La lettre juridique n°343 du 26 mars 2009

La lettre juridique - Édition n°343

Éditorial

Contrefaçon sur internet et Malleus Maleficarum : inutile chasse aux sorcières

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N9832BIY

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Que celui qui est volé ne s'aperçoive pas du larcin, qu'il n'en sache rien, et il n'est pas volé du tout", Shakespeare, in Othello.

Et, le moins que l'on puisse dire c'est qu'en matière de contrefaçon le législateur se refuse à engager une "chasse aux sorcières". Pourtant, l'arsenal juridique de "l'Inquisition intellectuelle et commerciale" ne cesse de s'affiner et de se développer à la lumière des lois nouvelles, comme de la dernière jurisprudence. Reste que le Gouvernement exclut d'imiter Jean XXII et de publier une bulle Super Illius Specula à l'encontre des "pirates numériques"... Il se contentera, à la faveur de la prochaine loi relative à la diffusion et à la protection de la création sur internet, actuellement en débat au Parlement, d'une excommunication du contrefacteur de "l'Assemblée des internautes" !

Force est de constater que l'on ne cesse de souffler le chaud et le froid, lorsqu'il s'agit de protéger le droit de propriété exclusif d'un auteur sur son oeuvre, sa marque ou son brevet. Ou plus vraisemblablement, le législateur se voit ainsi confronté au principe de réalisme social en ce qu'il est contraint de ne pas pénaliser un comportement, certes frauduleux, mais tellement démocratisé que la mise en oeuvre de toute sanction pénale s'avèrerait utopique et, par conséquent, de portée nulle. Finalement, Shakespeare avait raison : si l'on ne peut appréhender le larcin, point de vol ! Pour autant, l'absence de sanction pénale à l'encontre de la masse des fraudeurs au droit de propriété intellectuelle qui n'en tirerait aucun bénéfice commercial, ni ne pratiquerait individuellement leur forfait sur une grande échelle, n'annihile t'elle pas de facto l'utilité d'une action en contrefaçon à leur encontre ? Et après tout, "La propriété, c'est le vol" écrivait, un brin goguenard, Proudhon, dans son Etude sur le principe du droit et du gouvernement.

Comme le souligne Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de Rennes, dans une chronique publiée cette semaine, "parce que le plus souvent les faits qui fondent l'action en concurrence déloyale sont les mêmes que ceux avancés au soutien de l'action en contrefaçon, il est fréquent que les plaideurs invoquent des moyens de défense issus du régime de la propriété intellectuelle". Ce serait, donc, la jonction, quasi systématique, des actions aux fins d'engager la responsabilité du contrefacteur qui permettrait, le plus souvent, une condamnation sur le terrain de la réparation du préjudice commercial du titulaire des droits de propriété intellectuelle. Mais, à la lumière d'un arrêt rendu le 10 février 2009 par la Cour de cassation, l'auteur met l'accent sur le fait que "si les domaines de ces actions se recoupent souvent en pratique ces deux actions sont néanmoins fondamentalement différentes". La Cour de cassation rappelle ainsi que "l'action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif, [et] qu'il n'importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif".

Et de relever, également, deux décisions qui devraient préfigurer la "sévérité" avec laquelle les Autorités vont être amenées à sanctionner les contrefacteurs sur internet. En effet, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 19 janvier dernier censure une cour d'appel en décidant que les investigations menées par l'agent assermenté et les renseignements ainsi obtenus rentrent dans les pouvoirs conférés par l'article L. 331-2 du Code de propriété intellectuelle et ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à l'exception de nullité soulevée par le prévenu. Par ailleurs, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 22 janvier 2009, s'est prononcée sur l'existence d'un acte de contrefaçon du fait de l'utilisation d'une photographie dans un magazine en l'absence d'autorisation de l'auteur de l'oeuvre photographique que la reproduction des oeuvres photographiques ne pouvait recevoir la qualification de courtes citations même si l'oeuvre est reproduite dans un but informatif. On en perdrait presque son latin : d'un côté une jurisprudence alerte sur la protection des droits de propriété intellectuelle ; de l'autre côté, un législateur frileux à engager le bras de fer pénal avec les internautes contrefacteurs.

En fait, il s'agit, clairement, d'abandonner toute politique répressive à l'encontre de ces "pirates numériques" et d'engager la lutte contre la contrefaçon sur internet par le biais d'une responsabilisation sur le plan civil à la lumière du préjudice causé. La loi pénale intervenant uniquement pour les cas de fraude massive. On ne peut pas lutter contre un sentiment de culpabilité des internautes qui téléchargent illégalement des oeuvres musicales ou cinématographiques très faible (selon le rapport de la Commission des lois auprès de l'Assemblée nationale). Ces derniers considèrent, en effet, que le problème vient davantage de l'absence de responsabilisation des acteurs de l'internet (fournisseurs d'accès, diffuseurs de contenus, notamment) que de leur propre comportement et estiment qu'il revient aux milieux culturels d'inventer un nouveau modèle économique.

Et ce nouveau modèle économique passe par la promotion des creatives commons en matière de logiciel, par exemple ; celle des concerts, la musique numérique n'en constituant plus que le support marketing ; ou encore la promotion de la marque en dehors de tout produit, mais associant un concept, un univers, une ambiance (ex. : la marque "Orange").

"J'ai assez d'idées pour qu'on puisse me voler sans me nuire" eut dit Malraux ! Le législateur est parfaitement conscient qu'il ne sert à rien de lutter contre l'émancipation sociétale, hier celle des femmes/sorcières, aujourd'hui celle des internautes/pairs (à pairs). A quand un "Michelet" pour réhabiliter les contrefacteurs sur internet, comme il consacra un livre, en 1862, promoteur du féminisme ?

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Social général

[Chronique] La Chronique trimestrielle des juridictions du fond de Stéphanie Martin-Cuenot, Juriste en droit social - Mars 2009

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N9843BIE

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Le 07 Octobre 2010



Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose, cette semaine, la Chronique des juridictions du fond de Stéphanie Martin-Cuenot, juriste en droit social. Au sommaire de cette première chronique, désormais trimestrielle, l'auteur revient, d'une part, sur le licenciement économique et la sanction de l'insuffisance des informations données au comité d'entreprise, le plan de gestion prévisionnelle du personnelle par des départs volontaires ou, encore, la requalification de licenciement sans cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique intervenu sans mesure de reclassement, et d'autre part, sur la notion de discrimination, qu'elle soit salariale ou pour faits de grève. A l'honneur, également, une décision du CPH de Foix du 18 décembre 2008, requalifiant 126 contrats de travail à durée déterminée successifs en CDI.


I - Licenciement pour motif économique
  • Plan social : sanction de l'insuffisance des informations données au comité d'entreprise (TGI Nanterre, 16 janvier 2009, n° 09/00124, Comité d'entreprise de l'UES Capgemini c/ SAS Capgemini N° Lexbase : A6770ECQ)

En cas d'insuffisance d'informations données aux institutions représentatives au personnel sur la nature et la pertinence des mesures du plan soumis à leur avis, le plan est suspendu. Telle est la solution retenue pour le tribunal de grande instance de Nanterre, dans une décision du 16 janvier 2009.

Dans cette espèce, les partenaires sociaux avaient conclu un accord collectif de gestion prévisionnelle de l'emploi comportant un titre I sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), un titre II relatif à la mise en oeuvre d'un plan de redéploiement, constituant la première partie du plan de sauvegarde de l'emploi et basé sur le reclassement interne et le volontariat, et un titre III contenant des mesures relatives au reclassement et à l'accompagnement constituant la seconde partie du plan de sauvegarde de l'emploi.

En 2008, l'un des départements étant, malgré les actions menées depuis 2004, toujours en grande difficulté, une procédure d'information (consultation des représentants du personnel) a été initiée. Il a été proposé au comité central de l'unité économique et social (UES) et au comité d'établissement un projet de "plan de transformation de l'activité application management de la business unit et les mesures sociales d'accompagnement".

Dans le cadre de ce plan, il était envisagé de prévoir la sortie progressive de 250 salariés ne répondant à aucun des trois critères définis par la direction. Ce plan prévoyait des mesures d'aides au reclassement interne et externe, des modalités de départ volontaire, l'ordre des licenciements pour les départs contraints et des mesures financières d'accompagnement.

Lors de la seconde réunion, il a été présenté un additif au plan de transformation concernant le périmètre du plan, précisant que 344 personnes seraient informées de la mobilité interne et du plan de volontariat et qu'il y aurait 98 reclassements et 122 à 150 départs volontaires, la période des départs volontaires étant fixée du 20 décembre 2008 au 19 janvier 2009.

Lors des réunions des 17 et 18 décembre 2008, les CCE et le comité d'établissement ont refusé de donner leur avis au motif qu'ils ne bénéficiaient pas d'une information suffisante, concernant la pertinence du plan de redéploiement et le périmètre du plan, dont l'effectif avait varié d'une réunion à l'autre. Les représentants du personnel ont donc introduit un référé d'heures à heures afin de voir annulé le plan.

Constatant l'insuffisance d'information délivrée aux représentants du personnel, le juge des référés avait prononcé la suspension du plan et l'interdiction pour les sociétés de mettre en oeuvre les mesures qui y étaient contenues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise par une juridiction du fond.

Cette solution s'inscrit dans la droite ligne des décisions déjà rendues en matière d'information des représentants du personnel dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (en ce sens, notamment, Cass. soc., 4 juillet 2000, n° 98-18.885, Syndicat CFDT des banqueset établissements financiers de Bayonne c/ Crédit lyonnaiset autre N° Lexbase : A9153AG4).

L'employeur qui envisage de procéder au licenciement de dix salariés et plus sur une même période de trente jours doit respecter une procédure particulière. Cette procédure suppose une consultation préalable des représentants du personnel. Cette consultation prend, en principe, la forme de deux réunions espacées de 14 à 28 jours selon l'importance du dispositif (C. trav., art. L. 1233-29 N° Lexbase : L1160H9T et L. 1233-30 N° Lexbase : L1163H9X). Une troisième réunion est requise lorsque le comité a décidé de se faire assister d'un expert comptable.

A l'occasion de ces réunions, l'employeur doit fournir au comité d'entreprise tous les renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif et, en tout état de cause, il doit indiquer la ou les raisons économiques, financières et techniques du projet de licenciement, le nombre de travailleurs dont le licenciement est envisagé, les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements, le nombre de travailleurs permanents ou non employés dans l'établissement, et, le cas échéant, le plan de sauvegarde de l'emploi et les mesures économiques qu'il envisage de prendre (C. trav., art. L. 1233-31 N° Lexbase : L1166H93).

L'employeur met à l'étude, dans les délais impartis, les suggestions formulées par le comité d'entreprise relatives aux mesures sociales proposées et leur donne une réponse motivée.

Cette information est importante puisqu'elle conditionne la poursuite du plan de sauvegarde de l'emploi.

La jurisprudence considère, en effet, que le fait de ne pas donner aux représentants du personnel des informations sérieuses constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser. L'employeur se voit, dans ce cas, interdit de poursuivre la procédure de licenciement collectif (CA Paris, 8 septembre 1993, RJS, 1993, 644, n° 1085).

Les juges du fonds viennent, par cette décision, compléter l'exigence en imposant à l'employeur la délivrance d'informations "suffisantes" sous peine de ne pas pouvoir poursuivre la procédure engagée. L'information n'est plus seulement sérieuse, il faut, encore, qu'elle soit suffisante.

On peut, toutefois, regretter l'imprécision du terme employé dans ce jugement. Que faut-il entendre par "suffisante" ? A partir de quand les informations délivrées doivent-elles être considérées comme "suffisantes" ?

  • Plan de gestion prévisionnelle du personnelle par des départs volontaires : absence d'obligation de reclassement (TGI Nanterre, 2ème chambre, 12 décembre 2008, n° 08/12847, Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT c/ Société Renault SAS N° Lexbase : A9640EBN)

Un plan de gestion prévisionnelle des emplois n'a pas à intégrer un plan de reclassement interne.

Les obligations de l'employeur mettant en place un plan de gestion prévisionnelle des emplois ne sont pas les mêmes que celles d'un employeur envisageant de licencier certains salariés pour motif économique, comme le rappelle le tribunal de grande instance de Nanterre dans la décision rapportée.

Dans cette espèce, une société avait engagé un processus d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel sur un plan d'ajustement des effectifs fondé sur le volontariat. Ce plan visait 4 000 départs volontaires et concernait 26 224 salariés.

Ces mesures volontaires faisaient l'objet d'accompagnements, tels que les projets professionnels ou personnels, les départs volontaires en retraite, en congés de reclassement, aide au retour au pays, passage à temps partiel, aide aux congés de longue durée, et à la mobilité interne.

A l'issue de trois réunions de la commission économique du comité central d'entreprise et de deux réunions du comité central d'entreprise et des comités d'établissements, le comité central d'entreprise et les comités d'établissements avaient émis un avis défavorable à l'ensemble des mesures, qu'il s'agisse du projet de plan ou des mesures d'accompagnement. Malgré cet avis, la société avait mis en oeuvre le plan. Les syndicats avaient saisi le juge des référés du tribunal d'instance afin qu'il ordonne, sous astreinte, la suspension des effets du plan d'ajustement, tant qu'un plan de reclassement s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'aura pas été mis en oeuvre. Ils avaient été déboutés de leurs demandes.

Les juges du premier degré affirment à juste titre, au visa de l'article L. 1237-16 du Code du travail (N° Lexbase : L8479IAB), que, si l'employeur était tenu de mettre en oeuvre la procédure d'information consultation des représentants du personnel prévue en matière de licenciement pour motif économique et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, l'obligation d'intégrer un plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi n'est impérative que lorsque l'employeur envisage des licenciements pour motif économique. Or, lorsque les suppressions prévues par un plan social reposent exclusivement sur le volontariat, à l'exclusion de tout licenciement, l'employeur n'est pas tenu de mettre un place de mesures de reclassement interne, dès lors qu'en l'absence de volontariat, le salarié conserve son emploi dans l'entreprise et que son licenciement n'est pas envisagé.

Le fait que l'employeur ne soit pas tenu de présenter un plan de reclassement n'est pas contestable.

L'objet de l'obligation de reclassement, ainsi que la sanction de son non-respect, indiquent que cette obligation ne trouve à s'appliquer qu'en présence de licenciements.

Le reclassement est, en effet, un préalable au licenciement. Il doit précéder le licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1233-4 N° Lexbase : L1105H9S) et doit être recherché dès l'instant où le licenciement est envisagé par l'employeur (Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-41.265, Société Dumez GTM c/ M. Ganeau N° Lexbase : A4730AGB).

Il est, toutefois, dommage que les juges, pour motiver leur décision, se réfèrent aux articles relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi, alors que ce n'est pas de licenciements dont il était question ici. Cette référence au plan de sauvegarde de l'emploi ne fait qu'obscurcir le débat.

L'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi est obligatoire lorsque l'entreprise envisage de prononcer au moins 10 licenciements sur une même période de 30 jours. Les mesures intégrées au plan doivent tendre à limiter le nombre de licenciement et à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité (C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L1236H9N).

L'article L. 1233-61 du Code du travail donne une liste non limitative des mesures que doit contenir le plan. Il précise qu'il peut s'agir, par exemple, de mesures de reclassement internes des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie, de créations d'activités nouvelles par l'entreprise, d'actions favorisant le reclassement externe des salariés par un soutien à la réactivation du bassin de l'emploi, d'actions de soutien à la création d'activités nouvelles, d'actions de formation, de validation des acquis de l'expérience, ou de mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail.

Cette situation doit être distinguée de celle dans laquelle l'employeur n'envisage pas de licenciement, mais met en place des mesures de gestion prévisionnelle du personnel de l'entreprise. Dans ce cas, en effet, si l'employeur est tenu de consulter le comité d'entreprise, il n'a pas à mettre en oeuvre et à respecter la procédure de licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 2242-15 N° Lexbase : L2393H9I).

La jurisprudence a eu l'occasion de préciser que certaines contraintes posées par la procédure de licenciement économique et, singulièrement, concernant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, ne sont pas applicables dès lors que l'on n'est pas en présence de suppressions d'emplois pouvant entraîner le licenciement des salariés.

Elle affirme, en effet, que le projet qui consiste à rechercher parmi les salariés ceux qui seraient candidats à des mesures n'entrainant pas la rupture du contrat de travail -telles que des temps partiels, congés sans solde indemnisés, préretraites progressives, mises en disponibilité- constitue une mesure de gestion prévisionnelle qui n'a pas à être soumise à la procédure des licenciements pour motif économique (Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 97-12.962, Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT et autres c/ Compagnie IBM France N° Lexbase : A4682AGI, RJS, 2/99, n° 158). Cette jurisprudence impose de distinguer l'appel à candidature de salariés pour des mesures propres à entraîner une modification du contrat de travail (non soumise à la procédure de licenciement pour motif économique) et les projets de modifications du contrat de travail adressés à chaque salarié pris individuellement (soumis à la procédure).

On comprend donc aisément la solution retenue par les juges du fonds dans la décision commentée, même si l'on peut regretter son manque de clarté.

  • Qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique intervenu sans mesure de reclassement (CA Paris, 18ème ch., sect. E, 19 janvier 2009, n° 07/01217, M. Noyelle c/ Me Avezou, Me Souchon N° Lexbase : A3299EDK)

Le licenciement économique intervenu sans mesure de reclassement interne et externe est sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit, au profit du salarié, à une indemnité. C'est, sans surprise, que les juges du second degré sanctionnent, dans un arrêt du 19 janvier 2009, l'employeur qui avait licencié des salariés sans qu'aucune mesure de reclassement interne ou externe ne leurs ait été proposée.

Dans cette espèce, la société avait été mise en redressement judiciaire et le licenciement de 605 salariés avait été autorisé par le tribunal de commerce.

Le 26 avril 2004, le tribunal de commerce avait ordonné la cession partielle des sites restant de l'entreprise et avait autorisé le licenciement de plusieurs salariés.

Le 15 avril 2004, un plan de sauvegarde de l'emploi avait été établi, lequel avait été complété le 19 avril 2004. Le même jour, un salarié recevait sa lettre de licenciement pour motif économique. Il avait donc saisi la juridiction prud'homale.

Le juge du premier degré avait débouté le salarié de ses demandes d'annulation de la procédure de licenciement pour motif économique, de qualification de sans cause réelle et sérieuse des licenciements intervenus pour absence de reclassement. Le salarié avait fait appel.

La cour d'appel infirme la décision rendue par les juges du premier degré, en rappelant que la pertinence d'un plan social s'apprécie en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, non seulement pour faciliter les emplois et le reclassement interne des salariés, mais, également, pour faciliter leur reclassement externe par le biais, notamment, de le prise en charge de formations, de cellules de reclassements, d'aides à la mobilité...

Après avoir relevé qu'aucun élément ne permettait de démontrer que le reclassement interne des salariés avait été recherché au sein des sociétés filiales de la société General Trailer France, que l'une des filiale disposait de moyens conséquents alors que le plan ne prévoyait que des mesures limitées d'aide financière, elle affirme que le reclassement interne n'était pas suffisant et le reclassement externe n'avait pas été effectué en conformité de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie qui imposait aux entreprises de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en faisant appel à la commission territorial de l'emploi.

Cette position va de soi.

L'employeur qui envisage de licencier un salarié pour motif économique est tenu d'une obligation de reclassement. Il s'agit d'une obligation individuelle, qui est doublée, pour les "gros licenciements", d'une obligation de reclassement collectif figurant dans le plan de reclassement interne au plan de sauvegarde de l'emploi (C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L1236H9N).

La jurisprudence affirme de manière constante que le licenciement économique ne peut intervenir que si le reclassement du salarié n'est pas possible (Cass. soc., 20 octobre 2004, n° 02-42.645, M. Raymond Bire c/ Banque nationale de Paris (BNP), F-D N° Lexbase : A6433DDM). Les possibilités de reclassement doivent être recherchées bien au-delà de l'entreprise. Le législateur exige, en effet, que le reclassement soit envisagé non seulement dans l'entreprise, mais dans les entreprises du groupe auquel elle appartient (C. trav., art. L. 1233-4 N° Lexbase : L1105H9S). La jurisprudence considère, toutefois, que cette recherche doit être limitée au groupe dont les activités, l'organisation, le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc., 25 octobre 2006, n° 04-48.583, F-D N° Lexbase : A0280DS8).

Cette définition du groupe est confirmée par l'article L. 1233-4 du Code du travail. Le groupe de reclassement s'apprécie donc en fonction de la permutation possible des salariés, à l'exclusion de tout autre critère, sociétaire notamment. C'est donc dans cet espace "social" que doivent être recherchées les possibilités de reclassement et, non seulement, dans l'entreprise ou dans le groupe au sens du droit des sociétés (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-42.941, F-D N° Lexbase : A1191AZ7).

Lorsque tel n'a pas été le cas, le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 31 mars 1998, n° 96-40.748, Société Cap Sesa industrie c/ M. Moreau N° Lexbase : A5607ACN) parce que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement interne du salarié (Cass. soc., 18 décembre 2002, n° 00-46.157, F-D N° Lexbase : A4946A4X).

On comprend donc aisément la position des juges du second degré dans la décision commentée, qui ne font qu'appliquer une jurisprudence, désormais, bien rôdée. Les juges du premier degré sont donc sanctionnés pour ne pas avoir recherché si les possibilités de reclassement au sein du groupe ont été explorées.

  • La volonté d'améliorer sa compétitivité ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique (CA Bordeaux, ch. soc., sect. A, 24 février 2009, n° 08/05666, SAS Arena c/ Mme Welsch N° Lexbase : A3677EDK)

Le licenciement économique intervenu, non pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, mais pour l'améliorer, doit être qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse et les salariés indemnisés. Tel est la solution retenue par la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 24 février 2009.

Le licenciement économique est celui qui survient pour un motif non inhérent à la personne du salarié. L'article L. 1233-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7) définit le licenciement pour motif économique comme le licenciement effectué par un employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives, notamment, à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Cette définition fait ressortir deux types d'éléments, le premier élément est matériel, le second est originel.

L'élément matériel regroupe la suppression ou la transformation d'emploi, la modification du contrat de travail.

L'élément originel fait appel aux difficultés économiques et aux mutations technologiques. La liste fixée par le législateur n'étant pas limitative, l'article L. 1233-3 du Code du travail l'ayant fait précéder de l'adverbe "notamment", la jurisprudence est venue la compléter. Elle admet, ainsi, que constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique la cessation d'activité (Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, M. Daniel Morvant N° Lexbase : A2160AIT), ainsi que la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité (Cass. soc., 11 juin 1997, n° 94-45.175, Mme Kryger c/ M. Raguin N° Lexbase : A2165AAG).

Dans ce dernier cas, la jurisprudence se montre particulièrement exigeante et impose que la réorganisation soit "nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise" ou du secteur d'activité.

Elle précise, en outre, qu'une réorganisation ne constitue un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise (Cass. soc., 2 décembre 1998, n° 96-43.874, Association pour les foyers et ateliers d'handicapés (APAH) CAT Caillols c/ Mme Jeanine de Marchi N° Lexbase : A5174CL9). La compétitivité doit donc être en cause pour que le licenciement pour motif économique soit justifié (Ass. plén., 8 décembre 2000, n° 97-44.219, Société anonyme de télécommunications (SAT) c/ M. Coudière et autres N° Lexbase : E3463AS3). La jurisprudence est constante sur ce point. Si aucune menace ne pèse sur la compétitivité de l'entreprise, le licenciement pour motif économique ne pourra être considéré comme justifié. La Cour de cassation affirme que le fait de vouloir préserver sa compétitivité ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique (Cass. soc., 4 juillet 2006, n° 04-46.261, F-D N° Lexbase : A3702DQ8).

Eu égard à cette dernière jurisprudence, qui refuse de reconnaitre la légitimité du licenciement fondé sur la volonté de l'entreprise de préserver sa compétitivité, la volonté d'améliorer sa compétitivité ne constitue pas, a fortiori, une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique. Les juges du second degré n'ont fait qu'appliquer une solution bien ancrée.

II - Relations individuelles de travail

  • Licéité d'une prime d'assiduité mise en place en fin de grève (CPH de Dax, 18 décembre 2008, n° 08/00062, M. Arriuberge c/ SAS GT Logistics N° Lexbase : A9561EBQ)

Dans cette espèce, à la suite d'un désaccord consécutif à la négociation annuelle obligatoire tenue en 2007, un mouvement de grève avait été engagé par une partie du personnel.

A l'occasion de ce conflit, chaque salarié s'était vu proposé un contrat de "garantie de permanence de prestation", accompagné d'une avance de 1 000 euros en échange d'un engagement du salarié de maintenir la permanence de sa prestation. En contrepartie de cette somme, le salarié s'engageait à ne pas être absent, hormis pour partir en congés payés. En cas d'inobservation par le salarié du contrat proposé, la somme devait être remboursée.

Certains salariés avaient signé et avaient arrêté le mouvement afin de conserver le bénéfice de la prime ; d'autres avaient refusé de signer et maintenu le mouvement de grève.

Ce contrat avait été vu par certains salariés et le syndicat CFDT transport comme une atteinte au droit de grève. Ils considéraient qu'il était constitutif d'une discrimination entre salariés. Le syndicat avait saisi le tribunal de grande instance en référé, qui avait qualifié d'illicite la prime mise en place à l'occasion du conflit collectif. Le tribunal de grande instance avait annulé le contrat signé au moment de la grève. A la suite de cette décision, l'employeur avait régularisé la situation de chaque salarié et précisé les modalités du bénéfice de cette prime et sa qualification exacte dans une note de service établie après consultation des représentants du personnel.

Malgré cette évolution, un salarié avait saisi le conseil de prud'hommes pour se voir attribuer le bénéficie de cette prime sans condition.

Compte tenu de la régularisation à laquelle avait procédé l'employeur et constatant la licéité et le caractère égalitaire de la prime, le conseil de prud'hommes déboute le salarié de sa demande.

Les primes d'assiduité ont pour objet de lutter contre l'absentéisme dans les entreprises. Les contentieux qui surviennent concernant ces primes concernent souvent la prise en compte des jours de grève.

Les articles L. 2511-1 (N° Lexbase : L0237H9N) et L. 1132-2 (N° Lexbase : L0676H9W) du Code du travail interdisent à l'employeur de prendre des mesures discriminatoires vis-à-vis des salariés grévistes, notamment, en matière de rémunération et d'avantages sociaux. Ces dispositions ont été introduites dans le Code du travail afin de mettre un terme à une pratique constante et générale qui s'était instituée dans les entreprises, qui consistaient à verser aux salariés des primes antigrèves. Les primes antigrèves consistent à accorder une prime d'assiduité au personnel de l'entreprise, prime à laquelle ne peuvent prétendre les grévistes puisqu'ils ont cessé le travail (CA Toulouse, 9 septembre 1994, Chevreux c/ SA Clinique Pasteur)

Les primes d'assiduité ne sont pas toutes illicites. Elles sont parfaitement valables lorsqu'elles remplissent certaines conditions et, singulièrement, lorsqu'elles ne peuvent pas être qualifiées de discriminatoires.

La jurisprudence exige, pour que cette prime soit valide, soit que toute absence (justifiée ou non) prive le salarié du bénéfice de la prime (Cass. soc., 13 janvier 1999, n° 96-44.333, M. Alain Dufour c/ Société Editions Plein Nord, société en nom collectif N° Lexbase : A8873AGQ), soit que toutes les absences injustifiées ou non autorisées privent le salarié de son bénéfice (Cass. soc., 2 mars 1994, n° 92-41.134, Société Nozal c/ M. Bazier et autres N° Lexbase : A1961AAU).

Dans le premier cas, tous les salariés absents, et non seulement les salariés grévistes, quel que soit le motif de leur absence, voient leur prime supprimée ou diminuée. Dans le second cas, les grévistes étant en absence justifiée, ils ne peuvent en être privés.

On comprend donc aisément la position du conseil de prud'hommes dans cette affaire, la prime rectifiée était parfaitement licite. Celle soumise au TGI l'était-elle vraiment ? Compte tenu des éléments disponibles dans la décision, le principe était le versement à tout salarié d'une prime de 1 000 euros et sa restitution en cas d'absence autre que les congés payés. Toute autre absence (pour maladie...), qu'elle soit autorisée, ou non, et qu'elle soit justifiée, ou non, entraînait la remise en cause de la prime. Pouvait-on réellement y voir une discrimination ? Il semble qu'ici ce soit le contexte dans lequel cette prime a été institué qui a déterminé son illicéité.

Tout salarié ayant acquis des droits à congé part en congé payé à un moment de l'année. Tous les salariés étaient donc sur un pied d'égalité. Toute absence (justifiée ou non) autre que les congés payés entraînait sa restitution. Où est la discrimination ?

  • Discrimination salariale homme/femme (CA Versailles, 5ème ch., 8 janvier 2009, n° 07/04520, SA Hispanosuiza c/ Annie Bouchon N° Lexbase : A6932ECQ)

Les différences de rémunérations entre les hommes et les femmes à qualification égale doivent être justifiées par des éléments objectifs. Le cas échéant, il y a discrimination, comme le rappelle la cour d'appel de Versailles, dans une décision du 8 janvier 2009.

Dans cette espèce, une salariée se plaignait de ne pas avoir eu le même avancement dans l'entreprise que ses collègues masculins. Elle avait saisi le conseil de prud'hommes afin que l'entreprise soit condamnée à présenter les documents contenant les sexes, dates d'embauches, qualifications, niveau d'embauche, coefficient et salaires des personnes de sa catégorie depuis son embauche et obtenir une indemnisation pour la discrimination dont elle avait été victime.

Constatant que la salariée n'avait atteint le coefficient 305 que plusieurs années après ses collègues, qu'elle n'avait toujours pas atteint le coefficient attribué à ses collègues masculins de même niveau et qu'aucun élément objectif ne permettaient de justifier cette différence, la cour d'appel n'a pu que conclure à une discrimination en raison du sexe féminin.

Le principe de non-discrimination en matière de rémunération pour un travail à valeur égale est un principe retenu au niveau supranational (Convention n° 100 de l'OIT du 29 juin 1951, sur l'égalité de rémunération ; article 141 du Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 ; Directive n° 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L4210HK7). Il figure à l'article L. 3221-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0796H9D).

Ce principe impose à l'employeur, pour un même travail ou un travail de valeur égal (C. trav., art. L. 3221-4 N° Lexbase : L0803H9M), d'assurer l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. En vertu de ce principe, les critères d'attribution des éléments composant la rémunération doivent être les mêmes pour les hommes que pour les femmes : catégories, qualifications, promotions professionnelles (C. trav., art. L. 3221-6 N° Lexbase : L0807H9R).

Par rémunération au sens de ces textes, il faut entendre non seulement le salaire de base, mais, également, l'ensemble des primes, accessoires et avantages versés directement ou indirectement au salarié en raison de son emploi (C. trav., art. L. 3221-3 N° Lexbase : L0799H9H ; également, pour une prime exceptionnelle ou une gratification, Cass. soc., 10 octobre 2000, n° 98-41.389, Société L'Oréal N° Lexbase : A7757AHR).

Des différences de rémunérations peuvent exister. Elles ne tomberont pas sous le coup du principe de non-discrimination si l'employeur peut justifier cette différence par des éléments objectifs permettant d'établir que les salariés se trouvent dans une situation différente (Cass. soc., 21 mars 2000, Dr. soc., 2000, p. 645, obs. Ch. Radé).

Tel n'était pas le cas dans la décision commentée, aucun élément objectif ne permettait de justifier le retard dans l'avancement de la salariée, ce qui justifie la position retenue par les juges du second degré et la qualification de discriminatoire de la situation dans laquelle se trouvait la salariée. La solution retenue par les juges du second degré, qui se situe dans la droite ligne de la jurisprudence dégagée, ne peut qu'être approuvée.

  • Requalification de 126 CDD successifs en CDI (CPH Foix, 18 décembre 2008, n° 08/00118, Mme Coudrain c/ La Poste N° Lexbase : A9638EBL)

La conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs n'est pas interdite, mais elle doit rester dans les limites du raisonnable et respecter les règles strictes fixées par le Code du travail. Elle doit, en outre, faire l'objet d'un écrit communiqué au salarié dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche. Le cas échéant, la relation est requalifiée en une relation à durée indéterminée comme le rappelle, une nouvelle fois, le conseil de prud'hommes de Foix à La Poste, dans une décision du 18 décembre 2008.

Dans cette espèce, une salariée avait exécuté, entre 1993 et 2003, 126 contrats de travail à durée déterminée successifs pour faire face au remplacement de salariés absents ou à un surcroît temporaire d'activité. Au cours de cette période, la salariée avait, à plusieurs reprises, demandé à bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée.

En novembre 2002, elle s'était vu proposer un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2003, ce qu'elle avait accepté.

La salariée avait saisi le conseil de prud'hommes afin de voir requalifiés les CDD effectués entre 1993 et 2003 en CDI et obtenir le paiement de diverses indemnités.

Le conseil de prud'hommes a fait droit à sa demande de requalification considérant que, à plusieurs reprises, le contrat de travail à durée déterminée n'avait pas été transmis au salarié dans les deux jours suivant l'embauche, qu'au cours de cette période 126 CDD avait été conclus, que, souvent, la salariée était appelée en dernière minute, ce qui impliquait qu'au cours de cette période, la salariée s'était tenue constamment à la disposition de la Poste. Cette solution n'est en rien surprenante.

La conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée est soumise à des règles strictes.

Sur la forme, le contrat de travail à durée déterminée doit faire l'objet d'un écrit contenant certaines mentions obligatoires (C. trav., art. L. 1242-12 N° Lexbase : L1446H9G), qui doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche (C. trav., art. L. 1242-13 N° Lexbase : L1447H9H).

Sur le fond, il ne peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée que pour les durées définies par le Code du travail (C. trav., art. L. 1242-8 N° Lexbase : L5746IA3) et dans les cas expressément prévus par le législateur (C. trav., art. L. 1242-2 N° Lexbase : L1430H9T et L. 1242-3 N° Lexbase : L1432H9W). Le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée doit être précisé au contrat. S'agissant, en effet, d'un contrat d'exception, il ne peut y être recouru pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise (C. trav., art. L. 1242-1 N° Lexbase : L1428H9R).

La succession de contrats de travail à durée déterminée n'est pas interdite (C. trav., art. L. 1244-1 N° Lexbase : L1480H9P). Le législateur en prévoit la possibilité pour certains motifs (remplacement d'un salarié malade, remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu, emplois à caractère saisonniers, remplacement du personne...) et l'assortit, éventuellement, d'un délai de carence (C. trav., art. L. 1244-3 N° Lexbase : L1484H9T).

L'inobservation des règles posées par le législateur est sanctionnée par la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée (C. trav., art. L. 1245-2 N° Lexbase : L1491H94).

La requalification en CDI de contrats de travail à durée déterminée exécutés par des salariés dans la même entreprise n'est pas nouvelle (en dernier lieu, Cass. soc., 15 octobre 2008, n° 06-46.382, F-D N° Lexbase : A7988EA4 et nos obs., Succession de contrats de travail à durée déterminée : conditions et sanctions, Lexbase Hebdo n° 324 du 29 octobre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N4936BHB). La Poste n'en est, d'ailleurs, pas à son premier coup d'essai et a été condamnée pour la même raison, aux mêmes motifs, par le conseil de prud'hommes de Foix et, à sa suite, par la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 4ème ch., sect. 1, 4 juin 2008, n° 07/02967, Mme Pinto c/ La Poste N° Lexbase : A8875D89).

Le Conseil de prud'hommes se contente, ici, de reprendre la motivation retenue dans la décision précédente pour l'appliquer à la demanderesse et condamner la poste à l'indemniser. Aucune surprise donc dans cette décision.

Stéphanie Martin-Cuenot, Juriste en droit social

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Procédure administrative

[Jurisprudence] L'abrogation des actes administratifs créateurs de droits : de nouvelles conditions pour plus de protection des droits acquis

Réf. : CE Contentieux, 6 mars 2009, n° 306084, M. Coulibaly (N° Lexbase : A6905ED4).

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

Le régime juridique de la disparition des actes administratifs est en pleine reconstruction depuis quelques années et l'arrêt "Coulibaly", rendu le 6 mars 2009 par la Section du contentieux du Conseil d'Etat, constitue un nouvel exemple, très instructif, des efforts déployés par le juge administratif pour fixer des règles claires permettant de ménager les exigences de la sécurité juridique et, plus précisément encore, de protéger les droits acquis. Après s'être attaqué aux conditions dans lesquelles l'administration pouvait procéder au retrait d'actes administratifs, c'est-à-dire à leur disparition rétroactive, le Conseil d'Etat délivre ici la marche à suivre en matière d'abrogation des actes administratifs créateurs de droits. Il répond, ainsi, aux voeux de l'administration, des administrés et de la doctrine, qui n'avaient pas manqué de souligner au cours des dernières années, et spécialement après l'arrêt "Ternon" du 26 octobre 2001 (1), que l'essentiel des précisions apportées par la jurisprudence récente concernait les règles applicables en matière de retrait, et ne visait que trop rarement celles gouvernant l'abrogation. Les faits de l'arrêt "Coulibaly" étaient relativement simples et parfaitement révélateurs de ce qu'une décision d'abrogation peut, à l'instar d'une décision de retrait, être particulièrement dommageable. D'origine ivoirienne, M. C. a suivi trois années d'études en chirurgie-dentaire à Abidjan avant de les poursuivre à Montpellier par la soutenance d'une thèse en 1992. En vertu d'un accord de coopération conclu en 1987 entre l'université de Montpellier et l'institut d'odonto-stomatologie d'Abidjan, ce dernier a délivré à M. C. le titre de docteur en chirurgie dentaire en 1993. Celui-ci a, ensuite, poursuivi une spécialisation à l'Université de Montpellier I avant d'obtenir la nationalité française et son inscription, le 5 octobre 2004, au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère en vue de l'exercice de sa profession comme salarié. Souhaitant s'installer à titre libéral dans le département de l'Hérault, il a, ensuite, sollicité du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère un transfert de résidence professionnelle. C'est à l'occasion de cette demande que le Conseil départemental de l'Isère a estimé (et sans doute découvert) que M. C. ne satisfaisait pas à la condition de diplôme exigée par l'article L. 4111-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3081DLP). Il a, alors, décidé de mettre fin à son inscription au tableau par une décision du 4 juillet 2006, abrogeant ainsi la décision qu'il avait prise le 5 octobre 2004. Cette décision d'abrogation a été confirmée par l'instance régionale le 25 septembre 2006, puis par l'instance nationale le 22 décembre 2006. C'est cette dernière que M. C. demandait au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir.

Il appartenait donc à la Haute assemblée de répondre à une question d'importance : dans quelle mesure l'administration peut-elle abroger un acte administratif individuel ? A vrai dire, cette question en dissimulait beaucoup d'autres : quel est le champ d'application matériel de cette abrogation ? Quel est le champ d'application temporel de cette abrogation ? Quels sont les motifs pouvant justifier l'activation de ce pouvoir d'abrogation ?, etc.

A toutes ces questions, le Conseil d'Etat a apporté une réponse sans ambiguïté puisque "sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision individuelle expresse créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision, et si elle est illégale". Et appliquant la solution ainsi dégagée au cas d'espèce, il n'a pu que constater que la décision d'inscription de M. C. au tableau constituait une décision individuelle créatrice de droits et qu'elle ne pouvait donc être abrogée, dès lors qu'elle avait été obtenue en dehors de toute fraude, plus de quatre mois après son édiction. Au total, l'arrêt "Coulibaly" vient, ainsi, utilement compléter une jurisprudence récente née des arrêts "Soulier" du 6 novembre 2002 (2) et "Portalis" du 14 mars 2008 (3), par laquelle le Conseil d'Etat avait reconnu à l'autorité administrative un pouvoir d'abrogation particulièrement important puisque non limité dans le temps. L'abrogation des actes administratifs individuels créateurs de droit est désormais conditionnée (I), et les règles de disparition desdits actes, pour le passé comme pour l'avenir, sont en même temps uniformisées dans l'optique d'une protection toujours plus (peut-être trop) grande des droits acquis (II)

I - L'abrogation conditionnée des actes administratifs individuels créateurs de droits

L'arrêt commenté enserre le pouvoir d'abrogation des actes administratifs dans de strictes conditions. Ces conditions invitent à faire quelques distinctions.

La première distinction est celle existant entre les actes administratifs réglementaires et les actes administratifs non réglementaires. Les premiers, dont on sait qu'ils ont une portée générale et impersonnelle, peuvent être abrogés par l'administration, à toute époque, et sans qu'elle ait à justifier sa décision. Comme le notent les auteurs des Grands arrêts de la jurisprudence administrative (Marceau Long, Patrick Weil, Guy Braibant, Pierre Delvové, Bruno Genevois, Les Grands Arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 2007), les seconds sont le plus souvent des actes individuels en ce sens qu'ils s'adressent à une personne nommément désignée (une inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens dentistes comme c'était le cas en l'espèce). Doivent, également, être considérées comme non réglementaires, sans pour autant que l'on puisse en déduire qu'ils s'agissent d'actes individuels, les décisions dites d'espèce (déclaration d'utilité publique par exemple). La solution posée par l'arrêt "Coulibaly" ne concerne que les actes administratifs individuels, à l'exclusion des actes réglementaires et des actes non réglementaires ne constituant pas des décisions individuelles.

La deuxième distinction que l'on doit faire se situe à l'intérieur même de la catégorie des actes individuels. Elle oppose les actes créateurs de droits aux actes non créateurs de droits. La notion d'actes créateurs de droit n'est assurément pas facile à définir (4). On peut, toutefois, considérer qu'elle englobe "les actes qui donnent aux intéressés une situation sur laquelle il n'est pas possible en principe à l'administration de revenir" (5). Alors que les actes non créateurs de droits peuvent être abrogées (et retirés) sans condition particulière, les actes créateurs de droits ne peuvent être abrogés que dans les conditions désormais fixées par l'arrêt "Coulibaly".

Ces deux distinctions essentielles étant faites, il convient alors d'analyser la solution posée par l'arrêt du 6 mars 2009. De celui-ci, il résulte que l'administration peut abroger, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires contraires (1ère condition), ou de demande de son bénéficiaire en ce sens (2ème condition), les décisions individuelles (3ème condition), créatrices de droits (4ème condition), explicites (5ème condition), dans un délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision (6ème condition), et cela à la stricte exigence que cette abrogation soit justifiée par son illégalité (7ème condition) et que l'acte en cause n'ait pas été obtenue par fraude (8ème condition). On aura, bien évidemment, reconnu au travers de l'ensemble de ces conditions les règles applicables en matière de retrait telles qu'elles ont été dégagées par l'arrêt "Ternon" et donc transposées en matière d'abrogation. L'arrêt "Coulibaly" contribue, en effet, à la construction d'un régime juridique général de "sortie de vigueur" (6) des actes administratifs unilatéraux.

II - Vers un régime général de "sortie de vigueur" des actes administratifs unilatéraux ?

Parce qu'il reproduit en matière d'abrogation les règles dégagées par l'arrêt "Ternon" en matière de retrait, l'arrêt "Coulibaly" doit être salué. Il répond, ainsi, aux attentes de la doctrine qui n'avait pas manqué de dénoncer la dissociation des règles de retrait et d'abrogation prévalant jusqu'alors (7). Il est d'autant plus bienvenu qu'il permet une meilleure protection des droits acquis pour l'avenir.

L'autorité compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est "en principe celle qui, à la date de la modification, de l'abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte et, le cas échéant, s'il s'agit d'un acte individuel, son supérieur hiérarchique" (8). Comme cela a déjà été souligné, l'affaire en cause ne concerne que les actes créateurs de droits, et la solution qu'elle pose n'a pas vocation à s'étendre au-delà d'eux. Ces actes créateurs de droits peuvent être retirés et abrogés dans les mêmes conditions. Il suffit pour cela qu'ils soient illégaux, et que la décision de retrait ou d'abrogation intervienne dans un délai de quatre mois à compter de leur édiction. Cette solution consistant à aligner les règles d'abrogation sur celles du retrait est tout à fait logique. On ne voit pas, en effet, quel argument pourrait faire obstacle à ce que l'administration, dès lors qu'elle peut faire plus (retirer) ne peut faire moins (abroger). Le retrait est, évidemment, plus attentatoire aux droits acquis et à la sécurité juridique, et permettre à l'administration de prononcer l'abrogation dans les mêmes conditions, c'est lui offrir la possibilité d'édicter une décision moins dommageable pour l'administré.

Lorsque les deux conditions fixées par les arrêts "Ternon" et "Coulibaly" ne sont pas réunies (l'acte est légal ou illégal mais le délai de quatre mois est expiré), l'administration ne peut, alors, en prononcer le retrait ou l'abrogation que dans deux situations tout à fait exceptionnelles (9) : lorsque le bénéficiaire lui en aurait fait la demande, tout d'abord (dans ce cas, l'atteinte portée aux droits acquis est effacée par la manifestation de volonté de l'administré) ; lorsque des dispositions législatives ou réglementaires auront prévu une telle possibilité de retrait ou d'abrogation, ensuite (dans ce cas, l'atteinte portée aux droits acquis est neutralisée par la manifestation de volonté du législateur ou du pouvoir réglementaire).

A l'intérieur de cette catégorie des actes créateurs de droits, l'arrêt "Soulier" du 6 novembre 2002 avait réservé un sort particulier aux actes conditionnels (aussi qualifiés d'actes conditionnés à exécution successive (10)). S'agissant de l'octroi du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à une fonctionnaire, le Conseil d'Etat avait, en effet, indiqué qu'elle ne pouvait pas être légalement retirée après l'expiration du délai de quatre mois suivant son édiction, mais que, à partir du moment où le maintien de cette bonification était subordonnée à la condition que l'intéressée exerce effectivement ses fonctions, "l'autorité compétente pouvait, dès lors que cette condition n'était pas remplie, supprimer cet avantage pour l'avenir". L'arrêt "Soulier" posait donc une règle asymétrique en matière d'actes conditionnels : leur retrait n'était possible que dans les conditions fixées par l'arrêt "Ternon", mais leur abrogation était possible sans condition de délai dès lors qu'ils étaient entachés d'une illégalité, l'illégalité consistant alors dans le non-respect de la condition légale. Cette solution a été récemment confirmée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt "Portalis" du 14 mars 2008 (11). Dans cette affaire, la section du contentieux a en jugé que le caractère créateur de droits de la décision accordant à un agent public la protection prévue par les textes statutaires en cas de poursuites pénales faisait obstacle à ce que l'autorité administrative puisse retirer cette décision plus de quatre mois après sa signature. Surtout, le Conseil d'Etat a indiqué que l'autorité administrative pouvait mettre fin, pour l'avenir et sans limitation temporelle, à la protection accordée lorsqu'elle constate postérieurement l'existence d'une faute personnelle.

On peut s'interroger quant à la question de savoir comment positionner l'arrêt "Coulibaly" par rapport aux jurisprudences "Soulier" et "Portalis". L'arrêt du 6 mars 2009 n'est pas exempt d'ambiguïtés. Il semble, à première vue, confirmer la solution issue des arrêts "Soulier" et "Portalis", puisqu'il indique qu'il incombe "au conseil départemental de tenir à jour ce tableau et de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention de circonstances postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir les conditions requises pour y figurer". A priori donc, l'autorité administrative dispose d'un pouvoir d'abrogation non limité dans le temps. Mais la lecture de la suite de l'arrêt montre que le Conseil d'Etat a sans doute entendu nuancer la portée de ces deux jurisprudences (n'oublions pas que l'arrêt "Coulibaly" est un arrêt de Section) : le conseil départemental ne peut "en l'absence de fraude, sans méconnaître les droits acquis qui résultent de l'inscription, décider plus de quatre mois après celle-ci de radier un praticien, au motif que les diplômes au vu desquels il a été inscrit n'auraient pas été de nature à permettre légalement son inscription".

Il semble donc que l'arrêt "Coulibaly" amende substantiellement les jurisprudences "Soulier" et "Portalis". Certes, il ne les condamne pas radicalement puisqu'il reconnaît, comme elles, l'existence d'un pouvoir d'abrogation à l'égard des actes administratifs individuels créateurs de droits. Mais il les modifie considérablement en enserrant ce pouvoir d'abrogation dans le délai de quatre mois. Le Conseil d'Etat répond, ainsi, aux critiques d'une partie de la doctrine qui avait pu soutenir, au lendemain de l'arrêt "Portalis" que le juge administratif semblait "attacher désormais beaucoup moins d'importance au maintien des droits pour l'avenir" (12).

Voilà donc un arrêt qui emporte au moins deux motifs de satisfaction : il uniformise les règles de retrait et d'abrogation en ce qui concerne les actes individuels créateurs de droits et contribue, ainsi, à une meilleure protection des droits acquis pour l'avenir. Pour autant, on ne peut s'empêcher de poser une question essentielle : que reste-t-il de la légalité ? Que l'on explique à M. C. que son inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes ne pouvait pas être abrogée au-delà d'un délai de quatre mois est évidemment rassurant pour lui... mais beaucoup moins pour ses patients qui seraient sans doute très inquiets d'apprendre que tout en étant inscrit au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes il ne dispose (peut-être) (13) pas des diplômes requis par les textes, et que les autorités compétentes ne peuvent a priori pas mettre fin à cette illégalité (14). L'on peut donc en conclure que, si la sécurité juridique est de plus en plus présente, et pressante, au Conseil d'Etat, elle ne doit pas faire oublier les exigences essentielles de la légalité.


(1) CE Contentieux, 26 octobre 2001, n° 197018, Ternon (N° Lexbase : A1913AX7), Rec. CE, p. 497, concl. F. Séners, RFDA, 2002, p. 77, concl. F. Séners, note P. Delvové, AJDA, 2001, p. 1034, chron. M. Guyomar et P. Collin, AJDA 2002, p.738, note Y. Gaudemet, Dr. adm., 2001, comm. 253, note I. Michallet, GAJA, n° 111.
(2) CE Contentieux, 6 novembre 2002, n° 223041, Mme Soulier (N° Lexbase : A7473A38), Rec. CE, p. 369, RFDA, 2003, p.225, concl. S. Austry, note P. Delvolvé, AJDA, 2002, p. 1434, chron. F. Donnat et D. Casas, AJFP, 2003, n° 2, p. 20, note A. Fuchs, JCP éd. A, 2002, 1176, note D. Jean-Pierre, 1342, note J. Moreau, RDP, 2003, p. 408, note C. Guettier.
(3) CE Contentieux, 14 mars 2008, n° 283943, M. Portalis (N° Lexbase : A3803D7Y), AJDA, 2008, p. 800, chron. J. Boucher et B. Bourgeois-Machureau, RFDA, 2008, p. 482, concl. N. Boulouis, p. 931, note B. Seiller.
(4) Pour Jean Gourdou (Précisions sur l'abrogation des actes administratifs non réglementaires, in Mélanges en l'honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 459 et spéc. p. 463), il s'agit d'une notion "fonctionnelle".
(5) GAJA, n° 111, p. 859.
(6) R. Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, 15ème édition, 2001, p. 1151 et s.
(7) R. Noguellou, L'abrogation des actes administratifs non réglementaires créateurs de droits, Dr. adm., 1993, chron. n°12 ; P. Delvolvé, note sous CE, 6 novembre 2002, n° 223041, Mme Soulier, précité ; CE Contentieux, 29 novembre 2002, n° 223027, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (N° Lexbase : A5193A44) ; RFDA, 2003, p. 240 ; J. Gourdou, Précisions sur l'abrogation des actes administratifs non réglementaires, in Mélanges en l'honneur de Daniel Labetoulle, précité, p. 459 ; B. Seiller, note sous CE Contentieux, 14 mars 2008, n° 283943, M. Portalis, précité, RFDA, 2008, p. 931.
(8) CE Contentieux, 30 septembre 2005, n° 280605, M. Illouane (N° Lexbase : A6106DKD), Rec. CE, p. 402, RDP, 2006, p. 488, obs. C. Guettier.
(9) Le cas de la fraude doit être isolé car l'acte obtenu par fraude n'est pas créateur de droits et peut donc être retiré ou abrogé sans délai (CE Contentieux, 29 novembre 2002, n° 223027, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, précité, RFDA, 2002, p. 234, concl. G. Bachelier, p. 240, note P. Delvolvé).
(10) Dans ses conclusions précitées sous l'arrêt "Portalis", Nicolas Boulouis évoquait "des décisions dont les effets se prolongent si, et seulement si, les conditions ayant présidé à leur édiction se prolongent aussi".
(11) CE Contentieux, 14 mars 2008, n° 283943, M. Portalis, précité.
(12) B. Seiller, note précitée, RFDA, 2008, p. 934.
(13) Nous ajoutons le "peut-être" car n'ayant pas pu avoir accès aux conclusions du Rapporteur public (non encore publiées au moment où nous rédigeons ces lignes), et l'arrêt étant énigmatique sur ce point, nous ne savons pas si, au fond, M. C. possédait les diplômes exigés.
(14) La solution réside, peut-être, dans la notion d'acte contraire qui permet à l'autorité administrative compétente d'abroger l'acte qu'elle a précédemment édicté.

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - mars 2009

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N9834BI3

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Cette chronique débute par une illustration de l'application de la présomption de transfert des bénéfices à l'étranger par l'administration fiscale (CAA Paris, 2ème ch., 25 juin 2008, n° 06PA02841, Société Novartis Groupe France SA). Puis, le Conseil d'Etat revient sur la question de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit qui ne cesse de générer une jurisprudence importante depuis la décision "Société Ghesquière Equipement" anéantie depuis lors par le législateur (CE 3° et 8° s-s-r., 13 février 2009, n° 296117, M. Saupic). Enfin, la cour administrative d'appel de Paris qualifie de revenus de capitaux mobiliers les sommes perçues par un associé qui a revendu à la société émettrice ses actions n'ayant pas été par la suite annulées (CAA Paris, 2ème ch., 4 février 2009, n° 08PA00863, Mlle Mercedes X).
  • Prix de transfert et présomption de transferts de bénéfices : "Le monde fleurit par ceux qui cèdent à la tentation" (1) (CAA Paris, 2ème ch., 25 juin 2008, n° 06PA02841, Société Novartis Groupe France SA N° Lexbase : A9753D94)

Dans le cadre des échanges internationaux, et à défaut d'une chimérique uniformisation des différentes juridictions fiscales, la tentation est grande de localiser la base imposable en fonction de l'imposition applicable dans certains Etats pour autant que la stabilité politique soit au rendez-vous. C'est dans ce cadre que les prix de transfert entre entreprises liées -c'est-à-dire dépendante en droit ou en fait (CE Contentieux, 25 janvier 1989, n° 49847, Société Hempel Peintures Marine France N° Lexbase : A0838AQ4 ; CAA Bordeaux, 4ème ch., 8 décembre 2005, n° 02BX01366, Société Corail N° Lexbase : A5173DMK ; CE 3° et 8° s-s-r., 7 novembre 2005, n° 266436, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Cap Gemini N° Lexbase : A4994DLK)- sont susceptibles de générer un contentieux avec l'administration fiscale. En effet, afin de freiner les contribuables, le législateur est intervenu afin, d'une part, de relocaliser les bénéfices en France lorsque l'entreprise est sous la dépendance -ou contrôle- d'une entreprises étrangère (CGI, art. 57 (2) N° Lexbase : L1594HLM) ; et, d'autre part, d'améliorer le contrôle des comptabilités en imposant à l'entreprise une documentation sur les prix de transfert (LPF, art. L. 13 B N° Lexbase : L8501AEL ; v. également : Najib Gharbi, Le contrôle fiscal des prix de transfert, L'Harmattan, coll. : Finances publiques, 2005, p. 329 et s. ; F. Berger et P. Jan, Prix de transfert : vers de nouvelles obligations en France ?, Option Finance n° 1007, 8 décembre 2008, p. 31 ; C. de Manneville et V. Renoux, Projet de loi en matière de documentation de prix de transfert : La nouvelle donne, Option Finance, n° 986, 23 juin 2008, p. 33). Signe des temps, l'administration fiscale a mis en ligne un guide relatif aux prix de transferts à l'intention des petites et moyennes entreprises (instruction du 28 novembre 2006, BOI 4 A-13-06 N° Lexbase : X7692ADA) qui ne pourront plus se retrancher derrière le paravent de l'ignorance : les PME sont concernées tout autant que les grandes multinationales ! (3).

La preuve du transfert indirect des bénéfices revêtant une importance de premier ordre qui n'est pas sans entraîner des difficultés pour l'administration fiscale, cette dernière a obtenu une exception -non sans distiller préalablement quelques arguments afin de convaincre les parlementaires d'abonder dans son sens- lorsque "le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié" au sens de l'article 238 A du CGI (CGI, art. 238 A N° Lexbase : L4758HLS). Dans cette hypothèse, l'administration fiscale n'est alors plus tenue de rapporter la condition de dépendance ou de contrôle.

Au cas d'espèce, la société requérante a été redressée à la suite d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale a estimé que la société mère suisse avait facturé de façon excessive un principe actif à sa filiale française qu'elle utilisait pour la fabrication d'un produit phytosanitaire. En effet, selon l'administration, la marge globale "c'est-à-dire l'écart entre le prix de vente du produit final et l'ensemble des coûts supportés tant par la société suisse que par la société française, était répartie entre ces deux sociétés de manière trop disproportionnée par rapport à la part de ces coûts supportée par chacune". Le service en a alors déduit, d'une part, un prix normal de cession du principe actif s'élevant à 494,05 francs (75,30 euros) au lieu de 649,05 francs (98,93 euros) au kilogramme en répartissant la marge globale proportionnellement aux coûts respectifs ; d'autre part, il a estimé que la différence, soit 155 francs (23,62 euros) par kilogramme, était une majoration de charges pour la filiale française constitutive d'un transfert de bénéfices à l'étranger taxable du chef de l'article 57 du CGI, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce (CGI, art. 57 N° Lexbase : L1592HLK) et compatible, selon les juges du fond, avec les dispositions de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK) (CAA Paris, 30 avril 2004, n° 99PA02135, Société Firmenich et cie N° Lexbase : A2434DC7).

Les conseillers de la cour administrative d'appel de Paris disent pour droit que "lorsque [l'administration fiscale] constate que les prix facturés par une entreprise étrangère à une entreprise établie en France qui lui est liée, sont supérieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes ; qu'à défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transferts de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en achetant des biens à un prix excessif, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé". Mais au cas d'espèce, la juridiction d'appel ne sera pas convaincue par la démarche suivie par l'administration fiscale car "le service n'a pas effectué de comparaisons avec les prix auxquels des produits comparables sont vendus par des entreprises similaires exploitées normalement". S'il est reproché à l'administration fiscale de ne pas avoir établi de comparaisons adéquates en fonction du produit en cause, il est toutefois permis de s'interroger sur la possibilité de les réaliser lorsque des spécificités très particulières existent de sorte qu'une comparaison apparaît de facto peu pertinente, voire dénuée de toute signification exploitable.

Pour autant, c'est une véritable leçon que la cour administrative d'appel de Paris assène à l'administration quant à la détermination d'un juste prix de transfert : il lui est ainsi reproché de n'avoir présenté "aucune argumentation relative à la nature du 'Propiconazole', à ses modalités de production et de transformation et à ses conditions de commercialisation permettant d'estimer qu'une telle proportionnalité devrait, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux caractéristiques de la filière, être retenue" ; ou encore que le ministre "n'établit pas que le coût de production complet de la société suisse, qu'il a déterminé à partir du prix de vente à la filiale américaine, aurait pris en compte l'ensemble des éléments de ce coût, et notamment l'ensemble des redevances versées à des tiers". Enfin, il se déduit des écritures des parties en présence que, s'agissant de l'estimation des frais administratifs, de transport, de publicité et de recherche, l'administration fiscale ne pouvait contester "sérieusement" les critiques de la contribuable quant au raisonnement suivi par le service.

Ainsi, l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris est un florilège de tout ce que l'administration fiscale n'aurait pas dû faire : une estimation inexacte et incomplète d'un circuit économique visant à élaborer et commercialiser un fongicide dans lequel le raisonnement de l'administration fiscale s'est dissous...

  • Retour sur l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit (CE 3° et 8° s-s-r., 13 février 2009, n° 296117, M. Saupic N° Lexbase : A1150EDX)

L'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et la correction symétrique des bilans continuent de susciter des conflits avec l'administration fiscale.

De façon succincte, rappelons que, lorsque l'administration rectifie le bilan en augmentant l'actif ou en diminuant le passif, l'actif net est majoré d'autant ce qui entraîne une imposition en application des dispositions du CGI (CGI, art. 38-2 N° Lexbase : L3699ICY) prévoyant que le bénéfice net imposable est égal à la différence, pour un même exercice, entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture du bilan. Telle serait l'hypothèse d'une dette de l'entreprise inscrite au passif du bilan alors même qu'elle serait prescrite. Cependant, il est de jurisprudence ancienne (CE, 27 octobre 1958, n° 39769, RO (4) 226, BCD (5) 1959.111 ; GAJF, Dalloz, 4ème édition, 2003, p. 577 et s.) que l'administration doit corriger symétriquement les bilans successifs dans le cas où la même erreur -ou l'omission- s'y retrouverait. Pour autant, devait-on fixer une limite temporelle à ces corrections symétriques ? Pendant longtemps, la règle de la correction symétrique des bilans pouvait entraîner une absence d'imposition dans l'hypothèse d'un rattachement d'une erreur ou d'une omission à un exercice prescrit (6). Cependant, cette situation ne dura pas puisque le Conseil d'Etat a fixé un butoir (CE Contentieux, 31 octobre 1973, n° 88207 N° Lexbase : A7634AYE) : c'est la règle prétorienne de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Ainsi, "le caractère définitif du bilan de clôture du dernier exercice prescrit, en tant qu'il a servi de base à une imposition devenue définitive, entraîne nécessairement l'opposabilité tant au contribuable qu'à l'Administration du 'bilan d'ouverture' du premier exercice non prescrit" (7). Cette jurisprudence, qui a souvent joué au profit de l'administration fiscale (8), autorise ainsi, par exemple, la remise en cause d'une provision ou d'un déficit reporté même au titre d'un exercice prescrit (9). En d'autres termes, elle a permis, sans intervention du législateur, de faire échec aux règles relatives à la prescription. En 2004, le Conseil d'Etat décide de reconsidérer l'application de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit (10) -sans abandonner pour autant la notion de correction symétrique des bilans- par une décision remarquée sous réserve de l'absence d'erreurs ou d'omissions délibérément commises par le contribuable (11) (CE Contentieux, 7 juillet 2004, n° 230169, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Ghesquière Equipement N° Lexbase : A0698DD9).

Alors même que d'autres voies consistant à reconsidérer son approche du contrôle fiscal auraient pu être exploitées par l'administration fiscale, cette dernière a préféré convaincre le législateur -sans rencontrer trop de résistance- d'adopter une loi rétroactive anéantissant les effets de la jurisprudence honnie "Société Ghesquière Equipement" (loi n° 2004-1485, 30 décembre 2004, de finances rectificative pour 2004 N° Lexbase : L5204GUB ; Dr. fisc., 2005, comm. 201 ; CGI, art. 38 4 bis N° Lexbase : L3699ICY ; instruction du 29 juin 2006, BOI 4 A-10-06 N° Lexbase : X7004ADR) considérée comme non-conforme aux attentes budgétaires de l'Etat.

Une fois légalisée et assortie d'exceptions -dont l'une consiste à un droit à l'oubli si l'erreur ou l'omission entachant l'actif net est intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit-, le débat s'est poursuivi devant le juge de l'impôt (CE 3° et 8° s-s-r., 30 juin 2008, n° 288314, M. Lemoine N° Lexbase : A4484D9X ; CAA Nantes, 1ère ch., 1er octobre 2007, n° 04NT00220, SA Catimini International et SA Catimini N° Lexbase : A6119DZN ; CE 9° et 10° s-s-r., 16 mai 2007, n° 290264, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Chambouleyron N° Lexbase : A3893DW4) qui a reconnu qu'"à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien" (CE 3° et 8° s-s-r., 19 février 2008, n° 292948, Société Getecom N° Lexbase : A3127EBG) pour en refuser l'application au cas d'espèce puisque l'espérance légitime n'était pas compatible avec la hâte avec laquelle les autorités publiques ont mis un terme au revirement jurisprudentiel ; ce qui témoigne de la possibilité de mobiliser rapidement les ressources de l'Etat si nécessaire !

Au cas particulier et à l'issue d'une vérification de comptabilité d'une société en nom collectif, les faits rapportent qu'une entreprise a rattaché -pour l'évaluation de ses stocks- des produits et des charges d'exercices antérieurs entraînant une surestimation de l'actif net du bilan clôturé et prescrit de l'exercice de l'année 1981. En application de la règle prétorienne de la correction symétrique des bilans et de la règle du butoir, l'erreur comptable fut corrigée et rattachée au premier exercice non prescrit -c'est-à-dire 1982- entraînant une imposition à la charge du contribuable. Contestant le raisonnement de l'administration fiscale, le contribuable fut débouté en appel (CAA Paris, 5ème ch., 22 mai 2006, n° 02PA02322, M. Jean-Marc Saupic N° Lexbase : A3254DQL) et son pourvoi en cassation sera également rejeté par la Haute juridiction administrative (CE 3° et 8° s-s-r., 13 février 2009, n° 296117, M. Saupic N° Lexbase : A1150EDX) compte tenu de la rédaction du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 (14) qui légalise rétroactivement les impositions établies avant le 1er janvier 2005 "en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable aurait pu demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et des exercices antérieurs". L'administration pouvait rectifier le bilan de clôture de l'exercice clos en 1981 et, par conséquent, celui d'ouverture du premier exercice non prescrit, soit l'exercice 1982. On remarquera alors la dyssimétrie nécessairement formulée au profit de l'administration fiscale de par la loi puisque les dispositions du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 "ne peuvent être invoquées que par l'administration fiscale".

  • Rachat de titres non suivis de leur annulation : imposition au titre des revenus de capitaux mobiliers (CAA Paris, 2ème ch., 4 février 2009, n° 08PA00863, Mlle Mercedes X N° Lexbase : A5219EDN)

Une directrice salariée d'une agence de publicité pendant une quinzaine d'années a acquis trois cents puis sept cents actions d'une société filiale. Aux termes du protocole signé entre les parties, la salariée s'engageait à céder ses actions à l'agence de publicité en question ou à toute autre personne désignée par la société dans l'hypothèse où son contrat de travail prendrait fin. Une fois cédée, la requérante considéra que la plus-value devait être imposée au taux proportionnel de 16 %. Or, les titres ainsi rachetés n'ont pas fait l'objet d'une annulation par la société émettrice ce qui a entraîné un redressement émis par le service au titre de l'impôt sur le revenu en application des articles 109 (N° Lexbase : L2060HLU) et 161 (N° Lexbase : L2664HLA) du CGI.

Selon la cour administrative d'appel de Paris, "lorsqu'une société rachète, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, les droits sociaux qu'ils détiennent, notamment sous forme d'actions, l'excédent éventuel du remboursement des droits sociaux sur le prix d'acquisition de ces droits, mais dans la mesure seulement où ce prix d'acquisition est supérieur au montant de l'apport remboursable en franchise d'impôt, constitue, sauf dans les hypothèses particulières où le législateur en aurait disposé autrement, non un gain net en capital relevant du régime d'imposition des plus-values de cession, mais un boni de cession mis à la disposition du cédant, qui a la même nature qu'un boni de liquidation, imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers".

Cette motivation n'est pas une nouveauté : elle est l'exacte reprise du considérant émis par le Conseil d'Etat dans sa décision de principe "Roesch" (CE 9° et 10° s-s-r., 29 décembre 2000, n° 179647, M. Roesch N° Lexbase : A1979AI7) confirmée depuis lors (CE 9° et 10° s-s-r., 28 février 2007, n° 284565, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mme Persicot N° Lexbase : A4284DU9 ; CE 3° s-s., 30 juillet 2003, n° 220260, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Boutin N° Lexbase : A2708C98) et adoptée par les juridictions du fond (CAA Bordeaux, 26 avril 2004, n° 00BX02237, M. Duffiet N° Lexbase : A0162DCY ; CAA Lyon, 2ème ch., 24 octobre 2002, n° 97LY02597, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Yves Lavoise N° Lexbase : A2208A7W) dont la présente cour administrative d'appel qui a considéré que les faits de l'espèce constituaient une distribution imposable au titre des revenus de capitaux mobiliers soumis au barème progressif de l'IR.

Les conseillers parisiens considèrent que l'application du second alinéa de l'article 161 du CGI n'est pas limitée aux seuls rachats de titres suivis de leur annulation confirmant ainsi, sur le principe, la position exprimée dans le même sens par la doctrine administrative dans des hypothèses comparables pour des faits en vigueur à la date de publication de ladite doctrine (DB 4 J 1224, du 1er novembre 1995, n° 15 et n° 16 N° Lexbase : X6662AAY (15) ). Au soutien de leur raisonnement, on remarquera l'absence de distinction opérée par la loi fiscale applicable aux faits de l'espèce : tout type de rachat -suivi d'une annulation des titres ou non- semble concerné. On attendra la confirmation de cette jurisprudence sur ce point par le Conseil d'Etat.


(1) Julien Gracq.
(2) "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A [N° Lexbase : L4758HLS]. En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales [N° Lexbase : L8501AEL], les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 [N° Lexbase : L5447H9Mà L. 61 du même livre. A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement".
(3) On relèvera dans la documentation administrative de 1993 que : "La mise en jeu de ces dispositions n'a pendant longtemps concerné que les entreprises de très grande dimension, relevant pour la plupart de la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI). Mais le développement de l'activité internationale rend possible l'apparition de phénomènes de transferts occultes de bénéfices au niveau d'entreprises de taille relativement moyenne. C'est pourquoi l'attention du service est appelée sur la nécessité de surveiller attentivement les transactions entre sociétés apparentées en vue de déceler de tels transferts occultes et de mettre en jeu l'article 57 lorsque des facturations anormales auront été relevées", DB 4 A 121 et 4 A 1211, du 1er septembre 1993 N° Lexbase : X7003AAM).
(4) Recueil officiel de jurisprudence fiscale (DGI).
(5) Bulletin des contributions directes (Dupont).
(6) "Votre jurisprudence antérieure à la décision du 31 octobre 1973 n'avait en général pas hésité à aller jusqu'au bout de la logique de la correction symétrique et à admettre par conséquent, la rectification d'écritures d'exercices prescrits ou amnistiés, ce qui interdisait évidemment à l'Administration d'en tirer des conséquences fiscales", concl. M. Schricke sous CE Contentieux, 13 mars 1981, n° 12508, Caisse centrale (N° Lexbase : A7037AKT), GAJF, p. 586.
(7) GAJF, op. cit., p. 587. V. également l'exemple donné dans le même ouvrage (p. 586).
(8) "Il est clair, qu'en pratique, les contribuables omettent plus souvent de déclarer des produits que de déclarer des charges, de sorte que la jurisprudence du 31 octobre 1973 est nécessairement plus souvent favorable au Trésor qu'au contribuable", concl. M. Schricke sous CE Contentieux, 13 mars 1981, n° 12508, Caisse centrale N° Lexbase : A7037AKT, GAJF, op. cit., p. 589.
(9) CE 9° et 7° s-s-r., 28 janvier 1976, n° 77909 (N° Lexbase : A8826B8E) ; CE Contentieux, 27 juillet 1979, n° 11717 (N° Lexbase : A2343AKY) ; CE Contentieux, 20 avril 1984, n° 37050 (N° Lexbase : A2777ALG).
(10) "Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du Code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net imposable est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt [...]. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés' ; que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du Livre des procédures fiscales".
(11) Ce dernier aspect étant conforme à sa jurisprudence antérieure : "Considérant qu'il est constant que, d'une part, la société requérante avait augmenté la valeur de son actif net comptable à la clôture des exercices antérieurs à 1964, notamment à la clôture de l'exercice 1963, en laissant figurer à l'actif, au poste travaux en cours', des sommes correspondant à des frais de fabrication supportés au cours de l'exercice et constituant purement et simplement des charges d'exploitation de l'exercice ; que, d'autre part, la société a entrepris à partir de 1964 de résorber' ce poste ne correspondant à aucun actif réel ; qu'enfin c'est précisément la diminution du montant de ce poste de l'actif entre l'ouverture et la clôture de l'exercice 1964 qui est la cause des résultats déficitaires litigieux ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme le soutient d'ailleurs la société requérante elle-même, ce n'est pas par erreur ou inadvertance, mais au contraire volontairement, eu égard aux inconvénients de toute nature qu'aurait entraînés la mise en lumière de sa situation réelle, que la société a surestimé, au moyen du poste travaux en cours', la valeur de son actif net à la clôture de l'exercice 1963 ; qu'en raison du caractère délibérément irrégulier de ces écritures, celles-ci n'étaient pas opposables à l'administration, qui s'est donc refusée à bon droit à regarder la perte comptable résultant de la remise en ordre opérée en 1964 comme constituant un déficit reportable de cet exercice", CE Contentieux, 27 juillet 1979, n° 11717 (N° Lexbase : A2343AKY).
(12) "Le bon sens commande peut-être que les services fiscaux, avant de chercher auprès du Parlement une parade juridique à la décision min. c/ SARL Ghesquière Equipement, déterminent dans quelle mesure une refonte ou un accroissement de leurs contrôles [...] pourrait permettre [...] de limiter la perte de matière imposable imputable au revirement de jurisprudence", Centre de documentation du Conseil d'Etat, Correction des écritures comptables : la règle de l'intangibilité à l'heure du bilan, RJF, octobre 2004, p. 719.
(13) "En application du troisième alinéa du 4 bis de l'article 38, la règle de l'intangibilité du bilan ne s'applique pas en cas de correction d'omissions ou d'erreurs résultant : - de la pratique de dotations aux amortissements excessifs au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 au cours de la période prescrite ; - de la passation à tort en charges au cours d'exercices prescrits de frais qui auraient dû venir majorer le coût de revient d'éléments de l'actif immobilisé ; - de la comptabilisation en charges au cours d'exercices prescrits de dépenses constitutives d'immobilisations", instr. précitée, § 39.
(14) "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l'application des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales [N° Lexbase : L2974IAEsont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard".
(15) "Le rachat par une société d'actions de son propre capital quand il ne s'accompagne pas de leur annulation et d'une réduction corrélative de ce capital, a néanmoins pour effet de transférer dans le patrimoine de l'actionnaire une partie de l'actif social qui revêt le caractère de revenus distribués au sens de l'article 109-1° [N° Lexbase : L8052AEX] et 2° du CGI. Il s'ensuit que, dans ce cas, l'impôt sur le revenu est exigible sur l'excédent du prix de rachat soit sur le montant des apports réels ou assimilés, soit, s'il est supérieur, sur le prix d'acquisition des droits sociaux, c'est-à-dire sur l'enrichissement du porteur" .

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Propriété intellectuelle

[Chronique] La Chronique de droit de la propriété intellectuelle de Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences, Université Rennes 1 - CDA-PR - Mars 2009

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique en droit de la propriété intellectuelle de Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de Rennes. Sont à l'honneur de cette première chronique, les modifications apportées, d'une part, au régime des actes modifiant ou transmettant des droits de propriété intellectuelle et, d'autre part, au régime de l'action en contrefaçon, par les articles 133 et 135 de la loi de modernisation de l'économie. L'auteur revient, par ailleurs, sur trois arrêts rendus par la Cour de cassation, publiés au Bulletin : le premier arrêt, du 10 février 2009, rappelle les principes gouvernant la distinction entre l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ; le deuxième arrêt, rendu par la Chambre criminelle le 13 janvier 2009, apporte une précision importante sur les constatations visuelles effectuées sur internet et les renseignements recueillis en exécution de l'article L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle par un agent assermenté ; enfin, dans le troisième et dernier arrêt sélectionné, rendu le 22 janvier 2009 par la première chambre civile, la Haute juridiction, se prononçant sur l'existence d'un acte de contrefaçon du fait de l'utilisation d'une photographie dans un magazine en l'absence d'autorisation de l'auteur de l'oeuvre photographique, avait à déterminer l'application dans le temps de la Directive du 22 mai 2001, pour des faits réalisés antérieurement à la loi de transposition.
  • Uniformisation de la publicité des actes modifiant ou transmettant des droits de propriété intellectuelle et extension du champ de l'action en contrefaçon (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, art. 133 et 135 N° Lexbase : L7358IAR)

La "LME" du 4 août 2008 a, entre autres choses, modifié l'arsenal pour lutter contre la contrefaçon. Ce texte vient s'inscrire dans une démarche volontariste du législateur qui a entrepris, depuis la fin de l'année 2007, de renforcer les droits des titulaires de droits de propriété intellectuelle. La "LME" vient ainsi renforcer le dispositif mis en place par la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon (loi n° 2007-1544 N° Lexbase : L7839HYY). Ce texte, et son décret d'application du 27 juin 2008 (décret n° 2008-624, pris pour l'application de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon et portant modification du code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L5375H79), sont venus transposer avec retard la Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2091DY4).

Il est ainsi prévu aux articles 133 et 135 de la "LME" d'importantes modifications, d'une part, à l'égard du régime des actes modifiant ou transmettant des droits de propriété intellectuelle et, d'autre part, à l'égard du régime de l'action en contrefaçon. Si les articles 132 et 134 du même texte, relatifs aux conditions d'enregistrement des brevets et des marques, ont d'ores et déjà reçu une consécration réglementaire par l'ordonnance du 11 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1301, relative aux brevets d'invention et aux marques N° Lexbase : L2092ICH) et le décret d'application de celle-ci du 30 décembre 2008 (décret n° 2008-1471, qui porte application du VI de l'article 132 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, et relatif à la procédure de limitation des revendications des brevets d'invention N° Lexbase : L3887ICX), il n'en va pas de même pour les dispositions précitées.

L'article 133 de la "LME" précise, en premier lieu, les modalités d'opposabilité des actes modifiant les droits des titulaires de marques, dessins et modèles afin d'unifier le régime de la publicité sur le modèle de celle admise en matière de brevet.

Les articles L. 513-3 (N° Lexbase : L2649IBQ) et L. 714-7 (N° Lexbase : L2153ICQ) du Code de la propriété intellectuelle prévoient désormais pour les dessins et modèles et les marques, à l'instar de l'article L. 613-9 (N° Lexbase : L2728IBN) relatif aux brevets, qu'en dépit du principe selon lequel l'opposabilité des actes modifiant ou transmettant des droits attachés au titre de propriété intellectuelle est réalisée par une inscription sur le registre national, la connaissance des tiers puisse pallier le défaut de publicité. En effet, il est à présent inséré dans ces deux articles un deuxième alinéa en vertu duquel "Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits".

Alors que pendant longtemps la jurisprudence (1) comme la doctrine (2) ont hésité sur une analyse objective ou subjective du système de publicité à retenir à l'égard de tous les droits de propriété intellectuelle autres que des brevets, le doute ne semble désormais plus permis. Le législateur a tranché en faveur d'un système de publicité subjectif qui peut donc être pallié par une connaissance effective de l'acte.

Une telle solution doit être approuvée pour l'uniformisation qu'elle consacre quant à l'appréciation qu'il convient de faire de la valeur du système de publicité.

Une uniformisation interne, tout d'abord, entre tous les droits de propriété intellectuelle. Des divergences d'interprétation de la valeur de la publicité des actes modifiant ou transmettant des droits réels sur les titres de propriétés intellectuelles n'étaient en effet pas souhaitables. Elles avaient pour conséquence de complexifier la tâche des opérateurs obligés de distinguer selon les droits en cause pour déterminer la valeur de l'inscription face à la connaissance des tiers de l'existence d'un acte non encore inscrit.

Une uniformisation externe, ensuite, à l'égard des titres communautaires. La solution retenue par le législateur a, en effet, le mérite d'uniformiser le droit interne avec le droit des marques communautaires. En application de l'article 23 du Règlement communautaire n° 40/94 du 20 décembre 1993 (N° Lexbase : L5799AUC), modifié par le Règlement n° 422/2004 du 19 février 2004 (N° Lexbase : L0446DY8) "les actes juridiques concernant la marque communautaire visés aux articles 19 [gage et autres droits réels] ne sont opposables aux tiers dans tous les états membres qu'après leur inscription au registre. Toutefois, avant son inscription, un tel acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits sur la marque après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits". La publicité des marques communautaires n'a donc qu'une valeur subjective dans la mesure où elle peut être palliée par la connaissance effective des tiers.

Si cette uniformisation était souhaitable, la solution consacrée par le législateur dans la "LME" du 4 août 2008 peut être critiquée à l'aune des incidences pratiques que risquent de générer une telle analyse subjective de la publicité. En effet, l'opposabilité des actes permet de déterminer l'ordre des créanciers titulaires de droits sur la propriété intellectuelle en cas notamment de pluralité de créanciers. Or le droit commun est fondé sur un principe d'antériorité objective. Ainsi l'article 2340 du Code civil (N° Lexbase : L1167HI3) dispose que "le rang des créanciers est réglé par l'ordre de leur inscription". La règle de l'antériorité ne peut que difficilement se concilier avec une analyse subjective du système de publicité retenue pour l'opposabilité des actes transmettant ou modifiant des droits de propriété intellectuelle.

Les actes ainsi passés sur des droits de propriété intellectuelle pourront, dès lors, souffrir d'un handicap consistant dans la difficulté de détermination de l'ordre des titulaires des actes selon que l'on tient compte du droit commun, qui requiert une publicité aux fins d'opposabilité, ou le droit spécial résultant de la modification législative réalisée par la "LME". En cela on peut légitimement douter du fait que ces mesures permettent de "développer l'économie de l'immatériel" ce qui est pourtant l'objectif affiché par le législateur.

Nonobstant cette critique, l'adoption d'un système subjectif pour déterminer l'opposabilité des actes permettra d'assurer au cessionnaire des droits de propriété intellectuelle la recevabilité, avant toute inscription, de son action en contrefaçon contre le tiers contrefacteur qui a eu connaissance de l'acte. Dès lors, en tant qu'elles facilitent l'exercice de l'action en contrefaçon, ces dispositions peuvent être saluées. Or c'est bien dans ce sens là que doivent semble-t-il s'interpréter ces modifications dès lors que l'efficacité de l'action en contrefaçon constitue certainement une des ambitions essentielles du législateur au regard des évolutions législatives de ces dernières années.

En effet, en modifiant tant les règles relatives aux titulaires de l'action que celles concernant la compétence juridictionnelle, le législateur tend, en second lieu, à renforcer l'efficacité de l'action en contrefaçon.

Le champ des titulaires de l'action en contrefaçon a été, tout d'abord, considérablement élargi sous l'effet des dispositions tant de la loi du 29 octobre 2007 que de celle du 4 août 2008. Alors qu'avant le premier de ces textes il était déjà admis que les cessionnaires et licenciés exclusifs puissent par voie d'action se prémunir contre la contrefaçon dans la mesure où leur contrat ne leur déniait pas une telle faculté, le droit d'agir en contrefaçon a depuis été reconnu à l'ensemble des titulaires de droits exclusifs sur les droits de propriété intellectuelle. L'exercice de ce droit reste, néanmoins, soumis à la mise en demeure du titulaire des droits de propriété intellectuelle inertiel et à l'absence de dispositions contractuelles contraires.

La loi du 4 août 2008 a encore étendu le champ de la protection contre la contrefaçon sans, toutefois, admettre un droit d'action en dehors des titulaires de droits exclusifs. Il est en effet prévu à l'article 133 que le licencié non exclusif en matière de dessins et modèles, brevets et marques puisse intervenir à l'action en contrefaçon exercée par le titulaire des droits de propriété intellectuelle afin d'obtenir réparation de leur préjudice personnel. Il s'agit là d'une importante avancée dans la mesure où elle offre une certaine protection pour les licenciés non exclusifs.

On peut, néanmoins, regretter la timidité du législateur sur cette question de l'extension du champ de l'action en contrefaçon.

D'une part, car la faculté reconnue aux licenciés non exclusif ne leur permettra pas de vaincre l'inertie du titulaire des droits. L'interprétation qui est faite de l'action en contrefaçon comme une action à caractère personnel ne leur permet pas d'exercer l'action par la voie oblique au lieu et place du titulaire. Or en reconnaissant aux licenciés non exclusifs uniquement la faculté de se protéger par voie d'intervention, la soumission de leur protection à l'action nécessaire et préalable du titulaire est maintenue.

D'autre part, en envisageant nominativement les licenciés non exclusifs le législateur exclut de fait du champ de l'action en contrefaçon, d'autres titulaires d'un démembrement de droit de propriété intellectuelle qui auraient pourtant un intérêt à bénéficier de la protection qu'offre la contrefaçon. Il en va notamment ainsi des titulaires de sûretés réelles (3) constituées sur des droits de propriété intellectuelle qui voient la valeur de l'assiette de leur garantie diminuer du fait de la contrefaçon sans pouvoir pallier l'inertie du titulaire/débiteur, voire même seulement intervenir à l'action en contrefaçon exercée par celui-ci dans le but d'obtenir réparation de leur préjudice.

La compétence des tribunaux de grande instance est, ensuite, désormais affirmée pour le contentieux de la contrefaçon. Cette spécialisation du contentieux organisée par l'article 135 de la "LME" du 4 août 2008 est prévue tant pour les droits d'auteur que pour les dessins et modèles, les marques et les indications géographiques.

Là encore, le législateur ne fait qu'unifier le régime des différents droits de propriétés intellectuelles. Le décret n° 2005-1756 du 30 décembre 2005 avait déjà réservé la compétence de sept tribunaux de grande instance en matière de brevet (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Strasbourg et Toulouse). En dépit du fait que les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions et des demandes en matières de dessins et modèles, marques et indications géographiques ne soient pas encore déterminés par la voie réglementaire, la spécialisation du contentieux doit être saluée. Cette spécialisation permettra sans aucun doute un meilleur traitement des actions dans un domaine particulièrement technique.

En outre, il est prévu que la compétence des tribunaux de grande instance soit retenue également lorsque l'action exercée présentera des questions connexes en matière de concurrence déloyale. Ce regroupement du contentieux est certainement souhaitable afin d'éviter un encombrement des juridictions pour des faits semblables ou similaires quoique susceptibles de qualifications et de sanctions différentes.

Une crainte pourrait toutefois être émise relativement au fait que la spécialisation et le regroupement du contentieux de la concurrence déloyale et de la contrefaçon risquent d'accroître la confusion entre les conditions de recevabilité de ces actions aux domaines pourtant distincts.

  • La singularité de la concurrence déloyale : une action originale admise sans originalité ! (Cass. com., 10 février 2009, n° 07-21.912, FS-P+B+R N° Lexbase : A6423EDA)

La confusion qui peut régner entre le domaine de l'action en concurrence déloyale et celui de l'action en contrefaçon vient d'ailleurs d'être illustrée dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale le 10 février 2009. Parce que le plus souvent les faits qui fondent l'action en concurrence déloyale sont les mêmes que ceux avancés au soutien de l'action en contrefaçon, il est fréquent que les plaideurs invoquent des moyens de défense issus du régime de la propriété intellectuelle. Or si les domaines de ces actions se recoupent souvent en pratique ces deux actions sont, néanmoins, fondamentalement différentes ainsi que vient de le rappeler la Cour de cassation dans une décision destinée à une large publication.

Alors que l'action en concurrence déloyale a pour but la réparation d'un préjudice commercial constitué par une atteinte à la clientèle, l'action en contrefaçon a pour objectif la protection d'un droit privatif d'exploitation conféré par le droit de propriété intellectuelle. L'espèce soumise à la Cour dans cet arrêt ne s'illustre pas par son originalité. Une société avait commandé à une société chinoise des sacs dont le motif était suffisamment proche de celui de la marque Louis Vuitton Malletier pour que les autorités douanières françaises décident de retenir les marchandises imitant la marque. Le titulaire de la marque a agi contre la société importatrice en contrefaçon et en concurrence déloyale. L'arrêt d'appel (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 17 octobre 2007, n° 06/18790, SARL Parisac c/ SA Louis Vuitton Malletier N° Lexbase : A1686DZH) ayant prononcé une condamnation tant sur le fondement de la contrefaçon que sur celui de la concurrence déloyale, la société importatrice s'est pourvue en cassation.

Dans un premier moyen, était contesté de manière inopérante la condamnation au titre de la contrefaçon, la Cour de cassation ayant décidé que la solution quant à l'appréciation du préjudice appartenait au pouvoir souverain des juges du fond.

Dans un second moyen, le pourvoi contestait la recevabilité de l'action en concurrence déloyale du fait, d'une part, d'une prétendue absence d'originalité du produit imité et, d'autre part, de l'absence de préjudice en raison de la non-commercialisation des produits contrefaisants retenus en douane.

Mais la Cour de cassation refuse de suivre ce raisonnement et rappelle de manière très didactique que "l'action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif, qu'il n'importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif". Ce principe étant rappelé, elle rejette très logiquement le pourvoi de la société importatrice au motif que "l'originalité d'un produit n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale à raison de sa copie, cette circonstance n'étant que l'un des facteurs possibles d'appréciation d'un risque de confusion".

Cette solution n'est pas nouvelle (4), et la Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de souligner les différences relatives aux conditions de recevabilité de ces actions. Toutefois, à l'heure où le contentieux se spécialise et où la jonction des procédures est plus que jamais la règle, la démarche pédagogique de la Cour de cassation est la bienvenue.

Ce faisant, la Cour de cassation vient également préciser les conditions propres de recevabilité de l'action en concurrence déloyale. Traditionnellement fondée sur l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), l'action en concurrence déloyale suppose pour prospérer que soit rapportée la preuve d'une faute, l'acte de concurrence déloyale, d'un préjudice, l'atteinte à la clientèle, et d'un lien de causalité entre ces deux éléments. Toutefois, l'appréciation de ces conditions est réalisée avec la bienveillance qui sied aux buts poursuivis par cette action. La concurrence déloyale a moins pour objectif la réparation d'un préjudice que de faire cesser une atteinte à la concurrence et partant à la clientèle. Ce que l'on cherche à sanctionner c'est l'acte de déloyauté lui-même davantage que le dommage résultant de cet acte.

Cette analyse justifie alors que le préjudice ne soit pas apprécié avec autant de rigueur qu'il l'est en matière de responsabilité civile pour faute ainsi qu'en atteste la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt rendu par la Chambre commerciale le 10 février 2009.

La deuxième branche du moyen faisait en effet grief à la cour d'appel d'avoir admis la recevabilité de l'action en concurrence déloyale alors même qu'en l'absence de commercialisation des produits contrefaisants, la société titulaire de la marque n'avait souffert d'aucun préjudice. La Cour de cassation rejette cependant là encore l'argument en soulignant que "les sacs litigieux avaient été commandés en vue de leur revente" ce qui pouvait être qualifié de "faute constitutive de concurrence déloyale". La Cour de cassation prend donc le soin de qualifier avec précaution la faute, mais elle reconnaît implicitement que cette faute, l'acte de concurrence déloyale, est suffisante pour condamner son auteur sur le fondement de cette action, marquant ainsi une fois encore son autonomie mais ici à l'égard de la responsabilité civile qui lui sert de fondement.

  • Quand les juges anticipent les décisions du législateur : tempête sur les données personnelles ! (Cass. crim., 13 janvier 2009, n° 08-84.088, F-P+F N° Lexbase : A7085ECE)

Par une décision de la Chambre criminelle du 13 janvier 2009, la Cour de cassation préfigure ce qui sera désormais admis sans la moindre hésitation sous l'égide du dispositif qui sera mis en place par la future loi "favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet" (5).

La solution retenue par la Cour de cassation n'allait cependant pas de soi sous l'empire du droit positif. L'espèce était là encore des plus classiques. Un agent assermenté de la SACEM décide de procéder à une vérification systématique sur le réseau de l'internet afin de découvrir des actes de contrefaçon réalisés par l'échange en peer to peer de morceaux sans autorisation. Ces investigations ont conduit à la constitution de fichiers contenant différentes informations dont l'adresse IP de l'internaute, le nombre d'oeuvres musicales mises à disposition par celui-ci dans le dossier de partage, le nom du fournisseur d'accès ou encore le pays d'origine.

Alors qu'en première instance, l'internaute a été condamné, la cour d'appel (CA Rennes, 3ème ch., 22 mai 2008, n° 07/01495, Cyrille S. N° Lexbase : A5458D9Z) a retenu la relaxe au motif que le traitement des informations récoltées par l'agent assermenté, constituant des données personnelles devait être soumis à une autorisation préalable de la CNIL en vertu des articles 2, 9 et 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS). Dès lors, en l'absence d'une telle autorisation le procès-verbal de constat qui sert de fondement aux poursuites devait être annulé, de même que l'ensemble de la procédure subséquente pour laquelle le procès-verbal sert de fondement nécessaire conformément aux dispositions de l'article 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC).

La validité des investigations et du traitement des données obtenues en l'absence d'autorisation de la CNIL était donc posée à la Cour de cassation. Celle-ci censure la cour d'appel en décidant que les investigations menées par l'agent et les renseignements ainsi obtenus rentrent dans les pouvoirs conférés par l'article L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L1774H34) et ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à l'exception de nullité soulevée par le prévenu.

Cette solution s'accorde parfaitement avec le nouveau système mis en place par la loi "création et internet" dans la mesure où les agents assermentés de la future autorité administrative qui sera consacrée par la nouvelle loi, l'HADOPI, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet disposeront "pour les nécessités de la procédure" du pouvoir "d'obtenir tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par tous les opérateurs de communication électronique". Il sera, en effet, admis dans le nouvel article L. 331-20 du Code la propriété intellectuelle (art. 2 du projet) que ces agents puissent avoir accès à l'identité, l'adresse postale et électronique ainsi que les coordonnées téléphoniques de l'internaute qui a utilisé à des fins de reproduction, représentation, de mise à disposition ou de communication au public des oeuvres ou objets protégés sans l'autorisation des titulaires des droits intellectuels.

Si les intentions du législateur, comme celles de la Cour de cassation en l'espèce, sont louables, la lutte contre la contrefaçon ne devrait pas se faire au mépris des libertés publiques et des droits fondamentaux (6).

Que la Cour de cassation anticipe le dispositif qui sera mis en place prochainement par le législateur nous semble contestable. Si la loi peut en effet régler un conflit entre des droits et libertés fondamentales, il n'appartient pas à la Cour de cassation d'opérer un tel arbitrage en requalifiant des informations indubitablement personnelles afin de faire échapper aux dispositions de la loi informatique et liberté le mécanisme employé par les agents de la SACEM pour débusquer les internautes contrefacteurs.

  • Interprétation stricte de l'exception aux fins d'information : la surexposition à la lumière de la Directive du 22 mai 2001 censurée (Cass. civ. 1, 22 janvier 2009, n° 07-21.063, F-P+B N° Lexbase : A6415ECL)

Si, aux seules fins de la répression, la Cour de cassation a anticipé le dispositif légal, afin de satisfaire cet objectif, elle refuse, au contraire, de suivre le raisonnement d'une cour d'appel qui avait admis que les dispositions relatives à l'exception de reproduction aux fins d'information puisse être interprétées à la lumière de la Directive du 22 mai 2001 (Directive 2001/29 du Parlement européen et du Conseil, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information N° Lexbase : L8089AU7) qui reconnaît une telle exception aux oeuvres de toutes natures (CA Paris, 14ème ch., sect. B, 12 octobre 2007, n° 07/04232, SA Société de conception de presse et d'édition -SCPE- c/ Société 1633 N° Lexbase : A3085DZB).

La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 janvier 2009 devait, en effet, se prononcer sur l'existence d'un acte de contrefaçon du fait de l'utilisation d'une photographie dans un magazine en l'absence d'autorisation de l'auteur de l'oeuvre photographique. Ce faisant, la Cour de cassation avait à déterminer l'application dans le temps de la Directive européenne du 22 mai 2001, pour des faits réalisés antérieurement à la loi de transposition (7).

La cour d'appel de Paris avait refusé d'admettre la contrefaçon au motif que "la reproduction des oeuvres photographiques, fut-elle intégrale, doit recevoir la qualification de courtes citations dès lors qu'elle reproduit [...] à un but d'information". Pour justifier sa solution la cour d'appel s'était fondée sur l'article L. 122-5, 3° du Code de la propriété intellectuelle "interprété à la lumière de l'article 5-3 c de la Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 non transposée au moment des faits alors que le délai pour le faire était expiré".

La Directive du 22 mai 2001 avait admis très largement cette exception de reproduction aux fins d'information, celle-ci ayant été reconnue quelque soit la nature de l'oeuvre, y compris pour des photographies. Le législateur, après d'âpres débats, et comme il y était autorisé par la directive en raison du caractère facultatif de la transposition de cette disposition, avait par la loi du 1er août 2006 (loi n° 2006-961, relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information N° Lexbase : L4403HKB) exclu ces oeuvres du champ de l'exception.

La censure opérée par la Cour de cassation se comprend donc parfaitement. La première chambre civile décide en effet de casser la décision d'appel au motif qu'en statuant comme elle l'a fait "quand les dispositions de la directive européenne à la lumière de laquelle elle interprétait L. 122-5 3° du CPI, [...] n'étaient que facultatives et ne pouvaient servir au juge national de règle d'interprétation pour étendre la portée d'une disposition de la loi nationale à un cas non prévu par celle-ci, la cour d'appel a par fausse application violé ces dispositions".

Il est certain que le législateur n'ayant pas en définitive retenue cette exception, il semblait difficile d'admettre que l'on puisse la faire jouer dans la période transitoire précédant la transposition de la Directive grâce à l'artifice d'une interprétation des dispositions légales à la lumière de la Directive.

Cette analyse se justifie d'autant plus que la Cour de cassation retient un raisonnement identique lorsqu'il s'agit d'interpréter un texte à la lumière d'une Directive qui a, contrairement au cas d'espèce, été finalement transposée. On se souviendra en effet qu'en matière de responsabilité du fait des produits défectueux le législateur a refusé d'admettre la cause d'exonération pour risque de développement dans la mesure où celle-ci n'était que facultative pour les Etats selon la Directive du 25 juillet 1985 (Directive 85/374, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux N° Lexbase : L9620AUT), et alors même que le législateur français l'a finalement retenue dans le dispositif mis en place par la loi du 19 décembre 1998 (8).

On ne peut que saluer l'orthodoxie dont le législateur a fait preuve en l'espèce en dépit du fait que l'on puisse déplorer qu'une telle rigueur n'ait pas motivé l'ensemble des décisions rendues en matière de propriété intellectuelle. Force est en effet de constater que la rigueur s'exerce toujours en faveur de la lutte contre la contrefaçon y compris parfois au mépris d'autres intérêts.

Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences, Université Rennes 1 - CDA-PR


(1) V., en faveur d'un système de publicité objective, en matière de marques, CA Paris, 5 juillet 1974, Ann. propr. ind., 1975, 212 ; Cass. com., 16 mai 1984, n° 82-13.277, Durand c/ SA Vygon, Société des laboratoires pharmaceutiques Vygon (N° Lexbase : A9970AGD), Bull. civ. IV, n° 171 ; CA, Paris, 12 décembre 1997, RJDA, 1998, n° 53. De même, en matière de dessins et modèles, CA Paris, 18 décembre 1998, PIBD, 1999, III, p. 151 ; CA Paris, 11 décembre 1998, PIBD, 1999, III, p. 155 ; Cass. com., 16 juin 1992, n° 90-20.741, Société Gewe c/ Société Exclusifs internationaux (N° Lexbase : A4320ABM), Bull. civ. IV, n° 236, p. 165.
(2) V., sur cette question, nos travaux, Le droit des sûretés réelles sur propriétés intellectuelles à l'aune de la réforme du droit des sûretés, in Propriété intellectuelle et droit commun, PUAM, 2007, p. 307 et s., spé. n° 20 et s..
(3) V. nos travaux, Droit des sûretés réelles sur propriétés intellectuelles, PUAM, 2007, Préface D. Legeais, Avant-propos M. Vivant, n° 229 et s..
(4) Cass. com., 22 mars 2005, n° 02-21.105, Société à responsabilité limitée Compagnie du grand large c/ Société Pen Duick, F-D (N° Lexbase : A4090DHX), D., 2005, Pan. 2462, obs. Y. Auguet, CCC, 2005, n° 132, obs. M. Malaurie-Vignal, CCE, 2005, n° 101, obs. Ch. Caron, RLDC, 2005, n° 2, p. 67, obs. D. Fasquelle et R. Mésa ; Cass. civ. 1, 20 mars 2007, n° 06-11.522, M. Guillaume Janssens, F-P+B (N° Lexbase : A7513DUS), Bull. civ. I, n° 119, D., 2008, Pan. 253, obs. Y. Auguet, JCP éd. E, 2007, n° 107, obs. Ch. Caron, RLDC, 2007, n° 2, p. 130, obs.D. Fasquelle et R. Mésa ; Cass. com. 12 juin 2007, Société Bollé protection, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A7837DW8), Bull. civ. IV, n° 159, D., 2008, Pan. 253, obs. Y. Picod ; Cass. com. 6 novembre 2007, n° 06-15.227, Société industrielle du Ponant (IDP), F-D N° Lexbase : A4169DZG), CCE, 2008, n° 5, obs. Ch. Caron.
(5) DADVSI 2, HADOPI "Création et internet"... de bonnes questions ? de mauvaises réponses, article collectif, D., 2008, p. 2290 ; J. Daleau, Diffusion et protection de la création sur internet : première lecture, D., 2008, p. 2709.
(6) Sur cette question, v. article collectif précité, DADVSI 2, HADOPI, "création et internet"... de bonnes questions? De mauvaises réponses, op. cit., n° 5 et 6.
(7) Sur cette question, M. Vivant, Les exceptions nouvelles au lendemain de la loi du 1er août 2006, D., 2006, p. 2159; C. Geiger, "Exception d'information" et droit du public à l'information: une application cumulative, D., 2009, p. 542.
(8) Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 02-16.648, FS-P+B, SA Les laboratoires Servier c/ Anna X, épouse Y et autres (N° Lexbase : A6042DMQ), JCP éd. G, 2006, II, 10082, note L. Grynbaum.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Nullité du licenciement du salarié qui se trompe de bonne foi en dénonçant des faits non avérés de harcèlement

Réf. : Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, M. Bennasser Boulmane, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7131EDH)

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N9827BIS

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39), a introduit en droit français un certain nombre de dispositions générales et a modifié certaines dispositions du Code du travail. L'une des dispositions introduites par la loi (article 3) concerne les personnes qui dénoncent des faits de discrimination et qui sont protégées, dès lors qu'elles sont de bonne foi et ce, même si elles se trompent. C'est cette condition qui se retrouve expressément reprise, dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 10 mars 2009, dans le contentieux voisin du harcèlement. Cette première jurisprudentielle (I) n'emporte pas pleinement adhésion (II).
Résumé

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Commentaire

I - L'attribution de dommages et intérêts pour le licenciement du salarié qui dénonce, de bonne foi, des faits de harcèlement non avérés

  • Protection du droit d'expression

Le Code du travail contient, depuis 1983 et la loi "Roudy" (loi n° 83-635 du 13 juillet 1983), des dispositions assurant la protection des salariés qui témoignent en justice pour dénoncer des faits de discrimination sexiste. Cantonné dans un premier temps à l'égalité entre les femmes et les hommes (1), le principe de la nullité du licenciement du salarié sanctionné après avoir dénoncé en justice, pour lui ou pour un collègue, des discriminations, a été étendu, en 1989, au harcèlement sexuel (2), puis, en 2002, au harcèlement moral (3), avant d'être généralisé par la loi du 27 juin 2008 (4).

L'article 3 de la loi du 27 juin 2008 dispose, désormais, qu'"aucune personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait" et qu'"aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l'article 2".

Comme nous l'avions indiqué, ce texte général est moins précis que le Code du travail, qui impose la nullité de la mesure, alors que l'article 3 se contente de préciser qu'"aucune décision" ne peut être prise (5), mais il ajoute la notion de "bonne foi" comme condition de la protection accordée par la loi à la personne qui témoigne. La référence à la bonne foi est essentielle car elle évite tout risque de fraude ou, simplement, de malveillance d'un salarié qui voudrait jeter le discrédit sur son employeur, en l'accusant de manière mensongère de harcèlement ou de discrimination et, ainsi, se placer sous un régime extrêmement protecteur.

  • Bonne foi du salarié et absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

La Cour de cassation a déjà eu l'occasion de faire référence à la bonne ou à la mauvaise foi du salarié qui accuse son employeur ou l'un des ses collègues de harcèlement ou de discrimination.

Dans un premier temps, la référence à la mauvaise foi a été implicite. Ainsi, dans une affaire jugée en 2003, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait admis le licenciement pour faute grave d'une salariée qui "s'était livrée à une manoeuvre ayant consisté à adresser à son supérieur hiérarchique deux lettres lui imputant faussement des actes de harcèlement moral et à poursuivre en justice, sur le fondement des mêmes accusations, la résolution de son contrat de travail aux torts de l'employeur".

Dans un deuxième temps, et à compter de 2007, la Cour de cassation a analysé les situations explicitement au regard du critère de la mauvaise foi du salarié, généralement pour écarter la qualification de faute grave s'agissant de salariés ayant accusé, à tort, mais de bonne foi, l'un de leurs supérieurs hiérarchiques (6).

  • Sort de la validité du licenciement

Mais la protection que la loi confère à ceux qui témoignent pour dénoncer des faits de harcèlement ou de discrimination va beaucoup plus loin puisqu'elle prévoit la nullité du licenciement. On pouvait, dès lors, se demander si les juges allaient également annuler, à la demande d'un salarié, le licenciement prononcé et ce, alors que les accusations de harcèlement ou de discrimination s'avèreraient infondées, à partir du moment où le salarié établirait sa bonne foi.

C'est tout l'intérêt de cette décision qui répond positivement à la question.

II - L'annulation du licenciement sanctionnant un salarié qui se trompe de bonne foi en dénonçant des faits de harcèlement

  • L'affaire

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé, en janvier 2004, comme chef d'équipe. Par courrier en date du 5 mai 2004, il s'est plaint auprès de son employeur de divers "faits illégaux" tenant, notamment, au défaut de respect d'une promesse de promotion, au paiement d'heures supplémentaires sous forme de primes exceptionnelles, à la variation du taux horaire, à la présentation d'accidents de travail comme des situations de maladies et à des agissements de harcèlement moral imputés à un supérieur hiérarchique. A la suite de ce courrier, il avait été licencié pour faute grave. Le salarié avait alors saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation de son licenciement et en paiement d'indemnités, de rappels de salaires et d'heures supplémentaires.

La cour d'appel de Dijon avait considéré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse après avoir retenu que le fait, pour un salarié, d'imputer à son employeur, après en avoir averti l'inspection du travail, des irrégularités graves dont la réalité n'est pas établie, et de reprocher des faits de harcèlement à un supérieur hiérarchique sans les prouver, caractérise un abus dans l'exercice de la liberté d'expression et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

C'est arrêt est, ici, cassé, la Cour de cassation ayant de surcroit relevé d'office le moyen de cassation après l'avertissement prévu à l'article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1818ADP).

Selon la Haute juridiction, en effet, il résulte des articles L. 1152-2 (N° Lexbase : L0726H9R) et L. 1152-3 (N° Lexbase : L0728H9T) du Code du travail que le licenciement d'un salarié qui a relaté des faits de harcèlement moral doit être annulé, "sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis". La Chambre sociale en déduit donc que "le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'était pas alléguée, emporte, à lui seul, la nullité de plein droit du licenciement".

Cette décision est incontestablement une grande première car, jusqu'à présent, le constat de la bonne foi du salarié n'avait conduit la Cour qu'à considérer comme injustifié le licenciement du salarié, mais jamais à considérer son licenciement comme nul.

  • Appréciation mitigée sur le plan juridique

Sur un terrain purement juridique, l'interprétation faite par la Cour de cassation des dispositions de l'article L. 1152-2 du Code du travail ne convainc pas. La nullité du licenciement suppose, en effet, que le salarié ait bien relaté ou dénoncé des faits de harcèlement. Or, dès lors que ces faits ne sont pas avérés, une condition d'application du texte ferait défaut et la nullité ne saurait être encourue. Le texte semble donc mettre en place un système de tout ou rien selon qu'on est bien, ou non, en présence de harcèlement.

Telle n'est pourtant pas la solution qui s'évince de cet arrêt en date du 10 mars 2009, puisque la Chambre sociale de la Cour de cassation distingue non pas deux, mais trois hypothèses : ou les faits sont avérés, et la protection est bien due, ou ils ne le sont pas et le salarié le savait en agissant, et la protection n'est pas due, ou, enfin, les faits ne sont pas avérés mais le salarié était de bonne foi et la protection est due, alors qu'on n'est pas en présence de harcèlement.

Le critère d'application du texte n'est donc pas l'existence, ou non, de harcèlement, établie objectivement, mais bien la bonne ou la mauvaise foi du salarié appréciée de manière subjective, ce qui modifie radicalement la portée du texte.

Ce faisant, la Cour de cassation tient compte du nouvel article 3 de la loi du 27 mai 2008 qui protège bien la personne "de bonne foi" (7), et non celle qui a raison ; de ce point de vue, l'interprétation produite de l'article L. 1152-2 du Code du travail permet d'harmoniser les dispositifs juridiques sur la base de la loi nouvelle.

Cette opposition entre analyse objective et subjective doit être, par ailleurs, tempérée. A moins que le salarié n'ait eu l'imprudence de révéler avant de dénoncer les faits qu'il savait que ces derniers étaient faux, la détermination de la mauvaise foi résultera d'une analyse des circonstances de l'affaire, les juges s'interrogeant sur le fait de savoir si le salarié pouvait légitimement croire qu'il pouvait s'agir de harcèlement. On peut donc penser qu'une erreur d'appréciation excusable permettra de conclure que le salarié était de bonne foi, alors qu'une erreur grossière sera inexcusable et ne permettra pas au salarié d'obtenir l'annulation de son licenciement ; le juge tiendra alors compte des faits présents dans le débat, de l'existence de témoins, mais également de données propres au salarié et permettant de déterminer son niveau de compréhension des phénomènes de harcèlement.

  • Le renforcement de l'effectivité du dispositif de lutte contre le harcèlement

En opportunité, la solution se comprend. Si la Cour de cassation avait subordonné l'annulation du licenciement à la preuve que des faits de harcèlement ont été bel et bien commis, les salariés auraient pu hésiter avant de parler et attendre d'être certains avant d'agir. Cet excès de prudence serait alors nuisible, singulièrement pour les salariés victimes de harcèlement, puisque les collègues susceptibles de les aider pourraient craindre un licenciement en l'absence de preuves tangibles. En d'autres termes, accorder le bénéfice de la nullité au salarié qui se trompe de bonne foi peut sembler nécessaire pour assurer l'effectivité des dispositifs de lutte contre le harcèlement.

  • Interrogations sur la portée de la décision

Reste à s'interroger sur l'extension de la solution à d'autres hypothèses voisines.

Il semble, en premier lieu, évident que la solution vaut aussi pour le harcèlement sexuel et pour les discriminations, compte tenu de l'identité des situations et des textes applicables.

Mais cette logique s'étendra-t-elle, par exemple, au salarié qui exerce le droit de grève ou le droit de retrait, dans des conditions qui ne permettent pas de caractériser l'existence du droit de grève ou du droit de retrait, mais dès lors que le salarié pouvait raisonnablement penser exercer ces droits et qu'il n'a pas agi de mauvaise foi (8) ?

On le conçoit aussitôt, le glissement de critères objectifs vers la bonne foi est susceptible de remettre en cause la sécurité juridique, dans la mesure où seule pourrait compter la bonne ou la mauvaise foi du salarié, même si, juridiquement, il ne remplissait pas les conditions pour revendiquer l'exercice du droit litigieux.

C'est pour cette raison que nous ne pouvons qu'être très réservés sur cette solution qui nous semble généreuse, mais dangereuse à terme si elle n'est pas rigoureusement maîtrisée.


(1) Ancien article L. 123-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5594AC8), devenu L. 1144-3 (N° Lexbase : L0716H9E). Cass. soc., 28 novembre 2000, n° 97-43.715, Mme Djennet Harba (N° Lexbase : A9257AHC), Bull. civ. V, n° 395.
(2) C. trav., art. L. 1153-3 (N° Lexbase : L0740H9B).
(3) C. trav., art. L. 1152-2 (N° Lexbase : L0726H9R).
(4) Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39) et nos obs., La nouvelle approche des discriminations en droit du travail, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3609BGR).
(5) On sait, toutefois, depuis quelques semaines, qu'est nul le licenciement du salarié qui exerce légitimement son droit de retrait (Cass. soc., 28 janv. 2009, M. Thierry Wolff c/ Société Sovab, n° 07-44.556, FS-P+B N° Lexbase : A7036ECL et nos obs., Nullité du licenciement et exercice du droit de retrait : le revirement qu'on attendait, Lexbase Hebdo n° 337 du 12 février 2009 - édition sociale N° Lexbase : N4913BIS), alors que le texte concerné se contente d'affirmer, lui aussi, qu'"aucune sanction" ne peut être infligée au salarié (C. trav., art. L. 4131-3 N° Lexbase : L1467H99). On peut donc, désormais, considérer que le niveau de protection induit par l'article 3 de la loi est équivalent à celui qui résulte des formules plus précises du Code du travail.
(6) Cass. soc., 30 mai 2007, n° 05-18.755, Mme Martine Dechaux, F-D (N° Lexbase : A5100DWS) : "pour juger le licenciement de Mme D. fondé sur une faute grave, la cour d'appel a retenu que Mme D. avait dénigré sa supérieure hiérarchique en l'accusant faussement de harcèlement pour répondre à des difficultés professionnelles résultant d'une rivalité commerciale et qu'elle avait demandé à son conseil de transmettre au président de la holding du groupe des documents contractuels intéressant des tiers pour établir la réalité de faits de harcèlement ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser la mauvaise foi de la salariée alors que celle-ci s'était bornée à invoquer des faits de harcèlement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ; Cass. soc., 2 avril 2008, n° 06-42.714, Société Azur autos, F-D (N° Lexbase : A7668D77) : "la dénonciation à la direction du comportement d'un supérieur hiérarchique, sous la qualification erronée de harcèlement, émanait d'une salariée atteinte d'un syndrome dépressif qui n'avait pas agi de mauvaise foi" ; Cass. soc., 27 janvier 2009, n° 07-43.257, Mme Frédérique Louvet, F-D (N° Lexbase : A9572ECI) : "la cour d'appel, qui a fait ressortir que la salariée n'avait pas agi de mauvaise foi en dénonçant les agissements dont elle avait, à tort, estimé qu'ils caractérisaient un harcèlement moral et en saisissant la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail fondée sur ces mêmes agissements, a pu décider que ce comportement ne constituait pas une faute grave et a retenu, dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail (N° Lexbase : L5568AC9), devenu l'article L. 1235-1 (N° Lexbase : L1338H9G), que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse" ; Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 07-42.353, Société Riso France, F-D (N° Lexbase : A5019EA7) : "attendu, ensuite, qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que le salarié ait émis dans ses notes une appréciation contraire à la vérité, la cour d'appel a nécessairement exclu qu'ait été rapportée la preuve de la mauvaise foi de ce dernier".
(7) Cette précision ne figure, d'ailleurs, nullement dans les Directives communautaires.
(8) On pense, ici, au salarié qui estime que des revendications sont professionnelles, alors qu'elles ne le sont pas (grève de solidarité interne), ou du salarié qui se méprend de bonne foi sur l'existence d'un péril imminent justifiant le recours au droit de retrait. Aujourd'hui, si le salarié se trompe, l'employeur peut procéder à une retenue sur salaire (Cass. soc., 23 avril 2003, n° 01-44.806, F-P N° Lexbase : A5898BME) et s'expose à un licenciement pour cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 janvier 1993, n° 91-42.028, M. Belmonte et autre c/ Société Alexandre N° Lexbase : A6681AB3).


Décision

Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, M. Bennasser Boulmane, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7131EDH)

Cassation de CA Dijon, 28 septembre 2006, ch. soc.

Textes visés : C. trav., art. L. 1152-2 (N° Lexbase : L0726H9R) et L. 1152-3 (N° Lexbase : L0728H9T)

Mots-clefs : licenciement ; harcèlement moral ; bonne ou mauvaise foi du salarié

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Entreprises en difficulté

[Questions à...] Impact pratique de l'ordonnance portant réforme du droit des entreprises en difficulté : questions à Jean-Marc Bahans, Greffier en chef du tribunal de commerce de Bordeaux et Professeur associé à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Lecture: 7 min

N8943BI3

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par Anne-Laure Blouet Patin, Rédactrice en chef du pôle Presse

Le 07 Octobre 2010

La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT), entrée en vigueur le 1er janvier 2006, a eu pour objectif de renforcer les chances de sauvetage de l'entreprise, en favorisant l'anticipation et la négociation. A cette fin, il en a été appelé à l'initiative et à la prise de responsabilité du chef d'entreprise : des procédures plus diversifiées ont été mises à sa disposition, lui laissant le choix de la voie la plus adaptée à la situation de son entreprise. C'est dans cette perspective qu'ont été créées les procédures de conciliation et de sauvegarde. Par ailleurs, prenant acte du caractère inévitable des liquidations judiciaires dans certaines hypothèses, le législateur de 2005 a souhaité en accélérer le cours par l'institution d'un régime simplifié destiné aux petites entreprises. Mais, après près de trois années d'application, il est apparu nécessaire de renforcer l'efficacité des dispositifs qu'elle propose et de tirer les conséquences des difficultés rencontrées par les praticiens. Lors du vote de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), le Parlement a donc habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures législatives nécessaires pour atteindre ces objectifs. Annoncée par le Garde des Sceaux le 21 novembre 2008, l'ordonnance portant réforme du droit des entreprises en difficulté (ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT) a été publiée au Journal officiel du 19 décembre 2008 et son décret d'application le 13 février dernier (décret n° 2009-160 du 12 février 2009, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L9187ICA), pour une entrée en vigueur de la réforme au 15 février. Pour faire le point sur l'impact pratique de la réforme, Lexbase Hebdo - édition privée générale a rencontré Jean-Marc Bahans, Greffier en chef du tribunal de commerce de Bordeaux et Professeur associé à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV.

Lexbase : Depuis la mise en place de la réforme de 2005, combien de procédures de sauvegarde ont-elles été initiées dans le ressort du tribunal de commerce de Bordeaux ? Et, quel va être, selon vous, l'impact de la réforme proposée par l'ordonnance à ce sujet ?

Jean-Marc Bahans : La mise en oeuvre de la réforme de 2005 n'a pas abouti pour l'instant au tribunal de commerce de Bordeaux à l'ouverture d'un grand nombre de procédures de sauvegarde puisque seulement 20 procédures de ce type ont été ouvertes jusqu'à présent.

A cet égard la nouvelle rédaction de l'article L. 620-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3237ICU) définissant les conditions d'ouverture d'une procédure de sauvegarde est intéressante. La procédure est, désormais, ouverte en faveur d'un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. L'ancien texte exigeait que ces difficultés soient de nature à le conduire à la cessation des paiements. Il est clair que la nouvelle définition est préférable à l'ancienne dans la mesure où elle opère une séparation nette entre la procédure de sauvegarde qui n'est pas liée à l'état de cessation des paiements et la procédure de redressement judiciaire qui, elle, est liée à cet état des cessations des paiements. La nouvelle définition facilite de surcroît l'ouverture de la procédure de sauvegarde dans la mesure où il n'est plus nécessaire pour l'entreprise de prouver en quoi les difficultés qu'elle traverse sont de nature à la conduire à la cessation des paiements. Dans le même temps, le législateur a apporté une précision utile concernant l'état de cessation des paiements en assouplissant la rigueur de la définition légale qui tenait simplement à l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible. Désormais, le débiteur qui établit qu'il dispose de réserves de crédit ou de moratoires qui lui permettent de faire face à son passif exigible avec son actif disponible n'est pas en état de cessation des paiements. Cette nouveauté est, toutefois, limitée car le législateur a sur ce point entériné la jurisprudence de la Cour de cassation.

Même si l'on peut espérer raisonnablement que ces deux améliorations législatives conduisent à l'ouverture d'un plus grand nombre de procédures de sauvegarde, il est probable que l'impact de la réforme sur ce point sera limité. En effet, en pratique, l'état de cessation des paiements reste le problème. Les entreprises continuent pour la plupart d'entre elles de solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde alors que leur état de cessation des paiements est avéré depuis un temps certain. Les tribunaux de commerce se retrouvent donc très fréquemment en situation de devoir refuser l'ouverture d'une procédure de sauvegarde en raison de cet état de cessation des paiements avéré. L'impact de la réforme ne pourra être significatif que si un véritable changement d'état d'esprit voit le jour dans le milieu des petites et moyennes entreprises. Tous les acteurs impliqués dans la gestion des difficultés des entreprises savent que c'est principalement ce défaut d'anticipation qui conduit à l'échec de la plupart des procédures.

Il faut ajouter qu'il faudrait aller plus loin dans la distinction de la procédure de sauvegarde par rapport à la procédure de redressement judiciaire. En effet la procédure de sauvegarde est trop lourde et trop calquée sur celle du redressement judiciaire. Une procédure plus légère et moins construite par imitation du redressement judiciaire pourrait contribuer à l'attractivité de la sauvegarde.

Lexbase : Le chapitre III de l'ordonnance aménage le redressement judiciaire. A cette fin, la plupart des règles de fonctionnement du redressement judiciaire sont calquées sur celles de la procédure de sauvegarde. Et, en matière de cession d'entreprise, le principe est celui de la poursuite de la période d'observation, aux fins d'arrêté d'un plan de redressement ou de prononcé de la liquidation judiciaire. Cela implique donc que, désormais, le tribunal ne doit plus prononcer le même jour le plan de cession et la liquidation judiciaire. Quel est votre avis sur cette nouveauté ? Pensez-vous qu'elle puisse rassurer les cocontractants de l'entreprise ?

Jean-Marc Bahans : En réalité, comme je le disais en réponse à la question précédente, c'est plutôt la procédure de sauvegarde qui a été conçue par imitation de la procédure de redressement judiciaire lors de la réforme issue de la loi du 26 juillet 2005. Il en résulte à mon sens que la procédure de sauvegarde mise en place reste trop complexe. Il n'en demeure pas moins qu'il est vrai que l'ordonnance du 18 décembre 2008 apporte au régime de la sauvegarde et du redressement judiciaire un certain nombre de modifications et de clarifications heureuses. Vous avez raison de souligner notamment que la nouvelle rédaction de l'article L. 631-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L3513IC4) apporte une clarification intéressante par rapport au texte antérieur en précisant que la cession totale ou partielle de l'entreprise en redressement judiciaire ne met pas fin à la période d'observation, laquelle doit se poursuivre aux fins de l'adoption d'un plan de redressement ou du prononcé de la liquidation judiciaire si celui-ci ne s'avère pas possible. Le tribunal ne peut donc plus effectivement prononcer le même jour la cession et la liquidation judiciaire. Il s'agit d'une nouveauté intéressante qui devrait faciliter la tâche des mandataires judiciaires, ceux-ci pouvant se consacrer, dans un premier temps, à la réalisation d'une cession totale ou partielle de l'entreprise avant de se pencher dans un deuxième temps sur le sort définitif de l'entreprise ainsi cédée. Toutefois, je pense qu'en pratique cette clarification a une portée limitée car les tribunaux de commerce ne prononçaient pas très fréquemment la cession et la liquidation en même temps. C'est le cas, notamment, du tribunal de commerce de Bordeaux dont la pratique était celle d'une dissociation des deux décisions. Quant à la confiance des cocontractants de l'entreprise, celle-ci ne provient que du respect des engagements contractuels et du sentiment de certitude que l'on possède à cet égard et je doute fort que cette modification législative ait une influence à cet égard.

Lexbase : L'innovation principale de l'ordonnance consiste en l'amélioration de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée. Désormais, elle sera automatiquement prononcée dès lors qu'il apparaîtra que les seuils, définis par décret en Conseil d'Etat et permettant l'ouverture de cette procédure, seront atteints. De plus, lorsqu'elle ne sera pas prononcée, le président du tribunal aura toute liberté de le faire au vu d'un rapport sur la situation du débiteur. Quel est votre avis sur cette innovation et quel va en être l'impact sur l'activité du tribunal de commerce ?

Jean-Marc Bahans : Il s'agit incontestablement d'une innovation très importante qui va avoir un effet significatif sur le nombre de procédures de liquidation judiciaire simplifiée qui vont être ouvertes par les tribunaux de commerce. L'on peut penser que la procédure simplifiée obligatoire pourrait concerner environ 30 % des procédures ouvertes tandis que le cumul des procédures simplifiées obligatoires et facultatives pourrait atteindre 70 %, voire 80 % des dossiers. Toutefois, le succès de la réforme sur ce point peut être entravé par deux difficultés.

La première difficulté touche à la pertinence de l'information donnée au tribunal. En effet, le caractère obligatoire de la procédure simplifiée suppose la réunion de trois critères que sont l'absence de bien immobilier, un nombre de salarié inférieur ou égal à un au cours des six derniers mois et un chiffre d'affaires hors taxes ne dépassant pas 300 000 euros à la date de clôture du dernier exercice comptable. Ces informations ne sont pas toutes présentes dans les dossiers déposés par les débiteurs lorsqu'ils sollicitent l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et encore moins dans les dossiers des créanciers lorsque la procédure est ouverte sur assignation. Il faut donc que le tribunal à l'audience questionne le débiteur afin d'obtenir les informations correspondantes. Lorsque le débiteur ne comparaît pas à l'audience, le tribunal ne sera bien souvent pas en mesure de posséder l'information requise. L'ouverture des procédures simplifiées à caractère obligatoire sera donc souvent retardée au dépôt du rapport du mandataire devant intervenir dans le mois de la liquidation. Bien souvent, c'est donc le président du tribunal qui devra statuer sur cette question ce qui constitue une innovation qui se traduit par un accroissement très net de son rôle dans la gestion des procédures collectives.

La seconde difficulté est plus d'ordre politique. Elle tient au fait que la procédure de liquidation simplifiée est diversement appréciée par les tribunaux de commerce et par les mandataires judiciaires. Il est donc difficile de savoir quelle sera l'importance numérique des procédures de liquidations simplifiées à caractère facultatif. Ces procédures facultatives concernent un très grand nombre de débiteurs dans la mesure où, comme le montre une étude statistique réalisée sur les procédures collectives ouvertes au cours de l'année 2008 par le tribunal de commerce de Bordeaux qui est jointe en annexe à cet entretien , plus de 80 % des entreprises concernées emploient moins de 5 salariés et pourraient se trouver comprises dans le périmètre des deux autres critères que sont l'absence d'actif immobilier et l'existence d'un chiffre d'affaires hors taxes ne dépassant pas 750 000 euros à la date de clôture du dernier exercice comptable. Il sera intéressant dans quelques mois de dresser un bilan de l'application de cette réforme qui nous permettra de savoir si celle-ci s'est traduite par un succès des procédures de liquidation simplifiée présentant un caractère facultatif ou non. Il semble probable que les tribunaux appliqueront sans hésitation la procédure simplifiée à caractère obligatoire mais que l'on ne constatera pas un recours systématique à la procédure simplifiée dans l'hypothèse ou celle-ci présente un caractère facultatif.


Annexe

Analyse statistique des procédures collectives 2008 - Greffe du tribunal de commerce de Bordeaux - Extraits .

  • Sur le nombre de procédures collectives
2005 2006 2007 2008
Nombre d'ouvertures 1093 1018 1070 1299
Liquidations judiciaires 703 654 666 832
Redressements judiciaires 390 357 401 457
Procédures de sauvegarde 3 10

Nous assistons en 2008 à une augmentation très importante (21 %) du nombre de procédures collectives laissant entrevoir une période de crise économique, notamment avec l'explosion des ouvertures en fin d'année (129 en novembre et 161 en décembre). Cette progression semble cependant s'être amorcée dès 2007.

Apparaît en 2008 une progression très forte du nombre de liquidations judiciaires (+ 25 % en 2008) en comparaison avec le nombre de redressements judiciaires (+ 14 % en 2008).

En revanche, nous pouvons relever un point positif : l'augmentation de 133 % du nombre de sauvegardes. Or, il faut relativiser ce chiffre face au très petit nombre de sauvegardes ouvertes en 2007 et la proportion très faible des sauvegardes dans le total des procédures collectives en 2008 (0,8 %) qui montre la frilosité tenace des entrepreneurs face à cette procédure.

  • Sur les plans homologués
2008 2007
Conversions en liquidation judiciaire 353 281
Plans de continuation 103 76
Plans de cession 2 4
Plans de sauvegarde 3

Le point positif est une augmentation de redressements judiciaires débouchant sur un plan de continuation, alors que le nombre de plans de cession diminue (uniquement 2 !).

Or, une augmentation du nombre de conversions en liquidation judiciaire montre l'échec non négligeable de nombreux plans et vraisemblablement le fait que la procédure de redressement arrive souvent trop tard, la société n'étant plus viable à court terme.

  • Sur les types de clôtures
Clôture pour insuffisance d'actif 947
Clôture pour extinction du passif 21

On assiste en 2008 à une proportion écrasante de clôtures pour insuffisance d'actif.

Il existe clairement un impact inévitable de la défaillance de ces structures sur l'ensemble de leurs partenaires et le système économique entier.

  • Sur les formes de sociétés touchées
Nombre d'entreprises défaillantes Proportion
SARL 910 70 %
Entreprises commerciales en nom propre 191 14,7 %
Entreprises artisanales 152 11,7 %
SAS 21 1,6 %
SA 16 1,2 %
SNC 3 0,23 %
SCS 2 0,15 %
SCOP 2 0,15 %
Sociétés étrangères 2 0,15 %

La majorité des entreprises touchées sont des SARL (dont SARL unipersonnelles), des commerçants et artisans, soit une très forte majorité de petites structures.

Plus solides, les grosses entreprises semblent moins éprouvées (1,6 % de SAS et 1,2 % de SA).

  • Sur les sanctions des dirigeants
2006 2007 2008
Sanctions commerciales 0 0 13
Comblement de passif 4 12 5
Interdiction de gérer 0 0 1
Faillite personnelle 1 1 4
TOTAL 5 13 23

L'on peut constater une augmentation sensible du nombre de sanctions commerciales non patrimoniales et une diminution du nombre des sanctions patrimoniales.

  • Sur la procédure d'alerte
2006 2007 2008
Procédures d'alerte déclenchées par les commissaires aux comptes 35 37 39
Nombre d'entretiens devant la cellule de prévention 1672 1684 1322
Nombre d'affaires nouvelles devant la cellule de prévention 439 412 430

Le nombre d'affaires nouvelles devant la cellule de prévention reste stable depuis 2006.

Le nombre d'entreprises ayant fait le choix de cette cellule est, lui, relativement important au regard du nombre de procédures ouvertes en 2008, soit l'équivalent d'un tiers d'ouvertures en moins.

En revanche, on peut relever une petite diminution du nombre d'entretiens en 2008 (moins 362), résultat d'une politique d'amélioration du ciblage des entreprises devant demeurer sous la surveillance de la cellule de prévention.

Malgré les progrès réalisés dans le ciblage des entreprises devant être convoquées dans le cadre de la prévention, notamment par l'utilisation de critères plus affinés, on peut noter une augmentation du nombre d'entreprises dont les difficultés sont détectées, signe d'une fragilisation du tissu économique.

Etude statistique réalisée par les services du Greffe du Tribunal de commerce de Bordeaux avec la collaboration de Mme Julie Ravaut, élève avocat.

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Commercial

[Jurisprudence] Conditions d'application de l'article L. 441-6 du Code de commerce en matière de pénalités de retard

Réf. : Cass. com., 3 mars 2009, n° 07-16.527, Société Eurovia Bourgogne, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A5632EDX)

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par Nicolas Ferrier, Agrégé des Facultés, Professeur à l'Université Toulouse I, membre du CERDAC

Le 07 Octobre 2010

Le 18 décembre 2001, la société FIT reconnaît devoir à la société Eurovia une certaine somme correspondant à des factures impayées dues au titre d'un marché de travaux du 19 mars 2001 et s'engage à solder la totalité de la dette en principal avant le 15 juillet 2002. Le 23 février 2004, la société Eurovia met en demeure de lui régler sa créance la société FIT, qui, trois jours plus tard, paie les sommes restant dues en principal. Par la suite, la société Eurovia poursuit le recouvrement des intérêts de sa créance pour les années 2001 à 2003, calculée sur la base du taux majoré prévu à l'article L. 441-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L2249IBW) dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 (loi relative aux nouvelles régulations N° Lexbase : L8295ASZ) et, à titre subsidiaire, des intérêts de retard au taux légal sur le fondement de l'article 1153 du Code civil (N° Lexbase : L1254AB3). Confirmant le jugement rendu en première instance, la cour d'appel écarte la demande fondée sur l'article L. 441-6 au motif, d'une part, que le demandeur ne justifiait pas de conditions générales de règlement fixées à ses clients en général et qui auraient été communiquées à la société FIT à l'occasion de la signature du marché et, d'autre part, que la reconnaissance de dette du 18 décembre 2001 ne rentre pas dans la catégorie des conditions contractuelles de règlement au sens du texte susvisé, qui ne peuvent avoir qu'un caractère général (1). Par un arrêt du 3 mars 2009, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel en affirmant : "Attendu que les dispositions de la loi du 15 mai 2001 modifiant l'article L. 441-6 du Code de commerce, qui répondent à des considérations d'ordre public particulièrement impérieuses, sont applicables, dès la date d'entrée en vigueur de ce texte, aux contrats en cours ; que les pénalités de retard pour non paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats".

Sous la forme d'un attendu de principe destiné à une large publicité (2), l'arrêt applique l'article L. 441-6 aux contrats en cours et en l'absence de toute stipulation particulière prévoyant de telles pénalités. Se trouve ainsi affirmé le principe d'une application immédiate (I) et impérative (II) du dispositif relatif aux pénalités de retard prévu à l'article L. 441-6 du Code de commerce.

I - L'application immédiate du dispositif

L'affirmation selon laquelle "les dispositions de la loi du 15 mai 2001 modifiant l'article L. 441-6 du Code de commerce, qui répondent à des considérations d'ordre public particulièrement impérieuses, sont applicables, dès la date d'entrée en vigueur de ce texte, aux contrats en cours" peut ici surprendre car, en l'occurrence, la question de l'application de la loi dans le temps ne faisait pas débat. Certes, le marché de travaux ayant donné lieu aux impayés a été conclu deux mois avant la loi dite "NRE" modifiant l'article L. 441-6, dont l'application au contrat en cours semble de prime abord posée. Il ressort, toutefois, de l'arrêt d'appel que la question n'a pas été soulevée par l'une ou l'autre des parties et, surtout, que les juges du fond ont bien appliqué le texte en cause dans sa nouvelle rédaction.

L'affirmation, inutile pour justifier la solution, pourrait s'analyser comme un obiter dictum qui répondrait à d'autres interrogations relatives à l'application dans le temps de l'article L. 441-6, en raison des nombreuses réformes successives dont il a fait l'objet (3) sans toujours s'accompagner de règle transitoire. On peut, en effet, raisonnablement penser que les considérations d'ordre public particulièrement impérieuses ont motivé les multiples modifications de l'article L. 441-6 et non celles résultant exclusivement de la loi du 15 mai 2001. Dans cette perspective, chaque nouvelle version de l'article L. 441-6 du Code de commerce s'appliquerait aux contrats en cours, sauf dispositions contraires (4).

II - L'application impérative du dispositif

En décidant que "les pénalités de retard pour non paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats", la Cour de cassation met fin à un à un débat né à l'occasion de la loi du 31 décembre 1992, relative aux délais de paiement entre entreprises (loi n° 92-1442 [LXB=PANIER]) qui modifia l'article 33, alinéa 1er, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (Ordonnance n° 86-1243, relative à la liberté des prix et de la concurrence N° Lexbase : L8307AGR), codifié à l'art. L. 441-6 du Code de commerce, en disposant que "les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les modalités de calcul et les conditions dans lesquelles des pénalités sont appliquées dans le cas où les sommes dues sont versées après la date de paiement figurant sur la facture, lorsque le versement intervient au-delà du délai fixé par les conditions générales de vente. Ces pénalités sont d'un montant au moins équivalent à celui qui résulterait de l'application d'un taux égal à une fois et demie le taux de l'intérêt légal".

On s'est, à l'époque, demandé si les pénalités de retard ainsi prévues étaient dues en l'absence de toutes précisions dans les conditions générales. Plus précisément, la question était de savoir si le dispositif prévu à l'article L. 441-6 revêtait un caractère impératif ou supplétif et, dans la seconde hypothèse, si la dérogation conventionnelle pouvait se déduire du simple silence des conditions générales.

Pour certains auteurs "sanctionnées par des dispositions pénales, reconnues comme lois de police', il s'agit, sans nul doute, de dispositions impératives" (5), qui s'appliquent donc dans le silence des conditions générales. Il a, toutefois, été objecté que si la loi venait "insérer un impératif au milieu de cette liberté contractuelle, il ne semble pas qu'elle ait rendu le paiement des pénalités obligatoire en tout état de cause. Elle a pour but de protéger le fournisseur, y compris contre son propre gré, puisque c'est lui qui encourt, au premier chef, une amende [(6)]. Mais s'il ne mentionne pas dans ces documents l'application des pénalités pour paiement tardif, celles-ci n'entreront pas dans le champ contractuel, et il ne pourra réclamer que les intérêts légaux conformément à l'art. 1153 c. civ. Il semble donc que si ces pénalités prennent leur source dans la loi, elles ne tiennent leur force que du contrat" (7).

Si le doute était permis sous l'empire de la loi de 1992, la loi "NRE" du 15 mai 2001 était de nature à le dissiper en faveur de la première interprétation. Il faut, en effet, rappeler que cette loi est venue transposer la Directive 2000/35/CE du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions (N° Lexbase : L8022AUN), dont l'article 3 dispose : "Les Etats membres veillent à ce que [...] des intérêts [...] soient exigibles le jour suivant la date de paiement ou la fin du délai de paiement fixée dans le contrat". Cette disposition milite pour le caractère impératif des pénalités de retard au sein de la Directive et, partant, de la loi qui la transpose (8).

Cette analyse est aujourd'hui consacrée de manière solennelle par la Cour de cassation, qui, après avoir affirmé le caractère d'ordre public des dispositions issues de la loi "NRE", les applique dans le silence des conditions générales.

La Cour de cassation censure les juges du fond qui, pour écarter l'application du texte, relevaient que "la société Eurovia ne justifiait pas des conditions générales de règlement fixées à ses clients en général" (9). S'agissant en l'occurrence d'un contrat de prestation de service, on pourrait déduire de cette censure la reconnaissance implicite de la généralité du dispositif en matière de pénalités de retard, applicable à tout contrat conclu par un prestataire de service, y compris lorsque le contrat a un objet spécifique et non commun, c'est-à-dire lorsque l'élaboration de conditions générales de prestation de service ne sont pas envisageables (10). La solution mérite approbation car, même dans ce cas, des conditions générales de règlement restent possibles (11).

L'affirmation selon laquelle le régime des pénalités de retard répond "à des considérations d'ordre public particulièrement impérieuses" conduit, enfin, à s'interroger sur la possibilité d'y renoncer. La question doit être envisagée au regard du droit commun, du droit de la concurrence et du droit fiscal.

En droit commun, la renonciation à un droit, même d'ordre public, est généralement admise à condition qu'il soit acquis. En effet, "une partie peut toujours, après la naissance de son droit, renoncer à l'application d'une loi, fût-elle d'ordre public" (12). A suivre cette solution, le vendeur ou prestataire de service ne pourrait renoncer par avance aux pénalités de retard mais pourrait seulement, une fois ces pénalités acquises, c'est-à-dire le retard de paiement avéré, renoncer à les réclamer. Certains arrêts écartent toutefois la renonciation à un droit d'ordre public (13) et on souligne que "l'abdication à un droit est parfois proscrite pour des raisons tenant à l'ordre public de direction" (14). La question est alors de savoir si le dispositif ici en cause a été édicté dans un intérêt public de nature à interdire toute renonciation (15) La lecture des travaux préparatoire permet de répondre par la négative, car il fût alors précisé que l'exigibilité de plein droit des pénalités prévue à l'article L. 441-6 n'obligeait pas le vendeur ou prestataire de service à les réclamer, ce qui revient à admettre qu'il puisse y renoncer. On soulignera que la Commission des pratiques commerciale relevait, en 2005, l'application trop rare des pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6 (17).

En droit de la concurrence, la circulaire "Dutreil" du 16 mai 2003 (circ., relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs N° Lexbase : L0101BIL) soulignait que la renonciation aux pénalités de retard ne devait pas donner lieu à des pratiques discriminatoires fustigées à l'article L. 442-6-I, 1° du Code de commerce. Le principe de non-discrimination ayant été supprimé par la "LME", une telle renonciation est désormais possible, sauf à constituer une pratique anticoncurrentielle au sens des articles L. 420-1 (N° Lexbase : L6583AIN) et L. 420-2 (N° Lexbase : L3778HBK) du Code de commerce. Par ailleurs, la renonciation aux pénalités de retard peut caractériser l'obtention par le débiteur défaillant de conditions manifestement abusives au sens de l'article L. 442-6-I, 4° du Code de commerce (N° Lexbase : L8644IBR).

En droit fiscal, le traitement de la renonciation aux pénalités de retard a évolué. Dans un premier temps, l'Administration fiscale a considéré que, dans la mesure où, depuis 2001, les pénalités sont dues de manière automatique et sans rappel, elles sont considérées fiscalement comme perçues alors même qu'elles ne seraient pas réclamées (18). La solution a été considérée comme trop pénalisante pour les entreprises qui n'ont pas obtenu le paiement des pénalités de retard. L'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2002, codifié à l'article 237 sexies du CGI (N° Lexbase : L4750HLI), a alors modifié le régime fiscal des pénalités pour paiement tardif, dont les produits et charges correspondant sont désormais rattachés à l'exercice de leur encaissement.


(1) CA Lyon, 3ème ch., 19 avril 2007, n° 06/02201, Société Eurovia Bourgogne SNC c/ SARL Sophorat-FIT (N° Lexbase : A6866DZC).
(2) P+B+R+I.
(3) L'article L. 441-6 a été modifié en 2001 (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ), 2002 (ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs N° Lexbase : L0609ATQ), 2005 (loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises N° Lexbase : L7582HEK), 2006 (loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006, relative à la sécurité et au développement des transports N° Lexbase : L6671HES) et 2008 (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR).
(4) Ainsi, l'article 21 de la "LME" prévoit que les dispositions relatives aux délais de paiement maximaux "s'appliquent aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2009". Pour autant, toutes les difficultés ne sont pas résolues, s'agissant plus particulièrement des contrats conclus postérieurement à cette date, en application d'un contrat-cadre conclu antérieurement (sur cette question, L.-M. Augagneur, Application dans le temps et dans l'espace de la LME sur la réduction des délais de paiement impératifs, JCP éd. E, 2008, 2365, n° 13 et s.).
(5) M. et J.-M. Mousseron et D. Mainguy, Le droit français nouveau de la transparence tarifaire, 2ème éd. Litec, 1998, n° 72.
(6) La loi imposant au vendeur ou prestataire de services de mentionner l'existence des pénalités pour retard de paiement, sous peine d'amende.
(7) F. Labarthe, La nature juridique des pénalités instituées par la loi n° 92-1442 du 31 décembre 1992 relative aux délais de paiement entre les entreprises, D., 1995, chron., p. 61.
(8) En ce sens, G. Lardeux, La lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, Contrats, conc. consom., 7/2000, chron. 12. Retenant, également, le caractère impératif du dispositif, S. Giulj, Rédaction des conditions de vente et des factures depuis la loi NRE : mentions obligatoires relatives aux conditions de règlement, LPA, 1er novembre 2002, p. 6 ; M.-P. Wagner, Pénalités de retard : encore des interrogations, D., 2004, chron. 2634. Contra M.-V. Jeannin, Transparence tarifaire : conditions générales de vente, coopération commerciale, facturation, J-Cl Com., fasc. 277, n° 11. Sur la question, v., également, R. Gouyet, La répression des retards de paiement dans les transactions commerciales à travers le primes de la loi NRE, Contrats, conc. consom., 5/2002. chron. 11.
(9) Nous soulignons. La cour d'appel ajoutait que la reconnaissance de dette signée par le débiteur ne rentrait pas "dans la catégorie des conditions contractuelles de règlement au sens de l'article [L. 441-6], qui ne peuvent avoir qu'un caractère général" (nous soulignons).
(10) Comp. P. Arhel, Rép. civ. V° Transparence tarifaire et pratiques restrictives, n° 106 : "un distributeur qui choisit de rendre des services communs (non spécifiques) doit, comme tous les prestataires de services, établir des conditions générales de services" (nous soulignons).
(11) Comp. J.-J. Biolay, Transparence tarifaire et pratiques relatives aux prix, J.-Cl. conc. consom., fasc. 286, n° 65 : "Les prix des services effectués sur devis, qui ne peuvent par définition pas faire l'objet de barèmes pré-établis, ne sont pas susceptibles d'être communiqués aux acheteurs, exception faite des taux horaires habituellement pratiqués ou tout autre élément stable permettant la comparaison des tarifs entre prestataires. A fortiori doivent être portées sur les factures les conditions générales de vente relatives aux délais de paiement et aux escomptes pour paiement comptant, qui sont invariables (Rep. min. n° 3027 : JO Sénat Q, 3 févr. 1993)". Adde. M. et J.-M. Mousseron et D. Mainguy, ouvr. préc., n° 53, qui, à propos de la loi du 17 décembre 1992, relative aux délais de paiement entre les entreprises, relèvent : "La discussion parlementaire a soustrait à l'exigence de barème de prix -et non nécessairement de conditions générales de vente ou de prestation de services- les seules opérations non barémables'".
(12) Cass. civ. 3, 27 octobre 1975, n° 74-11.656, SCI Le Parc de Lésigny c/ Epoux Mettout, publié au bulletin (N° Lexbase : A2350CKA), Bull. civ. III, n° 310. Adde. Cass. civ. 1, 17 mars 1998, n° 96-13.972, Epoux Orieux c/ Société Trabeco Ile-de-France (N° Lexbase : A2249ACB), Bull. civ. I, n° 120, Défrenois, 1998, art. 36815, n° 15, obs. J.-L. Aubert : "s'il est interdit de renoncer par avance aux règles de protection établies par la loi sous le sceau de l'ordre public, il est en revanche permis de renoncer aux effets acquis de telles règles" ; Cass. soc., 5 février 2002, n° 99-45.861, M. Guy Sales c/ Société Wynn'S, FS-P (N° Lexbase : A9102AXE), Bull. civ. IV, no 54.
(13) Cass. civ. 3, 4 décembre 1984, n° 83-13.485, Société La Fraternelle SA c/ Société HLM Le Renouveau, société Dumont et Besson, société Conchon Dumont et Besson, Garnier (N° Lexbase : A2477AAY), Bull. civ. III, n° 204 ; Cass. civ 1, 9 décembre 1997, n° 95-15.494, Mme Savoie c/ Banque Sovac immobilier (N° Lexbase : A0515AC3), Bull. civ. I, n° 368 ; Cass civ. 3, 9 juillet 2003, n° 02-10.644, Société Gessey c/ Société Proteor, FS-P+B (N° Lexbase : A1146C9C), Bull. civ. III, n° 153, Defrénois, 2004, art. 37903, note H. Périnet-Marquet.
(14) D. Houtcieff, Rép. civ., V° Renonciation, n° 41 et les exemples cités.
(15) Sur cette question, M. et J.-M. Mousseron et D. Mainguy, ouvr. préc., n° 72 et s., qui admettent la renonciation.
(16) Sur cette question, M. et J.-M. Mousseron et D. Mainguy, ouvr. préc., n° 72 et s., qui admettent la renonciation.
(17) Recomm. Comm. exam. prat. com., n° 05-01, 21 mars 2005, BOCC 23 juin 2005 sur les délais de paiement et leur application.
(18) Instruction du 7 mai 1997, BOI 4 A-9-97 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1782720, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "Instr. du 16-05-1997, BOI 4 A-9-97", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: X7245ABX"}}), Contrats, conc. consom., 1997, n° 121, obs. Vogel.

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