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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Socrate comprend l'enthousiasme du jeune citoyen, avide de croissance et de développement économique, pressé de tourner la page de la dernière crise systémique bancaire et financière, n'en tenant plus de trouver un vrai "boulot" pour commencer à cotiser ses 42 annuités, en vue d'une retraite à taux plein à 62 ou 67 ans selon les accidents de la vie professionnelle -enthousiaste mais pas trop tout de même-.
Socrate n'est certes pas un pince-sans-rire, mais il ne veut pas non plus décourager son jeune acolyte ; alors il lui propose d'aller à la rencontre du ministre, pour entendre la bonne parole et, qui sait, pouvoir dialoguer avec lui sur le nouveau capitalisme, puisque telle est la promesse que fait cette nouvelle loi de régulation. Sur le chemin, Socrate en profite pour demander à Hippocrate ce qu'il attend, véritablement, d'une telle loi, outre les aspects techniques dont un savant juriste saura faire l'inventaire à la Prévert. Tout de go, Hippocrate parle de vertu, de morale : "Renforcer la régulation et l'encadrement du système financier, c'est assurément le rendre plus vertueux, introduire une certaine morale proche du bien commun dans l'organisation, aujourd'hui très virtuelle, de la finance". Socrate est, de prime abord, surpris ; il ne savait pas que la morale avait droit de cité dans l'économie spéculative ; il ne s'agit pas de crier haro sur une prétendue immoralité de la finance et du système bancaire ; il lui semble simplement plus juste de parler d'amoralité d'un système non responsable, non individualisable, non personnalisable -sauf à prendre la main dans le sac un trader en mal d'adrénaline-. Mais enfin, les deux compères s'affairent quai de Bercy et attendent la conférence de presse du ministre.
La foule encartée répondant présente, le ministre dressé derrière son pupitre peut, dès lors, commencer à discourir sur la genèse, les ambitions et les actions gouvernementales ayant conduit à la publication de la loi tant glorifiée. Tout y passe, donc : l'encadrement des ventes à découvert (l'Autorité des marchés financiers -AMF- pourra interdire les ventes à découvert sur tous instruments financiers en cas de circonstances exceptionnelles et imposer la transparence sur ces opérations) ; la régulation des marchés dérivés et credit default swaps (CDS) (l'Autorité des marchés financiers pourra, désormais, sanctionner les abus de marchés, comme par exemple les manipulations de cours, sur les marchés dérivés, notamment les CDS. Les marchés dérivés étaient jusqu'à présent non régulés) ; le contrôle des agences de notation (l'Autorité des marchés financiers pourra, désormais, agréer, contrôler et sanctionner les agences de notation) ; le renforcement du contrôle du secteur financier (la loi ratifie la création d'une autorité unique de contrôle et de surveillance des secteurs de la banque et de l'assurance, l'Autorité de contrôle prudentiel, et crée un Conseil de la régulation financière et du risque systémique, tour de guet du secteur financier, qui permettra de mieux prévenir les risques) ; le renforcement les pouvoirs de sanctions des gendarmes du secteur financier ; l'encadrement de la rémunération des opérateurs de marchés, des frais bancaires...
Socrate s'incline devant tant de dispositions régulatrices et devant l'esprit vif du ministre en charge d'un dossier qu'il semble maîtriser. Il est simplement surpris que les mots "vertu" et "morale" n'apparaissent pas clairement dans ce discours. Serait-il inconvenant, finalement, de parler de vertu et de morale à l'approche des secteurs bancaires et financiers ? La vertu ne s'insuffle-t-elle pas ? La morale ne se décrète-t-elle pas ?
Il est vrai que, lorsqu'une discussion porte sur un sujet technique (médecine, cordonnerie, construction navale...), seuls les spécialistes sont habilités à parler et à donner leur avis. Lorsqu'il s'agit de régulation bancaire et financière, sujet technique s'il en est, il n'y a pas de différence : et, à écouter, certains spécialistes, "la régulation bancaire risque de nuire aux pauvres" nous dit le directeur général de la banque américaine Citigroup, Vikram Pandit ; "les nouvelles règles bancaires envisagées pour 2012 dans le cadre de Bâle 3 coûteraient six points de croissance à l'Europe", selon Jean-Laurent Bonnafé, le directeur général de BNP Paribas ; sans oublier Alain Jouyet, Président de l'AMF, qui avoue devant la Commission des finances qu'il n'a pas les moyens de suivre en temps réel toutes les transactions, qu'il est impossible, selon lui, de donner deux cents instructions à la seconde sur un même titre avec une durée de validité de 25 microsecondes pour chaque ordre passé, 95 à 99 % de ces ordres n'étant pas exécutés, et que le pouvoir de sanction renforcé risque d'être bien difficile à mettre en oeuvre...
"Et, la vertu dans tout cela ?" s'indigne Socrate. Qui peut en parler ? N'importe quel Citoyen, parce qu'il aurait en lui le génome du bien commun, le sens collectif ? Mais, alors eureka ! Le système bancaire et financier est bien animé par des Hommes, des Citoyens lambda -plutôt alpha et oméga, à vrai dire-, non ? Donc la vertu et la morale n'ont pas besoin d'être décrétées. L'autorégulation est, par conséquent, toujours de mise dans notre cher système économique... CQFD !
Le ministre qui a suivit les pérégrinations de Socrate l'interrompt, dès lors, et réfute les prétentions de l'autorégulation ; c'est justement contre une telle vision que les Hautes autorités politiques mondiales se sont levées.
D'abord, le ministre reprend le bon vieux mythe de Prométhée et de son frère Epiméthée. A la création du monde, Epiméthée, qui devait distribuer les qualités et les dons physiques parmi les êtres vivants, oublia de pourvoir l'Homme, resté nu et sans défense. Prométhée, pour réparer l'erreur de son frère, vola les secrets du feu et des arts aux dieux. Mais, pour éviter que les Hommes, détenteurs de ces dons exceptionnels, ne s'entretuent, Zeus leur accorda aussi les sentiments de la Pudeur et de la Justice, fondateurs de la conscience politique et de la vie en communauté. Aussi, chaque homme a en lui la notion de la politique, le sens de la Cité... la vertu en somme.
Ensuite, le ministre rappelle que toute société humaine tend à punir les hommes ayant fait preuve d'injustice et de perversion vis-à-vis du reste de la communauté. Le châtiment du coupable est alors censé servir d'exemple, et enseigner la vertu tant à l'intéressé qu'aux autres citoyens.
Enfin, si les banquiers et financiers du XXIème siècle ne sont pas plus vertueux, après la loi nouvellement publiée, c'est parce qu'ils ne sont tout simplement pas conscient des impératifs sociaux d'une moralisation de leur métier. Toutefois, de même qu'un mauvais joueur de flûte sera malgré tout meilleur que quelqu'un n'en ayant jamais fait, les nouveaux banquiers et financiers pauvres en vertu paraîtront tout de même des modèles de moralité par rapport aux "barbares" des contrées lointaines n'ayant, eux, jamais publié de loi tendant à la régulation bancaire et financière.
En clair, le ministre ne peut échapper au dogme de l'autorégulation contrôlée à base de pédagogie, remontrances et sanctions, et hésite à s'engouffrer dans la régulation pleine et entière.
Et ce dernier de clore son argumentation en comparant la vertu bancaire et financière à une langue maternelle : si on peut apprendre cette dernière sans maître particulier (simplement en écoutant et imitant), ce n'est pas pour autant une raison pour affirmer qu'elle n'est pas un savoir susceptible d'être enseigné ou promulgué. La loi nouvelle a une vocation pédagogique. Par la force de l'exemple, les multiples organismes de contrôle, les sanctions contre certaines dérives, elle remplit son office : promulguer la vertu bancaire et financière. CQFD !
Socrate est subjugué par l'argumentaire. Mais, il se demande aussitôt, le ministre mêlant les concepts de "régulation", "vertu", "morale", "sanction contre l'injustice", si la vertu est une en soi, ou si les autres composantes citées en sont des parties distinctes et autonomes ? Le ministre agacé répond aussitôt que la vertu bancaire et financière est une, mais ces composantes en sont des parties distinctes, au même titre que le visage est un, tout en étant composé des yeux, du nez ou des oreilles. Aussi l'on peut parler de régulation bancaire et financière, de sanction contre les dérives et les fraudes, de contrôle des transactions, sans invoquer les mânes de la vertu et de la morale pour autant.
Socrate conteste, alors, cette vision des choses : on ne peut faire de ces composantes de la vertu bancaire et financière des éléments aussi distincts que le nez et les oreilles. Pourrait-on dire qu'une régulation n'est pas vertueuse ? Que la régulation n'a rien à voir avec la morale ? La régulation peut-elle exister sans sanction contre l'injustice ? La vertu et la régulation sont une seule et même chose.
Le ministre louvoie, tente de reprendre le dessus tant il est dangereux de parler "vertu" et "morale" à propos du secteur bancaire et financier, sans écorner le mythe de Prométhée et de l'autorégulation cher au système économique tout entier. Il pourrait heurter certaines Hautes susceptibilités. Alors, s'il est vrai que, parmi les composantes de la régulation, la vertu, la justice, la morale ont quelques similitudes, le ministre préfère biaiser sur le courage politique. Et du courage politique, le ministre tente d'en faire montre à foison pour louer l'action gouvernementale entreprise.
Mais, Socrate rebondit alors : le courage, quand il prend son fondement dans la folie, n'est plus du courage mais de la témérité. Un homme, pour être courageux, doit donc aussi faire preuve d'une certaine vertu. Il est dans la nature de l'homme de rechercher ce qu'il juge agréable et de fuir ce qu'il juge désagréable. Les lâches, ainsi, ne sont lâches que par ignorance de ce qui est réellement à craindre et de ce qui ne l'est pas. Partant, le courage est la science des choses à craindre et de celles qui ne le sont pas ; et il n'est point de vertu sans courage, ni de courage sans vertu. Or, il est à craindre que les mêmes causes produisent les mêmes effets. L'une des réponses à la Crise de 1929, fut la promulgation, aux Etats-Unis, du Glass-Steagall Act ou Banking Act en 1933. Cette loi instaurait, notamment, une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt, c'est-à-dire les activités de prêts et de dépôts, et ceux de banque d'investissement, c'est-à-dire les opérations sur titres et valeurs mobilières, afin qu'une crise financière ne soit pas doublée d'une crise bancaire et, ce faisant, d'une crise de l'économie dite "réelle". Mais, la nature de l'Homme est ainsi faite que ce dernier cherche toujours l'expansion : le Banking Act favorisait des banques d'investissement de grande taille mais sans réelle surface financière et des banques de dépôt qui, pour participer à l'essor de la croissance mondiale et en tirer quelques substantifiques et rentables fruits, contournaient l'obstacle et s'installaient, par filiales interposées, sur des places financières trop heureuses de voir la garantie des dépôts des épargnants s'adosser aux titrisations et autres investissements financiers. Au final, dans la course mondiale à la croissance bancaire et financière, le Banking Act fut abrogé le 12 novembre 1999 par le Financial Services Modernization Act. La vertu imposée par la loi pendant 60 ans aura vécu, sa déliquescence attendra ces jours funestes d'octobre 2008.
"Aussi, la vertu, fille de la science, s'apprend, cher ministre ! Et quand on sort des bancs de l'école, elle s'impose avec force de loi" lance tout net Socrate, applaudi plus volontiers par le banc gauche de la salle de conférence de presse. Sur ces bonnes paroles, le ministre prend congé... s'exclamant qu'il est plus facile de promulguer un décret relatif à la prévention du risque sismique, qu'une loi contre les risques systémiques...
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par Marc Bollet, ancien Bâtonnier, vice-président de la Conférence des Bâtonniers, et Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction
Le 04 Janvier 2011
Depuis 2005, la loi de sauvegarde (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT) a étendu le champ d'application des procédures collectives aux professionnels libéraux.
Des données économiques, sociales et juridiques ont conduit le législateur à étendre le champ d'application aux professions libérales. Néanmoins, s'agissant des professions règlementées et notamment de la profession d'avocat, il fallait trouver des solutions pour rendre compatibles les textes avec les règles spécifiques de la profession d'avocat. C'est la raison pour laquelle et sur un certain nombre de sujets (fonctionnement de la procédure, régime des sanctions...) des règles spécifiques ont été réclamées et obtenues afin d'assurer la cohérence et l'efficacité du système. Désormais tous les avocats et non plus ceux qui exerçaient sous couvert d'une personne morale peuvent prétendre utiliser des outils de la loi de sauvegarde. A ce sujet, il a été jugé par la Cour de cassation, le 9 février 2010, que le professionnel libéral associé n'exerce pas une activité professionnelle indépendante et que dès lors, le tribunal ne peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire que tout autant que le passif provienne de l'activité professionnelle antérieure (Cass. com., 9 février 2010, 3 arrêts, n° 08-15.191, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7436ERT, n° 08-17.144, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7437ERU et n° 08-17.670, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7438ERW).
Prévoir ou subir !
Toutes les procédures de la loi de 2005, modifiée en 2008 (ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT), sont applicables aux professionnels libéraux.
L'avocat peut demander à bénéficier du procédé du mandat ad hoc. L'énorme avantage du mandat ad hoc repose sur sa souplesse et sa confidentialité -même le Bâtonnier n'est pas informé de l'ouverture d'un mandat ad hoc !-. C'est un procédé sûr, fiable et efficace dans la vie des affaires et que les professionnels libéraux auraient tout intérêt à utiliser car la pratique démontre un fort taux de succès.
L'étape suivante est celle de la procédure de conciliation. C'est une procédure plus organisée -il s'agit de l'ancien "règlement amiable"-. Concrètement pour l'avocat, il s'agit de rechercher un accord avec ses principaux créanciers pour mettre fin à ses difficultés.
Dans le cadre de la conciliation, l'Ordre est informé de l'ouverture de la procédure, tout comme il sera consulté dans le cadre de l'homologation de l'accord.
Selon Maître Bollet, cette procédure est malheureusement assez peu utilisée, ce qui est dommage car très probablement elle correspond à l'outil le plus adapté aux professions libérales.
Vient ensuite la procédure de sauvegarde, clé de voûte de la réforme de 2005.
Procédure destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, elle ne peut être ouverte qu'à la demande d'un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter.
Cette procédure donne lieu à un plan qui détermine les perspectives de redressement et définit les modalités de règlement du passif. Cette procédure n'est guère utilisée en pratique, sans doute en raison du fait que les difficultés doivent être prises très tôt, mais aussi parce qu'elle n'est pas assez connue.
Il s'agit tout d'abord de la procédure de redressement judiciaire dont les règles générales de fonctionnement sont issues de la réforme de 1985 (loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L7852AGW). Cette procédure s'applique au débiteur en état de cessation des paiements. Elle a pour objet de permettre la poursuite de l'activité et l'apurement du passif et donne lieu à un plan arrêté par le tribunal. Ce plan peut être soit une continuation, soit une cession totale ou partielle de l'activité. A ce titre, l'ordonnance de 2008 a fait en sorte que la cession puisse désormais porter non plus seulement sur les éléments corporels mais aussi sur les éléments incorporels. Cette innovation est importante et opportune pour les avocats puisque en pratique le droit de présentation de la clientèle représente une part significative de l'actif du professionnel.
Enfin la liquidation judiciaire, dernière procédure, celle naturellement que tout le monde souhaite éviter, car elle est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur. Cette procédure a donc des conséquences dramatiques ; les statistiques démontrent que de très nombreuses procédures collectives de professionnels libéraux se terminent par des liquidations judiciaires (redressement converti en liquidation pendant la période d'observation, plan inexécuté...) ce qui engendre d'innombrables difficultés.
Le rôle de l'Ordre dans la procédure
A l'exception du mandat ad hoc, toutes les autres procédures réservent une part importante à l'Ordre professionnel. Ce dernier va tantôt être acteur, tantôt auxiliaire.
- Acteur, l'Ordre l'est en matière de conciliation, il l'est surtout dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation.
L'Ordre va être associé à toutes les étapes de la procédure. Il sera informé et entendu. Il sera contrôleur de droit de la procédure collective. Il disposera à cet égard de certaines prérogatives et devra naturellement satisfaire à sa mission avec rigueur et précision. Cela justifie d'un point de vue organisationnel que les ordres soient préparés à assumer ces missions. La problématique est toujours de distinguer l'intérêt personnel du confrère en difficultés et l'intérêt collectif.
- Auxiliaire, en matière de sanctions. Sur ce point, la profession avait revendiqué la possibilité d'appliquer son régime de sanctions spécifique pour faire échec au régime général.
La discipline de la loi de sauvegarde est donc restée dans le giron ordinal, à charge donc pour la profession de la mettre en oeuvre avec pertinence et efficacité.
Quelles sont les difficultés en pratique ?
La matière est compliquée puisqu'elle touche à la personne, au patrimoine, à l'organisation professionnelle..
Aucune situation n'est comparable et dès lors un traitement spécifique doit être effectué à l'analyse de chacun des dossiers même si des procédures d'organisation peuvent être mises en place afin d'assurer la cohérence dans le suivi des missions ordinales.
Il faut d'abord et surtout veiller à ne pas confondre les rôles de chacun.
Certes le Bâtonnier doit donner de l'information, mais il n'a pas à conseiller l'avocat en difficulté. Informer, oui, conseiller, non. Dans le même ordre d'idée il est prudent que ce ne soit pas le Bâtonnier qui représente l'Ordre contrôleur de la procédure, de façon à laisser une certaine distance entre lui et ladite procédure, et ce d'autant plus que le Bâtonnier sera l'organe de poursuite en matière de sanctions. Le rôle de l'Ordre étant très marqué dans la procédure, il est recommandé que les missions à accomplir le soient par des professionnels spécialistes rendant systématiquement des comptes sur l'exécution de leurs missions.
Par ailleurs, un débat s'est instauré avec la salle concernant les conditions de la réinscription du professionnel libéral liquidé. En l'état actuel de la réglementation, l'avocat liquidé peut poursuivre son activité sous la seule forme salariée, mais rien ne lui interdirait de reprendre son activité libérale postérieurement à la clôture de la procédure. En effet, après omission l'avocat pourrait demander sa réinscription par application de l'article 108 du décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197 N° Lexbase : L0285A9G). Peut-on considérer que faute de n'avoir pas été sanctionné l'avocat pourrait se voir opposer un refus motif pris que sa liquidation judiciaire contreviendrait aux principes essentiels sur lequel repose l'exercice professionnel des avocats ?
La seule jurisprudence dont nous disposons est un arrêt de la cour d'appel de Lyon qui, pour s'opposer à une inscription, parmi d'autres motifs, énonce que l'avocate liquidée n'offrait pas les garanties morales et ne présentait pas les garanties de dignité, d'honorabilité et de probité nécessaires pour exercer la profession d'avocat (CA Lyon, 19 novembre 2009, n° 09/03070 N° Lexbase : A4217E8P).
Il est vrai que rien n'interdit à un entrepreneur, commerçant, artisan, agriculteur, postérieurement à sa liquidation de se réinstaller et que, dès lors, rien ne justifie juridiquement une règle différente pour l'avocat. Néanmoins, l'hypothèse d'une réinstallation heurte à l'évidence nos valeurs, créé une distorsion de concurrence et renvoie aussi une image pas forcément positive de l'avocat, professionnel de devoir et de confiance....
Préconisations
- Faire mieux pour nos confrères en difficultés, c'est une mission fondamentale de nos Ordres.
- Mieux gérer les situations individuelles, mieux apprécier les difficultés éprouvées par certains confrères, savoir les anticiper notamment dans le cadre des contrôles obligatoires de comptabilité.
- Faire la promotion des procédures préventives en essayant de transmettre la culture de l'anticipation.
- Former des confrères à la gestion des dossiers ordinaux, notamment dans le cadre de la mission de contrôleur.
- Examiner avec une extrême attention les dossiers de redressement et de liquidation et savoir en tant que de besoin mettre en oeuvre les procédures disciplinaires. A ce sujet, ne rien faire c'est laisser en partie échapper le pouvoir de nos Ordres au profit du ministère public...
- Enfin, il a été mis l'accent sur la place prépondérante que devraient occuper nos Ordres pour assurer la promotion de la loi de sauvegarde à l'égard des autres Ordres ou autorités professionnelles, lesquels sont confrontés de plein fouet à ces procédures et missions compliquées auxquelles ils ne savent pas toujours répondre dans des conditions satisfaisantes.
Savoir faire et faire savoir...
***
A l'issu de cet atelier, le Bâtonnier Bollet a proposé à tous les intervenants de venir au sein des Ordres, par l'intermédiaire des conférences régionales, pour animer des séminaires de formation.
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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III
Le 04 Janvier 2011
Par une décision rendue le 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L0549IHS), dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), ainsi que les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article 164 de la même loi.
La Cour de cassation avait été saisie de pas moins de quinze questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la procédure de visite et de saisie visée à l'article L. 16 B du LPF (dont Cass. QPC, 15 juin 2010, deux arrêts, n° 10-40.012, P+B N° Lexbase : A2008E3R et n° 09-17.492, P+B N° Lexbase : A1996E3C, Droit fiscal, 2010, 26, comm. 247). Et, la Haute juridiction avait rejeté l'ensemble des questions ayant trait à la conformité à la Constitution de l'article L. 16 B dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008. En effet, la Cour avait fait observer que ces questions ne portaient pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application et considère qu'elles ne présentent pas un caractère sérieux, car elles sont sans objet. En effet les dispositions faisant l'objet de ces questions avaient été modifiées par la loi précitée.
Le Conseil d'Etat avait, également, transmis une question prioritaire de constitutionnalité sur l'article L. 16 B du LPF dans sa nouvelle rédaction (CE 3° et 8° s-s-r., 9 juin 2010, n° 338028 N° Lexbase : A6401EYQ, Droit fiscal, 2010, 25, comm. 386, concl. Cortot-Boucher).
La Cour de cassation a, donc, saisi le Conseil constitutionnel de deux questions prioritaires relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L 16 B du LPF, modifiées par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel territorialement compétent. Celui-ci connaît également les recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie.
L'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et le recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie ne sont pas suspensifs. Le pourvoi en cassation à l'encontre de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel n'est pas plus suspensif (C. proc. civile, art. 579 N° Lexbase : L6734H7K).
Deux points ont été soulevés au titre des questions prioritaires de constitutionnalité.
Tout d'abord, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions qui prévoient que l'ordonnance autorisant la visite est exécutoire, "au seul vue de la minute", l'appel n'étant pas suspensif, sont indispensables à l'efficacité de la procédure de visite. Le Conseil constitutionnel a justifié sa position au nom d'un objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. En outre, il a jugé que la procédure ainsi mise en oeuvre ne portait pas atteinte au droit du requérant d'obtenir, éventuellement, l'annulation des opérations de visite. En conséquence, le droit à un recours juridictionnel effectif n'est pas méconnu.
Ensuite, les Sages de la rue de Montpensier ont apprécié les dispositions qui ont pour objet d'ouvrir un appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, pour les procédures antérieures à la date d'entrée en vigueur de la réforme et de fixer les modalités de l'information des contribuables sur ces droits. L'article 164 de la loi de modernisation de l'économie (loi n° 2008-776 du 4 août 2008) avait prévu un dispositif transitoire ouvrant droit aux nouvelles voies de recours aux opérations réalisées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Les nouvelles dispositions sont applicables aux opérations de visite et de saisie pour lesquelles l'ordonnance d'autorisation a été notifiée ou signifiée à compter du 6 août 2008. A suivre le Conseil, ces dispositions n'instituent ni une discrimination, ni une peine. La non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère n'est par conséquent pas méconnue. En outre, le nouveau dispositif ouvre de façon rétroactive de nouvelles voies de recours et n'affectent en aucune manière la situation légale acquise.
Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel a déclaré la procédure de visites et saisies domiciliaires, visée à l'article L. 16 B du LPF, conforme à la Constitution.
Il n'est pas inutile de rappeler que les agents de l'administration doivent mentionner dans le procès-verbal relatant le déroulement de la visite que le contribuable a essayé de joindre son conseil ou l'a joint. Mention est faite, au même procès-verbal, de l'arrivée du conseil. Comme l'ensemble des observations que le contribuable pourrait être amené à formuler, celles qui feraient suites aux recommandations de son conseil doivent être consignées dans le procès-verbal.
Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à la situation ou à ses activités réelles (LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L4668ICU). En cas de désaccord le litige peut être soumis, soit à l'initiative du contribuable, soit à celle de l'administration, à l'avis du comité de répression des abus de droit, dénommé, aujourd'hui, comité de l'abus de droit fiscal (CGI, art. 1653 C N° Lexbase : L4704IC9).
La chose est d'importance au regard de la charge de la preuve car, si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis de comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.
On sait que ce dispositif sanctionne la dissimulation juridique, la création juridique purement artificielle, qui camoufle une situation au titre de laquelle les impositions sont légalement dues et qui continuent d'exister en réalité derrière les apparences créées (CE 10 juin 1981, n° 19079 N° Lexbase : A7572AKN).
Le dernier alinéa de l'article L. 64 du LPF, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 décembre 2004 (N° Lexbase : L9556DQY), prévoit que, si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité consultatif de répression des abus de droit (comité d'abus de droit fiscal), elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.
On savait déjà que la procédure d'abus de droit ne porte pas atteinte à la liberté d'établissement posée par l'article 43 du Traité CE (CE, 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005, n° 267087 N° Lexbase : A3517DI4, RJF, 2005, 8-9, comm. 910). Mais, l'on ne savait pas ce qu'il pouvait en advenir au regard de sa constitutionnalité.
La société requérante soutenait que ce dispositif portait atteinte à la présomption d'innocence garantie par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1373A9Q).
Afin d'éviter des procédures dilatoires, le juge de première instance ou le juge d'appel saisi d'une question de constitutionnalité procède à un examen sur trois points. Le premier est d'examiner si la disposition législative contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites pénales. Le deuxième est de vérifier si la loi contestée n'a pas déjà été validée par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision, sauf changement de circonstances. Le troisième est de procéder à un examen sommaire car la question soulevée ne doit pas être considérée comme étant dépourvue de caractère sérieux.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 décembre 2009 (Cons. const., décision n° 2009-595 DC, du 3 décembre 2009 N° Lexbase : A3193EPX) a relevé qu'une "question prioritaire de constitutionnalité ne peut être nouvelle [...] au seul motif que la disposition législative n'a pas déjà été examinée" par lui, mais qu'il devra être saisi "de l'interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n'a pas encore eu l'occasion de faire application", le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pouvant "dans les autres cas" apprécier l'intérêt de le saisir en "fonction de ce critère alternatif".
En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé que le motif soulevé par le contribuable n'avait pas un caractère sérieux.
Tout d'abord, observons, comme nous y invite la Haute assemblée, que la charge de la preuve en ce qui concerne les pénalités pouvant être infligées en cas d'abus de droit est régie par les dispositions de l'article L. 195 A du LPF (N° Lexbase : L8353AE4), et non par l'article L. 64 du même livre.
En outre, le juge de l'impôt devra appliquer les dispositions plus douces, visées par l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L4733ICB) dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 (N° Lexbase : L3784IC7), qui prévoient qu'il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des pénalités en cas d'abus de droit.
Le Conseil d'Etat, par la même décision, a considéré comme non sérieuse le moyen selon lequel la composition et le mode de désignation des membres du comité consultatif pour la répression des abus de droit porteraient atteinte à l'indépendance et à l'impartialité de cet organisme, ainsi qu'à la garantie issue de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1363A9D).
Depuis l'arrêt "Société Janfin" (CE Contentieux, 27 septembre 2006, n° 260050 N° Lexbase : A3224DRT, RJF, 2006, 12, comm. 1583 ; lire Jean-Marc Priol, Principe de fictivité et de fraude à la loi et abus de droit, Lexbase Hebdo n° 232 du 19 octobre 2007 - édition fiscale N° Lexbase : N4074ALH), l'administration peut faire obstacle à un montage juridique pour fraude à la loi, sans se référer aux textes afférents à la procédure de répression des abus de droit. Pour la doctrine administrative, la procédure de l'abus de droit fiscal concerne tous les impôts et peut être mise en oeuvre indifféremment lorsque la situation constitutive de l'abus de droit porte sur l'assiette, la liquidation de l'impôt ou son paiement. Cette définition couvre les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi (BOI 13 L-9-10 N° Lexbase : X7799AGX).
Le report d'imposition d'une plus-value de cession de parts, visée à l'article 151 octies I du CGI (N° Lexbase : L2463HNK), est-il constitutif d'un abus de droit ?
La notion d'abus de droit, visée à l'article L. 64 du LPF, permet à l'administration d'écarter un acte qui a un caractère fictif ou qui n'a pu être inspiré par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer la charge fiscale que le contribuable, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportée eu égard à sa situation et à ses activités réelles.
La doctrine administrative précise que cette procédure ne trouve pas à s'appliquer lorsque l'administration, sans contester la réalité ni la sincérité des actes qui lui sont présentés, se limite à rectifier les incidences fiscales prêtées à ces actes par les déclarants (DB 13 L-1531).
La procédure de répression des abus de droit n'est pas applicable dans le cas où le différend entre l'administration et le contribuable ne porte en réalité que sur une question de fait ou ne touche qu'à l'interprétation des textes fiscaux (CE Contentieux, 8 avril 1998, n° 192539 N° Lexbase : A7848ASH, RJF, 1998, 5, comm. 593). Tel n'est pas le cas dans l'affaire qui nous occupe.
En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé que l'administration pouvait remettre en question les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite par un report d'imposition. Cette position est motivée par le fait que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables.
A suivre le Conseil d'Etat, l'intérêt fiscal de l'opération est de différer l'imposition, de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est dû à raison de la situation et des activités du contribuable.
Pour la Haute assemblée, nous sommes en face d'un montage au sens de l'article L. 64 du LPF. En effet, l'opération d'apport du fonds de commerce à la société suivie d'une réduction du capital qui a permis aux contribuables qui avaient conservé la propriété de l'ensemble de leurs parts de disposer, par l'apport à leur compte courant d'associés, d'une certaine somme, dissimule derrière l'apparence d'un apport en nature, la mutation à titre onéreux de ce fonds. En conséquence, l'administration était fondée à écarter les actes relatifs à ces opérations et à imposer la plus-value professionnelle.
La Cour de cassation a jugé que les rachats de droits sociaux après un apport partiel d'actif ne constituent pas un abus de droit (Cass. com., 21 avril 1992, n° 88-16.905 N° Lexbase : A9572ATP).
Par plusieurs décisions, la Cour de cassation a successivement condamné pour abus de droit l'apport d'un fonds de commerce suivi de la cession des actions reçues (Cass. com., 20 mars 2007, n° 05-20.599 N° Lexbase : A7417DUA, RJF, 2007, 8-9, comm. 993), l'apport-cession d'un immeuble (Cass. com., 31 octobre 2006, n° 05-14.254, F-D N° Lexbase : A2047DSM, RJF, 2007, 2, comm. 240), l'apport de la nue-propriété de valeurs mobilières à une société civile suivie de la donation partage de la pleine propriété de parts sociales (Cass. com., 15 mai 2007, n° 06-14.262 N° Lexbase : A2567DWY, RJF, 2007, 8-9, comm. 994), la cession d'un immeuble par un marchand de biens à une SCI de son groupe avant l'expiration du délai de revente (Cass. com., 3 avril 2007, n° 06-10.702, F-P+B N° Lexbase : A9035DU8, RJF, 2007, 8-9, comm. 995 ; lire Jean-Marc Priol, Fraude à la loi et abus de droit : développements, précisions et recadrage, Lexbase Hebdo n° 258 du 3 mai 2007 - édition fiscale N° Lexbase : N9302BAR). Par ces décisions, la Cour se montre assez peu libérale.
Il importe que la charge fiscale soit diminuée car, même lorsque le contribuable conclut un contrat dont l'unique objet est d'atténuer ses charges fiscales, celui-ci ne constitue pas obligatoirement un abus de droit sauf si la charge fiscale de l'intéressé se trouve effectivement réduite (CE 3° et 8° s-s-r., 5 mars 2007, n° 284457 N° Lexbase : A6799DUD, RJF, 2007, 5, comm. 600).
Le Conseil d'Etat a écarté l'argument du contribuable selon lequel l'opération d'apport permettait de réaliser des économies de cotisations sociales du fait du changement du mode d'exploitation de l'entreprise et, en outre, selon lequel la réduction du capital de la société était justifiée "par l'hypertrophie du haut de bilan à la suite de l'opération d'apport".
En l'espèce les contribuables n'apportent pas des éléments jugés suffisants de nature à établir que ces opérations ne dissimulaient pas, en réalité, une vente de leurs fonds de commerce qui générait une plus-value exclue du régime de report d'imposition et qu'elles avaient été inspirées par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que les intéressés auraient normalement supportés, s'ils n'avaient pas passés ces actes.
Rien de cela ne serait arrivé si le contribuable avait fait un rescrit, car l'administration ne peut invoquer la procédure de l'abus de droit, lorsque le contribuable, préalablement à la conclusion d'un contrat, a consulté par écrit l'administration et si celui-ci n'a pas reçu de réponse dans un délai de six mois (LPF, ar. L. 64 B N° Lexbase : L4664ICQ).
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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 20 Octobre 2011
L'on sait que, par l'intermédiaire du Centre national de la cinématographie (CNC), la République française apporte un soutien financier à l'industrie cinématographique. Ce système a fait l'objet de décisions de la Commission qui l'ont déclaré compatible avec le marché commun. Le 3 octobre 2001, TF1 a, toutefois, adressé une plainte à la Commission européenne relative au dispositif français. Le 14 décembre 2004, la France a notifié à la Commission certains aspects du système d'aide afin d'obtenir la prolongation de leur validité. Mais la Commission a estimé, le 21 décembre 2004, que ces régimes étaient illégaux au sens de l'article 88, paragraphe 3, CE, devenu 108, paragraphe 3, TUE , dans la mesure où ils avaient déjà été mis en application (1). Par une décision du 22 mars 2006 (C(2006) 832 final), relative aux mesures de soutien au cinéma et à l'audiovisuel en France, la Commission a décidé de ne pas soulever d'objections à l'égard des mesures en cause à l'issue de la phase préliminaire d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE. C'est cette décision qui était attaquée par la chaîne TF1. Le Tribunal a eu, ainsi, l'occasion de rappeler quels étaient les principes qui régissaient la recevabilité du recours en annulation intenté par un tiers en matière d'aides d'Etat (A), pour les appliquer à l'espèce (B).
Selon l'article 230 CE, alinéa 4, alors applicable, "toute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement". Dans la mesure où la décision attaquée avait été adressée à la République française, il s'agissait donc de déterminer si elle concernait directement et individuellement TF1. C'est la condition relative à l'affectation individuelle qui est la plus difficile à remplir. Elle a été définie par la très classique jurisprudence "Plaumann" (2) qui est ici rappelée par le Tribunal. Il faut que la décision atteigne le requérant en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l'individualise d'une manière analogue à celle dont le destinataire de la décision le serait. Cette solution de principe a été déclinée pour les décisions rendues par la Commission dans le cadre du contrôle des aides d'Etat.
Il faut, en effet, distinguer la phase préliminaire de la phase d'examen. La phase préliminaire, prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE, a simplement pour objet de permettre à la Commission de se former une opinion sur l'éventuelle incompatibilité de l'aide avec le marché commun. En cas de doute sur la compatibilité de l'aide, la Commission ouvre alors la phase d'examen, prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE (3), afin d'avoir une information la plus complète possible sur l'affaire. Dès lors, dans l'hypothèse où la Commission a déclaré une aide compatible avec le marché commun par une décision prise sur le fondement de l'article 88, paragraphe 3, CE, seules deux catégories de tiers peuvent être considérés comme individuellement concernés. Il s'agit, en premier lieu, des intéressés au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE, mais seulement dans la mesure où ils font valoir les droits procéduraux qu'ils tiennent de cette dernière disposition. Les intéressés sont définis par la jurisprudence comme "les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi d'une aide, c'est-à-dire, en particulier, les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles" (4). En second lieu, si le requérant met, en revanche, en cause le bien-fondé de la décision d'appréciation de l'aide en tant que telle, pour être considéré comme individuellement concerné, il doit démontrer qu'il a un statut particulier et, spécialement, que sa position sur le marché serait substantiellement affectée par l'aide faisant l'objet de la décision en cause. La qualité d'intéressé au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE n'est donc plus suffisante.
Le Tribunal va d'abord examiner si TF1 peut être considérée comme "intéressée" au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE. Il convient donc d'examiner si le recours tend à faire valoir des droits procéduraux. Or dans ses moyens, TF1 n'a pas soulevé la violation de l'article 88, paragraphe 2 CE, et n'a donc pas cherché à démontrer qu'il eut été utile pour la Commission d'ouvrir la phase d'examen. TF1 a simplement soutenu l'illégalité en tant que telle de la décision puisqu'elle a soulevé un moyen tiré d'une insuffisance de motivation, moyen tiré de l'article 87, paragraphe 1, CE, et un moyen tiré de l'article 87, paragraphe 3, d), du même texte.
TF1 devait donc démontrer que sa position sur le marché était substantiellement affectée par l'aide autorisée par la Commission, la qualité de concurrente n'étant pas suffisante. Le Tribunal a noté, à titre préliminaire, que les mesures en cause visent au soutien de la production cinématographique et audiovisuelle et bénéficient donc à des opérateurs ayant une activité dans ce domaine. Or TF1, en sa qualité d'éditeur de services de télévision, est également active dans la production d'oeuvres et peut être, à ce titre, bénéficiaire des mesures de soutien en cause. Il appartenait donc à TF1 de démontrer en quoi elle était, par rapport à ses concurrents, particulièrement affectée par le dispositif validé par la Commission. Le dispositif contraint les opérateurs audiovisuels à des obligations d'investissement dans le secteur de la production cinématographique. Certes, au regard de ses principaux concurrents (France 2, France 3 et M6), TF1 investit beaucoup plus, mais cette différence s'explique par l'importance de son chiffre d'affaires, et non pas par l'application d'un régime juridique particulier. Les quatre chaînes de télévision sont soumises exactement aux mêmes obligations qui sont toujours définies au regard du chiffre d'affaires.
Pour finir, TF1 avait fait valoir que, si le recours était déclaré irrecevable, elle n'avait aucun moyen indirect de contester la décision en cause, soit à l'occasion d'un contentieux devant les juridictions nationales, soit à l'occasion d'un autre contentieux devant les juridictions de l'Union. TF1 a ici tenté d'obtenir une mise en oeuvre anticipée des nouvelles dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En effet, selon le nouvel alinéa 4 de l'article 263 TUE , "toute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d'exécution". Il est vrai qu'a priori la décision attaquée correspond à la catégorie des actes de l'Union qui ne comportent pas de mesure d'exécution. Mais on se souvient que, sous l'empire du Traité communautaire, la Cour de justice n'a pas été sensible à l'argumentation tirée du droit à une protection juridictionnelle effective qui tendait, dans de telles situations, à élargir l'accès des particuliers au recours en annulation (5). Il faudra donc attendre les contentieux relatifs aux décisions prises en matière d'Etat par la Commission après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne pour connaître l'impact du nouvel article 263, alinéa 4, TUE, sur la recevabilité des recours intentés par les particuliers contre de telles décisions. L'on peut espérer une évolution qu'il appartiendra aux avocats de susciter.
Le Tribunal a eu à connaître de la fort complexe affaire de la privatisation d'Olympic Airways (OA). Pour opérer cette privatisation, la société avait fait l'objet d'une scission. Elle conservait ses activités d'assistance au sol, de maintenance et de formation (Olympic Airways service), et avait été créé une nouvelle société (Olympic airlines) qui se voyait confier les activités de vol (société NOA). En raison d'un montage particulièrement complexe qui avait, notamment, pour finalité de contourner l'application des règles du Traité relatives aux aides d'Etat, la Commission a rendu plusieurs décisions, dont certaines ont déjà fait l'objet de décisions du Tribunal, comme de la Cour de justice. Etait ici attaquée une décision du 14 septembre 2005 qui identifiait différentes formes d'aides et, notamment, une sous-évaluation des loyers versés par NOA pour la location d'avions auprès d'OA ou de la République hellénique, et le versement anticipé à OA d'un montant surestimé des actifs de NOA. Le Tribunal devait au préalable se pencher sur la continuité économique entre OA et NOA.
Le Tribunal devait, en premier lieu, déterminer s'il y avait une continuité économique entre OA et NOA pour savoir si la Commission pouvait ordonner la récupération des aides versées à OA auprès de NOA. Dans la mesure où OA avait fait l'objet d'une restructuration au moment de sa privatisation, le Tribunal devait, tout d'abord, déterminer quelles mesures en faveur d'OA étaient susceptibles de faire l'objet d'une récupération auprès de NOA. Dans la mesure où NOA avait repris les activités de vol d'OA, seules les aides versées avant la scission relatives à cette activité pouvaient faire l'objet d'une récupération. Ensuite, le Tribunal souligne que les décisions de la Commission ne sont, à cet égard, pas claires puisque, dans leur dispositif, elles n'identifient pas explicitement NOA comme bénéficiaire des aides versées à OA. Aussi le Tribunal estime que c'est à lui d'interpréter ces décisions de la Commission. Pour ce faire, il s'appuie sur les motifs et en déduit que l'aide devait être récupérée auprès de NOA. Le Tribunal considère, enfin, la motivation des décisions et s'assure de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans l'injonction faite par la Commission à NOA de rembourser certaines des aides versées à OA. Or, cette question avait déjà été abordée par la Cour de justice dans le cadre d'un arrêt en manquement contre la Grèce (6). Pour le Tribunal, le raisonnement de la Cour était extrapolable aux décisions de la Commission qui étaient ici en cause. Pour rétablir les conditions de la concurrence, il pouvait donc être demandé à NOA de rembourser les aides versées à OA.
Le Tribunal s'est ensuite penché sur les aides versées à NOA. La nouvelle société connaissant des difficultés analogues à celle d'OA avant la restructuration, le dispositif antérieur de soutien avait été maintenu. Aussi, dès lors qu'existait une continuité entre OA et NOA pour les activités de vol, la Commission avait estimé que ces mesures prises par la République hellénique en faveur de NOA devaient être qualifiées d'aides, puisque les décisions analogues en faveur d'OA avaient déjà été qualifiées d'aides par une précédente décision de la Commission. Pour le Tribunal, la Commission ne pouvait se contenter de cette sortede présomption et devait effectivement vérifier si les conditions de l'article 87, paragraphe 1, CE, étaient remplies.
Le Tribunal applique, ensuite, classiquement le critère de l'investisseur privé dans une économie de marché pour savoir s'il y a aide ou non. La principale difficulté concernait ici la charge de la preuve. NOA sous-louait des avions à OA et à la République hellénique, avions qui, par ailleurs, faisaient l'objet d'un contrat de bail. La Commission s'était, en effet, contentée de constater que les tarifs de la sous-location étaient inférieurs à ceux des contrats principaux. Pour le Tribunal, ce constat n'était pas suffisant et il incombait à la Commission de démontrer que les loyers litigieux étaient effectivement inférieurs à ceux du marché. Ainsi, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du critère de l'investisseur privé.
Au moment de la restructuration, la République hellénique avait effectué en faveur d'OA un paiement anticipé en plusieurs tranches, à partir d'un compte spécial, d'un montant total de 130 millions d'euros environ, correspondant à la valeur des actifs transférés à NOA lors de la création de cette nouvelle société. Pour la Commission, il y avait eu une surévaluation de ces actifs. Selon le Tribunal, la Commission n'a pas pris en compte dans le calcul de la valeur de la société certains actifs incorporels, tels que les créneaux d'heure de vol. Il y avait là, en réalité, un problème de choix des normes comptables utilisées pour calculer la valeur des actifs transférés. Pour le Tribunal, la Commission devait au moins se justifier du choix de telle ou telle norme comptable pour apprécier le critère de l'investisseur privé dans une économie de marché, et expliquer, ainsi, l'exclusion de certains actifs. N'adoptant pas cette démarche, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation.
A la suite d'un pourvoi intenté par la Commission européenne, la Cour de justice a été amenée à se prononcer sur un précédent arrêt du Tribunal qui avait partiellement annulé une de ses décisions (7). En l'espèce, la ville d'Orléans avait vendu pour un franc symbolique un terrain de 68 hectares à une société d'économie mixte, à charge pour cette dernière d'aménager le site en faveur de la société Scott et de lui revendre un terrain de 48 hectares et une usine-entrepôt pour un montant de 31 millions de francs (4,7 millions d'euros). Cette opération était financée à hauteur de 80 millions de francs (12,2 millions d'euros) par le département du Loiret et par la ville d'Orléans. Face à ce montage, la principale difficulté à laquelle se sont trouvés confrontés la Commission, le Tribunal et enfin, la Cour, était le calcul du prix "véritable" de ce terrain. Ce calcul permettait de déterminer, si, oui ou non, la société Scott avait bénéficié d'une aide, et en cas de réponse positive, le montant de la somme à récupérer auprès de cette dernière. La Cour a censuré l'arrêt du Tribunal car elle a estimé que celui-ci avait outrepassé son pouvoir juridictionnel et avait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission avait méconnu son obligation de diligence en se fondant uniquement sur certains éléments de preuve fournis par les autorités françaises. Toutefois, on remarquera à titre préliminaire que la Cour n'a pas suivi son avocat général qui avait proposé de censurer d'office cet arrêt pour incohérence.
Le Tribunal avait, notamment, censuré la méthode retenue par la Commission pour calculer la valeur du terrain, mais n'avait annulé qu'une partie de la Commission ordonnant la restitution de l'aide et pas la première partie constatant l'incompatibilité de l'aide et son montant. Il est évident qu'un tel dispositif pouvait ne pas paraître totalement cohérent. En effet, si le Tribunal avait censuré la méthode de calcul utilisée par la Commission pour évaluer le montant de l'aide dont avait bénéficiée la société Scott, une autre méthode pouvait, également, aboutir à la conclusion qu'il n'y avait pas eu aide. Dès lors, il eut été logique d'annuler toute la décision. Or la Commission, dans son pourvoi, n'avait pas soulevé un tel moyen.
Face à cette situation, l'Avocat général Paolo Mengozzi avait suggéré à la Cour de justice de relever d'office ce moyen tiré de l'incohérence entre les motifs et le dispositif de l'arrêt du Tribunal. La Cour n'en a, toutefois, rien fait. Il est vrai que cette question des moyens d'ordre public est, de manière générale, assez délicate et spécialement dans le contexte de l'Union européenne puisque certains systèmes juridiques de ses Etats membres, notamment ceux imprégnés de la common law, ignorent un tel procédé. Il n'en demeure pas moins que la Cour a accepté, dans le cadre d'un pourvoi, de relever d'office des moyens tirés de la recevabilité de celui-ci (8). Tel n'était pas ici le cas puisqu'était en cause le fond même de l'arrêt rendu par le Tribunal. Le silence de la Cour peut être interprété de deux manières : soit elle refuse de relever d'office un moyen relatif au fond même de l'arrêt du Tribunal, soit elle considère que le moyen en cause n'était pas un moyen d'ordre public. Il appartiendra à la jurisprudence postérieure de lever cette ambiguïté. La Cour de justice a, toutefois, indirectement censuré cette incohérence lorsqu'elle s'est prononcée sur les moyens développés par la Commission dans son pourvoi.
La Cour de justice a estimé que le Tribunal, en censurant la méthode de calcul utilisée par la Commission pour évaluer le montant de l'aide perçue par la société Scott avait outrepassé les limites de son contrôle. Face à des montages tels que celui qui était en cause dans la présente affaire, la méthode de calcul du montant de l'aide relève d'une appréciation économique complexe qui constitue un pouvoir discrétionnaire. La décision de la Commission ne pouvait donc qu'être soumise à un contrôle restreint limité à l'erreur manifeste d'appréciation.
Pour calculer le montant de l'aide versée, la Commission avait procédé de la manière suivante : elle avait estimé que le coût total de l'opération pour la société d'économie mixte était de 100 millions de francs (15 millions d'euros) uniquement dans la mesure où la société Scott avait acheté 48 des 68 hectares, le coût de la vente pour cette société Scott représentant donc 70,588 millions d'euros, et dans la mesure où elle avait payé 31 millions d'euros, le montant de l'aide était donc de 39,588 millions d'euros. Cette méthode de calcul rompait avec le principe de l'investisseur privé dans une économie de marché qui est, en général, appliqué dans une telle situation. Selon cette méthode, la valeur de l'aide est égale à la différence entre ce que le bénéficiaire a en fait payé et ce qu'il aurait dû payer à l'époque dans les conditions normales de marché pour acheter un terrain équivalent auprès d'un vendeur du secteur privé. Le Tribunal avait censuré la Commission parce qu'elle s'était éloignée d'une telle approche. Pour la Cour, cela ne suffisait, toutefois, pas à démontrer une erreur manifeste d'appréciation dans l'évaluation du coût du terrain. Surtout, la Cour souligne l'incohérence de l'arrêt du Tribunal, par ailleurs, dénoncée par l'Avocat général Mengozzi : "en tout état de cause, s'il est vrai que le Tribunal a identifié une erreur de calcul et certaines approximations dans la méthode et les calculs de la Commission, il convient de souligner que, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, le Tribunal n'a pas annulé l'article 1er de la décision litigieuse, de sorte qu'il n'a pas considéré que, dans cette affaire, les erreurs et les approximations qui ont entaché la procédure d'examen étaient d'une gravité telle que la légalité de l'ensemble de la décision litigieuse était en cause" (9).
La Cour de justice a, enfin, reproché au Tribunal une erreur de droit car il avait estimé que la Commission avait méconnu son obligation de diligence en ne se fondant que sur certains éléments de preuve fournis par les autorités françaises. La Commission avait, en effet, préféré se fonder sur les indications données par les autorités françaises et, notamment, des collectivités locales en cause plutôt que sur une évaluation établie par l'administration fiscale française ou par un expert immobilier. L'on pouvait donc soupçonner une certaine mansuétude de la Commission à l'égard des autorités françaises. Or, l'évaluation établie par l'administration française n'avait pas directement été fournie à la Commission, mais résultait indirectement de lettres de la société Scott adressées à la Commission. En outre, ces lettres ne lui avaient pas été adressées pendant la procédure administrative, mais postérieurement. Pour la Cour, ces simples éléments n'étaient pas suffisants pour conduire la Commission à ouvrir de nouveau la procédure afin d'ordonner la communication des évaluations elles-mêmes. Ainsi, le Tribunal ne pouvait considérer que la Commission avait violé son devoir de diligence. La Cour de justice a donc renvoyé l'affaire devant le Tribunal. L'arrêt de la Cour semble en soi tout à fait cohérent, mais il indique logiquement ce que le Tribunal n'aurait pas dû faire. Il n'est, en revanche, pas très clair sur ce qu'il devra faire. A suivre donc...
Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
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Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-15.187, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6142GCH)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"
Le 24 Octobre 2012
Résumé Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-15.187, FS-P+B (N° Lexbase : A6142GCH) Si l'employeur qui, pour des raisons économiques, entend supprimer des emplois en concluant avec les salariés intéressés des accords de rupture amiable est tenu d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi lorsque les conditions prévues par l'article L. 1233-61 du Code du travail sont remplies, un plan de reclassement, qui ne s'adresse qu'aux salariés dont le licenciement ne peut être évité, n'est pas nécessaire dès lors que le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppressions d'emplois. La cour d'appel, qui a constaté que la société Renault s'était engagée, dans la mise en oeuvre de son plan d'ajustement des effectifs basé sur le volontariat, à ne prononcer aucun licenciement, en a exactement déduit que cet employeur n'était pas tenu d'établir un plan de reclassement. |
Commentaire
I - Le droit positif : les départs négociés collectifs déclenchent l'obligation de mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi
A - Régime légal
La rupture du contrat de travail d'un commun accord ("départ négocié"), si elle porte sur au moins dix salariés, enclenche l'obligation légale de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, depuis la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 (N° Lexbase : L7461AI8), conformément au droit communautaire, assimilant le licenciement économique collectif avec les "départs négociés" collectifs (Directive CE, 75/129 du 17 février 1975 N° Lexbase : L8301HNR, art. 1er ; Directive CE, 92/56 du 24 juin 1992 N° Lexbase : L3818HP4 ; Directive CE, 98/59 du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs N° Lexbase : L9997AUS).
La loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 (N° Lexbase : L0944AIS) a consacré la jurisprudence (infra) en introduisant un nouvel alinéa 2 à l'ancien article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K), selon lequel le droit du licenciement économique est applicable à toute rupture du contrat de travail résultant d'une cause économique. Ceci est vrai donc pour les licenciements économiques collectifs, y compris ceux associés à un plan de sauvegarde de l'emploi.
Toute rupture fondée sur un motif économique (y compris donc une rupture amiable) est soumise aux règles de procédure applicables aux licenciements pour motif économique. En effet, l'article L. 1233-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7) précise, que constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression, d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Ces dispositions sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle (visée aux articles L. 1237-11 et suivants N° Lexbase : L8512IAI), résultant de l'une des causes économiques.
En revanche, le législateur (loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 N° Lexbase : L4999H7B) a spécifiquement relevé que le régime juridique de la rupture conventionnelle (C. trav., art. L. 1237-11 à L. 1237-16 N° Lexbase : L8479IAB) n'est pas applicable aux ruptures de contrat de travail résultant des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (dans les conditions définies par l'article L. 2242-15 N° Lexbase : L2393H9I) et des plans de sauvegarde de l'emploi (C. trav., art. L. 1237-16). La formule signifie que, si un employeur propose à des salariés des "départs négociés" dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, le régime spécifique de la rupture conventionnelle (notamment la procédure d'homologation), tel qu'il est défini par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16, ne s'applique pas (5).
B - Régime contentieux
Le régime jurisprudentiel est fixé par les décisions de la Cour de cassation et des juges du fond, dessinant progressivement un régime des départs volontaires précédant un PSE, ou dans le cadre d'un PSE.
Peut-on avancer que constitue une rupture amiable et non un licenciement pour motif économique, la rupture du contrat de travail qui résulte du départ volontaire du salarié dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise ? Et donc, que la lettre par laquelle l'employeur prend acte du départ volontaire du salarié dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise, n'a pas à comporter les motifs prévus par les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 (N° Lexbase : L1135H9W) du Code du travail ? La Cour de cassation a tranché le débat, en décidant que le licenciement économique de salariés, qui ont exprimé l'intention de quitter l'entreprise, ne constitue pas une rupture amiable du contrat de travail. La cour d'appel, qui a constaté que des salariés avaient été licenciés pour motif économique par leur employeur, en a déduit à bon droit que la rupture de leur contrat était soumise aux dispositions légales applicables au licenciement économique, peu important que les intéressés aient manifesté l'intention de quitter l'entreprise (6).
En 1995, la Cour de cassation retenait le principe selon lequel l'employeur qui envisage de supprimer de nombreux emplois pour motif économique est tenu de respecter les dispositions d'ordre public des articles L 321-1 et suivants du Code du travail (devenus article L. 1233-61), peu important que ces emplois ne soient supprimés que par la voie des départs volontaires dans le cadre d'un accord collectif d'entreprise (7).
La solution avait déjà été retenue en 1991 (8). Dès l'instant que, dans le cadre d'une opération de diminution des effectifs d'une entreprise, plus de dix licenciements sont prévus, la procédure de consultation du comité d'entreprise (ou des délégués du personnel) est obligatoire, si un employeur a choisi de privilégier les départs volontaires, qui peuvent être valablement négociés en vue de parvenir à la résiliation du contrat de travail d'un commun accord, pour le plan social qu'il a établi, tendant à la suppression de quatre cents emplois, au besoin par la voie du licenciement. La cour d'appel a, dès lors, décidé à bon droit que cette opération de gestion du personnel, tendant, pour un motif économique, à la suppression de nombreux emplois s'analysait en un projet de licenciement collectif et était soumise aux dispositions des anciens articles L. 321-1 et suivants du Code du travail.
De même, la Chambre criminelle décidait, en 1994 (9), que l'employeur qui envisage de procéder à la suppression de nombreux emplois, pour motif économique, est tenu de respecter les dispositions d'ordre public des anciens articles L. 321-1 et suivants du Code du travail, peu important que les emplois ne soient supprimés que par la voie de départs volontaires, dans le cadre d'un accord collectif d'entreprise.
La thématique de l'égalité de traitement est une des questions les plus sensibles, certains salariés ne remplissant pas les conditions pour bénéficier d'une mesure de "départ volontaire" prévu par un PSE, et saisissant les juridictions, pour faire constater qu'il subisse une discrimination. La solution a été admise, s'agissant de mesures comprises dans le PSE. Rien ne peut alors justifier que l'employeur refuse au salarié le bénéfice d'une des mesures inscrites : il engagera ainsi sa responsabilité, car il aura commis une faute, ouvrant droit à réparation du préjudice subi par le salarié (10). Dès lors que le salarié remplit les conditions pour bénéficier d'une mesure comprise dans le plan de sauvegarde de l'emploi (en l'espèce, préretraite progressive), l'employeur commet une légèreté blâmable à ne pas proposer cette mesure au salarié (11). Le salarié remplissant les conditions prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi pour prétendre à l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi peut invoquer la responsabilité de l'employeur qui a commis une faute, et obtenir des dommages et intérêts (12).
En 2001 (13), la Cour de cassation avait relevé qu'un "plan emploi" ne subordonnait le départ volontaire de salariés à un accord préalable de la société que, dans le cas où leur métier ferait partie de la liste de huit métiers sensibles définis. Le salarié n'exerçait pas un métier sensible figurant sur cette liste : la société X n'avait pas à donner son accord préalable à son départ, mais était seulement fondée à vérifier qu'il remplissait les conditions pour prétendre bénéficier des dispositions prévues pour les candidats à un départ volontaire. La société avait refusé au salarié le bénéfice de ces dispositions aux motifs qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par le plan emploi tenant à l'occupation d'un poste supprimé ou d'un poste permettant un reclassement. Il n'était pas justifié par la société que le poste occupé par le salarié ne pouvait permettre un reclassement. Bref, le salarié remplissait, ainsi, l'ensemble des conditions prévues par le protocole pour un départ volontaire. Le refus de la société de l'en faire bénéficier était injustifié.
C - Régime conventionnel
Certains plans de sauvegarde de l'emploi organisent, eux-mêmes, une assimilation entre départ négocié et licenciement. Le juge ne peut alors que constater cette assimilation. Ainsi, dans l'affaire précédemment étudiée (14), la Cour de cassation a relevé qu'il résultait du protocole conclu le 29 janvier 1996 que les départs volontaires étaient assimilés à des licenciements économiques. En l'espèce, la société X a signé avec des organisations syndicales un "protocole d'orientation pour un dispositif d'ajustement de l'emploi Courbevoie-Lyon 1996-1997" définissant certaines mesures destinées à éviter les licenciements et définissant, notamment, les conditions de départ volontaire de certains salariés.
Dans une autre affaire (15), la Cour de cassation a décidé qu'il résultait de l'article 2.2 du plan social que, dès lors que le salarié aurait décidé de quitter l'entreprise, il serait procédé à son licenciement économique selon les modalités légales et conventionnelles. Le choix du départ volontaire n'emportait pas rupture d'un commun accord mais constituait l'une des trois modalités de licenciement économique prévues par le plan social.
II - L'arrêt "Renault" n'est pas un complet revirement de jurisprudence
A - Maintien du statu quo ante
En l'espèce, les syndicats faisaient grief aux juges du fond de les débouter de leur demande. Ils relevaient qu'en cas de réduction d'effectifs décidée par l'employeur et inspirée par des raisons d'ordre économique, l'employeur doit respecter les dispositions d'ordre public de la législation applicable aux licenciements collectifs pour motif économique, peu important que les emplois ne soient supprimés que par la voie de départs volontaires. La législation du licenciement collectif pour motif économique se caractérise, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, par l'établissement et la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi intégrant un plan de reclassement prévoyant en priorité des actions de reclassement interne.
Pour le demandeur, la cour d'appel de Versailles s'est retranchée derrière la liberté, de quitter ou non l'entreprise, des salariés concernés par le plan de départs volontaires pour dispenser la société "Renault" de toute recherche de reclassement interne au bénéfice des salariés susceptibles d'être touchés par le projet de suppression d'emplois intitulé "plan d'ajustement des effectifs". En affranchissant ainsi l'employeur du respect des obligations légales relatives au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel aurait violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.
La Cour de cassation leur a donné partiellement raison, dans la mesure où elle a rappelé la solution en vigueur jusque là : l'employeur qui, pour des raisons économiques, entend supprimer des emplois en concluant avec les salariés intéressés des accords de rupture amiable est tenu d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, lorsque les conditions prévues par l'article L. 1233-61 du Code du travail sont remplies.
B - Les conditions de dispense de mise en place d'un PSE
Pour la Cour de cassation, un plan de reclassement, qui ne s'adresse qu'aux salariés dont le licenciement ne peut être évité, n'est pas nécessaire, dès lors que le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppressions d'emplois. La cour d'appel a constaté que la société Renault s'était engagée, dans la mise en oeuvre de son plan d'ajustement des effectifs basé sur le volontariat, à ne prononcer aucun licenciement. Pour la Cour de cassation, les juges du fond en ont exactement déduit que cet employeur n'était pas tenu d'établir un plan de reclassement.
Le communiqué de presse diffusé par la Cour de cassation (sur son site internet) relève qu'"il est en effet apparu que l'obligation légale de prévoir des mesures de reclassement interne ne peut, par définition, concerner des salariés qui décident volontairement de quitter l'entreprise puisque ceux-ci peuvent, en tout état de cause, éviter une rupture de leur contrat en ne se portant pas volontaires pour un départ négocié, ce qui rend alors sans objet la recherche d'un reclassement. Par ailleurs, le plan de reclassement ne s'adressant, selon l'article L. 1233-61 du Code du travail, qu'aux salariés dont le licenciement ne pourrait être évité", il ne paraît pas utile lorsque l'employeur exclut toute rupture prenant la forme d'un licenciement".
Bref, il ressort de cette jurisprudence "Renault" que, dès lors qu'un employeur met en place un plan d'ajustement des effectifs basé sur le volontariat, s'engageant ainsi à ne prononcer aucun licenciement, il n'est plus tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi, parce que l'élément qui conditionne la mise en place du PSE, le licenciement, fait défaut. Faute de licenciements qui seront prononcés (en raison justement du plan de départs volontaires que l'employeur met en place), l'employeur n'a plus à mettre en place de PSE.
L'absence de licenciement rend inutile le PSE : l'argument a suscité la polémique. Certains l'ont soutenu, mettant en avant le réalisme et le pragmatisme de la Cour de cassation (16). D'autres l'ont critiqué (17), comme contraire au principe même du plan de sauvegarde de l'emploi, destiné non seulement à limiter et éviter les licenciements pour lesquels l'employeur n'aurait pas trouvé d'alternatives, mais aussi, plus largement, à assurer un reclassement aux salariés, qu'il soit interne ou externe à l'entreprise. Or, l'arrêt rapporté se focalise sur le premier objectif assigné au PSE (éviter les licenciements), mais néglige la seconde dimension (assurer le reclassement des salariés). Certes, en l'espèce, l'employeur (la société Renault) est parvenu à ne prononcer aucun licenciement, grâce à ce plan de départs volontaires. Il a, donc, parfaitement satisfait aux obligations assignées par le législateur, au titre d'un PSE. Mais, l'employeur a failli à son obligation de reclassement.
L'argument, implicitement mis en avant pour justifier la décision de la Cour de cassation, n'est pas vraiment satisfaisant. Il s'appuie sur l'article L. 1233-61, alinéa 2, selon lequel le plan de sauvegarde de l'emploi intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. Puisque le législateur indique que le plan de reclassement vise à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, il faut en déduire, selon la Cour de cassation, que le reclassement ne vise que les salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, bref, les salariés licenciés (ou, en d'autres termes, licenciables). Tel n'est pas le cas des salariés inscrits dans un plan de départ volontaire, qui, par définition, ne font pas l'objet d'une mesure de licenciement.
Au final, la solution n'est pas satisfaisante, et ce, doublement : elle écarte du bénéfice de mesures de reclassement des salariés qui quittent l'entreprise (qu'importe, à ce stade, que la rupture du contrat de travail soit qualifiée de "licenciement" ou de "départ négocié") ; elle introduit une discrimination entre les salariés, au regard du droit au bénéfice de mesures de reclassement, selon la nature de la rupture du contrat de travail et sa qualification, de "licenciement" ou de "départ négocié". En ce sens, dans une matière voisine, la Cour de cassation, en 2007 (18), affirmait qu'un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut prévoir la substitution des mesures qu'il comporte (destinées à favoriser le reclassement) par une indemnisation subordonnée à la conclusion d'une transaction emportant renonciation à toute contestation ultérieure de ces mesures.
(1) B. Boubli, Les plans de départs volontaires dans un PSE multifonctions, JCP éd. S, 2010, n° 1383, p. 17 ; C. Delplancke et P. Laschon, Les départs négociés, 1993, Litec, n° 69 ; P. Bailly, P. Msasanovic et R. Dupiré, Du motif économique aux départs volontaires, SSL, n° 1385 ; G. Couturier, Sur le motif économique des départs volontaires, Dr. soc., 2007, p. 978 ; R. Dupire, Départs volontaires pour cause économique et reclassement, JCP éd. S, 2009, n° 1210 ; F. Duquesne, Départs volontaires et procédures de licenciement économique, Dr. soc., 1995, p. 576 ; Articulation des règles du licenciement et de celles applicables aux départs volontaires, JCP éd. E, 1999, n° 1972 ; F. Favennec-Héry, Les plans de départs volontaires : nouvelle approche, JCP éd. S, 2010, n° 1381, p. 13 ; Les plans de départs volontaires autonomes, JCP éd. S, 2010, n° 1387, p. 21; F. Lepany, Compression d'effectifs et départs négociés, SSL, 2 novembre 1993, n° 669, p. 3 et s.; P. Lokiec, Départs volontaires, GPEC et licenciement pour motif économique, Dr. soc., 2008, p. 1238 ; J.-M. Mir, La modification substantielle du contrat de travail pour cause économique, TPS, 1995, Chron. 3 ; Les plans de départs volontaires dans le cadre d'un accord de GPEC, JCP éd. S, 2010, n° 1382, p. 14 ; P. Morvan, Libérer le départ volontaire pour motif économique, Dr. soc., 2005, p. 59 ; Ch. Radé, L'autonomie du droit du licenciement. Brefs propos sur les accords de rupture amiable du contrat de travail et les transactions, Dr. soc., 2000, p. 178 ; P. Y. Verkindt, Plans sociaux. Un outil de sélection du personnel ?, Dr. soc., 1994, p. 464.
(2) Cass. soc., 13 septembre 2005, n° 04-40.135, FS-P+B (N° Lexbase : A4536DK9), v. les obs. de Ch. Radé, Accords négociés et licenciements économiques, ou le mariage de la carpe et du lapin, Lexbase Hebdo n° 183 du 29 septembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N8886AIX).
(3) F. Champeaux, Le sacre du PDV autonome, SSL, 2 novembre 2010, n° 1465 ; P. Bailly, Rapport, Volontariat et reclassement : quelle compatibilité ?, SSL, 2 novembre 2010, n° 1465, p. 8 ; E. Dockès, Le PSE sans reclassement : naissance d'une chimère, SSL, 2 novembre 2010, n° 1465, p. 11 ; F. Aknin, L'égalité de traitement appliquée aux départs volontaires, SSL, 2 novembre 2010, n° 1465, p. 14.
(4) V. not., G. Couturier et J. Pélissier, Le reclassement interne est-il compatible avec les départs volontaires ?, SSL, n° 1411, p. 208 ; S. Niel, Comment élaborer un plan de départs volontaires pour motif économique, Les cahiers du DRH, juin 2009, n° 155, p. 241 ; M. Hautefort, Plan de départs volontaires : il exclut toute recherche de reclassement, JSL, mai 2009, n° 255, p. 273 ; RJS, juillet 2009, n° 624 ; M.-L. Dufresnes Castets et Y. Tarasewicz, Un plan de sauvegarde de l'emploi se conçoit-il sans effort de reclassement ?, RDT, mai 2009, p. 282 ; Au-delà de l'affaire Renault, et plus généralement, V. Plan de départs volontaires... nouvelle alternative au PSE ? - Questions à Maître E. Laherre, Avocate à la Cour, Coblence & Associés, Lexbase Hebdo n° 365 du 1er octobre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9389BLC) ; PSE : vilain petit canard ou cygne d'Ionie du licenciement économique ? - Questions à Maître C. Davico-Hoarau, Avocate à la Cour, Coblence & Associés, Lexbase Hebdo n° 370 du 5 novembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N3602BMD) ; Rupture conventionnelle, rupture d'un commun accord et licenciements économiques - Questions à Maître S. Stein, Avocat associée du cabinet Eversheds, Lexbase Hebdo n° 340 du 5 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7696BIU).
(5) D. Dord, Rapport Assemblée nationale, n° 789 du 8 avril 2008 ; P. Bernard-Rémond, Rapport Sénat, n° 306, 2008.
(6) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-42.836 et 09-42.838, inédit (N° Lexbase : A6848E4E).
(7) Cass. soc., 22 février 1995, n° 92-11.566 (N° Lexbase : A0953ABW) ; Bull. civ. V, n° 68 p. 49 ; JCP, 1995. II. n° 22433, concl. av. gén. Y. Chauvy.
(8) Cass. soc., 10 avril 1991, n° 89-18.485 (N° Lexbase : A1623AAD) ; Bull. civ. V, n° 179, D., 1992, somm. 290, obs. M. A. Rotschild-Souriac, Dr. ouvrier, 1991. 208, note P. Moussy.
(9) Cass. crim., 29 novembre 1994, n° 93-81.321 (N° Lexbase : A2032AAI), Bull. crim., n° 385, p. 945, D., 1995, somm. 366, obs. I. de Launay-Gallot.
(10) Cass. soc., 29 mai 2002, n° 00-41.862 (N° Lexbase : A7905AYG), SSL, 10 juin 2002, n° 1079, p. 15 ; RJS, août-septembre 2002, n° 962.
(11) Cass. soc., 10 juillet 2001, n° 99-43.024 (N° Lexbase : A1743AU4), RJS, octobre 2001, n° 1127.
(12) Cass. soc., 29 mai 2002, préc.
(13) Cass. soc., 10 juillet 2001, n° 99-44.695 (N° Lexbase : A1909AUA), RJS, octobre 2001, n° 1126. La société X a signé avec des organisations syndicales un "protocole d'orientation pour un dispositif d'ajustement de l'emploi Courbevoie-Lyon 1996-1997" définissant certaines mesures destinées à éviter les licenciements et définissant notamment les conditions de départ volontaire de certains salariés. Ce protocole prévoyait que les départs volontaires étaient assimilés à des licenciements économiques et que les salariés qui opteraient pour un départ volontaire percevraient une indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle s'ajouteraient trois mois de préavis payés. Un plan d'emploi a défini au mois d'avril 1996 les conditions d'acceptation par la société des départs de candidats volontaires. Un salarié s'étant porté candidat à un départ volontaire, la société lui a indiqué qu'il ne pouvait en bénéficier. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir requalifier sa démission en départ volontaire dans le cadre du plan social et en paiement de diverses sommes.
(14) Cass. soc., 10 juillet 2001, préc..
(15) Cass. soc., 25 septembre 2001, n° 99-43.675 (N° Lexbase : A1149AWH), SSL, 8 octobre 2001, n° 1045.
(16) F. Champeaux, SSL, 2 novembre 2010, préc, p. 8.
(17) E. Dockès, SSL, 2 novembre 2010, préc., p. 11.
(18) Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.410 (N° Lexbase : A7172DZN), RDT, 2008 p. 101, obs. A. Fabre ; JCP éd. S, 2008, n° 1151, obs. F. Dumont ; SSL, n° 1383, suppl. du 19 janvier 2009.
Décision Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-15.187, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6142GCH Rejet, CA Versailles, 14ème ch., 1er avril 2009, n° 09/01005 (N° Lexbase : A4821GNU) Textes concernés : C. trav., art. L. 1233-61 (N° Lexbase : L1236H9N) Mots-clés : Départs volontaires, départs collectifs, plan de sauvegarde de l'emploi, obligation de mise en place (non), recherche de reclassement sans objet, absence de rupture du contrat de travail. Liens base : |
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Le 04 Janvier 2011
8h30 : Accueil des participants
9h00 : Marie-Pierre de LaGontrie, vice-Présidente du conseil régional d'Île-de-France chargée des finances et de la contractualisation, Jean-Loup Salzmann, Président de l'Université Paris 13, Françoise Moulin Civil, Présidente de l'Université de Cergy Pontoise
Sous la présidence du Professeur Pierre-Yves Monjal, directeur du centre d'études et de recherches administratives et politiques de l'Université Paris 13
9h15 : Les critères définissant les juridictions non coopératives
- Les critères de l'OCDE, par Pascal de Saint-Amans, chef du secrétariat du forummondial OCDE
- OCDE: du pluriel au singulier, par Jean Luc Albert, Professeur à l'Université Lyon III, directeur du centre d'études et de recherches financières et fiscales
- Regard financier sur les paradis fiscaux, par Serge Gravel, avocat, cabinet Fasken Martineau
- Essai de typologie relative aux pratiques fiscales dommageables, par Benoît Delaunay, Professeur à l'Université de Poitiers
11h15 Débat et pause
11h30 Le devenir des techniques utilisées
- Les zones franches et d'exceptions, par Claudio Sacchetto, Professeur à l'Université de Turin, Italie
- La domiciliation fiscale en question, par Bruno Gouthière, avocat associé, CMS bureau Francis Lefebvre
- L'attractivité fiscale d'un pays émergent : le Brésil, par Maurin Almeida Falcao, Professeur à l'Université catholique de Brasilia, Brésil
- L'attractivité fiscale : une question nationale ? par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry Val-d'Essonne, membre du CERAP
13h Débat et déjeuner
Sous la présidence du Professeur Olivier Deshayes, directeur du laboratoire d'études juridiques et politiques de l'Université de Cergy-Pontoise
14h15 De la pertinence du nouveau dispositif de lutte
- Les débats concernant les nouveaux accords de coopération signés par l'Allemagne, par Michael Preisser, avocat, Professeur à l'Université de Lüneburg, Allemagne
- La coopération fiscale au regard de la protection des droits du contribuable, par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise, membre du LEJEP & du CERAP
- La politique des prix de transfert et les exigences de la transparence, par Mirko Hayat, Professeur affilié HEC-Paris, secrétaire général de l'observatoire européen de la fiscalité de l'entreprise
- Les accords anti-fraude au sein de l'espace économique européen Xavier Oberson, avocat, Professeur à l'Université de Genève, Suisse
15h45 Débat et pause
16h00 De nouveaux horizons
- Les accords d'association des pays du Maghreb et de l'union européenne à l'épreuve de la lutte contre les paradis, par Bachir Yelles, Professeur à l'Université d'Oran, Algérie
- Les clauses anti-abus : régulation ou pragmatisme ? par Pascal Weber, avocat à la cour.
- Après les listes : quelle politique envers les paradis fiscaux pour le G20 ? par Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d'Alternatives économiques, chercheur associé au centre for global economy de l'Université de Sussex
- De nouvelles pratiques administratives internationales, Agnieszka Bernacka, chef de la mission d'étude internationale des administrations fiscales-DGFIP
17h15 Réflexions
- A la recherche d'une gouvernance fiscale internationale, par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne-Aix Marseille III, Président de l'institut international des sciences fiscales, membre du CERAP
Date et lieu
- Vendredi 3 décembre 2010
- Conseil régional d'Île-de-France
57 rue de Babylone Paris 75007
Prix
- Montant : 200 euros déjeuner inclus (à régler par chèque à l'ordre de l'agent comptable de l'Université Paris 13)
- Manifestation reconnue au titre de la formation continue des avocats
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 04 Janvier 2011
Lexbase : Pourquoi apparaît-il aujourd'hui nécessaire de réformer la sous-traitance ?
Thierry Charles : La sous-traitance demeure un jalon essentiel dans le processus de gestion de la qualité et de la traçabilité. C'est également un facteur essentiel de l'aménagement du territoire à la fois pour développer le tissu industriel régional mais également pour attirer les investissements. Confrontés non seulement à des directeurs d'achats qui ne raisonnent souvent qu'en fonction du prix, mais aussi à l'imprévisibilité actuelle de la conjoncture (hausses des prix des matières, ruptures brutales d'approvisionnement, etc.), les sous-traitants, fréquemment "coincés" entre des donneurs d'ordres et des fournisseurs puissants (entre le marteau et l'enclume), pâtissent particulièrement de cette situation. Or, la loi du 31 décembre 1975 (loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance N° Lexbase : L5127A8E), qui fête cette année son trente-cinquième anniversaire, ne traite pas des abus de puissance économique ou du détournement des droits de propriété intellectuelle : elle ne vise que le non-paiement du sous-traitant. La raison de cette loi était de défendre le sous-traitant en cas de défaillance de son client immédiat, appelé "entrepreneur principal" et de lui conférer un droit direct envers le client final, le "maître d'ouvrage".
Aussi, les entreprises de sous-traitance demandent d'urgence un statut juridique réglementé de la sous-traitance industrielle : le contrat de sous-traitance devant être à tout le moins matérialisé par un écrit.
Il s'agit également de réaffirmer, dans une loi spécifique à la sous-traitance industrielle, le poids des conditions générales des fournisseurs dans la négociation commerciale, mises à mal à l'occasion de la loi de modernisation de l'économie ("LME") du 4 août 2008 (loi n° 2008-776 N° Lexbase : L7358IAR) où les débats n'ont concerné que la grande distribution (ce qui avait déjà été le cas à l'occasion de la réforme de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales N° Lexbase : L0102BIM, dite loi "Galland", entrée en vigueur au 1er janvier 1997).
Il s'agit, par ailleurs, de veiller à une répartition pertinente de la valeur ajoutée et des responsabilités. Il n'est pas acceptable que les sous-traitants se voient transférer des responsabilités croissantes sans que leur savoir-faire ainsi que leur propriété intellectuelle soient en retour reconnus, valorisés et protégés.
Les relations doivent pouvoir s'inscrire dans un objectif de long terme et non dans un perpétuel rapport de force. Il s'agit, enfin, de rétablir et d'améliorer le "privilège" de la clause de réserve de propriété pour le sous-traitant en s'inspirant de l'exemple allemand.
Lexbase : Quelles sont les principales préconisations du rapport "Volot" ?
Thierry Charles : Le médiateur de la sous-traitance, Jean-Claude Volot, a remis, le 30 août 2010, son rapport sur "le dispositif juridique concernant les relations interentreprises et la sous-traitance", cette livrée de servitude. En synthèse, le médiateur recommande dans ses conclusions de ne pas réformer la loi de 1975 "qui donne toute satisfaction au secteur du BTP, pour lequel elle a été conçue à l'origine" (et qui ne concerne les autres secteurs d'activité qu'à la marge).
Toutefois, le rapport préconise de mieux faire appliquer les textes et, constatant que l'arsenal juridique existant prohibe déjà la plupart des mauvaises pratiques rapportées par les sous-traitants, le médiateur propose au Gouvernement une démarche en plusieurs étapes. Tout d'abord, il s'agirait de compléter le dispositif actuel par des sanctions appropriées. En effet, le document passe en revue l'ensemble du dispositif législatif en vigueur en matière de sous-traitance (Code civil, loi de 1975, articles L. 441-6 N° Lexbase : L8348IM7 et L. 442-6 N° Lexbase : L8640IMX du Code de commerce, loi n° 98-69 du 6 février 1998, tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier N° Lexbase : L4769GU8, dite loi "Gayssot", etc.) ainsi que son application, et recense, de manière non exhaustive, trente-cinq pratiques abusives stigmatisées notamment par la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) qui sont autant d'entorses aux lois existantes. A cet égard, Jean-Claude Volot ne manque pas de pointer du doigt la défaillance de l'Etat, qui n'a pas su, ou n'a pas voulu, utiliser les moyens d'action dont il dispose, alors que les sous-traitants croient encore trop souvent à la réalité de leur faute pour pouvoir agir : "avant de légiférer, il faut commencer par faire appliquer la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui, même si un certain nombre d'articles demandent à l'évidence à être modifiés, complétés ou précisés".
Ensuite, le rapporteur propose une nouvelle loi cadre, sur le modèle de la loi italienne du 18 juin 1998 sur la sous-traitance, qui "définisse les relations interentreprises industrielle et fixe les grandes orientations pour lutter contre les mauvaises pratiques dans ce domaine", une loi qui fixe les grandes orientations, comme l'obligation d'établir un contrat écrit, une présomption d'acceptation des sous-traitants connus du donneur d'ordres, le respect des droits de propriété intellectuelle, ou encore l'interdiction de clauses répertoriées comme abusives, etc.. Ce nouveau dispositif permettrait, selon Jean-Claude Volot, "de rendre le droit applicable aux relations interentreprises industrielles plus visible et plus lisible" et surtout d'éviter de répondre au cas par cas à de simples préoccupations sectorielles : un jour le bâtiment, le lendemain les transports routiers, le secteur du luxe, ou encore la grande distribution, etc..
Il conviendrait également, à l'instar des professions du BTP qui ont su, selon le médiateur, "s'organiser pour établir en leur sein des relations apaisées et régler en interne et par la voie de la conciliation [médiation] la plupart des conflits qui peuvent naître entre leurs adhérents", de développer les bonnes pratiques au sein des branches professionnelles.
Lexbase : Quelle est votre position sur ces diverses propositions ?
Thierry Charles : Au cours des Etats généraux de l'industrie, j'ai dénoncé, au nom de la sous-traitance industrielle, les mauvaises pratiques des donneurs d'ordres vis-à-vis de leurs sous-traitants. Dans le rapport publié par le médiateur des relations inter-entreprises industrielles et de la sous-traitance, auquel j'ai également contribué, ce sont trente-cinq pratiques abusives répréhensibles par la loi qui ont été relevées. Désormais, personne n'ignore plus que ces pratiques nuisent au développement, à l'innovation et à la compétitivité des entreprises alors que la sous-traitance est un maillon essentiel sur l'ensemble des filières industrielles.
Compte tenu du rapport de force défavorable aux sous-traitants, la médiation propose comme axe d'amélioration la mise en place d'une réforme du cadre juridique de la sous-traitance. Je ne peux être que favorable à cette proposition.
Lexbase : D'autres pistes de réflexion auraient-elles pu être envisagées ?
Thierry Charles : Il me semble particulièrement important de favoriser la mise en place d'un contrat écrit de sous-traitance afin de sécuriser juridiquement les relations entre les parties. Ce contrat pourrait notamment se référer aux usages des professions.
Il serait également souhaitable d'accentuer la protection des droits de propriété intellectuelle : faire reconnaître la propriété intellectuelle du sous-traitant lorsqu'il réalise lui-même le plan d'une pièce ou d'un outillage, même lorsque l'objet physique devient propriété du client. Cette propriété devrait être explicitement stipulée dans le contrat liant les parties ; il conviendrait aussi d'affirmer la prédominance des conditions générales de ventes des sous-traitants sur les conditions générales d'achat des donneurs d'ordres.
Enfin, il convient d'imposer le principe de "présomption d'acceptation des sous-traitants", leur permettant, notamment, de bénéficier véritablement de l'action directe en paiement dans le cadre de la loi de 1975, tout en renforçant la clause de réserve de propriété qui permet aussi de sécuriser le paiement des entreprises.
Lexbase : Est-il, selon vous, préférable de traiter de façon spécifique avec un texte particulier la sous-traitance industrielle ou de réformer de façon globale la loi de 1975 ?
Thierry Charles : Il me semble que la voie à privilégier est une loi dédiée à la sous-traitance industrielle telle que proposée dans le rapport du médiateur de la sous-traitance industrielle.
En droit français, réserve faite de la loi de 1975 qui ne permet qu'exceptionnellement de qualifier la sous-traitance industrielle, on utilise indifféremment les termes de "vente", de "fourniture", de "travail à façon" ou de "réalisation de pièces", etc.. Or, cette incertitude laisse ainsi une grande part d'interprétation au juge, ce qui profite aux donneurs d'ordres préférant parler du droit de vente offrant davantage de garanties. Aucun texte impératif ni supplétif ne régit spécifiquement les contrats auxquels sa pratique peut donner naissance, qu'il s'agisse de leur forme, de leur objet, de leur durée, ou du régime de responsabilité qui leur est applicable (il s'agit de ce que l'on appelle un "contrat innommé" ou d'une "convention sui generis").
Or, dans le régime juridique de la sous-traitance en Italie, selon la partie II de la loi n° 192 du 18 juin 1998, le rapport de sous-traitance est constitué par un contrat qui doit être rédigé par écrit, sous peine de nullité. La loi du 31 décembre 1975 ayant été élaborée en fonction de la sous-traitance immobilière et non pour la sous-traitance industrielle, il convient assurément de donner une bonne fois pour toutes une qualification juridique de la sous-traitance industrielle dans la loi. Les contrats de sous-traitance industrielle ne sont soumis à aucun contrôle de légalité de leurs stipulations (il en va autrement avec la loi n° 95-96 du 1er février 1995, concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d'ordre économique et commercial N° Lexbase : L2605DY7 : or, rien de tel dans le domaine des contrats de sous-traitance industriels) et aucun dispositif légal de contrôle a priori ou a posteriori ne vise à protéger les parties contre l'éventualité d'un déséquilibre significatif, au détriment du plus faible d'entre eux, dans le partage entre eux des droits et obligations résultant de leurs conventions. Ceci laisse tout loisir aux donneurs d'ordres d'imposer leurs conditions générales d'achats avec leur éventail de clause abusives sans cesse dénoncées auprès de la Commission d'examen des pratiques commerciales... en vain !
En conclusion, l'ineffectivité de la loi de 1975 à la sous-traitance industrielle trouvant ainsi sa source dans des facteurs d'inadéquation structurelle de ses mécanismes à ce secteur, aucune amélioration ne peut être raisonnablement attendue tant que l'on reste dans ce cadre juridique. C'est la raison qui justifie la recherche de mécanismes différents spécifiques à ce secteur, propres à procurer aux sous-traitants une protection effective, étant observé que cette méthode législative de "diversification" du régime de la sous-traitance pour l'adapter à des domaines particuliers a déjà été suivie par le législateur pour le secteur de la construction de maisons individuelles (loi n° 90-1129 du 19 décembre 1990, relative au contrat de construction d'une maison individuelle N° Lexbase : L2740INS) et pour celui des transports routiers (loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992, relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises N° Lexbase : L8610AGY, notamment), de préférence à une rénovation globale de la loi de 1975 qui rencontre l'opposition des opérateurs du secteur du bâtiment et des travaux publics, satisfaits de ce texte dans leur domaine. C'est ce qui conduit à proposer le dépôt d'un projet de loi spécifiquement consacré à la sous-traitance industrielle, qui prendrait en compte ses spécificités actuelles, et en particulier l'existence de la sous-traitance en chaîne.
(1) Thierry Charles devrait publier, en janvier 2011, un ouvrage intitulé Le sanctuaire de la sous-traitance industrielle, maison d'édition à définir. Du même auteur, cf. Réforme des délais de paiement et modernisation de l'économie. De l'intention aux actes ?, Edition Lignes de repères, 2009.
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Le 04 Janvier 2011
Quels que soient les domaines du droit ou presque, la Cour de cassation -faisant ou non oeuvre prétorienne- nous a habitués, depuis ces dernières décennies, à veiller au strict respect du formalisme légal, voire à ajouter encore à celui-ci, comme en droit du travail, notamment. Dans le domaine spécifique de l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation, issue de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (N° Lexbase : L7887AG9), elle a semblé procéder de la même manière. Qu'elle se soit conformée à la sanction prévue à l'article L. 211-13 du Code des assurances (N° Lexbase : L0274AAE) (1) et n'ait cessé de l'appliquer (2) n'appelait pas de critiques. Qu'elle ait décidé que pouvait être assimilée à une absence d'offre l'offre insuffisante (3), s'avérait déjà être une interprétation prétorienne qui ne figurait pas dans la loi.
Elle avait même considéré que l'offre d'indemnisation à la victime doit être effectuée uniquement auprès de celle-ci et non de son assureur qui, en l'absence de mandat, n'est pas son représentant (4). Et elle n'avait pas hésité à sanctionner l'assureur pour cette erreur d'aiguillage, si nous pouvons nous exprimer de cette manière triviale. C'étaient des analyses rigoureuses qui n'avaient pas manqué de faire l'objet de critiques. Certes les dispositions considérées sont d'ordre public (5) ; néanmoins, notre Haute juridiction faisait preuve de ce que certains n'hésitaient pas à nommer un certain rigorisme ou formalisme excessif. L'examen attentif des nombreux arrêts rendus en ce secteur du droit des assurances invite cependant à davantage de nuances ; et le présent arrêt corrobore ce point de vue.
C'est pour cette photographie de la politique jurisprudentielle sur ce thème que l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 septembre 2010 retient l'attention. Les faits, classiques en eux-mêmes quant à leur fréquence, appellent juste une précision eu égard à la qualité des protagonistes en présence. En effet, s'il s'agissait d'un (trop) classique accident de la circulation à l'origine de blessures, la victime était un avocat, et l'auteur du dommage, un véhicule de la société d'assurance elle-même. Pour autant, il convient de se garder de toute conclusion hâtive. La plus grande circonspection s'impose. Et la Cour de cassation n'a assurément pas manqué d'y veiller.
Plus précisément la naissance du litige ne provenait pas de l'absence totale d'offre d'indemnisation par l'assureur à l'assuré. Le professionnel avait respecté l'exigence de l'article L. 211-9 du Code des assurances (N° Lexbase : L6229DIK), selon laquelle, lorsque l'assureur n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime, il peut se contenter d'une offre provisionnelle c'est-à-dire incomplète, à condition de l'effectuer au cours des trois mois suivants la date de survenance de l'accident. Comme chacun le sait, il dispose alors de cinq mois supplémentaires pour effectuer une offre définitive, après qu'il ait reçu communication de la consolidation de l'état de la victime.
C'est cette seconde offre par l'assureur qui n'avait pas eu lieu et qui donnait lieu à demande d'application de la sanction de l'article L. 211-13 du Code des assurances. Et la cour d'appel de considérer que l'assureur avait failli à ses obligations. La condamnation au paiement des intérêts au double du taux légal apparaissait inévitable. Pourtant, la Cour de cassation décide que "l'assureur avait, à la suite du premier rapport [...], fait dans le délai légal une offre qui n'était pas manifestement insuffisante". Elle ajoute surtout que "le dépôt d'un nouveau rapport d'expertise ne lui imposait pas de présenter une nouvelle offre". Loin de faire preuve d'une sévérité excessive à son encontre, elle s'adapte aux circonstances.
Sur le fond, la solution relève du bon sens et ne peut qu'être approuvée. En effet, si, d'un point de vue pratique, la consolidation de l'état de la victime ne révèle aucune évolution significative par rapport à la première période, multiplier les exigences formelles engendre des coûts supportés, en définitive, par la collectivité des assurés garantis pour le même risque. Là ne se situe toutefois pas l'argument majeur. Le plus important -nous semble-t-il- consiste à noter que la décision ne retire rien à la victime, car celle-ci dispose toujours de la possibilité de refuser l'offre lui ayant été faite comme étant manifestement insuffisante. Enfin, d'un point de vue juridique strict, les textes ne font pas obstacle à une telle conception de la jurisprudence.
Cette décision de la Cour de cassation reçoit, sans doute, pour partie, une explication dans une certaine malignité de quelques victimes, c'est-à-dire de leurs avocats -pas toutes loin s'en faut-, usant et abusant de l'aspect formel des règles énoncées par les textes considérés et attendant sans réagir que le délai légal soit expiré pour réclamer une indemnité augmentée des intérêts au double du taux légal. Nul ne prétend que ces comportements se généralisent ; toutes les hypothèses d'accident ne sauraient être concernées. Toutefois, nos magistrats semblent avoir été sensibles au caractère trop systématique d'un formalisme nécessaire en cas d'absence de diligence de l'assureur, mais non indispensable lorsque telles ne sont pas les circonstances réelles.
C'est donc à une certain équilibre global auquel la Cour de cassation parvient. S'il est logique que la Cour de cassation sanctionne l'assureur qui n'effectue aucune offre d'indemnisation (6), il est également légitime qu'elle refuse de le faire lorsque, par exemple, l'assureur avait, en appel, effectué une offre d'indemnisation qui n'avait pas été examinée, ou bien encore lorsqu'il avait déduit de son offre le montant de la créance de la CPAM (7). C'est ainsi aussi qu'elle apparaît sage en admettant une réduction de la pénalité due à l'assureur lorsque le retard de l'offre de l'assureur ne lui était pas imputable car résultait d'une absence de mise en possession du procès-verbal d'enquête de la police nationale (8), ou enfin dans l'hypothèse où l'état de consolidation de la victime ne lui a pas été fournie (9).
Dura lex, ce qui permet à la jurisprudence de l'adapter aux cas particuliers...
Véronique Nicolas, Professeur agrégé de la Faculté de droit de l'université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen, Membre de l'IRDP
L'application de l'article L. 113-8 du Code des assurances (N° Lexbase : L0064AAM), relatif à la sanction pour fausse déclaration du souscripteur à l'assureur, notamment lors de la conclusion du contrat d'assurance, connaît les nombreuses illustrations que chacun sait. La jurisprudence a été prolixe sur le sujet, ou, plus exactement, les avocats ne se lassaient pas de tenter de sauver l'assuré auquel le professionnel contestait la mise en oeuvre de la garantie d'assurance en raison du silence coupable de leur cocontractant. Matérialisation spécifique au droit des assurances du dol par réticence, la manoeuvre est, hélas, de plus en plus fréquente, comme en témoigne le taux de fraudes aux contrats d'assurance qui, en France, frise le scandale puisque la collectivité des assurés en pâtit lorsque le pot aux roses n'est pas découvert.
Parce que l'assureur n'a pas d'autre choix que de faire confiance au souscripteur lorsqu'il effectue les déclarations demandées, le législateur n'avait pas manqué de prévoir une sanction, assez sévère quoique légitime, à l'encontre du fraudeur avéré, en dehors de toute incompréhension ou erreur involontaire de sa part. Certes, des exceptions existent : le contrat d'assurance peut avoir fait l'objet d'une clause d'incontestabilité, ou bien, dans le cadre de clauses de valeur agréées c'est-à-dire après avoir déterminé le coût précis des biens assurés. Il demeure que ces hypothèses ne sont pas si fréquentes et même inconnues des assurances de masse comme en l'espèce, à l'occasion de crédits accordés sous condition de la souscription d'une assurance maladie.
Par conséquent, la Cour de cassation a parfois sanctionné sans ménagement des comportements déloyaux -pour employer un euphémisme- de la part de tel ou tel souscripteur. En dépit de l'imagination débordante de certains de ces derniers, la Cour de cassation jugeait peut-être moins utile de publier ces arrêts en raison de leur affligeante banalité. Pourtant, elle a décidé de le faire dans le cas présent. C'est qu'un certain enseignement mérite d'être retiré de cette espèce. A priori, les faits sont classiques : un homme ayant sollicité un prêt auprès d'un établissement de crédit doit souscrire une assurance de personnes, une assurance maladie au moins. N'ayant pas réglé les échéances de prêt à temps, il s'adresse à l'assureur qui refuse la garantie en raison d'une fausse déclaration relative à son état de santé.
Concrètement, il avait affirmé ne pas être atteint d'affection nécessitant un traitement médical régulier et ne pas avoir subi, pendant plus de trente jours consécutifs ou non un arrêt de travail pour des raisons médicales au cours des douze derniers mois. La formule est traditionnelle dans nombre de contrats de ce type. La Cour de cassation considère, toutefois, que la cour d'appel n'a pas recherché si l'omission du souscripteur avait changé l'objet du risque et l'opinion de l'assureur. Pour avoir omis d'en apporter la démonstration, l'arrêt de la cour d'appel est cassé pour manque de bases légales. Conforme à la jurisprudence, il témoigne d'une certaine souplesse de mis en oeuvre de la part de la Cour de cassation.
Pour la Cour de cassation, la cour d'appel aurait dû préciser en quoi l'omission du souscripteur avait changé l'objet du risque ou modifié l'opinion de l'assureur, c'est-à-dire l'appréciation que l'assureur pouvait effectuer pour calculer le montant des primes à exiger. Car, chacun le sait, l'enjeu est celui-là : permettre au professionnel d'estimer l'ampleur du risque qu'il envisage d'assumer afin de fixer un juste montant de la prime d'assurance par comparaison avec les tarifs pratiqués, pour le même risque, envers les autres assurés. Et, nul n'ignore, non plus, que c'est dans cette perspective que se situe l'article L. 113-8 du Code des assurances. L'arrêt reprend, d'ailleurs, au mot près, la formule de ce texte : l'omission ou la fausse déclaration qui "change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur".
L'emploi de la formule n'est pas récent (10) ; la Cour de cassation l'utilise avec constance pour justifier comme pour refuser d'appliquer la sanction de nullité (11). Parce que l'assureur est, sur ce plan, souvent démuni et contraint de faire confiance au souscripteur, la jurisprudence de la Cour de cassation en ce domaine a pu, parfois, être considérée comme favorable à ce dernier en ce qu'elle avait une interprétation souple ou large des conditions de l'article L. 113-8 du Code des assurances. La conclusion inverse ressort donc de la présente espèce, ce dont il ne faut toutefois pas pas réellement s'étonner. En effet, le contrat d'assurance maladie ne résultait pas d'une souscription à titre individuel, mais d'une assurance de groupe, dans le cadre d'un emprunt bancaire.
Or, au risque de proférer une platitude, la jurisprudence, dans ce secteur du droit des assurances, se caractérise par une sévérité croissante à l'égard des professionnels concernés, tandis qu'une certaine mansuétude est accordée aux adhérents, profanes, contraints souvent de répondre à des questionnaires, sans avoir le temps d'y réfléchir, posément. Et l'on sait combien la Cour de cassation veille à ce qu'une information véritable de ce dernier ait lieu. Si tel n'était pas le propos de cet arrêt, le souci de notre Haute juridiction de ne pas décider d'une sanction majeure, telle la nullité, transparaît de sa décision de publier cet arrêt, aux circonstances classiques. Qu'on se le dise.
Véronique Nicolas, Professeur agrégé de la Faculté de droit de l'université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen, Membre de l'IRDP
En matière de baux d'habitation, l'article 7 g) de la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462 N° Lexbase : L8461AGH) impose à tout locataire de "s'assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d'en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur. La justification de cette assurance résulte de la remise au bailleur d'une attestation de l'assureur ou de son représentant.
Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d'assurance du locataire ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit, à peine de nullité, les dispositions du présent paragraphe".
Lorsqu'aucune loi n'a pas prévu une telle obligation d'assurance, la convention litigieuse doit l'avoir expressément stipulée, faute de quoi il ne saurait y avoir de faute de la part du locataire. Un arrêt de la troisième chambre civile en date du 20 janvier 2010 (12), rendu à propos d'une location en meublé, l'a clairement rappelé, qualifiant de motif erroné mais surabondant, le "défaut de souscription d'un contrat d'assurance, [alors que] l'obligation pour le locataire d'un local meublé de s'assurer contre les risques dont il doit répondre [est], sauf stipulation expresse contraire, facultative".
De telles stipulations sont usuelles dans les baux commerciaux ou encore dans les contrats de distribution (franchise, concession).
Quel que soit le type de bail et la source (légale ou conventionnelle) de l'obligation de contracter assurance, son défaut expose le locataire à la résiliation de son bail, soit judiciaire, soit de plein droit (par application d'une clause résolutoire).
La problématique sert donc une réflexion sur l'importance de l'assurance.
Sur le fondement de la loi du 6 juillet 1989, la jurisprudence a déjà rendu d'intéressantes décisions quant au défaut d'assurance. C'est surtout par un arrêt de la Cour de cassation rendu en 2006 (13) que la question a reçu l'éclairage le plus intéressant.
Il s'agissait d'apprécier si le défaut d'assurance du locataire peut justifier un congé émanant du bailleur, lequel doit être d'une nature suffisante pour caractériser un "motif légitime et sérieux" au sens de la loi de 1989. Dans cette espèce, à l'occasion d'un dégât des eaux survenu dans un immeuble, fut révélé le fait que le locataire n'avait pas souscrit d'assurance. Comme les loyers étaient également payés avec retard, le bailleur lui a délivré congé en se prévalant de l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989. On notera que, s'il avait déjà été jugé que le défaut d'assurance constitue un manquement grave susceptible de nuire gravement au propriétaire, caractérisant par là même un motif légitime et sérieux (14), la question se posait ici sous un angle nouveau, donnant son intérêt à l'arrêt. Le problème posé s'est, à cette occasion, cristallisé autour de la date d'appréciation de ce manquement. En effet, alors que le congé avait été délivré le 22 mai 2002, le locataire justifiait avoir souscrit une assurance depuis le 11 décembre 2001. Selon le pourvoi, l'inexécution par le locataire de l'une de ses obligations (ici s'assurer) devait s'apprécier à la date de notification du congé, et ne pourrait constituer un motif légitime et sérieux de non-renouvellement du bail si l'inexécution a cessé à cette date.
La Cour de cassation n'a pas suivi cette analyse aux motifs que "l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant pouvant constituer un motif légitime et sérieux de congé même si elle a cessé à la date de délivrance de ce congé, la cour d'appel, qui a constaté qu'à l'occasion d'un dégât des eaux survenu dans l'immeuble, il était apparu que M. Y n'avait pas souscrit une assurance et que cette carence faisait courir un risque important à la bailleresse".
L'emploi du verbe "pouvoir" indique clairement, à l'attention des juges du fond qui exercent un pouvoir souverain dans l'analyse des faits, que la sanction du caractère sérieux et légitime du congé donné pour défaut d'assurance du locataire doit procéder d'une analyse in concreto les incidences du défaut d'assurance.
Le critère fourni par cet arrêt est tout aussi net : le défaut d'assurance du locataire s'apprécie à l'aune de l'importance du risque qu'il fait courir à son bailleur.
Les enseignements de cette jurisprudence nous semblent transposables au bail commercial, tel que visé dans l'arrêt de la troisième chambre civile du 14 septembre 2010 ici examiné, où l'obligation d'assurance avait été expressément stipulée dans le bail.
En l'espèce, l'importance du manquement du locataire est patent puisque, comme le relèvent les Hauts magistrats : "les lieux n'avaient pas été assurés de juin 2003 à septembre 2006" et "les garanties [...] n'avaient été souscrites qu'à compter du 1er janvier 2009 sans qu'il soit justifié du règlement de la cotisation correspondante".
Une durée d'absence de couverture supérieure à trois ans est "assurément" suffisamment substantielle pour faire courir un risque important au bailleur.
Pour mieux étayer cette importance, la Cour de cassation relève que "le montant exorbitant des cotisations sollicitées par les compagnies d'assurance pour couvrir l'ensemble des risques définis par le bail n'était pas de nature à exonérer la locataire de l'obligation qu'elle avait contractée mais qu'il était par contre révélateur de l'importance des risques créés par l'activité exercée par celle-ci dans les lieux".
Voilà qui justifie que la cour d'appel ait pu souverainement déduire "que la gravité du manquement [du locataire] résultant d'un défaut d'assurance [...] justifiait à lui seul le prononcé de la résiliation judiciaire du bail". En outre, une telle faute privera le locataire de toute indemnité d'éviction.
On achèvera de convaincre que le locataire serait bien inspiré de respecter son obligation d'assurance à la lumière d'un autre arrêt récent de la Cour de cassation (15). Dans cette espèce, le locataire "qui avait pour obligation de justifier de la souscription d'une assurance dès la première réquisition de son bailleur, n'avait pas respecté cet engagement dans le mois du commandement", et cette faute est consommée "même si cette société rapportait la preuve a posteriori que les locaux étaient couverts par une assurance durant le mois qui avait suivi la délivrance du commandement", les juges considérant que "la clause résolutoire avait valablement joué".
Ainsi, outre le défaut d'assurance à proprement parler, l'absence de justification d'assurance est, en soi, fautive. La sanction est logique : le locataire doit souscrire un contrat, veiller à ce qu'il soit toujours en vigueur et déférer à toute demande de vérification par son bailleur.
De son côté, le bailleur a tout intérêt à procéder périodiquement à une telle vérification. Un arrêt a d'ailleurs retenu la responsabilité personnelle du gérant d'une SCI bailleresse n'ayant pris aucune mesure à l'encontre du locataire ne justifiant pas avoir souscrit une assurance contre les risques locatifs (16). Le gérant engage ainsi sa responsabilité à l'égard des associés de la société, lesquels vont souffrir de la perte de valeur de l'immeuble incendié et non couvert à cause du défaut d'assurance.
On achèvera ce propos en soulignant que l'absence d'assurance souscrite par le preneur peut être palliée par l'assurance souscrite par le bailleur. Il est notamment possible, pour le bailleur, de conclure une assurance de "deuxième ligne", conditionnée à l'absence d'assurance souscrite par le locataire.
Toutefois, une telle sécurité prise par le bailleur ne saurait exonérer le locataire de sa responsabilité et le faire échapper à la sanction.
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
Voici un arrêt qui donne l'occasion à la Cour de cassation d'un florilège en matière de construction. Nous concentrerons, pour l'heure, notre attention sur un aspect : la nature des dommages garantis et leur qualification en dommages matériels ou immatériels.
Il résulte des articles L. 241-1 (N° Lexbase : L6691G9P) et L. 243-1 (N° Lexbase : L6695G9T) du Code des assurances que l'assurance obligatoire de responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulation contraire, aux dommages immatériels.
En l'espèce, une société industrielle a fait reconstruire ses locaux. Des fissures étant apparues sur le dallage, le maître de l'ouvrage a assigné l'ensemble des intervenants en indemnisation de ses préjudices.
Les garanties obligatoires sont calquées sur la responsabilité décennale et prévues par les clauses-types visées par l'article A. 243-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L9756IE3). Cet article dispose que "le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage". En outre, "les travaux de réparation, notamment en cas de remplacement des ouvrages, comprennent également les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage, éventuellement nécessaires".
Outre ces garanties obligatoires, le contrat d'assurance "RC décennale" peut prévoir la couverture d'autres dommages, notamment les dommages immatériels consécutifs. Cette notion de dommages immatériels fait toujours l'objet, en pratique, d'une définition dans la police d'assurance concernée. On inclut généralement dans cette catégorie tous les dommages autres que matériels ou corporels : il en va ainsi, notamment de la privation de la jouissance d'un droit, ou de l'interruption du service rendu par une personne ou par un bien. En matière de construction, cela vise essentiellement les préjudices subis par le propriétaire du fait de l'inoccupation des locaux à la suite des dommages, des pertes d'exploitation (pertes industrielles, commerciales ou locatives), des surconsommations d'eau ou d'électricité, ou encore de la dépréciation de l'immeuble.
La délimitation entre dommages matériels, relevant de la garantie obligatoire, et dommages immatériels, soumis à la "liberté contractuelle" en termes de franchise et de plafond, pose régulièrement difficulté et alimente une jurisprudence fournie.
Un arrêt de la première chambre civile du 11 octobre 1988 (17), a ainsi jugé :
"Attendu qu'après avoir constaté que la police d'assurances couvrait 'les dommages matériels subis par la construction et les dommages immatériels (à l'exclusion de tout préjudice corporel) subis par le propriétaire ou l'occupant de la construction et résultant directement ou indirectement d'un risque garanti', la cour d'appel a, par une interprétation nécessaire des termes ambigus de la clause litigieuse, énoncé que la consommation anormale d'eau représentait un dommage immatériel résultant d'un risque décennal".
On notera, toutefois, qu'un arrêt d'appel postérieur (18) a jugé en sens contraire, qualifiant de dommage matériel relevant de la garantie décennale, la surconsommation d'eau potable liée à une fuite d'un réseau d'alimentation d'eau potable de deux lotissements.
En dernier lieu, un arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2010 (19) a porté sur la qualification de l'édification de bâtiments provisoires, dits "bâtiments tampons". Relèvent-ils des travaux de réparation au sens de l'article A. 243-1 ? La Haute juridiction a jugé que "ne constituent pas la réparation d'un préjudice matériel les sommes accordées pour la construction de bâtiments provisoires, qui ne peut être assimilée à des travaux de réparation réalisés sur l'ouvrage affecté de désordre lui-même".
Preuve que la qualification était difficile :
- Le tribunal avait estimé que ces constructions étaient indispensables pour permettre la poursuite de l'activité industrielle du site et éviter des pertes d'exploitation, qu'elles avaient donc pour finalité d'empêcher la réalisation d'un préjudice de jouissance lié à l'indisponibilité des lieux sinistrés. Ils avaient donc conclu à la qualification de dommages immatériels ;
- La cour d'appel avait, au contraire, considéré qu'il ne s'agissait pas là de couvrir un préjudice d'exploitation ou de jouissance, mais qu'il s'agissait d'ouvrages, donc de dommages matériels. Le bâtiment tampon était considéré comme "une modalité nécessaire de remise en état des lieux sinistrés, et qu'ils devaient à ce titre être considérés comme réparant le préjudice matériel résultant pour l'entreprise concernée de la détérioration et de la destruction des matériaux mis en oeuvre".
Un arrêt confirmatif avait retenu notre attention dans le cadre de cette chronique (20).
Nous avions alors été convaincus que ces constructions provisoires devaient relever des dommages immatériels, en ce qu'ils ont pour finalité essentielle de prévenir des pertes d'exploitation, afin de permettre à l'industriel de continuer à travailler dans l'attente de la réparation "définitive" des bâtiments industriels.
D'autres pensent qu'il y a place pour une qualification de dommage matériel hors du champ de l'assurance obligatoire (21), envisagée par une garantie facultative.
Nous avions alors ponctué cette étude en soulignant : "que la jurisprudence antérieure relative à la délimitation du périmètre de l'assurance obligatoire et à la distinction entre dommages matériels et immatériels n'invitait guère non plus à une lecture 'large' de la première catégorie. Ainsi, un arrêt du 13 mars 1996 (Cass. civ. 1, 13 mars 1996, n° 93-20.177 N° Lexbase : A9449ABL) avait jugé, à propos de désordres affectant une installation de chauffage, que 'les dépenses supplémentaires, faites pour assurer la continuation du chauffage, revêtaient le caractère de dommages immatériels' ; de même, les 'dépenses supplémentaires faites sous forme de construction d'un bâtiment provisoire, pour assurer la continuation de l'activité', revêtent-elles cette même nature.
L'arrêt du 14 avril 2010 s'inscrit donc dans une lecture classique et son mérite est sans doute d'attirer l'attention des 'assurés RC décennale' sur la nécessité qu'ils ont de veiller à la souscription d'une assurance facultative qui les couvre suffisamment.
A défaut, ils devront 'bourse délier' pour répondre de leur responsabilité que leur client ne manquera pas d'engager s'il ne peut obtenir de l'assureur aucune réparation ou une réparation plafonnée ne couvrant pas leur entier préjudice".
Dans l'arrêt du 20 octobre 2010, ici étudié, cette difficulté de qualification se pose à nouveau, dans un contexte toutefois différent.
L'un des assureurs, condamné à s'acquitter, in solidum avec les autres intervenants, à payer au maître de l'ouvrage une somme conséquente (plus de trois millions d'euros), a contesté la qualification du "coût de la manutention des racks et de la manutention process".
Alors que les juges du fond y avaient vu un préjudice matériel, l'assureur plaide pour une qualification en dommages immatériels.
Son moyen est rejeté, la Haute juridiction approuvant la qualification en dommage matériel au motif que "la réparation des dommages matériels doit comprendre l'intégralité des sommes nécessaires à la réfection des ouvrages et, dans le cas d'ouvrages habités ou exploités, doit comprendre le coût des déménagements des matériels existants lorsque ces déménagements s'imposent pour la réalisation des travaux de réfection, tel étant le cas en présence d'une réfection intégrale du dallage, la cour d'appel [...] a exactement retenu que les postes 'manutention des racks' et 'manutention process' retenus par l'expert concernent donc bien des postes annexes indispensables à la reprise matérielle des ouvrages et non des réparations de préjudices immatériels".
Le critère est ici limpide : ces coûts ne sont pas destinés à compenser des pertes ou une indisponibilité de l'immeuble. Ce sont des coûts nécessaires à la réparation matérielle de l'ouvrage. Ce sont donc des dommages matériels car ils ne sont pas "détachables" de la reprise.
Le critère de l'indivisibilité, visé par l'article A. 243-1 au chapitre des existants "techniquement indivisibles" de l'ouvrage neuf, est également un bon critère pour juger de la nature matérielle ou immatérielle du dommage.
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
(1) Cass. civ. 2, 20 janvier 1993, n° 91-11.999 (N° Lexbase : A5749AHE), Bull. civ. II, n° 20, p. 13.
(2) Cass. civ. 2, 16 décembre 2004, n° 02-19.450, FS-P+B (N° Lexbase : A4651DEY) ; Cass. civ. 2, 9 octobre 2003, n° 02-15.412, FS-P+B (N° Lexbase : A7217C98) Bull. civ. II, n° 292, p. 238 ; Cass. civ. 2, 23 septembre 1999, n° 97-21.741 (N° Lexbase : A7328CIA), Bull. civ. II n° 138, p. 99.
(3) Cass. civ. 2, 4 mai 2000, n° 98-20.179 (N° Lexbase : A0320CGX), Bull. civ. II, n° 72, p. 51.
(4) Cass. civ. 2, 11 octobre 2007, n° 06-14.611 (N° Lexbase : A7337DYE), Bull. civ. II, n° 228.
(5) Cass. civ. 2, 16 novembre 2006, n° 05-18.631 (N° Lexbase : A3238DSQ), Bull. civ. II, n° 320, p. 296.
(6) Cass. civ. 2, 25 février 2010, n° 08-20.587, FS-P+B (N° Lexbase : A4453ESQ), Bull. civ. II, n° 49.
(7) Cass. civ. 2, 13 mars 2003, n° 01-15.951, FS-P+B (N° Lexbase : A4149A7S), Bull. civ. II, n° 58, p. 51.
(8) Cass. civ. 2, 5 novembre 1998, n° 97-10.583 (N° Lexbase : A2492CGE), Bull. civ. II, n° 255, p. 153.
(9) Cass. civ. 2, 28 février 1996, n° 93-18.523 (N° Lexbase : A8299ABY), Bull. civ. II, n° 41, p. 26.
(10) Cass. civ. 1, 4 juin 1996, n° 94-10.486 (N° Lexbase : A9594ABX), Bull. civ. I, n° 233, p. 162 ; Cass. civ. 1, 1er mars 1978, n° 76-13.394 (N° Lexbase : A6409CE4), Bull. civ. I, n° 83, p. 69.
(11) Cass. civ. 1, 20 janvier 1998, n° 95-20.216 (N° Lexbase : A2014ACL), Bull. civ. I, n° 19, p. 12 ; Cass. civ. 1, 8 novembre 1994, n° 92-11.517 (N° Lexbase : A6806CG8), Bull. civ. I, n° 320, p. 231.
(12) Cass. civ. 3, 20 janvier 2010, n° 09-65.791 FS-P+B (N° Lexbase : A4833EQ3), Bull. civ. III, 2010, n° 15.
(13) Cass. civ. 3, 17 mai 2006, n° 05-14.495, FS-P+B (N° Lexbase : A8630DPC), Bull. civ. III, n° 126.
(14) CA Paris, 19 septembre 1991, Loyers et copr., 1992, n° 97.
(15) Cass. civ. 3, 24 juin 2009, n° 08-13.718, FS-D (N° Lexbase : A4177EIK).
(16) CA Angers, ch. comm., 11 décembre 2007, Droit des sociétés, n° 6, juin 2008, comm. 122, par R. Mortier.
(17) Cass. civ. 1, 11 octobre 1988, n° 87-14.304 N° Lexbase : A6107CRM)
(18) CA Aix-en-Provence, 3ème civ., 11 mars 2004, n° 2004/189, Garantie décennale et surconsommation d'eau, Construction - Urbanisme n° 9, septembre 2004, comm. 159, M.-L. Pagès de Varenne.
(19) Cass. civ. 3, 13 janvier 2010, n° 08-13.562, FS-P+B (N° Lexbase : A2935EQR).
(20) Cass. civ. 3, 14 avril 2010, n° 09-10.515, FS-P+B (N° Lexbase : A0571EW3), nos obs. in Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 397 du 3 juin 2010 - édition privée générale N° Lexbase : N2969BPN).
(21) En ce sens, M.-L. Pagès de Varenne, Construction - Urbanisme n° 6, juin 2010, comm. 92.
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Le 04 Janvier 2011
La mise en oeuvre de la responsabilité civile de l'avocat suppose, bien entendu, qu'une faute puisse lui être imputée. Elle peut, d'abord, consister dans un manquement de celui-ci à son obligation d'information et de conseil (1), étant entendu que le devoir de conseil est plus étendu que la simple obligation d'information et implique aussi que l'avocat soit tenu de donner des avis qui reposent sur des éléments de droit et de fait vérifiés, en assortissant ses conseils de réserves s'il estime ne pas être en possession d'éléments suffisants d'appréciation une fois effectuées les recherches nécessaires (2). Il lui incombe encore, à ce titre, d'informer son client de l'existence de voies de recours, des modalités de leur exercice et de lui faire connaître son avis motivé sur l'opportunité de former une voie de recours. Ce à quoi il faut ajouter, ensuite, que la faute de l'avocat peut, plus généralement, consister dans un manquement à l'une quelconque des obligations découlant du mandat qui le lie à son client (3) : chargé de représenter son client en justice, il agit, en effet, au nom de ce dernier en vertu, en principe, d'un mandat ad litem, c'est-à-dire d'un mandat général, en ce sens qu'il oblige l'avocat, dans le cadre de l'activité judiciaire, à accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de forme et de fond de la procédure, étant entendu que la détermination de la responsabilité de l'avocat suppose d'apprécier l'étendue du mandat qui lui a été confié (4). Mais à supposer même qu'un manquement soit caractérisé, il n'est pas nécessairement constitutif d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'avocat. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 16 septembre 2010, à paraître au Bulletin, en constitue d'ailleurs un exemple.
En l'espèce, après avoir, selon traité de fusion-absorption à effet du 19 décembre 1991, absorbé la société Promo Cauvin, radiée du registre du commerce le 26 décembre 1991, la société Cauvin Construction avait fait inscrire, le 3 février 1992, au nom de la société absorbée, une hypothèque judiciaire provisoire que celle-ci avait été autorisée, avant la fusion-absorption, à prendre sur le bien immeuble de son débiteur. Chargé, en septembre 1992, de l'action en recouvrement contre ce dernier, l'avocat, qui, par lettre du 30 octobre 1998, avait été interrogé sur l'existence de l'hypothèque judiciaire provisoire et, à défaut, invité à solliciter l'autorisation d'en prendre une dans les meilleurs délais, avait omis de faire procéder à une nouvelle inscription, après avoir négligé de faire renouveler l'inscription initiale. C'est dans ce contexte, alors que, après la vente, par le débiteur, de son immeuble dont il avait perçu le reliquat du prix après paiement des créanciers hypothécaires, que la société absorbante a recherché la responsabilité civile professionnelle de l'avocat. La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt en date du 18 novembre 2008, a condamné celui-ci à payer à la société demanderesse la somme de 50 000 euros en réparation de la perte de chance de n'avoir pu participer à la distribution amiable du produit de la vente de l'immeuble du débiteur. La société s'est alors pourvue en cassation pour faire valoir, d'une part, que la fusion-absorption opère transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, en sorte que l'autorisation donnée à la société absorbée, avant la fusion, d'inscrire une hypothèque provisoire sur un bien de son débiteur, est transmise à la société absorbante avec le patrimoine de l'absorbée, qui comporte la créance à laquelle est attachée l'autorisation d'inscrire et, d'autre part, que le préjudice résultant de la perte d'une hypothèque judiciaire provisoire résulte de l'impossibilité, pour le créancier, d'être payé par préférence sur le prix de vente de l'immeuble, si bien qu'en jugeant que le préjudice résultant, pour la demanderesse, de l'absence d'inscription hypothécaire prise en octobre 1998, consistait seulement en une perte de chance d'avoir pu participer à la distribution amiable du prix de vente et d'obtenir paiement de ses factures à concurrence du solde subsistant, la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). Cette argumentation n'a cependant pas convaincu la Cour de cassation qui, pour rejeter le pourvoir, décide en effet que "d'abord, ayant exactement retenu que, si un renouvellement peut valablement émaner d'une société absorbante ou cessionnaire à condition de ne pas aggraver la situation du débiteur, il faut encore que l'inscription initiale ait été valablement obtenue par un créancier pourvu de la personnalité morale, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'écarter la responsabilité de l'avocat du chef du non-renouvellement de l'inscription initiale prise au nom d'une société inexistante ; qu'ensuite, ayant considéré qu'une nouvelle inscription valablement prise aurait imposé à M. X de transiger ou de réserver le reliquat du prix, faisant ainsi ressortir l'aléa auquel était soumis le montant qu'aurait pu percevoir la société nouvelle Cauvin construction, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que le préjudice subi par celle-ci consistait en une perte de chance d'obtenir au moins partiellement le règlement de sa créance, préjudice qu'elle a souverainement évalué".
On remarquera pour commencer que le litige ne portait pas ici sur la question de savoir si le renouvellement de l'inscription initiale ou si la prise d'une inscription nouvelle rentrait bien dans la mission confiée à l'avocat, et ce contrairement aux faits de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la même première chambre civile de la Cour de cassation du 17 juin 2010 que nous avions, ici même, commenté (5). On se souvient en effet que, dans cette affaire, la responsabilité d'un avocat était recherchée par son client qui lui reprochait de ne pas avoir renouvelé l'inscription hypothécaire garantissant le prêt consenti à un tiers et dont la péremption était intervenue. Mais la Cour de cassation avait approuvé les premiers juges d'avoir écarté la responsabilité de l'avocat et décidé "qu'ayant souverainement apprécié l'étendue du mandat ad litem confié à M. Y. [l'avocat] en novembre 2000, la cour d'appel a constaté que la Sovac [le client] s'était préoccupée de l'existence et de la validité de sa garantie dès le mois d'août précédent et avait consulté un notaire sur ce point, faisant volontairement le choix de ne pas mandater l'avocat à ce sujet, ni pour le charger du renouvellement de l'inscription ni même pour obtenir des conseils". Par où l'on voit que la discussion portait seulement sur l'étendue du mandat de l'avocat. Différente est la situation au cas d'espèce où il n'est pas douteux que mandat avait bien été confié à l'avocat, chargé d'une action en recouvrement, de s'enquérir de l'existence d'une hypothèque judiciaire provisoire et, à défaut, de solliciter l'autorisation d'en prendre une dans les meilleurs délais. La question portait donc en réalité sur le point de savoir, d'une part, si le fait de ne pas avoir procédé au renouvellement de l'inscription initiale pouvait consister une faute alors que celle-ci avait été prise par une société absorbante au nom de la société absorbée après la radiation de celle-ci du registre du commerce, et, d'autre part, en quoi consistait le préjudice causé par l'absence de prise par l'avocat d'une nouvelle inscription hypothécaire.
On laissera ici de côté le second point tenant à la détermination du préjudice, l'occasion ayant déjà été largement donnée, dans le cadre de cette chronique, d'insister sur la définition et sur l'évaluation du préjudice consistant dans la perte d'une chance (6). Sur le premier point, en revanche, on rappellera que, conformément à l'article L. 236-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6353AI7), "la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires". Autrement dit, selon ce texte, à la date de réalisation de l'opération se produisent les effets légaux de la fusion ou de la scission, à savoir : la dissolution de la société absorbée ou scindée ; la transmission de son patrimoine à la société bénéficiaire ; etc.. Et l'article L. 236-4 (N° Lexbase : L6354AI8) précise que la fusion prend effet à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération.
Une fois cette règle de principe acquise, il en résulte logiquement que, la fusion ou la scission entraînant la dissolution de la société, celle-ci n'est plus recevable à accomplir aucun acte de procédure puisqu'elle a perdu toute capacité d'ester en justice. En effet, il résulte d'une jurisprudence constante (7) que la déclaration d'appel faite au nom d'une société définitivement absorbée après la réalisation de l'opération est nulle dans la mesure où la société absorbée n'a plus de personnalité juridique et est ainsi dépourvue du droit d'agir en justice (8). En somme, on voit bien que la date qui doit être prise en considération pour apprécier l'efficacité d'un acte, qu'il s'agisse d'une acte de procédure ou, comme en l'espèce, d'une inscription hypothécaire, n'est pas la date à laquelle l'opération devient opposable aux tiers, mais bien la date d'effet de l'opération elle-même, ce qui se justifie par le fait que l'accomplissement d'une formalité destinée à l'information des tiers ne fait que tirer la conséquence, en termes d'opposabilité, de la disparition juridique de la société, c'est-à-dire de la disparition de sa personnalité juridique. C'est bien d'ailleurs la raison pour laquelle il a été jugé qu'une assignation est valablement délivrée à la société absorbée dès lors qu'elle l'est avant la réalisation de la fusion (9), alors qu'elle est nulle si elle est délivrée par un actionnaire de cette société après la réalisation définitive de la fusion, et ce, a-t-il été jugé, même si la fusion n'a pas encore été publiée au registre du commerce et des sociétés (10). On comprend donc parfaitement, au cas d'espèce, qu'il ne puisse pas être reproché à l'avocat de ne pas avoir procédé au renouvellement de l'inscription initiale prise au nom de la société absorbée après la fusion et sa radiation du registre du commerce : comme le relève justement la Cour de cassation, l'inscription initiale avait en réalité été prise "au nom d'une société inexistante". Or, le renouvellement suppose logiquement que l'inscription initiale ait été valablement obtenue par un créancier pourvu de la personnalité morale, ce qui n'était manifestement pas le cas ici.
Il est acquis que l'avocat, tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte pour lequel son concours est sollicité (11), doit se renseigner sur les éléments de droit et de fait qui commandent les actes qu'il prépare ou les avis qu'il doit fournir, et informer ses clients sur la portée de l'acte et sur la conduite à tenir (12). Encore convient-il ici de redire que l'étendue du devoir d'information et de conseil de l'avocat ne peut s'apprécier qu'au regard de la mission qui lui a été confiée : comme on a, en effet, déjà eu l'occasion de le souligner, la caractérisation d'un éventuel manquement de l'avocat à ses obligations suppose de déterminer l'étendue de la mission qui lui a été confiée. La jurisprudence décide d'ailleurs, classiquement, que la responsabilité de l'avocat ne peut valablement s'apprécier qu'au regard de son mandat (13). La solution, qui vaut bien sûr dans l'hypothèse dans laquelle l'avocat agit en vertu d'un mandat ad litem, a naturellement vocation à s'appliquer non seulement lorsqu'il agit en vertu de mandats ad negotia qui peuvent n'avoir aucun lien avec une procédure judiciaire, mais aussi à toutes les hypothèses dans lesquelles il interviendrait en tant que conseil, et ce en dehors de tout mécanisme de représentation propre au mandat. C'est que, en réalité, ce qui est déterminant dans l'appréciation de la responsabilité de l'avocat ne tient pas tant à la qualification juridique de son intervention (mandat ou autre) qu'à la détermination de la mission qu'il accepte d'assumer, le mandat n'étant d'ailleurs à vrai dire qu'un instrument permettant, précisément, de déterminer le contenu de cette mission. Au demeurant, la jurisprudence décide, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la théorie du mandat, que l'exécution par l'avocat de son obligation d'information et de conseil s'apprécie au regard de la mission qui lui a été confiée, jugeant ainsi que "le devoir de conseil et d'information du conseil juridique qui s'exerçait préalablement à la conclusion de l'acte pour assurer son efficacité ne s'étend pas, sauf mission particulière confiée à celui-ci [...] à la réalisation de formalités extrinsèques à l'acte qui ne relevaient que de la seule initiative des parties" (14). Encore faut-il, pour apprécier l'existence d'un éventuel manquement de l'avocat à son obligation d'information et de conseil, délimiter l'étendue de sa mission et se prononcer sur le point de savoir ce qui doit être considéré comme faisant partie de cette mission et, inversement, ce qui doit en être exclu. Naturellement, plus on entend largement le domaine de la mission de l'avocat et plus sa responsabilité est susceptible de se trouver engagée. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 14 octobre 2010, à paraître au Bulletin, mérite, sous cet aspect, d'être ici évoqué.
En l'espèce, une société, cessionnaire d'une créance de dommages-intérêts, avait recherché la responsabilité de la société d'avocats qui était intervenue, en qualité de conseiller juridique et fiscal, pour l'établissement, en vue de l'assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice 2000 de la société du cédant, du procès-verbal du conseil d'administration, du rapport de gestion et du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire, ainsi que pour assister les cédants, dirigeants de la société, lors des négociations et de la rédaction des actes relatifs à la cession des actions du groupe au cessionnaire, sur le fondement d'un manquement à son obligation d'information et de conseil pour n'avoir pas fait mention de la distribution de dividendes qui avait été décidée par le conseil d'administration de la société le 28 avril 2000 et n'avoir pas attiré l'attention des actionnaires de cette société qui, de manière incompatible avec cette distribution, ont décidé d'affecter en réserves l'intégralité du résultat de l'exercice 2000, lors de l'approbation des compte. Pour débouter la société cessionnaire de sa demande, les premiers juges ont pourtant retenu que, sans qu'il ne puisse lui être imputé à faute de n'avoir pas exigé de ses clients la remise de l'intégralité des documents sociaux antérieurs, ce qui lui aurait permis d'obtenir le seul document explicite, c'est-à-dire le procès-verbal du conseil d'administration du 28 avril 2000, dès lors qu'une telle vérification n'entrait pas dans sa mission de secrétariat juridique, au vu au surplus d'un rapport sans réserves du commissaire aux comptes, c'est à juste titre que la société d'avocats fait valoir avoir ignoré qu'une opération relativement rare dans une société fermée, tel qu'un acompte sur dividendes, avait été effectuée et qu'il appartenait aux dirigeants de le lui indiquer, ce qu'ils n'avaient pas fait. Leur décision est cependant cassée, sous le visa de l'article 1147 du Code civil : la Haute juridiction décide, en effet, "qu'en se déterminant ainsi, quand le devoir d'efficacité incombant à la société d'avocats dans l'accomplissement de sa mission d'élaboration des documents fiables en vue de l'approbation des comptes et de la gestion de l'exercice et d'assistance lors des négociations relatives à la cession des actions de la société concernée impliquait l'obtention et l'examen de l'ensemble des documents sociaux utiles, notamment le registre spécial des délibérations du conseil d'administration, qui lui auraient permis de connaître la distribution de dividendes et dont il n'était pas prétendu qu'ils lui eussent été sciemment dissimulés, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
On n'est pas surpris de constater que le débat portait sur le point de savoir si la mission acceptée par l'avocat impliquait, au titre de l'obligation d'information et de conseil qui en découle, de faire mention de la distribution de dividendes décidée par le conseil d'administration de la société cédante et des conséquences qui en étaient résultées. Et, comme c'est d'ailleurs habituellement le cas, la difficulté consistait à déterminer les limites de la mission, autrement dit à déterminer ce qu'impliquait l'accomplissement diligent de cette mission. Les arrêts paraissent, à cet égard, plus ou moins exigeants.
Ainsi, un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 20 octobre 2009 est plutôt à ranger dans la catégorie des décisions relativement clémentes envers l'avocat (15). En l'espèce, des propriétaires et usufruitiers de vignes, endettés dans une exploitation familiale, avaient chargé un avocat fiscaliste de procéder à une restructuration financière de leur groupe. Ce dernier leur avait conseillé, après avoir poursuivi des démarches auprès de l'administration fiscale afin de s'assurer de la validité du projet, de procéder à une cession temporaire de l'usufruit leur permettant, à terme, de maintenir l'unité d'exploitation du patrimoine familial, de retrouver, ainsi, sans frais l'usufruit cédé, et de disposer d'un capital important. Mais, à la suite de cette opération de restructuration, les exploitants avaient subi, en contrepartie d'un gain effectif, une très importante imposition. Ils avaient alors recherché, devant le tribunal de grande instance, la responsabilité professionnelle du spécialiste, en raison de son manquement à son devoir de conseil et à son obligation de résultat du fait de son erreur d'appréciation dans la préparation de la restructuration ayant entraîné l'imposition litigieuse, alors que, selon eux, une solution plus intéressante financièrement existait. Les magistrats parisiens, pour écarter la responsabilité de l'avocat, ont considéré que sa mission, telle qu'elle ressortait du mandat qui lui avait été confié, ne consistait nullement dans la recherche d'un système évitant toute imposition du remboursement de la dette fiscale. Par où l'on pouvait en déduire que, même lorsque l'opération pour laquelle le concours de l'avocat est demandé est de nature fiscale, son obligation d'information et de conseil ne s'étende pas à toutes les conséquences fiscales de ladite opération : son obligation est circonscrite aux seules conséquences de l'opération, appréciée au regard de la seule mission qui lui a été confiée et aux mobiles poursuivis par son client. Ce serait donc moins le domaine, apprécié abstraitement, de l'intervention de l'avocat qui devrait être pris en considération (intervention dans le domaine civil, commercial, social, fiscal, etc.) que l'objet de la mission, apprécié de façon circonstanciée.
Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 13 octobre 2009 est, lui, manifestement beaucoup plus sévère (16). Il décide en effet, pour accueillir la demande d'une cliente qui reprochait à son avocat de ne pas l'avoir informée sur l'obligation d'exercer effectivement les fonctions de directeur général de la société dont elle détenait des actions pour maintenir leur statut de biens professionnels exonérés de l'impôt de solidarité sur la fortune, que "l'avocat, conseiller juridique et fiscal, est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son client, laquelle comporte le devoir de s'informer de l'ensemble des conditions de l'opération pour laquelle son concours est demandé, et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation". Or, si la solution ne paraît pas, dans sa formulation, fondamentalement révolutionnaire, elle prend tout de même un relief particulier lorsque l'on relève que, dans cette affaire, la cliente avait -seulement oserait-on presque dire- confié à l'avocat le soin de procéder au règlement de la succession de son mari. On a cette fois l'impression que, plus que l'objet à proprement parler de la mission, c'est le domaine habituel de compétence de l'avocat sollicité qui dicte la solution puisque, dans cette affaire, l'avocat mis en cause, à qui était donc confié le règlement de la succession, était celui-la même qui assurait, depuis quelques années déjà, le suivi juridique et social de la société dirigée par le défunt.
La solution de l'arrêt du 14 octobre 2010, si on la compare à celle du 13 octobre 2009, n'est, évidemment, pas surprenante : comme le relève la Cour, "l'accomplissement de sa mission d'élaboration des documents fiables en vue de l'approbation des comptes et de la gestion de l'exercice et d'assistance lors des négociations relatives à la cession des actions de la société concernée impliquait l'obtention et l'examen de l'ensemble des documents sociaux utiles". On peut en effet assez légitimement penser que l'objet même de la mission confiée à l'avocat impliquait "l'obtention et l'examen de l'ensemble des documents sociaux utiles", à commencer par le registre spécial des délibérations du conseil d'administration qui aurait "permis de connaître la distribution de dividendes et dont il n'était pas prétendu qu'ils lui eussent été sciemment dissimulés".
David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)
(1) Cass. civ. 1, 1er octobre 1986, n° 84-13.800 (N° Lexbase : A5384AAN), Bull. civ. I, n° 229.
(2) Cass. civ. 1, 21 mai 1996, n° 94-12.974 (N° Lexbase : A1188CYN).
(3) Cass. civ. 1, 18 janvier 1989, n° 86-16.268 (N° Lexbase : A8645AAG), Bull. civ. I, n° 17.
(4) Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-15.697, F-P+B (N° Lexbase : A1017E33).
(5) Cass. civ. 1, 17 juin 2010, préc..
(6) Voir encore, récemment, CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 19 janvier 2010, n° 09/07842 (N° Lexbase : A7218ES7) et 2 février 2010, n° 09/01916 (N° Lexbase : A8258ESN), et nos obs., L'appréciation de la réalité de la perte d'une chance consécutive au manquement de l'avocat à ses obligations, Lexbase Hebdo n° 31 - édition professions (N° Lexbase : N1896BPW).
(7) Cass. com., 11 février 1986, n° 84-12.337 (N° Lexbase : A3016AAX), Bull. civ. IV, n° 15.
(8) Solution encore confirmée par Cass. com., 22 février 2005, n° 01-11.667, F-D (N° Lexbase : A8530DGZ), Bull. Joly 2005, § 195, p. 868.
(9) CA Paris, 17 décembre 1992.
(10) CA Paris, 29 juin 2004, RJDA 1/2005, n° 36.
(11) Cass. civ. 1, 5 février 1991 (N° Lexbase : A4419AH7), Bull. civ. I, n° 46.
(12) Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, F-P+B sur la première branche (N° Lexbase : A4608EBB), Bull. civ. I, n° 267.
(13) Voir encore, en dernier lieu, Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-15.697, préc..
(14) Cass. civ. 1, 23 mars 2004, n° 01-03.903, F-D (N° Lexbase : A6177DBE).
(15) CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 20 octobre 2009, n° 07/15062 (N° Lexbase : A9417EMQ).
(16) Cass. com., 13 octobre 2009, n° 08-10.430, F-D (N° Lexbase : A0823EMG).
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par Robert Obert, Professeur agrégé honoraire, Diplômé d'expertise comptable, Docteur en sciences de gestion
Le 04 Janvier 2011
Cette présentation est autorisée par l'article L. 123-16 du Code de commerce (N° Lexbase : L6028ICA) qui permet aux commerçants, personnes physiques ou morales, d'adopter, une présentation simplifiée de leurs comptes individuels lorsqu'ils ne dépassent pas à la clôture de l'exercice, des chiffres fixés par l'article R. 123-200 du Code de commerce (N° Lexbase : L9953HYB), pour deux des trois des critères suivants :
Total du bilan | Montant net du chiffre d'affaires | Nombre moyen de salariés | |
Pour le bilan et le compte de résultat | 267 000 euros | 534 000 euros | 10 |
Pour l'annexe | 3 650 000 euros | 534 000 euros | 50 |
Ils perdent cette faculté lorsque cette condition n'est pas remplie pendant deux exercices successifs.
Le bilan simplifié et le compte de résultat simplifiés se présentent sous forme de grandes rubriques (décrites par les articles R. 123-201 N° Lexbase : L9954HYC et R. 123-202 N° Lexbase : L9955HYD du Code de commerce). Pour l'actif (par exemple) : les immobilisations incorporelles en distinguant le fonds commercial, les immobilisations corporelles, les immobilisations financières, les stocks et en-cours, les avances et acomptes versés sur commandes, les créances en distinguant les clients, les valeurs mobilières de placement, les disponibilités et les charges constatées d'avance. L'annexe simplifiée ne comprend que les informations prévues par les articles R. 123-196 (N° Lexbase : L9949HY7) et R. 123-197 (N° Lexbase : L9957ICR) du Code de commerce.
Ce régime est régi par les articles 302 septies A bis (N° Lexbase : L0121IKP) et 302 septies A ter A (N° Lexbase : L1176IEB) du CGI, et par les articles L. 123-25 (N° Lexbase : L5583AIM) à L. 123-27 du Code de commerce. Il est ouvert aux personnes physiques et morales (en matière fiscale) ou uniquement aux personnes physiques (en matière comptable) dont le chiffre d'affaires hors taxes n'excède pas 763 000 euros, lorsqu'elles réalisent des opérations de vente ou de fourniture de logement, ou 230 000 euros dans les autres cas.
Ces entités peuvent tenir une comptabilité dite "super-simplifiée". Cette comptabilité n'enregistre journellement que le détail des encaissements et des paiements (comptabilité de trésorerie). Les créances et les dettes sont constatées à la clôture de l'exercice sauf en ce qui concerne les dépenses relatives aux frais généraux qui sont payées à échéances régulières et dont la périodicité n'excède pas un an ; les stocks et les travaux en cours peuvent être évalués selon une méthode simplifiée (pour les biens en stock, en pratiquant sur le prix de vente de ces biens un abattement correspondant à la marge pratiquée par l'entreprise sur chaque catégorie ; pour les travaux en cours, en retenant le montant des acomptes réclamés avant facturation). Les frais relatifs aux carburants consommés lors des déplacements professionnels de l'exploitant peuvent être enregistrés forfaitairement d'après un barème qui est publié chaque année par l'administration fiscale.
Depuis le 1er janvier 1999, le régime du forfait ayant été supprimé, les exploitants individuels dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 80 000 euros, s'ils exercent une activité d'achat-revente, ou de 32 000 euros, s'ils effectuent des prestations de services, peuvent se placer sous un régime spécial d'imposition, dit régime des micro-entreprises, régi par l'article 50-0 du CGI (N° Lexbase : L0052IK7), qui leur permet d'être exonéré de la TVA et d'être imposé sur un bénéfice calculé au prorata de leur chiffre d'affaires.
L'article L. 123-28 du Code de commerce (N° Lexbase : L2339IBA) (complété par l'article R. 123-205-1 N° Lexbase : L3705IC9) permet à ces entreprises, qui sont dispensées d'établir des comptes individuels, de tenir simplement un livre mentionnant chronologiquement le montant et l'origine des recettes qu'elles perçoivent au titre de leur activité professionnelle (en distinguant les règlements en espèces des autres règlements et en indiquant les références des pièces justificatives) et pour celles dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement, un registre récapitulé par année, présentant chronologiquement le détail de leurs achats, en distinguant les règlements en espèces et en indiquant les références des pièces justificatives.
Il est proposé de définir les "micro-entreprises" comme celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 euros et qui ne dépassent pas les limites d'un des deux critères suivants, dont en tous cas celui qui porte sur le chiffre d'affaires : total du bilan inférieur à 250 000 euros ; effectif inférieur à 5 salariés.
L'ANC présente les axes de réforme suivants.
A) Des documents comptables "super-simplifiés" : le bilan, le compte de résultat et l'annexe "super-simplifiés" pourraient tenir en une page unique (cf. annexe).
B) Des règles comptables "super-simplifiées" : les propositions suivantes permettraient d'alléger substantiellement l'élaboration des comptes par les micro-entités, en simplifiant les règles applicables aux postes les plus fréquemment utilisés par les micro-entités, tout en conservant une information financière de qualité.
Il s'agit, dès lors, de :
1. simplifier l'évaluation initiale des immobilisations ; tous les frais accessoires liés à l'acquisition d'une immobilisation seraient comptabilisés en charges. Ainsi, pour les micro-entités, la valeur d'entrée d'une immobilisation correspondrait à son prix d'achat ;
2. simplifier les règles d'amortissement des immobilisations ; la valeur résiduelle ne serait pas déduite de la base amortissable des biens détenus par les micro-entités b ;
3. simplifier les règles de comptabilisation des frais d'établissement ; les frais d'établissement constitueraient une charge de l'exercice sur lequel ils sont engagés, au lieu d'être enregistrés et conservés durant 5 années à l'actif des micro-entités ;
4. simplifier les règles de comptabilisation stocks et alléger les travaux d'inventaire ; ainsi, pour les stocks de marchandises et de produits détenus par les micro-entités, un abattement forfaitaire correspondant à la marge sur le prix de vente serait effectué (pour les travaux en cours : le montant des acomptes reçus serait retenu) ;
5. simplifier, de façon générale pour tous les postes comptables, les règles d'évaluation ; les micro-entités ne procèderaient à aucune évaluation selon le principe de la juste valeur, toutes les évaluations seraient effectuées au coût amorti.
Ces différentes simplifications pourraient, par exception, ne pas être appliquées par les Etats-membres.
C) Une simplification supplémentaire des obligations liées à la production des comptes mais non strictement comptables : le rapport de gestion pourrait être supprimé.
Toutes propositions en faveur des micro-entreprises affectent nécessairement l'équilibre de la Directive 2009/49 (N° Lexbase : L4495IE9), dont il faut cependant garder la cohérence d'ensemble. C'est pourquoi il est proposé de simplifier le cadre comptable global applicable en Europe de la façon suivante.
a) Au-delà des "micro-entité", existeraient deux catégories d'entreprises :
- les entités "moyennes", qui ne dépassent pas les limites de deux des trois critères suivants dont, en tous cas, celle qui concerne le chiffre d'affaires (chiffre d'affaires total inférieur à 15 000 000 d'euros ; total du bilan inférieur à 7 500 000 euros ; effectif inférieur à 100 salariés) ;
- toutes les autres entités de taille supérieure, qui ne sont pas soumises à l'obligation d'appliquer les IFRS et doivent donc rester libres d'utiliser un cadre européen harmonisé.
b) Il est essentiel que ce cadre comptable européen reste fondé sur des principes simples répondant aux besoins de ces entreprises qui ne sont pas soumises aux IFRS. Toutefois, de nouvelles simplifications pourraient être offertes aux entreprises moyennes, notamment pour la présentation de leurs comptes. Enfin, des simplifications pourraient être décidées pour moderniser le texte actuel des directives européennes, en s'inspirant le cas échéant des normes IFRS, mais en se limitant strictement à un cadre comptable européen pour ces entreprises.
c) Une telle rationalisation du cadre général, ainsi durablement stabilisé, constituera en soi une simplification pour les entreprises européennes.
Ces propositions, tout en maintenant la sécurité du système juridique européen, prennent en compte l'ensemble des débats fructueux qui ont eu lieu sur ce sujet en Europe et les résultats de nombreuses études et consultations.
Pour les micro-entités, ils permettront un allègement de charges considérable, d'au moins 1 000 à 1 200 euros par entreprise.
Annexe - Les états financiers en une seule page
Ces états financiers permettent aux "micro-entreprises" d'avoir une vision sur leur activité et leur patrimoine et de répondre aux besoins d'information internes et externes, tout en diminuant les coûts administratifs liés à leur élaboration.
A ce titre, l'annexe ne se limite donc qu'à présenter les engagements hors bilan nécessaires à la bonne lecture de la situation de l'entité.
On trouve dans ce projet les états financiers suivants :
BILAN
ACTIF | Brut |Amortissements et dépréciations | Net | PASSIF | |
Actif immobilisé | Capitaux propres (dont capital social) | ||
Stocks et en cours | |||
Créances clients et autres créances | Provisions pour risques et charges | ||
Disponibilités et valeurs mobilières de placement | Dettes financières | ||
Fournisseurs et autres dettes | |||
Total général | Total général |
COMPTE DE RESULTAT
Charges (hors taxes) | Produits (hors taxes) | ||
Achats consommés | Chiffre d'affaires | ||
Charges de personnel | Reprise des amortissements et provisions | ||
Dotations aux amortissements et aux provisions | Autres produits | ||
Autres charges | |||
Impôt sur les bénéfices | |||
Bénéfice (solde) | Perte (solde) | ||
Total général | Total général |
Annexe/opérations hors bilan (crédit-bail / garanties / autres)
Nature de l'engagement (a) | Montant de l'engagement à la clôture |
Contrat(s) de crédit-bail | |
Sûretés reçues (b) | |
Sûretés données (b) | |
Effets escomptés non échus |
(a) à développer si nécessaire
(b) notamment hypothèques, nantissement, cautions, aval, etc.
De plus toute information significative nécessaire à la bonne compréhension des comptes devra être détaillée dans l'annexe.
Références
- C. com, art. L. 123-16, L. 123-25 à L.123-28, R. 123-200 à R. 123-205.
- Plan comptable général, art. 322-4 § 5.
- CGI, art. 50-0, 302 septies A bis et 302 septies A ter A, Annexe III, art. 38 sexdecies -00 B (N° Lexbase : L6570HLW) et Annexe IV, art. 4 LA (N° Lexbase : L8548HKS).
- Robert Obert, La simplification des obligations comptables, Revue française de comptabilité, n° 430, mars 2010, p. 4.
- ANC, Plan stratégique 2010-2011
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Le 04 Janvier 2011
Outil d'intéressement au capital des cadres et dirigeants, le management package a pour objectif essentiel d'aligner les intérêts de l'entreprise et de ses managers. Il définit tout particulièrement les conditions d'accès au capital des managers aux côtés des autres actionnaires ainsi que les conditions de sortie. On peut distinguer quatre catégories d'outils et mécanismes d'intéressement des managers au capital :
- les outils légaux d'intéressement des salariés et mandataires sociaux : stock-options, attribution gratuite d'actions et bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE) ;
- l'intéressement par l'émission de valeurs mobilières au profit des managers : actions assorties de bons de souscription d'actions (ABSA), obligations convertibles en actions (OC), actions de préférence et parts de carried interest dans les fonds d'investissement ;
- les mécanismes conventionnels d'intéressement : sweet equity et clauses de rétrocession de plus-value des pactes d'actionnaires ;
- les schémas d'intéressement centralisés par l'intermédiaire d'une "Manco".
Par son caractère multifacette, un management package réclame nécessairement une approche sur mesure afin de définir l'outil ou mécanisme d'intéressement le plus adapté. Un management package bien négocié est l'un des facteurs qui permet à l'entreprise d'améliorer substantiellement ses performances. Rédigé par des avocats ayant une expérience reconnue en matière de structuration et de négociation de management packages, ce guide pratique et concret a pour objet de fournir aux managers, investisseurs, sociétés et leurs conseils les clés pour comprendre les management packages et pour effectuer des choix pertinents et efficaces, d'un point de vue juridique, fiscal et managérial, lors de leur mise en place.
Il présente les atouts et objectifs du management package, ses composantes ainsi que les différents outils d'intéressement au capital (critères de choix, régime juridique et fiscal). S'agissant de la négociation d'un management package, l'accent est mis sur les contextes opportuns de mise en place et sur les points de discussion nécessitant une attention particulière.
Laurent Julienne, diplômé de l'Essec, avocat, est co-fondateur et managing partner du cabinet d'avocats d'affaires Lerins Avocats. Il a développé une expertise dans la mise en oeuvre de management packages dans tous types de contexte : recrutement de managers, LBO, motivation d'équipe, etc.. Il rédige de nombreux articles et anime régulièrement des conférences sur le sujet.
Alexis Katchourine, diplômé du DESS de Fiscalité appliquée Paris V, est avocat associé de Lerins Avocats, en charge du département fiscal. Il est spécialiste des aspects fiscaux et sociaux du management package et de leurs spécificités : combinaison entre les différents outils, aspects internationaux, etc.
A collaboré à la rédaction de l'ouvrage, Cédric Vincent, diplômé du Mastère Spécialisé Droit des Affaires Internationales et Management de l'Essec, avocat spécialisé en droit des affaires chez Lerins Avocats.
(1) L. Julienne et A. Katchourine, Le management package, outils d'intéressement au capital des salariés et dirigeants, Collection Lamy Axe Droit, octobre 2010, 186 pages, 40 euros.
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