Le Quotidien du 26 mars 2025

Le Quotidien

Avocats/Secret professionnel

[Dépêches] Perquisitions dans un cabinet d’avocat : la saisie de documents possible si l’avocat est soupçonné de complicité

Réf. : Cass. crim., 11 mars 2025, n° 23-86.261, F-B+R N° Lexbase : A3034647

Lecture: 2 min

N1952B3P

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par Yann Le Foll

Le 25 Mars 2025

ll peut être procédé lors d’une perquisition à la saisie de documents révélant la participation éventuelle de l'avocat à l'infraction uniquement si pèsent sur celui-ci des éléments susceptibles de caractériser sa complicité à l’infraction retenue.

Un juge des libertés et de la détention a autorisé un juge d'instruction à procéder à des perquisitions au cabinet et au domicile d’avocats intervenus dans des négociations. L'une des perquisitions a donné lieu à opposition à la saisie de divers documents ensuite versés au dossier.

Il résulte des articles 8 de la CESDH N° Lexbase : L4798AQR et 56-1 du Code de procédure pénale [LXBL1314MAW] dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 N° Lexbase : L6493MSB, que, lorsque la perquisition au cabinet d'un avocat ou à son domicile est justifiée par la mise en cause de celui-ci, elle ne peut être autorisée que s'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, l'infraction qui fait l'objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l'article 203 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3583AZQ.

Dans ce cas, il peut être procédé à la saisie de documents révélant la participation éventuelle de l'avocat à l'infraction, y compris s'ils relèvent de l'exercice des droits de la défense et sont couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil.

Les raisons plausibles de soupçonner la participation de l'avocat à l'infraction doivent être expressément mentionnées dans l'ordonnance autorisant la perquisition, sauf à priver le bâtonnier de l'information nécessaire à l'exercice de sa mission de protection des droits de la défense.

Hors cette hypothèse, aucun document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par ledit secret professionnel ne peut être saisi et placé sous scellé.

Or, ici, le juge des libertés et de la détention n'a pas caractérisé de raisons plausibles de soupçonner les deux avocats d'avoir commis, comme auteurs ou comme complices, les infractions citées.

En dehors de toute mise en cause des avocats dont le cabinet a été perquisitionné, il y avait lieu, pour le président de la chambre de l'instruction, de rechercher si les documents saisis relevaient ou non de l'exercice des droits de la défense, ce qu'il n'a pas fait.

Son ordonnance est donc annulée.

Pour aller plus loin : 

  • v. ÉTUDE, Le secret et la confidentialité des échanges, Le régime des perquisitions des cabinets d'avocats, in La Profession d’avocat N° Lexbase : E43153RA.
  • v. Infographie, Secret professionnel et perquisition N° Lexbase : X9457APX

 

newsid:491952

Copropriété

[Commentaire] Annulation du mandat de syndic et sort des honoraires

Lecture: 9 min

N1937B37

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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation

Le 25 Mars 2025

Mots-clés : syndic • annulation du mandat • honoraires • restitution

En cas d’annulation de la décision d'assemblée générale ayant désigné un syndic, les honoraires perçus par celui-ci doivent être restitués au syndicat des copropriétaires.


 

Dans cet arrêt destiné à être publié, la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois qu’en cas d’annulation de la décision d'assemblée générale ayant désigné le syndic, les honoraires perçus par celui-ci doivent être restitués au syndicat des copropriétaires.

Ce n’est, en effet, pas la première fois que la Cour de cassation se penche sur cette épineuse question de la rémunération du syndic qui a accompli un certain nombre de prestations avant que sa désignation soit annulée.

En l’espèce, l'assemblée générale ayant désigné le syndic avait été annulée. En conséquence la désignation du syndic était elle-même annulée. Une copropriétaire, qui contestait son décompte de charges individuel, comme l'article 45-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5548IGL le lui permet, quand bien même les comptes de la copropriété avaient été approuvés, ce que rappelle la Cour de cassation dans sa réponse au premier moyen, soutenait que le syndic ne pouvait de ce fait prétendre à aucune rémunération et qu’il devait rembourser les honoraires perçus. Le jugement du tribunal judiciaire de Paris, statuant en dernier ressort, n’avait pas admis cette thèse, d’où le pourvoi de cette copropriétaire.

L’article 29 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5520IGK (et non de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 comme indiqué par erreur par la Cour de cassation dans son arrêt) prévoit que « Le contrat de mandat de syndic fixe sa durée et précise les dates calendaires de prise d’effet et d’échéance, ainsi que les éléments de détermination de la rémunération du syndic » (…)

Il en résulte que les honoraires du syndic sont nécessairement fixés lors de la désignation de celui-ci, ce que la Cour de cassation rappelle au visa des articles 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 N° Lexbase : L7536AIX et 66, alinéa 2, du décret n° 72-678 relatifs aux conditions de rémunération des agents immobiliers et syndics N° Lexbase : L8042AIP, et ce qu’elle avait maintes fois retenu (Cass. civ. 3, 12 juin 1991, n° 89-19.170 N° Lexbase : A4639ACS ; Cass. civ. 3, 27 mars 2008, onze arrêts : n° 07-10.191 FS+P+B N° Lexbase : A6069D7W ; n° 07-10.192, FS-D N° Lexbase : A6070D7X ; n° 07-10.193, FS-D N° Lexbase : A6071D7Y ; n° 07-10.194, FS-D N° Lexbase : A6072D7Z ; n° 07-10.195, FS-D N° Lexbase : A6073D73 ; n° 07-10.196, FS-D N° Lexbase : A6074D74 ; n° 07-10.197, FS-D N° Lexbase : A6075D77 ; n° 07-10.200, FS-D N° Lexbase : A6076D78 ; n° 07-10.201, FS-D N° Lexbase : A6076D78 ; n° 07-10.203, FS-D N° Lexbase : A6078D7A ; n° 07-10.204, FS-D N° Lexbase : A6079D7B ; Cass. civ. 3, 27 mars 2008, n° 06-21.728, FS+P+B N° Lexbase : A6038D7R ; Cass. civ. 3, 27 mars 2008 n° 06-21.648, FS-D N° Lexbase : A6037D7Q).

La Cour de cassation n’a cependant pas toujours considéré que lorsque son mandat est annulé, le syndic doit restituer les honoraires qu’il a perçus. En effet, dans un arrêt du 20 janvier 1999 (Cass. civ. 3, 20 janvier 1999, n° 97-14.747 N° Lexbase : A4080CXE) elle avait approuvé une cour d'appel qui avait retenu, alors que le mandat du syndic avait été annulé pour irrégularité de sa désignation initiale, que rien n'empêchait de considérer ses comptes comme admissibles et le paiement de ses honoraires comme reposant sur un juste fondement.

Mais dès 2011, dans une série d’arrêts statuant sur les décisions des cours d'appel saisies sur renvoi après cassation par les arrêts précités du 27 mars 2008, la Cour de cassation a affirmé que dès lors que la rémunération du syndic n’avait pas fait l'objet d'un écrit et qu'aucun des procès-verbaux ne faisait mention d'une décision d'assemblée générale du syndicat des copropriétaires prévoyant la rémunération du syndic préalablement à l'accomplissement de sa mission, ce syndic devait rembourser le montant des honoraires qu’il avait perçus (Cass. civ. 3, 8 juin 2011 n° 09-71.214, FS-D N° Lexbase : A4995HT8 ; n° 09-71.215, FS-D N° Lexbase : A4996HT9 ; n° 09-71.216, FS-D, N° Lexbase : A4997HTA ; n° 09-71.217, FS-D N° Lexbase : A4998HTB ; n° 09-71.218, FS-D N° Lexbase : A4999HTC ; n° 09-71.219 FS-D N° Lexbase : A5000HTD ; n°09-71.220, FS-D N° Lexbase : A5001HTE ; n° 09-71.221, FS-D N° Lexbase : A5002HTG ; n° 09-71.222, FS-D N° Lexbase : A5003HTH ; n° 09-71.223, FS-D N° Lexbase : A5004HTI ; n° 09-71.224, FS-D N° Lexbase : A5005HTK ; n° 09-71.225, FS-D N° Lexbase : A5006HTL ; n° 09-71.226, FS-D N° Lexbase : A5007HTM  ; Cass. civ. 3, 19 octobre 2011 n° 10-20.019, 10-21.099, 10-21.505, FS-D N° Lexbase : A8755HYW).

La Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que l’irrégularité de la perception d’honoraires se prescrivait par trente ans en application de l’article 2262 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° du 17 juin 2008 et que le syndic ne pouvait prétendre à une compensation au titre des prestations dont avait bénéficié le syndicat (Cass. civ. 3, 11 décembre 2012 n° 10-27.909, 10-28.711, F-D N° Lexbase : A1071IZP).

Il a même été décidé que l'assemblée générale ne peut se reconnaître a posteriori débitrice du montant des rémunérations qu'elle a effectivement versées en exécution d’un contrat de syndic annulé, car puisque le syndic professionnel ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations de gestion immobilière, que celles dont les conditions sont précisées dans sa désignation ou dans un mandat écrit préalable, l'assemblée générale ne peut prendre une décision contraire à une disposition d’ordre public régissant la copropriété (Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-23.898, FS+P+B N° Lexbase : A9437N3W).

Et même si le syndicat connaît le caractère indu du paiement des honoraires au syndic en raison des l’irrégularité des décisions par lesquelles il a été désigné, ultérieurement annulées, il peut exercer une action en répétition de l’indu (Cass. civ. 3, 28 mars 2019 n° 17-26.128, F-D N° Lexbase : A7342Y73).

Cependant, dans une formulation subtile, la Cour de cassation a jugé que bien que l'assemblée générale, convoquée par un syndic dont le mandat était nul, faute d’ouverture d’un compte bancaire séparé au nom du syndicat, ait été annulée, la cour d'appel qui avait relevé qu’il n'en demeurait pas moins que le syndic avait accompli des actes de gestion permettant au syndicat des copropriétaires de payer les factures et de faire les appels de fonds, n’avait pas jugé que le syndic pouvait percevoir une rémunération au titre de son mandat annulé et en avait souverainement déduit que les copropriétaires, qui sollicitaient l’indemnisation du préjudice subi du fait de cette annulation, devaient être déboutés faute de justifier de ce préjudice (Cass. civ. 3, 13 septembre 2018 n°17-19.450, F-D N° Lexbase : A7725X4U).

La solution retenue par l'arrêt commenté est donc dans la continuité de la jurisprudence récente.

Pour autant le syndic dont le mandat est annulé est-il privé de toute indemnisation ?

Le syndic pourrait, pour obtenir une indemnisation, invoquer le principe de restitutions réciproques des prestations lors de l’annulation d’un contrat synallagmatique, comme l’a admis la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 16 janvier 2013 n° 11-28.022, F-D N° Lexbase : A4786I3N). En effet, saisie d’une demande de restitution des honoraires du syndic dont le mandat avait été annulé, cette chambre avait retenu que « la nullité d'un mandat exécuté entraîne des restitutions réciproques et que la partie qui a bénéficié d'une prestation en nature qu'elle ne peut restituer, doit s'acquitter d'une indemnité équivalente ».

Dans la présente espèce, le syndic peut-il encore faire cette demande alors qu’il ne l’a pas présentée dans l’instance en restitution de ses honoraires ? La troisième chambre civile de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi contre un arrêt ayant déclaré irrecevable la demande d’un syndic en fixation de ses honoraires sur le fondement des articles 1986 et 1999 du Code civil et, subsidiairement, de la gestion d'affaires ou de l'enrichissement sans cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités du 8 juin 2011 (Cass. civ. 3, 24 octobre 2019 n° 18-20.373, F-D N° Lexbase : A6478ZSQ), a, dans un arrêt purement procédural sur l’autorité de chose jugée et la concentration des demandes, estimé le syndic n'était pas tenu de présenter dès l'instance initiale une demande reconventionnelle en paiement des sommes qui lui seraient dues si la restitution des honoraires était ordonnée et que le syndic n’invoquait pas un nouveau moyen à l’appui d’une demande mais formait une nouvelle demande. Cependant, sur renvoi, la cour d'appel de Lyon, qui n’était saisie que de demandes au titre de la gestion d’affaires et de l’enrichissement sans cause, et pas de demande de restitutions réciproques, a, dans un arrêt du 15 septembre 2020 (CA Lyon, 15 septembre 2020, n° 19/08925 N° Lexbase : A72053TZ), débouté le syndic de sa demande.

Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation n’était pas saisie d’une telle demande du syndic d’indemnisation pour les prestations fournies et ne s’est donc pas prononcée sur la possibilité d’une telle indemnisation.

À retenir. Le syndic dont le mandat est annulé doit s’attendre à devoir rembourser le syndicat des copropriétaires des honoraires qu’il a perçus, mais le principe de restitutions réciproques lors de l’annulation d’un contrat synallagmatique pourrait lui permettre d’obtenir une indemnisation pour les prestations que le syndicat des copropriétaires ne peut lui restituer.

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Procédure administrative

[Point de vue...] Faire exécuter un jugement du tribunal administratif, une bagatelle ou un parcours du combattant ?

Lecture: 6 min

N1946B3H

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par Ugo Ivanova, avocat associé, cabinet IB Avocats

Le 25 Mars 2025

Mots clés : exécution des décisions • pétitionnaire • décision tacite • décision implicite • permis de construire


 

« Gagner un jugement, c’est obtenir raison, le faire exécuter, c’est obtenir justice ». La raison, M. C. l’a gagné depuis que le tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté de la Ville de Paris lui refusant de délivrer un permis de construire [1].

La justice, il l’attend encore.

Et pour cause, le tribunal, sur le fondement de l’article L. 911-2 du Code de justice administrative N° Lexbase : L7383LP7, a enjoint à la Ville de Paris de réinstruire la demande déposée par M. C. dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

Quatre mois se sont passés et aucune décision n’a été prise par la Ville de Paris en totale méconnaissance de l’injonction qui lui était pourtant faite. Cette dernière a toutefois fait appel de ce jugement devant le Conseil d’État, espérant que les juges du Palais-Royal viennent sauver l’arrêté de refus annulé par les premiers juges.

Qu’à cela ne tienne, la saisine du Conseil d’État n’étant pas suspensive de l’exécution d’un jugement, la Ville de Paris demeurait tenue par les termes du jugement du 2 mai 2024.

Quelles solutions sont alors à la disposition de M. C. pour que la raison et la justice se retrouvent ?

Force est de constater que lorsque l’injonction concerne une personne publique, en l’occurrence la Ville de Paris, la zone d’ombre est totale et l’insécurité juridique implacable.

Première solution, celle préconisée par les livres de droit, serait d’engager une procédure en exécution du jugement devant le même tribunal afin d’enjoindre, sous astreinte, la Ville de Paris à respecter le jugement rendu.

Souhaitant mettre toutes ses chances de son côté, M. C. a opté pour cette procédure, espérant une résolution rapide de son dossier, dont l’inertie de la Ville l’empêche de disposer d’un permis de construire dont tous les motifs de refus ont pourtant été annulés.

L’espérant fut de courte durée.

Une première injonction d’exécuter le jugement fut prononcée à l’encontre de la Ville de Paris le 15 janvier 2025 (avec une demande d’exécution introduite le 9 septembre 2024). Cette injonction, discrétionnaire et dénuée de tous documents communiqués, courait sur 2 mois.

Deux mois après, toujours aucune décision. L’omerta est alors totale.

M. C. relance alors encore le tribunal, lequel se contente d’effectuer un « rappel d’exécution du jugement » à la Ville de Paris en date du 19 mars 2025.

Sans astreinte toujours.

Le tribunal a alors informé Mr C. que si, passé ce délai, aucune exécution n’avait encore eu lieu, la procédure d’exécution rentrerait alors en phase « juridictionnelle », avec des délais similaires aux procédures ordinaires, soit presque deux années encore d’attente.

Trois ans donc en tout pour escompter simplement que la partie perdante honore le jugement rendu, le tout au préjudice absolu de la partie gagnante.

Cela n’étant manifestement pas satisfaisant, n’existe-t-il pas d’autres solutions ?

La première serait de considérer qu’en application de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L7651ACD, le pétitionnaire serait en droit de confirmer sa demande de permis de construire dans les six mois suivant la notification de l’annulation définitive. S’en suivrait alors l’ouverture d’un délai d’instruction et donc d’une décision implicite valant délivrance d’un permis de construire tacite.

Cette solution, quoique séduisante, n’en demeure pas moins également insatisfaisante.

En effet, et d’une part, dans le cas précis de M. C., compte tenu de l’existence en parallèle d’une procédure devant le Conseil d’État, aucune annulation définitive ne peut lui être notifiée.

D’autre part, cet article apparaît difficilement compatible avec un jugement ayant à la fois annulé le refus mais ayant également enjoint de ré-instruire la demande.

Une injonction de ré-instruction pourrait à cet égard rendre sans objet une demande de confirmation, « l’injonction a réinstruire la demande impose à l’administration d’être saisie de la demande sans que le pétitionnaire ne soit tenu de confirmer sa demande » [2].

Sauf si, précisément, une injonction à ré instruire emporterait les mêmes effets qu’une demande de confirmation au sens de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme, alors l’on pourrait en déduire des conséquences similaires, à savoir que l’injonction de 4 mois équivaudrait à un délai d’instruction emportant, dans le silence de l’administration, une délivrance tacite du permis de construire.  

Telle n’est toutefois pas la position retenue, pour l’heure, par le Conseil d’État, lequel retient, contre tout bon sens, que malgré le fait, en cas d’injonction par le juge, que le pétitionnaire ne serait pas tenu de confirmer sa demande, un délai de nature à faire naître une décision tacite ne peut commencer à courir qu’à compter de la confirmation de sa demande… [3].

Un revirement de jurisprudence apparaît ici impérieux et pour cause : s’il n’est pas tenu de confirmer sa demande, pourquoi la confirmerait-elle étant donné que l’administration est déjà tenue de connaître de sa demande et de l’instruire à nouveau ? Plus encore, si l’administration est tenue d’instruire à nouveau la demande ayant été injustement rejetée, en quoi la nature de cette instruction se différencie-t-elle d’une instruction « classique » prévue par l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme ?

Le Conseil d’État pourrait à ce titre s’inspirer du jugement du tribunal judiciaire de Caen, lequel a retenu que lorsque l’injonction est prise en application de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, « les conditions de l’article L. 600-2 sont réputées satisfaites » [4].

Une bonne administration de la justice imposerait que ce jugement soit étendu à l’injonction prononcée par l’article L. 911-2 du Code de justice administrative et donc que le délai de « ré-instruction » puisse avoir les mêmes effets qu’un délai « d’instruction ».

La seconde solution, qui est en réalité un « mixte » des difficultés de la première, serait d’accompagner la demande d’exécution du jugement devant le tribunal administratif d’une demande de confirmation au visa de l’article L. 911-2 précité, et ce quand bien même aucune décision définitive n’existerait encore.

Cela permettrait au pétitionnaire victorieux de bénéficier soit d’un permis tacite en application de cet article soit d’un permis express suite à l’injonction prononcée par le juge de l’exécution.

En réalité et en synthèse, le pétitionnaire ayant réussi à obtenir gain de cause et faire ainsi annuler un refus de permis de construire n’aurait-il pas mieux fait de ne pas solliciter l’application de l’article L. 911-2 du Code de justice administrative afin de se contenter de confirmer sa demande au visa de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme ?

Des précisions du Conseil d’État sur ce point apparaissent en tout état de cause impératives afin d’éclaircir le modus operandi permettant de rendre effective une décision d’annulation d’un refus de permis de construire.

 

[1] TA Paris, 2 mai 2024, n° 2226869 N° Lexbase : A91025AD.

[2] Voir en ce sens, CE, 28 décembre 2018, n° 402321 N° Lexbase : A8462YRT.

[3] Voir en ce sens CE, 20 juillet 2023, n° 467318 N° Lexbase : A08061CT.

[4] Voir TA Caen, 15 mars 2023, n° 2101302 N° Lexbase : A10649IA.

newsid:491946

Procédure pénale

[Questions à...] Comment vaincre la prescription dans l'affaire « Bétharram » ? Questions à Lore Marguiraut, avocate au barreau de Pau

Lecture: 8 min

N1904B3W

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Le 20 Mars 2025

Mots clés : violences scolaires • prescription • viol • forclusion • enquête

La prescription, si elle est un élément essentiel de la procédure pénale, peut aussi aboutir à ce que des victimes qui ont mis du temps à se libérer de la honte d’avoir subi des actes traumatisants voient leur parole étouffée et leurs témoignages devenus inutiles, au moins dans la condamnation des criminels. C’est particulièrement le cas dans des affaires relatives aux traumatismes vécus pendant l’enfance, comme dans l'affaire « Bétharram », du nom de cet établissement où auraient eu lieu des sévices de la part de l’encadrement éducatif pendant des décennies, qui fait actuellement la une des journaux. Pour savoir comment se sortir de cette impasse, Lexbase a interrogé Lore Marguiraut, avocate de plusieurs victimes de ces violences*.


 

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les problématiques juridiques afférentes à l'affaire « Bétharram » ?

Lore Marguiraut : Les victimes de l’affaire « Bétharram » sont confrontées à deux obstacles majeurs.

En premier lieu, certains mis en cause sont décédés. C’est notamment le cas du père Carricart, directeur de l’établissement accusé de viols, qui s’était suicidé en 1998 lors de sa mise en examen. L’article 6 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1116H44 prévoit expressément l’extinction de l’action publique à la mort de l’auteur des faits.

En second lieu, l’immense majorité des faits reportés est prescrite. Les enquêteurs ont tenté d’appliqué le principe de « prescription glissante » : le délai de prescription d’un viol sur un enfant peut être prolongé si la même personne viole ou agresse sexuellement par la suite un autre enfant, jusqu'à la date de prescription de cette nouvelle infraction. Ce mécanisme favorable aux victimes mineures avait été créé par la loi « Schiappa » de 2018 (loi n° 2018-703 du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6492MSA). La Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé le 17 mars 2021 [1] que cette loi, de nature interprétative, pouvait s’appliquer aux procédures en cours de manière rétroactive.

Lexbase : Quel rôle y joue le principe de la prescription ? N'est-il pas un obstacle à la reconnaissance de la parole des victimes ?

Lore Marguiraut : L’affaire « Bétharram » est paradoxale. Les victimes n’ont jamais été aussi écoutées que depuis que leur action a été déclarée prescrite, pour l’immense majorité d’entre elles.

Rappelons qu’en 2024, un important travail d’enquête avait été engagé par le ministère public. Les enquêteurs ont reçu et étudié plus d’une centaine de plaintes. L’effet extinctif de la prescription a limité la suite des poursuites à un seul auteur encore condamnable. 

De manière extra-judiciaire, une Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a été constituée pour recueillir la parole des victimes, puis leur proposer une réparation symbolique et forfaitaire. De son côté, la Congrégation religieuse de Bétharram a enfin réagi. Elle vient de décider qu’une commission d’enquête indépendante, confiée à l’Institut Louis Joinet, établirait le bilan des violences physiques et sexuelles subies par les élèves de cet établissement.

Ces commissions, inspirées de la justice transitionnelle, démontrent que l’expiration d’un délai de prescription ne signifie pas qu’enquêter est impossible ; ne signifie pas que les éléments de preuve ont disparu ; encore moins que le trouble à l’ordre public aurait disparu.  

Cela nous amène à questionner notre système procédural. Le Conseil constitutionnel avait rappelé [2] qu’il appartenait au législateur de « fixer des règles relatives à la prescription de l'action publique qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions ». Dans le cas de victimes de viols, notamment mineures, nous ne pouvons que nous interroger sur la pertinence des délais pénaux en vigueur. Tout conseil de victimes sait très bien que le psychotraumatisme peut engendrer des mécanismes de survie et de déni fondamentalement incompatibles avec une procédure pénale ; cette procédure étant synonyme de confrontation directe au violeur.   

Conscients de cela, deux constats s’imposent. Il est absurde de fixer le point de départ du délai au moment de la majorité de la victime. La majorité n’a rien à voir avec la capacité individuelle à surmonter un traumatisme. D’autre part, la prescription actuelle impose à la victime de surmonter l’insurmontable dans des délais décorrélés de son état de santé.

Lexbase : Quels autres recours s'ouvrent aux victimes même si les faits sont prescrits ?

Lore Marguiraut : Deux recours s’ouvrent aux victimes, nonobstant la prescription pénale des faits, au travers du droit civil ou de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.

La responsabilité civile, prise en sa branche corporelle, propose un système de prescription bien plus adapté aux victimes que le droit pénal.

Premièrement, le point de départ du délai est fixé au moment de la consolidation de l’état de santé de la victime, c’est-à-dire au  moment où elle se stabilise, avec ou sans séquelles. Un grand nombre de victimes de violences sexuelles n’ont jamais été consolidées : il aurait fallu pour cela que le traumatisme soit révélé et pris en charge. Le délai n’est alors jamais parti.

Deuxièmement, l’article 2226 du Code civil N° Lexbase : L7212IAD allonge la prescription d’un dommage corporel de dix à vingt ans en cas de violences sexuelles sur mineur.

En troisième et dernier lieu, une aggravation de l’état de santé fait partir un nouveau délai de prescription, permettant la réouverture de dossier. En pratique, un dépôt de plainte cause souvent une décompensation des séquelles psy, ce qui aboutit à une aggravation médicalement constatable de l’équilibre psychologique, et donc à une possible réouverture du dossier.

La Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) est également un recours intéressant. La saisine de la Commission est notamment conditionnée par des délais de forclusion. Contrairement à la prescription, la forclusion ne s’interrompt pas. Elle peut seulement être prorogée. Les victimes se voient proposer un double délai, le plus favorable s’appliquant.

Les demandeurs peuvent saisir la Commission dans l’année de la dernière décision juridictionnelle, statuant sur la culpabilité ou sur les intérêts civils [3]. Une décision de classement sans suite n’est pas une décision au sens de l’article 706-5 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3271MKD [4]. Dans le cas de l’affaire « Bétharram », l’enquête est encore en cours : il est loisible d’en conclure que le délai est prorogé durant les actes d’enquête [5].

Les demandeurs peuvent également saisir la Commission dans les trois ans des faits subis.

Si ces deux délais sont expirés, l’action est forclose. Il reste toutefois possible de solliciter un relevé de forclusion, conformément à l’article 706-5 du Code de procédure pénale. Cet article permet à la Commission de relever le demandeur de la forclusion, s’il démontre ne pas avoir été en mesure de faire valoir ses droits. Cet empêchement peut être de différentes natures.

La cour d’appel d’Orléans a ainsi confirmé le relevé de forclusion en faveur d’une victime dans « l’impossibilité psychologique » d’engager un processus juridique [6]. La cour précisait dans cet arrêt que l’impossibilité n’avait pas à revêtir de caractère absolu ; caractère absolu qui n’était pas requis par les termes de l’article 706-5 du Code de procédure pénale.

De même, il est possible d’obtenir un relevé de forclusion si la victime a été dans l’impossibilité juridique de faire valoir ses droits. La Commission est attentive au parcours du requérant : celui-ci a-t-il consulté un avocat, a-t-il été entendu par des enquêteurs, une décision a-t-elle été rendue par un magistrat ? Si le requérant avait été informé de ses droits, ou plus strictement s’il aurait dû l’être, notamment par son conseil, alors la forclusion demeurera acquise [7].

Lexbase : Comment envisagez-vous les suites de l'affaire ? Y a-t-il de bonnes chances de voir les coupables condamnés ?

Lore Marguiraut : Concernant la réparation des dommages corporels des victimes de Bétharram, j’ai déposé une première requête devant la CIVI.

Au-delà de cette requête individuelle, la plupart des plaignants n’avaient jamais été entendus par la justice avant 2024, ce qui laisse présumer une prorogation du délai de forclusion.

En tout état de cause, les victimes ont subi des faits d’une extrême gravité. L’impact sur leur état de santé serait de nature à justifier un empêchement d’agir, et donc à obtenir un relevé de forclusion devant la Commission.

Les éléments présentant le caractère matériel d’une infraction, fondant leur demande, pourraient être tirés des enquêtes préliminaires et des travaux des Commissions extra-judiciaires.

Sur le volet civil, il serait intéressant de creuser la question de l’identité de la personne morale responsable au moment des faits, et de sa subsistance à l’heure actuelle. Une fois le rapport commettant-préposé débattu, le délai de prescription de vingt ans courant à compter de la consolidation pourrait ne pas être achevé, le cas échéant. C’est une piste de secours à explorer au besoin.

Concernant la condamnation des auteurs des faits dans l’affaire « Bétharram », l’instruction est en cours pour un seul mis en cause ; cela implique que des indices graves ou concordants existent à l’égard des faits qui lui sont reprochés. Cela signifie en outre que ces faits ne sont pas prescrits au pénal. Pour répondre à votre question, ces éléments procéduraux me laissent penser qu’en effet, il y a des chances que cet auteur, seul, soit condamné.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public.


[1] Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-86.318, FS-P+I N° Lexbase : A24634LS.

[2] Cons. const., décision n° 2019-785 QPC, du 24 mai 2019 N° Lexbase : A1992ZCR.

[3] CA Paris, pôle 2, ch. 4, 16 février 2011, n° 10/01539 N° Lexbase : A6554HQS.

[4] Cass. civ. 2, 30 septembre 1981, n° 81-13015, publié au bulletin N° Lexbase : A5754CKC.

[5] Cass. civ. 2, 30 septembre 1981, n° 81-13015, préc.

[6] CA Orléans, 29 juin 2015, n° 14/02098 N° Lexbase : A2537SHG.

[7] CA Rouen, 29 mars 2006, n° 05/02493 N° Lexbase : A0856G34.

newsid:491904

Procédure pénale

[Dépêches] La demande d’aide juridictionnelle n’interrompt pas le délai accordé au demandeur pour le dépôt de son mémoire personnel

Réf. : Cass. crim., 12 mars 2025, n° 24-83.713, F-B N° Lexbase : A525364C

Lecture: 1 min

N1936B34

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par Pauline Le Guen

Le 24 Mars 2025

► En l’absence de dérogation accordée par le président de la Chambre criminelle, le délai d’un mois après la déclaration de pourvoi accordé au demandeur condamné pour faire parvenir à la Cour un mémoire personnel à l’appui de son recours n’est pas suspendu ni interrompu par le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle. 

Après avoir été poursuivi et condamné pour recel de vol, un homme s’est pourvu en cassation. Il a ensuite demandé à bénéficier de l’aide juridictionnelle, qui lui a été refusée, avant de déposer au greffe de la Cour de cassation un mémoire personnel à l’appui de son pourvoi. Néanmoins, le dépôt du mémoire est intervenu plus d’un mois après la date du recours. 

La Haute juridiction vient alors souligner que le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, en l’absence de dérogation accordée par le président de la Chambre criminelle, n’a pas pour effet de suspendre ou d’interrompre le délai d’un mois que prévoit l’article 585-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3972AZ7, ouvert au demandeur condamné pénalement pour faire parvenir à la Cour de cassation son mémoire personnel, à l’appui de son pourvoi. Dès lors, le mémoire déposé après l’expiration de ce délai est irrecevable comme tardif. 

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