4) Ch. Albigès, obs. Gaz. Pal., 21 juin 2016, p. 28.
(5) Cass. com., 12 novembre 2008, n° 07-17.634, F-D (N° Lexbase : A2323EBN).
(6) Cass. com., 17 octobre 2000, n° 97-18.746 (N° Lexbase : A7655AHY), D., 2001, somm. p. 698, obs. L. Aynès ; Cass. com., 2 juillet 2013, n° 12-18.413, FS-P+B (N° Lexbase : A5540KIZ).
(7) Nos obs., in Pan., Lexbase, éd. aff., 2016, n° 451 (N° Lexbase : N0906BWH).
(8) CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 21 mai 2015, n° 12/03599 (N° Lexbase : L8753A7C).
(9) CA Nancy, 26 février 2015, n° 13/03266 (N° Lexbase : A2715NCK).
(10) CA Lyon, 15 octobre 2015, n° 14/03568 (N° Lexbase : A3666NTX).
(11) Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672, P+B+R+I (N° Lexbase : A4261DQU), RTDCiv., 2006, p. 825, obs. R. Perrot.
(12) Cass. civ. 1, 1er juillet 2010, n° 09-10.364, F-P+B+I (N° Lexbase : A5810E3L), D., 2011, p. 265, obs. N. Fricero.
(13) Notamment le droit d'accès à un tribunal : argumentation rejetée par CEDH, 17 mars 2015, Req. 12686/10 (N° Lexbase : A2538NG4), JCP éd. G, 2015, 670, note C. Bléry, qui y voit un objectif légitime ; A. Donnier, Lexbase, éd. privée, 2015, n° 614 (N° Lexbase : N7514BUT).
(14) Nos obs., in Pan., préc. note 7.
(15) Nos obs., Lexbase, éd. aff., 2016, n° 454 (N° Lexbase : N1251BWA).
(16) Cass. req., 8 avril 1863, DP 1863. 1. 411.

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Libertés publiques

[Brèves] Rejet de la demande de suspension d'un arrêté "anti-burkini"

Réf. : TA Bastia, 6 septembre 2016, n° 1600975 (N° Lexbase : A9823RYH)

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Le 09 Septembre 2016

La demande de suspension de l'arrêté "anti-burkini" pris par le maire de Sisco le 16 août 2016 est rejetée. Tel est le sens d'une ordonnance rendue le 6 septembre 2016 par le tribunal administratif de Bastia (TA Bastia, 6 septembre 2016, n° 1600975 N° Lexbase : A9823RYH). La Ligue des Droits de l'Homme a demandé le 1er septembre 2016 au juge des référés du tribunal administratif de Bastia d'ordonner la suspension de l'arrêté en date du 16 août 2016 par lequel le maire de la commune de Sisco a interdit jusqu'au 30 septembre l'accès aux plages et la baignade à toute personne n'ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes moeurs et de la laïcité, ainsi que le port de vêtements pendant la baignade ayant une connotation contraire à ces principes. Dans sa décision, le juge des référés a rappelé que les mesures de police que le maire d'une commune du littoral édicte en vue de réglementer l'accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l'ordre public, telles qu'elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu'impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade, ainsi que l'hygiène et la décence sur la plage et qu'il n'appartient pas au maire de se fonder sur d'autres considérations et les restrictions qu'il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d'atteinte à l'ordre public (CE référé, 26 août 2016, n° 402742, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6904RYD). Il a toutefois considéré qu'en l'espèce, compte tenu des récents événements du 13 août 2016, de leur retentissement et du fait que l'émotion n'est pas retombée, la présence sur une plage de Sisco d'une femme portant un costume de bain de la nature de ceux visés par l'arrêté du 16 août 2016 serait, dans les circonstances particulières de l'espèce, de nature à générer des risques avérés d'atteinte à l'ordre public qu'il appartient au maire de prévenir.

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Licenciement

[Jurisprudence] Garanties conventionnelles de licenciement : gare aux faux-amis !

Réf. : Cass. soc., 11 juillet 2016, n° 14-22.651, FS-P+B (N° Lexbase : A1943RXA)

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 08 Septembre 2016

Les conventions collectives de travail prévoient parfois des procédures spécifiques de licenciement qui doivent être respectées par les entreprises auxquelles elles s'appliquent. Ces garanties procédurales viennent généralement renforcer la procédure légale, par exemple en modifiant les délais légaux, en imposant à l'employeur de recueillir un avis complémentaire (consultation d'une commission paritaire, des représentants du personnel, etc.) ou en permettant au salarié d'avoir accès plus rapidement à des informations relatives à l'éventuel licenciement. Il arrive également que la convention collective ne fasse que reprendre plus ou moins fidèlement les prescriptions légales et prévoie, par exemple, que le salarié peut être entendu par l'employeur avant son licenciement. Par un arrêt rendu le 11 juillet 2016 (Cass. soc., 11 juillet 2016, n° 14-22.651, FS-P+B N° Lexbase : A1943RXA), la Chambre sociale de la Cour de cassation juge que, dans ce cas, la procédure conventionnelle est en quelque sorte inefficace : la procédure conventionnelle (audition du salarié) ne vient pas s'ajouter à la procédure légale (entretien préalable) et le licenciement est valable (I). La position adoptée par la Chambre sociale est parfaitement justifiée, d'abord parce que la validité de la clause conventionnelle est douteuse, ensuite parce qu'elle appuie son raisonnement sur la protection des droits de la défense dont nous partageons l'avis qu'ils doivent servir d'étalon de mesure de l'intensité des garanties procédurales conventionnelles (II).
Résumé

N'institue pas une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi, la convention collective qui prévoit la faculté pour le salarié d'être entendu, sur sa demande, par l'employeur avant que son licenciement ne lui soit confirmé par écrit.

Commentaire

I - L'inefficacité des procédures conventionnelles de licenciement moins protectrices que la loi

La procédure légale de licenciement. La loi n° 73-680 du 13 juillet 1973 (N° Lexbase : L3576H3T) est à l'origine du régime du licenciement pour motif personnel tel qu'il est aujourd'hui établi par le Code du travail. Si cette loi a introduit l'obligation de justification et de motivation du licenciement, elle a également institué une procédure spécifique impliquant la convocation du salarié à un entretien préalable, la tenue de cet entretien lui permettant de présenter ses explications et la notification par écrit du licenciement. S'agissant spécialement de l'entretien préalable, ce sont les articles L. 1232-2 (N° Lexbase : L1075H9P), L. 1232-3 (N° Lexbase : L1076H9Q) et L. 1232-4 (N° Lexbase : L1079H9T) du Code du travail qui en dessinent les contours.

Le premier texte intéresse la convocation à l'entretien. La convocation, envoyée par pli recommandé ou remise en main propre, précise l'objet de l'entretien et doit être adressé avant que toute décision de licenciement soit arrêtée. Le deuxième précise la teneur de l'entretien lui-même au cours duquel "l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié", mesure qui matérialise une forme de débat contradictoire dans la procédure de licenciement et dont l'objectif est de permettre à l'employeur de décider si le licenciement reste nécessaire ou si, au contraire, il n'est finalement pas utile. Le troisième détaille les modalités selon lesquelles le salarié peut se faire assister au cours de cet entretien par un salarié de l'entreprise ou, le cas échéant, par un conseiller du salarié.

Ces dispositions légales forment une protection procédurale minimale. S'il n'est donc pas permis à un accord collectif de travail ou à toute autre source professionnelle de l'amoindrir, il est en revanche parfaitement envisageable que cette protection soit améliorée, ce qui est relativement fréquent. Les protections complémentaires accordées par accord collectif sont qualifiées de garanties conventionnelles de licenciement.

Les garanties conventionnelles de licenciement. La stipulation de garanties conventionnelles de licenciement est relativement courante. On la trouve, notamment, dans les statuts, les conventions collectives de branche ou les règlements intérieurs applicables à des entreprises qui, autrefois, relevaient du secteur public : énergie (1), banques (2) et assurances (3), transports de personnes (4), etc.. Ces garanties rappellent alors celles offertes par les statuts de la fonction publique où elles puisent leurs origines. Les garanties conventionnelles peuvent également figurer dans des conventions collectives de branche plus classiques comportant alors des dispositions plus favorables aux salariés que celles du Code du travail (5).

S'il n'est pas envisageable de dresser une liste exhaustive de ces mesures, on peut toutefois en donner quelques exemples : il peut s'agir de la consultation préalable d'une commission paritaire ou d'un conseil de discipline par lesquels le salarié peut parfois être entendu (6), de l'information ou la consultation préalable des représentants du personnel (7), de la diminution des délais légaux de notification du licenciement (8), du bénéfice de deux entretiens préalables (9), etc..

Les garanties procédurales fondamentales. La plus notable particularité de ces garanties conventionnelles tient à la sanction que le juge prud'homal applique lorsque l'employeur ne les a pas respectées. En effet, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère le plus souvent que ces règles procédurales constituent des "garanties de fond" (10), si bien que le licenciement n'est pas seulement irrégulier en la forme, il est plus radicalement privé de cause réelle et sérieuse (11).

Il demeure toutefois nécessaire que la procédure en cause ait vocation à garantir les droits de la défense du salarié : c'est parce que ce droit fondamental est en cause que la sanction prononcée est plus sévère (12). Ainsi, à plusieurs reprises, la Chambre sociale a-t-elle jugé que certaines procédures ne constituaient pas des garanties de fond à moins d'avoir "eu pour effet de priver le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense" (13).

A côté de ces dispositions conventionnelles plus protectrices, les partenaires sociaux ont souvent pour habitude de reprendre la procédure légale, soit en renvoyant expressément au Code du travail, soit par l'usage de formules plus ou moins proches de celles employées par le législateur. Faut-il, dans ce cas de figure, attacher une importance particulière à ces stipulations ?

L'affaire. Surprenant un de ses salariés en train de consulter des sites pornographiques, un employeur engage une procédure disciplinaire qui aboutit à son licenciement pour faute lourde. Le salarié est convoqué par lettre recommandée à un entretien, qui se déroule deux semaines plus tard et au cours duquel le salarié est assisté par un membre du personnel. Le salarié saisit le juge prud'homal pour contester le bien-fondé du licenciement mais, également, sa régularité procédurale en avançant que l'employeur n'a pas respecté la procédure instituée par la Convention collective de branche de la métallurgie applicable à l'entreprise.

La cour d'appel de Reims (CA Reims, 18 juin 2014, n° 13/01259 N° Lexbase : A3878MR3) juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle s'appuie, pour cela, sur l'article 27, alinéa 2, de la Convention collective nationale (CNN) des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 (N° Lexbase : X0590AEL), qui stipule qu'"aucun licenciement, même pour faute grave, ne peut être confirmé sans que l'intéressé ait été au préalable, mis à même d'être entendu, sur sa demande, par l'employeur ou son représentant responsable". Ases yeux, ces stipulations sont plus favorables que la loi et la lettre de convocation à l'entretien devait faire mention de la faculté d'être entendu dans les conditions prévues par la convention collective. Il s'agit d'une violation d'une "garantie de fond" qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Par un arrêt rendu le 11 juillet 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa des articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4 du Code du travail et de l'article 27 alinéa 2 de la CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie. La Haute juridiction considère que la stipulation conventionnelle "prévoyant la faculté pour le salarié d'être entendu, sur sa demande, par l'employeur avant que son licenciement ne lui soit confirmé par écrit, n'institue pas une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi n° 73-680 du 13 juillet 1973 qui a institué l'obligation pour l'employeur envisageant de licencier un salarié de le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable".

II - La protection des droits de la défense, critère décisif des garanties procédurales conventionnelles

L'argumentation de la Chambre sociale semble reposer sur l'intensité de la protection des droits de la défense offerte par la procédure conventionnelle. Cela ne surprend guère, pour au moins deux raisons.

Une procédure conventionnelle moins favorable que la loi. D'abord parce qu'il est parfaitement clair que les stipulations de la CCN de la métallurgie n'apportent aucune garantie procédurale complémentaire à celles prévues par le législateur. On pourrait même dire que la convention est moins favorable que la loi, cela à deux titres.

Premièrement, elle fait de l'entretien préalable une simple faculté offerte au salarié, sur sa demande, là où l'article L. 1232-3 du Code du travail impose que cet entretien ait lieu. Ce n'est que de manière très exceptionnelle, si le salarié ne s'est pas présenté à l'entretien par exemple, que l'employeur peut être dispensé de présenter ses griefs et d'entendre les observations du travailleur (14). On peut, d'ailleurs, se demander si ces stipulations conventionnelles sont valables puisque les partenaires sociaux ne peuvent en principe déroger à la loi in pejus qu'à condition que le législateur l'ait autorisé, ce qui n'est pas le cas en matière de procédure de licenciement pour motif personnel (15). Deuxièmement, l'article 27 de la CCN n'envisage nullement l'assistance du salarié lors de l'entretien, assistance rendue obligatoire par l'article L. 1232-4 du Code du travail.

On perçoit assez difficilement comment les juges d'appel ont pu considérer que les dispositions de la convention collective étaient plus favorables que la loi. Cette conclusion n'aurait pu être admise qu'à la condition que l'accord précise clairement, comme cela est parfois le cas, que cette faculté offerte au salarié d'être entendu venait s'ajouter à l'entretien préalable et qu'il s'agissait, en quelque sorte, de prévoir deux entretiens préalables au licenciement (16).

La corrélation entre garanties de fond et droits de la défense. Ensuite parce que, nous l'avons déjà évoqué, la qualification de garantie de fond est étroitement liée aux possibilités offertes au salarié par l'accord collectif de se défendre. Il existe deux degrés dans les garanties procédurales conventionnelles. Certaines d'entre elles, comme la faculté de saisir une commission de discipline par exemple, garantissent par nature les droits de la défense. D'autres protections, plus légères, ne sont qualifiées de garanties de fond qu'à la condition que le salarié subisse une atteinte effective aux droits de la défense lorsqu'il en est privé. Cette atteinte n'est pas avérée en l'espèce puisqu'il était plus favorable au salarié d'appliquer la loi plutôt que la convention.

On notera enfin que la Chambre sociale ne reprend pas, dans son argumentation, les termes de "garantie de fond" qui avaient été employés par les juges d'appel. La qualification de "garantie de fond" n'est pas appropriée car elle donne le sentiment que c'est la violation d'une règle de fond qui justifie la sanction judiciaire lorsque la règle procédurale n'a pas été respectée. Les règles de fond entourant le licenciement relèvent de sa justification et, par extension, de sa motivation.

Tout aussi fondamentaux que soient les droits de la défense, ce caractère ne suffit pas à faire de leur respect une condition de fond du licenciement et il semble bien plus pertinent de sanctionner l'éventuelle atteinte à ces droits fondamentaux que de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire de le juger injustifié. Quoiqu'il en soit, il serait bien hasardeux de tirer quelconque conclusion tendant à l'abandon de cette qualification à la suite de l'arrêt présenté qui ne prend aucune position de principe sur la question.


(1) Par ex., les commissions secondaires de discipline organisées par le statut des entreprises électriques et gazières, décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, annexe art. 3.
(2) CCN de la banque du 10 janvier 2000, IDCC 2120, art. 26 et s. (N° Lexbase : X8100APP).
(3) CCN des sociétés d'assurance du 27 mai 1992, IDCC 1672, art. 90 (N° Lexbase : X8101APQ).
(4) Par ex., v. le règlement intérieur de la Société Air France, art. 2.2.
(5) Par ex., CCN des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, IDCC 29, art. 03.01.7 (N° Lexbase : X0721AEG) ; CCN des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison du 23 juin 1971, IDCC 0731, art. 27 (N° Lexbase : X8111AP4) ; CCN des entreprises d'architecture du 27 février 2003, IDCC 2332, art. IV-2-1 (N° Lexbase : X8150APK).
(6) C'est la garantie la plus fréquente, v. déjà Cass. soc., 28 mars 2000, n° 97-43.411, publié (N° Lexbase : A6374AG8), Dr. soc., 2000, p. 653, obs. J. Savatier ; Dr. ouvrier, 2000, p. 453, note A. de Senga.
(7) Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-13.229, F-D (N° Lexbase : A8833KIY) ; Cass. soc., 17 mars 2015, deux arrêts, n° 13-24.252, FS-P+B (N° Lexbase : A1849NE9) et n° 13-23.983, FS-P+B (N° Lexbase : A1756NER) et nos obs., Lexbase, éd. soc., 2015, n° 607 (N° Lexbase : N6709BUZ).
(8) Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-20.737, FS-P+B (N° Lexbase : A2845KBY), Dr. soc., 2013, p. 460, obs. S. Tournaux ; JCP éd. S, 2013, 1228, note D. Corrignan-Carsin.
(9) Par ex., Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-12.676, F-D (N° Lexbase : A4305MUY).
(10) Ch. Varin, Les critères de la notion de "garantie de fond", JCP éd. S, 2013, 1356 et, du même auteur, Le recours aux droits procéduraux fondamentaux à l'occasion de l'exercice des pouvoirs patronaux, Dr. ouvrier, 2016, p. 407.
(11) Depuis Cass. soc., 23 mars 1999, n° 97-40.412, inédit (N° Lexbase : A3552AU4), Dr. soc., 1999, p. 634, obs. J. Savatier.
(12) V. notre étude, Les garanties procédurales fondamentales, Dr. soc., 2015, p. 389.
(13) Cass. soc., 3 juin 2009, n° 07-42.432, FP-P+B (N° Lexbase : A6186EHL) et les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., 2009, n° 355 (N° Lexbase : N6572BKM) ; JCP éd. S, 2009, 1307, note I. Beyneix ; Cass. soc., 27 juin 2012, n° 11-14.036, FS-P+B (N° Lexbase : A1398IQT) et les obs. de B. Gauriau, Lexbase, éd. soc., 2012, n° 493 (N° Lexbase : N2898BTI) ; Cass. soc., 22 octobre 2014, n° 13-17.065, FS-P+B (N° Lexbase : A0438MZA) ; Dr. soc., 2015, p. 86, obs. J. Mouly.
(14) Par ex., v. Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-40.681, F-D (N° Lexbase : A2804DCT).
(15) Il en va différemment en cas de licenciement collectif pour motif économique puisqu'un accord collectif peut, depuis la loi du 14 juin 2013 (N° Lexbase : L0394IXU), aménager différentes étapes procédurales, v. notre étude, Commentaire de l'article 18 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi : la réforme de la procédure de licenciement pour motif économique collectif, Lexbase, éd. soc., 2013, n° 535 (N° Lexbase : N7934BTZ).
(16) Par ex., Cass. soc., 9 juillet 2014, préc. ; Cass. soc., 23 septembre 2014, n° 13-16.184, F-D (N° Lexbase : A3042MXX).

Décision

Cass. soc., 11 juillet 2016, n° 14-22.651, FS-P+B (N° Lexbase : A1943RXA).

Cassation (CA Reims, 18 juin 2014, n° 13/01259 N° Lexbase : A3878MR3).

Textes visés : C. trav., art. L. 1232-2 (N° Lexbase : L1075H9P), art. L. 1232-3 (N° Lexbase : L1076H9Q) et art. L. 1232-4 (N° Lexbase : L1079H9T) ; CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, art. 27, alinéa 2 (N° Lexbase : X0590AEL).

Mots-clés : licenciement disciplinaire ; entretien préalable ; procédure conventionnelle.

Liens base : ; (N° Lexbase : E9232ESQ).

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Pénal

[Brèves] Condamnation de la Belgique pour traitements inhumains ou dégradants en raison de la détention inadaptée à ses soins thérapeutiques d'un délinquant sexuel souffrant de trouble mentaux

Réf. : CEDH, 6 septembre 2016, Req. 73548/13 (N° Lexbase : A9814RY7)

Lecture: 2 min

N4176BWL

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Le 08 Septembre 2016

Constitue une violation de l'article 3 de la CESDH (N° Lexbase : L4764AQI) le fait pour un Etat de maintenir en détention une personne depuis plus de neuf ans dans un environnement carcéral, sans thérapie adaptée à son état de santé mentale et sans perspective de réinsertion, ce qui constitue une épreuve particulièrement pénible, le détenu étant soumis à une détresse d'une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Telle est la substance d'un arrêt rendu le 6 septembre 2016 par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 6 septembre 2016, Req. 73548/13 N° Lexbase : A9814RY7 ; à rapprocher de : CEDH, 26 avril 2016, Req. 10511/10 N° Lexbase : A1334RLY). Les faits concernaient M. D. âgé de 19 ans, arrêté pour attentat à la pudeur sur un mineur. Le tribunal avait décidé de son internement, considérant qu'il était irresponsable et atteint d'un trouble mental. Interné dans une section de défense sociale de la prison où il réside depuis, il a bénéficié de permissions de sortie très encadrées. Différents rapports psychiatriques ont révélé qu'il était prédisposé à la perversion et à la pédophilie, qu'il présentait un risque de récidive très élevé et devait donc intégrer un établissement spécialisé. En 2015, le service psychosocial avait proposé que les sorties lui soient désormais interdites dans la mesure où il avait entretenu des contacts avec des mineurs. A partir de 2009, son maintien fut décidé dans l'attente d'un placement dans un établissement spécialisé. En 2012, la commission supérieure rejeta l'appel introduit par le M. D. contre une décision de maintien de la commission, au motif que l'état de santé mentale de l'intéressé justifiait sa détention. Son pourvoi en cassation fut rejeté par la Cour de cassation. Les recours introduits par M. D. devant le juge judiciaire furent également rejetés. Dans l'intervalle, les démarches entreprises par les autorités ou par M. D. lui-même en vue d'un placement dans l'un des "centres d'hébergement extérieurs" reconnus par l'établissement spécialisé furent infructueuses, faute de places disponibles ou en raison du profil psychiatrique de l'intéressé. Invoquant l'article 3 de la CESDH, M. D. se plaignait de sa détention carcérale depuis plus de neuf ans, sans soins appropriés à son état de santé mentale et sans perspective réaliste de réinsertion. Pour conclure à la violation de l'article 3, la Cour relève que la situation dont était victime M. D. relevait de problèmes d'ordre structurel : d'une part, l'encadrement médical des internés dans les ailes psychiatriques des prisons n'est pas suffisant et, d'autre part, le placement à l'extérieur des prisons s'avère souvent impossible, soit en raison du manque de place ou de place adaptée au sein des hôpitaux psychiatriques, soit du fait du dispositif législatif qui ne permet pas aux instances de défense sociale d'imposer le placement dans une structure extérieure qui considérerait l'interné comme indésirable.

newsid:454176

Retraite

[Brèves] Régime de la liquidation unique des pensions de retraite pour les assurés relevant de plusieurs régimes

Réf. : Décret n° 2016-1188 du 1er septembre 2016, relatif à la liquidation unique des pensions de retraite de base des pensionnés affiliés à plusieurs régimes (N° Lexbase : L0021LAZ)

Lecture: 1 min

N4144BWE

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Le 08 Septembre 2016

A été publié au Journal officiel du 2 septembre 2016, le décret n° 2016-1188 du 1er septembre 2016, relatif à la liquidation unique des pensions de retraite de base des pensionnés affiliés au régime général de Sécurité sociale, au régime des salariés agricoles et aux régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales et au Fonds de solidarité vieillesse (N° Lexbase : L0021LAZ). Pris pour l'application de l'article 43 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (N° Lexbase : L2496IZH), il détermine le régime compétent pour liquider la pension dans le cadre de la liquidation unique des pensions, pour les assurés relevant ou ayant relevé de plusieurs régimes obligatoires de retraite dits "alignés" (régime général, régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales et régime des salariés agricoles) (CSS, art. R. 173-4-4 et R. 173-4-5). Ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2017. Le régime compétent sera le dernier régime d'affiliation de l'assuré, sauf exceptions liées notamment à l'existence de dispositifs propres à l'un ou l'autre des régimes.
Par ailleurs, le décret met en cohérence les dispositions réglementaires relatives aux dépenses du Fonds de solidarité vieillesse avec les modifications résultant de l'article 24 de la loi du 23 décembre 2015 de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 N° Lexbase : L8435KUX). Enfin, il modifie la fréquence des versements entre le fonds et les régimes de Sécurité sociale concernés, afin de limiter les flux financiers de faible montant (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E0879E9G).

newsid:454144

Procédure civile

[Brèves] Pas de recours contre une ordonnance donnant force exécutoire à une transaction

Réf. : Cass. civ. 2, 1er septembre 2016, n° 15-22.915, F-P+B (N° Lexbase : A9389RYE)

Lecture: 2 min

N4155BWS

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Le 08 Septembre 2016

L'ordonnance donnant force exécutoire à une transaction, rendue à la suite du dépôt d'une requête par l'une des parties à un accord, ayant reçu mandat à cet effet des autres parties, qui n'est pas une ordonnance sur requête au sens de l'article 812, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0700H4P), ne peut faire l'objet d'aucun recours. Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 1er septembre 2016 (Cass. civ. 2, 1er septembre 2016, n° 15-22.915, F-P+B N° Lexbase : A9389RYE). En l'espèce, à la suite du dépôt par une banque, devant le président d'un tribunal de grande instance, d'une requête aux noms des parties à une transaction, force exécutoire a été conférée à celle-ci par une ordonnance du 4 novembre 2011 délivrée en application de l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9124AGZ) alors applicable. La banque, ayant fait délivrer à M. et Mme S. un commandement aux fins de saisie-vente le 7 mars 2014 du fait du non paiement de sommes dues en application de l'accord transactionnel, ces derniers ont saisi le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir la rétractation de l'ordonnance du 4 novembre 2011. M. et Mme S. ont ensuite fait grief à l'arrêt de la cour d'appel (CA Colmar, 10 juin 2015, n° A 14/03830 N° Lexbase : A5417NKT) de confirmer l'ordonnance ayant rejeté la requête aux fins de rétractation, arguant de la violation des articles 496 (N° Lexbase : L6613H73) et 31 (N° Lexbase : L1169H43) du Code de procédure civile. A tort. Substituant d'office le moyen susénoncé, en application de l'article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7861I4W), après avis donné aux parties, à ceux critiqués, et relevant que la cour d'appel avait retenu que la transaction avait été homologuée à la suite du dépôt par la banque d'une requête tendant à lui voir conférer force exécutoire après qu'elle avait obtenu mandat de l'ensemble des autres parties à l'accord, la Cour de cassation juge que la décision des juges du fond se trouve dès lors légalement justifiée (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1665EU9).

newsid:454155

Propriété intellectuelle

[Brèves] Sur la prorogation de compétence du TGI en cas de demandes connexes de contrefaçon et de concurrence déloyale

Réf. : Cass. com., 6 septembre 2016, n° 15-16.108, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9825RYK)

Lecture: 2 min

N4215BWZ

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Le 10 Septembre 2016

La prorogation légale de compétence du tribunal de grande instance prévue par l'article L. 522-2 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L1813H3K) ne trouve application qu'à l'égard d'une question connexe de concurrence déloyale. Elle n'est dès lors pas applicable, notamment, au titre de demandes fondées sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie et l'abus de dépendance économique. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 6 septembre 2016 (Cass. com., 6 septembre 2016, n° 15-16.108, FS-P+B+I N° Lexbase : A9825RYK). En l'espèce, le gérant d'une société (fournisseur) et cette dernière entretenaient des relations d'affaires depuis plusieurs années avec une autre société (distributeur) lorsque cette dernière leur a passé des commandes "tests" pour des produits conçus par le gérant de la première, dont les modèles avaient donné lieu à enregistrement auprès de l'OHMI. Reprochant à la société distributeur des actes de contrefaçon de leurs droits sur ces modèles communautaires ainsi que de concurrence déloyale, un abus de dépendance économique et la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la société fournisseur et son gérant l'ont assignée devant le TGI de Paris en réparation de leurs préjudices. La société distributeur a soulevé devant le juge de la mise en état l'incompétence, notamment matérielle, de la juridiction saisie au titre des demandes fondées sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie et l'abus de dépendance économique. Pour dire le TGI de Paris compétent pour connaître de l'ensemble de ces demandes, l'arrêt d'appel (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 21 novembre 2014, n° 14/03673 N° Lexbase : A8932M39, sur renvoi après cassation par Cass. civ. 2, 31 janvier 2013, n° 11-25.242, F-P+B N° Lexbase : A6270I4Y) retient, notamment, que l'exposé des faits à l'origine du litige établit l'existence d'un lien entre les faits de contrefaçon, de concurrence déloyale, de rupture d'une relation commerciale établie et d'abus de dépendance économique, qu'ils se sont, en effet, enchaînés à la même époque en affectant les rapports entre les mêmes parties qui entretenaient un flux d'affaires, que c'est dans ce cadre que des modèles ont été remis à titre de simples "tests" à la société distributeur, qui en a fait un usage à l'origine de la dégradation de leur relation et qu'en raison de ce lien et de l'influence potentielle de la solution donnée à chacune des actions initiées, il apparaît utile de les instruire et juger ensemble. Mais énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 522-2 du Code de la propriété intellectuelle en ce qu'il a déclaré le TGI de Paris compétent pour connaître de l'ensemble du litige.

newsid:454215

QPC

[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Avril à Juin 2016

Lecture: 16 min

N4154BWR

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par Mathieu Disant, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne

Le 08 Septembre 2016

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence toujours abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne, Directeur du CERCRID (CNRS / UMR 5137), chercheur associé au Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue. La période examinée couvre avril à juin 2016. Elle est marquée par une série de précisions procédurales, des évolutions concernant la pratique devant le Conseil constitutionnel et une nouvelle étape dans la relation entre la procédure de la QPC et celle du renvoi préjudiciel devant la CJUE.

Il est à noter la parution du décret n° 2016-463 du 14 avril 2016, relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution à la Cour nationale du droit d'asile (N° Lexbase : L7078K7B). Le décret précise la procédure de la QPC applicable devant cette cour. Il reprend, en les adaptant aux spécificités de la CNDA et aux dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions applicables devant les juridictions administratives de droit commun au titre des articles R. 771-3 (N° Lexbase : L5790IGK) à R. 771-12 du Code de justice administrative.

I - Champ d'application

1 - Notion de "disposition législative"

Dans la décision n° 2016-533 QPC du 14 avril 2016 (N° Lexbase : A2666RIL), le Conseil constitutionnel a implicitement tranché la question de la valeur juridique des décrets dits "de développement" pris en application de cette loi-cadre du 23 juin 1956 et l'effet de l'approbation parlementaire.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a visé le décret n° 57- 245 du 24 février 1957, sur la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les territoires d'outre-mer et son approbation par l'Assemblée nationale le 12 avril 1957 et par le Conseil de la République le 25 juin 1957. Il a procédé ensuite à un contrôle des dispositions contestées du premier alinéa de l'article 34 de ce décret. Il est ainsi jugé que ces dispositions ont le caractère de dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ). On précisera que les dispositions en cause n'avaient pas fait l'objet de modification, en tant qu'elle s'applique à la Polynésie, par une loi du pays de nature réglementaire, elles ont donc conservé leur nature législative.

La solution du Conseil constitutionnel rejoint celle retenue à propos des décrets pris sur le fondement de la loi dite "André Marie" du 17 août 1948, lesquels avaient fait l'objet d'une annexion à un texte législatif voté par le Parlement (1). Elle s'inscrit également dans la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a affirmé la valeur législative du décret de 1957 précité (2).

2 - Dispositions législatives antérieures à 1958

Le Conseil d'Etat refuse de renvoyer une QPC dirigée contre la loi du 31 décembre 1945, instituant une prescription opposée aux ayants droit des propriétaires des usines Renault qui demandaient à être indemnisés de la nationalisation de ces usines en 1945 (CE, 4 mai 2016, n° 395466, 395467, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4660RNW). Il a relevé qu'en vertu de cette loi, la créance invoquée par les ayants droits avait été prescrite dès 1949, soit 4 ans après la confiscation des usines, comme l'avait déjà constaté une décision du Conseil d'Etat du 10 novembre 1961. La loi visée par la QPC avait donc produit tous ses effets, pour les propriétaires des usines, avant l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958. Le Conseil d'Etat en a déduit que les ayants droit des propriétaires ne pouvaient pas se prévaloir des droits et libertés garantis par la Constitution de 1958, dans le cadre du mécanisme de la QPC, à l'encontre d'une loi de 1945 ayant produit des effets définitifs en 1949. A la date où la prescription a éteint leur créance, les droits et libertés que les héritiers invoquaient n'étaient pas garantis par la Constitution de 1958. Il faut en déduire la solution de principe suivante : une QPC ne peut être déposée à l'encontre de dispositions de nature législative antérieures à la Constitution du 4 octobre 1958, dont tous les effets sur la situation en litige ont été définitivement produits avant l'entrée en vigueur de cette Constitution.

Deux mois après, le Conseil d'Etat a jugé qu'il ne peut être utilement soutenu à l'encontre de dispositions législatives adoptées à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République (N° Lexbase : L8035BB9), qui a inséré l'article 72-2 (N° Lexbase : L8824HBG) dans la Constitution, que le législateur aurait méconnu les conditions auxquelles cet article subordonne les transferts de compétences aux collectivités territoriales ou les créations ou extensions de compétences ayant pour conséquence d'augmenter leurs dépenses (CE, Sect., 13 juillet 2016, n° 388317, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2130RX8). Cette solution doit être rapprochée de la décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011 (N° Lexbase : A5588HUI) qui avait jugé un tel grief inopérant.

3 - Disposition déjà été déclarée conforme à la Constitution et changement de circonstances

Le changement de circonstances lié à l'intervention de la jurisprudence trouve de nouveaux éléments de consolidation.

La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui a changé le prisme de son contrôle et de son intensité sur le cumul des poursuites au regard du principe de nécessité des délits et des peines, est regardée comme un changement de circonstances de droit. Après que la Cour de cassation en ait jugé ainsi (3), le Conseil d'Etat retient cette solution (CE, 15 avril 2016, n° 396696, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7145RIH). La jurisprudence du Conseil constitutionnel peut ainsi constituer une circonstance de droit nouvelle, indépendamment de la circonstance qu'un faible laps de temps sépare les décisions et solutions considérées.

Dans les deux décisions n°s 2016-545 QPC (N° Lexbase : A0909RU9) et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 (N° Lexbase : A0910RUA), le Conseil constitutionnel a "fait masse de deux types d'arguments" (selon l'expression utilisée par les commentaires officiels) pour considérer qu'un changement des circonstances était établi. D'une part, même s'il s'agit d'une modification principalement formelle, et même si le taux considéré reste identique, les termes de la disposition législative ont été modifiés. La formule "si la mauvaise foi de l'intéressé est établie" a été remplacée par "en cas de manquement délibéré". D'autre part, la jurisprudence constitutionnelle a évolué depuis la déclaration de conformité de 2011, par des décisions dûment visées concernant le cumul des sanctions (Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015 N° Lexbase : A7983NDZ, confirmée par Cons. const., décision n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 N° Lexbase : A5893N3N). Ce changement à deux têtes justifie un nouvel examen des dispositions.

En revanche, le Conseil d'Etat a jugé qu'aucun changement de circonstances n'était survenu depuis la décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004 (N° Lexbase : A1411DDM) de nature à justifier que la conformité de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS), dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel (N° Lexbase : L0722GTW), soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel (CE, 6 avril 2016, n° 396471 N° Lexbase : A9420RYK).

4 - Applicabilité de la disposition législative au litige

La condition d'applicabilité trouve une subtile mise au point, dans le sens d'un resserrement de l'interprétation de cette disposition "au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (N° Lexbase : L0276AI3)".

Saisi d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de dispositions réglementaires se bornant à désigner l'autorité administrative chargée de fixer le pays de renvoi, dans le cas d'une reconduite à la frontière d'un étranger faisant l'objet d'une interdiction administrative du territoire, le Conseil d'Etat juge que "parmi les dispositions législatives contestées au regard de la Constitution, seules celles relatives d'une part aux modalités d'interdiction administrative du territoire, d'autre part celles relatives aux conséquences à en tirer s'agissant d'étrangers déjà présents sur le territoire national, peuvent être regardées comme applicables au litige, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958" (CE, 13 avril 2016, n° 394114 N° Lexbase : A7136RI7).

Par ailleurs, les dispositions relatives à la composition du Conseil d'Etat ne peuvent être regardées comme applicable au litige lorsqu'elles sont contestées en tant qu'elles limitent aux seuls conseillers d'Etat en service extraordinaire l'interdiction d'être affectés à la section du contentieux (CE, 22 juin 2016, n° 395056 N° Lexbase : A9144RTT). On peut penser que cette solution, assez rigoureuse, est à rapprocher des difficultés de contrôler "en tant que ne pas".

Dans une situation assez originale, il s'avère qu'une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation -même très récente- peut avoir pour effet de rendre inapplicable une QPC. La Chambre criminelle considère qu'une QPC formulée à l'encontre de l'article 434-24, alinéa 1er, du Code pénal (N° Lexbase : L1937AMP) n'est plus applicable au litige, "dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que les expressions diffamatoires ou injurieuses proférées publiquement par l'un des moyens énoncés à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), comme tel est le cas en l'espèce, contre un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire en raison de ses fonctions ou à l'occasion de leur exercice, sans être directement adressées à l'intéressé, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 434-24 du Code pénal incriminant l'outrage à magistrat, et ne peuvent être poursuivies et réprimées que sur le fondement des articles 31 et 33 de ladite loi" (Cass. crim., 1er mars 2016, n° 15-82.824, FS-P+B N° Lexbase : A0677QYQ ; Cass. crim., 10 mai 2016, n° 15-86.600, F-D N° Lexbase : A0731RPR).

II - Procédure devant les juridictions ordinaires

1 - Introduction de la requête

Parmi les règles procédurales dont on peut relever ici l'application, il est rappelé que le désistement des QPC, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par arrêt (Cass. civ. 2, 14 avril 2016, n° 14-26.608, F-D N° Lexbase : A7088RID), l'irrecevabilité d'un dépôt hors délai du mémoire QPC (Cass. com., 14 avril 2016, n° 15-11.168, F-D N° Lexbase : A6988RIN), la règle selon laquelle le mémoire qui présente la QPC à l'occasion d'un pourvoi doit être déposé dans le délai d'instruction de ce pourvoi (Cass. crim., 5 avril 2016, n°s 15-83.208, F-D N° Lexbase : A1471RCH et 15-86.361, F-D N° Lexbase : A1568RC3). On peut aussi relever que le Conseil d'Etat prend soin d'éviter que les recours en référé puissent permettre de lier systématiquement une possibilité de déposer une QPC. Devant le rejet des conclusions à fin de suspension pour défaut d'urgence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi de la QPC soulevée (CE, 14 avril 2016, n° 397613 N° Lexbase : A0689RL4 et 397614 N° Lexbase : A0690RL7).

2 - Intervention

Le Conseil d'Etat a complété sa jurisprudence relative à l'intervention présentée devant lui, au soutien d'une QPC transmise par un tribunal administratif, par une société ayant introduit d'autres litiges devant une autre juridiction administrative (4). L'intervention n'est pas recevable si le requérant s'est borné, dans ces instances, à inviter le tribunal à saisir la CJUE d'une question préjudicielle portant sur la disposition dont la constitutionnalité est examinée par le Conseil d'Etat et à saisir le celui-ci d'une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2626ALT) (CE, 27 juin 2016, n° 398585, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4275RUU). Ces circonstances ne rendent pas le requérant recevable à intervenir à l'occasion d'une QPC.

III - Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Organisation de la contradiction

1 - Interventions devant le Conseil constitutionnel

L'association nationale des élus de la montagne et l'association France Nature Environnement sont intervenues au soutien de la constitutionnalité de la disposition contestée dans l'affaire n° 2016-540 QPC du 10 mai 2016 (N° Lexbase : A5065RNW), concernant la servitude administrative grevant l'usage des chalets d'alpage et des bâtiments d'estive.

Dans l'affaire n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 (Pénalités fiscales pour insuffisance de déclaration et sanctions pénales pour fraude fiscale), plusieurs contribuables ayant fait l'objet, à raison des mêmes faits, de sanctions fiscales et pénales sur le fondement des articles 1729 (N° Lexbase : L4733ICB) et 1741 (N° Lexbase : L9491IY8) du CGI en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ont été admis à intervenir.

2 - Déroulement de l'audience

L'audience publique qui s'est tenue le 24 mai (Cons. const., décision n° 2016-544 QPC du 3 juin 2016 N° Lexbase : A6680RRT) marque une évolution dans le fonctionnement de l'audience publique devant le Conseil constitutionnel. L'audience est désormais interactive. Il s'agit de donner la possibilité aux membres du Conseil constitutionnel qui le souhaitent de poser directement des questions à l'avocat du requérant et/ou au représentant du Gouvernement, à la suite de leurs observations (5).

B - Réserves d'interprétation

Dans la décision n° 2016-533 QPC du 14 avril 2016 (N° Lexbase : A2666RIL), le Conseil a formulé une réserve d'interprétation en considérant que "les dispositions contestées ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par les indemnités majorées accordées en vertu des dispositions du décret du 24 février 1957, conformément aux règles de droit commun de l'indemnisation des dommages". Il s'agit de permettre à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur d'obtenir la réparation des préjudices que les dispositions de ce décret ne permettent pas de réparer. C'est une reprise, pour ne pas dire réitération, de la réserve formulée dans la décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 (N° Lexbase : A9572EZK). Ainsi que le souligne expressément le commentaire officiel, "cette réserve met un terme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui excluait toute autre forme de réparation des dommages résultant d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur". Ladite jurisprudence a été expressément visée dans la décision du Conseil constitutionnel avant que les dispositions contestées, ainsi interprétées, ne soient confrontées au principe de responsabilité.

Dans la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 (N° Lexbase : A7198RKS), une réserve impose la prise en compte de l'érosion monétaire s'agissant de l'imposition de plus-values sur valeurs mobilières. Cette réserve porte bien au-delà du dispositif contesté. Elle définit une lecture d'ensemble du dispositif fiscal. Le commentaire officiel indique qu'"un tel raisonnement signifie implicitement que le législateur peut prévoir un taux de 62 % d'imposition d'une plus-value brute résultant d'une détention de longue durée sans nécessairement prévoir un abattement, dès lors qu'un autre mécanisme permet d'éviter qu'un tel taux conduise à une imposition confiscatoire". Dans la même décision, une seconde réserve, fondée sur la protection des attentes légitimes, procède à une distinction entre les reports d'imposition s'appliquant de plein droit (la plus-value ne peut alors être rétroactivement soumise à des règles de liquidation non déterminées à la date de sa réalisation) et ceux résultant du choix du contribuable.

Dans la décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 (Pénalités fiscales pour insuffisance de déclaration et sanctions pénales pour fraude fiscale), plusieurs réserves sont énoncées. Une d'entre elles porte sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette dernière juge de façon constante que la décision du juge de l'impôt (administratif ou civil) ne peut avoir, au pénal, autorité de la chose jugée, si bien que peut être condamné pénalement pour soustraction frauduleuse à l'impôt un contribuable qui été déchargé de toute imposition par le juge de l'impôt. Cette jurisprudence pouvait aboutir à ce qu'un contribuable déchargé, pour un motif de bien-fondé (et non "seulement" de procédure), de toute imposition par un jugement à caractère définitif puisse néanmoins faire l'objet d'une condamnation pour fraude fiscale. Le Conseil constitutionnel neutralise cet effet de la jurisprudence de la Cour de cassation. Sur le fondement du principe de nécessité des délits, le Conseil énonce qu'en l'absence d'impôt fraudé, le juge pénal ne saurait prononcer une sanction pénale pour fraude fiscale. Cette réserve fait directement obstacle à la possibilité ouverte par la jurisprudence de la Cour de cassation. Le commentaire officiel fait toutefois observer que "cette réserve aura des effets limités. La seule décharge de la majoration prévue par l'article 1729 du CGI sera sans effet sur les poursuites pénales. La décharge de l'impôt accordée pour un motif de procédure ne pourra suffire à exclure des poursuites et une éventuelle condamnation pénale. Si une condamnation pour fraude fiscale est exclue lorsqu'une juridiction aura définitivement déchargé le contribuable de l'impôt dû pour un motif de bien-fondé, cela n'empêche pas l'engagement des deux procédures. Par ailleurs, le juge pénal conservera toute latitude pour apprécier les autres éléments de la fraude fiscale. De la même manière, le juge de l'impôt demeurera tenu par les constatations matérielles faites par le juge pénal lorsque ce dernier a statué, mais non par la qualification ou l'interprétation qui en a été faite".

C - Rédaction de la décision du Conseil constitutionnel

A l'occasion des décisions n°s 2016-539 QPC (N° Lexbase : A5064RNU) et 2016-540 QPC (N° Lexbase : A5065RNW) du 10 mai 2016, le Conseil constitutionnel a procédé à une "modernisation" du mode de rédaction de ses décisions. Dans un communiqué du même jour accompagnant ces décisions, le président du Conseil constitutionnel a précisé qu'il s'agit d'un choix de rédaction pérenne, qui a vocation à être décliné pour l'ensemble des types de décisions que rendra désormais le Conseil, tant dans l'objectif de renforcer l'intelligibilité et la lisibilité de ses décisions, d'en simplifier la lecture, qu'en vue de permettre une motivation plus approfondie de celles-ci. Cela se traduit par la suppression de la rédaction sous forme de "considérants" (remplacés par des paragraphes), la normalisation du style rédactionnel (abandon de la phrase unique et utilisation de phrases séparées par un point) et un style plus direct. Cette évolution n'est pas le résultat d'un groupe de travail spécifique, comparable à celui réalisé pour les décisions de la juridiction administrative, même si elle n'est manifestement pas sans relation avec ce processus dont elle capitalise l'expérimentation au Palais-Royal. Bien entendu, il s'agira d'évaluer si cette nouvelle présentation aura pour effet de rendre les décisions du Conseil plus accessibles au grand public et comment elle contribuera à une motivation accrue.

D - QPC et question préjudicielle devant la CJUE

La relation entre la procédure de la QPC et celle du renvoi préjudiciel devant la CJUE fait l'objet de précisions jurisprudentielles importantes. La formation d'assemblée a été mobilisée pour traiter le cas où une question préjudicielle est requise afin de déterminer si une QPC est sérieuse (CE, 31 mai 2016, n° 393881, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4095RR4 ; rappr. dans le cas où l'interprétation de la directive soulève une difficulté sérieuse mais où le Conseil d'Etat a déjà transmis une question préjudicielle à la CJUE sur cette difficulté, CE, 27 juin 2016, n° 398585, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4275RUU).

Cette articulation conduit à concilier l'exigence de respect du droit de l'Union, le caractère prioritaire de la QPC et les délais dont disposent les juges de renvoi pour se prononcer sur la QPC. Dès lors que le caractère sérieux d'une QPC dépend de l'interprétation ou de l'appréciation de la validité d'une disposition du droit de l'Union européenne, le Conseil d'Etat doit saisir la CJUE et rejeter la QPC.

En l'espèce, le requérant faisant valoir qu'une disposition fiscale méconnaissait les objectifs résultant d'une Directive et soutenait, en soulevant une QPC, qu'en cas d'incompatibilité entre les dispositions nationales et le droit de l'Union européenne, la disposition serait contraire aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, dès lors qu'elle ne pourrait être légalement appliquée qu'aux situations qui sont hors du champ de la Directive, tandis que le juge, saisi de moyens en ce sens, en écarterait l'application lorsque seraient en cause des situations entrant dans le champ de la Directive.

Tant que l'interprétation de la Directive n'aura pas conduit le juge de l'impôt à écarter l'application de la disposition contestée aux situations entrant dans le champ de cette Directive, aucune différence dans le traitement fiscal des situations n'est susceptible d'en résulter au détriment des situations qui sont hors du champ de la Directive. Ainsi, dans la ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (6), le Conseil d'Etat retient qu'en l'état, la QPC invoquée ne peut être regardée comme revêtant un caractère sérieux, car le juge de l'impôt n'avait pas donné une interprétation du droit de l'Union le conduisant à écarter l'application de la loi aux plus-values transfrontalières (7).

Dans le cas où, à la suite de la décision de la CJUE, le requérant présenterait à nouveau au Conseil d'Etat la QPC invoquée, l'autorité de la chose jugée -encore que cette qualification prête à débat- par la décision refusant de la renvoyer avant la saisine de la CJUE ne fait pas obstacle au réexamen de la conformité à la Constitution de la disposition contestée (un second tour, en quelque sorte). Certes, le champ disponible pour une "nouvelle" QPC est totalement ouvert, la pertinence du grief invoqué sur le fond se révélera en fonction de l'interprétation retenue du droit européen applicable. Mais il y a tout de même une certaine gêne à ce que la question de constitutionnalité, question principale du débat contentieux ainsi configuré, soit dépourvue immédiatement de réponse et privée de son juge authentique.

En statuant ainsi, le Conseil d'Etat a justement écarté l'option consistant à surseoir à statuer sur la QPC jusqu'à ce que la Cour de Luxembourg se soit prononcée. Le caractère prioritaire de la QPC se trouve ainsi préservé. Tout comme le délai de trois mois pour se prononcer sur le renvoi de la QPC, délai au terme duquel le juge de renvoi est dessaisi et la QPC automatiquement transmise au Conseil constitutionnel.

Le Conseil d'Etat a aussi renoncé à une solution peut-être plus conforme à la gestion dynamique des rapports entre ordres juridiques et juridictions, et sans doute plus simple et cohérente, qui aurait consisté à renvoyer la QPC "en l'état" au Conseil constitutionnel, dès lors que ce dernier est en pleine capacité d'apprécier l'opportunité d'un renvoi préjudiciel à la CJUE (8) ou, le cas échéant, de vider la difficulté constitutionnelle par voie de réserve d'interprétation. L'économie des procédures comme la bonne administration de la justice constitutionnelle plaidaient en ce sens.


(1) Cons. const., décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012 (N° Lexbase : A1020IAZ).
(2) CE, 11 mars 2015, n° 382754 (N° Lexbase : A6908ND9).
(3) Cass. crim., 30 mars 2016, n°s 16-90.001, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5104RAB) et n° 16-90.005, FS-P+B (N° Lexbase : A1597RBR) et nos obs., QPC : évolutions procédurales récentes - Janvier à mars 2016, Lexbase éd. pub., n° 420, juin 2016 (N° Lexbase : N3173BWG).
(4) Voir CE, 17 février 2011, n° 344445 (N° Lexbase : A1499GXS); comp. CE, 4 avril 2011, n° 345661 (N° Lexbase : A8957HMP).
(5) Sur cette nouvelle pratique et ses effets sur la physionomie du procès, voir nos obs., L'audience interactive devant le Conseil constitutionnel, La Semaine juridique - éd. générale, 27 juin 2016, n° 753, p. 1388. Cette pratique semble d'ores et déjà systématique.
(6) Cons. const., décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3).
(7) Comp., en l'absence de difficulté sérieuse d'interprétation, CE, 15 décembre 2014, n° 380942 (N° Lexbase : A7880M7Y) ; CE, 12 novembre 2015, n° 367256 (N° Lexbase : A5870NWC), Tables.
(8) Cons. const., décision n° 2013-314P QPC du 4 avril 2013 (N° Lexbase : A4672KBN).

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Rel. collectives de travail

[Brèves] Prochaine mesure de l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés

Réf. : Décret n° 2016-1193 du 1er septembre 2016 fixant la période durant laquelle se déroule le scrutin visant à la mesure de l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés (N° Lexbase : L0070LAT)

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N4149BWL

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Le 08 Septembre 2016

A été publié au Journal officiel du 3 septembre 2016, le décret n° 2016-1193 du 1er septembre 2016, fixant la période durant laquelle se déroule le scrutin visant à la mesure, en 2016, de l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés (N° Lexbase : L0070LAT).
L'article L. 2122-10-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1872INN) prévoit que, en vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, un scrutin est organisé au niveau régional tous les quatre ans. Le présent décret fixe la période durant laquelle se déroule le scrutin, qui sera ouverte du lundi 28 novembre au lundi 12 décembre 2016. Les salariés pourront voter par voie électronique et par correspondance (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5297ETD).

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