La lettre juridique n°378 du 14 janvier 2010

La lettre juridique - Édition n°378

Éditorial

Google Books : l'arbre à papier qui cache la forêt numérique

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Une entreprise mystificatrice puisqu'elle revient à placer entre toutes les mains les substituts symboliques de privilèges éducatifs et culturels" ! Des mots qui raisonnent jusqu'à notre époque ; des mots qui ont été écrits par Hubert Damisch dans le Mercure de France, lors de la sortie... des premiers Livres de Poche en 1953 ; des mots qui siéraient bien à la polémique azimutée autour de la numérisation du patrimoine littéraire et scientifique mondial orchestrée par Google ; une polémique qui fait rage pour des considérations de droit d'auteurs, mais pas uniquement. C'est tout une nouvelle conception de l'accès au savoir, du rôle des éditeurs, de celui des bibliothécaires, voire de la perception de sa propre oeuvre par l'auteur, qui s'égraine à l'approche de ce qui n'apparaissait, à l'origine, que comme une solution technologique aux multiples avantages.

Au commencement, c'est-à-dire en décembre 2004, il y eu le Verbe : "print" (imprimer). Le projet s'appelait, alors, Google Print ; la firme de Mountain View entendait uniquement numériser le plus possible d'ouvrages, d'abord tirés des étagères des bibliothèques américaines, puis de l'ensemble du monde, afin de les proposer via son moteur de recherche. Et, finalement, en numérisant un maximum de livres et en les proposant sur sa plateforme dédiée, Google permettait, à tout un chacun, d'imprimer son ouvrage ou un extrait d'ouvrage et démocratisait, semble -t-il, l'accès à ces livres ; des livres parfois enterrés à côté de vieux grimoires inamovibles -au sens propre- des bibliothèques d'Harvard ou de Stanford !

Mais, avec près de 8 millions d'ouvrages scannés dont 10 % d'ouvrages francophones, les ambitions de Google sont, désormais, tout autre. Google Print est devenu Google Books ou Google Livres (pour sa version francophone). La sémantique est d'importance, elle affiche clairement une ambition plus vaste : d'une part, assurer l'accès gratuit aux livres du monde entier sur une même plateforme, le modèle économique reposant, comme traditionnellement pour Google, sur les recettes publicitaires y associées ; et, d'autre part, commercialiser directement des ouvrages -à l'image de plateformes mondiales de librairie comme Amazon- en attendant d'être le premier éditeur numérique mondial. Et, ce ne serait pas la première fois que la firme américaine s'essaierait à d'autres métiers que celui de proposer le premier moteur de recherche sur internet, puisque après avoir cartographié la Terre -et les océans- (Google earth), répertorié nos vidéos (YouTube), et s'être "essayé" à la téléphonie mobile (Nexus one), Google souhaite, naturellement, commercer notre "savoir" et notre culture, et n'entend pas se restreindre au rôle de simple "publisher". "Le véritable auteur d'un livre est celui qui le fait publier" nous livre Jules Renard.

Et, comme souvent, l'argumentaire juridique monte immédiatement au créneau pour temporiser, si ce n'est contrarier, ce processus -inéluctable ?- de numérisation des livres. Scanner les ouvrages sans l'accord des auteurs ou de leurs ayant droits attente nécessairement au droit de la propriété intellectuelle. Entendu ! La firme concocte, d'ores et déjà, des accords avec les syndicats des éditeurs de chaque pays concernés, afin que chacun y trouve son compte. Peine perdue diriez-vous : l'accord américain semble battre de l'aile, car il n'est toujours pas validé par les autorités fédérales ; et l'Europe freine des quatre fers devant l'ambition monopolistique -de fait, puisque personne ne semble vouloir s'essayer au même projet pharaonique- du géant américain, bien que, ici ou là, on tente, comme la Bibliothèque nationale de France, de trouver un accord respectueux des droits d'auteurs français, tout en s'attachant les vertus de la numérisation gratuite -puisque faite à bon compte sur le dos d'un opérateur commercial et non sur les deniers publics- et les vertus de la conservation inaltérable des ouvrages les plus anciens comme les plus récents. Et, l'argumentaire français, tel que déployé avec succès par les Editions La Martinière auprès du tribunal de grande instance de Paris le 18 décembre dernier, de s'enrichir, avec succès, d'une nouvel oriflamme : l'atteinte au droit moral -spécificité du vieux continent- en ce que Google tronque partiellement par un bandeau de papier, de manière aléatoire, l'extrait de l'ouvrage affiché. Alors, Google fait appel de la décision et communique : "Ce jugement, s'il était confirmé, risquerait de pénaliser de facto les internautes français en les privant de l'accès à une partie du patrimoine littéraire français". "Il pourrait aussi pénaliser les éditeurs d'une opportunité de promotion de leurs ouvrages et de développement de leurs ventes".

Mais, le syndicat national de l'édition (SNE) le répète à qui veut l'entendre : un accord avec la firme de Mountain View est envisageable, comme aux Etats-Unis d'ailleurs, mais sur la base du droit français de la propriété intellectuelle et non du fair use californien, et sur la base de l'accord préalable des auteurs et des ayant droits, autrement dit pas à leur insu, et par conséquent moyennant, sans aucun doute, le paiement de droits complémentaires.

Ainsi, comme en réponse à un quelconque dommage patrimonial et moral, la solution serait-elle uniquement pécuniaire ? Nous l'avons dit précédemment : souvent l'argument juridique monte en première ligne afin de cacher l'arsenal des contrariétés plus profondes que suscite le bouleversement d'une migration numérique de l'édition.

A la lumière d'une conférence organisée le 8 janvier dernier, sur la question, par la BNF et plusieurs universités françaises, nous décelons ainsi plusieurs observations auxquelles, à court ou moyen terme, la "chaîne" du livre devra répondre avec la migration progressive de l'édition papier vers l'édition numérique.

Première observation : en numérisant simplement des livres et en proposant le produit de cette numérisation sur une plateforme internet, l'on pourrait penser que Google ne fait qu'ériger une base de données neutre, sans ligne éditoriale, comprenant un maximum de contenus culturels et scientifiques. A ceci près, que, pour une entreprise à vocation commerciale, le filtre ne peut pas être neutre : tout simplement parce la plateforme sera financée par des entités commerciales avides de promouvoir des biens de consommation parfois, et sûrement, en lien étroit avec les ouvrages en ligne, pire avec les "caractères commerciaux primaires et secondaires" que l'internaute, avide consommateur, aura pris soin, à son insu, de disséminer à la suite de ses multiples consultations. L'intérêt commercial rejoint difficilement l'intérêt public, si ce n'est au travers de partenariats publics-privés aux objets bien définis, aux objectifs contraignants pour l'entité commerciale, comme préconisé par le rapport "Tessier" remis mardi 12 janvier 2009.

Deuxième observation : en numérisant un maximum de livres, sans distinction de leur intérêt culturel, scientifique ou sociétal, et en permettant l'accès égalitaire -et non hiérarchisé- à l'ensemble des données, la firme américaine nivelle nécessairement les savoirs et contenus littéraires et scientifiques sur la même ligne d'horizon : autrement dit avec Google Books, toutes les oeuvres se valent. Il existe, pourtant, un indicateur de pertinence : le nombre de consultations. Est-ce à dire que le dernier Marc Lévy contribue à l'édification des savoirs et de la civilisation autant que l'Etique à Nicomaque, dont les ventes ne ressuscitent que lorsque l'oeuvre d'Aristote est inscrite au programme du bac littéraire de l'année ! Plus sérieusement, il est certain que toutes les oeuvres ne se valent pas d'un point vue intellectuel, artistique ou scientifique ; que le critère de hiérarchisation ne peut être celui du nombre de consultations ; et, que ce critère ne peut pas non plus, dans l'intérêt public, être celui des sociétés commerciales faisant de la publicité sur la plateforme... Et ce d'autant plus quand il s'agit, ni plus ni moins, de reconstituer le patrimoine culturel, pour ne pas dire civilisationnel, de l'Humanité. Ce rôle de filtre, de hiérarchisation, de mise en valeur est traditionnellement celui des éditeurs et des bibliothécaires... Quelle place leur réserve la numérisation à tout va et les bases de données littéraires et artistiques ?

Troisième observation : à l'image du génome humain, imagine-t-on une firme commerciale détenir l'entièreté des gènes du patrimoine culturel mondial que constituent les livres ? Et ce de manière monopolistique ? La réponse à cette question coule de source : la position dominante de Google sur le terrain de la numérisation des livres, du fait de son moteur de recherche, de son avance technologique et de ses moyens financiers laisse plus que songeur devant l'impérieuse nécessité de mutualiser la conservation et le recensement du patrimoine culturel mondial et ce faisant, modestement, des civilisations à travers les âges ! Tel était le rôle confié aux bibliothèques nationales ou municipales, aux médiathèques et aux Universités : mais aucune n'avait le monopole de la sélection, de la conservation et de la rediffusion à cours, moyen et long terme des savoirs. La responsabilité sociétale aurait été bien trop grande. S'agit-il désormais de confier cette immense responsabilité à un seul opérateur... qui plus est commercial ? C'est un peu comme si l'UNESCO devenait une entreprise commerciale...

L'affaire n'est, décidément, pas simple : d'un côté la nécessité de numériser pour archiver, conserver les livres, alors que les volumes sont immenses et les moyens consacrés, malgré le Grand emprunt, dérisoires -toute proportion gardée (753 millions d'euros)- ; de l'autre, des impératifs juridiques, un besoin de respect de l'intégrité de l'oeuvre auxquels s'associe, en arrière plan, une main mise commerciale sur le patrimoine intellectuel et artistique de l'Humanité.

Mais après tout, Sartre ne règle-t-il pas la question en s'interrogeant, toujours sur le Livre de Poche, dans Les Temps modernes : "[Ces livres] sont-ils de vrais livres ? Leurs lecteurs sont-ils de vrais lecteurs ?". Le lecteur de Google Books sera-t-il le même que le lecteur d'ouvrage édité ? La consultation équivaut-elle à la lecture ?

Et, Anatole France de surenchérir dans la relativisation de toute cette controverse : "A l'époque actuelle on fait grand cas des livres. Les livres ne sont faits que de mots. Les mots ne valent que par des idées. Les idées ont une origine qui ne peut s'exprimer par des mots".

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État civil

[Jurisprudence] Quand le Conseil d'Etat protège la compétence du législateur et l'intégrité de la langue française

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 4 décembre 2009, n° 315818, Mme Lavergne (N° Lexbase : A3331EP3)

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par Frédéric Dieu, Rapporteur public près la cour administrative d'appel de Marseille

Le 07 Octobre 2010

Par une décision du 4 décembre 2009, le Conseil d'Etat a sanctionné non seulement une méconnaissance des prérogatives du législateur, mais encore une hérésie grammaticale. Les auteurs de la circulaire, ainsi, annulée par cette décision, avaient, en effet, imposé aux parents souhaitant transmettre à leur enfant leur double nom d'insérer entre leurs noms respectifs un double tiret. Or, une telle insertion, dès lors qu'elle incorporait au nom de famille un signe distinctif, conduisait à édicter une obligation dans une matière, l'état civil, par nature réservée au législateur. L'on peut raisonnablement penser que ce double tiret, signe inapproprié mais bien plus encore inexistant, est voué à l'abandon. I - Une audace graphique et normative...

A - Le double nom : une innovation issue de l'abandon du modèle patronymique

1 - Principe et choix du double nom

Jusqu'à l'intervention de la loi du 4 mars 2002, relative au nom de famille (loi n° 2002-304 N° Lexbase : L7970GTD), prévalait en France, en matière de transmission du nom, le modèle patronymique qui consistait, en vertu d'une règle apparue au Moyen-âge et consacrée par l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, à attribuer systématiquement à l'enfant le nom de son père. Avant d'être (presque) abandonné par le législateur français, ce principe avait été remis en cause par la Cour européenne des droits de l'Homme qui, sur le fondement des stipulations de l'article 8 (N° Lexbase : L4798AQR) (protégeant le droit au respect de la vie privée) et de l'article 14 (N° Lexbase : L4747AQU) (prohibant toute discrimination fondée, notamment, sur le sexe) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, a estimé que la transmission du nom ne pouvait conduire à une telle discrimination consistant, en l'espèce, à sélectionner en principe le nom du mari pour attribuer le nom de famille (1). Non conforme, donc, aux stipulations de cette Convention, la règle de la transmission du nom paternel était, en outre, probablement contraire à la Constitution, l'article 3 du Préambule de la Constitution de 1946 (intégré au "bloc de constitutionnalité") disposant que "la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme".

Pour ces raisons, la loi du 4 mars 2002 a, substituant à la notion de nom patronymique celle de "nom de famille", permis aux parents, lors de la déclaration de naissance de l'enfant (ou lors de sa reconnaissance), de transmettre à celui-ci soit le nom du père, soit celui de la mère soit encore le "double nom" de ceux-ci, c'est-à-dire le nom composé des noms de chacun des parents "accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite, toutefois, d'un nom de famille pour chacun" (C. civ., art. 311-21 N° Lexbase : L8864G98). Ce même article dispose qu'en l'absence d'une déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prendra le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu, et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre : cette dernière hypothèse marque, ainsi, nous y reviendrons, une persistance résiduelle du modèle patronymique. L'article 311-21 dispose, enfin, que, lorsque les deux parents, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, il leur est loisible, par déclaration écrite conjointe, de ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants, ce nom pouvant être indifféremment celui du père ou de la mère. En bref, le nom de famille, à la différence du nom patronymique qui est, par définition, le nom du père, peut être indifféremment le nom du père, le nom de la mère, le nom du père suivi du nom de la mère, ou encore, le nom de la mère suivi du nom du père, étant précisé que le nom ainsi attribué au premier enfant est, ensuite, automatiquement attribué aux autres enfants. A la différence du nom patronymique, le nom de famille peut, ainsi, être double, c'est-à-dire constitué de deux noms.

2 - La nécessaire distinction entre double nom et nom composé

Le régime de transmission des doubles noms est, en outre, spécifique et distinct, en particulier du régime de transmission des noms composés. Ainsi, lorsque deux personnes elles-mêmes dotées d'un double nom ont un enfant, elles peuvent, soit, en application des dispositions de l'article 311-21 du Code civil, décider par déclaration conjointe de la transmission d'un seul nom à leur enfant, soit transmettre le double nom du père, le double nom de la mère, ou encore, choisir, dans l'ensemble des quatre noms composant leurs doubles noms respectifs, deux noms "simples" qui composeront le nom "double" de leur enfant (2). La transmission des doubles noms se caractérise, ainsi, par l'application d'un principe de divisibilité, le double nom étant, par définition, un nom sécable, susceptible d'être recomposé à chaque génération selon le souhait des parents, dans la limite de deux noms simples accolés et ce, dans le souci légitime d'éviter de constituer progressivement des noms interminables.

En cela, la transmission des doubles noms suit des règles en tout point différentes de celles qui s'appliquent à la transmission des noms composés. Les noms composés, notion qui regroupe trois catégories de noms (noms composés de plusieurs vocables acquis pendant plusieurs générations par une seule lignée tels que "Drieu La Rochelle" ou "Desbordes-Valmore", noms à particule tels que "de Maistre", noms résultant de l'adjonction du nom de l'adoptant à celui de l'adopté à l'issue d'une adoption simple), les noms composés, donc, constituent des entités uniques, indivisibles, qui doivent être transmises dans leur intégralité, sans césure, raccourcissement ou recomposition possible. Le double nom au sens de la loi du 4 mars 2002 peut, ainsi, fort bien être formé du nom composé du père et du nom composé de la mère, pour donner un nom de famille comportant au moins quatre mots (par exemple "Drieu la Rochelle Desbordes-Valmore").

La loi du 4 mars 2002 a, ainsi, entraîné la coexistence de deux régimes juridiques obéissant à des règles différentes de transmission. Or, ces deux régimes s'appliquent à des noms certes différents quant à leur origine "historique", mais qui n'en sont pas moins semblables quant à leur aspect formel. Comment en effet distinguer le nom de famille (Dupond Dupuis) formé de deux noms simples qui pourront être disjoints lors de la naissance du premier enfant (Dupond Dupuis pouvant céder la place à Dupond ou Dupuis), du même nom de famille formé d'un seul nom composé qui subsistera toujours dans son intégralité (Dupond Dupuis restant toujours Dupond Dupuis) ?

B - Le double tiret : une création qui devait s'imposer tant aux parents qu'à l'administration

1 - Définition et justification du double tiret par la circulaire du 6 décembre 2004

Pour parer à cette possible confusion, la circulaire interministérielle de présentation de la loi du 4 mars 2002, avait décidé de créer un nouveau signe typographique qui devait s'appliquer spécifiquement aux doubles noms issus de cette loi, afin de les distinguer des noms composés issus de l'histoire, et préexistant donc à cette loi. La circulaire prévoyait, ainsi, que les noms composant le double nom devaient être séparés l'un de l'autre par le signe "- -". Ainsi, le double nom est "constitué par le nom accolé de chacun des parents, identifiable par le séparateur - -' placé entre le nom issu de la branche paternelle, et celui issu de la lignée maternelle qui le forment". La circulaire ajoutait "qu'à l'instar du simple tiret, ce signe n'a de manifestation qu'à l'écrit et ne se prononce pas" (son rédacteur a-t-il envisagé, ne serait-ce que quelques secondes, que quelqu'un pourrait se hasarder à prononcer un tel signe ?). Cette référence au "simple tiret" permettait de qualifier ce séparateur "- -" de "double tiret", expression qui avait, d'ailleurs, ensuite été adoptée par les services de l'état civil. Bien qu'elle opérât une confusion entre les valeurs respectives du tiret (signe de ponctuation) et du trait d'union (signe lexical ou syntaxique), la circulaire permettait de distinguer, parmi les noms de famille formés des mêmes vocables, le double nom au sens de la loi du 4 mars 2002 (Dupond--Dupuis par exemple) du nom composé (Dupond Dupuis ou Dupond-Dupuis). Ce faisant, elle permettait de "marquer une union qui n'était pas une unification" (3), puisqu'à la différence du nom composé dont les éléments sont, en principe, à jamais indissociables, le nom de famille double pourra toujours, à la génération suivante, subir l'amputation de l'un de ses vocables ou éléments, de sorte que pour ce nom double, le principe d'immutabilité du nom, loin d'être trans-générationnel, ne vaut que pour une seule génération.

Or, ce double tiret, loin de n'être qu'une licence et une audace typographiques, avait une véritable valeur juridique : le projet de circulaire initialement communiqué (faute de document définitif) aux officiers de l'état-civil lors de leur formation indiquait, ainsi, qu'il devait être regardé comme faisant "partie intégrante du nom de famille", ajoutant que "son absence paraît modifier la nature juridique du nom et, ce faisant, la faculté de transmission aux générations futures" (4). En effet, l'omission de ce double tiret a pour conséquence que le double nom en cause ne peut plus être distingué d'un nom composé, et qu'il doit donc obligatoirement être transmis dans son intégralité. Autrement dit, l'absence du double tiret ôte au double nom son caractère sécable, qui est sa spécificité majeure.

2 - Un signe dont l'absence devait être sanctionnée

Rendu obligatoire par la circulaire du 6 décembre 2004, le double tiret devait s'imposer tant aux parents qu'à l'administration et, en particulier, aux officiers d'état civil. A cet égard, la circulaire indiquait que, dans l'hypothèse où les parents auraient omis de faire figurer ce séparateur dans leur déclaration conjointe de choix de nom, il appartiendrait à l'officier d'état civil de le porter d'office sur l'acte de naissance. La circulaire ajoutait que, dans l'hypothèse où l'officier d'état civil aurait omis de faire figurer le double tiret dans le double nom, il appartiendrait au Procureur de la République de faire procéder à la rectification de l'acte de naissance sur le fondement de l'article 99 du Code civil (N° Lexbase : L3662ABA). Elle indiquait enfin que, dans l'hypothèse où les parents se seraient opposés à l'insertion de ce "séparateur" dans le double nom de leur enfant, il incomberait, alors, à l'officier d'état civil d'écarter le choix de double nom fait par les parents, et de faire application des règles supplétives de dévolution du nom prévues à l'article 311-21 du Code civil, pour le cas où les parents choisissent de ne pas faire usage de la possibilité offerte par la loi du 4 mars 2002, ces règles supplétives étant marquées par la persistance résiduelle du modèle patronymique.

En imposant l'adjonction du double tiret et en sanctionnant son omission, la circulaire du 6 décembre 2004 comportait donc des dispositions impératives à caractère général. Or, de telles dispositions, tout comme le refus de les abroger, font grief et peuvent, en conséquence, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (5).

II -... Probablement vouée à l'abandon

A - Une circulaire ayant méconnu les prérogatives du pouvoir législatif

1 - L'ajout par la circulaire d'un signe non prévu par l'article 311-21 du Code civil

Dans une réponse ministérielle du 14 mai 2009 (6), la ministre de la Justice avait estimé que l'introduction du double tiret par la circulaire du 6 décembre 2004 ne constituait pas "une règle de droit nouvelle, mais une simple mesure technique, nécessaire à la bonne application de la loi, afin d'en assurer l'application uniforme sur l'ensemble du territoire". Le Conseil d'Etat, dans sa décision du 4 décembre 2009, a infirmé cette qualification de "simple mesure technique", pour souligner le caractère général et impératif, et donc créateur de droit, de cette circulaire, dont les dispositions sont contraignantes tant pour les parents, que pour l'administration chargée de l'état civil.

Le Conseil relève, à cet égard, que les doubles noms issus de la loi du 4 mars 2002, doivent être obligatoirement séparés par un double tiret, et que ce signe peut être inscrit d'office et d'autorité sur l'acte de naissance par le procureur de la République. Le Conseil relève, en outre, qu'en cas d'opposition des parents à l'adjonction de ce signe, l'officier d'état civil doit leur refuser l'utilisation et l'attribution à leur enfant du double nom. Le Conseil estime, cependant, que "l'administration ne pouvait, par circulaire, soumettre l'exercice d'un droit prévu et organisé par la loi et par le décret en Conseil d'Etat auquel elle renvoie pour son application, à l'acceptation, par les parents, de cette adjonction au nom de leur enfant d'un signe distinctif, alors que la loi prévoyait uniquement d'accoler les deux noms, sans mentionner la possibilité d'introduire entre les deux des signes particuliers". Le Conseil d'Etat en conclut que la circulaire du 6 décembre 2004 "est entachée d'incompétence en tant qu'elle impose le double tiret aux porteurs d'un nom double", choisi en application des dispositions de la loi du 4 mars 2002.

L'on voit donc que le Conseil d'Etat a retenu la qualification de double tiret qui, nous l'avons vu, ne figure pas en tant que telle dans la circulaire. Relevons que, dans ses conclusions sous cette décision, B. Bourgeois-Machureau parle de "deux traits d'union successifs", avant d'utiliser, également, l'expression de "double tiret". C'est, qu'en effet, selon le point de vue adopté, strictement graphique ou plutôt sémantique, le signe créé par la circulaire du 6 décembre 2004 peut être qualifié tantôt de tiret, et tantôt de trait d'union. La décision du 4 décembre 2009 a retenu une conception graphique de ce signe, tout en soulignant que son utilisation, loin d'être neutre, avait des effets sur l'état civil des personnes concernées. Autrement dit, le double tiret s'incorpore bien au nom de l'enfant : de manière quelque peu paradoxale, il est un signe qui s'ajoute au nom de famille (double nom) de l'enfant, afin d'en séparer les deux composantes (nom du père et nom de la mère). Dès lors, en effet qu'il y a "adjonction au nom de leur enfant d'un signe distinctif", il y a bien modification de ce nom, et donc influence sur l'état civil de l'enfant. Si donc, fonctionnellement, le double tiret est un séparateur, il est juridiquement un élément du nom de famille de l'enfant. Il en est juridiquement indissociable, et même cette indissociabilité juridique est indispensable pour qu'il puisse exercer sa fonction de séparateur et permettre, en particulier, aux enfants porteurs d'un double nom de ne transmettre à leurs propres enfants que l'un des vocables composant leur double nom.

2 - Un ajout qui relève de la seule compétence du législateur ?

Or, aux termes de l'article 311-21 du Code civil, les parents peuvent choisir "soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux". L'on voit donc que ces dispositions ne prévoient nullement qu'un quelconque signe graphique doive être ajouté entre les noms respectifs du père et de la mère. Ces noms devant seulement être "accolés", l'on doit même estimer qu'en l'état actuel de la législation, aucun signe ne doit séparer les deux vocables formant le nom de famille double : en conséquence, seule une nouvelle intervention du législateur permettrait d'imposer l'adjonction d'un signe distinctif ("double tiret" ou autre) entre ces vocables.

En imposant l'adjonction d'un double tiret, les auteurs de la circulaire ont ainsi empiété sur les pouvoirs qui sont ceux du législateur, pouvoirs qui, ajouterons-nous, lui sont dévolus en application des dispositions de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), qui réservent au législateur le soin de fixer les règles concernant "la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités". Or, il est bien évident que toutes les règles relatives à la dévolution du nom de famille entrent, par nature, dans la catégorie des règles relatives à l'état des personnes. C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle ces règles ont toujours été introduites par le législateur, ainsi que cela fut le cas lorsque fut substituée à la notion de nom patronymique la notion de nom de famille. En imposant donc l'adjonction au sein même des noms de famille (doubles noms) issus de la combinaison des noms de deux parents d'un signe distinctif non prévu par le législateur, et obligatoirement porté sur tous les actes d'état civil, et en assortissant, en outre, le non-respect de cette obligation de l'impossibilité de bénéficier du droit ouvert par l'article 311-21 du Code civil (c'est-à-dire du droit à la "sécabilité" du nom de famille et de la possibilité de ne transmettre qu'un seul des vocables formant le double nom), la circulaire du 6 décembre 2004 a posé une règle qu'il appartenait au seul législateur de poser, et elle a, ce faisant, restreint les possibilités de recours à ce droit nouveau créé par ce dernier dans le cadre de la loi du 4 mars 2002.

Au total, c'est au seul législateur qu'il appartient d'imposer un signe s'adjoignant au double nom et s'incorporant à lui, dès qu'une telle obligation conduit à une modification du nom, et donc à une modification de l'état civil qui ne saurait être qualifiée de "simple mesure technique". La solution ainsi retenue par le Conseil d'Etat rejoint en partie, au moins, la position adoptée par le tribunal de grande instance de Lille dans un jugement rendu le 3 juillet 2008. En l'espèce, Aymeric Dr. et Clotilde De. (les noms ont été abrégés) souhaitaient transmettre à leur fille Jade, née en décembre 2007, leurs deux noms, tout en refusant le double tiret imposé par l'officier d'état civil. L'enfant ayant été inscrite sur les registres de l'état civil sous le nom de "Dr.-De." (soit avec un simple tiret ou trait d'union), le parquet a saisi le tribunal de grande instance d'une requête en vue de la rectification de l'acte de naissance, afin de faire rajouter le tiret manquant (C. civ., art. 99). Dans son jugement, le tribunal, comme le Conseil d'Etat, a relevé que la circulaire du 6 décembre 2004 ne s'imposait ni aux juges, ni aux particuliers, dès lors qu'elle portait sur une matière -l'état des personnes- qui relève exclusivement de la loi en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution, les juges de première instance ayant souligné, sur ce point, que les dispositions de l'article 311-21 du Code civil ne précisaient nullement les modalités de la transcription du nom de famille dans le cas où les parents avaient décidé d'accoler leurs deux noms. Jusqu'alors, le jugement rendu par le TGI, devenu définitif (le parquet n'ayant pas fait appel), est très similaire à la décision rendue par le Conseil d'Etat.

Toutefois, le tribunal a, également, estimé que "le double tiret [était] un signe inconnu de la langue française, pourtant langue officielle de l'Etat, conformément à l'article 2 de la Constitution (N° Lexbase : L1278A99) et ne [pouvait] donc, comme tel, sans avis de l'Académie française, figurer dans un acte public français". Ce second motif de rejet de la requête en rectification présentée par le parquet ne conduit-il pas à remettre en cause (intellectuellement s'entend, puisqu'un jugement de TGI ne saurait s'imposer à la plus haute juridiction administrative) la solution retenue par le Conseil d'Etat en faisant d'une compétence qualifiée de législative par celui-ci une compétence constitutionnelle ? En effet, dès lors que l'obligation de recourir à des signes appartenant à la langue française est une obligation de valeur constitutionnelle, le législateur lui-même n'est pas compétent pour imposer l'utilisation d'un signe qui, tel le double tiret, ne compte pas parmi ces signes. Le recours aux dispositions de l'article 2 de la Constitution nous semble, ainsi, contradictoire avec le recours aux dispositions de l'article 311-21 du Code civil. En effet, de deux choses l'une : soit l'utilisation du double tiret méconnaît les premières dispositions qui sont de large portée et s'imposent au législateur, soit elle méconnaît seulement ces dernières dispositions qui n'excluent pas une nouvelle intervention du législateur pour "créer" le double tiret et imposer son utilisation. La décision du Conseil d'Etat semble indiquer que le législateur pourrait créer un tel signe, quand bien même il serait inconnu de la langue française.

Le jugement du TGI de Lille semble suggérer l'inverse, tout en indiquant, ce qui nous semble contradictoire, que les auteurs de la circulaire ont "simplement" méconnu les pouvoirs du législateur. Ces positions paraissent inconciliables, à moins d'estimer qu'en matière d'état civil, les dispositions de l'article 2 de la Constitution donnent au législateur, en vertu de l'article 34 du même texte, compétence pour intervenir. Toutefois, l'on ne voit guère comment le législateur pourrait imposer aux services de l'état civil l'utilisation de signes inconnus de la langue française, à moins d'estimer que le seul avis conforme de l'Académie française lui autoriserait cette audace. Mais comment cette dernière, pour vénérable qu'elle soit, pourrait-elle contraindre en quoi que ce soit la position du législateur ? On le voit donc, bien que la décision du Conseil ne l'affirme pas (car le moyen tiré de la contrariété de la circulaire à ces dispositions ne fut probablement pas soulevé), le caractère inconstitutionnel (au regard de l'article 2 de la Constitution) des dispositions visant à imposer l'utilisation d'un signe qui, tel le double tiret, est inconnu de la langue française, constitue une objection sérieuse.

B - L'avenir du double nom

1 - Le double tiret : un signe inexistant et probablement interdit

C'est, selon nous, de manière impropre que les auteurs de la circulaire du 6 décembre 2004 ont qualifié le signe "--" de "double tiret". A cet égard, il faut souligner que le terme "tiret" a, à la fois, une valeur graphique et une valeur sémantique. D'un point de vue strictement graphique, le tiret est simplement un trait ou une barre horizontale figurant au début ou au milieu du texte, de sorte que, de ce point de vue, le trait d'union peut lui-même être qualifié de tiret. Autrement dit, graphiquement, le trait d'union est un tiret. Cette assimilation graphique ne saurait, cependant, occulter la profonde différence sémantique existant entre tiret et trait d'union. En effet, d'un point de vue sémantique, le trait d'union sert à marquer qu'il existe un lien étroit entre deux termes : ce lien peut être un lien lexical (cas des mots composés : "porte-avion") ou un lien syntaxique (entre le verbe et le pronom qui le suit : "Veux-tu", par exemple). En revanche, toujours d'un point de vue sémantique, le tiret n'a, quant à lui, nullement pour fonction de marquer un lien entre deux termes : il est, en effet, un signe de ponctuation destiné soit à indiquer un changement de locuteur dans un dialogue, auquel cas il s'emploie seul ("Qui est là ? - C'est moi"), soit à encadrer un élément annexe du texte, auquel cas il s'emploie par paire ("une décision - devenue définitive - qui n'a donné lieu à aucun commentaire"), comme les parenthèses avec lesquelles il partage une même valeur sémantique (et oratoire peut-on ajouter, puisqu'il y a suspension du discours). L'on voit donc que la valeur sémantique du tiret ne peut, en aucun cas, conduire à lui attribuer une fonction de lien ou de "séparateur" entre deux vocables. La qualification du signe "--" de "double tiret" est, ainsi, inappropriée : il s'agit, en effet, plutôt d'un double trait d'union qui relie, tout en les séparant, le nom de famille du père et le nom de famille de la mère.

En outre, et surtout, nous l'avons vu, le double tiret, ou "séparateur" comme l'indique la circulaire du 6 décembre 2004, est, à la différence du simple tiret, inconnu de la langue française. Or, sur ce point, la jurisprudence a déjà sanctionné l'utilisation de tels signes inconnus dans des actes d'état civil. Ainsi, antérieurement au jugement précité du TGI Lille, la cour d'appel de Montpellier, après avoir relevé que les actes d'état civil, actes authentiques par nature, doivent être rédigés en langue française et qu'une langue régionale ne peut ainsi être imposée ni aux administrations ni aux services publics, a estimé que la transcription du prénom devait être conforme à l'alphabet romain et à la structure fondamentale de la langue française et que pouvaient être utilisés des signes diacritiques n'existant pas dans la langue française. La cour en a conclu que le prénom "Marti", d'origine catalane et écrit avec un accent aigu sur le i, ne pouvait être autorisé. La solution retenue par la cour d'appel nous semble transposable au double tiret. En tout état de cause, il est peu vraisemblable que le législateur se hasarde à imposer lui-même l'utilisation du double tiret, ce alors même que la décision du Conseil du 4 décembre 2009 n'y ferait nullement obstacle. L'on imagine mal en effet le législateur promouvoir une telle fantaisie.

Il n'en demeure pas moins qu'à défaut (du moins jusqu'à une prochaine intervention du législateur) de pouvoir utiliser un signe distinctif permettant de différencier le double nom du nom composé, les services de l'état civil seront, désormais, conduits à assimiler ces deux catégories de nom de famille. Concrètement, comme l'a fait le TGI de Lille dans le jugement précité, cela les conduira à accepter que les parents transmettent soit leurs deux noms reliés par un trait d'union, soit leurs deux noms séparés par un simple espacement. Il nous semble, cependant, que la seconde solution (simple espacement) est plus fidèle et conforme aux dispositions de l'article 311-21 du Code civil, qui parle de "noms accolés". Cette faculté désormais offerte aux parents transmettant leur double nom risque, cependant, de remettre en cause le principe de l'immutabilité du nom de famille dans la mesure où, en l'absence d'intervention du législateur imposant un signe propre aux doubles noms, il deviendra, en pratique, impossible de distinguer dans les générations futures entre les catégories de noms de famille, doubles ou composés, tous potentiellement transmissibles. Autrement dit, non seulement les dispositions de l'article 311-21 du Code civil ont explicitement (par volonté expresse) limité l'application du principe d'immutabilité en ce qui concerne le nom de famille double (puisque celui-ci est sécable, et peut être amputé de l'un de ses éléments lors de sa transmission), mais, en outre, elles conduisent implicitement (par leur silence sur ce point) à affranchir les noms de famille composés du respect de ce principe, en alignant leur régime sur celui des noms de famille doubles. Ce sont, ainsi, un principe et une caractéristique essentiels du nom de famille qui risquent d'être méconnus si le législateur n'intervient pas pour créer et imposer une distinction entre ces deux catégories de noms de famille.

2 - Le double nom a-t-il véritablement un avenir ?

Plus généralement, la décision rendue par le Conseil d'Etat le 4 décembre 2004 conduit à s'interroger sur l'avenir des doubles noms. En particulier, ceux-ci prospéreront-ils en "contaminant" (leur communiquant leur caractère sécable) les noms de famille composés ou, au contraire, continueront-ils d'être aussi peu utilisés. Il a, en effet, été relevé que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, la possibilité d'accoler les deux noms du père et de la mère n'était choisie que dans 5 % des cas (soit 35 000 enfants sur les 700 000 naissances annuelles), ce taux s'élevant à 9 % à Paris, et le recours au double nom concernant, en général, des couples non mariés (7).

Par ailleurs, la substitution de la notion de nom de famille à la notion de nom patronymique n'est pas totale, dès lors que le modèle patronymique est encore destiné à prévaloir en cas de désaccord entre les parents ou en l'absence de choix des parents. Dans ces cas, en effet, la loi du 4 mars 2002 n'a pas retenu, comme règle subsidiaire, une transmission automatique d'un double nom composé de l'un des noms du père et de l'un des noms de la mère, déterminés par ordre alphabétique. Cette solution a, en effet, été écartée par le Sénat au profit d'une transmission automatique du nom du père. Tel est le cas donc pour l'enfant issu d'un couple marié, comme pour l'enfant né hors mariage, lorsque ses liens de filiations maternelle et paternelle ont été établis simultanément, ou encore dans l'hypothèse de l'adoption par deux époux (C. civ., art. 357, al. 2 N° Lexbase : L6485DIZ). Seul l'enfant dont la filiation a été successivement établie a finalement "échappé" à cette suprématie du nom du père pour se voir, quant à lui, attribuer le nom du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en premier lieu. Cette persistance résiduelle de la transmission patrilinéaire ne risque-t-elle pas d'entraîner une condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme, en raison de la méconnaissance du principe d'égalité des sexes ? Une telle condamnation aurait, au moins, pour avantage de contraindre le législateur et le pouvoir réglementaire à renforcer la cohérence et améliorer la rédaction des dispositions issues de la loi du 4 mars 2002.

L'occasion lui serait, ainsi, donnée d'opérer lui-même une distinction entre noms de famille doubles et noms de famille composés, en imposant, par exemple, que les deux noms (du père et de la mère) formant le double nom soient reliés, comme en langue espagnole, par la conjonction de coordination "et". Ne peut-on, également, imaginer, mais cela obligerait, il est vrai, à renoncer à la notion même de nom de famille telle que définie par la loi du 4 mars 2002, d'imposer au couple de choisir un nom de famille commun, celui de l'homme ou de la femme, voire les deux noms, lequel serait seul transmis aux enfants ? Se substituerait, ainsi, à la notion de nom de famille la notion de nom matrimonial ou conjugal. Néanmoins, tous les membres de la famille disposeraient alors d'un même nom, un "nom familial", témoignage de l'unité du foyer.


(1) CEDH, 22 février 1994, Req. 49/1992/394/472, Burghartz c/ Suisse (N° Lexbase : A2337AIE), Série A, n° 280-B, D.,1995, p. 5, note Marguénaud.
(2) Les parents ont, ainsi, le choix entre 14 (!) combinaisons différentes.
(3) J. Hauser, note sous TGI Lille, 3 juillet 2008, RTD. Civ., 2009, p. 90.
(4) Cité par L. Cimar, Le double nom : du double tiret séparateur au double trait d'union, Droit de la famille, n° 4, avril 2005, étude 8.
(5) CE Section, 18 décembre 2002, n° 233618, Mme Joëlle X (N° Lexbase : A9733A7M), au Recueil, p. 463, RFDA, 2003, p. 280, conclusions Fombeur, AJDA, 2003, p. 487, chronique F. Donnat et D. Casas.
(6) QE n° 06758 de M. Jean Louis Masson, JO Sénat du 18 décembre 2008, p. 2530, réponse publ. 14 mai 2009, p. 1229, 13ème législature (N° Lexbase : L3402IG4).
(7) Cf., à cet égard, C. Marie, Le nom de l'enfant, AJ Famille, 2009, p. 199.
(8) Cf., sur ce point, L. Cimar, précité.

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Fiscalité des particuliers

[Chronique] Lois de finances pour 2010 et rectificative pour 2009 : chronique de fiscalité du patrimoine

Réf. : Loi n° 2009-1673, 30 décembre 2009, de finances pour 2010 (N° Lexbase : L1816IGD)

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N9480BM3

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010


Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, chaque semaine, pendant un mois, une chronique thématique consacrée aux dispositions phares des lois de finances pour 2010 (loi n° 2009-1673 N° Lexbase : L1816IGD) et rectificative pour 2009 (loi n° 2009-1674 N° Lexbase : L1817IGE). Cette semaine, Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris, se penche sur les dispositions relatives à la fiscalité du patrimoine, abordant, tour à tour, la réduction graduelle du crédit d'impôt "Scellier", la fiscalité des pactes tontiniers portant sur la résidence principale, la prise en compte des données démographiques pour les dons de sommes d'argent et la mise en cohérence du texte avec l'objectif poursuivi par la loi et la transmission à titre gratuit de titres de sociétés dans le cadre du pacte "Dutreil".
  • Réduction graduelle du crédit d'impôt "Scellier" (LF 2010, art. 82 et art. 83)

Comment réduire la taille d'une niche qui a trop de succès : verdissez-la !

Pour accélérer la construction de logements neufs respectant les critères "basse consommation d'énergie", la loi de finances pour 2010 aménage la réduction d'impôt "Scellier" en faveur de l'investissement locatif. Cette mesure entre, de surcroît, dans volonté, au nom de l'équité, de limiter les niches fiscales.

1. Régime existant

La loi de finances rectificative pour 2008 (loi n° 2008-1443 N° Lexbase : L3784IC7) a institué une réduction d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif, destiné à remplacer, à compter du 1er janvier 2010, les dispositifs "Robien" et "Borloo". Ce dispositif dénommé réduction d'impôt "Scellier" est codifié à l'article 199 septvicies du CGI (N° Lexbase : L2331IGG ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E6066ESH). Le taux de la réduction est fixé à 25 % pour les investissements effectués en 2009 et 2010. La base de la réduction, concernant les logements acquis neuf et respectant la réglementation thermique en vigueur, est de 300 000 euros, étalée sur neuf ans.

La même loi crée un dispositif "Scellier" intermédiaire. L'avantage accordé par la loi peut se cumuler avec deux avantages qui sont attachés au financement d'un logement par un prêt locatif social (PLS), à savoir la TVA à 5,5 % et l'exonération du foncier bâti. Un tel dispositif, selon le rapporteur général du Sénat, est estimé à 2,8 milliards d'euros pour une production de 50 000 logements bénéficiaires ; soit un coût très élevé. Le coût est d'autant plus élevé que, d'une part, la réduction d'impôt ne varie pas en fonction des performances énergétiques du logement, et, d'autre part, malgré le dispositif très incitatif du "Scellier" intermédiaire, les logements bénéficiaires se situent très au dessus de la moyenne des autre logements sociaux ou privés soutenus par la dépense publique.

2. Nouveau régime

Le coût élevé du dispositif était l'occasion d'accélérer la construction de logements vérifiant les critères "basse consommation d'énergie" et d'obliger le secteur du bâtiment de s'adapter à ces nouvelles normes.

Ainsi, la loi instaure un traitement différencié selon que les logements acquis neufs respectent ou non un niveau de performance énergétique supérieur à celui imposé par la réglementation en vigueur. Actuellement, cette réglementation, qui ne vise que les logements neufs, à l'exception de ceux acquis en vue de leur réhabilitation, est la réglementation thermique RT 2005. Pour ces logements, le taux de la réduction d'impôt est diminué de 5 points par an à compter de 2010 et jusqu'à l'expiration du dispositif en 2012.

En revanche ce taux est majoré de 10 points à compter de 2011 pour les logements dont le niveau de performance énergétique globale est supérieur à celui imposé par la législation en vigueur, ou pour les souscriptions de parts de SCPI qui financent de tels logements. Au cas particulier, sont actuellement concernés, sous réserve de modification de la norme légale, les logements bénéficiant du label "basse consommation énergétique, BBC".

Tableau récapitulatif :

Logements ne respectant pas la norme "BBC" Logements bénéficiant du label "BBC"
2010 20 % 25 %
2011 15 % 25 %
2012 10 % 20 %

Enfin, le cumul entre la réduction d'impôt "Scellier" et le bénéfice du prêt locatif social (PLS) est désormais interdit.

L'article 83 de la loi vient, quant à lui, assouplir le zonage de la réduction d'impôt.

On remarquera que le Gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport d'évaluation du dispositif. Ce rapport aura principalement pour objet de mesurer l'efficacité économique de la réduction d'impôt par rapport au coût qu'elle représente pour l'Etat, afin de pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur son éventuelle prorogation ou pérennisation. En tout état de cause, il paraît admis qu'en concordance avec l'objectif de limiter les dépenses fiscales, une niche ne doit plus être permanente (en ce sens, rapport Sénat n° 101, LDF 2010, p. 96).

3. Le débat sur le durcissement des niches

Ce n'est pas un hasard si la loi de finances pour 2010 renforce le plafond des niches fiscales. En effet, les parlementaires considèrent, désormais, que, malgré la faible rentabilité, le plafonnement global répond à un objectif d'équité fiscale (rapport précité, p. 90). Ce plafonnement, qui s'applique déjà au cumul d'avantages fiscaux procurés par un certain nombre de dispositifs de faveur, a rendu moins attractif le cumul d'investissement, éligibles à une réduction d'impôt ou une réduction d'impôt. Cependant, avec les paramètres actuels, soit 25 000 euros, plus 10 % du revenu imposable, ce dispositif reste encore incitatif puisqu'il est mis en oeuvre à partir de 124 000 euros pour un célibataire et 170 000 euros pour un couple marié avec un enfant.

Avec pour souci de ne pas remettre en cause les niches les plus communes, la loi renforce, néanmoins, le plafonnement en fixant à 20 000 euros la part fixe et à 8 % la part variable du plafond. Ce qui, selon les hypothèses de la commission de finances (rapport précité, p. 98), conduirait à une application du plafonnement à partir de 116 000 euros pour un célibataire avec un impôt et un plafond global d'environ 34 500 euros.

Cependant, sur amendement gouvernemental de dernière minute, pour ne pas pénaliser les décisions d'investissements engagées avant l'adoption de la loi, il ne sera pas tenu compte des avantages qui découlent de certains investissements locatifs et ultramarins. Les contribuables concernés relèvent, donc, de la règle antérieure de plafonnement. Les avantages concernés sont les suivants :

- les réductions d'impôt pour investissements outre-mer (CGI, art 199 undecies A N° Lexbase : L3055IEU, 199 undecies B N° Lexbase : L5473IEG et 199 undecies C N° Lexbase : L3090IGK ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E5831ESR), soit les investissements productifs pour l'agrément ou l'autorisation préalable desquels une demande est parvenue à l'administration avant le 1er janvier 2010 ; les acquisitions d'immeubles ayant fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier avant le 1er janvier 2010 ; les acquisitions de biens meubles corporels commandés avant le 1er janvier 2010 et pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés ; les travaux de réhabilitation d'immeubles pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés avant le 1er janvier 2010 ;

- la réduction d'impôt en faveur de la location meublée non professionnelle (CGI, art. 199 sexvicies N° Lexbase : L1242IEQ ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E4828ERA) accordée au titre de l'acquisition de logements pour lesquels une promesse d'achat ou une promesse synallagmatique a été souscrite par l'acquéreur avant le 1er janvier 2010 ;

- la réduction d'impôt au titre de l'acquisition de logements neufs destinés à la location -réduction d'impôt "Scellier"- (CGI, art. 199 septvicies) au titre de l'acquisition de logements ou de locaux pour lesquels une promesse d'achat ou une promesse synallagmatique a été souscrite par l'acquéreur avant le 1er janvier 2010.

4. Quand cohérence et équité se rejoignent !

Le temps de la réflexion permet, souvent, de constater qu'un texte nouveau, malgré toutes les anticipations de Bercy, conduit à certaines incohérences, voire à l'application de mesures anciennes, présentées comme des mesures de faveur, qui s'avèrent désavantageuses. La loi de finances remédie à trois d'entre d'elles.

  • Fiscalité des pactes tontiniers portant sur la résidence principale (LF 2010, art. 33)

La loi de finances pour 2010 permet à tout bénéficiaire survivant partie à un pacte de tontine relatif à une habitation principale dont la valeur est inférieure à 76 000 euros d'opter pour l'imposition aux droits de mutation à titre gratuit de l'accroissement résultant du pacte au lieu et place des droits de mutation à titre onéreux.

1. Régime existant

Les biens recueillis en vertu d'une clause de tontine insérée dans un contrat d'acquisition en commun sont soumis aux droits de mutation par décès en fonction du lien de parenté entre le coacquéreur décédé et le coacquéreur survivant (CGI, art. 754 A N° Lexbase : L2131IGZ ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E7207ASQ). Cette disposition est écartée lorsque l'acquisition en commun porte sur l'habitation principale des deux coacquéreurs et que celle-ci a une valeur inférieure à 76 000 euros au jour du premier décès.

Les droits recueillis par le survivant sont alors soumis aux droits de mutation à titre onéreux, ce qui constitue une mesure de faveur puisqu'au au lieu des droits de succession, entre tiers, soit 60 % en l'absence de lien de parenté, n'étaient exigibles que les droits de mutation à titre onéreux. Ces dispositions s'appliquent, également, lorsque le survivant est soit l'époux du coacquéreur décédé, soit son partenaire, le tarif entre époux et celui entre partenaires étant lui aussi moins avantageux que le droit de vente des immeubles.

2. Nouveau régime

Le bénéficiaire peut, désormais, opter pour l'imposition aux droits de mutation par décès au lieu et place des droits de mutation à titre onéreux. Cette disposition permet, donc, d'éviter de pénaliser les bénéficiaires de la clause d'accroissement qui peuvent, depuis l'entrée en vigueur de la loi "TEPA" (loi n° 2007-1223 N° Lexbase : L2417HY8), revendiquer une exonération de droits de succession, c'est-à-dire les époux ou les partenaires ayant conclu un PACS. En effet, pour ces derniers, l'exonération de droits de succession s'avérait inefficace : par exemple, en cas d'acquisition d'un bien immobilier à usage d'habitation principale par deux personnes ayant conclu un PACS, depuis l'exonération introduite par la loi "TEPA", les droits de mutation à titre onéreux restaient exigibles. Depuis la mise en place d'exonération de droits de succession au profit du partenaire survivant, cette mesure de faveur était donc un piège. Le piège était identique pour des conjoints ayant acquis un bien avec clause de tontine.

Cette disposition nouvelle s'applique aux transmissions intervenues à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 1er janvier 2010.

  • Prise en compte des données démographiques pour les dons de sommes d'argent (LF 2010, art. 35)

1. Régime existant

Les dons de sommes effectués dans le cercle familial, c'est-à-dire au profit des enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, ou neveux et nièces, à défaut de descendants en ligne directe, sont exonérés de droits de mutation dans la limite de 31 272 euros (31 395 à compter du 1er janvier 2010) à condition que le donateur soit âgé de moins de 65 ans et le donataire d'au moins 18 ans (CGI, art. 790 G N° Lexbase : L2154IGU ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E7017ASP).

2. Nouveau régime en cas de saut de génération

Cet âge limite est porté à 80 ans par la loi de finances pour 2010 pour les dons effectués au profit de descendants en ligne directe quand il est constaté un saut de génération. Cette disposition découle de la pure logique : comment favoriser les dons exceptionnels de sommes d'argent au bénéfice des petits-enfants, voire des arrière-petits-enfants, si le donateur doit avoir moins de soixante-cinq ans, alors que l'âge auquel est constaté une première naissance ne cesse de reculer ! Avant l'introduction de cette disposition, pour qu'une personne âgée de moins de 65 ans puisse faire un don à un arrière petit-fils de 18 ans, l'âge moyen auquel le fils et le petit-fils devait avoir eu sa descendance était de moins de 16 ans !

Ainsi l'exonération, à hauteur de 31 395 euros s'applique :

- si le donateur est âgé de moins de 65 ans pour les dons au profit d'un enfant et, en l'absence de descendants en ligne directe, pour ceux au profit des neveux et nièces ;

- si le donateur est âgé de moins de 80 ans pour les dons au profit de petits-enfants ou d'arrière-petits-enfants, ou en l'absence de descendance en ligne directe, au profit d'un petit-neveu ou d'une petite-nièce, par représentation.

  • Pacte "Dutreil" : mise en cohérence du texte avec l'objectif poursuivi par la loi et transmission à titre gratuit de titres de sociétés (LF, art. 34)

L'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue à l'article 787 B du CGI (N° Lexbase : L2216IG8 ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : L3703IC7), dont bénéficie la transmission de titres de sociétés exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale et agricole ne sera pas remise en cause en cas d'augmentation de la participation détenue par des sociétés interposées.

1. Régime existant

L'exonération partielle est réservée aux parts de société qui font l'objet, d'une part, d'un engagement collectif de conservation pris par le disposant et, d'autre part, un engagement individuel de conservation pris par les bénéficiaires. Cette exonération est étendue aux parts de sociétés interposées qui détiennent, soit directement, soit indirectement, une participation dans la société dont les parts ont fait l'objet de l'engagement de conservation. La société interposée doit souscrire un engagement de conservation.

2. Nouveau régime

La nouvelle disposition légalise une réponse ministérielle selon laquelle l'augmentation de la participation de la société interposée dans le capital de celle dont les titres font l'objet de l'engagement de conservation n'est pas de nature à remettre en cause le régime de faveur (QE n° 79441 de M. Tron Georges, JOANQ 29 novembre 2005 p. 10946, min. Bud. et min. réf. Etat, réponse publ. 14 février 2006 p. 1534, 12ème législature N° Lexbase : L3208IGW). Cette disposition nouvelle met un terme à un paradoxe. En effet, s'il est parfaitement compréhensible que le dispositif actuel ne permette pas de descendre au-dessous d'un certain seuil, il était plus difficile d'admettre que, dans sa rédaction actuelle, le texte puisse empêcher l'augmentation de la participation détenue dans l'entreprise par les familles, accroissement qui se révèle être le plus sûr moyen de consolider le capital et donc la vie de l'entreprise familiale.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Consultation des fichiers informatiques du salarié et liberté d'expression : synthèse

Réf. : Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 07-44.264, M. Bruno Buzon, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7092EPD)

Lecture: 8 min

N9535BM4

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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Le droit du salarié à la protection de sa vie personnelle au travail allié à la garantie de sa liberté d'expression fournit de solides outils de protection du salarié lorsqu'il exprime ses idées face au pouvoir de direction de l'employeur. Ces protections lui permettent généralement de pouvoir dénoncer à qui de droit des comportements qu'il juge déviants dans l'entreprise. Il arrive, malgré tout, que certains salariés peu diligents s'exposent à une sanction disciplinaire dans de telles situations. C'est ce qu'illustre un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 15 décembre 2009, qui rejette le pourvoi formé par un salarié ayant dénoncé son employeur auprès de diverses autorités et qui avait été licencié pour faute grave. Quoiqu'il ne révolutionne pas la matière, cet arrêt constitue une véritable synthèse du droit positif applicable s'agissant de la consultation des fichiers informatiques du salarié (I) et de l'abus de la liberté d'expression (II) et méritait, pour cette raison, d'être mis en exergue.
Résumé

Les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels. N'ont pas un caractère personnel et peuvent être ouverts en l'absence du salarié des fichiers intitulés "essai divers", "essais divers B" et "essais divers restaurés".

Les correspondances adressées au président de la Chambre des notaires, à la caisse de retraite et de prévoyance et à l'Urssaf pour dénoncer le comportement de l'employeur dans la gestion de l'étude ne revêtent pas un caractère privé et peuvent être retenues au soutien d'une procédure disciplinaire.

Le salarié qui jette le discrédit sur l'étude en des termes excessifs et injurieux manque à ses obligations dans des conditions outrepassant sa liberté d'expression et qui justifient la rupture immédiate du contrat de travail.

I - Retour sur la procédure de consultation des fichiers informatiques du salarié

  • La présomption de caractère professionnel des fichiers du salarié

La consultation des fichiers informatiques du salarié s'est construite autour de la célèbre affaire "Nikon" jugée par la Cour de cassation en 2001 (1). La Cour de cassation laissait alors une grande liberté au salarié dans l'usage de l'outil informatique en estimant que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique, en particulier, le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut, dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur".

Après avoir essuyé de nombreuses critiques (2), la Chambre sociale avait reculé en permettant que les fichiers informatiques personnels du salarié du salarié soient consultés par l'employeur en cas de "risque ou événement particulier" (3).

La construction du régime de la consultation des fichiers informatiques fut achevée à l'occasion d'un arrêt rendu en octobre 2006 qui posa une présomption simple de caractère professionnel des fichiers informatiques non spécialement identifiés comme personnels (4).

  • Distinction entre fichiers personnels et fichiers professionnels

Les règles entourant la consultation des fichiers informatiques paraissent donc désormais clairement établies.

Soit les fichiers du salarié, créés sur l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur, sont dépourvus de toute identification permettant de conclure au caractère personnel de ces fichiers. Dans ce cas de figure, l'employeur peut les consulter librement sans que la présence du salarié soit requise. Les éléments recueillis par l'employeur seront recevables dans le cadre d'une procédure disciplinaire et ne constitueront pas une entrave à la loyauté de la preuve.

Soit les fichiers du salarié, issus de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur, sont identifiés comme personnels. Dans cette situation, l'employeur ne peut consulter ces fichiers qu'à la condition que le salarié soit présent lors de cette consultation. Cette contrainte ne peut être évitée que dans l'hypothèse où plane un risque ou un événement particulier sur l'entreprise.

  • L'espèce

En l'espèce, un clerc de notaire avait été licencié pour faute grave, faute caractérisée pour l'employeur par des correspondances du salarié retrouvées sur son poste informatique et qui étaient identifiées comme des brouillons de courrier, sans aucune personnalisation. Ces courriers étaient destinés à divers organismes et comportaient des dénonciations de faits reprochés par le salarié à son employeur. Le salarié contestait la régularité de son licenciement, tant en raison des moyens par lesquels l'employeur s'était procuré ces courriers qu'en raison de l'atteinte à la liberté d'expression que constituait, selon lui, l'usage du contenu de ces courriers pour caractériser une faute grave.

La cour d'appel d'Angers débouta le salarié de sa demande en annulation du licenciement. Le pourvoi formé contre cette décision par le salarié est rejeté par la Chambre sociale de la Cour de cassation. En effet, la Haute juridiction rappelle que les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels. Les fichiers intitulés "essai divers", "essais divers B" et "essais divers restaurés" n'ayant pas, à ses yeux, été identifiés comme personnel, elle en déduit que l'employeur pouvait librement les consulter.

L'argumentation adoptée est quasiment identique à celle utilisée dans l'arrêt du 18 octobre 2006. De ce point de vue, il n'y a donc aucune évolution de la procédure de consultation des fichiers.

  • La surprenante qualification de "professionnels" de courriers de dénonciation : un jeu de vases communicants

Cependant, répondant au même moyen, la Chambre sociale poursuit en disposant que "les correspondances adressées au président de la Chambre des notaires, à la caisse de retraite et de prévoyance et à l'Urssaf pour dénoncer le comportement de l'employeur dans la gestion de l'étude ne revêtaient pas un caractère privé et pouvaient être retenues au soutien d'une procédure disciplinaire". Cette assertion est surprenante et peut être diversement analysée.

On observera, d'abord, qu'il paraît bien curieux de juger qu'un courrier adressé à la Chambre des notaires et à diverses institutions sociales pour dénoncer des pratiques ayant cours dans l'entreprise puisse relever de la sphère professionnelle et non de la sphère privée. Ce type de démarche ne répond certainement pas aux qualifications ou aux fonctions du salarié, mais relève, au contraire, d'une démarche personnelle. Pour s'en persuader, il est possible d'extrapoler et de se demander quelle serait la qualification retenue par le juge prud'homal d'un brouillon de courrier adressé à l'inspection du travail pour dénoncer le non-respect à une règle de droit du travail...

Il semblerait que la Cour de cassation cherche à procéder à un rééquilibrage entre vie professionnelle et vie personnelle au travail. En effet, avec l'arrêt "Nikon" et de récentes décisions qui interdisent que soit pris en compte un fait tiré de la vie personnelle du salarié pour prononcer un licenciement (5), la vie personnelle du salarié s'est sanctuarisée et devient une sphère dans laquelle l'employeur a perdu quasiment toute influence. Pour contrebalancer cette consolidation de la vie personnelle, la Chambre sociale n'hésite pas à qualifier de professionnels des éléments tangents qui auraient tout aussi bien pu entrer dans la catégorie des éléments tirés de la vie personnelle.

  • Le renversement de la présomption de caractère professionnel des fichiers non identifiés ?

On remarquera, ensuite, que la Chambre sociale fait une appréciation a posteriori du caractère personnel ou professionnel du courrier, c'est-à-dire après avoir fait usage de la présomption de caractère professionnel. Nous nous étions interrogés, en 2006, sur la faculté du salarié de renverser la présomption de caractère professionnel en démontrant que le contenu des fichiers avait bien un caractère personnel (6). Tout en analysant le contenu du fichier et non seulement son identification formelle, la Cour de cassation n'apporte pas pour autant de réponse claire à ces questionnements puisqu'elle se place plutôt sur le terrain disciplinaire : les faits justifiant le licenciement pouvaient être retenus dans le cadre d'une procédure disciplinaire car ils ne relevaient pas de la vie personnelle du salarié. Pour autant, par une interprétation a contrario de ce raisonnement, si les courriers avaient relevé de la sphère personnelle, la Cour de cassation aurait jugé que la procédure disciplinaire ne pouvait s'appuyer sur ces éléments.

Finalement, on peut désormais considérer qu'il convient de distinguer la faculté pour l'employeur de consulter des fichiers du salarié et la possibilité de les invoquer au soutien d'une procédure disciplinaire. Si l'employeur peut toujours consulter des fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne pourra pas nécessairement les utiliser pour sanctionner le salarié si, après consultation, ces fichiers s'avèrent relever de la vie personnelle du salarié.

II - Retour sur la faute grave constituée par l'abus de la liberté d'expression du salarié

  • La protection de la liberté d'expression

Le second moyen développé par le salarié ne porte plus sur le caractère professionnel ou personnel des fichiers, mais sur l'atteinte à la liberté d'expression que constituerait le licenciement prononcé en raison de propos tirés d'une correspondance qu'il jugeait relever de la sphère privée.

On se souviendra que la jurisprudence opère une distinction entre droit d'expression du salarié dans l'entreprise et liberté d'expression dont le salarié bénéficie comme tout citoyen (7).

Le droit d'expression est institué par les articles L. 2281-1 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L2503H9L). Ce texte instaure, pour les salariés dans l'entreprise, un "droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail". La liberté d'expression, plus générale, correspond à la liberté fondamentale dont dispose chaque individu, liberté consacrée par la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), mais, surtout, par des textes à valeur supérieure, comme l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1358A98) ou l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4743AQQ). Cette liberté ne peut subir d'atteintes qui ne soit pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir par le salarié, ni proportionnées au but recherché par l'employeur (8).

  • L'abus de la liberté d'expression constitutive d'une faute grave

L'usage par le salarié de sa liberté d'expression ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire, le licenciement prononcé en raison de cet usage étant nul depuis le fameux arrêt "Clavaud" (9). La sanction ne peut être justifiée qu'à la condition que le salarié ait abusé de cette liberté d'expression. La Cour de cassation a parfaitement résumé ce qu'elle entendait par l'abus de la liberté d'expression dans une décision rendue le 30 octobre 2002 (10) : "si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression [...], il ne peut abuser de cette liberté par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs".

La Cour de cassation fait donc une application des plus classiques de sa jurisprudence habituelle en matière de liberté d'expression. En effet, elle estime que les juges du fond n'ont pas dénaturé les courriers retrouvés sur l'ordinateur du salarié à destination du Président de la chambre des notaires, de l'URSSAF et de la caisse de retraite et de prévoyance en retenant que ceux-ci comportaient des propos excessifs et injurieux. Dans ces conditions, le licenciement pour faute grave était justifié.

A l'évidence, l'arrêt sous examen ne condamne donc absolument pas la faculté pour le salarié de dénoncer à divers organismes des comportements déviants de son employeur. Quoi que l'on en pense, on peut même estimer que ces dénonciations s'apparentant à du whisthle blowing ne vont cesser de se développer dans les entreprises françaises (11). Pour autant, ces dénonciations doivent adopter un ton et des formes dépouillées de tout excès et de tout caractère injurieux pour être efficaces.


(1) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié (N° Lexbase : A1200AWD), lire Questions à... Jean-Emmanuel Ray, à propos de l'arrêt "Nikon", Le quotidien Lexbase/Legalnews du 9 octobre 2001 (N° Lexbase : N1201AAQ), D., 2001, Jur., p. 3148, note P.-Y. Gautier ; RJS, 2001, p. 940, chron. F. Favennec-Héry.
(2) V., en particulier, les commentaires de Lyon-Caen, de J.- E. Ray et de P.- Y. Gautier.
(3) Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, M. Philippe Klajer c/ Société Cathnet-Science, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2997DIT) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4601AIA) ; Dr. soc., 2005, p. 789, note J.-E. Ray ; nos obs., La consultation des fichiers informatiques du salarié : du respect dû à la vie privée à la loyauté de la preuve, LPA, 23 avril 2007, n° 81, pp. 6-12.
(4) Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025, M. Jérémy Le Fur c/ Société Techni-Soft, F-P+B (N° Lexbase : A9621DRR) ; Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-47.400, M. Philippe Alazard c/ Société Jalma emploi et protection sociale (JEPS), FS-P+B (N° Lexbase : A9616DRL) et nos obs., La consultation des documents de nature professionnelle du salarié, Lexbase Hebdo n° 234 du 2 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4508ALK) ; RDT, 2006, p. 395, obs. de Quenaudon ; SSL, 2006, n° 1279, p. 10.
(5) Sur cette question, v. G. Auzero, Un fait de la vie personnelle ne peut constituer une faute disciplinaire !, Lexbase Hebdo n° 358 du 8 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9884BKB), note sous Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256, Mme Martine Intartaglia, épouse Conia c/ Société "Au vieux Plongeur", FS-P+B (N° Lexbase : A4139EI7).
(6) La consultation des documents de nature professionnelle du salarié, préc..
(7) Cass. soc., 22 juin 2004, n° 02-42.446, Société Constructions industrielles et maritimes (CIM) c/ M. Gérard Bouyer, F-P (N° Lexbase : A8074DCZ), lire, sur cette distinction, les obs. de N. Mingant, Liberté d'expression et droit de réponse du salarié mis en cause par son employeur, Lexbase Hebdo n° 128 du 8 juillet 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2254AB4).
(8) Comme toute atteinte à une liberté du salarié, v. C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P).
(9) Cass. soc., 28 avril 1988, n° 87-41.804, Société anonyme Dunlop France c/ M. Clavaud (N° Lexbase : A4778AA9), Dr. soc., 1988, p. 428, concl. Ecoutin, note Couturier.
(10) Cass. soc., 30 octobre 2002, n° 00-40.868, M. Jacky Verguet c/ Société Geci France, F-D (N° Lexbase : A4145A3W).
(11) Pour une illustration récente, v. Ch. Willmann, Alerte professionnelle : un code d'entreprise doit être conforme à la loi du 6 janvier 1978, Lexbase Hebdo n° 376 du 16 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7165BMC), note sous Cass. soc., 8 décembre 2009, n° 08-17.191, Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3615EPL).


Décision

Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 07-44.264, M. Bruno Buzon, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7092EPD)

Rejet, CA Angers, ch. soc., 3 juillet 2007

Texte visé : néant

Mots-clés : licenciement disciplinaire ; faute grave ; consultation des fichiers informatiques du salarié ; distinction entre vie professionnelle et vie personnelle ; liberté d'expression ; abus

Liens base : (N° Lexbase : E9172ESI) et

newsid:379535

Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier, aujourd'hui... Rémi Chaine, Bâtonnier sortant de l'Ordre des avocats du Barreau de Lyon

Lecture: 7 min

N9528BMT

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010


Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la plume au Bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il ou elle évoque, avec nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui sur la profession qui l'anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il ou elle a la charge. Nous avons rencontré, le 18 décembre dernier, Rémi Chaine, Bâtonnier sortant de l'ordre des avocats du Barreau de Lyon, quelques heures avant la rentrée solennelle de son barreau et quelques jours avant la fin de son mandat.
Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le Barreau de Lyon ?`

Rémi Chaine : Le Barreau de Lyon compte environ 2 300 avocats inscrits, le plaçant, sur ce plan, à la tête des Barreaux de province. Il a, notamment, pour particularité une parité quasi-exacte entre les femmes et les hommes, étant précisé que, pour la première fois de son histoire, une femme, Maître Myriam Picot, exerce le mandat de Bâtonnier depuis le 1er janvier 2010. Il est, aussi, très diversifié, autant du point de vue des activités (judiciaires et de conseil) exercées, que des structures d'exercice (sont présents à Lyon des cabinets importants et structurés, ouverts à l'international et spécialisés, mais aussi, de nombreuses structures plus petites, voire des structures individuelles).

Le Barreau de Lyon s'est toujours inscrit dans une démarche dynamique et innovante : en témoigne son action pour l'acte d'avocat, né à Lyon (lire L'acte sous signature juridique : rétablir "une saine concurrence" entre les différents professionnels du droit au profit de l'intérêt collectif, Lexbase Hebdo n° 318 du 17 septembre 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N1885BHB).

Lexbase : Dans quelques heures débutera la rentrée solennelle du Barreau de Lyon. Comment avez-vous appréhendé cet événement ?

Rémi Chaine : Avec sérénité et animé d'une grande ambition !

Nous avons voulu placer cette rentrée sous le signe du "jeune Barreau" : pour citer Albert Einstein, "plus que le passé, c'est l'avenir qui m'intéresse car je vais y passer le restant de ma vie". Le 17 décembre 2009 (soit, la veille de notre rentrée) s'est déroulée la première Rencontre internationale des jeunes Barreaux, manifestation créée à l'initiative de l'Ordre des avocats de la cour d'appel de Lyon et que nous souhaitons, idéalement, voir relayée tous les deux ans (par exemple) par les autres Barreaux en France ou à l'étranger.

Ce colloque, intitulé "Jeunes avocats : quel avenir pour nous ?", a été l'occasion de réunir de jeunes avocats issus de nombreux pays européens (étaient, notamment, représentés les Barreaux d'Alicante, Valence, Turin, Stuttgart, Barcelone, Londres, Cracovie, Istanbul, Luxembourg, etc.), venus confronter leurs expériences respectives et réfléchir sur la profession en Europe et en France, ainsi que sur les défis à venir. La démarche est caractéristique de l'ouverture du Barreau vers l'international : nous comptons, notamment, plus de quinze jumelages avec des Barreaux étrangers.

Ont été abordés, en particulier, les thèmes suivants :

- Quels modes d'exercice pour les jeunes confrères ? : Le constat a été fait du succès de la profession d'avocat, eu égard au nombre de professionnels exerçant en Europe, avec, toutefois, une certaine diversité dans les situations ; ont été relevées des disparités dans les conditions d'accès à la profession et dans les statuts des jeunes avocats, elles-mêmes à l'origine de disparités économiques importantes.

- Comment développer la clientèle : entre communication et spécialisation. Des principes d'ouverture en matière de publicité existent dans tous les pays européens. Si le dénominateur commun à tous consiste au respect des règles déontologiques, force a été de constater une géométrie variable dans le cadre de leur application. L'importance de l'utilisation des newsletters et d'internet pour faire de la publicité a été soulignée. Quant à la spécialisation, elle n'existe pas dans tous les pays d'Europe. Il s'agit, toutefois, d'un enjeu européen (le Conseil des Barreaux Européens (CCBE) ayant engagé une réflexion sur cette question, qui doit permettre, selon nos jeunes confrères, une harmonisation des règles en la matière et l'émergence d'un corpus de spécialités plus lisible pour les justiciables).

- Comment relever le défi de nouvelles compétences ? La question s'est posée sous deux angles distincts : celui de l'évolution au regard des nouvelles technologies et celui des perspectives d'évolution. Sur le premier point, une synthèse de l'ouvrage de Richard Susskind, The end of the lawyers ?, a été restituée. L'auteur prédit, notamment, la disparition des avocats généralistes et l'émergence de cinq nouvelles "professions" pour l'avocat : l'expert sur mesure, l'avocat qui apporte une plus-value, l'avocat "ingénieur juridique", l'avocat spécialisé dans la recherche et les risques juridiques et l'avocat multidisciplinaire. Les nouveaux outils que sont la procédure participative et l'acte d'avocat ouvrent, quant à eux, des perspectives évidentes et doivent, dès lors, être rapidement appréhendés par chacun.

Lexbase : Vous arrivez en fin de mandat. Quel bilan faîtes-vous de celui-ci ?

Rémi Chaine : Si mon mandat de Bâtonnier arrive à son terme, j'exerce encore pour une année les fonctions de Président de la COBRA -Conférence des Barreaux de Rhône-Alpes-, qui rassemble dix-huit Barreaux et dont la vocation est de mutualiser les différents moyens. En 2010, j'entends renforcer cette action, en vue de lui offrir une vraie dimension régionale.

Concernant le Barreau de Lyon, je me suis engagé à moderniser au mieux l'Ordre, qui, avec plus de 2 200 avocats inscrits, ne peut plus fonctionner comme une structure "familiale". Pour exemple : nous avons embauché un Directeur administratif et financier et nous avons étendu de plus de 500 m² nos locaux, qui ont, en outre, été totalement rénovés (NDLR : avec beaucoup de goût et une approche résolument moderne, ainsi que nous avons pu le constater lors de notre visite).

Je me suis, également, employé à continuer le chantier que j'avais engagé il y a quelques années lorsque j'étais alors délégué du Bâtonnier auprès des juridictions, quant à la modernisation des pratiques judiciaires. Il s'agit de s'accorder avec les magistrats et les fonctionnaires de justice sur les "bonnes pratiques". Si la démarche connaît, depuis l'origine, nombre d'échos très positifs, je regrette que les choses n'aillent pas plus vite. Je suis un éternel impatient...

J'ai, aussi, voulu mettre en place de nouvelles formes de solidarité (dont le succès ne s'est pas fait attendre ailleurs) : le dispositif d'aide aux victimes (qui s'inspire de celui mis en place par le Barreau de Bobigny) ou le contrat "chance-maternité " (système de protection complémentaire créé à l'initiative du Barreau de Paris). Enfin, nous avons réformé le système des cotisations, au profit d'un mode de calcul plus équitable et solidaire, tenant compte de tous les revenus de l'avocat.

J'ai, enfin, souhaité développer la communication de l'Ordre, tant sur le plan interne qu'externe, avec, notamment, le développement de notre site internet, la refonte de notre journal, notre participation à la "semaine de l'avocat", notre présence au Salon de l'entrepreneur, etc..

Lexbase : Quelles sont vos positions quant aux questions essentielles soulevées par le rapport "Darrois" et tenant à l'exercice de la profession ? En particulier, que pensez-vous du regroupement des Barreaux ? De la création d'un Ordre national ? De l'acte d'avocat ? Du statut d'avocat en entreprise ? De l'aide juridictionnelle ?

Rémi Chaine : Je suis convaincu de l'absolue nécessité de regrouper nos Barreaux, la dispersion de nos moyens entraîne inévitablement des pertes considérables, de temps, d'énergie et d'argent, que nous ne pouvons d'autant moins nous permettre en période de crise. Je suis pour la création de Barreaux de cour, sous réserve du respect de deux conditions fondamentales :

- celle de ne pas ajouter un échelon de représentation supplémentaire, qui serait générateur de complexité et de coûts, alors que nous devons rechercher l'efficacité,

- et celle de maintenir la proximité de l'instance représentative avec les Barreaux actuels.

Nous préconisons, ainsi, la solution suivante :

- un seul Barreau par cour, mais des collèges par TGI ;

- un seul conseil de l'Ordre par Barreau de cour ;

- les membres du conseil de l'Ordre seraient élus par les collèges ;

- un Bâtonnier de cour présiderait le conseil de l'Ordre et exercerait toutes les attributions actuellement confiées aux Bâtonniers ;

- celui-ci serait élu, soit directement, par l'ensemble des avocats du Barreau de cour au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, soit indirectement, par les membres du conseil de l'Ordre ;

- la présence d'un vice-Bâtonnier par TGI, membre du bureau du conseil de l'Ordre de cour et représentant le Bâtonnier au niveau des confrères, juridictions et autorités du ressort du TGI.

Quant à savoir si un Ordre national doit être créé, tout dépend ce que l'on entend par là. Je suis résolument favorable à une structure de représentation nationale forte et dotée de moyens, qui permettrait à la profession de renforcer sa cohésion et de s'adresser d'une seule et même voix aux pouvoirs publics notamment. Néanmoins, tout dépend des conditions et modalités de mise en place et de fonctionnement de cette structure. Et, justement, à mon sens, elle ne peut s'envisager sans une réorganisation des Barreaux à tous les niveaux, et, en particulier, via la création des Barreaux de cour. En outre, la représentation au sein de cette institution devra nécessairement être équitable et garantie. Je suis donc favorable à un renforcement du CNB, mais il faut revoir en partie son organisation et son mode de représentation. Le CNB a été une grande avancée dans l'organisation de la profession, mais il faut poursuivre dans cette voie.

Je suis beaucoup plus réservé sur la question de la création du statut d'avocat en entreprise : ceci, pour deux raisons. D'abord, il me semble difficile de considérer qu'un avocat salarié, soumis au pouvoir d'un employeur non avocat, reste indépendant. La distinction chère à Jacques Barthélémy entre indépendance intellectuelle, technique et l'indépendance juridique ne m'a jamais convaincu. Par ailleurs, je pense qu'il faut d'abord repenser les institutions, avant d'envisager l'extension de la profession au-delà de ses limites actuelles, sans quoi la profession deviendra définitivement ingouvernable. Je fais souvent la comparaison avec l'Europe, qui eût été bien inspirée de revoir ses institutions avant de s'élargir.

Pour ce qui concerne l'acte d'avocat, vous l'aurez compris, nous sommes résolument pour.

Enfin, je trouve extraordinaire que le rapport "Darrois" ait pu préconiser de taxer d'avantage les avocats, afin d'assurer le financement de l'aide juridictionnelle, quand on sait qu'ils supportent déjà majoritairement le système, l'Etat s'en dégageant progressivement, mais sûrement. Demande-t-on aux médecins de financer la couverture médicale universelle ? La solution de la taxation de tous les actes juridiques me semble adéquate, en ce qu'elle garantie l'équité.

newsid:379528

Famille et personnes

[Jurisprudence] Le droit de l'enfant d'être entendu avec un avocat : pas plus de formalisme qu'il n'en faut

Réf. : Cass. civ. 1, 9 décembre 2009, n° 08-18.145, Mme Anouck Huguet, F-D (N° Lexbase : A4404EPS)

Lecture: 7 min

N9530BMW

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

Fonder un pourvoi sur le fait que la cour d'appel ne précise pas dans sa décision que l'enfant a été informé de son droit d'être entendu avec un avocat donne tout de même un peu l'impression que son auteur fait feu de tout bois pour que la décision soit remise en cause ! Il est donc heureux que la Cour de cassation dans l'arrêt du 9 décembre 2009 rejette le pourvoi en considérant que les exigences formelles relatives à l'information du mineur prévues par les textes ont bien été respectées et qu'il n'était pas nécessaire d'en faire davantage, allant dans le même sens qu'un précédent arrêt rendu sur cette question le 17 octobre 2007 (1). Les arrêts de 2007 et de 2009 diffèrent cependant sur la question du contrôle de l'information de l'enfant au moment de son audition et de la mention de ce contrôle dans le procès-verbal.
Les dispositions combinées du Code civil et du Code de procédure civile relatives à l'audition du mineur issues des récentes réformes (2) prévoient, en effet, désormais que le droit du mineur d'être assisté d'un avocat lors de son audition doit être non seulement mentionné dans la convocation (C. pr. civ., art. 338-6 N° Lexbase : L2722IEK), ce qui ne suscite aucune difficulté d'interprétation (I) mais également que le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être assisté d'un avocat, ce que seul l'arrêt du 9 décembre 2009 rappelle (II). I - La mention du droit de l'enfant à être assisté d'un avocat dans la convocation à l'audition

Information nécessaire. L'information relative à un droit est, à l'évidence, la garantie de l'effectivité de celui-ci. Il en va particulièrement ainsi lorsque le droit positif offre une alternative comme c'est le cas pour l'accompagnement du mineur lors de son audition. L'article 388-1 du Code civil (N° Lexbase : L8350HW8) ouvre un choix au mineur qui peut être entendu seul, ou accompagné d'un avocat ou d'une autre personne de son choix. Il est donc impératif que l'enfant entendu par le juge soit informé des différentes possibilités qui s'offrent à lui pour procéder à un choix éclairé. Dès 1993, le Code de procédure civile mentionnait l'obligation d'informer le mineur de son droit d'être accompagné d'un avocat dans la convocation pour son audition (3).

Information préalable par les parents. Depuis l'entrée en vigueur du décret du 20 mai 2009 relatif à l'audition de l'enfant en justice (décret n° 2009-572 N° Lexbase : L2674IER), le mineur est en principe informé de ce droit avant de recevoir la convocation puisque selon l'article 338-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2700IEQ) "le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit à être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant".

Information suffisante. L'information du mineur quant à son droit d'être accompagné par un avocat lors de son audition paraît donc assurée et c'est logiquement que dès 2007, la Cour de cassation a considéré que la mention de cette information dans la décision n'était pas nécessaire. Dans l'arrêt du 9 décembre 2009, la Cour de cassation constate, en effet, comme elle l'avait fait dans l'arrêt du 17 octobre 2007 (4), que "la convocation adressée au mineur en vue de son audition l'informait, conformément à l'article 338-5 du Code de procédure civile, qu'il pouvait être entendu seul, accompagné d'une personne de son choix ou d'un avocat, et qu'il bénéficiait, de droit, de l'aide juridictionnelle". Il semble cependant que cette information n'ait pas été jugée suffisante pour assurer l'effectivité du droit du mineur et qu'elle doive être complétée par un contrôle du juge au moment de l'audition.

II - Le contrôle de l'information de l'enfant au moment de l'audition

L'exigence légale. Lorsque le mineur se présente seul en vue de son audition, on peut se demander s'il a bien été informé de son droit d'être accompagné d'un avocat. C'est la raison pour laquelle l'ancien article 338-7 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2047H4L) prévoyait que dans cette hypothèse, "le juge lui donne avis de son droit d'être entendu avec un avocat ou une autre personne de son choix". Le cas échéant, le mineur qui n'aurait pas été informé auparavant, peut demander à être accompagné d'un avocat, que le juge peut faire désigner par le Bâtonnier, ce qui entraîne le report de l'audition. Les nouveaux textes issus de la loi du 5 mars 2007, réformant la protection de l'enfance (loi n° 2007-293 N° Lexbase : L5932HUA) et du décret du 20 mai 2009, relatif à l'audition de l'enfant en justice, ont transféré dans le Code civil l'obligation du juge de contrôler l'information du mineur quant à son droit d'être accompagné d'un avocat. C'est désormais l'article 388-1 in fine du Code civil qui précise que le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit d'être entendu avec un avocat. On notera que la nouvelle formulation ne mentionne que l'avocat et non plus l'autre personne de son choix...

Preuve dans le procès verbal d'audition. Lorsque l'enfant a été entendu seul, se pose la question de savoir s'il a bien été informé par le juge de son droit à être assisté d'un avocat. La Cour de cassation n'exige pas ni dans l'arrêt du 17 octobre 2007, ni dans l'arrêt du 9 décembre 2009, que la mention de cette information figure dans la décision au fond. Toutefois, alors qu'en 2007, elle n'avait pas répondu à l'argument selon lequel cette mention ne figurait pas dans le procès verbal d'audition -ce qui pouvait au demeurant être contestable- elle souligne à l'inverse, dans l'arrêt du 9 décembre 2009 "qu'il ressort du procès-verbal d'audition du 6 septembre 2006, que Guillaume a accepté d'être entendu sans son avocate" et en conclut que les exigences relatives à l'information du mineur ont bien été satisfaites. On peut déduire de cette décision que le procès verbal doit, lorsque le mineur a été entendu seul, préciser que l'enfant a bien été informé par le juge, au moment d'être entendu, qu'il pouvait être accompagné d'un avocat. Cette analyse paraît au demeurant logique. Le compte-rendu d'audition -le décret du 20 mai 2009 ne parle en effet pas de procès-verbal- paraît être le moyen le plus simple pour informer les parties des modalités de l'audition et de l'exercice effectif par le mineur de ses droits.

Preuve par un autre moyen. La mention de l'information de l'enfant dans le procès-verbal ne peut, cependant, pas être le seul moyen envisageable pour établir l'existence de cette information dans la mesure où le compte rendu d'audition prévu par le décret du 20 mai 2009 n'est pas forcement écrit, l'article 338-12 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2713IE9) exigeant seulement que ce compte-rendu soit soumis au respect du contradictoire. Le juge qui a entendu l'enfant peut donc seulement rapporter oralement aux parties le contenu de l'audition. Lorsque le compte-rendu de l'audition est oral, il est sans doute préférable, au regard de l'arrêt du 9 décembre 2009, que le juge mentionne dans décision qu'il s'est bien assuré que le mineur avait choisi d'être entendu seul, alors qu'il était informé de son droit d'être accompagné d'un avocat. En l'absence d'une telle mention en effet, et sans compte-rendu écrit de l'audition, aucune preuve ne pourra être apportée du respect de l'obligation pour le juge de s'assurer que le mineur a été informé de ce droit et le parent qui ne serait pas satisfait de la décision rendue pourrait se servir de cet argument pour la remettre en cause...

L'information du mineur garantie d'exécution de la décision. De manière générale, le juge doit se montrer d'autant plus précis quant à la réalité de l'information du mineur relative aux possibilités qui s'offrent à lui, lorsque ce dernier n'a pas exercé les prérogatives qui lui sont offertes. Les droits de l'enfant relatifs à l'audition sont, en effet, formulés sous forme d'alternative ou de possibilités : l'enfant peut demander à être entendu, il peut demander à être accompagné lors de son audition. Le défaut d'exercice par le mineur des possibilités qui lui sont ouvertes peut signifier qu'il n'a pas entendu les exercer ou bien qu'il n'a pas été informé de ses droits. Pour s'assurer que le mineur a bien eu la possibilité d'exercer ces droits, il faut établir la preuve de son information. De cette exigence pourrait dépendre l'exécution de la décision dans un autre Etat. En imposant que l'enfant ait eu la possibilité d'être entendu dans la procédure relative à l'autorité parentale, le Règlement communautaire "Bruxelles II bis" (Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000 N° Lexbase : L0159DYK) impose, en effet, au juge de vérifier que l'enfant est informé de son droit d'être entendu. En l'absence de preuve de cette vérification, un Etat pourrait en vertu de l'article 41 du rRèglement communautaire, refuser d'exécuter la décision au motif qu'il n'est pas établi que l'enfant a eu réellement la possibilité d'être entendu. La circulaire de la Direction des affaires civiles et du Sceau n° 2007 06 du 16 mars 2007, relative à l'audition de l'enfant pour l'application du Règlement "Bruxelles II bis" concernant les décisions sur la responsabilité parentale (N° Lexbase : L2212H3C) rappelle que le respect des exigences du Règlement en matière d'audition de l'enfant concerné par les modalités d'exercice de l'autorité parentale "conditionne l'effectivité, dans l'espace judiciaire européen, des décisions rendues par la justice française en matière familiale".

L'audition, acte procédural formel. L'arrêt du 9 décembre 2009 témoigne s'il en était encore besoin du fait que l'audition de l'enfant dans les procédures relatives à l'autorité parentale est devenue un véritable acte de procédure soumis à des exigences formelles impératives. Même si l'on peut parfois regretter que ces exigences fassent l'objet d'une utilisation excessive par les parents, on peut se féliciter des garanties et de l'effectivité dont les droits procéduraux du mineur bénéficient désormais. On appréciera également l'importance conférée par la décision du 9 décembre 2009 au rôle de l'avocat dans le processus d'audition du mineur dans les procédures qui le concernent, qui reflète d'ailleurs le rôle que les auteurs des textes récents ont entendu lui conférer.


(1) Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, n° 07-11.449, M. Armando Damiao Granada Da Conceicao, F-P+B (N° Lexbase : A8220DY4), Dr. fam., 2007, comm. n° 204, obs. P. Murat.
(2) Nos obs., L'enfant et les procédures judiciaires : les nouveaux textes, Lexbase Hebdo n° 353 du 4 juin 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N6318BK9).
(3) Cette obligation était contenue dans l'article 338-5 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2042H4E), elle a été transférée dans l'article 338-6 du même code (N° Lexbase : L2722IEK) après les modifications engendrée par le décret n° 2009-572 du 20 mai 2009, relatif l'audition de l'enfant en justice (N° Lexbase : L2674IER).
(4) Préc..

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Propriété intellectuelle

[Questions à...] Le Syndicat national de l'édition obtient la condamnation de "Google books" pour contrefaçon de droits d'auteur : questions à Maître Marie-Anne Gallot Le Lorier, avocat associé au cabinet Ngo Migueres & Associés

Lecture: 4 min

N9471BMQ

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

Le 07 Octobre 2010

Le 18 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la condamnation de la société Google pour contrefaçon de droits d'auteur aux dépens de maisons d'édition du groupe La Martinière (les éditions du Seuil, Delachaux et Niestlé et la société Harry N. Abrams), dans un litige concernant le service proposé par le moteur de recherche, "Google books". Ce jugement de principe, rendu en faveur des auteurs et des éditeurs, reconnaît qu'en reproduisant intégralement et en rendant accessibles des extraits d'ouvrages sans l'autorisation préalable des ayants droit, la société Google a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice des sociétés demanderesses (TGI Paris, 3ème ch., 2ème sect., 18 décembre 2009, n° 09/00540, Société Editions du Seuil SAS c/ Société Google Inc N° Lexbase : A8446EPI). Ce jugement était attendu par toute la profession et devrait servir de base aux prochaines initiatives des éditeurs contre Google, puisque la solution dégagée par les juges s'applique à tous les éditeurs concernés. A ce jour, le seul accord envisagé par Google est celui en cours qui concerne les éditeurs américains, incluant uniquement les oeuvres inscrites au registre américain des droits d'auteurs et émanant de pays anglo-saxons. En France, si la commission installée par le ministre de la Culture, présidée par Marc Tessier et portant sur la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques, ne semble pas hostile à des partenariats public-privé en matière de numérisation, tout en soulignant les risques inhérents à une telle coopération, le Président de la République a déclaré le 8 décembre dernier qu'"il n'[était] pas question de nous laisser déposséder de notre patrimoine au bénéfice d'un grand opérateur aussi sympathique soit-il, aussi important soit-il, aussi américain soit-il". Pour aller plus loin sur ce jugement d'importance, Lexbase Hebdo - édition privée générale a rencontré Maître Marie-Anne Gallot Le Lorier, avocat associé au cabinet Ngo Migueres & Associés, et représentant les intérêts du Syndicat National de l'Edition (SNE) dans ce litige. Lexbase : Sur quels fondements le Syndicat national de l'édition est-il intervenu à l'instance ?

Marie-Anne Gallot Le Lorier : Le Syndicat national de l'édition (SNE) représente 530 maisons d'édition. Dans ce litige, il a souhaité intervenir volontairement à l'instance puisque sa mission première est, conformément à ses statuts, de faire respecter les règles du droit d'auteur.

La société Google a contesté la recevabilité à agir du SNE, arguant, entre autres, que s'il peut être représenté en justice par son président, en vertu des dispositions statutaires, ce dernier n'est pas habilité lui-même à initier une action en justice au nom du syndicat.

L'argument sera balayé par le tribunal qui rappelle que le Code du travail (C. trav., art. L. 2132-3 N° Lexbase : L2122H9H) pose le principe selon lequel les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Et tel était bien le cas ici, puisque le Syndicat national de l'édition, de par ses statuts, a pour objet le soutien de la création et de la recherche par la défense de la liberté de publication, du respect du droit d'auteur et du principe du prix unique du livre.

Lexbase : Pour tout litige concernant internet, la question qui se pose le plus souvent est celle de la loi applicable. Quelle a été l'analyse du tribunal de grande instance sur ce point ?

Marie-Anne Gallot Le Lorier : La société Google demandait à ce que la loi applicable soit celle des Etats-Unis de façon à ce que seules ses dispositions trouvent à s'appliquer. Le tribunal de grande instance de Paris était déjà allé dans ce sens, dans un jugement du 20 mai 2008 relatif à un litige à peu près similaire et opposant le moteur de recherche à la société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (SAIF) (TGI Paris, 20 mai 2008, n° 05/12117, SAIF c/ SARL Google France N° Lexbase : A2891D9X). Le tribunal avait alors jugé que les agissements allégués de contrefaçon étant réalisés, d'une part, par la collecte des images et leur référencement par le moteur de recherches "Google Images" et, d'autre part, par l'accès au serveur www.google.fr, cette activité, à savoir celle de développeur de moteur de recherches, était l'activité centrale et première de la société Google et que, donc le siège social de la société Google, à savoir l'endroit où les décisions sont prises et où l'activité de moteur de recherches est mise en oeuvre au sein des locaux de la société, devait déterminer la loi applicable au litige. Ainsi, le litige avait il été soumis à la loi américaine.

Or, dans le jugement du 18 décembre dernier, le tribunal ne va, fort heureusement, pas suivre cette même démarche. En effet, appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière (Cass. civ. 1, 9 décembre 2003, n° 01-03.225, FS-P+B N° Lexbase : A4178DAY ; Cass. com., 11 janvier 2005, n° 02-18.381, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A9994DEU ; Cass. com., 20 mars 2007, n° 04-19.679, F-P+B N° Lexbase : A7901DU8), le tribunal fait application de la notion de "point de rattachement". Il estime qu'en l'espèce, la France est bien le pays qui entretient les liens les plus étroits avec le litige, ce qui justifie donc l'application de la loi française.

En effet, le litige concerne des oeuvres d'auteurs français numérisées pour être accessibles par extraits aux internautes français sur le territoire national. De plus, le tribunal saisi est le tribunal français, les demanderesses sont des sociétés d'édition françaises et les intervenants sont également français. Enfin, le nom de domaine permettant accès au site contenant ces oeuvres numérisées dispose d'une extension en ".fr".

Lexbase : Au final, le tribunal a retenu à l'encontre de Google une contrefaçon de droits d'auteur. Quel est le sentiment du SNE sur ce point ?

Marie-Anne Gallot Le Lorier : Le SNE est forcément satisfait du jugement rendu en ce qu'il décide de l'application de la législation française et sanctionne les agissements contrefaisants de Google. Les membres du syndicat ne sont évidemment pas opposés par principe à opérer des partenariats avec des sociétés pour la numérisation de leurs oeuvres mais ils ne peuvent accepter de le faire qu'avec des opérateurs loyaux respectant les règles de droit.

Or, Google a opéré, en l'espèce, sans autorisation la numérisation complète d'oeuvres et a diffusé sur internet outre l'intégralité des couvertures des oeuvres ainsi numérisées, des morceaux de texte aléatoirement choisis. Concrètement à chaque mot clé tapé par un internaute, le service Google Books faisait apparaître trois extraits tronqués de l'ouvrage sous forme de bandeaux de papiers, portant indéniablement ainsi atteinte à l'intégrité de l'oeuvre.

Lexbase : L'exception de courte citation aurait-elle pu prospérer ?

Marie-Anne Gallot Le Lorier : C'est ce qu'arguait Google justement. L'exception de courte citation est prévue à l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3573IE3) et Google faisait valoir qu'elle ne réalise aucune représentation des ouvrages litigieux dans leur intégralité mais uniquement l'affichage d'extraits "dans des limites convenables" couvertes par l'exception de courte citation à but d'information. Mais là encore le tribunal ne va pas retenir cet argument. Il énonce, en effet, et de manière on ne peut plus claire que "la numérisation d'une oeuvre, technique consistant en l'espèce à scanner l'intégralité des ouvrages dans un format informatique donné, constitue une reproduction de l'oeuvre qui requiert en tant que telle, lorsque celle-ci est protégée, l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses ayants-droit". Ainsi, l'exception de courte citation ne pouvait prospérer dès lors que les couvertures des ouvrages étaient communiquées dans leur intégralité et que l'aspect aléatoire du choix des extraits représentés déniait tout but d'information, condition de la courte citation.

En définitive par ce jugement, le tribunal a sanctionné le comportement de Google. Le jugement étant frappé d'exécution provisoire, le moteur de recherche, malgré l'appel qu'il va interjeter, se voit contraint, sous astreinte, à retirer les extraits litigieux de son site.

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Sécurité sociale

[Textes] LFSS pour 2010 : une réforme des prestations a minima

Réf. : Loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, de financement de la Sécurité sociale pour 2010 (N° Lexbase : L1205IGQ)

Lecture: 16 min

N9532BMY

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

Le 07 Octobre 2010

Plus que jamais, en période de déficit des comptes sociaux, le législateur, avec la LFSS pour 2010, a entendu poursuivre sa politique de maîtrise des dépenses d'assurance maladie. L'objectif de progression des dépenses (Ondam) est ainsi poursuivi et amplifié en 2010 avec une augmentation de l'objectif limitée à 3 %. La LFSS réforme, par ailleurs, les droits à retraite des mères de famille : la majoration de durée d'assurance de deux ans par enfant dans le régime général est maintenue, mais des ajustements sont apportés afin de répondre à la jurisprudence de la Cour de cassation (1). Une majoration de quatre trimestres est accordée aux mères assurées sociales au titre de la grossesse et de la maternité. Elle est complétée par une majoration de quatre trimestres accordée aux couples au titre de l'éducation de l'enfant. En matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP), la loi instaure un système de "bonus-malus" pour renforcer l'intérêt des entreprises à s'engager dans une démarche de prévention des risques professionnels. La politique de la famille, dans le cadre de la LFSS pour 2010, a également fait l'objet de plusieurs aménagements, mais le Conseil constitutionnel a censuré quatre des cinq articles de la loi (2). Enfin, la politique de lutte contre les fraudes est renforcée, dans le prolongement de la réforme initiée par la précédente LFSS pour 2009 (3). La LFSS pour 2010 met, notamment, l'accent sur la lutte contre les arrêts de travail injustifiés qui restent nombreux malgré les efforts fournis ces dernières années. Un dispositif est créé pour lutter contre la succession d'arrêts de travail abusifs. La loi généralise, en outre, après expérimentation, le dispositif de "contre-visite" de l'employeur : il s'agit de faire en sorte que les caisses d'assurance maladie tiennent compte de l'avis du médecin mandaté par l'entreprise pour contrôler son salarié, soit en effectuant un nouveau contrôle, soit en suspendant immédiatement le versement des indemnités journalières. I - Risque santé

Pour 2010, les prévisions de recettes s'élèvent à 164,6 milliards d'euros et 179,1 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit annoncé de 14,5 milliards d'euros ; pour la branche AT-MP, 12,1 milliards d'euros de recettes et 12,9 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit mesuré de 0,8 milliards d'euros (LFSS pour 2010, art. 27 et 28). Le montant de l'Ondam pour 2010 est fixé à 162,4 milliards d'euros, soit 4,5 milliards d'euros de plus que le montant de l'Ondam pour 2009.

Les dispositions portant sur le risque maladie sont comprises aux articles 34 à 64, le Conseil constitutionnel ayant censuré les articles 36, 38, 50 et 51, 57 (décision du Conseil constitutionnel n° 2009-596, préc.) (4).

En effet, les articles 36 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (limitant les droits du titulaire d'un droit de propriété intellectuelle protégeant l'apparence et la texture des formes orales d'une spécialité pharmaceutique), 38 (supprimant l'attribution systématique au médecin traitant de la surveillance et du suivi biologique de la contraception locale ou hormonale prescrite par une sage-femme), 50 (autorisant la diffusion, sur les sites informatiques des établissements de santé, d'informations relatives aux tarifs et honoraires des professionnels de santé qui y exercent), 51 (procédant à la coordination de la rédaction des articles L. 6111-3 N° Lexbase : L5083IEY et L. 6323-1 N° Lexbase : L5082IEX du Code de la santé publique) et 57 (validant les reclassements intervenus en application de la rénovation de la convention collective nationale du 31 octobre 1951) n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Aussi, selon le Conseil constitutionnel, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale ("cavaliers sociaux").

A - Assurance maladie

Les dispositions relatives aux dépenses d'assurance maladie (LFSS pour 2010, art. 34 à 64) portent sur de très nombreux points, dont l'intérêt et la portée varient considérablement (5). La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 contient des dispositions relatives à l'Ondam (non prise en compte des dépenses liées à la pandémie grippale pour l'évaluation du risque de dépassement de l'Ondam pour 2010) ; aux dépenses de soins de ville (exonération du "ticket modérateur" pour les examens de suivi réalisés après la sortie du régime des affections de longue durée ; médicaments génériques présentant la même forme galénique que le priceps ; transparence des tarifs et honoraires des professionnels de santé exerçant en établissements ; transmission aux organismes complémentaires du code identifiant de présentation des médicaments ; compétence des sages-femmes pour la surveillance et le suivi biologique d'une contraception ; obligation, pour les praticiens exerçant à honoraires libres, d'effectuer au moins un tiers de leurs actes à tarifs opposables ; développement de la prescription dans le répertoire des génériques ; information des assurés par les organismes complémentaires d'assurance maladie ; contrôle des arrêts de travail dans les collectivités publiques ; régulation des dépenses de transport sanitaires ; expérimentation relative à la chirurgie extra-hospitalière ; développement de la dialyse à domicile) ; et à l'hôpital et aux cliniques privées (report à 2018 de la convergence tarifaire intersectorielle des établissements de santé et prise en charge des soins effectués dans des hôpitaux établis hors de France (6) ; objectifs quantifiés nationaux relatifs aux activités de psychiatrie et de soins de suite et de réadaptation ; modalités de versement des contributions des régimes obligatoires d'assurance maladie aux agences régionales de santé pour 2010 ; affiliation des conjoints-collaborateurs des professionnels libéraux aux régimes d'assurance invalidité-décès).

Deux réformes introduites par la LFSS pour 2010 justifient une analyse détaillée, eu égard à leur importance : la création des agences régionales de santé (ARS) et la mise en place d'un dispositif de suivi post-affection de longue durée attractif.

  • Mise en place des agences régionales de santé

L'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (N° Lexbase : L5035IE9) (7), a institué des agences régionales de santé, chargées de mettre en oeuvre, dans chaque région, la politique de santé publique et de réguler, d'orienter et d'organiser l'offre de services de santé et de services médico-sociaux. Les agences régionales de santé sont, ainsi, chargées de piloter les actions de santé publique et de prévention, d'organiser les soins hospitaliers, de réguler l'offre de soins de ville, de piloter une partie du secteur médico-social et d'exercer certaines missions de veille et de sécurité sanitaires.

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (art. 59) prévoit que les régimes obligatoires d'assurance maladie verseront, en 2010, deux dotations aux agences régionales de santé, dont une visant à financer une partie de leurs dépenses d'installation. En principe, les contributions des régimes d'assurance maladie aux agences régionales de santé devraient être fixées par la loi de financement de la Sécurité sociale, comme le prévoit l'article L. 1432-6 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5423IEL, tel qu'il ressort de l'article 118 précité de la loi ° 2009-879 du 21 juillet 2009). Toutefois, le montant des crédits de fonctionnement dont auront besoin les agences régionales de santé pour l'année 2010 dépend de la date à laquelle elles reprendront les personnels et les missions des divers organismes auxquels elles se substituent. Or, cette date n'est pas encore connue avec certitude, l'article 131 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 laissant au Gouvernement jusqu'au 31 juillet 2010 pour y procéder.

Aussi, la LFSS pour 2010 propose que la contribution de l'assurance maladie au financement des agences régionales de santé pour 2010 comprenne, outre la dotation visant à couvrir une partie de leurs frais d'installation, une dotation compensant les dépenses afférentes aux emplois et aux missions qui leur sont transférés, dont le montant sera fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé, de la Sécurité sociale et de l'Agriculture.

  • La création d'un régime spécifique d'exonération du ticket modérateur post-affection de longue durée

Le régime des affections de longue durée (ALD) constitue une exception au principe (CSS, art. L. 322-2 N° Lexbase : L4702H9Z) suivant lequel un ticket modérateur, c'est-à-dire une fraction du tarif servant de base au calcul des remboursements d'assurance maladie, est laissé à la charge de l'assuré. L'exonération prévue pour ces personnes vise à neutraliser le "reste à charge", qui serait particulièrement élevé pour eux, dans la mesure où ils ont besoin de soins plus fréquents et plus coûteux que la moyenne des assurés.

Fin 2008, les travaux parlementaires (8) ont évalué l'effectif total de bénéficiaires du régime des ALD à 8,3 millions pour le régime général et à 9,7 millions pour l'ensemble des régimes, soit 15 % des assurés. Les entrées dans le régime des ALD ont connu une croissance soutenue de 5,9 % par an en moyenne entre 2006 et 2008. Les progrès thérapeutiques ont accru l'espérance de vie de ces malades, ce qui a pour effet d'allonger la durée moyenne du bénéfice du régime des ALD. Aussi, les dépenses liées aux patients en ALD progressent à un rythme de 5,9 % par an en moyenne entre 2006 et 2008. En conséquence, ces affections absorbent une part de plus en plus prépondérante des dépenses d'assurance maladie : les dépenses d'ALD concentrent, en effet, 65 % des remboursements, et leur progression explique la quasi-totalité de la croissance des dépenses d'assurance maladie.

Compte tenu de la place de plus en plus importante des dépenses d'ALD dans nos dépenses d'assurance maladie, le législateur (LFSS pour 2010) a entendu veiller à ce que le régime des ALD soit appliqué de façon pertinente. Dans cette optique, les pouvoirs publics ont engagé des réflexions sur le bien-fondé des critères d'admission et de maintien dans ce régime. La loi n° 2009-1646 institue un régime spécial d'exonération du ticket modérateur doublement ciblé sur les seuls assurés qui ne sont plus admis à bénéficier du régime d'exonération lié à l'une des 30 ALD énumérées à l'article D. 322-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4416GU4) ; les seuls actes médicaux et examens biologiques nécessaires au suivi de l'affection au titre de laquelle ces assurés ont bénéficié du régime des ALD.

B - Santé au travail (AT-MP)

L'année 2008 enregistre à la fois une diminution de 2,2 % du nombre d'accidents du travail avec arrêt par rapport à l'année 2007 et une augmentation de l'activité salariée, avec une hausse des effectifs de 1,3 %, ce qui conduit à une diminution de l'indice de fréquence, qui atteint un niveau inédit de 38 accidents avec arrêt pour 1 000 salariés en 2008. Après avoir diminué en 2003 et 2004, le nombre d'accidents de trajet avec arrêt est en augmentation pour les années 2005 à 2008, avec, en 2008, une augmentation de 2,8 % par rapport à 2007. Le nombre de maladies professionnelles reste en augmentation en 2008, avec une hausse maintenue de 3,6 % par rapport à 2007.

Les dispositions de la LFSS pour 2010 relatives aux dépenses d'accidents du travail et de maladies professionnelles portent sur les dispositions d'incitation financière en matière de tarification des accidents du travail ; la contribution au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ; la modification du système d'accès au FCAATA ; la création d'une filière individualisée d'accès au FCAATA ; et, enfin, le versement au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Pour 2010, le législateur a fixé à 12,9 milliards d'euros l'objectif de dépenses de la branche AT-MP pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale et à 11,4 milliards d'euros l'objectif de dépenses de la branche pour le seul régime général (LFSS pour 2010, art. 78). La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 met délibérément l'accent sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

De la LFSS pour 2010, on retiendra l'article 74, ayant pour objet d'instaurer un système de "bonus-malus" pour inciter davantage les entreprises à s'engager dans une démarche de prévention des accidents du travail, en renforçant l'efficacité ou en généralisant les dispositions d'incitation financière existantes. En dehors du dispositif stricto sensu de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles (qui poursuit également une visée d'incitation à la prévention), il existe parallèlement toute une gamme d'incitations financières, visant à ce que les entreprises améliorent la sécurité au travail. Les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, qui se substitueront aux caisses régionales d'assurance maladie le 1er janvier 2010, en vertu de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, peuvent accorder des ristournes soit sur la cotisation accidents du travail/maladies professionnelles, soit sur la majoration forfaitaire accident de trajet pour tenir compte des mesures de prévention qui ont été prises. Elles peuvent également imposer des cotisations supplémentaires, pour tenir compte des risques exceptionnels présentés par l'activité de l'établissement ou accorder des avances aux entreprises. Selon les travaux parlementaires (9), à l'exception du dispositif expérimental des aides financières simplifiées, les dispositifs d'incitation financière sont soit assez peu efficaces, soit peu ou mal utilisés.

Le dispositif des cotisations supplémentaires prévu par la loi n'étant pas assez dissuasif pour les entreprises, la LFSS pour 2010 le renforce en modifiant les articles L. 242-7 (N° Lexbase : L1500IGN) et L. 422-4 (N° Lexbase : L1488IG9) du Code de la Sécurité sociale, qui prévoient ses conditions de mise en oeuvre. L'article 74 de la loi n° 2009-1646 complète le deuxième alinéa de l'article L. 242-7 afin de prévoir la fixation d'un montant minimal pour les cotisations supplémentaires. Les conditions générales dans lesquelles ces cotisations supplémentaires peuvent être imposées sont aujourd'hui fixées par l'arrêté interministériel du 16 septembre 1977 (N° Lexbase : L8448AIQ), qui ne prévoit pas de montant plancher pour la cotisation supplémentaire. La modification proposée par le 1° vise à prévoir qu'un arrêté déterminera, désormais, le taux, la durée pendant laquelle elle est due et, surtout, le montant forfaitaire minimal de la cotisation supplémentaire. L'expérience a, en effet, montré que ces cotisations supplémentaires conduisent souvent à des montants financiers très faibles (non incitatifs), puisqu'elles sont calculées en fonction de la durée pendant laquelle les risques exceptionnels ont été constatés. En prévoyant un plancher minimal de cotisation supplémentaire, il s'agit de rendre ces cotisations supplémentaires réellement dissuasives.

Le législateur a entendu donner une base législative à l'octroi par les caisses de retraite et de santé au travail d'aides financières simplifiées, sous forme de subventions directes aux petites entreprises dans le cadre d'enveloppes limitatives. Il s'agit de tirer les conséquences d'un dispositif expérimental qui a fait ses preuves. La réussite du dispositif tient au fait que ces aides financières en faveur des entreprises qui réalisent des actions de prévention sont simples à mettre en oeuvre pour être adaptées au public des plus petites d'entre elles. Elles prennent, en effet, la forme de subventions directes, à la différence des contrats de prévention classiques, qui passent préalablement par des avances financières et nécessitent surtout la signature de conventions nationales d'objectif. Afin de généraliser l'octroi de subventions, la LFSS pour 2010 complète ainsi l'article L. 422-5 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1349IG3) relatif aux avances pour y ajouter un alinéa relatif aux subventions. Les entreprises qui seront éligibles aux programmes nationaux de prévention définis par la CNAMTS ou aux programmes locaux définis par une caisse régionale d'assurance maladie, pourront se voir accorder des subventions par une caisse régionale, dans des conditions qui seront précisées par arrêté.

II - Risques vieillesse et dépendance

Pour 2010, les prévisions de recettes s'élèvent à 182,4 milliards d'euros et 195 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit annoncé de 12,6 milliards d'euros pour la branche vieillesse (LFSS pour 2010, art. 27). Les dispositions portant sur le risque vieillesse sont comprises aux articles 65 à 73 de la loi.

A - Majoration de durée d'assurance vieillesse

La majoration de durée d'assurance pour enfants a pour fonction première de compenser, en partie, les inégalités de carrière subies par les femmes en raison de l'arrivée des enfants (10). La LFSS pour 2010 vise plusieurs objectifs : sécuriser le dispositif juridiquement et mettre un terme aux contentieux qui risquent de se généraliser et compenser les effets pénalisant de l'arrivée d'enfants sur la carrière professionnelle des parents. Le nouveau dispositif doit donc continuer de bénéficier aux femmes, tout en respectant les principes de non-discrimination rappelés par la Cour de cassation. Enfin, le législateur a fait le choix de conserver le système de majoration de la durée d'assurances en raison des enfants, c'est-à-dire l'octroi de trimestres gratuits permettant de compenser le déficit de trimestres cotisés dont souffrent souvent les femmes (d'autres options étaient possibles, comme la majoration de pension).

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (art. 65) réécrit l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1517IGB), en prévoyant l'attribution (comme c'est le cas aujourd'hui) de huit trimestres par enfant. Ces huit trimestres sont, désormais, divisés en deux blocs : quatre trimestres liés à l'accouchement et à la maternité et quatre trimestres liés à l'éducation. Point commun à ces deux blocs, l'octroi de ces trimestres n'est à aucun moment conditionné à une interruption d'activité conformément à l'objectif d'éviter, pour les femmes, un éloignement trop prolongé du monde du travail. Par ailleurs, cette absence de condition de cessation d'activité permet de préserver les droits de toutes les femmes ayant des enfants avant de commencer à travailler, qui auraient pu se voir pénalisées par une telle exigence.

  • Une majoration de quatre trimestres par enfant pour la maternité

L'article L. 351-4-I du Code de la Sécurité sociale prévoit l'attribution automatique d'une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres aux femmes assurées sociales pour chacun de leurs enfants. Le fait générateur de cette attribution est l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l'accouchement. Ce fait générateur permet à la fois d'écarter les hommes du bénéfice de cette majoration, mais aussi de poser un principe : ce ne sont pas seulement les effets de la grossesse et de l'accouchement sur la vie professionnelle que cette majoration entend compenser (d'où l'importance du "notamment"), mais bien, plus généralement, les incidences de la maternité même, c'est-à-dire le fait pour une femme qui travaille d'avoir des enfants.

Est donc reconnue par la loi cette réalité sociologique bien établie qu'une femme est désavantagée dans sa vie professionnelle par le simple fait qu'elle est femme et qu'elle est donc susceptible d'avoir des enfants : désavantage à l'embauche, avant même qu'il y ait enfant ; puis désavantage dans le déroulement de la carrière, en termes de salaires et de promotions.

  • Une majoration de quatre trimestres pour l'éducation

Le législateur (CSS, art. L. 351-4, alinéas 3 à 9) attribue quatre trimestres aux parents de l'enfant au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption. Le fait générateur est ici l'éducation de l'enfant, biologique ou adopté. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (supra), ce droit est ouvert de façon égale au père et à la mère. La quatrième année révolue, le couple dispose d'une période de six mois au cours de laquelle il peut indiquer à la caisse d'assurance vieillesse la répartition de ces quatre trimestres.

  • Le cas des enfants adoptés

S'agissant des enfants adoptés, la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 prévoit (comme aujourd'hui) l'attribution de huit trimestres par enfant. La répartition des huit trimestres est, néanmoins, différente pour les enfants adoptés : les quatre trimestres liés à l'adoption valent aussi bien pour les enfants biologiques que pour les enfants adoptés, la seule différence étant que la période pendant laquelle le choix de répartition des trimestres est effectué est les six mois suivant le quatrième anniversaire de l'adoption et non de la naissance. En revanche, il n'était pas possible d'attribuer les quatre trimestres liés à la maternité aux parents adoptants. C'est pourquoi le III (alinéas 10 à 13) de l'article L. 351-4 prévoit une majoration spécifique de quatre trimestres pour les parents adoptants dont le fait générateur est l'incidence sur la vie professionnelle de l'accueil de l'enfant et des démarches préalables à celui-ci.

B - Cumul d'un emploi avec une pension d'invalidité

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 supprime une restriction au travail des personnes bénéficiant d'une pension d'invalidité, restriction devenue d'autant plus pénalisante que la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a libéralisé les possibilités de cumul emploi-retraite (11). En application de l'article L. 341-15 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3136IC7), la pension d'invalidité se transforme en pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail. L'assurance-vieillesse prend donc le relais de l'assurance-maladie avec des règles de liquidation spécifiques : le taux plein est accordé quelle que soit la durée d'assurance et le salaire annuel moyen est calculé à partir des dix meilleures années civiles précédant l'invalidité.

Ce basculement vers l'assurance-vieillesse à 60 ans, automatique, pose des problèmes pour les personnes invalides de catégorie 1 qui exercent une activité professionnelle. Ils sont, en effet, confrontés à cette alternative : renoncer temporairement à la pension de vieillesse substituée afin de poursuivre leur activité professionnelle (mais la perte de la pension d'invalidité se traduit alors par une baisse significative de leurs revenus) ; ou liquider leur pension de vieillesse et tenter de la cumuler avec une activité professionnelle (12).

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 supprime le caractère automatique de la transformation de la pension d'invalidité en pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail pour les personnes invalides exerçant une activité professionnelle. Cette transformation ne s'opère que si l'assuré la demande (auparavant, il pouvait s'opposer à cette transformation et choisir de renoncer à sa pension d'invalidité et à sa pension de vieillesse). Désormais, en cas de silence de l'assuré, la pension d'invalidité continue d'être servie.

III - Branche famille

Pour 2010, les prévisions de recettes s'élèvent à 50,1 milliards d'euros et 54,5 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit annoncé de 4,4 milliards d'euros. Les articles 79 à 84 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 portent sur la branche famille. Mais le Conseil constitutionnel ayant censuré les articles 80 à 83 (décision du Conseil constitutionnel n° 2009-596, préc.), seul l'article 79 reste en vigueur.

Les articles 80 de la LFSS pour 2010 (précisant le régime d'autorisation des établissements et services gérés par une personne physique ou morale de droit privé accueillant des enfants de moins de six ans ainsi que les conditions d'agrément des assistants maternels et assistants familiaux), 81 (prévoyant la possibilité de délivrer, pour ces établissements, des agréments fixant des capacités d'accueil variables dans le temps), 82 (élargissant les missions des "relais assistants maternels") et, enfin, 83 (fixant à deux le nombre d'enfants susceptibles d'être accueillis par un assistant maternel lors de son premier agrément et modifiant les conditions de formation initiale et continue des assistants maternels) n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ne trouvant pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale, ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

L'article 79 de la LFSS pour 2010 vise à étendre le bénéfice du prêt pour l'amélioration de l'habitat aux assistants maternels, afin de leur permettre d'accueillir les jeunes enfants dans de meilleures conditions (13). La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 modifie, ainsi, l'article L. 542-9 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1451IGT), en vue d'ajouter aux actuels bénéficiaires des prêts destinés à l'amélioration de l'habitat les assistants maternels. L'article L. 542-9 dispose que les régimes de prestations familiales sont autorisés à accorder à leurs allocataires des prêts destinés à l'amélioration de l'habitat dans des conditions et des limites fixées par décret. Le nouveau dispositif prévu par la LFSS pour 2010 s'inspire du prêt existant, en assouplissant certaines clauses, afin de le rendre plus attractif. Un décret devra modifier les articles D. 542-35 (N° Lexbase : L9651ADS), D. 542-36 (N° Lexbase : L9652ADT), D. 542-37 (N° Lexbase : L9653ADU) et D. 542-38 (N° Lexbase : L9654ADW) du Code de la Sécurité sociale, qui fixent respectivement la liste des allocataires bénéficiaires du prêt pour l'amélioration de l'habitat, le plafond du prêt, l'échéancier de remboursement, ainsi que les règles applicables en cas de déménagement du bénéficiaire. Ce décret serait pris début 2010.

Il s'agit donc d'un dispositif complémentaire à la prime à l'installation prévue par la convention d'objectifs et de gestion signée entre la CNAF et l'Etat pour la période 2009-2012. Cette prime, d'un montant de 300 à 500 euros, vise à aider l'assistant maternel dans l'achat de matériel de puériculture destiné à l'accueil des enfants et dans l'équipement nécessaire à son activité, tandis que le prêt permettra de financer des travaux dans le logement.


(1) Cass. civ. 2, 21 décembre 2006, n° 04-30.586, Caisse régionale d'assurance maladie d'Aquitaine (CRAMA), FP-P+B+R (N° Lexbase : A0838DT9), Bull. civ. II, n° 364, p. 335 et les obs. de N. Mingant, Majoration de la durée d'assurance vieillesse pour enfant à charge : application du principe de non-discrimination par la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7806A9Y). Cass. civ. 2, 19 février 2009, 2 arrêts, n° 07-20.668, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) des Pays de la Loire, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3935ED4) et n° 07-21.426, Caisse nationale d'assurance vieillesse, FS-P+B (N° Lexbase : A3947EDK) et nos obs., Assurance vieillesse : majoration de carrière ou rachat de cotisation ne doivent pas être discriminatoires au sens de l'article 14 CESDH, Lexbase Hebdo n° 341 du 12 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7797BIM).
(2) Cons. const., décision n° 2009-596 DC du 22 décembre 2009, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010 (N° Lexbase : A8381EP4).
(3) Y. Bur, J.-P. Door, D. Jacquat et M. Pinville, Application de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, Rapport Assemblée nationale n° 1865, 2009-2010, p. 26-31. Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (N° Lexbase : L2678IC8) et lire nos obs., LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille, Lexbase Hebdo n° 332 du 7 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2160BIT). Lire, également, Fraude aux assurances sociales : nouveau régime de sanctions, Lexbase Hebdo n° 362 du 9 septembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7444BLB, décret n° 2009-982 du 20 août 2009, relatif aux pénalités financières prévues à l'article L. 162-1-14 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1323IG4) et à diverses mesures intéressant la lutte contre la fraude N° Lexbase : L6550IEC).
(4) Les Cahiers du Conseil constitutionnel, cahier n° 28.
(5) J.-P. Door, Rapport Assemblée nationale n° 1994, tome II, Assurance maladie et Accident du travail (2009-2010) ; v. aussi, pour une synthèse, A. Vasselle, © Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable

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[Jurisprudence] Le règlement intérieur ne peut justifier la réquisition de grévistes

Réf. : Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 08-43.603, M. Philippe Lebahy, FS-P+B (N° Lexbase : A7199EPC)

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N9533BMZ

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Soucieuse de protéger l'exercice du droit de grève contre les abus de la puissance patronale, la Chambre sociale de la Cour de cassation affirme, dans un arrêt en date du 15 décembre 2009, qu'une clause d'un règlement intérieur ne peut justifier la réquisition de salariés grévistes et ce, même pour des raisons de sécurité. Cette solution, en apparence sévère (I), ne doit toutefois pas inquiéter, car l'employeur dispose de biens d'autres moyens, plus adéquats, pour assurer la sécurité des biens et des personnes (II).
Résumé

Sauf dispositions législatives contraires, l'employeur ne peut en aucun cas s'arroger le pouvoir de réquisitionner des salariés grévistes.

I - Nouvelle restriction au pouvoir de réquisition des grévistes

  • La pauvreté du cadre légal

Le législateur n'est que peu intervenu pour réglementer l'exercice du droit de grève dans le secteur privé et lorsqu'il l'a fait, ce fut toujours pour affirmer l'existence de garanties pour les salariés (1).

  • Le cadre jurisprudentiel

Ces dernières années, la jurisprudence a été amenée à préciser le régime de la réquisition des grévistes. La dernière décision en date, rendue en 2003, s'était montrée extrêmement restrictive, puisque la Chambre sociale de la Cour de cassation avait affirmé "que les pouvoirs attribués au juge des référés en matière de dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève ne comportent pas celui de décider la réquisition de salariés grévistes" (2).

Restait en suspens la question de la réquisition prévue par le règlement intérieur de l'entreprise pour assurer la sécurité des biens ou des personnes, et c'est tout l'intérêt de cet arrêt en date du 15 décembre 2009.

  • L'affaire

Cette affaire concernait une société travaillant pour le compte de la défense nationale et dont le règlement intérieur prévoyait la possibilité de réquisitionner des salariés pour participer à un service minimum de sécurité. Un salarié qui avait refusé de déférer à pareille réquisition, sous prétexte qu'il était en grève, avait été mis à pied, ce qu'il contestait en justice.

La cour d'appel de Douai lui avait donné tort après avoir relevé que la société était soumise à la législation sur les installations classées, qu'elle figurait parmi les points et réseaux sensibles pour la Défense nationale et que l'employeur n'avait pas limité abusivement l'exercice du droit de grève en réquisitionnant, selon les stipulations du règlement intérieur, le salarié gréviste afin qu'il participe à un service minimum de sécurité.

  • La cassation

Cet arrêt est cassé, au visa de l'article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4), ensemble l'article L. 1132-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0676H9W), la Chambre sociale de la Cour de cassation considérant que, "sauf dispositions législatives contraires, l'employeur ne peut en aucun cas s'arroger le pouvoir de réquisitionner des salariés grévistes".

II - Une protection justifiée de l'exercice du droit de grève

  • Une jurisprudence cohérente

La solution adoptée dans cet arrêt s'inscrit dans la lignée de celles rendues depuis l'arrêt "Transport Seroul", qui avait vu la Haute juridiction affirmer "qu'une convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou de réglementer pour les salariés l'exercice du droit de grève constitutionnellement reconnu et que seule la loi peut créer un délai de préavis de grève s'imposant à eux" (3), ce dont il ressortait que seul le législateur pouvait porter atteinte à l'exercice du droit de grève, à l'exception de toute autre autorité, ce qui excluait, implicitement mais nécessairement, l'employeur via le règlement intérieur (4).

L'impossibilité d'encadrer l'exercice du droit de grève dans le règlement intérieur résultait, d'ailleurs, également, du contenu propre du règlement intérieur, puisque ce dernier est fixé de manière impérative et limitative par la loi qui ne fait nullement référence à l'exercice du droit de grève (5).

Mais s'il était admis que l'employeur ne pouvait prévoir de service minimum en cas de grève dans le règlement intérieur, il semblait possible d'instaurer, pour des raisons de sécurité, un régime général de réquisition s'appliquant à tout salarié et, notamment, aux grévistes (6).

  • Les limites imposées au règlement intérieur

Or, force est de constater que la solution qui ressort de cet arrêt en date du 15 décembre 2009 remet en cause cette affirmation, comme, d'ailleurs, le Conseil d'Etat l'avait fait lui-même en 2005 (7). Même si l'arrêt ne l'indique pas clairement, le règlement intérieur litigieux ne semblait pas comporter de réglementation directe du droit de grève, mais prévoyait simplement un service minimum d'application indifférenciée, dont l'employeur prétendait faire application à un salarié gréviste, selon, semble-t-il, un usage en vigueur dans l'entreprise.

Or, la Chambre sociale de la Cour de cassation est ici formelle et refuse que ce règlement intérieur puisse servir de fondement à la réquisition d'un salarié gréviste, quelles que soient les circonstances de l'affaire et ce, même pour satisfaire des impératifs de sécurité. Ce faisant, la Haute juridiction accorde à l'exercice du droit de grève une protection très forte puisque l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur ne lui sera ici d'aucun secours.

  • Trois précisions pour rassurer

Trois précisions doivent être ici apportées qui tempèrent le caractère en apparence très rigoureux de la décision, voire les inquiétudes que pourrait susciter la lecture de cette décision et qui semble faire passer la sécurité de l'entreprise et de son personnel au second plan.

En premier lieu, rappelons que les salariés non-grévistes peuvent être affectés au rétablissement de la sécurité dans l'entreprise pendant la durée du conflit et que l'entreprise dispose, d'ailleurs, d'autres moyens licites pour oeuvrer en ce sens, comme l'appel à la sous-traitance.

En deuxième lieu, et cela va de soi, la Cour de cassation réserve l'hypothèse d'un droit de réquisition fondé sur une loi spéciale, ce qui est le cas, par exemple, du pouvoir de réquisition du préfet (8). Remarquons, d'ailleurs, que le Conseil d'Etat permet à la personne publique, sur la seule nécessité d'assurer la continuité du service public, et en l'absence de réglementation légale spécifique, de procéder à de telles réquisitions dès lors qu'elles sont nécessaires pour en assurer la continuité et proportionnées au but recherché (9).

En dernier lieu, l'employeur peut toujours saisir l'autorité judiciaire d'une demande de réquisition judiciaire des grévistes. Certes, la Cour de cassation a exclu que celle-ci puisse intervenir pour prévenir un dommage imminent (10), mais pas pour faire cesser un trouble manifestement illicite, ce qui laisse une certaine marge au juge des référés. C'est, d'ailleurs, bien ce qu'avait précisé la Haute juridiction dans son Rapport annuel 2003, pour préciser la précision de l'arrêt prohibant le recours préventif au juge des référés : "en effet, s'il relève de la compétence du juge des référés de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant d'une occupation de locaux par des grévistes et si l'employeur lui-même peut demander directement à ses salariés d'assurer un service minimum, notamment pour des raisons de sécurité, ce qui est susceptible d'entrer dans les prévisions d'un accord signé avec les organisations syndicales, en revanche, la réquisition ne peut être ordonnée, fut-ce pour prévenir un dommage imminent dont l'existence n'est pas contestée. On notera qu'une loi du 18 mars 2003 (11) permet à l'autorité administrative, dans certains cas, de recourir à la réquisition de salariés grévistes". On peut ainsi imaginer que l'employeur qui serait empêché de pénétrer dans l'entreprise pendant la durée du conflit, en raison de piquets de grèves ou d'entraves diverses imputables aux grévistes, pourrait parfaitement les faire constater puis obtenir en justice une ordonnance d'expulsion des grévistes et de réquisition du personnel nécessaire au rétablissement des normes de sécurité. Ce serait alors le juge qui aurait la charge de mesurer le danger exact pesant sur les biens et les personnes, et de déterminer si la gravité de la situation justifie qu'il soit porté atteinte à l'exercice du droit de grève, constitutionnellement reconnu.

Ces trois remarques devraient achever de convaincre les plus réservés que l'affirmation contenue dans cette décision est justifiée et qu'elle ne prive pas, en réalité, l'employeur de tout moyen d'action en cas de menace pour la sécurité, ce qui est l'essentiel. Elle vise, ainsi, à protéger les grévistes contre des limitations à l'exercice de leur droit de grève qui émaneraient de la seule volonté de l'employeur, sans véritable contrôle judiciaire.



(1) Non-discrimination salariale (1978) ; nullité du licenciement (1985).
(2) Cass. soc., 25 février 2003, n° 00-44.339, Société France patinoires c/ M. Olivier Pierre, FS-P (N° Lexbase : A3037A7M) ; Cass. soc., 25 février 2003, n° 01-10.812, Syndicat CFDT santé sociaux de la Haute-Garonne c/ Association Mapad de la Cépière, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2630A7K), lire nos obs., L'employeur ne peut obtenir en référé la réquisition de grévistes pour prévenir un dommage imminent, Lexbase Hebdo n° 61 du 6 mars 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N6279AAS).
(3) Cass. soc., 7 juin 1995, n° 93-46.448, Transports Séroul c/ M. Beillevaire et autres, publié (N° Lexbase : A2101AA3), Dr. soc., 1996, p. 37, chron. Ch. Radé ; D., 1996, p. 75, note B. Mathieu.
(4) Nullité de la clause réglementant les effets de l'exercice du droit de grève sur la perception des primes : CE, 12 juin 1987, n° 81252, Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi c/ Société Hapian frères (N° Lexbase : A3810APS), Dr. soc., 1987, p. 651, note J. Savatier.
(5) C. trav., art. L. 1321-1 (N° Lexbase : L1837H9W). Ainsi, Cass. soc., 12 déc. 1990, n° 88-42.606, SNCF c/ Bellaigues et autres, inédit (N° Lexbase : A2509CSQ).
(6) En ce sens CE, 12 novembre 1990, n° 95823, Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi et Société Atochem (N° Lexbase : A6134AQA), AJDA, 1991, p. 484, note X. Prétôt ; CE 1° et 4° s-s-r., 29 décembre 1995, n° 159167, Syndicat autonome des agents de l'énergie nucléaire (N° Lexbase : A1286AAU).
(7) CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 254600, Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité c/ Centre de convalescence et de rééducation de la Roseraie (N° Lexbase : A1300DKD) : "il n'appartient pas à l'employeur de réglementer l'exercice du droit de grève par le truchement du règlement intérieur, en se fondant sur un objectif constitué de la seule sécurité des usagers de l'établissement".
(8) CGCT, art. L. 2215-1 (N° Lexbase : L8592HW7).
(9) Jurisprudence "Dehaene", confirmée dernièrement (CE Contentieux, 7 juillet 1950, n° 01645, Dehaene N° Lexbase : A5106B7A) : CE référé, 15 juillet 2009, n° 329526, Société électrique de France (N° Lexbase : A1163EKB) : "considérant que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 indique que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ; qu'en l'absence de la réglementation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ; que les organes de direction d'une société chargée de service public, telle qu'EDF par la loi du 10 février 2000, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, d'une part, définissent les domaines dans lesquels la sécurité, la continuité du service public doivent être assurées en toutes circonstances et déterminent les limitations affectées à l'exercice du droit de grève dans la société en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ; considérant en premier lieu, qu'il doit être tenu compte de la nature du service de production d'électricité, des impératifs de sécurité qui lui sont liés et des contraintes techniques du maintien de l'interconnexion et de préservation de l'équilibre entre la demande et l'offre d'électricité dans une situation estivale où les fortes températures peuvent solliciter le système de production électrique à un moment où la production est réduite ; que dans ces conditions, la direction d'EDF et, en particulier, le directeur général adjoint "production", par sa note litigieuse du 15 juin 2009, en mettant en place le dispositif contesté qui ne saurait avoir pour objet et pour effet de contraindre l'ensemble des personnels des tranches visées à remplir un service normal mais seulement de répondre de la continuité des fonctions indispensables pour assurer la remise en service des réacteurs arrêtés dans les délais et éviter des conséquences graves dans l'approvisionnement électrique du pays, n'ont pas porté une atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève pour les salariés concernés" ; CE référé, 7 juillet 2009, n° 329284, Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) et M. Christophe Boheme (N° Lexbase : A9235EIU).
(10) Cass. soc., 25 février 2003, n° 00-44.339, Société France patinoires c/ M. Olivier Pierre, FS-P (N° Lexbase : A3037A7M).
(11) Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, pour la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9731A9B).

Décision

Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 08-43.603, M. Philippe Lebahy, FS-P+B (N° Lexbase : A7199EPC)

Cassation CA Douai, ch. soc., 30 mai 2008

Textes visés : Constitution du 27 octobre 1946, article 7 du préambule (N° Lexbase : L6821BH4) ; C. trav., art. L. 1132-2 (N° Lexbase : L0676H9W)

Mots clés : grève ; réquisition ; règlement intérieur

Lien base : (N° Lexbase : E2546ETH)

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