Réf. : CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T. T. et BAJI Trans N° Lexbase : B1511BCX
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par Clément Margaine, Professeur à l'Université de Poitiers, Directeur du DU de sciences criminelles, Institut de Sciences criminelles
Le 29 Octobre 2025
Mots-clés : article 49, paragraphe 1 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne • principe de rétroactivité de la loi pénale plus favorable (lex mitior) • sanctions administratives de nature pénale
Saisie de plusieurs questions préjudicielles posées par la Cour suprême de l’ordre administratif de la République slovaque, la Cour de justice de l’Union européenne vient de rendre une décision importante lui permettant de préciser les contours et la portée du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce consacré à l'article 49, § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la Cour, ce principe a vocation à s’appliquer à une sanction administrative de nature pénale, infligée sur le fondement d’une règle qui en cours de procédure a été modifiée dans un sens favorable à la personne sanctionnée, et ce, indépendamment du fait que la décision de condamnation soit considérée comme définitive selon le droit national.
Le conducteur d’une bétonnière avait été condamné au paiement d’une amende administrative de 200 euros au motif que le tachygraphe de son véhicule n’avait pas fait l’objet d’un contrôle périodique obligatoire, obligation découlant du droit slovaque et du droit de l’Union européenne (Règlement (CEE) n° 3821/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant l’appareil de contrôle dans les domaines des transports par route N° Lexbase : L8756AUT, modifié par le Règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006 N° Lexbase : L3600HI8).
Le conducteur et la société BAJI Trans, à laquelle appartenait la bétonnière, avaient alors interjeté appel et la Cour régionale de Bratislava avait confirmé cette amende en 2019. Un pourvoi en cassation avait alors été formé par le conducteur et BAJI Trans contre cette décision. Par la suite, le droit de l’Union a été modifié, permettant désormais aux États membres de dispenser de l’obligation d’être munis d’un tachygraphe les véhicules de transport de béton prêt à l’emploi. Le droit slovaque a alors dispensé ce type de véhicule de cette obligation avant que la Cour administrative suprême slovaque ne se soit prononcée. Cette dernière a alors choisi d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si ce changement de législation en cours de procédure pouvait bénéficier à des personnes poursuivies et condamnées désormais exclues du champ de l’incrimination [1]. Juridiquement, il s’agissait de savoir si cette situation particulière de lex mitior [2] entre dans le champ de l’article 49, § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui consacre le principe de non-rétroactivité de la loi pénale et son corolaire, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus douce. Cela suppose de résoudre deux difficultés [3]. La première (et principale) difficulté était de savoir si la sanction infligée – en l’espèce une amende administrative – relevait de la matière pénale, le principe de rétroactivité in mitius ne s’appliquant qu’aux lois pénales plus douces (I). Une fois répondu (positivement) à cette première question, il fallait, dans un second temps, se demander si le fait que le changement de législation soit intervenu après une décision ayant définitivement rejeté le recours exercé par le conducteur et BAJI Trans contre leur condamnation était susceptible de mettre en échec le principe de la lex mitior (II).
I. La caractérisation possible de la nature pénale de l’amende administrative prévue en droit slovaque
Régulièrement amenée à s’interroger sur le caractère répressif ou non de certaines mesures adoptées en droit interne, la Cour de justice de l’Union européenne s’est alignée [4] sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme relative à la notion de matière pénale. Cette dernière a fixé depuis le célèbre arrêt « Engel et autres c. Pays-Bas » [5] trois critères permettant de délimiter le champ d’application de la notion de matière pénale à laquelle fait référence l’article 6 de la Convention N° Lexbase : L7558AIR, critères qui ont ensuite été repris par la Cour de justice de l’Union européenne [6]. Si le premier, relatif à la qualification juridique de la mesure en droit interne, n’est, en pratique, pas déterminant (A), les deux autres – tenant à la nature de l’infraction, d’une part, et au degré de sévérité de la sanction encourue, d’autre part – ont conduit la Cour à reconnaître aux dispositions litigieuses un caractère répressif (B).
A. L’indifférence du critère tenant à la qualification en droit interne
Le premier critère est celui de la qualification de la mesure concernée en droit interne. La Cour analyse comment le droit national qualifie le comportement incriminé. Toutefois, ce premier critère reste en réalité assez peu déterminant dans l’appréciation des juridictions européennes [7]. La CJUE comme la CEDH n’hésitent pas à se départir de la qualification retenue en droit interne pour développer une appréciation autonome de la notion de peine afin d’éviter que les garanties reconnues en matière pénale ne soient subordonnées à la seule volonté des États. L’arrêt du 1er août 2025 en est une nouvelle illustration [8] puisque la Cour, après avoir rappelé que le manquement à l’obligation d’être équipé d’un tachygraphe est bien considéré en droit slovaque comme une infraction administrative, considère que cette qualification interne n’exclut pas la possibilité d’analyser la mesure comme une mesure répressive au regard des deux autres critères. Ce faisant, la CJUE ne fait que s’aligner sur la jurisprudence de la CEDH qui a pu retenir la qualification de peine pour des sanctions administratives [9] ou fiscales [10]. Si ce premier critère a donc été écarté, la Cour va tout de même parvenir à reconnaitre le caractère répressif de l’amende administrative prononcée contre le conducteur et BAJI Trans, démontrant une nouvelle fois que les deux autres critères sont déterminants.
B. L’importance des critères tenant à la nature de la mesure et à la sévérité de la sanction encourue
À la qualification juridique de l’infraction en droit interne s’ajoute un deuxième critère qui tient à la nature même de l’infraction. Ce critère implique de vérifier si la mesure en cause poursuit notamment une finalité répressive. La Cour est ainsi amenée à examiner plusieurs éléments parmi lesquels la finalité poursuivie par la mesure et/ou son domaine d’application. Est ainsi analysée comme une peine, toute mesure présentant un caractère répressif, c’est-à-dire visant à punir l’auteur du manquement. Toutefois, le fait qu’une mesure poursuive également une finalité préventive en plus d’un objectif dissuasif ne conduira pas à écarter ipso facto la qualité de mesure répressive. En effet, le droit pénal est susceptible d’adopter des mesures cherchant aussi bien à prévenir qu’à punir. Ce qui est certain en revanche, c’est que ne présentera pas un caractère pénal la mesure visant à réparer le préjudice causé par une infraction [11]. Un autre élément mobilisé par la Cour de justice de l’Union européenne, comme d’ailleurs la Cour européenne, tient au domaine de la mesure litigieuse. Est ainsi refusé le caractère pénal lorsque la mesure ne vise qu’une catégorie particulière d’individus qui, parce qu’ils exercent une activité réglementée, sont soumis à certaines obligations, dont le manquement est susceptible d’être sanctionné par la privation de certaines prérogatives spécifiques [12]. Dans l’arrêt commenté, la CJUE conclut au caractère pénal de l’amende administrative prévue en cas de violation des obligations relatives à la présence et au contrôle d’un tachygraphe, d’une part, puisque cette sanction poursuit un objectif tant de dissuasion que de répression et qu’elle n’a pas vocation à réparer le préjudice d’autrui et puisque, d’autre part, l’amende administrative ne vise pas à sanctionner une catégorie particulière d’individus exerçant une activité réglementée.
Quant au troisième critère mis en œuvre par les juges européens, il s’agit de la gravité de la sanction encourue. À ce titre, il faut noter que c’est bien la peine maximale encourue qui doit servir de référence, non celle qui a pu être prononcée en l’espèce. Dans cette affaire, le défaut de tachygraphe est sanctionné par une amende dont le montant maximum peut atteindre 1699 euros, à laquelle peut s’ajouter une déchéance du droit de conduire pendant deux ans maximum. Si la Cour préfère ne pas trancher de manière trop absolue cette question, laissant à la juridiction slovaque le soin d’apprécier si ces sanctions lui apparaissent suffisamment sévères pour pouvoir être qualifiées de sanctions répressives, elle tient tout de même à rappeler que le droit européen juge le défaut de contrôle d’un tachygraphe comme un manquement très grave et qu’il appartient aux États membres de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives et non discriminatoires, ce qui laisse penser que le critère de sévérité pourrait, en l’espèce, être rempli.
La juridiction slovaque compétente devra donc, suite à la décision de la CJUE, s’interroger sur la nature pénale ou non des sanctions administratives prévues en application du droit européen. Il restait toutefois à voir si le fait qu’une condamnation définitive soit intervenue avant le changement de législation pouvait faire obstacle au principe de rétroactivité de la loi plus douce. Autrement dit, après avoir déterminé le champ d’application rationae materiae de l’article 49, § 1, il fallait ensuite en déterminer la portée rationae temporis.
II. L’applicabilité de la lex mitior après une décision définitive
Le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce est reconnu par la Cour comme un principe général du droit de l’Union que le juge national doit respecter lorsqu’il applique le droit national [13]. Il est expressément consacré à la dernière phrase de l’alinéa 1er de l’article 49 de la Charte de l’Union, qui reste toutefois silencieux quant aux limites temporelles de ce principe. Aucune précision n’est faite quant à l’applicabilité de cette règle dans le cas où une décision définitive serait intervenue avant le changement de législation in favorem. C’est donc de manière jurisprudentielle qu’a été posée une limite temporelle importante : la rétroactivité n’a vocation à s’appliquer que si aucune condamnation définitive n'a été prononcée [14]. Si l’intervention d’une juridiction nationale qui se serait définitivement prononcée sur les faits peut donc faire obstacle à l’application du principe de rétroactivité in mitius, la Cour de justice de l’Union européenne se reconnait tout de même un certain pouvoir d’appréciation du caractère définitif de la décision de condamnation (A) lui permettant d’adopter une solution assez cohérente avec celle de la Cour européenne des droits de l’homme et de certains droits nationaux (B).
A. L’appréciation du caractère définitif d’une décision de condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne
Ainsi, après avoir précisé que le caractère définitif d’une décision juridictionnelle doit se faire sur la base du droit de l’État membre ayant rendu la décision, la Cour rappelle dans l’arrêt commenté ce qu’il faut entendre par décision définitive. Selon elle, est une décision définitive au sens de l’article 49 [15], toute décision qui ne peut plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire, c’est-à-dire une voie de recours qui « fait partie du cours normal d’un procès » [16].
Or en l’espèce, le pourvoi en cassation est considéré en droit slovaque comme une voie de recours extraordinaire, ce qui devrait conduire à analyser la décision de la Cour régionale de Bratislava ayant rejeté le recours exercé par le condamné comme ayant mis fin à la procédure. Ce n’est pourtant pas la solution préconisée par la CJUE qui considère au contraire que la décision des juges du fond n’est pas définitive puisqu’un pourvoi en cassation a été introduit avant le changement de législation. L’existence d’un pourvoi en cassation, même qualifié par le droit slovaque de voie de recours extraordinaire, est susceptible de conduire la Cour suprême slovaque à réformer ou annuler la décision des juges du fond qui ne peut par conséquent pas être considérée comme définitive. On peut se demander si une telle solution ne présente pas le risque d’inciter les justiciables à introduire de manière préventive un recours lorsque les textes qui fondent les poursuites sont susceptibles d’être modifiés à brève échéance. En outre, en cas de modification intervenue entre la décision des juges du fond et la décision d’une Cour suprême, cette dernière sera amenée à censurer la décision des juges du fond n’ayant pourtant fait qu’appliquer le droit positif au moment du jugement, ce qui pourrait apparaître comme une façon de leur reprocher de ne pas avoir pris en compte (de ne pas avoir anticipé ?) un changement de législation postérieur à leur décision.
Même si elle n’est pas exempte de défaut [17], cette solution se fonde en réalité sur des exigences d’utilité sociale et de justice. L’adoption d’une loi plus douce rend, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’Homme [18], l’application du droit positif antérieur, plus sévère, inutile. Pire, à l’inutilité de la survie de la loi ancienne s’ajouterait l’injustice consistant à ne pas faire bénéficier un individu d’un texte plus favorable. En effet, comme cela a pu être parfaitement démontré par un auteur [19], il est assez courant de lire sous la plume de la doctrine pénaliste que la rétroactivité in mitius se justifierait moins par des arguments juridiques que par des considérations axiologiques tenant à l’équité [20], l’humanité [21] ou à la justice [22]. Un document informatif édité par la Cour de justice en mai 2023 [23] précise ainsi que même si certains pays rattachent le principe de rétroactivité au principe de légalité (dont il ne serait qu’un corollaire), d’autres en font une condition essentielle de l’administration de la Justice. Ainsi de l’Espagne pour qui le principe répond à une exigence suprême de justice reconnue par la Constitution [24] ou de la Pologne pour qui le principe de la lex mitior repose sur la présomption selon laquelle la loi nouvelle est davantage conforme aux besoins sociaux, mais également aux préférences axiologiques [25].
B. Une solution cohérente avec le droit européen des droits de l’Homme et certains droits nationaux
Quel qu’en soit le fondement, cette solution semble cohérente avec celle adoptée en droit européen des droits de l’Homme. Rappelons que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce n’est pas explicitement consacré à l’article 7 de la Convention européenne N° Lexbase : L4797AQQ, contrairement à d’autres textes internationaux [26]. Toutefois, après avoir jugé que la Convention ne garantit pas le droit de se voir appliquer une loi pénale plus favorable [27], la Cour a fini par changer son fusil d’épaule en 2009 [28] en reconnaissant dans l’arrêt « Scoppola c. Italie » le principe de rétroactivité in mitius comme un principe fondamental du droit pénal rattaché à l’article 7 de la Convention [29]. La rétroactivité de la loi pénale plus clémente apparaît donc en droit européen comme un corolaire, une conséquence découlant directement du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Les juges de Strasbourg veillent donc à ce qu’un changement de législation pénale favorable au prévenu lui bénéficie, en tout cas, lorsqu’aucune décision définitive n’est intervenue [30]. Une décision de 2016 avait néanmoins pu laisser croire que le principe pourrait s’appliquer à la situation dans laquelle un individu avait été définitivement condamné [31]. Il semble en réalité que cette application extrême de la lex mitior s’explique surtout par les faits de l’espèce [32]. En effet, dans cette affaire, le droit national prévoyait expressément un réexamen des condamnations définitives intervenues avant le changement de législation, ce qui ouvrait la voie à une rétroactivité in mitius à la portée maximale puisque pouvant éventuellement remettre en cause l’autorité de la chose jugée [33].
Compatible avec le droit européen, la solution consacrée par la CJUE l’est aussi avec le droit français. Si la Cour de cassation refuse le jeu de l’application immédiate d’un texte plus favorable lorsqu’une décision sur le fond a été rendue en dernier ressort [34], elle a, en revanche, admis l’application d’une loi ayant créé une nouvelle cause d’irresponsabilité dans une procédure en cours n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée [35]. Quant au Conseil d’État, une décision récente du 7 octobre 2022 [36] a admis l’application immédiate d’un texte plus favorable adopté après une décision d’une cour administrative frappée de pourvoi. Dans sa décision, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que le principe de rétroactivité in mitius découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1372A9P oblige les juges du fond à faire application, même d'office, d'une loi répressive nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue [37] et va même plus loin en affirmant, ensuite, qu’il en va de même pour le juge de cassation dès lors que la loi nouvelle est entrée en vigueur postérieurement à la décision frappée de pourvoi [38].
Les juridictions nationales, comme européennes, paraissent donc s’entendre pour reconnaître et pleinement garantir le principe de rétroactivité in mitius au point que l’on puisse se demander si l’on n’est pas face à un mouvement d’alignement des planètes favorable à une extension du champ de ce principe ? [39]
| À retenir : Le principe de rétroactivité in mitius a vocation à s’appliquer à une sanction administrative de nature pénale au sens du droit de l’Union qui a été prononcée sur le fondement d’une règle modifiée en cours de procédure dans un sens favorable à la personne sanctionnée, indépendamment du fait que la décision de condamnation soit considérée comme définitive selon le droit national. |
[1] CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T.T. et BAJI Trans N° Lexbase : B1511BCX.
[2] Contrairement aux hypothèses classiques de dépénalisation qui résultent de la suppression d’une incrimination par le législateur, ici c’est une extension du domaine des personnes exonérées de cette obligation qui constitue un changement de législation favorable aux personnes concernées.
[3] On laissera de côté une autre difficulté qui constitue d’ailleurs la première question préjudicielle posée aux juges luxembourgeois. Le choix de sanctionner, d’une part, et de faire application, d’autre part, de la possibilité de dispenser certains véhicules de transport routier de l’obligation de détenir un tachygraphe peut-il être considéré comme la mise en œuvre du droit de l’Union ? La Cour ayant répondu positivement à cette question (§ 58 de la décision).
[4] Même si la CJUE développe une jurisprudence un peu différente de celle de la Cour européenne. V. R. Ollard, Pot-pourri autour de la notion de peine, Lexbase Droit privé, juin 2012, n°491 N° Lexbase : N2688BTQ, l’auteur qualifiant de « convergence partielle » les jurisprudences des deux juridictions européennes.
[5] CEDH, 8 juin 1976, Req. 5100/71, Engel et autres c/ Pays-Bas, § 80 à 82 N° Lexbase : A5111AYX. V. plus récemment CEDH, 10 février 2009, Req. 14939/03, Zolotoukhine c/ Russie, § 52 et 53 N° Lexbase : A0804ED7.
[6] V. en ce sens les arrêts de la CJUE du 5 juin 2012 (aff. C-489/10, Bonda, § 37 N° Lexbase : A1022IN8), du 20 mars 2018 (aff. C-537/16, Garlsson Real Estate et autres, § 28 N° Lexbase : A2863XHI) ou plus récemment la décision du 2 février 2021 (aff. C-481/19, Consob, § 42 N° Lexbase : A23374EB).
[7] V. par ex. CEDH, 22 décembre 2020, Req. 68273/14, Gestur Jónsson et Ragnar Halldór Hall c/ Islande, § 85 N° Lexbase : A97404AY : « Le premier critère Engel est toutefois d’un poids relatif et ne sert que de point de départ ».
[8] V. en ce sens les précédents cités par la Cour : CJUE, 22 juin 2021, aff. C-439/19, Latvijas Republikas Saeima, spéc. § 88 N° Lexbase : A76594WL ou pour une sanction financière et le retrait d’une licence d’exploitation d’un entrepôt fiscal prévue par une loi sur les accises et les entrepôts fiscaux : CJUE, 14 septembre 2023, aff. C-820/21, Vinal, spéc. § 49 N° Lexbase : A22331H8.
[9] Pour des infractions à la circulation routière passibles d’amende ou de restrictions liées au permis de conduire : CEDH, 10 juillet 2014, Req. 40820/12, Marčan c/ Croatia [en ligne] ou CEDH, 30 août 2016, Req. 25555/10, Igor Pascari c/ Moldova [en ligne] ; pour une amende administrative infligée pour manipulation du marché financier : CEDH, 28 mai 2020, Req. 44612/13 et 45831/13, Georgouleas and Nestoras c/ Greece [en ligne].
[10] Pour des majorations d’impôts : CEDH, 23 novembre 2006, Req. 73053/01, Jussila c/ Finlande N° Lexbase : A5011DSE ; CEDH, 14 décembre 2021, Req. 11200/19, Melgarejo Martinez de Abellanosa c/ Espagne [en ligne].
[11] V. CEDH, 24 février 1994, Req. 12547/86, Bendenoun c/ France, § 47 N° Lexbase : A0346ND8 : « les majorations d’impôt ne tendent pas à la réparation pécuniaire d’un préjudice, mais visent pour l’essentiel à punir pour empêcher la réitération d’agissements semblables » ; par conséquent, elles présentent une finalité à la fois préventive et répressive ce qui conduit à les analyser comme relevant de la matière pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne.
[12] CJUE, 14 septembre 2023, aff. C-820/21, Vinal, § 53, précitée ; CJUE, 23 mars 2023, aff. C-412/21, Dual Prod, § 33 N° Lexbase : A39349KW.
[13] V. CJUE, 6 octobre 2016, aff. C-218/15, Paoletti et autres, § 25 N° Lexbase : A9899R4E ; CJUE, 7 août 2018, aff. C-115/17, Clergeau et autres, § 26 N° Lexbase : A0030X3I : « le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, tel que consacré à l’article 49, paragraphe 1, de la Charte, fait partie du droit primaire de l’Union […] la Cour a jugé que ce principe découlait des traditions constitutionnelles communes aux États membres et, partant, devait être considéré comme faisant partie des principes généraux du droit de l’Union »
[14] CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T.T. et BAJI Trans, § 107, précitée : « il appartient à toute juridiction de faire bénéficier l’auteur d’une infraction de la loi pénale qui lui est plus favorable, tant que sa condamnation n’est pas définitive » (nous soulignons). V. toutefois CJUE, 6 octobre 2015, aff. C-650/13, Delvigne N° Lexbase : A7255NSI, qui admet, sous certaines conditions, la possibilité pour les États membres de déroger au principe de rétroactivité in mitius. La portée de cette solution ne doit toutefois pas être exagérée puisqu’en l’espèce le droit national avait expressément prévu d’écarter l’application des dispositions nouvelles aux personnes définitivement condamnées tout en leur reconnaissant la possibilité de demander le relèvement de leur peine. En outre, le droit français prévoit expressément que le principe de rétroactivité in mitius ne peut remettre en cause une condamnation passée en force de chose jugée (C. pén., art. 112-1, al. 3 N° Lexbase : L2215AMY), exception faite de l’hypothèse prévue à l’article 112-4, alinéa 2 du même code N° Lexbase : L2044AMN qui dispose que la peine cesse de recevoir exécution en cas de suppression d’une incrimination.
[15] Bien que cette expression ne figure pas expressément au sein de cet article, contrairement par exemple à l’article 50 de la Charte qui fait de l’existence d’une décision définitive une condition d’application du principe non bis in idem.
[16] CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T.T. et BAJI Trans, § 102, précitée.
[17] Une telle solution conduit par exemple à distinguer la situation de deux condamnés selon qu’ils aient ou non formé un recours contre leur condamnation.
[18] Refuser l'application rétroactive d'une norme pénale plus douce conduirait selon la Cour ainsi « à infliger des peines que l'État, et la collectivité qu'il représente, considèrent désormais comme excessives » ; CEDH, 17 septembre 2009, Req. 10249/03, Scoppola c/ Italie, § 109 N° Lexbase : A0692EL9. V. également P. Roubier, Le droit transitoire. Conflits des lois dans le temps, Dalloz et Sirey, 1960, 2e éd., p. 453, pour qui « la loi nouvelle plus douce prouve que la rigueur ancienne n'est plus nécessaire ».
[19] N. Bareït, Rhétorique de la faveur en droit transitoire, RTD civ., 2025 p. 27
[20] Pour Georges Levasseur, il s’agirait « d’une solution d'équité plutôt qu'une déduction juridique » (G. Levasseur, Opinions hétérodoxes sur les conflits de lois répressives dans le temps, En hommage à Jean Constant, Faculté de droit de Liège, 1971, p. 201).
[21] « On considère qu'un sentiment d'humanité exige l'application de la loi nouvelle plus douce au prévenu qui a commis une infraction avant la mise en vigueur de cette loi » (A. Vitu, Des conflits de lois dans le temps en droit pénal, Société d'impressions typographiques, 1945, p. 46). V. également Louis Bach qui y voit une solution fondée d'équité et d'humanité (L. Bach, Conflits de lois dans le temps, Rép. civ. Dalloz, mai 2006, n° 232).
[22] N. Bareït préférant parler de « sentiment de justice », op. cit.
[23] CJUE, Note de recherche de la Direction de la recherche et documentation. Applicabilité du principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce (lex mitior) aux condamnations pénales définitives et effets de l'invalidation de dispositions pénales sur l'application de ce principe, mai 2023 [en ligne].
[24] Une décision du 21 décembre 2022 rendue par le Tribunal Supremo (la Cour suprême espagnole) a ainsi jugé que la justification du principe de rétroactivité de la loi pénale plus favorable repose sur des raisons de justice, car il est contraire aux critères fondamentaux de justice de continuer à appliquer une loi jugée trop sévère. Notons que ce pays reconnait au principe de rétroactivité in mitius un domaine très étendu puisqu’il s’applique même post sententiam, après une décision irrévocable, voire pendant l’exécution de la peine par le condamné (art. 2, § 2 du Code pénal espagnol).
[25] Arrêt du 12 mai 2021 rendu par la Sąd Najwyższy (Cour suprême de Pologne).
[26] V. notamment l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou à l’article 9 de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme.
[27] CEDH, 5 décembre 2000, Le Petit c/ Royaume-Uni ; CEDH, 6 mars 2003, Req. 41171/98, Zaprianov c/ Bulgarie [en ligne].
[28] La Cour justifie ce revirement par le fait qu’un consensus se serait progressivement formé au niveau européen et même international pour admettre l'application rétroactive d’une loi pénale plus douce adoptée après la commission de l'infraction.
[29] CEDH, 17 septembre 2009, Req. 10249/03, Scoppola c/ Italie, spéc. § 109, précitée : « l’art. 7§ 1 ne garantit pas seulement le principe de rétroactivité des lois pénales plus sévères, mais aussi, et implicitement, le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce ». V. plus récemment : CEDH, 18 février 2020, Req. 45776/16, Jidic c/ Roumanie, § 80 [en ligne] ; CEDH, 4 juillet 2023, Req. 13451/15, Tristan c/ Moldova, §49 N° Lexbase : A442899U.
[30] « Si la loi pénale en vigueur au moment de la commission de l'infraction et les lois pénales postérieures adoptées avant le prononcé d'un jugement définitif sont différentes, le juge doit appliquer celle dont les dispositions sont les plus favorables au prévenu » (nous soulignons) (CEDH, 17 septembre 2009, Req. 10249/03, Scoppola c/ Italie, § 109, précitée).
[31] CEDH, 12 janvier 2016, Req. 33427/10, Gouarré Patte c/ Andorre N° Lexbase : A5136N3M : Dr. pén., 2017, n° 4, p. 23, note E. Dreyer.
[32] La Cour le précise d’ailleurs expressément dans sa décision : « cette spécificité du droit interne andorran confère un caractère particulier à la présente affaire » (§ 105)
[33] Pour une analyse similaire de cet arrêt, voir S. Detraz, Quel futur pour la rétroactivité in mitius de la loi pénale nouvelle ?, in P. Beauvais, D. Chilstein, E. Dreyer (dir.), Le droit pénal de l'avenir, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2024, p. 101 et s., pour qui « c’est donc uniquement en raison de l’existence de cette règle nationale que les juges européens ont conclu à la violation de l’article 7 ».
[34] Cass. crim., 19 octobre 1976, n° 75-92.852 N° Lexbase : A9326ATL.
[35] Cass. crim., 17 octobre 2018, n° 17-80.485, F-D N° Lexbase : A9859YGA appliquant la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique N° Lexbase : L6340MSM qui a inséré à l'article 122-9 du Code pénal N° Lexbase : L0902MCE le dispositif applicable aux lanceurs d’alerte.
[36] CE, sect., 7 octobre 2022, n° 443476 N° Lexbase : A92178MC.
[37] Solution déjà consacrée s’agissant d’une sanction fiscale : CE, ass., 16 février 2009, n° 274000 N° Lexbase : A2581EDX.
[38] Rappelons qu’en matière administrative, le pourvoi en cassation n’a pas d’effet suspensif, contrairement à la matière pénale, ce qui rend la décision des juges du fond définitive malgré l’existence d’un pourvoi en cassation administrative.
[39] S’interrogeant sur l’avenir de la rétroactivité in mitius, un auteur a récemment fait le constat d’une extension de ce principe qui est susceptible d’avoir des effets de plus en plus loin dans le temps, non sans risque d’ailleurs (S. Detraz, Quel futur pour la rétroactivité in mitius de la loi pénale nouvelle ?, in P. Beauvais, D. Chilstein, E. Dreyer (dir.), Le droit pénal de l'avenir, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2024, p. 101 et s.).
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Réf. : Cass. civ. 1, avis, 8 octobre 2025, n° 25-70.016, FS-B N° Lexbase : B9133B4Z
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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg
Le 29 Octobre 2025
Mots-clés : crédit à la consommation • clause de déchéance du terme • déchéance du droit aux intérêts • clause abusive • clause illicite
D’une part, la clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation conclu à compter du 1er mai 2011, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l’emprunteur dans ses remboursements, n’est pas illicite et n’emporte donc pas déchéance du droit aux intérêts.
D’autre part, une clause de déchéance du terme est abusive et réputée non écrite notamment si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt ne dépend pas de l’inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, ce qu’il appartient au juge d'apprécier.
Les clauses de déchéance du terme suscitent, régulièrement, des interrogations en matière de crédit immobilier. Or, des incertitudes apparaissent aussi avec le crédit à la consommation.
Un magistrat a ainsi récemment demandé à la Cour de cassation son avis sur les deux points suivants : la clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements est-elle, pour les contrats conclus à partir du 1er mai 2011, abusive et /ou illicite ? Est-elle sanctionnée par son caractère réputé non écrit, par la déchéance du droit aux intérêts ou par les deux ?
Ces questions sont utiles. On se souvient que des clauses de déchéances du terme ont pu être qualifiées, par le passé, d'illicites et/ou d'abusives lorsque leur fondement n’était pas la défaillance de l’emprunteur.
Des précisions sont alors données par la Cour de cassation dans son avis du 8 octobre 2025 tant concernant les clauses illicites qu’à propos des clauses abusives.
I. Rappel sur les clauses illicites
La Haute juridiction commence par indiquer qu’une clause est illicite lorsqu’elle est formellement prohibée par la loi.
Il est ensuite rappelé qu’en matière de crédit à la consommation, l’article L. 341-4 du Code de la consommation N° Lexbase : L1602LRR prévoit que la remise par le prêteur d’un contrat qui ne satisfait pas aux conditions fixées par les articles L. 312-18 N° Lexbase : L9594LGG, L. 312-21 N° Lexbase : L1341K7S, L. 312-28 N° Lexbase : L9593LGE, L. 312-29 N° Lexbase : L9592LGD et L. 312-43 N° Lexbase : L9588LG9 emporte déchéance du droit aux intérêts.
Cependant, antérieurement à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation N° Lexbase : L5797MSI (c’est-à-dire la « loi Lagarde »), entrée en vigueur, s’agissant des dispositions pertinentes, le 1er mai 2011, l’ancien article L. 311-13 du Code de la consommation prévoyait que « L'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation ».
Or, la jurisprudence en déduisait que les modifications des mentions imposées par le contrat-type, qui aggravaient la situation de l'emprunteur, étaient illicites et emportaient donc déchéance du droit aux intérêts [1].
Toutefois, la réforme du crédit à la consommation issue de la loi du 1er juillet 2010 précitée a supprimé les modèles-types.
Aujourd’hui, l’article L. 312-28 du Code de la consommation continue d’exiger, sous la sanction, prévue par l'article L. 341-4 du même code, de la perte du droit aux intérêts, que les contrats de crédit contiennent certaines informations, mais l’article R. 312-10 N° Lexbase : L9730LBY auquel il renvoie se borne à indiquer les points sur lesquels une information doit être donnée sans donner de directive sur le contenu des obligations stipulées. En particulier, l’article R. 312-10, 6°, c) de ce code, ne précise pas les hypothèses de résiliation et se borne à exiger que soit donné un avertissement relatif aux conséquences d'une défaillance de l'emprunteur.
Dès lors, aucune disposition textuelle spéciale ne prohibant, désormais, les clauses qui prévoient que la défaillance du terme peut être encourue pour d'autres causes que le non-respect des échéances de l'emprunt, de telles clauses ne peuvent être qualifiées d'illicites et emporter déchéance du droit aux intérêts.
II. Rappel sur les clauses abusives
Aux termes de l’article L. 212-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L3278K9B, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
De telles clauses sont réputées non écrites (C. consom., art. L. 241-1 N° Lexbase : L1415K7K). Le contrat, pour sa part, reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses.
La Cour de cassation rappelle alors que par un arrêt du 26 janvier 2017 [2], la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l’article 3, §1,de la Directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs N° Lexbase : L2807IRE, doit être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif d'une clause de déchéance du terme prononcée en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner, notamment, « si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause ».
C’est ainsi que la Haute juridiction a eu l’occasion de juger, par le passé, qu’est abusive une clause prévoyant la déchéance du terme en raison de circonstances extérieures au contrat de crédit, telles que le défaut de remboursement d’un autre emprunt [3] ou, s'agissant d’un prêt consenti par l'employeur, la démission du salarié-emprunteur [4].
En revanche, la qualification de clause abusive a été écartée, non seulement dans l'hypothèse de défaut de règlement des échéances, pour autant que l'emprunteur avait été mis en demeure de régulariser dans un délai raisonnable, mais également dans les cas suivants :
III. Solutions de la Cour de cassation
Deux solutions sont alors dégagées par la Haute juridiction dans son avis.
En premier lieu, la clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation conclu à compter du 1er mai 2011, date d'entrée en vigueur de la « loi Lagarde » du 1er juillet 2010, prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, n'est pas illicite et n'emporte donc pas déchéance du droit aux intérêts.
Cette solution est logique, puisque, depuis lors, il n’est plus nécessaire pour le prêteur de respecter scrupuleusement des modèles types ; la présence de certaines mentions est simplement requise (C. consom., art. R. 312-10).
En second lieu, une clause de déchéance du terme est abusive et réputée non écrite notamment si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt ne dépend pas de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, ce qu'il appartient au juge d'apprécier.
On notera, pour finir, que ces illustrations concernent le crédit immobilier. Cela démontre alors que la Haute juridiction ne souhaite pas distinguer, sur cette question, entre le droit du crédit à la consommation et le droit du crédit immobilier. Voilà qui est important pour le délai de préavis à respecter en la matière (d’au moins 30 jours pour le crédit immobilier) [7]…
[1] Cass. civ. 1, 1er décembre 1993, n° 91-20.894 N° Lexbase : A5333AB7 – Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-71.022, F-D N° Lexbase : A7600GL3 – Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n° 13-13.641, F-D N° Lexbase : A7022MKB.
[2] CJUE, 26 janvier 2017, aff. C-421/14, Banco Primus N° Lexbase : A9995TM7.
[3] Cass. civ. 1, 1er février 2005, n° 01-16.733, FS-P+B N° Lexbase : A6166DGH.
[4] Cass. civ. 1, 5 juin 2019, n° 16-12.519, FS-P+B+I N° Lexbase : A2447ZDY.
[5] Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-21.625, F-D N° Lexbase : A9253YNZ.
[6] Cass. civ. 1, 24 janvier 2024, n° 22-12.222, F-D N° Lexbase : A22312H4.
[7] Pour un délai de 15 jours jugé insuffisant, Cass. civ. 1, 29 mai 2024, n° 23-12.904 N° Lexbase : A84075DQ.
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par Sabrina Le Normand-Caillère, Professeur en droit privé à l’Université de Caen-Normandie
Le 29 Octobre 2025
Mots-clés : patrimoine • usufruit • usufruitier • transmission • droits de mutation à titre gratuit • notaires
Ces dernières années, l’usufruit s’est imposé comme une véritable technique d’ingénierie patrimoniale. Instrument de protection du conjoint survivant tout en favorisant une transmission anticipée du patrimoine familial, il présente un double intérêt fiscal.
Au moment de sa constitution, la donation avec réserve d’usufruit permet de réduire substantiellement l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, en fonction de l’âge de l’usufruitier [1]. À son extinction, la pleine propriété se reconstitue en franchise de droits de mutation à titre gratuit [2].
La construction par un usufruitier sur le sol du nu-propriétaire répond également à cet objectif de transmission [3]. Peu fréquente dans la gestion du patrimoine professionnel [4], cette opération s’inscrit le plus souvent dans un cadre familial, afin d’atténuer les contraintes liées à la réserve héréditaire et de réduire la charge fiscale en matière de droits d’enregistrement. Toutefois, cette technique n’est pas dénuée de risques : encore faut-il en maîtriser pleinement les conséquences juridiques et fiscales. Pour ce faire, revenons sur la situation envisagée.
Imaginons qu’un parent donne à son enfant unique la nue-propriété d’un terrain, tout en conservant l’usufruit, puis y fasse édifier un immeuble. Au décès de l’usufruitier, l’enfant retrouve non seulement la pleine propriété du terrain, mais également celle des constructions qu’il n’a pas financées.
Il ne s’agit pas ici d’une véritable construction sur le sol d’autrui, dès lors que l’usufruitier détient un droit réel sur le terrain. Ce dernier dispose, en la matière, d’un véritable droit de construire. Conformément à l’article 578 du Code civil N° Lexbase : L3159ABM, l’usufruitier jouit du bien comme le propriétaire lui-même. La généralité de cette jouissance englobe le droit d’exploiter et, par conséquent, celui d’édifier sur la chose [5]. La Cour de cassation [6] l’a implicitement confirmé, tout en imposant à l’usufruitier de respecter la destination du fonds. [7]. L’usufruitier dispose alors de la faculté de réaliser des améliorations [8] sur le terrain soit des « constructions nouvelles s'ajoutant au fonds et en augmentant la valeur », soit des « constructions ayant pour effet d'achever un bâtiment commencé, ou bien d'agrandir un édifice préexistant » [9]. Si ces réalisations relèvent de la qualification d’« améliorations » au sens de l’alinéa 2 de l’article 599 du Code civil N° Lexbase : L3180ABE, l’usufruitier ne peut prétendre à aucune indemnité de la part du nu-propriétaire.
La doctrine était divisée quant à la date de l’accession : certains auteurs soutenaient qu’elle s’opérait au fur et à mesure de la construction [10] tandis que d’autres estimaient, au contraire, qu’elle ne se réalisait qu’à l’extinction de l’usufruit [11]. La Cour de cassation a tranché en faveur de cette seconde thèse [12]. Pour les hauts magistrats, le nu-propriétaire « n’entrera en possession des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit » car « l’accession n’a pas opéré immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol ». À l’instar du preneur à bail, l’usufruitier se voit ainsi reconnaître un véritable droit de superficie, lui conférant la faculté de s’approprier les constructions qu’il a édifiées. Cette propriété demeure toutefois temporaire, puisqu’elle s’éteint au décès de l’usufruitier. Par le jeu de la théorie de l’accession différée [13], le nu-propriétaire devient alors, au décès de l’usufruitier, plein propriétaire du sol et des constructions réalisées par ce dernier.
En présence de désordres affectant les constructions, l’usufruitier, en tant qu’initiateur des travaux, devrait en principe pouvoir agir sur le fondement de la garantie décennale [14]. Toutefois, la Cour de cassation n’a pas admis cette faculté dans toutes les hypothèses. De décisions récentes, il ressort que celui qui n’est pas propriétaire de l’ouvrage ne peut se prévaloir de la qualité de maître de l’ouvrage. Ainsi, lorsque les travaux concernent un édifice préexistant, la troisième chambre civile a refusé à l’usufruitier le pouvoir d’agir [15]. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une construction nouvelle, la Cour de cassation semble admettre sa qualité pour agir. Par application de la théorie de l’accession différée, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé que « si, en vertu de l'article 552 du Code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d'accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l'usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l'absence de convention réglant le sort de cette construction, par l'article 555 du même code et n'opère, ainsi, qu'à la fin de l'usufruit » [16]. Les parties conservent néanmoins la faculté de conclure une convention destinée à organiser plus précisément le sort de ces constructions.
Pour certains auteurs, cette jurisprudence, qui admet un transfert de propriété sans contrepartie, constitue une source d’iniquité, en ce qu’elle octroie au nu-propriétaire un enrichissement potentiellement considérable aux dépens de l’usufruitier [17], et ce en toute franchise fiscale.
Toutefois, une telle opération n’est pas exempte de risques. Pour en saisir pleinement la portée, il convient d’examiner les incidences du dénouement de l’opération (I) avant d’envisager les risques encourus respectivement par l’usufruitier et le nu-propriétaire (II).
I. Incidences fiscales du dénouement de l’opération
À la différence du bail à construction ou du bail emphytéotique, la valeur des constructions remises au nu-propriétaire ne constitue pas un profit taxable. Aucune plus-value n’est constatée au moment du transfert.
Lorsqu’un usufruitier agit dans le cadre de son patrimoine privé, l’administration fiscale pourrait toutefois contester la qualification d’« amélioration » d’une construction entièrement nouvelle réalisée par ce dernier, au sens de l’article 599 du Code civil. Il pourrait ainsi lui être reproché de ne pas avoir sollicité d’indemnisation auprès du nu-propriétaire à hauteur de la valeur des travaux entrepris. Cependant, l’extinction du droit d’usufruit, lorsqu’il est exercé à titre privé, et l’accession corrélative du nu-propriétaire à la propriété des constructions nouvelles, ne constituent pas en elles-mêmes un fait générateur d’imposition au titre des plus-values. En effet, l’article 150 UA du Code général des impôts N° Lexbase : L9065LN3 ne vise que les plus-values résultant de mutations à titre onéreux. Or, aucune mutation de cette nature n’intervient lors de l’extinction de l’usufruit, celui-ci s’éteignant par l’arrivée de son terme, conformément à l’article 617 du Code civil N° Lexbase : L1757IES. La pleine propriété du bien se reconstitue alors entre les mains du nu-propriétaire, et s’étend aux constructions par le jeu de la théorie de l’accession.
La situation diffère en revanche lorsque l’usufruit est détenu par une société ayant établi un bilan. Une telle société, titulaire d’un droit d’usufruit sur un terrain, peut inscrire ce droit à l’actif de son bilan, au même titre que le droit de superficie correspondant aux constructions édifiées. À l’arrivée du terme de l’usufruit, ces droits cessent par nature d’être affectés à l’exploitation, ce qui soulève la question de la réalisation d’une plus-value. Si la disparition à l’actif du bilan du droit d’usufruit sur le terrain ne génère pas, en elle-même, de plus-value [18], l’extinction du droit de superficie [19] sur les constructions sans contrepartie, lorsque celles-ci ont une valeur économique significative, peut en revanche dégager une plus-value imposable.
S’agissant enfin des droits d’enregistrement, l’accession n’est pas constitutive d’un fait générateur de taxation, dans la mesure où elle résulte de la loi et opère acquisition du terrain et des constructions sans transfert réalisé à titre onéreux. De plus, l’article 1133 du Code général des impôts N° Lexbase : L9702HLW dispose expressément que la reconstitution de la pleine propriété au terme de l’usufruit ne donne lieu à aucune imposition.
II. Risques fiscaux encourus
Même si les principes en la matière semblent aujourd’hui bien établis, tout risque de redressement fiscal ne saurait être exclu, notamment au regard des circonstances de fait. L’administration fiscale pourrait en effet être tentée d’invoquer, en présence d’un usufruitier personne physique, l’existence d’une donation indirecte ou un abus de droit fiscal. Lorsqu’il s’agit d’un usufruit consenti à une société, elle pourrait au contraire se fonder sur la théorie de l’acte anormal de gestion. Examinons successivement chacun de ces points.
Au terme de l’usufruit, le nu-propriétaire accède à la pleine propriété de la construction nouvelle sans verser la moindre indemnité. Comme cela a été justement relevé, « son patrimoine s’enrichit là où celui de l’usufruitier s’appauvrit » [20]. En présence d’un usufruitier agissant à titre privé, l’administration fiscale pourrait être tentée de qualifier cette situation de donation indirecte. Non définie par le Code civil, la donation indirecte constitue une exception au formalisme imposé par l’article 931 du Code civil N° Lexbase : L0088HPX, qui exige un acte notarié pour les donations entre vifs.
Elle a ainsi été définie comme « un avantage résultant, en dehors de tout déguisement, d’un acte autre qu’une donation » [21]. Pour exister, les donations indirectes supposent non seulement un dessaisissement actuel et irrévocable de leur auteur [22] mais également que l’acte, sans être une donation, par lequel elle est accomplie soit licite. Il doit procurer au bénéficiaire un avantage sans contrepartie. Pour être valable, la donation indirecte doit ainsi respecter tant les règles de fond des donations que les règles de fond et de forme des actes permettant de la réaliser.
En adoptant la thèse de l’accession différée du nu-propriétaire, la Cour de cassation a écarté la qualification de donation indirecte. Au moment de la construction, le nu-propriétaire n’entre en possession des ouvrages qu’à l’extinction de l’usufruit : il ne bénéficie donc d’aucun enrichissement immédiat et irrévocable. Mais qu’en est-il au terme de l’usufruit ? Le risque de requalification ne peut être totalement exclu. L’administration fiscale pourrait considérer que l’accession sans indemnité à la propriété des constructions constitue une donation indirecte, et, partant, réintégrer la valeur de la construction dans l’actif successoral [23].
La preuve de la donation indirecte peut être rapportée par tous moyens, mais incombe à celui qui l’allègue. Elle suppose d’établir à la fois un appauvrissement du donateur (l’usufruitier) et une intention libérale. L’élément matériel – l’appauvrissement – pourra être démontré si le retour sur investissement s’avère inexistant ou insuffisant, par exemple lorsque l’usufruitier a réalisé des travaux peu de temps avant l’extinction de son droit de jouissance. Reste alors à prouver l’élément intentionnel, c’est-à-dire l’intention libérale, laquelle ne saurait se déduire du seul transfert de valeur. Sur ce point, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation, tenant compte des circonstances de l’espèce : l’âge et l’état de santé de l’usufruitier au jour de la construction, ainsi que le calendrier de l’opération, selon qu’elle est intervenue au début ou à la veille du terme de l’usufruit.
L’administration fiscale pourrait également être tentée d’invoquer l’abus de droit fiscal en démontrant l’intention libérale de l’usufruitier en s’appuyant sur la concomitance des opérations et la volonté des parties de se soustraire à l’impôt. Elle pourra ainsi s’appuyer sur la procédure de droit commun régie par l’article L. 64 du LPF N° Lexbase : L9266LNI mais également la nouvelle procédure du mini-abus de droit en caractérisant un but principalement fiscal.
Si l’usufruit a été consenti à une société, certains réflexes liés à la procédure des conventions réglementée ou l’intérêt social doivent être adoptés. Là aussi, l’administration fiscale pourrait contester la nature d’améliorations aux constructions nouvelles. Elle pourrait davantage invoquer un acte anormal de gestion pouvant prendre la forme d’une renonciation au profit du nu-propriétaire des constructions. Pour autant, cette preuve n’est pas toujours des plus facile à établir [24].
[1] CGI. art. 669 N° Lexbase : L7730HLU.
[2] CGI. art. 1133 N° Lexbase : L9702HLW.
[3] J. Aulagnier, Transmettre : les vertus de l’article 599 du Code civil : Droit et patrimoine 2012, n° 218, p. 26.
[4] Dans la pratique des affaires, un tel schéma se retrouve sous la forme du démembrement de l’immobilier d’entreprise. Une société civile immobilière, relevant de l’impôt sur le revenu, cède l’usufruit temporaire à une seconde société, la société d’exploitation, qui finance la construction d’un immeuble. À l’échéance fixée au contrat, la société devient propriétaire du terrain assorti des constructions. Pour plus de développements : C. Dechaumont-Cavalié et S. Quilichi, Les enjeux fiscaux de la cession d’usufruit temporaire envisagée comme technique de gestion du patrimoine immobilier professionnel , JCP N, 2002, 1530.
[5] En ce sens : W. Dross, Les choses, Paris, LGDJ, 2012, n° 409-1.
[6] Cass. civ. 3, 19 septembre 2012, n° 11-15.460, FS-P+B N° Lexbase : A2420ITS, Bull. 2012, III, n° 128.
[7] C. civ. art. 599 N° Lexbase : L3180ABE.
[8] Certains considèrent qu’il conviendrait de distinguer l’hypothèse de la construction d’un terrain nu de celle de l’ajout d’une construction sur un terrain déjà bâti. La première s’apparenterait à une dépense d’acquisition dans la mesure où elle se traduit par l’entrée d’un nouveau bien dans le patrimoine emportant tant modification de la destination que de la consistance de la chose sujette à usufruit. Seule la seconde serait considérée comme une dépense de conservation ou d’amélioration sauf lorsqu’elle modifie la destination du terrain démembré. Pour plus de développements : F. Deboissy, Le sort des constructions nouvelles édifiées par l’usufruitier, in Mélanges P. Simler : Litec 2006, p. 767.
[9] Cass. Req, 4 novembre 1885 : DP, 1886, 1, p. 361. Voir également : Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-11.424, FS-P+B N° Lexbase : A8902INZ, JurisData n° 2012-013138 ; Bull. civ. 2012, IV, n° 123 ; JCP G, 2012, doctr. 1186, n° 5, H. Périnet-Marquet ; JCP E, 2012, 1493, note H. Hovasse ; D. 2012, p. 2128, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; RD imm. 2012, p. 499, obs. J.-L. Bergel ; Dr. et patrimoine oct. 2012, p. 32, note F. Julienne ; D. 2012, p. 1674.De même, les travaux de démolition et de reconstruction d'une superficie supérieure d'un immeuble grevé d'usufruit constituent des améliorations et non des grosses réparations.
[10] G. Baudry-Lacanterie et M. Chauveau, Traité théorique et pratique de droit civil. Des biens, Paris, Larose et Tenin, t. VI, 3e éd., 1905, n° 573, p. 373.
[11] Voir par exemple pour une position récente : F. Deboissy, Le sort des constructions nouvelles édifiées par l’usufruitier, in Mélanges P. Simler : Litec 2006, p. 767.
[12] Cass. civ. 3, 19 septembre 2012, n° 11-15.460, FS-P+B N° Lexbase : A2420ITS : Bull. 2012, III, n° 128.
[13] C. civ. art. 551 N° Lexbase : L1057ABR à 553 N° Lexbase : L3132ABM.
[14] C. civ. art. 1792 N° Lexbase : L1920ABQ. Comparer : Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-23.505, FS-B N° Lexbase : A29198TB et Cass. civ. 3, 13 avril 2023, n° 22-10.487, FS-B N° Lexbase : A02499PW. Certains auteurs ont analysé ces deux arrêts comme opposés. Le deuxième arrêt serait un revirement (Voir par exemple : N. Bonardel : LEDA, juin 2023, p. 5). D’autres, au contraire, ont cherché à les concilier le plus souvent en se référant à l’ouvrage réalisé selon que celui-ci constitue un aménagement ou une amélioration d’un ouvrage existant (arrêt de novembre 2022) ou une construction nouvelle (F. Danos : RDC, mars 2023, p. 133. – M. Jaoul : Gaz. Pal. 29 août 2023, p. 61). Cette distinction n’a pas été réalisée en matière de bail (Cass. civ. 3, 13 juillet 2022, n° 21-15.086, F-D N° Lexbase : A56498BT : JurisData n° 2022-014012 ; RDI, 2023, p. 113, obs. C. Charbonneau, « le bailleur ne devait en devenir propriétaire par accession qu'à la reprise des lieux »).
[15] Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-23.505, FS-B N° Lexbase : A29198TB, S. Le Normand-Caillère, Actions à la disposition de l'usufruitier à l'encontre du constructeur de l'ouvrage : JCP G, 2023, n° 03, act. 85 ; V. Zalewski-Sicard, L'usufruitier et la garantie décennale : JCP N, 2023, n° 03, comm. 1010. À comparer en matière de bail emphytéotique : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 23-12.491, FS-B N° Lexbase : A44155P9.
[16] Cass. civ. 3, 13 avril 2023, n° 22-10.487, FS-B N° Lexbase : A02499PW, JCP N, 2023, n° 26, 1128, note V. Zalewski-Sicard ; Constr.-Urb. 2023, comm. 72, note M.-L. Pagès-de Varenne.
[17] F. Terré et P. Simler, Les biens, Dalloz, 2002, n° 856.
[18] F. Deboissy, Le sort des constructions nouvelles édifiées par l’usufruitier, in Mélanges P. Simler : Litec 2006, p. 767, § 52. Suite à l’extinction du droit d’usufruit sur le terrain, celui-ci n’a plus de valeur. Sa valeur de cession à cette date est donc nulle. La valeur nette comptable également du fait de l’amortissement de l’usufruit. Pour l’auteur, l’opération ne dégage ni plus-value ni moins-value.
[19] F. Deboissy, op.cit., §52. Pour l’auteur, la valeur est égale à la valeur vénale des constructions. La VNC est égale à zéro comme le droit de superficie est totalement amorti. SI les constructions ont une certaine valeur, une plus-value taxable peut être dégagée.
[20] F. Deboissy, op.cit, § 54.
[21] F. Deboissy, op.cit, § 58. Voir également : Planiol et Ripert, Droit civil français, 2e éd., t. V., Donations et testaments, n° 410 : « C’est une donation qui ne se cache pas, mais qui est incluse dans un autre acte juridique ».
[22] Patarin : RT civ. 1985, p. 762.
[23] CGI, art. 784, al. 1er N° Lexbase : L2944LCZ.
[24] CAA Lyon, 13 juillet 2006, n° 02LY00875 et 02LY00873 N° Lexbase : A6121DQR.
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Réf. : Cass. civ. 2, 2 octobre 2025, n° 23-16.856, F-D N° Lexbase : B9812B48
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 29 Octobre 2025
La Cour de cassation précise son interprétation des articles 901 et 562 du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017. Elle ne considère qu’aucun de ces textes ni aucune autre disposition n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation.
Faits et procédure. Le 22 février 2021, la société Youfa a interjeté appel d’un jugement rendu par un tribunal judiciaire ayant statué sur un litige l’opposant à M. [I], par-devant la cour d’appel Saint-Denis de La Réunion. Au sein de sa déclaration d’appel, l’appelant énumère les chefs de dispositif du jugement critiqués, sans indiquer si l’appel tendait à l’infirmation ou la réformation du jugement. Les juges d’appel dyonisiens ont statué sur le recours de la société Youfa, dans un arrêt du 17 février 2023. Par la suite, la société décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de dire que la cour d’appel n’était saisie d’aucun chef de dispositif du jugement critiqué, et que l’acte d’appel était dépourvu d’effet dévolutif. Au soutien de son pourvoi, la société affirme que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Dans cette hypothèse, elle considère que les articles 562 N° Lexbase : L2381MLR et 901 N° Lexbase : L2382MLS du Code de procédure civile n’exigent pas que la déclaration d’appel mentionne, s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu’il en est demandé l’infirmation. Par conséquent, la déclaration d’appel qui mentionnait les chefs de jugement critiqués sans préciser que l’appel tendait à l’infirmation ou à la réformation du jugement, emportait effet dévolutif pour tous les chefs de jugement qui y étaient énumérés, peu important l’absence de mention d’une demande d’infirmation. S’agissant des juges du fond, ces derniers ont constaté qu’il ne figurait pas dans l’acte d’appel l’objet du recours formé à l’encontre de la décision déférée. Dans ce cadre-là, la cour d’appel considère que l’acte d’appel doit comporter une mention spécifique sur la portée de son appel : infirmation ou annulation de la décision attaquée. En statuant ainsi, la société considère que la cour d’appel a violé les articles 562 et 901 du Code de procédure civile.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation de la société en cassant et en annulant l’arrêt de la cour d’appel. La Haute juridiction rend sa décision sur le fondement des articles 901 et 562 du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L9786MXQ. Après avoir rappelé la lettre de ces articles, la Cour ne considère qu’aucun de ces textes ni aucune autre disposition n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation. Ainsi, étant donné que la déclaration d’appel énumérait les chefs de dispositif du jugement critiqués, la Cour de cassation considère que les juges du fond ne pouvaient pas constater l’absence d’effet dévolutif.
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