Le Quotidien du 5 février 2002

Le Quotidien

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] La mise en oeuvre de la clause de mobilité

Réf. : Cass. soc. 23 janvier 2001, n° 99-44.845, N° Lexbase : A8169AXT

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N1860AA7

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Le 07 Octobre 2010

La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt, le 23 janvier 2002, relatif à la mise en oeuvre de la clause de mobilité. Cette clause particulière, de plus en plus fréquente dans les contrats de travail, si elle permet à l'employeur de modifier unilatéralement le lieu de travail du salarié, ne constitue pas pour autant un blanc-seing fait par le salarié. En effet, l'employeur ne peut la faire jouer en n'importe quelle circonstance.

Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt dont il est ici question, deux salariés se sont vu licenciés pour avoir refusé la mutation décidée par leur employeur, en application de la clause de mobilité présente dans leur contrat de travail. Contestant le bien-fondé de leur licenciement, les deux salariés obtinrent gain de cause en appel. Les juges ont en effet constaté, "après avoir rappelé que la clause de mobilité ne pouvait être mise en oeuvre que dans l'intérêt de l'entreprise", que l'employeur leur avait fait signer trois mois auparavant un nouveau contrat contenant une telle clause et qu'il ne pouvait justifier ces mutations par des motifs objectifs.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, classiquement, confirme l'arrêt ainsi rendu.

La clause de mobilité insérée dans le contrat de travail du salarié permet à l'employeur de changer librement le lieu de travail du salarié, dans la limite de la zone de mobilité contractuellement définie, et sous réserve du respect d'un délai de prévenance suffisant. Ce qui d'ordinaire aurait été considéré comme une modification du contrat de travail du salarié qui aurait nécessité son accord devient un simple changement des conditions de travail auxquels ce dernier ne peut, en principe, s'opposer (Cass. soc. 7 octobre 1997, n° 95-41.857, N° Lexbase : A0521ABW).

La liberté de l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité n'est pourtant pas absolue. La jurisprudence considère en effet que, pour que le salarié ne puisse refuser la mutation sans commettre une faute grave, l'employeur ne doit pas faire jouer la clause de manière abusive. Deux éléments rentrent en compte, appréciés en fonction des circonstances de fait par les juges du fond : la mutation du salarié en présence d'une telle clause doit être justifiée par l'intérêt légitime de l'entreprise et l'employeur doit respecter un certain délai de prévenance.

La mise en application de la clause de mobilité doit tout d'abord avoir un motif objectif, celui de l'intérêt de l'entreprise, apprécié au regard des circonstances.

Ainsi les juges, approuvés par la Chambre sociale de la Cour de cassation, ont estimé qu'était abusive l'application de la clause :

- lorsque l'employeur a imposé au salarié un déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d'autres salariés alors que la situation familiale de l'intéressé était critique (Cass. soc. 18 mai 1999, n° 99-44.315, N° Lexbase : A4654AGH) ;

- lorsque l'employeur n'a jamais indiqué le motif du changement de lieu de travail en se bornant à invoquer l'intérêt de l'entreprise et a pris sa décision de manière brutale en rejetant tous les arguments de la salariée et en invoquant son pouvoir discrétionnaire (Cass. soc. 28 nov. 2001, n° 99-45.985, N° Lexbase : A2965AX4) ;

- lorsque l'employeur a muté un salarié VRP sur un secteur commercial de moindre importance sans justification d'un quelconque intérêt pour l'entreprise (Cass. soc. 9 mai 1990, n° 87-40.261, N° Lexbase : A1411AAI) ;

- lorsque l'employeur a fait jouer la clause de mobilité avec une légèreté blâmable eu égard aux charges de famille de l'intéressé qui devait s'occuper de son enfant, handicapé moteur, aux heures de déjeuner et alors qu'un poste lui convenant était libre (Cass. soc. 6 février 2001, n° 98-44.190, N° Lexbase : A3619ARH) ;

- lorsque le salarié se trouvait dans l'impossibilité, en l'absence de transport en commun de se rendre à l'heure prévue sur le nouveau lieu de travail qui lui était imposé, et à défaut pour l'employeur de lui assurer des moyens de se rendre sur son lieu de travail (Cass. soc. 10 janvier 2001, n° 98-46.226, N° Lexbase : A2030AIZ).

Conforme aux intérêts de l'entreprise, la mise en oeuvre de la clause de mobilité doit également se faire avec un certain délai de prévenance. Peu important que la convention collective applicable ou que la clause elle-même ne fasse état d'aucun délai de ce type, l'employeur est tenu de ne pas agir avec une précipitation blâmable et de respecter un délai de prévenance raisonnable (Cass. soc. 3 juin 1997, n° 94-43.476, N° Lexbase : A6905AH9). Ainsi, les juges du fond ont estimé abusive car précipitée la mise en oeuvre d'une clause de mobilité :

- lorsque l'employeur a imposé par télégramme à une salarié depuis 45 mois dans le même poste de gagner sa nouvelle affectation dans les 24 heures (Cass. soc. 16 février 1987, n° 84-43.047, N° Lexbase : A6263AA9) ;

- lorsque l'employeur a enjoint par télégramme à un salarié qui n'avait jamais quitté la même région depuis son embauche de se trouver le lendemain à l'autre extrémité du territoire, sans que l'employeur ait justifié avoir été contraint d'agir avec une telle précipitation (Cass. soc. 29 mai 1991, n° 88-40.329, N° Lexbase : A6783AHP) ;

- lorsque l'employeur a demandé le 27 septembre à un salarié de rejoindre sa nouvelle affectation le 14 octobre (Cass. soc. 3 juin 1997, n° 94-43.476).

En revanche, a fait une juste application de la clause de mobilité, l'employeur qui, non content d'observer le délai de prévenance prévu par la clause, avait prévenu son salarié à l'avance pour lui permettre de s'organiser (Cass. soc. 28 février 2001, n° 97-45.545, N° Lexbase : A0640ATU).

Appliquée à bon escient, la clause de mobilité prive le salarié du droit de refuser sa mutation : son éventuel refus est constitutif d'une faute justifiant son licenciement pour faute grave (Cass. soc. 30 sept. 1997, n° 95-43.187, N° Lexbase : A2125ACP). En revanche, lorsque l'employeur en fait une application injustifiée ou précipitée, le refus du salarié ne pourra être considéré comme fautif, et le licenciement qui s'en suit sera nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Force est de constater, au vu de ces décisions, que l'insertion d'une clause de mobilité dans le contrat de travail ne constitue plus pour l'employeur une garantie de pouvoir muter le salarié sans que celui-ci s'y oppose. Le principe de respect d'un délai de prévenance suffisant n'est contesté par personne. Reste, lors de la mise en application de cette clause, à vérifier un certain nombre d'éléments garantissant une application exempte de tout reproche : que le salarié soit averti suffisamment à l'avance, que son "environnement social" ne s'y oppose pas (les charges de famille, l'ancienneté...), l'intérêt professionnel du salarié... autant d'éléments qui feront l'objet par les juges du fond d'une appréciation au cas par cas diront certains, subjective diront d'autres.

Ainsi, si l'intérêt de l'entreprise doit légitimement guider l'employeur qui souhaite faire application de la clause de mobilité, les intérêts du salarié ne peuvent être totalement ignorés de lui...

Benoît Juéry
SGR - Droit social


A lire également :

Dans la base juridique "droit du travail" : "La clause de mobilité" N° Lexbase : E0704AG8

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Avocats

[Jurisprudence] La fixation des cotisations à l'ordre des avocats appartient au seul conseil de l'Ordre

Réf. : Cass. civ. 1ère, 15 janvier 2002, n° 00-10.811, F-P (N° Lexbase : A7860AXE)

Lecture: 2 min

N1871AAK

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Le 07 Octobre 2010

La Cour de cassation, par un arrêt du 15 janvier (N° Lexbase : A7860AXE), entérine une solution déjà retenue par la cour d'appel de Paris et par deux arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation du 9 mai 2001 en vertu de laquelle le problème de la fixation des cotisation et de leur recouvrement appartient au seul conseil de l'Ordre. Cette solution est fondée sur la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) et il en découle que la Cour d'appel n'avait, à cet égard, aucun contrôle sur l'opportunité et le bien-fondé du mode de cotisations (Paris, 26 juin 1985, Gaz. Pal. 1985, 2, 737 ; Cass. civ. 1ère, 9 mai 2001, deux arrêts, pourvois n° P 99-16.393 et Q 99-16.394 N° Lexbase : A4265AT7 ; N° Lexbase : A4703ATD).

En l'espèce, des avocats au barreau de Bayonne faisaient grief à un arrêt d'appel d'avoir rejeté leurs demandes tendant à voir annuler la décision du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bayonne fixant les cotisations de l'Ordre pour l 'année 1999 à 3000 francs pour les avocats stagiaires et à 8000 francs pour les avocats inscrits au tableau. A vrai dire, le pourvoi avait bien peu de chances d'aboutir.

La solution ici rappelée ne saurait cependant signifier que les magistrats n'ont aucune compétence en la matière. Aussi ont-ils le devoir de vérifier que la décision fixant le mode de cotisation dans un Ordre ne porte pas atteinte aux règles de forme et aux principes généraux du droit, et, particulièrement, à l'égalité entre avocats. Précisément en l'espèce, le pourvoi prétendait qu'en estimant son contrôle limité, la cour d'appel avait violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit l'existence d'un procès de pleine juridiction. L'argument n'était tout de même pas très convaincant.

La Cour de cassation, après avoir rappelé que "c'est sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs et par une exacte application des dispositions de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971 que la cour d'appel a considéré qu'elle ne disposait d 'aucun contrôle sur l'opportunité et le bien fondé du mode de cotisation décidé par le conseil de l'Ordre", précise en effet que si les juges avaient bien le devoir de vérifier si la décision litigieuse portait atteinte aux règles de forme ou aux principe généraux du droit, il apparaît que "la cour d'appel, qui avait relevé que la décision de fixer une cotisation identique, quels que soient les revenus de chaque avocat et quelle que soit l'utilisation qu'il faisait des services de l'Ordre, ne méconnaissait nullement le principe de l'égalité entre avocat puisqu'elle s'appliquait indistinctement à tous les membres de l'Ordre sans instituer à l'avance pour quiconque un privilège, a exercé un contrôle satisfaisant aux exigences de l'article 6,1° de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales".

David Bakouche
Docteur en droit


A lire également :

Les conseils de l'Ordre fixent librement les cotisations des avocats dans le respect du principe d'égalité


Aperçu des fonctions financières du conseil de l'Ordre des avocats

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