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N4254BQM
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Et, qu'y a-t-il de commun entre une femme naturalisée française et autorisée à porter un prénom francisé (Louise), qui sollicite du juge aux affaires familiales le changement de son prénom afin de recouvrir l'usage de son prénom de naissance (Malika), et monsieur Alain de C. (Carabas ?) qui sollicite être le porteur légitime du titre de marquis ? La recherche identitaire, pardi ! Et, par-delà, l'expression d'une fragilité du creuset républicain dont la loi du 11 octobre 2010, interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, est l'expression la plus topique.
Entendons nous bien, il ne s'agit pas de savoir si Louise/Malika et Alain de C. se cherchent une identité ; on laissera le divan et les états d'âmes à d'autres -et surtout, on laissera de côté la décision de la cour d'appel de Nancy du 11 octobre 2010, qui, rejetant la demande d'un transsexuel hormonal à changer de prénom et de genre sur ses papiers d'identité, n'éclaire en rien notre propos et ne relève pas de la recherche identitaire-. En revanche, l'une, en renonçant à l'expression la plus visible de l'intégration, de son appartenance à l'identité française (expression plus ou moins pertinente, on en conviendra), et l'autre, en courant derrière le mythe d'une noblesse à la fois singularisante et exclusive des autres, montrent deux exemples traduisant, moins le rejet de l'identité française, ici, à travers sa langue et son principe baptismal d'égalité, que la remise en cause du cadre politique et sociétale qui permet, justement, de définir sa propre identité (qui suis-je ? que fais-je ? où vais-je ?).
Et, au final, cette recherche identitaire peut conduire à une ethnocratie, plus dangereuse encore que le communautarisme qui n'en est que l'expression pratique, qui en contestant la légitimité d'une mesure législative destinée à favoriser l'intégration dans la société française ; qui en contestant la légitimité de la fin des privilèges et de l'égalité de droit, par snobisme -lâchons le mot, car en matière nobiliaire, on est et l'on ne prétend pas- antirépublicain (nous avions déjà évoqué, dans ces colonnes, le snobisme des décorations, bien entendu, la particule et le titre sont de rigueur pour "singer" Montesquiou).
Il est alors heureux que les juges aient contrarié cette recherche identitaire ; la Cour de cassation, estimant le 6 octobre 2010 que la justification d'un intérêt légitime à changer de prénom suppose l'obligation, pour le demandeur, de motiver, et non pas seulement d'exposer, cet intérêt légitime, pour rejeter les prétentions de Louise/Malika ; la cour d'appel de Paris rejetant la demande de transmission du titre de marquis formée par un parent collatéral, Alain de C., le 10 juin 2010, le titre en question s'étant éteint avec son titulaire -malgré les neuf vies du Chat botté-.
Ce faisant, les magistrats, gardiens de nos principes à vocation universelle, consacrent l'idée d'une identité républicaine évolutive face à une recherche identitaire, nécessairement, confinée à la tradition, au passé, à l'immobilisme. Ainsi, certaines identités préfèrent se réfugier dans de l'identitaire afin de pouvoir refuser telle ou telle pratique jugée libératrice ou révolutionnaire. C'est alors au juge de montrer le chemin de la raison, des Lumières et du progrès.
Mais, enfin, citoyen Alain de C., qu'as tu fais pour mériter le titre de marquis ? As-tu seulement fait attention à la marche ? Pardon pour l'anachronisme, le titre revendiqué ayant été accordé par décret du 14 avril 1866, signé par Napoléon III... Noblesse d'Empire n'oblige donc pas... Tu es bon pour rester meunier, le peuple souverain ayant déjoué les manoeuvres de ton Maître chat ; à moins que tel le fou d'Alexandrie (Carabas), tes voisins te traitent comme un roi pour se moquer de celui de Judée, Hérode Agrippa (la République laïque)...
Chacun l'aura compris, "je suis un de ces démocrates qui croient que le but de la démocratie est de faire accéder chaque homme à la noblesse" comme le soufflait Romain Gary dans Chien blanc.
En revanche, qu'il me soit permis d'être plus tendre avec Louise/Malika ; non que sa demande doive être accordée avec légèreté, il ne s'agit pas de pouvoir changer de prénoms comme de chemises, privilège des artistes et écrivains sous pseudonymes. Mais, convenons que la francisation des prénoms des jeunes naturalisés n'est pas exactement une réponse à la hauteur des défis de l'intégration. Il en va du prénom francisé qui peut faire illusion sur le papier (d'identité) comme du CV anonyme. Et, l'important n'est il pas que chacun soit en phase avec son identité affirmée, le plus simplement du monde, afin d'intégrer au mieux l'identité collective de la Nation qui l'accueille ; et ce quelle que soit son origine : la problématique intéressant les nationaux, dont l'intégration des valeurs républicaines ne se présume pas, comme les non nationaux. Quant à motiver l'intérêt légitime à changer de prénom, pour retrouver son ancien prénom à consonance étrangère, gare à ne pas ouvrir, par trop, la boîte de Pandore. Les difficultés de l'intégration à la collectivité identitaire française et le communautarisme rampant avec son lot de traditions vernaculaires pourraient laisser, seul, dans la boîte, l'espoir d'une affirmation identitaire, certes évolutive, mais Lumière universelle de la quête d'identité individuelle.
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N4238BQZ
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par Robert Obert, Professeur agrégé honoraire, Diplômé d'expertise comptable, Docteur en sciences de gestion
Le 04 Janvier 2011
En 1969, le droit comptable (au sens large du terme) était très élémentaire, il comprenait :
- quelques articles du Code de commerce de 1807 datant pour l'essentiel de 1953 (art. 8 à 17) assujettissant les commerçants à l'obligation de tenir un livre journal et un livre d'inventaire et précisant comment ces livres pouvaient être admis par le juge pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce ;
- quelques articles de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, sur les sociétés commerciales (N° Lexbase : L6202AGS) et de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967, sur le règlement judiciaire, la liquidation de biens, la faillite personnelle et les banqueroutes (N° Lexbase : L7803GT8) ;
- de nombreuses dispositions fiscales, la fiscalité étant, d'ailleurs, alors considérée par nombre d'auteurs comme "une source parasitaire" du droit comptable ;
- le Plan comptable général (PCG) approuvé par arrêté du 11 mai 1957 du ministre des Affaires économiques et financières -qui remplaçait le Plan comptable de 1947, lequel avait été approuvé par arrêté du ministre de l'Economie nationale du 18 septembre 1947- ;
- un certain nombre de notes d'information, d'avis, de recommandations du Conseil national de la comptabilité (CNC) ;
- quelques recommandations (sources dites doctrinales) de l'Ordre des experts-comptables et des comptables agréés, du Conseil national des commissaires aux comptes, de la Commission des opérations de bourse, etc..
La première transformation du droit comptable national a été prise à la suite de la promulgation de la Directive européenne 78/660/CEE du 25 juillet 1978, concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (dite 4ème Directive) (N° Lexbase : L9339AUG). La loi n° 83-353 du 30 avril 1983 (N° Lexbase : L1849INS) a profondément modifié le Code de commerce de 1807 et la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966. Elle a été accompagnée du décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 (N° Lexbase : L1189AIU) et d'un nouveau plan comptable dit "PCG 1982" approuvé par arrêté ministériel du 27 avril 1982 et entré en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1984.
La seconde transformation a été prise à la suite de la promulgation de la Directive européenne 83/349/CEE du 11 juin 1983, concernant les comptes consolidés (dite 7ème Directive) (N° Lexbase : L9540AUU). La loi n° 85-11 du 3 janvier 1985 (N° Lexbase : L7460A43) a introduit de nouveaux articles dans la loi du 24 juillet 1966 (art. 357-1 à 357-11), le décret n° 86-221 du 17 février 1986 (N° Lexbase : L7111AZE) a accompagné cette loi en introduisant de nouvelles dispositions dans le décret n° 67-236 du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales (N° Lexbase : L0729AYN) et une méthodologie sur les comptes consolidés a été intégrée dans le "PCG 1982" par arrêté du 9 décembre 1986 (N° Lexbase : L1762INL).
A la suite de la loi n° 98-261 du 6 avril 1998, portant réforme de la réglementation comptable (N° Lexbase : L6656HEA), il a été institué, conformément à l'article 1er de cette loi, un Comité de la réglementation comptable (CRC) dont l'objet était d'édicter, sous forme de règlements, toutes les prescriptions comptables générales et sectorielles nécessaires. Les règlements du CRC étaient établis après avis du Conseil national de la comptabilité (CNC). Ils étaient, ensuite, publiés par arrêtés ministériels des ministres concernés (Economie, Garde des sceaux, etc.). Deux règlements essentiels ont été publiés en 1999 (et modifiés de nombreuses fois depuis) : le règlement n° 99-03 du 29 avril 1999, relatif à la réécriture du plan comptable général (N° Lexbase : X6220ACD) -règlement qui s'applique à toute entité tenue d'établir des comptes individuels ou annuels, selon notamment la terminologie du PCG- et le règlement n° 99-02 du 29 avril 1999, relatif aux comptes consolidés des sociétés commerciales et entreprises publiques (N° Lexbase : X6227ACM).
Depuis la publication du Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales (N° Lexbase : L6959A4I), pour chaque exercice commençant le 1er janvier 2005 ou après cette date, les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé sont tenues de préparer leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales (dites "normes IFRS" pour "international financial reporting standards") adoptées par règlement par la Commission après avis d'un comité de réglementation comptable européen (art. 4).
L'article 5 du Règlement CE n° 1606/2002 permet, par ailleurs, aux Etats membres d'autoriser les sociétés autres que celles visées à l'article 4 d'établir leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales. Pour la France, cette autorisation a fait l'objet d'une modification de l'article L. 233-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L5397G7Z), par l'ordonnance n° 2004-1382 du 20 décembre 2004 (N° Lexbase : L5031GUU), lequel permet aux sociétés non cotées d'opter pour l'établissement de comptes consolidés selon les normes IFRS.
Institué par l'ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 (N° Lexbase : L5927ICI), l'Autorité des normes comptables (ANC) a permis la fusion de deux instances différentes préexistantes, le Conseil national de la comptabilité (CNC) et le Comité de la réglementation comptable (CRC). L'ANC est devenue opérationnelle à compter de janvier 2010. Elle vient de présenter un plan de travail (appelé "plan stratégique") pour les années 2010 et 2011 qui s'articule pour l'essentiel autour des quatre thèmes suivants : normes comptables pour PME, normes comptables internationales, recherche comptable, mise à jour des normes françaises. La réalisation de ce plan doit conduire à une profonde transformation du droit comptable applicable aux entreprises.
En droit, il y a lieu généralement de distinguer les sources internationales des sources nationales. Pour ce qui concerne le droit comptable, il y a lieu également, à notre avis, de distinguer le droit comptable proprement dit (ou de base) du droit comptable adjacent.
1 - Le droit comptable proprement dit (ou de base)
Le droit comptable de base comprend des sources internationales et des sources nationales.
- Sources internationales : Règlement européen (CE) n° 1606/2002 du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales ; Règlement (CE) n° 1126/2008 du 3 novembre 2008 modifié (N° Lexbase : L9709IB9), portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au Règlement (CE) n° 1606/2002 (remplaçant le Règlement (CE) n° 1725/2003 modifié du 29 septembre 2003 N° Lexbase : L5513DLR). On pourrait aussi citer les Directives européennes 78/660/CEE du 25 juillet 1978 et 83/349/CEE du 11 juin 1983 (dites 4ème et 7ème Directives), les Directives spécialisées pour les entités du secteur bancaire et du secteur des assurances (Directive 86/635 CEE du Conseil du 8 décembre 1986, concernant les comptes annuels et consolidés des banques et autres établissements financiers N° Lexbase : L9724AUP ; Directive 91/674 CEE du Conseil du 19 décembre 1991, concernant les comptes annuels et consolidés des entreprises d'assurance N° Lexbase : L7581AUC), maintes fois révisées depuis leur promulgation. Il est à noter, cependant, que les Directives européennes ne sont jamais applicables directement, les Etats membres de l'Union européenne étant tenues de transposer les Directives dans leurs droits internes dans les délais prévus par celles-ci.
- Pour les sources nationales, il y a lieu de distinguer les sources traitant des comptes individuels, celles traitant des comptes consolidés et celles relatives à des comptabilités spécifiques.
A côté des sources légales ou réglementaires (décrets, arrêtés), on peut aussi classer les sources jurisprudentielles, rares en matière de droit comptable proprement dit et les sources qu'on pourrait qualifier de "doctrinales" que sont les avis du CNC n'ayant pas l'objet de règlements du CRC, les recommandations du CNC, les règlements, instructions et recommandations de l'Autorité des marchés financiers, les avis et recommandations de la Compagnie des commissaires aux comptes et de l'Ordre des experts-comptables.
2 - Le droit comptable dérivé
Nous appelons "droit comptable dérivé" tous les textes légaux et réglementaires qui traitent directement ou indirectement de la comptabilité. Ces textes, épars, sont classés avec d'autres droits, mais leur influence sur les obligations comptables des entités est significative. Dans ce droit comptable dérivé, il y a lieu de retenir notamment :
- des éléments de droit des sociétés (Livre II du Code de commerce : présentation des comptes sociaux, publicité des comptes, infractions pénales, etc.) ;
- des éléments de droit des difficultés des entreprises (Livre VI du Code de commerce : prévention des difficultés, faillite personnelle, banqueroute, etc.) ;
- des éléments de droit professionnel (Livre VIII du Code de commerce : commissariat aux comptes, etc.) ;
- des éléments de droit fiscal (nombreux articles du Code général des impôts et notamment l'article 38 quater de l'annexe III N° Lexbase : L6524HL9) qui dispose que "les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt") ;
- des éléments de droit du travail (documents comptables à transmettre au comité d'entreprise, participation des salariés aux résultats, etc.) ;
- mais aussi des éléments du Code monétaire et financier, du Code des collectivités territoriales, du Code des juridictions financières, du Code de la Sécurité sociale, du Code civil, du Code pénal, etc..
Références
- Site internet ANC
- Site internet IASB
- Robert Obert, Les spécificités du droit comptable en 2007, Revue Française de comptabilité, juin 2007, p. 24-28.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010 (N° Lexbase : A4758E94)
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N4315BQU
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
Le 23 Octobre 2014
Dans la décision ici étudiée, les Sages de la rue de Montpensier ont jugé ces dispositions conformes à la Constitution. La société requérante estimait que l'ensemble du dispositif portait atteinte au droit de propriété en ce qu'il ne respectait pas "l'exigence d'une indemnité juste et préalable et n'offr[ait] pas de voies de recours appropriées". Reprenant sa jurisprudence relative au droit de propriété et à l'expropriation, le Conseil constitutionnel vient balayer cette argumentation et juge que les articles contestés de la loi ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Il a, en effet, estimé que "l'ensemble des dispositions a pour objet de mettre fin dans les meilleurs délais à l'utilisation de locaux ou d'habitation présentant un danger pour la santé ou la sécurité des occupants [...] ainsi, le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l'indemnisation répond à des motifs impérieux d'intérêt général".
La décision du Conseil constitutionnel peut paraître, à certains égards, discutable dans la mesure où la procédure spécifique d'expropriation pour lutter contre l'habitat insalubre apparaît profondément dérogatoire au droit commun, tout en amenant à privilégier fortement l'autorité publique expropriatrice. L'équilibre entre défense de l'intérêt général et respect du droit de propriété, que l'on doit précisément respecter dans ce type de procédure, n'apparaît pas correctement établi. Ceci se vérifie d'autant plus si l'on fait référence à la jurisprudence européenne actuellement en vigueur en la matière, dont l'on note l'approfondissement du contrôle au travers de la recherche d'un rapport de proportionnalité, mais aussi d'un rapport de nécessité particulièrement symptomatique en matière foncière. Le Conseil constitutionnel ne retient pas, dans la décision d'espèce, l'ensemble de ces éléments et applique une jurisprudence classique en la matière (II) malgré la présence, de plus en plus forte, de ses éléments susceptibles d'amener une remise en cause de la procédure incriminée (I).
I - Des éléments susceptibles d'amener une remise en cause de la procédure incriminée
Il y a deux éléments susceptibles d'amener une remise en cause de la procédure incriminée. Le premier élément réside dans le caractère particulièrement sévère de la procédure spécifique d'expropriation, particulièrement favorable à l'autorité expropriatrice (A). Si l'on peut comprendre la logique qui sous-tend ces dispositions dérogatoires, ces dernières n'en restent pas moins susceptibles, et c'est là le second élément de remise en cause, d'être incompatibles avec l'article 1er du premier Protocole additionnel à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) (B).
A - Une procédure d'expropriation profondément dérogatoire au droit commun
La procédure d'expropriation applicable pour les immeubles insalubres diffère profondément de la procédure de droit commun. La différence première et principale réside dans le fait qu'aucune enquête publique n'est exigée. La déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité sont, en outre, adoptés dans le même arrêté, lequel détermine, également, la personne bénéficiaire de l'expropriation et le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires. Dès paiement ou consignation de cette indemnité provisionnelle, la procédure permet, au surplus, la prise de possession de l'immeuble. Cette prise de possession anticipée existe bien dans le droit commun de l'expropriation, mais elle est limitée aux situations d'urgence (19). Par ailleurs, le dispositif d'indemnisation est tout à fait favorable à l'autorité publique puisqu'il ne prend en compte que la valeur des terrains nus, c'est-à-dire hors celle des immeubles insalubres et des frais de leur démolition. Si l'article 18 de la loi "Vivien" dispose bien que l'indemnité d'expropriation est fixée selon la procédure de droit commun (20), ce même article précise que "la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu", par dérogation, donc, au principe selon lequel il est tenu compte de la valeur de l'immeuble exproprié.
Ces différences sont justifiées par l'urgence de l'expropriation de l'immeuble insalubre, cette urgence étant elle-même fondée sur la protection de la santé des personnes et de la salubrité publique. Leur caractère dérogatoire justifie, cependant, que le préfet ne soit pas tenu d'y recourir. Il peut, eu égard aux finalités d'un projet qui vise à résorber l'insalubrité des immeubles en cause et à réaménager un quartier, user de la procédure de droit commun, qui offre des garanties plus étendues aux propriétaires évincés, à la place de la procédure décrite aux articles 13 et 14 de la loi "Vivien" (21).
Enfin, et même si ce n'est qu'à titre exceptionnel, des immeubles qui ne sont pas insalubres ou impropres à l'habitation, mais dont l'expropriation est indispensable à la démolition des immeubles insalubres ou des immeubles menaçant ruine, sont soumis au même régime (22). Tel est le cas lorsque les immeubles salubres sont physiquement liés aux immeubles insalubres et qu'ils forment, ainsi, un ensemble architectural indissociable. Dans sa rédaction originelle, il fallait que l'administration démontre que l'expropriation des locaux sains était nécessaire à la réalisation de l'opération projetée. Il suffit aujourd'hui que l'expropriation soit nécessaire à la seule démolition des immeubles insalubres pour assurer sa légalité. L'expropriation ainsi imposée au propriétaire d'un immeuble salubre peut paraître en ce sens sévère, même si l'on peut comprendre la logique qui sous-tend les dispositions. Dans tous les cas elle pose la question de la conformité du dispositif avec les dispositions nationales ou européennes.
B - Une jurisprudence européenne assez contraignante dans la recherche du juste équilibre entre droit de propriété et intérêt général
Lorsqu'il y a opposition entre les deux légitimités que peuvent constituer l'intérêt général et le droit de propriété, la CEDH n'établit à aucun moment une quelconque hiérarchie entre les deux légitimés. Elle s'attache, bien au contraire, à rétablir une symétrie qui fait défaut, car le droit interne régissant l'action publique puise précisément sa source dans la prévalence de l'intérêt général en tant que norme de justification de l'initiative publique. C'est l'article 1er du premier Protocole additionnel qui fixe le droit applicable conformément à l'interprétation qui en est faite et régulièrement réaffirmée depuis l'arrêt "Sporrong et Lönnroth" (23). Si la Cour considère qu'il n'y a ni privation ni réglementation de l'usage, elle appliquera le principe général du respect du droit de propriété, c'est-à-dire la norme générale propre à la substance du droit et constatera, le cas échéant, l'ingérence. La Cour n'hésite pas à indiquer à l'adresse des parties qu'il n'est pas suffisant qu'une mesure privative ou restrictive de propriété poursuive "un objectif légitime d'utilité publique". Elle impose un rapport de proportionnalité au travers de la recherche d'un équilibre qui ne doit pas être rompu au détriment de l'intéressé (24). Celle-ci examinera si l'équilibre est respecté entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde du droit fondamental à la propriété, et si l'ingérence répond à une base légale qui doit exister de manière certaine en droit interne, notamment en satisfaisant un objectif d'intérêt général légal ou légitime.
Pour ce qui est du contrôle de l'utilité publique, l'on peut dire que le juge européen assume d'un prime abord difficilement ce contrôle qui pourrait l'éloigner de la lettre de l'article 1er du premier Protocole. La Cour admet, ainsi, que, "dans un domaine aussi complexe et difficile que l'aménagement des grandes cités, les Etats contractants jouissent d'une grande marge d'appréciation pour mener leur politique urbanistique" (25). Si le juge réfute toute "acception trop abstraite de la notion de cause d'utilité publique'" (26), il affirme vouloir se garder d'apprécier l'utilité publique et maintenir la distance quant aux choix des Etats de recourir à l'expropriation pour mener des politiques publiques. Il invoque la marge d'appréciation des autorités nationales qui sont, ainsi, en mesure de "juger si, dans telles ou telles circonstances, un problème d'intérêt public se pose et justifie des privations de propriété", car il considère que les procédures prévues par le droit interne offrent "un remède suffisant" pour assurer la protection du droit au respect des biens (27).
Il y a, néanmoins, un approfondissement du contrôle du juge européen à un double niveau : au travers de la recherche d'un rapport de proportionnalité, mais aussi d'un rapport de nécessité particulièrement symptomatique en matière foncière. Le juge n'hésite pas à contrôler si l'utilité publique n'est pas dépourvue de base raisonnable, ce qui lui permet d'en approcher la nature et d'en apprécier la nécessité, même s'il retient, à la fin, une approche large de l'utilité publique. La Cour explique clairement qu'elle respecte la "manière" dont les autorités apprécient "les impératifs d'utilité publique", sauf si leur jugement est "manifestement dépourvu de base raisonnable" (28).
De même, enfin, un des moyens dont use la Cour et qui permet de mesurer le rapport de proportionnalité est justement l'examen des modalités d'indemnisation prévues par la législation interne, ce qui pose problème dans le cas d'espèce. Pour la CEDH, l'absence du versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien est constitutive d'une atteinte excessive à l'article 1er (29), sauf dans les cas légitimes d'utilité publique qui exigent un remboursement à la valeur marchande du bien (30). A cet égard, la Cour de Strasbourg considère que le droit à indemnité constitue une obligation pour les autorités nationales qui résulte "implicitement" de l'article 1er du premier Protocole envisagé dans une lecture d'ensemble. Il y a, au final, des éléments susceptibles d'être pris en considération par le Conseil constitutionnel dans son appréciation de la conformité de la procédure incriminée à la Constitution même si ce dernier préfère s'en tenir à sa jurisprudence classique et déclarer la procédure conforme dans tous ses éléments.
II - Des éléments non retenus par le Conseil constitutionnel
En déclarant la procédure conforme à la Constitution, le juge constitutionnel s'en tient à sa jurisprudence classique concernant le respect du droit de propriété, jurisprudence qu'il ne serait pas susceptible de faire évoluer malgré le nouvel instrument que constitue la question prioritaire de constitutionnalité pour les justiciables (A). Sa jurisprudence classique reste fondée sur une approche assez pragmatique des rapports entre droit de propriété et intérêt général. Cette approche se focalise sur la recherche, identique à celle du juge européen, d'un équilibre entre les deux légitimités mais le rapport de proportionnalité et de nécessité peut paraître, à certains égards, moins approfondi (B).
A - Une décision classique mais qui témoigne de la fortune diverse de la question prioritaire de constitutionnalité en droit de l'urbanisme
La question prioritaire de constitutionnalité connaît des fortunes diverses en droit de l'urbanisme car elle est soumise au bon vouloir du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, selon qu'ils acceptent le renvoi devant le Conseil constitutionnel ou, qu'à l'inverse, ils estiment qu'il n'y a pas lieu de poser une telle question. Le régime de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme par une déclaration d'utilité publique s'est, ainsi, vu refuser un passage devant le Conseil constitutionnel (32), tout comme le principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme de l'article L. 160-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7364ACQ). Pour refuser de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité de l'article L. 160-5 précité, le Conseil d'Etat a considéré que la non-indemnisation des servitudes d'urbanisme ne pouvait pas être inconstitutionnelle car elle n'était tout simplement pas inconventionnelle, prenant appui sur le célèbre arrêt "Bitouzet" rendu le 3 juillet 1998 (34) dans lequel la Section du contentieux, s'inspirant de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (35), concluait à la compatibilité de l'article L. 160-5 avec les stipulations de l'article 1er du premier Protocole additionnel consacrant le droit de propriété.
La saisine du Conseil constitutionnel après appréciation de l'opportunité de celle-ci par une des Hautes juridictions n'implique pas nécessairement une censure de sa part comme c'est le cas en l'espèce, ou lorsqu'il a validé le régime du transfert d'office dans le domaine public communal d'une voie privée ouverte à la circulation publique (36). En revanche, il lui est déjà arrivé de déclarer inconstitutionnelle une disposition du Code de l'urbanisme, en l'occurrence l'article L. 332-6-1 (N° Lexbase : L0597ING), qui permet aux communes d'imposer aux constructeurs, par une prescription incluse dans l'autorisation d'occupation du sol, la cession gratuite d'une partie de leur terrain. La disposition attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d'appréciation sur son application et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés. Pour le Conseil, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence, dès lors qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte à l'article 17 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) (37).
En l'espèce, le Conseil constitutionnel a logiquement opéré son contrôle sur le terrain de l'article 17 de la DDHC qui autorise un transfert forcé de propriété dont l'opportunité est déterminée par le législateur. Ce dernier apprécie donc l'intérêt général qui justifie une telle opération, sans, toutefois, commettre "d'erreur manifeste" dans l'appréciation de la nécessité à priver une personne, publique ou privée, de son droit de propriété. L'erreur manifeste n'ayant jamais été décelée, les contours de cette marge de manoeuvre restent incertains. Selon sa jurisprudence classique (38), cependant, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée. La prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité. Pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation. Et, en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnisation, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours approprié. Pour le Conseil, l'octroi par la collectivité expropriante d'une provision représentative de l'indemnité due dans la procédure spécifique pour lutter contre l'habitat insalubre n'est pas incompatible avec le respect de ses exigences.
B - Une décision classique dans la recherche d'équilibre entre respect du droit de propriété et impératifs d'intérêt général
L'octroi par la collectivité expropriante d'une provision représentative de l'indemnité due est conforme à la Constitution si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d'intérêt général, et qu'il est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés (39).
Concernant cette garantie, les Sages rappellent que la procédure au terme de laquelle le préfet peut déclarer irrémédiablement insalubre un immeuble pallie, en partie, l'absence d'enquête publique : les propriétaires sont, en effet, invités, préalablement à la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques, à faire part de leurs observations sur le projet de déclaration d'insalubrité de leur immeuble (40). De même, le Conseil souligne que le propriétaire évincé conserve la possibilité de contester devant le juge administratif les divers actes intervenant lors de la phase administrative de la procédure d'expropriation. Le juge peut, notamment, apprécier si la délibération de la commission départementale n'est pas entachée d'inexactitude matérielle ou d'erreur manifeste d'appréciation (41), si le champ d'application matériel du dispositif est respecté (42), ou encore si les déclarations d'utilité publique et de cessibilité de l'immeuble ne sont pas entachées de détournement de pouvoir (43).
Quant au caractère favorable du dispositif d'indemnisation à la collectivité publique, le Conseil relève que le critère retenu pour calculer l'indemnité est justifié par l'objectif que le législateur s'est fixé, en tant qu'il s'agit de pallier les carences des propriétaires à effectuer des travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité des immeubles leur appartenant (44). Il tient aussi compte du fait que, dès lors que l'immeuble à usage d'habitation a été qualifié d'irrémédiablement insalubre et a fait l'objet de la part du préfet de département d'une interdiction définitive d'habiter, il a perdu toute finalité pour des propriétaires qui ne l'occupaient pas eux-mêmes.
Concernant les motifs impérieux d'intérêt général, le Conseil constitutionnel a jugé que le tempérament au caractère préalable de l'indemnité se justifie compte tenu de l'urgence sanitaire dans laquelle s'inscrit cette procédure. Il s'agit de mettre fin dans les meilleurs délais à des situations présentant un danger pour la santé ou la sécurité des occupants des immeubles concernés, d'où les motifs impérieux d'intérêt général.
Il y a là, in fine, un exemple typique de recherche d'équilibre entre les deux intérêts légitimes concernés dans les procédures d'expropriation, à savoir les objectifs d'intérêt général et le respect du droit de propriété. Le Conseil va assez loin dans la recherche de l'effectivité de cet équilibre, même si le droit interne régissant l'action publique puise précisément sa source dans la prévalence de l'intérêt général en tant que norme de justification de l'initiative publique. L'on aurait pu penser, conformément à la jurisprudence européenne, qu'il aille, néanmoins, vers le rétablissement d'une certaine symétrie qui fait peut-être défaut en la matière.
(1) La procédure d'urgence est définie par les articles L. 15-4 (N° Lexbase : L2964HLD) à L. 15-5 et R. 15-1 (N° Lexbase : L3238HLI) à R. 15-8 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Selon l'article R. 15-1, lorsqu'il y a urgence à prendre possession des biens expropriés, cette urgence est constatée par l'acte déclarant l'utilité publique ou par "un acte postérieur de même nature", cette dernière expression visant implicitement l'arrêté de cessibilité. La procédure d'urgence va alors consister à accélérer la phase judiciaire de la procédure d'expropriation, du point de vue de la fixation des indemnités, mais aussi du point de vue de la prise de possession. L'article R. 15-1 étant rédigé de façon très générale, il faut considérer que la procédure d'urgence peut être utilisée par l'Etat, mais, également, par les collectivités locales. De même, cette procédure est susceptible d'être mise en oeuvre pour l'expropriation de tous les immeubles bâtis ou non bâtis.
(2) La procédure d'extrême urgence est visée par les articles L. 15-6 (N° Lexbase : L2967HLH) à L. 15-9 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle permet au bénéficiaire de prendre possession des terrains concernés avant l'ordonnance d'expropriation, par un décret en Conseil d'Etat. L'article L. 15-9 (N° Lexbase : L7735IMG) prévoit, ainsi, que la procédure d'extrême urgence peut s'appliquer aux travaux de construction de voies rapides, des routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemin de fer et d'oléoducs régulièrement déclarés d'utilité publique. Plus récemment le champ d'application de la procédure d'expropriation d'extrême urgence a été étendu à la prévention de certains risques naturels et technologiques.
(3) C. expr., art. L. 24-1 (N° Lexbase : L5447IMP).
(4) Diverses procédures spéciales ont été instituées concernant les opérations secrètes, l'occupation temporaire de terrains et les brevets d'invention.
(5) La création, le redressement ou l'élargissement des voies routières appellent souvent des emprises foncières sur des terrains adjacents et leur acquisition subséquente.
(6) Le droit minier a instauré la possibilité de poursuivre l'expropriation des immeubles nécessaires aux travaux et installations qui sont indispensables à l'exploitation de la mine, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du périmètre d'un titre minier, moyennant déclaration d'utilité publique dans les formes prévues à l'article L. 11-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L2891HLN).
(7) La loi modifiée du 16 octobre 1919, relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique (JO, 18 octobre 1919), a prévu qu'en vue de l'exécution des travaux définis au cahier des charges et régulièrement approuvés par l'administration, ainsi que pour l'exploitation de la concession d'énergie hydraulique, le concessionnaire puisse bénéficier de la faculté de bénéficier de la procédure d'expropriation.
(8) Certaines richesses nationales font l'objet de procédures d'expropriation ou d'appropriation particulière, qu'il s'agisse de les protéger ou de les exploiter. Il faut ainsi distinguer les bois et forêts, l'eau et les cours d'eau, les monuments historiques, les monuments naturels et les sites, les objets archéologiques et les collections.
(9) La loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (N° Lexbase : L6837BUR) (JO, 31 juillet 2003, p. 13021), a repris une procédure originale de prévention de certains risques naturels par expropriation des biens immobiliers des personnes exposées (C. envir., art. L. 561-1 N° Lexbase : L8864IMA).
(10) La loi n° 76-1022 du 10 novembre 1976, relative à la création et à la protection des jardins familiaux (N° Lexbase : L1935INY) (JO, 11 novembre 1976, p. 6539), a favorisé leur création et leur a apporté une protection supplémentaire en accordant aux SAFER et aux collectivités locales le droit de préemption pour acquérir et aménager ces jardins (C. rur., art. L. 561-1 N° Lexbase : L4293AEQ à L. 561-3).
(11) La loi n° 89-550 du 2 août 1989, portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles (N° Lexbase : L1933INW) (JO, 8 août 1989, p. 9959), a introduit une nouvelle procédure d'expropriation des immeubles en état d'abandon manifeste, permettant aux communes de faire cesser l'état d'abandon de terrains ou d'immeubles sans occupant à titre habituel et manifestement non entretenus, soit en incitant les propriétaires à les entretenir, soit en les expropriant en vue de réaliser un aménagement public (CGCT, art. L. 2243-1 N° Lexbase : L2087G98 à L. 2243-4).
(12) Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, dite loi "Vivien", tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre (N° Lexbase : L2048A4M) (JO, 12 juillet 1970, p. 6543).
(13) En application de l'article L. 1331-25 (N° Lexbase : L6859IG7) ou L. 1331-28 (N° Lexbase : L6334IGP) du Code de la santé publique.
(14) En application de l'article L. 511-2 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1146HP7).
(15) Cf. les articles 13, 14, 17 et 18 de la loi du 10 juillet 1970 modifiée.
(16) Cette prise de possession anticipée existe bien dans le droit commun de l'expropriation mais elle est limitée aux situations d'urgence (C. expr., art. L. 15-4 N° Lexbase : L2964HLD et L. 15-5).
(17) Tels que modifiés par l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005, relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (N° Lexbase : L5276HDR) (JO, 16 décembre 2005, p. 19370), elle-même ratifiée par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK) (JO, 16 juillet 2006, p. 10662).
(18) CE 4° et 5° s-s-r., 18 juin 2010, n° 337898 et n° 337913 (N° Lexbase : A9747EZZ).
(19) C. expr., art. L. 15-4 et L. 15-5 (N° Lexbase : L2966HLG).
(20) Prévue aux articles L. 13-1 (N° Lexbase : L2916HLL) à L. 13-12 du Code de l'expropriation.
(21) Cf. CE, 7 mai 1993, n° 110947 (N° Lexbase : A9554AMS), Rec. CE, p. 827.
(22) Loi du 10 juillet 1970, précitée, article 13, alinéa 3.
(23) Cf. CEDH, 23 septembre 1982, Req. 7151/75 et 7152/75 (N° Lexbase : A5103AYN), série A, vol. 52, AFDI, 1985, p. 415, note V. Coussirat-Coustères, JDI, 1985, p. 205, obs. P. Tavernier.
(24) Cf. CEDH, 13 juillet 2004, Req. 40786/98 (N° Lexbase : A0711DDP), RFDA, 2005, p. 993.
(25) CEDH, 22 septembre 1982, Req. 7151/75 et 7152/75, préc..
(26) Cf. CEDH, 2 juillet 2002, Req. 48161/99 (N° Lexbase : A1464AZA), JCP éd. G, 2003, I, n° 109, n° 25, chron. F. Sudre.
(27) Cf. CEDH, 18 février 1991, Req. 29/1989/189/249 (N° Lexbase : A6345AWW), Rec. CEDH, série A, vol. n° 192.
(28) Cf. CEDH, 19 septembre 2006, Req. 13844/02 (N° Lexbase : A2378DRI).
(29) Cf. CEDH, 21 août 2002, Req. 28856/95, Rec. CEDH, IV.
(30) Cf. CEDH, 25 mars 1999, Req. 31423/96 (N° Lexbase : A7516AWB), DA, 1999, comm. n° 135.
(31) Cf. CEDH, 8 juillet 1986, Req. 2/1984/74/112 (N° Lexbase : A6343AWT), Rec. CEDH, 1986, série A, n° 102.
(32) C. urb., art. L. 123-16 (N° Lexbase : L9409IMG) et CE 1° et 6° s-s-r., 15 septembre 2010, n° 330734, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4981E9D).
(33) CE 9° et 10° s-s-r., 16 juillet 2010, n° 334665, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6483E4U).
(34) CE Contentieux, 3 juillet 1998, n° 158592 (N° Lexbase : A2355B7D), RFDA, 1998, p. 1243, concl. R. Abraham.
(35) Cf. CEDH, 22 septembre 1982, Req. 7151/75 et 7152/75, préc., série A, vol. 52, AFDI, 1985, p. 415, note V. Coussirat-Coustères, JDI, 1985, p. 205, obs. P. Tavernier.
(36) Cons. const., décision n° 2010-43 QPC du 6 octobre 2010 (N° Lexbase : A9924GAS).
(37) Cons. const., décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010 (N° Lexbase : A8929E9L), JCP 2010, éd. A, n° 2302, comm. Ph. Billet.
(38) Voir, notamment, Cons. const., décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 (N° Lexbase : A8198ACM), Rec. CC, p. 53, CJEG, 1990, p. 1, note Genevois, RFDA, 1989, p. 1009, note Bon.
(39) Cons. const., décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, préc..
(40) C. santé publ., art. L. 1331-27 (N° Lexbase : L6284IGT) : le Conseil retenant que l'article garantit l'information du propriétaire quant à la poursuite de la procédure relative à la déclaration d'insalubrité de l'immeuble et lui offre la faculté d'être entendu à l'occasion des différentes étapes de celle-ci.
(41) CE Contentieux, 17 octobre 1997, n° 164189 (N° Lexbase : A4657ASB).
(42) CE Contentieux, 16 octobre 1996, n° 90748 (N° Lexbase : A1023APL).
(43) CE 4° et 5° s-s-r. , 25 mai 2005, n° 275864 (N° Lexbase : A4110DI3).
(44) Il en est de même concernant le calcul de l'indemnisation des frais de démolition et de relogement des occupants des immeubles expropriés. Il s'agit ni plus ni moins de déduire du montant de l'indemnisation du propriétaire le coût des obligations légales qu'il revient, en principe, d'assurer et que la collectivité a finalement assumé.
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Réf. : Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 04 Janvier 2011
La différence de traitement qui résulte des articles L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2122-2 (N° Lexbase : L3804IBI) du Code du travail entre syndicats catégoriels et syndicats intercatégoriels ne méconnaît pas le principe constitutionnel d'égalité devant la loi. |
I - Conformité à la Constitution du mode de décompte de l'audience électorale des syndicats catégoriels affiliés dans l'entreprise
Une décision prévisible. Le 8 juillet dernier, la formation ad hoc de la Cour de cassation, chargée d'examiner les questions prioritaires de constitutionnalité transmises par les juridictions du fond, décidait de transmettre au Conseil constitutionnel une question portant sur la conformité au principe d'égalité de "l'article L. 2122-2 du Code du travail, qui dispense une organisation syndicale catégorielle de devoir franchir le seuil de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d'entreprise dans tous les collèges, contrairement aux syndicats intercatégoriels visés par l'article L. 2122-1 du Code du travail"(1). La décision du Conseil constitutionnel était donc attendue avec curiosité, même si nous avions pronostiqué une validation du texte, compte tenu de la marge d'appréciation laissée au Parlement s'agissant de l'appréciation des différences de situations et des motifs justifiant qu'il soit porté atteinte au principe d'égalité ; on ne sera donc nullement surpris par la teneur de la décision rendue le 7 octobre 2010 qui a "confirmé" l'article L. 2122-2 du Code du travail (2). Nous regrettons toutefois que le Conseil n'ait pas été plus loin dans son analyse et n'ait pas subordonné la validité de ce texte à l'affirmation d'une "représentativité catégorielle" des syndicats catégoriels affiliés, capacité qui ne rayonnerait pas en dehors du ou des collèges "cadre", et d'une "capacité catégorielle" de ces mêmes syndicats qui leur permettrait de signer "seuls" des accords catégoriels mais non des accords intercatégoriels (3).
Confirmation de la marge de manoeuvre laissée au législateur s'agissant de la mise en oeuvre du principe d'égalité. La validation sans réserves de l'article L. 2122-1 du Code du travail confirme la modestie du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel s'agissant de la mise en oeuvre par le Parlement du principe d'égalité qui se contente de vérifier que ce dernier n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, en appréciant les différences de situation entre les sujets de droit ou les motifs, justifiant qu'il soit dérogé au principe d'égalité de traitement. Reprenant une analyse vieille de plus de vingt ans, la Conseil constitutionnel a ainsi rappelé, dans cette décision du 7 octobre, que "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (4).
Principe de participation et critère de représentativité syndicale. Pour le Conseil, "il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en oeuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales".
L'affirmation est inédite, mais guère surprenante.
Le rôle du Conseil constitutionnel n'est pas en effet de se substituer au Parlement dans la détermination des modalités de mise en oeuvre des droits et libertés que la Constitution garantit, mais simplement de vérifier que "l'exercice de ce pouvoir" n'aboutisse "à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel". Ainsi, le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant de la mise en oeuvre du principe de participation du Préambule de Constitution de 1946 (N° Lexbase : L1356A94) (5), que "c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe qui est énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en oeuvre" (6). Il est donc logique de considérer que la mise en oeuvre du critère de représentativité syndicale constitue une modalité de mise en oeuvre de ce droit, dont le Conseil doit vérifier qu'il n'a pas pour effet d'en restreindre de manière injustifiée et disproportionnée l'exercice.
Or, comme le relève le Conseil constitutionnel, "la disposition contestée tend à assurer que la négociation collective soit conduite par des organisations dont la représentativité est notamment fondée sur le résultat des élections professionnelles [et] le législateur a également entendu éviter la dispersion de la représentation syndicale", ce qui constitue d'évidence un motif d'intérêt général suffisant.
La Cour de cassation n'avait d'ailleurs pas jugé autrement dans ses décisions refusant de transmettre les QPC portant sur le seuil de représentativité syndicale de 10 % lorsqu'elle avait affirmé que "l'exigence d'un seuil raisonnable d'audience subordonnant la représentativité d'une organisation syndicale ne constitue pas une atteinte au principe de la liberté syndicale et la représentation légitimée par le vote", et que "loin de violer le principe de participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail par l'intermédiaire des syndicats, en assure, au contraire, l'effectivité" (7).
Principe de liberté syndicale et audience électorale de 10%. Interrogé sur la compatibilité de l'exigence de 10 % avec le principe de liberté syndicale, le Conseil considère également que "la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n'impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience".
On reconnaît également ici le principe selon lequel, c'est au Parlement qu'il appartient de déterminer les conditions et modalités de mise en oeuvre de la liberté syndicale reconnue par le Préambule de la Constitution de 1946 (8).
Ici encore, la décision confirme que la liberté syndicale doit être mise en oeuvre par le législateur qui n'y porte d'ailleurs pas atteinte de manière excessive en réformant les critères de la représentativité syndicale, ne serait-ce que parce que ce critère concerne l'exercice des prérogatives syndicales et non la liberté syndicale en elle-même, entendue essentiellement comme la liberté d'adhérer (ou ne pas adhérer un syndicat), et accessoirement comme la liberté de se livrer à une activité syndicale.
Conformité à la Constitution du seuil d'audience de 10 %. Il est extrêmement intéressant de relever ici que le Conseil constitutionnel se prononce à l'occasion de l'examen de la constitutionnalité de l'article L. 2221-2 du Code du travail sur la conformité à la Constitution du seuil d'audience de 10%, alors qu'il n'était interrogé que sur une éventuelle rupture d'égalité entre syndicats catégoriels et intercatégoriels.
Certes, s'il avait préalablement établi que ce seuil d'audience était contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit, il aurait réglé la question posée en censurant le seuil d'audience pour les syndicats catégoriels, ouvrant ainsi la voie à l'abrogation de l'ensemble des dispositions du Code du travail de même nature. Mais cette analyse liminaire constitue aussi, et peut-être surtout, une réponse aux refus de transmission des QPC portant précisément sur le seuil d'audience des 10 %, refus qui avait déclenché l'ire du Président du Conseil constitutionnel, à juste titre (9).
On notera d'ailleurs que le sens de la réponse apportée par le Conseil à la question de la constitutionnalité des seuils d'audience donne paradoxalement raison à la Cour de cassation qui avait considéré que ces derniers ne portaient pas sérieusement atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et que leur transmission au Conseil ne s'imposait pas ...
S'agissant précisément du régime propre à la mesure de l'audience électorale des syndicats catégoriels, le Conseil considère, ici encore sans surprise, compte tenu de la marge d'appréciation laissée au Parlement dans la mise en oeuvre du principe d'égalité, "que les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales", et "qu'en prévoyant que, pour les organisations syndicales catégorielles, le seuil de 10 % est calculé dans les seuls collèges dans lesquels elles ont vocation à présenter des candidats, le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi" (10).
Conclusion. Au final, la décision est sans surprise, même si la question du rayonnement de la représentativité des syndicats catégoriels affiliés au-delà du ou des collèges "cadres" et de leur capacité à conclure seuls des accords intercatégoriels dès lors que le nombre des suffrages exprimés dans leurs collèges représenteraient au moins 30 % de l'ensemble des collèges, demeure ; mais le Conseil n'était pas interrogé sur ce point, ni sur les dispositions correspondantes du Code du travail issues de la loi du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ), de telle sorte qu'il appartiendra à la Cour de cassation de prendre position sur ces questions délicates (11), voire au Conseil s'il devait être ultérieurement saisi sur la conformité des autres dispositions de l'article 2 de la loi du 20 août 2008.
II - La confirmation par la Cour de cassation d'une politique restrictive de transmission des QPC
Contexte. La Cour de cassation a été saisie, depuis le mois de juillet, d'un certain nombre de QPC concernant le droit du travail. Comme on pouvait s'y attendre, la plupart d'entre-elles n'ont pas été transmises en raison de leur absence de caractère "sérieux".
Refus de transmission de questions portant sur les seuils d'audience. La Cour a confirmé son refus de transmettre de nouvelles questions portant sur l'exigence d'un seuil d'audience de 10 % pour qu'un syndicat puisse être représentatif dans les établissements, entreprises et groupes d'entreprises. Selon la Haute juridiction, en effet, "la condition tenant à une audience électorale de 10% posée par les articles L. 2122-1 et L. 2143-3 seuls visés en l'espèce s'impose à toutes les organisations syndicales, de sorte qu'elle ne porte pas atteinte au principe d'égalité invoqué" (12).
La Cour de cassation a également transmis toutes les QPC dont elle était saisie concernant le régime applicable aux syndicats catégoriels dans la loi du 20 août 2008 (13), et ce dans la droite ligne de sa précédente décision en date du 8 juillet 2010 (14).
La décision de conformité, rendue sur l'article L. 2122-1 du Code du travail, le 7 octobre 2010, ferme bien entendu la voie à toute nouvelle décision sur le sujet, le Conseil devant les rejeter conformément aux dispositions de l'article 23-2 modifié de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il faudra alors attendre un "changement de circonstances" pour que le Conseil puisse de nouveau être saisi d'une question portant sur ce même texte, ce qui ne pourra intervenir que dans quelques années (15).
Impact de la décision du 7 octobre 2010 sur l'ensemble du contentieux de l'article 2 de la loi du 20 août 2008. Reste à déterminer l'impact de cette décision sur les autres dispositions litigieuses du Code du travail, qu'il s'agisse de celles qui régissent la représentativité des organisations catégorielles dans les branches et au niveau interprofessionnel (16), ainsi que celles qui sont applicables à la mesure du critère d'audience de 30% pour la conclusion des accords collectifs (17).
Techniquement, il ne nous semble pas que le Conseil puisse décider qu'une QPC portant sur les autres dispositions voisines de la loi du 20 août 2008 serait irrecevable ; seuls les textes visés par le Conseil dans le motif et le dispositif sont, en effet, insusceptibles de faire l'objet d'un nouveau recours, sauf changement de circonstances (18) ; or, si d'autres dispositions relatives au volet "démocratie sociale" ont été visées par le Conseil dans ces motifs, et singulièrement celles qui concernent le seuil d'audience de 10 % nécessaire à l'établissement de la représentativité des syndicats, seul l'article L. 2122-1 du Code du travail l'a été dans le dispositif. Toutes les autres dispositions du Code du travail qui n'ont pas été visées dans le dispositif de la décision rendue en 2008 lors de l'examen initial de la loi du 20 août 2008 peuvent donc faire l'objet d'une QPC (19).
Mais, sur un plan plus général, la volonté clairement affichée par le Conseil dans les motifs de la décision du 7 octobre 2010 d'affirmer non seulement la conformité à la Constitution du seuil d'audience de 10 %, mais également de justifier le régime propre applicable aux syndicats catégoriels, laisse clairement entendre que toutes les QPC qui lui seront transmises sur le sujet recevront le même traitement.
La Cour de cassation pourrait donc se fonder sur cette "opinion" du juge constitutionnel pour continuer de bloquer les QPC concernant ces questions, en raison précisément du sort qui leur est promis.
Comme nous l'avons déjà signalé, tant que la Cour refusera de transmettre ces questions, elle les verra revenir devant elle ; seule une transmission et une décision de conformité prise par le Conseil constitutionnel serait susceptible de purger toute contestation pour l'avenir sur les textes visés dans les motifs et le dispositif des décisions du Conseil puisque dans cette hypothèse, les QPC portant sur l'examen de la conformité de dispositions validées par le Conseil devraient être déclarées irrecevables par les juridictions du fond, ce qui mettrait un terme aux contentieux engagés depuis mars par les syndicats.
Autres questions bloquées. La Cour de cassation était également saisie d'autres questions qu'elle a refusé de transmettre.
Gérants de succursale. Une première question concernait l'article L. 7321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1885IEK), concernant les gérants de succursales, "en tant qu'il utilise le terme "presque exclusivement"" et en ce que cet adverbe "contrevient-il aux articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H), 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 6 (N° Lexbase : L1370A9M), 16 (N° Lexbase : L1363A9D) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, en lien avec les articles 34 (N° Lexbase : L1294A9S) et 37 (N° Lexbase : L1297A9W) de la Constitution ?". Rappelons que ce texte dispose que "Est gérant de succursale toute personne : 1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ; 2° Dont la profession consiste essentiellement : a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise [...] ".
Or, la Chambre sociale de la Cour de cassation, directement saisie de la QPC, a considéré, dans un arrêt en date du 28 septembre 2010, que cette question n'était pas sérieuse "dès lors que les termes "presque exclusivement" contenus dans l'article L. 7321-2 du Code du travail, tels qu'interprétés à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, ne sont ni imprécis ni équivoques et ne peuvent porter atteinte aux objectifs à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ni, en conséquence, aux droits et libertés visés dans la question" (20).
Cette décision n'est pas contestable.
Comme cela a été indiqué à de nombreuses reprises au moment de l'adoption de la réforme (21) et confirmé par le Conseil constitutionnel lui-même, l'exigence de clarté et d'intelligibilité de la loi, dont le Conseil constitutionnel contrôle le respect lors de l'examen "initial" des lois (22), n'entre pas dans la catégorie des "droits et libertés que la Constitution garantit" mais un "simple" objectif de valeur constitutionnelle dont la violation ne justifie pas,en "elle-même", une QPC, à moins qu'elle ne porte atteinte à la substance même de droits et libertés (23).
L'intégration de l'interprétation jurisprudentielle des normes légales dans le contrôle du caractère sérieux des griefs. En se référant à sa propre interprétation des termes litigieux de l'article L. 7321-2 du Code du travail pour considérer que ce texte ne pouvait être sérieusement considéré comme contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit, la chambre sociale de la Cour confirme par ailleurs que le contrôle de contrôle de constitutionnalité des lois doit tenir compte de leur interprétation jurisprudentielle. On sait que la formation ad hoc de la Cour de cassation avait jugé autrement en refusant de transmettre des QPC lorsque les griefs formulés par les demandeurs visaient non pas directement la loi en elle-même, mais son interprétation jurisprudentielle (24), voire des principes généraux du droit sans base textuelle précise (25).
Or, dans une décision rendue le 6 octobre 2010 concernant l'article 334 du Code civil (N° Lexbase : L8836G97), le Conseil constitutionnel a contredit cette interprétation et affirmé au contraire "qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition" (26). C'est bien ce que considère la Chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 28 septembre 2010 lorsqu'elle considère que les termes litigieux de "l'article L. 7321-2 du Code du travail, tels qu'interprétés à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, ne sont ni imprécis ni équivoques".
Prescription d'un an des actions en contestation des procédures du licenciement pour motif économique. La Cour de cassation a également été saisie d'une question portant sur la conformité des "dispositions prévues par l'article L. 1235-7, alinéa 2, du Code du travail ([LXB=L1351H9W) [...] aux droits et libertés de la personne garantis par la Constitution et notamment, aux principes constitutionnels d'égalité, de l'accès au juge et de l'inviolabilité du droit de propriété et aux articles 1 (N° Lexbase : L1365A9G) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ". Il s'agit ici de la disposition du Code du travail qui permet, à condition d'en informer le salarié lors de son licenciement, de limiter à une année le délai de contestation des licenciements pour motif économique en raison du non-respect des règles imposant la consultation du comité d'entreprise.
Dans plusieurs arrêts en date du 16 juillet 2010, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a refusé de transmettre cette question après avoir relevé que "la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que l'article L. 1235-7 du Code du travail instaurant un délai d'un an pour contester la validité d'un licenciement pour motif économique ne distingue pas entre les salariés placés dans la même situation, ne prive pas le salarié licencié d'un droit d'accès au juge et est étranger au droit de propriété", ce qui semble parfaitement justifié (27). Rappelons d'ailleurs que la Cour de cassation avait également refusé de transmettre une question portant sur la constitutionnalité de la prescription quinquennale des gains et salaires, ce qui nous était également apparu justifié (28).
Droit pénal du travail. Indiquons également que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de transmettre une question qui tendait "à faire constater que les dispositions de l'article L. 324-10, second alinéa, du Code du travail (N° Lexbase : L3593H9X), dans sa rédaction applicable entre le 13 mars 1997 et le 30 avril 2008, et reprises à l'article L. 8221-5 du même code (N° Lexbase : L3597H94), à ce jour en vigueur, portent atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1373A9Q), en ce qu'elles instituent une présomption de culpabilité", et ce dans la mesure où "le texte visé, s'agissant d'une infraction intentionnelle, n'emporte aucune atteinte au principe de la présomption d'innocence" (29).
(1) Cass. QPC, 8 juillet 2010, n° 10-60.189, P+B (N° Lexbase : A2179E4H), et nos obs., Les syndicats catégoriels devant le Conseil constitutionnel, Lexbase Hebdo n° 404 du 22 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6449BPK).
(2) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD), [Représentativité des syndicats].
(3) V. nos obs., préc..
(4) Cons. 5. Sur cette jurisprudence, Cons. const., 7 janvier 1988, n° 87-232 DC, cons. 10 (N° Lexbase : A8176ACS).
(5) Cons. const., 28 décembre 2006, n° 2006-545 DC (N° Lexbase : A1487DTA), cons. 4. ; Cons. const., 28 avril 2005, n° 2005-514 DC (N° Lexbase : A0576DI8), cons. 25. ; Cons. const., 29 avril 2004, n° 2004-494 DC (N° Lexbase : A9945DBX), cons. 7.
(6) Cons. const., 29 avril 2004, préc., cons. 8.
(7) Cass. QPC, 18 juin 2010, 4 arrêts, n° 10-40.005 (N° Lexbase : A4056E3M), n° 10-40.006 (N° Lexbase : A4057E3N), n° 10-40.007 (N° Lexbase : A4058E3P), voir nos obs., La Cour de cassation, juge constitutionnel ?, Lexbase Hebdo n° 403 du 15 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6300BPZ).
(8) Sur cette décision Cons. const., 25 juillet 1989, n° 89-257 DC (N° Lexbase : A8199ACN) ; Cons. 28 avril 2005, n° 2005-514 DC (N° Lexbase : A0576DI8), cons. 25 ; Cons. const., 28 décembre 2006, n° 2006-545 DC, cons. 4.
(9) V. nos obs., préc..
(10) Cons. 7. Sur cette analyse, nos obs., préc..
(11) Notre chron. "Les syndicats catégoriels et la réforme de la démocratie sociale", Dr. soc., 2010, pp. 821-825.
(12) Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-40.023 (N° Lexbase : A3430GAB) - Cass. Ass. plén., 8 juillet 2010, n° 10-60.189 (N° Lexbase : A2179E4H).
(13) Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-40.025, visant à vérifier la conformité à la Constitution des articles L. 2121-1 et L. 2122-1 à L. 2122-2 du Code du travail (N° Lexbase : A9182E9X) - Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-18.699, visant à faire vérifier la conformité des articles L. 2122-1, L. 2122-2 et, par conséquent, L. 2143-3 du Code du travail (N° Lexbase : A9180E9U).
(14) V. préc..
(15) Cf. la décision intervenue sur le régime des gardes à vue, qui a admis un tel changement compte tenu de l'augmentation sensible du nombre des gardes à vue depuis la précédente décision intervenue en 2004 : Cons. const., 30 juillet 2010, n° 2010-1422 QPC (N° Lexbase : A4551E7P), cons. 15 à 18.
(16) C. trav., L. 2122-7 (groupe) (N° Lexbase : L3739IB4) et L. 2122-10 (national et interprofessionnel) (N° Lexbase : L3797IBA).
(17) C. trav., art. L. 2232-2-1, al. 2 (N° Lexbase : L3741IB8), L. 2232-7, al. 2 (N° Lexbase : L3784IBR) et L. 2232-13, al. 2 (N° Lexbase : L3827IBD).
(18) Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-19.113 (N° Lexbase : A9181E9W) : la question posée ne visant que l'article L. 2122-1 du Code du travail, elle ne sera peut-être pas recevable.
(19) Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-568 DC (N° Lexbase : A8775D9U), qui n'a visé que les articles 3 et 18 de la loi. Or, les dispositions relatives à la démocratie sociale litigieuses figurent dans l'article 2.
(20) Cass. soc., 28 septembre 2010, 2 arrêts, n° 10-40.027 (N° Lexbase : A1250GBW) et n° 10-40.028 (N° Lexbase : A1251GBX).
(21) V. nos obs., L'avenir de la question prioritaire de constitutionnalité en droit du travail à partir de quelques interrogations concrètes, Lexbase Hebdo n° 379 du 21 janvier 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N9622BMC).
(22) Ainsi dans sa Décision Cons. const., 17 janvier 2008, n° 2007-561 DC (N° Lexbase : A7427D3H) concernant la loi de ratification de l'ordonnance du 12 mars 2007 portant recodification de la partie législative du Code du travail.
(23) Cons, const., 22 juillet 2010, n° 2010-417 QPC (N° Lexbase : A9190E47), cons. 9 ("ne peut en elle-même fonder... ").
(24) A propos de l'absence de motivation des arrêts rendus par les Cours d'assise : Cass. crim., 19 mai 2010, n° 09-83.328 (N° Lexbase : A3861GBM). Même solution : Cass. crim., 23 juin 2010, n° 09-87.307 (N° Lexbase : A5079E8M) ; Cass. crim., 30 juin 2010, n° 09-82.582 (N° Lexbase : A6906E38). ; Cass. QPC, 31 mai 2010, n° 09-87.578 (N° Lexbase : A0819EZD) : "la question posée tend, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts des cours d'assises statuant sur l'action publique ; que, comme telle, elle ne satisfait pas aux exigences du texte précité". ; Cass. QPC, 9 juillet 2010, n° 10-40.010, F-D (N° Lexbase : A7685E4E) : "la question ne présente pas un caractère sérieux en ce qu'elle tend, en réalité, non à contester la constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation au regard des conditions de la constitution des organismes de sécurité sociale".
(25) Cass. QPC, 19 mai 2010, n° 09-87.651, P+F (N° Lexbase : A8743EX4) : la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce qu'elle critique non pas l'article 598 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4430AZ4) mais la "théorie de la peine justifiée", élaborée à partir de cette disposition législative.
(26) Cons. const., 6 octobre 2010, n° 2010-39 QPC (N° Lexbase : A9923GAR) [Adoption par une personne seule].
(27) Cass. Ass. Plén., 16 juillet 2010, n° 10-40.015, F-P+B (N° Lexbase : A0212E7Y), Cass. QPC, 16 juillet 2010, 3 arrêts, n° 10-40.016, F-P+B (N° Lexbase : A0213E7Z) et n° 10-40.017, F-P+B (N° Lexbase : A0214E73), n° 10-40.018, F-P+B (N° Lexbase : A0215E74).
(28) Cass. QPC, 25 juin 2010, n° 10-40.009 (N° Lexbase : A7369E3C), et V. nos obs., La Cour de cassation, juge constitutionnel ?, préc. (N° Lexbase : N6300BPZ).
(29) Cass. crim., 25 juin 2010, n° 10-90.068, inédit (N° Lexbase : A7372E3G).
Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD) Renvoi Cass. QPC, 8 juillet 2010, n° 10-60.189, P+B ([LXB=A2179E4HA]) Dispositions applicables : C. trav., art. L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2122-2 (N° Lexbase : L3804IBI) Mots clef : Question prioritaire de constitutionnalité, syndicats catégoriels et intercatégoriels, égalité devant la loi Liens base : (N° Lexbase : E1798ETR) |
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Le 04 Janvier 2011
En droit commun, un créancier ne peut déclarer sa créance à titre provisionnel (1). Si sa créance n'est pas liquide, il doit la déclarer par estimation, en indiquant un montant maximum, qui ne pourra être revu à la hausse, lorsque la créance sera liquidée.
Par exception, les créanciers publics, autorisés à se délivrer à eux-mêmes des titres exécutoires, en application du privilège du préalable, et eux seuls (2), puisqu'il est ici fait exception à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, non seulement peuvent, mais encore doivent impérativement, dans le délai classique de déclaration des créances -deux mois à compter de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture-, déclarer leurs créances non couvertes par un titre exécutoire (C. com., art. L. 622-24, al. 3 N° Lexbase : L3455ICX). Puis, dans un deuxième temps, ils doivent liquider leurs créances, si cela n'est pas déjà le cas au jour de la déclaration à titre provisionnel, et se délivrer à eux-mêmes le titre, à savoir, pour l'Urssaf, sur le cas de laquelle on raisonne spécifiquement ici, la contrainte. Il a été jugé, à propos de la contrainte des organismes sociaux, que le titre exécutoire exigé par la législation pour solliciter l'admission à titre définitif de sa créance existe par le seul effet de la délivrance de la contrainte, indépendamment de sa signification au débiteur (3). Alors, dans un troisième temps, le créancier public déclarera sa créance à titre définitif, en étant cette fois enfermé dans un autre délai, celui de l'article L. 624-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3757HBR) : le délai imparti au mandataire judiciaire -ou au liquidateur- pour établir la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, autrement dit le délai de vérification des créances.
Une question se pose à ce stade, contenue dans l'espèce rapportée : le créancier social ou fiscal peut-il revoir à la hausse la déclaration de créance faite à titre définitif ?
En l'espèce, l'Urssaf avait initialement déclaré à titre définitif une créance de 4 848 euros et, à titre provisionnel, une créance de 11 118 euros. Quatre mois plus tard, elle déclarait cette deuxième créance à titre définitif pour un montant de 5 663 euros. Puis, se ravisant, deux mois plus tard, elle déclarait à nouveau sa créance à titre définitif, cette fois pour un montant de 10 107 euros. Le mandataire judiciaire contestait cette seconde déclaration de créance à titre définitif, la considérant comme hors délai, et atteinte en conséquence de forclusion.
La cour d'appel ne lui donnait pas satisfaction et admettait la créance de l'Urssaf, déclarée à titre définitif pour le montant déclaré en second lieu.
La Cour de cassation va rejeter le pourvoi en ces termes : "ayant constaté que la déclaration de créance du 5 avril 2007 [déclaration à titre définitif faite en second lieu], d'un montant de 10 107 euros avait été effectuée dans le délai imparti par le tribunal pour l'établissement de l'état des créances et pour une somme inférieure à la déclaration à titre provisionnel, la cour d'appel en a déduit, à juste titre, qu'aucune forclusion n'était encourue".
Commençons par relever une petite confusion commise par la Cour de cassation entre la liste des créances déclarées établie par le mandataire judiciaire et l'état des créances. Ce dernier désigne le recueil des décisions du juge-commissaire statuant sur les créances déclarées et complété par les décisions rendues après reprise d'instance ou après incompétence. Cette confusion reste toutefois sans conséquence sur la pureté du raisonnement ici tenu par la Cour de cassation.
Pour parvenir à sa décision, la Chambre commerciale commence par rappeler une solution désormais bien acquise : la déclaration à titre définitif ne peut dépasser le montant pour lequel a été effectuée la déclaration à titre provisionnel (4). Tel était bien le cas en l'espèce, la déclaration à titre provisionnel ayant été effectuée pour un montant de 11 118 euros, alors que la déclaration à titre définitif, faite en second lieu s'élevait à 10 107 euros.
La deuxième difficulté tenait à la déclaration à titre définitif faite en deux fois. Dès lors que l'on considère, comme le fait la Cour de cassation, que la déclaration de créance équivaut à une demande en justice, il faut admettre que la déclaration de créance à titre définitif équivaut à une demande en justice. Celui qui introduit une demande en justice peut la compléter, par la voie d'une demande incidente. Figure au rang des demandes incidentes, la demande additionnelle.
Quand un créancier demande en justice plus que ce qu'il a initialement demandé, il présente une demande additionnelle. Il en est donc ainsi du créancier qui déclare une créance au passif.
Le demandeur peut-il, à tout moment, présenter une demande additionnelle ? Non ! En droit commun de la procédure civile, la demande additionnelle, comme toute demande incidente, doit être présentée dans le délai de l'action. En raisonnant sur une demande additionnelle présentée à l'occasion d'une déclaration de créance, cette demande doit être faite dans le délai de la déclaration de créance (5).
Si l'on raisonne sur la déclaration de créance à titre provisionnel, la déclaration complémentaire de créance devra être faite dans le délai de deux mois de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture.
Si la déclaration de créance complémentaire intéresse la déclaration de créance à titre définitif, elle doit impérativement être présentée dans le délai de déclaration des créances à titre définitif, c'est-à-dire le délai de l'article L. 624-1 du Code de commerce, c'est-à-dire le délai d'établissement de la liste des créances déclarées et non dans le délai d'établissement de l'état des créances comme l'énonce la Cour de cassation. C'est bien ce qui avait été fait en l'espèce.
La suite du raisonnement est simple : l'Urssaf n'avait encouru aucune forclusion, laquelle ne peut exister sans texte.
Ainsi, le créancier public, dont la tâche, il faut le reconnaître, n'est pas facile, dans le cadre des déclarations de créances, exposé en effet à une forclusion que nous avions qualifiée de forclusion à double détente, peut-il se rattraper tant qu'il est dans le délai de l'action, non seulement pour déclarer sa créance non couverte par un titre exécutoire à titre provisionnel, mais également pour déclarer à titre définitif sa créance, lorsqu'il se sera délivré à lui-même le titre.
En revanche, la session de rattrapage n'existe pas, dans certains cas.
L'admission des créances couvertes par un titre, au jour de la déclaration de créance, ne pourra intervenir qu'à titre définitif, et cela même si le titre exécutoire est contesté. Le juge-commissaire ne pourra donc admettre la créance correspondante simplement à titre provisionnel (6). A fortiori, en sera-t-il ainsi, si la créance est établie par un titre exécutoire non contesté (7).
Il en est également ainsi lorsque le créancier public déclare à titre provisionnel pour un montant inférieur à celui de sa créance. Il ne pourra, par voie de déclaration à titre définitif, déclarer plus que ce qu'il a déclaré à titre provisionnel. Il lui reste néanmoins, en ce cas, la possibilité de se faire relever de forclusion, au titre de la déclaration effectuée à titre provisionnel, dans les conditions du droit commun du relevé de forclusion.
Il en est ensuite ainsi si le créancier déclare à titre définitif pour moins que ce qui lui est finalement dû. Ici encore, il pourra tenter le relevé de forclusion, au titre de sa déclaration à titre définitif, mais il sera rarement dans les délais pour présenter cette demande.
Il reste la dernière hypothèse, qui est assez fréquente : au terme du délai de déclaration à titre définitif, le créancier n'a pas encore pu liquider sa créance, notamment parce que le cotisant ne lui a pas donné les éléments de calcul. En ce cas, lorsque le créancier social se rend compte, à l'approche de l'expiration du délai de déclaration de créance à titre définitif, c'est-à-dire le délai imparti au mandataire judiciaire ou au liquidateur pour établir la liste des créances déclarées, qu'il ne sera pas dans les délais pour procéder à sa déclaration à titre définitif, faute de pouvoir délivrer le titre exécutoire, il lui faut impérativement, avant expiration de ce délai, obtenir un relevé de forclusion pour être autorisé à différer sa déclaration de créance à titre définitif. Il lui suffira d'invoquer que le cotisant ne lui a pas fourni en temps utile les éléments de calcul, dès lors du moins qu'ils lui auront été demandés en temps utile, pour démontrer que la défaillance à déclarer sa créance à titre définitif n'est pas due à son fait.
A ce stade, une observation s'impose, que pourrait peut-être prendre en compte le ministère de la Justice, à l'occasion d'une petite retouche des textes : le créancier public n'a aucun moyen direct d'accès à l'information sur la date d'expiration de son délai de déclaration de créance à titre définitif. En effet, et comme l'a, en l'état actuel des textes, exactement jugé la Cour de cassation, le délai imparti au mandataire judiciaire ou au liquidateur pour établir la liste des créances déclarées n'est pas mentionné dans l'avis d'insertion au Bodacc du jugement d'ouverture. Ce délai est opposable aux créanciers confrontés à devoir déclarer leurs créances à titre définitif dans ce délai par le seul fait de la publicité du jugement d'ouverture qui le mentionne (8). De lege ferenda, devrait constituer une mention obligatoire du jugement d'ouverture, le délai imparti au mandataire judiciaire ou au liquidateur pour établir la liste des créances déclarées. Il apparaît en effet pour le moins singulier de faire courir un délai avec un buttoir inconnu contre un créancier. Le droit au procès équitable n'y retrouve pas son compte...
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises
Quel est le rang attribué au créancier hypothécaire antérieur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ? Telle est la question abordée par un arrêt du 21 septembre 2010, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L4126BMR).
En l'espèce, un créancier hypothécaire avait été admis à titre privilégié au passif d'une société en liquidation judiciaire. Par suite de la réalisation de l'immeuble hypothéqué, un état de collocation avait été dressé par le liquidateur, lequel prévoyait le règlement de la créance hypothécaire en quatrième rang, derrière la créance super privilégiée des salaires, les frais de justice, et le privilège des salaires. La cour d'appel avait fixé l'ordre des créanciers conformément à cet état de collocation. Estimant que sa créance hypothécaire devait primer les frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture ainsi que les créances de salaire ne bénéficiant pas du super privilège, la banque s'était pourvue en cassation.
La Chambre commerciale a accueilli le pourvoi et cassé l'arrêt d'appel au motif, d'une part, "que la créance hypothécaire de la BNP primait les frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture" et que, d'autre part, "sans rechercher [...] si les créances de salaire qui ne bénéficiaient pas du super privilège étaient postérieures au jugement d'ouverture et si, dans ce cas, elles n'étaient pas primées par la créance hypothécaire de la BNP" la cour d'appel avait privé sa décision de base légale.
Est ainsi clairement tranchée la question du classement, en liquidation judiciaire, des créanciers titulaires d'une sûreté immobilière. Cette question était particulièrement épineuse sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, applicable en l'espèce. Son article 40, alinéa 2, (C. com., art. L. 621-32 N° Lexbase : L6884AIS) énonçait, depuis la loi de réforme du 10 juin 1994 (loi n° 94-475, relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises N° Lexbase : L9127AG7), qu'"en cas de liquidation judiciaire, [les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture] sont payées par priorité à toutes les autres créances, à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10 (N° Lexbase : L0050HD9), L. 143-11 (N° Lexbase : L0051HDA), L. 742-6 (N° Lexbase : L6766ACL) et L. 751-15 (N° Lexbase : L6788ACE) du Code du travail [devenus C. trav., art. L. 3253-2 N° Lexbase : L0955H9A et L. 3253-3 N° Lexbase : L0957H9C, L. 3253-4 N° Lexbase : L0959H9E et L. 7313-8 N° Lexbase : L3442H9D], des frais de justice, de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention ou constituées en application de la loi n° 51-59 du 18 janvier 1951 relative au nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement (N° Lexbase : L7516AI9)".
La rédaction de ce texte avait soulevé plusieurs interrogations.
La première était de savoir si l'expression "assorties d'un droit de rétention" se rapportait à la fois aux sûretés immobilières et aux sûretés mobilières spéciales ou uniquement à ces dernières. La doctrine avait considéré que l'ensemble des sûretés immobilières était concerné par le texte et non seulement celle assortie d'un droit de rétention (l'antichrèse). Il était logique que l'antichrèse, oubliée par la pratique, n'ait pas été spécifiquement visée par le législateur. La mention "assorties d'un droit de rétention" ne devait donc concerner que les sûretés mobilières spéciales. Cette interprétation doctrinale (9) a été entérinée par le législateur du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), puisque le texte de l'article L. 641-13, II, (N° Lexbase : L3405IC4) vise désormais les créances garanties par "des sûretés immobilières ou par des sûretés mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention". L'équivoque est donc dissipée.
La deuxième interrogation née de la rédaction du texte de l'ancien article L. 621-32, applicable en la cause, touchait à une question aussi épineuse que sensible : celle de la place des frais de justice de la procédure collective -essentiellement les honoraires des mandataires de justice- par rapport à celle des créanciers hypothécaires dans le cadre de la répartition du prix de vente d'un immeuble grevé de la sûreté.
L'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, modifié par la loi du 10 juin 1994 (C. com., art. L. 621-32, anc.), mentionnait deux fois les frais de justice dans l'énonciation de l'ordre du paiement des créanciers. Les frais de justice étaient, en effet, visés :
- d'une part, au II, juste après les créances assorties du super privilège des salaires et juste avant les créances garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention ou constituées en application du chapitre V du titre II du livre V du Code de commerce (nantissement sur matériel et outillage) et avant les créances postérieures ;
- d'autre part, au III, énonçant le classement interne des créances postérieures, et plus précisément au deuxième rang de ce classement.
Puisque les frais de justice sont visés deux fois dans le classement des créanciers, cela signifie qu'ils sont différents. Les frais de justice visés au III de l'article L. 621-32 sont nécessairement postérieurs car visés dans le classement interne des créances postérieures. Par conséquent, les frais de justice visés au II de l'article L. 621-32 sont les frais de justice antérieurs au jugement d'ouverture.
Ainsi, pour répondre à la question de savoir si les honoraires du mandataire de justice devaient être ou non réglés prioritairement par rapport aux créanciers titulaires d'une hypothèque, il suffisait de déterminer la date de naissance, c'est-à-dire le fait générateur, de cette créance de frais de justice. Par essence, les honoraires des mandataires de justice et les frais de greffe inhérents à la procédure trouvent leur fait générateur postérieurement au jugement d'ouverture. En conséquence, ce sont des frais de justice visés au III de l'article L. 621-32 qui doivent, ainsi que l'énonce la Chambre commerciale dans l'arrêt rapporté, être réglés après le créancier hypothécaire. Cette position soutenue par la doctrine (10) est ainsi entérinée par la jurisprudence. La solution doit être totalement approuvée, compte tenu de l'absence d'ambiguïté de la lettre du texte même si, vraisemblablement, l'intention du législateur n'était pas en adéquation avec elle.
La solution doit-elle être reconduite sous l'empire de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 ?
La réponse à cette question est différente selon que l'on se place sous l'empire de la loi de sauvegarde dans sa rédaction initiale ou dans celle résultant de l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT).
Au lendemain de la loi de sauvegarde, comme sous l'empire des dispositions résultant de la loi du 10 juin 1994, les frais de justice postérieurs demeurent visés en second rang au sein du classement des créanciers postérieurs (11). Ainsi le III de l'article L. 641-13 (N° Lexbase : L3904HB9), dans sa rédaction initiale, énonçait que le paiement des créances postérieures éligibles au traitement préférentiel non payées à leur échéance se fait dans l'ordre suivant : "1° les créances de salaire dont le montant n'a pas été avancé [par l'AGS...] , 2° les frais de justice".
L'article L. 641-13 du Code de commerce énonçait, pour sa, part que "si elles [les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, ou dans ce dernier cas, après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire qui l'a précédée] ne sont pas payées à l'échéance, elles sont payées par privilège avant toutes les autres créances à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du Code du travail [devenus C. trav., L. 3253-2 et L. 3253-3, L. 3253-4 et L. 7313-8], de celles qui sont garanties par le privilège des frais de justice, de celles qui sont garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent Code (N° Lexbase : L3235ICS) et de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou par des sûretés mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention ou constituées en application du chapitre V du titre II du livre V". Il faut donc comprendre que le visa des créances "garanties par le privilège des frais de justice" ne peut concerner que les créances antérieures de frais de justice, et seulement celles garanties par le privilège des frais de justice. Ce visa ne concerne pas les frais de justice postérieurs à l'ouverture de la procédure collective, qui sont, quant à eux, visés au rang 2 du III de l'article L. 641-13.
La solution dégagée par la Chambre commerciale dans l'arrêt rapporté, rendu sous l'empire des dispositions de la loi du 25 janvier 1985, aurait donc été la même sous l'empire de la loi de sauvegarde, dans sa rédaction initiale.
En revanche, du fait de modifications introduites par l'ordonnance du 18 décembre 2008, la solution n'est plus la même pour les procédures ouvertes depuis le 15 février 2009.
L'ordonnance de réforme de la loi de sauvegarde emporte modification du II de l'article L. 641-13 du Code de commerce (ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, art. 107), en prévoyant que si les créances postérieures éligibles au traitement préférentiel "ne sont pas payées à l'échéance, elles sont payées par privilège avant toutes les autres créances à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 [devenus L. 3253-2 et L. 3253-3, L. 3253-4 et L. 7313-8] du Code du travail, de celles qui sont garanties par le privilège des frais de justice nés régulièrement après jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, de celles qui sont garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code et de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou par des sûretés mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention ou constituées en application du chapitre V du titre II du livre V". Pour sa part, le III de l'article L. 641-13 qui énonce le classement des créances postérieures, ne mentionne plus, en deuxième rang, les frais de justice.
En conséquence, la situation du créancier hypothécaire par rapport aux créanciers de frais de justice est désormais la suivante :
- si la créance de frais de justice est née antérieurement à l'ouverture de la procédure, elle sera réglée après les créances postérieures et donc après le créancier hypothécaire antérieur qui, rappelons-le, prime, par principe, les créanciers postérieurs. Elle sera déclarée au passif -éventuellement à titre privilégié si la créance de frais de justice est assortie du privilège de frais de justice et déclarée comme telle- ;
- si la créance de frais de justice est née régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, elle sera payée avant la créance garantie par la sûreté immobilière (cf. C. com., art. L. 641-13, II) ;
- si, en revanche, la créance de frais de justice, bien que née postérieurement au jugement d'ouverture, ne répond pas aux besoins du déroulement de la procédure (ce serait le cas, par exemple, d'une créance née au titre d'une action en divorce du débiteur), elle sera, certes, couverte par le privilège des créanciers postérieurs, puisque née en contrepartie d'une prestation fournie débiteur mais, en tant que telle, elle figurera au quatrième rang et dernier rang du classement des créances postérieures. Son règlement se fera donc après celui du créancier antérieur titulaire d'une sûreté immobilière.
Une seconde question intéressait l'arrêt du 21 septembre 2010. Elle concernait le positionnement du créancier hypothécaire antérieur par rapport au créancier de salaire ne bénéficiant pas du super privilège. Dès lors que la créance salariale n'est pas couverte par le super privilège des salaires, elle est réglée selon l'ordre prévu au III de l'article L. 641-13, c'est-à-dire au premier rang des créances postérieures méritantes si son montant n'a pas été avancé par l'AGS en application des articles L. 143-11-1 (N° Lexbase : L7703HBW) à L. 143-11-3 du Code du travail ou en troisième position dès lors que leur montant a été avancé en application du 3° de l'article L. 143-11-1 du Code du travail. Ainsi, en liquidation judiciaire, le créancier hypothécaire primera le créancier de salaire postérieur ne bénéficiant pas du super privilège. C'est la raison pour laquelle l'arrêt de la cour d'appel qui avait placé, conformément à l'état de collocation contesté, l'intégralité des créances salariales avant le créancier hypothécaire est censuré par les Hauts magistrats reprochant à la juridiction d'appel de n'avoir pas recherché si les créances de salaire qui ne bénéficient pas du super privilège étaient postérieures au jugement d'ouverture et si, dans ce cas, elles n'étaient pas primées par la créance hypothécaire de la banque.
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon
(1) Cass. com., 15 février 2000, n° 97-14.406 (N° Lexbase : A1853AZN), Act. proc. coll., 2000/7, n° 72 ; Cass. com., 7 avril 2004, n° 01-17.601, F-D (N° Lexbase : A7457DDK) ; CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 8 septembre 2009, deux arrêts, n° 08/10028 (N° Lexbase : A0431ELK) et n° 08/10025 (N° Lexbase : A0515ELN).
(2) Cass. com., 5 juillet 2005, n° 03-18.947, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8851DIN), Bull. civ. IV n° 155, Act. proc. coll., 2005/16, n° 204, note C. Régnaut-Moutier, RJ com., 2006/1, p. 46, note J.-P. Sortais, RTDCom., 2006/2, p. 475, n° 1, obs. A. Martin-Serf, Gaz. proc. coll., 2005/3, p. 41, n° 5, nos obs. ; Cass. com., 5 juillet 2005, n° 03-18.948, FS-D (N° Lexbase : A8852DIP) ; Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.383, F-D (N° Lexbase : A7140DKN), JCP éd. E, 2006, chron. 1066, p. 75, n° 12, obs. M. Cabrillac ; Cass. com., 21 mars 2006, n° 04-20.278, F-D (N° Lexbase : A7987DN7) ; Cass. com., 4 avril 2006, n° 04-19.788, F-D (N° Lexbase : A1226DP4), Gaz. proc. coll., 2006/3, p. 36, n° 6, nos obs., Rev. proc. coll., 2007/1, p. 47, n° 6, obs. F. Legrand.
(3) Cass. com., 10 juin 2008, n° 07-14.017, F-D (N° Lexbase : A0573D94) ; Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-70.173, F-D (N° Lexbase : A7231EPI), Gaz. pal., 16 et 17 avril 2010, n° 106 et 107, p. 32, note Ph. Roussel Galle.
(4) Cass. com., 29 avril 2003, n° 00-13.678, FS-P+B (N° Lexbase : A8183BSU), Bull. civ. IV, n° 64, D., 2003, AJ, p. 1565, Act. proc. coll., 2003/10, n° 127, obs. C. Régnaut-Moutier, nos obs., La déclaration complémentaire de créance du créancier fiscal, Lexbase Hebdo n° 80 du 17 juillet 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N8082AAL), JCP éd. E, 2003, chron. 1396, p. 1571, n° 6, obs. M. Cabrillac ; Cass. com., 19 mai 2004, n° 02-19.376, F-D (N° Lexbase : A2741DCI) ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 18 juin 2004, n° 2003/11182 (N° Lexbase : A3170DDR) ; CA Paris 3ème ch., sect. B, 27 septembre 2007, n° 06/12952 (N° Lexbase : A4497D3X).
(5) Cass. com., 26 mai 1998, n° 96-12.207, publié (N° Lexbase : A2642ACT), Bull. civ. IV, n° 165, Gaz. pal., somm. 26-27 juin 1998, p. 21 ; Cass. com., 4 juillet 2000, n° 97-21.324 (N° Lexbase : A5480CMW) ; Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-11.912 (N° Lexbase : A3390ATQ) ; Cass. com., 7 avril 2004, n° 01-17.601, F-D ([LXb=A7457DDK]) ; Cass. com., 28 septembre 2004, n° 03-11.820, F-D (N° Lexbase : A5723DDC) ; CA Rennes, 28 février 2001, Rev. proc. coll., 2002, p. 94, n° 3, obs. F.-F. Legrand ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 17 décembre 2004, n° 03/16914 (N° Lexbase : A6992DDC).
(6) Cass. com., 29 mai 2001, n° 98-18.783, (N° Lexbase : A5501ATW), RJDA, 2001/10, n° 998 ; Cass. com., 10 mars 2004, n° 01-01.265, F-D (N° Lexbase : A5902DB9) ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 18 décembre 2007, n° 07/01186 (N° Lexbase : A8012D37).
(7) Cass. com., 1er décembre 2009, n° 08-15.781, F-D (N° Lexbase : A3418EPB).
(8) Cass. com., 9 février 2010, n° 08-22.054, F-D (N° Lexbase : A7740ER4), Gaz. pal., éd. sp. Droit des entreprises en difficulté, 2 et 3 juillet 2010, n° 183 et 184, p. 32, note E. Le Corre-Broly.
(9) En ce sens P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2010/2011, n° 456.57.
(10) P.-M. Le Corre, préc..
(11) V. Rapport de Xavier de Roux, n° 2095, 11 février 2005, p. 222.
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Le 04 Janvier 2011
Le prêt d'argent n'est pas sans soulever un certain nombre de difficultés propres à générer un contentieux non négligeable. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs déjà pu être évoquées ici même. Ainsi, quant à la nature du prêt d'argent d'abord, n'ignore-t-on pas que la jurisprudence distingue aujourd'hui selon qu'il est conclu entre particuliers ou bien qu'il est consenti par un professionnel : si, en effet, elle continue de considérer que le prêt de consommation est bien, en principe, un contrat réel (1) -le contrat réel étant celui qui, pour sa formation, exige non seulement l'accord des parties, mais aussi la remise d'une chose au débiteur-, elle décide, en revanche, que tel n'est plus le cas lorsque le prêt est consenti par un professionnel du crédit (2). Ensuite, quant à la preuve de la cause d'une reconnaissance de dettes, la jurisprudence est désormais établie en ce sens que, la cause de l'obligation étant présumée exacte, il incombe aux signataires d'une reconnaissance de dettes qui contesteraient être tenus d'une obligation de prouver que les sommes qu'elle mentionne ne leur ont pas été remises (3). A ces difficultés s'en ajoute encore une autre, ayant suscité une importante controverse : elle tient à la qualification juridique et, partant, au régime de la preuve du paiement effectué ou prétendument effectué par l'emprunteur. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 septembre dernier, largement diffusé puisqu'à paraître au Bulletin et reproduit par la Cour sur son site internet, mérite, sous cet aspect, d'être signalé.
En l'espèce, estimant que le prêt qu'il lui avait consenti n'avait pas été remboursé, le prêteur avait, se fondant sur une reconnaissance de dette, assigné l'emprunteur en paiement d'une somme de presque 40 000 euros aux fins, précisément, de remboursement. L'emprunteur, de son côté, faisait valoir que, ayant déjà exécuté son obligation, il était libéré. Son argumentation n'avait cependant pas emporté la conviction des juges du fond qui, pour accueillir la demande du prêteur, avaient, sur renvoi après cassation, considéré que l'emprunteur ne versait aux débats que des attestations, mais ne produisait aucun écrit constatant qu'il s'était effectivement libéré de sa dette, ni aucun commencement de preuve par écrit. Cette décision est cassée, sous le visa de l'article 1341 du Code civil (N° Lexbase : L1451ABD). Après, en effet, avoir énoncé, dans un attendu de principe, que "la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens", la première chambre civile de la Cour de cassation décide "qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé".
L'arrêt est important. Classiquement, la jurisprudence considérait que le paiement d'une obligation monétaire constituait un acte juridique dont la preuve devait, en principe, être rapportée par écrit (4). Ainsi la première chambre civile de la Cour de cassation avait-elle jugé, il y a quelques années, que "celui qui excipe du paiement d'une somme d'argent est tenu d'en rapporter la preuve conformément aux règles édictées par les articles 1341 et suivants du Code civil" (5). Un arrêt plus ancien avait du reste déjà énoncé, plus précisément encore d'ailleurs, que "celui qui excipe du paiement de la totalité d'une dette, afin d'exercer un recours contre son codébiteur, est tenu de rapporter la preuve de l'acte juridique que constitue le paiement conformément aux règles édictées par l'article 1341 du Code civil" (6). Mais l'on n'ignore pas que cette solution de principe avait paru être remise en cause par un arrêt plus récent, de la première chambre civile, en date du 6 juillet 2004, affirmant que "la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens" (7). On aura évidemment remarqué que c'est exactement cette formule que reprend l'arrêt du 16 septembre dernier.
L'apport de l'arrêt nous paraît ainsi indiscutable. Il confirme l'existence du revirement opéré par la première chambre civile en 2004, abandonnant l'ancienne qualification juridique du paiement, ce qui, naturellement, emporte un certain nombre de conséquences sur le régime de la preuve de celui-ci. Il serait sans doute d'ailleurs plus exact de dire qu'il confirme que l'arrêt de 2004 constituait bien un revirement de jurisprudence, ce dont certains avaient pu douter. En effet, dans la mesure où, dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt de 2004, le litige portait seulement sur la preuve du montant du versement effectué, on s'était demandé si la Cour n'avait pas en réalité confondu versement et paiement, ce qui n'est sans doute pas la même chose : alors que le paiement a un effet extinctif puisqu'il éteint l'obligation du débiteur, la remise de fonds au créancier d'une obligation monétaire ne constitue pas nécessairement un paiement (ce qui explique d'ailleurs que le créancier dispose, en vertu de l'article 1244 du Code civil N° Lexbase : L1357ABU, du pouvoir de refuser un paiement partiel). L'hypothèse d'une confusion avait au demeurant paru à certains d'autant plus facilement envisageable que, avaient-ils encore fait valoir, l'examen de la jurisprudence révèle que la terminologie de la Cour de cassation est, en la matière, "plutôt flottante" (8). L'arrêt du 16 septembre 2010, rendu dans une affaire dans laquelle il n'était pas simplement question de la preuve du montant du versement effectué par l'emprunteur en remboursement de sa dette, mais bien du principe même de l'exécution de son obligation, autrement dit de son paiement, permet ainsi de clarifier les choses : la Cour de cassation ne confond pas versement et paiement ; elle entend bien décider que "la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens", entérinant ainsi un courant doctrinal qui considère effectivement que le paiement relève, y compris dans sa dimension extinctive de l'obligation, de la catégorie des faits juridiques (9).
Il n'est pas rare qu'un immeuble soit vendu avant qu'il ne soit achevé, autrement dit à un moment où il n'existe qu'à l'état de plans : le vendeur s'oblige à édifier une construction dans un délai donné, à en transférer la propriété, à la délivrer et à en garantir l'achèvement. Techniquement, deux types de vente permettent de réaliser l'opération : la vente à terme, d'une part, et la vente en l'état futur d'achèvement, d'autre part, la distinction tenant à la manière dont s'opère le transfert de la propriété et le paiement du prix. Alors, en effet, que, dans la vente à terme, le transfert de la propriété a lieu, par acte authentique, lorsque l'immeuble est achevé et "produit ses effets rétroactivement au jour de la vente" (C. civ., art. 1601-2 N° Lexbase : L1699ABK) et que l'acheteur paie le prix au jour de la livraison, le vendeur, dans la vente en l'état futur d'achèvement, transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol et les constructions existantes, tandis que les constructions à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de l'exécution. Et, dans cette hypothèse, l'acquéreur échelonne ses paiements au fur et à mesure de l'avancement des travaux (C. civ., art. 1601-3 N° Lexbase : L1700ABL). Quel que soit le cas de figure retenu, la vente d'immeuble à construire est en pratique généralement précédée d'un avant-contrat destiné à "fixer" l'acquéreur éventuel. Mais c'est là le risque d'un engagement pris à la légère accompagné d'un versement de fonds plus ou moins important susceptible de ne pas être restitué dans le cas où l'intervenant ne donnerait pas suite. C'est pourquoi dans le secteur dit protégé des ventes d'immeubles à construire, c'est-à-dire lorsque la construction porte sur un immeuble à usage d'habitation ou mixte professionnel et d'habitation, le législateur est intervenu : un seul avant-contrat est possible, régi par les dispositions particulières de l'article L. 261-15 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1971HPP), aux termes duquel "est nulle toute autre promesse d'achat ou de vente". Précisément, ce texte prévoit que la vente prévue à l'article L. 261-10 du même code (N° Lexbase : L1965HPH), c'est-à-dire la vente d'immeuble à construire qui se situe dans le champ d'application du "secteur protégé", peut être précédée d'un contrat préliminaire, dont il fixe le régime, par lequel, en contrepartie d'un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur (réservant) s'engage à réserver à un acheteur (réservataire) un immeuble ou une partie d'immeuble (à usage d'habitation ou mixte). Les obligations des parties sont, pour le vendeur, de réserver et, pour le bénéficiaire, d'effectuer un dépôt de garantie. Encore faut-il relever que des conditions strictes encadrent ce dépôt de garantie, ce qu'un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 septembre dernier, à paraître au Bulletin, est venu rappeler.
En l'espèce, l'acquéreur d'une maison d'habitation en l'état futur d'achèvement avait conclu avec le vendeur un contrat de réservation et lui avait, à cette fin, remis un chèque de près de 10 000 euros à titre de dépôt de garantie. Le projet d'acte de vente étant intervenu avec un certain retard, le réservataire avait adressé au notaire un courrier demandant de réduire le prix, compte tenu de deux avenants de moins-value, d'y inclure les frais d'acte et exigeant que le délai de livraison soit précisé et qu'il soit fixé à une date déterminée avec application de pénalités en cas de retard. Le vendeur avait cependant refusé ces exigences et le notaire avait procédé à la restitution du dépôt de garanti au réservataire. C'est dans ce contexte que le réservataire avait finalement assigné le réservant en nullité du contrat de réservation et en indemnisation de ses préjudices. Les juges du fond, pour le débouter de sa demande en nullité du contrat de réservation et de paiement de dommages-intérêts, avaient retenu que le réservant n'avait certes pas respecté les dispositions de l'article R. 261-28 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8232IA7) puisque le chèque émis au titre du dépôt de garantie par le réservataire avait été libellé au nom du réservant, mais que ce manquement était relatif dans la mesure où, par la suite, la somme avait été transférée vers la comptabilité du notaire qui l'avait consignée à la Caisse des dépôts et consignations et que l'irrégularité invoquée par le réservataire ne lui avait en définitive causé aucun préjudice de nature économique, le dépôt de garantie lui ayant été restitué dès la notification de la dénonciation, pour des motifs légitimes, du contrat de réservation. Leur décision est cassée, sous le visa des articles L. 261-15 et R. 261-29 (N° Lexbase : L8449IA8) du Code de la construction et de l'habitation. Après, en effet, avoir énoncé que "la vente en l'état futur d'achèvement peut être précédée d'un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d'un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s'engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d'immeuble ; que le dépôt de garantie est fait à un compte spécial ouvert au nom du réservataire dans une banque ou un établissement spécialement habilité à cet effet ou chez un notaire", la Haute juridiction décide qu'en statuant comme ils l'ont fait, "alors que l'absence de remise du dépôt de garantie sur un compte spécial ouvert au nom du réservataire entraîne la nullité du contrat de réservation", les juges d'appel ont violé les textes susvisés.
L'arrêt confirme ainsi une solution acquise (10). Pour la comprendre, il faut rappeler que les dispositions de l'article L. 261-15 précité et celles réglementaires prises pour leur application (CCH, art. R. 261-25 N° Lexbase : L8617IAE à R. 261-31) sont impératives, de telle sorte que toute autre forme de réservation est nulle et que toute clause contraire est réputée non écrite (11). Or, de manière extensive, la jurisprudence considère manifestement que cette nullité sanctionne non seulement le fait d'établir une convention autre qu'un contrat préliminaire de réservation, mais également celui d'établir un contrat préliminaire ne satisfaisant pas à toutes les conditions légales et règlementaires qui lui sont applicables (12). Précisément, en dehors des mentions que le contrat doit, à peine de nullité, comporter afin d'informer le réservataire sur le sens et la portée de son engagement, et qui consistent, pour l'essentiel, dans un certain nombre d'indications techniques et financières ainsi que de délai d'exécution des travaux (13), l'élément substantiel du contrat de réservation réside dans le dépôt de garantie effectué par le réservataire en contrepartie de la réservation (14). Et c'est bien, précisément, parce qu'il s'agit là de l'élément substantiel du contrat de réservation que le dépôt de garantie fait l'objet d'une réglementation assez minutieuse. Ainsi, quant au montant du dépôt d'abord, qui varie en fonction du délai prévu pour la réalisation de la vente, est-il prévu qu'il ne peut excéder 5 % du prix prévisionnel de vente si le délai de réalisation de la vente n'excède pas un an ou bien 2 % si ce délai n'excède pas deux ans, et qu'aucun dépôt ne peut être exigé si ce délai excède deux ans (CCH, art. R. 261-28). Ensuite, quant au dépôt lui-même, il doit être effectué à un compte spécial ouvert au nom du réservataire dans une banque ou un établissement spécialement habilité à cet effet ou chez un notaire (CCH, art. R. 261-29) : les fonds déposés sont alors "indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu'à la conclusion du contrat de vente" (CCH, art. L. 261-15). Et c'est d'ailleurs bien parce que ce dépôt à un compte spécial est un élément constitutif de la réservation que l'absence de remise de dépôt de garantie sur un compte spécial au nom du réservataire entraîne la nullité du contrat de réservation (15) : l'encaissement du chèque est ainsi une condition de validité du contrat préliminaire de réservation, peu importe, sous cet aspect, que le réservant se soit contenté de conserver par devers lui le chèque établi par le réservataire, sans l'encaisser et sans qu'il en résulte aucun préjudice pour le réservataire (16).
David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)
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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 04 Janvier 2011
Michèle André : Nous sommes très critiques. La Délégation aux droits des femmes avait travaillé sur ces questions et regrette cet amendement. En effet, les femmes, devant s'arrêter de travailler pour élever des enfants, ne peuvent souvent avoir de carrière linéaire. Pour avoir ainsi participé à l'avenir de la France, les enfants étant eux-mêmes de futurs cotisants, nous aurions souhaité que, dès le premier enfant, les femmes puissent bénéficier d'une retraite à taux plein à 65 ans sans décote. Il en va, de même, pour les personnes ayant dû s'arrêter, en raison d'un enfant ou d'un parent malade. Travailler deux ans de plus pour ces femmes, de 65 ans à 67 ans, n'est pas acceptable. Les femmes ont, en moyenne, une retraite de 1 020 euros, les hommes de 1 636 euros. Aujourd'hui, les femmes s'arrêtent de travailler plus tard à 61,5 ans tandis que les hommes s'arrêtent à 59,5 ans. Les inégalités existent déjà.
Nous sommes également critiques sur l'origine de cet amendement. Il est choquant qu'il soit venu directement de l'Elysée, nous aurions préféré qu'un sénateur, voire le Président du Sénat le propose.
Lexbase : Le problème du temps partiel touchant particulièrement les femmes, vous préconisez un calcul des pensions sur les 100 meilleurs trimestres au lieu des 25 dernières années ainsi qu'une incitation des personnes à recourir au droit en vigueur de surcotiser. Vous souhaitez également une réflexion sur des mécanismes permettant aux couples, qui font l'objet d'une imposition commune, d'acquérir des droits à la retraite communs et de les partager équitablement, en cas de séparation. Pouvez-nous en dire plus ?
Michèle André : Concernant les 100 meilleurs trimestres, cet amendement n'a pu être présenté, la Commission des finances ayant fait joué l'article 40 de la Constitution (N° Lexbase : L1301A93). Les carrières discontinues auraient pu être favorisées car il arrive que des trimestres soient parfois plus intéressants, plus rémunérateurs que d'autres.
Concernant le droit en vigueur de surcotiser, un amendement a été adopté afin d'améliorer l'information des cotisants sur cette possibilité, information à la charge des employeurs et des caisses. Une information, effectuée par les juges ou les caisses, a été, également, mise en place pour le partage équitable des droits à la retraite à la suite d'une séparation.
Je souhaiterais avancer sur la notion de droit propre, c'est-à-dire des cotisations propres pour celui qui doit s'arrêter de travailler pour élever des enfants et qui souffre donc d'une absence de revenus. Il faut sortir de la notion d'ayant-droit. Peut-être que, si un ministre ou un parlementaire restait, plus souvent, à la maison sans revenus et cotisations, les mentalités évolueraient...
Lexbase : Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a souligné des écarts significatifs entre hommes et femmes. La délégations aux droits des femmes et la Halde regrettent le manque d'efficacité de la loi du 23 mars 2006 (loi n° 2006-340, relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L8129HHK). Que préconisez-vous pour parvenir à une égalité professionnelle et salariale ?
Michèle André : L'article 31, visant à assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en sanctionnant, notamment, l'employeur d'une pénalité lorsque les entreprises ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle, a été voté hier (le 19 octobre 2010). Il est, très surprenant, d'insérer un tel article dans les discussions relatives à la réforme des retraites. Le Gouvernement parle, toujours, de sanctions. Les dispositifs existent, il faut, simplement se donner les moyens de les faire respecter. Il faut un ministre volontaire pour porter ces questions, ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement. Des démarches sont portées par des individus isolés mais un investissement au plus haut niveau est indispensable.
Certains pays ont fait le choix, tant que demeurent des écarts salariaux importants entre hommes et femmes, de maintenir une "discrimination positive" à l'égard des femmes. La Cour de justice de l'Union européenne ne peut rejeter cet argument, justifié par des critères objectifs et pertinents. Le Gouvernement français n'adopte pas cette évidence et a, actuellement, une considération traditionnelle de cette question. Il est, d'ailleurs, regrettable, qu'il n'y ait plus de ministre rattaché à la question de l'égalité homme/femme. C'est une régression considérable qui ne touche pas que les questions salariales. Le Gouvernement a mis un an pour reconstituer l'Observatoire de la parité, un outil performant permettant de mettre à plat les discriminations. La réforme territoriale revient, également, sur la question de la parité dans les conseils généraux. Sous la Présidence de Valérie Giscard d'Estaing et de François Mitterrand, existait un ministère en charge du Droit des femmes. On assiste, actuellement, à un véritable désert politique pour les femmes, c'est une question qui va au-delà du monde du travail.
(1) Sur ce point voir le reportage diffusé sur la chaîne Public Sénat.
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 3 septembre 2010, n° 08/12820 (N° Lexbase : A9633E9N)
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par Nathalie Biltz, Avocat au Barreau de Paris, Lamy & Associés
Le 04 Janvier 2011
En synthèse, le juge a tout d'abord voulu imposer le statut d'éditeur aux hébergeurs en forçant le cadre et en retenant des conditions extérieures aux dispositions légales : l'insertion de publicité sur un site internet, le fait d'imposer un cadre aux internautes auteurs de contenus, la perception de revenus publicitaires, etc.. L'objectif inavoué, mais recherché par le juge, était d'imposer une responsabilité aux hébergeurs de réseaux sociaux, de plate-forme électronique afin que l'internaute lésé ait un interlocuteur identifié et solvable.
Cependant, et fort heureusement, car en totale contradiction avec la lettre des textes légaux applicables en la matière, cette tendance s'est inversée. Les juges ont par la suite restitué aux prestataires techniques leur qualité d'hébergeur tout en renforçant leurs obligations et notamment au regard de leur obligation de collecte et de sauvegarde des données d'identification de tout contributeur à l'origine d'un contenu sur internet (2).
L'arrêt étudié pourrait être considéré comme un retour vers ce premier courant de jurisprudence. Toutefois, il ne semble pas que ce soit la réelle et profonde intention du juge. En outre, il convient de souligner que le juge, dans les différentes affaires ci-après évoquées, fait un réel effort d'interprétation des faits tout en respectant les dispositions légales.
I - La question de la juridiction compétente ou la quasi-systématique compétence du juge français
Cette question, qui n'a d'ailleurs cessé d'évoluer et n'a jamais fait l'objet d'une interprétation harmonieuse par les juridictions, est au coeur de l'actualité juridique du moment. La doctrine tente de proposer des solutions pertinentes afin d'atteindre une solution uniforme. On peut citer en ce sens l'article plus que pertinent d'Olivier Cachard qui met en avant un "retour sur la méthode de focalisation" (3) et propose une démarche pragmatique de cette question.
Dans l'affaire "eBay c/LVMH", la cour d'appel de Paris a eu à se prononcer sur deux exceptions d'incompétence. La première vise la société américaine eBay Inc.. Le juge rappelle que, en l'absence de convention relative aux conflits de juridictions entre la France et les Etats-Unis, les dispositions du droit interne s'appliquent, et notamment le principe énoncé à l'article 42 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1198H47), au terme duquel le juge compétent est celui du lieu du domicile du défendeur. Cependant, comme à chaque règle ses exceptions, l'article 46 du même code (N° Lexbase : L1210H4L) énonce que le demandeur peut saisir, outre le juge selon les règles précitées, celui du lieu du fait dommageable ou encore la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
Cependant, le juge vient préciser que sa compétence ne doit pas être systématique et qu'il convient "en l'espèce de caractériser l'existence d'un lien significatif et suffisant entre l'activité du site et le public en France et de montrer l'impact économique que celui-là est susceptible d'avoir en France".
A cet égard, en l'espèce, l'extension du nom de domaine en ".com" le rattache à la famille de TLD (Top Level Domain) générique ce qui ne constitue pas, per se, un élément pertinent pouvant caractériser ce lien. En revanche, le fait que les annonces mises en ligne sur le site en ".com" soient accessibles depuis la version en ".fr" a pour effet direct de viser le public français, de démontrer l'impact économique et, par conséquent, de confirmer la compétence des juridictions françaises.
La seconde exception d'incompétence soulevée par l'appelante vise la société de droit suisse eBay AG. Sa responsabilité est ici recherchée au motif qu'elle gère l'ensemble de sites eBay dans le monde à l'exception du site en ".com".
En application des dispositions du Règlement dit "Bruxelles I" du 22 décembre 2000 (Règlement n° 44/2001 du Conseil, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale N° Lexbase : L7541A8S), le juge rappelle le principe selon lequel toute personne domiciliée sur un Etat membre doit être attraite devant les juridictions de cet Etat membre, quelle que soit sa nationalité. Il est bon de voir ici le juge rappeler ce principe qui semble ne pas être souvent appliqué en matière de conflits sur internet. Cependant, comme précédemment, le demandeur peut attraire le défendeur devant les juridictions du lieu où le fait dommageable s'est produit mais, dans cette hypothèse et ainsi qu'il ressort d'une décision de la CJCE (CJCE, 7 mars 1995, aff. C-68/93 N° Lexbase : A0139AW3), la juridiction saisie ne peut connaître que des dommages subis dans cet Etat.
Quoiqu'il en soit, en l'espèce, la cour considère que la seule accessibilité aux sites ne constitue pas un lien suffisant et significatif et, partant, retient l'exception d'incompétence et infirme la décision sur ce point.
En procédant de la sorte, la cour d'appel semble donc revenir sur son propre raisonnement qui était de considérer que, dès l'instant où "la vente en France de produits prétendus contrefaisant est établie", la compétence de la juridiction française est établie "sans qu'il soit utile de rechercher s'il existe ou non un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits allégués et le territoire français" (4).
Les juridictions françaises font donc une interprétation à géométrie variable des règles de conflit de juridictions dans la mesure où les conditions retenues pour apprécier cette notion ne cessent d'évoluer : orientation, accessibilité, focalisation..., les qualificatifs ne manquent pas. C'est l'unité qui fait ici défaut.
II - Le prestataire technique, éditeur de services internet
La cour étudie ensuite la question majeure et essentielle de la qualité du prestataire technique et, partant, de son régime de responsabilité.
Avant d'analyser le raisonnement de la cour d'appel en l'espèce, il nous faut revenir sur l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 23 mars 2010 (5), qui a opposé le moteur de recherches Google à différents ayants droit. Cet arrêt constitue à ce jour la "référence" en matière de responsabilité des prestataires techniques, toutes les décisions qui lui sont postérieures lui faisant explicitement référence.
La CJUE a été amenée à se positionner, au travers de ces affaires qui lui ont été soumises par le mécanisme des questions préjudicielles, sur les deux questions majeures suivantes :
- Google commet-il des actes de contrefaçon en mettant à disposition des marques comme mots-clés et en participant à l'affichage de liens promotionnels vers des sites proposant des services ou produits contrefaisants et/ou concurrents ?
- Google peut-il bénéficier du régime de responsabilité inhérent aux hébergeurs et partant voir sa responsabilité délictuelle de droit commun engagée que s'il n'a pas retiré promptement un contenu illicite dès lors qu'il en a été informé par notification dans les conditions de l'article 6-I-5 de la "LCEN" ?
Pour répondre à la première question, le juge européen met en avant, dans une analyse détaillée et scrupuleuse des conditions inhérentes à la constitution du délit de contrefaçon, le critère selon lequel l'usage de la marque doit se faire "dans la vie des affaires". Les juges français, qui avaient eu à se prononcer sur ce critère, avaient retenu que Google remplissait cette condition.
Le raisonnement du juge européen est ici particulier. Tout d'abord, il énonce que les marques sont utilisées "dans un contexte d'activité commercial visant un avantage économique", ce qui reprend en tous points la définition d'usage dans la vie des affaires, pour ensuite préciser que cet usage requiert qu'il soit réalisé "dans le cadre de sa propre communication commerciale".
Ce raisonnement a été littéralement appliqué par la Cour de cassation dans ses arrêts rendus le 13 juillet dernier (6) conformément à la décision européenne précitée, puisqu'elle reprend le dispositif de l'arrêt de la CJUE en considérant que : "le prestataire d'un service de référencement sur internet qui stocke en tant que mot-clé un signe identique à une marque et organise l'affichage d'annonces à partir de celui-ci, ne fait pas un usage de ce signe au sens de l'article 5 § 1 et 2 de la Directive 89/104 (Directive du Conseil du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques N° Lexbase : L9827AUI) ou de l'article 9 § 1 du Règlement 40/94 (Règlement (CE) du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire N° Lexbase : L5799AUC)".
La CJUE ajoute que la rémunération perçue par Google au titre du service de mise à disposition des mots-clés ne peut être un élément déterminant cela venant, nous l'espérons, clore définitivement le débat selon lequel la perception d'une rémunération par un prestataire pourrait constituer un motif fondant la mise en cause de sa responsabilité délictuelle.
En tout cas, l'arrêt de la CJUE a sur ce point le mérite d'être limpide, clair et sans appel, même si le critère retenu est loin d'avoir la préférence du juge français.
Sur la seconde question qui lui est posée, la CJUE ne se prononce pas avec la même clarté et le flou qui entoure sa réponse est laissé à l'appréciation des juridictions nationales qui devront procéder à une analyse au cas par cas du rôle exercé par le prestataire technique.
Elle exclut les arguments selon lesquels Google offre un service payant et exerce un contrôle sur la concordance entre les mots-clés et les requêtes pour ne retenir que le rôle actif-passif de Google dans la rédaction des messages. Le rôle joué par le moteur de recherches est le seul élément pris en considération pour l'appréciation de sa responsabilité de droit commun.
Dans l'affaire opposant les sociétés eBay à la société LVMH, les appelantes invoquent le bénéfice du régime de responsabilité dit allégé des hébergeurs et avance à cette fin qu'eBay ne procède pas à la rédaction des annonces, ne contrôle pas le contenu et partant répond aux conditions de l'article 14 de la Directive 2000/31 du 8 juin 2000, sur le commerce électronique (N° Lexbase : L8018AUI), qui dispose que :
"Hébergement
1. Les Etats membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que :
a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente
ou
b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire".
Tel que repris par l'article 6-1-2 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, le texte énonce que :
"Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.
L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa".
Par conséquent, eBay invoque le bénéfice des dispositions relatives à ce régime telles que prévues à l'article 15 de ladite Directive :
"Absence d'obligation générale en matière de surveillance
1. Les Etats membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.
Reprises à l'article 6-I-7 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, elles précisent que :
"Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites".
Pour contrer ces arguments, la défenderesse avançait que l'activité de la plate-forme de commerce électronique ne se limite pas à un rôle de stockage des informations mais, au contraire, qu'elle se livre à une activité de courtage. A ce titre, il convient ici de faire une parenthèse pour évoquer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2010 (7) qui a décidé qu'eBay n'était pas soumis à l'agrément du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques aux motifs que :
- eBay ne reçoit pas de mandat de la part du vendeur afin de procéder à la vente de son bien ;
- et le système de vente par adjudication n'est pas mis en place sur la plate-forme, le vendeur pouvant vendre son bien à un prix inférieur à un autre acheteur présentant des garanties supérieures de solvabilité.
Il ressort de ce jugement qu'eBay joue un rôle pouvant s'apparenter au courtage et c'est justement celui mis en avant par la défenderesse pour faire obstacle à la qualification d'hébergeur.
La société LVMH soutient, dans un second temps, que les mesures prises par eBay ne sont pas suffisantes pour assurer l'absence de contenus illicites.
Fort de ces arguments, les juges de la cour d'appel de Paris ont développé le raisonnement suivant pour qualifier le rôle actif de la plate-forme de ventes aux enchères. Ce rôle se manifeste, tout d'abord, au travers des services dits accessoires qu'elle propose aux acheteurs comme notamment le gestionnaire de vente, la boutique en ligne, la possibilité pour le vendeur de devenir "Power Seller" etc..
Ils ont, ensuite, relevé l'intervention active d'eBay dans le processus de ventes notamment par l'envoi de messages spontanés à l'attention des acheteurs. Enfin, ils relèvent que la nature des services qu'elle propose lui permet d'exercer un contrôle sur les marchandises vendues.
En conséquence de quoi, ils estiment qu'eBay joue un rôle de courtier dont la prestation d'hébergement constitue un préalable et que la prise en compte de l'ensemble des prestations rendues par cette dernière ne lui permet pas de bénéficier des dispositions relatives au régime de responsabilité des hébergeurs.
Outre la référence explicite et directe à l'arrêt de la CJUE du 23 mars 2010, il apparaît clairement que la cour fait ici une application littérale et rigoureuse de cette décision aux termes de laquelle seul le prestataire technique jouant un rôle entièrement passif peut accéder à la qualification d'hébergeur.
Elle vient s'inscrire dans la lignée de l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 20 juillet 2010 (8) qui avait qualifié eBay d'éditeur de services. Dans cette espèce, le vendeur achetait des sacs contrefaisant la marque Hermès pour les revendre sur la plate-forme de ventes aux enchères. La cour retient d'ailleurs dans cette espèce la responsabilité de la société eBay France au motif qu'elle détient le nom de domaine "ebay.fr". Ce raisonnement est plus que contestable dans la mesure où il est d'usage de retenir l'usage fautif d'un nom de domaine mais non sa seule détention. La cour n'étant pas à une interprétation originale près, elle a ici appliqué les dispositions de la Directive 2000/31 à une société de droit suisse soit à un prestataire établi dans un pays tiers. Elle a, enfin et surtout, retenu la responsabilité d'eBay dans les mêmes termes que l'espèce étudiée dans cette chronique.
Afin de tirer la substantifique moelle de son raisonnement, la cour d'appel de Paris avance dans l'affaire "eBay c/ LVMH" que les appelantes ont une obligation de vérifier l'origine des produits vendus et ajoute à ce titre que le nombre de ventes réalisées ne saurait encore moins dispenser les appelantes de cette obligation. Si eBay comptait à l'avenir user de cet argument, elle peut le considérer d'ores et déjà comme inopérant.
Enfin, pour qualifier les fautes engageant la responsabilité des appelantes, la cour retient que ces dernières ont fait preuve d'absence de surveillance des sites et n'ont pas pris de mesures effectives pour retirer de la vente les produits contrefaisants. Elle estime sur ce point que, s'agissant du système mis en place par eBay et connu sous le nom de programme VeRO (Verified Rights Owner), les mises en garde présentes sur le site ne sont pas suffisantes.
Cependant et ce n'est pas des moindres, la cour d'appel de Paris a abaissé le montant de la condamnation d'eBay qui était, pour rappel, d'environ 40 millions d'euros en première instance pour ne condamner les appelantes qu'à (c'est une façon de le dire) 5,6 millions d'euros.
Conclusion
Il semble donc que la tendance actuelle soit à une interprétation économique et non juridique du droit. En effet, il est difficile de percevoir, à la lecture du dispositif légal applicable en la matière, en quoi eBay ou tout prestataire du même ordre a connaissance réellement des informations stockées. Que les prestataires de l'internet d'aujourd'hui jouent un rôle plus vaste comprenant des services à valeur ajouté pour notamment se différencier de leurs concurrents ne fait pas de doute. Que les prestataires visés par toutes ces procédures par les ayants droit constituent des débiteurs solvables pouvant les dédommager, non plus.
Toutes ces décisions viennent s'inscrire dans un contexte européen fort d'événements. En août dernier, la commission "Barnier" a lancé une étude pratique pour les dix ans de la Directive 2000/31 sur le commerce électronique afin d'apprécier in concreto sa mise en oeuvre. La Commission européenne a également lancé toute une étude relative au droit des contrats par la rédaction d'un Livre vert. L'actualité française est également riche en couleur puisque le Gouvernement a participé à la signature d'une charte de lutte contre la contrefaçon sur internet entre les plateformes de commerce électronique et les ayants droit.
La solution ne serait-elle pas dans la médiation ?
(1) TGI Paris, 22 juin 2007, n° 07/55081 (N° Lexbase : A5140DXN) ; RIDA, juillet 2007, 305, obs. P. Sirinelli.
(2) Cf. nos obs., Hébergeur : un statut acquis au détriment d'une responsabilité accrue, Journal du Net, 19 décembre 2008.
(3) Cf. O. Cachard, Juridiction compétente et loi applicable en matière délictuelle : retour sur la méthode de focalisation, Revue Lamy Droit de l'Immatériel, n° 63, août-septembre 2010, p.15.
(4) CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 2 décembre 2009, n° 09/12852 (N° Lexbase : A9184ESX).
(5) CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 (N° Lexbase : A8389ETU).
(6) Cass. com., 13 juillet 2010, trois arrêts, n° 06-15.136, FS-P+B (N° Lexbase : A6717E4K), n° 06-20.230, FS-P+B (N° Lexbase : A6718E4L) ; et n° 08-13.944, FS-P+B (N° Lexbase : A6723E4R).
(7) TGI Paris, 5ème ch., 1ère sect., 25 mai 2010, n° 07/16585 (N° Lexbase : A4421E7U).
(8) CA Reims, 20 juillet 2010, n° 08/01519 (N° Lexbase : A9192E49).
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par Yann Le Foll, Journaliste juridique
Le 04 Janvier 2011
Jérôme Gavaudan : Nous sommes à l'heure actuelle 1 750 confrères, donc l'un des plus grands barreaux de France. C'est un barreau jeune, avec une moyenne d'âge de 40 ans, dynamique, à 50 % féminin et remplissant toutes les fonctions habituelles de l'avocat d'aujourd'hui. Il est composé de beaucoup de cabinets individuels et de petites structures, mais aussi de quelques beaux cabinets de 20 ou 30 confrères. Il existe depuis toujours dans notre ville un coeur important de civilistes purs, qui traitent, notamment, du droit de la famille, du droit civil et du droit de la construction, mais aussi une forte tradition pénale. Tous les domaines d'activités sont couverts, tels que le droit social, le droit commercial, ou encore le droit de la santé et le droit des marques, avec une activité importante du tribunal de commerce et du conseil des prud'hommes. Notons, toutefois, qu'une grosse activité juridique se développe avec des cabinets parfaitement compétents en matière fiscale et de fusions acquisitions. Il existe, par ailleurs, une forte tradition de liens entre les Bâtonniers successifs. J'ai vécu depuis près d'un an un dauphinat très intense grâce à la volonté ferme du Bâtonnier Mattei de m'associer à tous les gros dossiers, qu'ils concernent des aspects nationaux ou la vie du barreau localement. Au contact de ce poste de Bâtonnier, la façon dont l'on voit les choses change immédiatement car l'on doit trancher rapidement. Cela change de la position que l'on occupe au conseil de l'Ordre où l'on peut se contenter d'exprimer une simple opinion. En tant que Bâtonnier, l'on doit, en effet, être réactif et décider.
Lexbase : Quelles ont été les priorités de votre mandat ?
Dominique Mattéi : Les priorités ont été dictées par l'actualité. Nous avons essayé d'être une force de proposition tout au long de cette législature en donnant notre opinion sur les différents rapports (rapports "Léger" et "Darrois"), l'avant-projet de réforme du Code de procédure pénale, la prise en compte de la question prioritaire de constitutionnalité, ou encore, pour la chaîne pénale, la remise en cause de la garde à vue avec la décision du Conseil constitutionnel (1). Ensuite il y a le développement et la prise en compte des nouveaux champs d'activité (fiducie, activité de mandataire en transaction immobilière, d'agent de joueur de football), ainsi que la manière dont on les met en place et dont l'on accueille les confrères. L'on peut aussi citer la réforme des procédures d'ordre.
Lexbase : Quelle est votre position sur le projet de création du statut d'avocat en entreprise ?
Dominique Mattéi : La question essentielle est celle de savoir si le lien de subordination avec l'employeur permet à l'avocat d'être aussi indépendant que celui qui exerce de manière complètement libérale. Il existe aussi un autre point de litige dans le projet actuel, à savoir l'existence de deux tableaux séparés. Ma position est donc de dire pourquoi pas, mais uniquement si les conditions relatives au respect des règles déontologiques, qui demeurent notre grande force dans l'exercice, sont remplies.
Jérôme Gavaudan : Cette question est compliquée. En effet, autant il existe un accord général pour dire que le métier d'avocat doit connaître une extension de son champ d'activité, autant il faut rester conscient que nous sommes une profession réglementée, et que nos usages et traditions doivent être respectés. Cela pose des questions de déontologie, de respect du confrère, du client et de respect du secret professionnel. Ma position est que l'on ne peut pas, au motif que l'on est dans l'entreprise, utiliser les prérogatives de l'avocat et contourner les règles traditionnelles. Il ne faut pas non plus qu'il y ait un tableau à deux vitesses. Cette position vaut aussi pour d'autres domaines, comme la possibilité pour les avocats de devenir agents de joueurs de football. Des aménagements sont possibles, mais il ne faut pas perdre l'âme de l'avocature, quelle que soit sa forme d'exercice, que l'on fasse du judiciaire ou non. N'oublions pas que la distanciation vis-à-vis du client est très ancrée dans le monde judiciaire. Le propre de l'avocat et de sa robe est de dire : je défends, j'assiste, je conseille, mais je ne suis pas le client. Toutefois, cette appréciation est aussi très ancrée chez les confrères faisant uniquement du juridique et n'allant pas au Palais. Il y a simplement des questions à se poser concernant l'exercice de cette activité sur des secteurs qui n'étaient pas les nôtres jusqu'à présent, en rappelant un certain nombre de règles selon lesquelles personne ne peut s'exonérer de la confraternité.
Dominique Mattéi : J'y reviens, le point qui me semble prépondérant est celui du secret professionnel. Si l'on considère que le juriste doit résister à son employeur, dans ce cas là le lien de subordination inévitable constitue une grosse difficulté.
Lexbase : Que pensez-vous du projet actuel de suppression du juge d'instruction ?
Dominique Mattéi : Ma position rejoint celle de la commission pénale du barreau de Marseille. Tel qu'il est présenté actuellement, ce projet me paraît nettement insuffisant, notamment du fait du manque de garanties concernant le statut du parquet. L'on ne peut pas se contenter d'avancer que seulement 5 % des affaires sont traitées par les juges d'instruction pour justifier leur disparition, tout le reste étant traité en procédure pénale d'urgence, car ce sont précisément les 5 % d'affaires les plus sensibles. Par ailleurs, le remplacement du juge d'instruction par un magistrat aux attributions encore mal définies nous semble peu souhaitable, car nous n'avions pas les garanties suffisantes concernant le statut du Parquet avant l'arrêt "Medvedyev" (2). Toutefois, cette décision ne fait que maquiller la situation, car le Parquet reste surpuissant et la création de ce nouveau magistrat n'était pas à équidistance de la défense et du Parquet. Il fallait donc redéfinir les modalités du projet et surtout dire en quoi les droits de la défense se trouvaient améliorés. En effet, ce nouveau magistrat avait un pouvoir immense et non contradictoire. Est-ce que ce n'était pas plutôt un recul des droits de la défense de ne pas avoir, ainsi, accès au dossier traité au niveau de l'enquête préliminaire, le contradictoire se limitant à une simple demande de date ? Cela était un véritable écueil. Ensuite est intervenue l'affaire "Julien Dray" dans laquelle le procureur a communiqué le dossier aux avocats alors que le dossier était traité en enquête préliminaire, ce qui a entraîné des réactions des syndicats de police et des parquetiers, ceux-ci faisant valoir une possibilité d'entrave à l'efficacité de l'enquête. L'on a donc eu le sentiment que c'étaient les préoccupations économiques qui dominaient, plutôt que des préoccupations législatives de principe du contradictoire. D'ailleurs, ce projet est enterré, tout comme celui de la collégialité des juges d'instruction.
Lexbase : Quelle est votre position concernant l'une des décisions les plus importantes de l'année, à savoir l'arrêt rendu par le Conseil constitutionnel au mois de juillet concernant la garde à vue (3) ?
Dominique Mattéi : Il y a quelque chose de frustrant dans cette décision. La garde à vue est déclarée inconstitutionnelle sauf pour les régimes dérogatoires, comme ce qui a trait au terrorisme ou à l'association de malfaiteurs, ceci au motif que la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (loi n° 2004-204 N° Lexbase : L1768DP8) a été validée par le Conseil constitutionnel (4). L'on sait donc déjà que le pénal "intéressant" ne verra pas le principe de l'avocat en garde à vue consacré, mais seulement encadré comme précédemment par des créneaux horaires difficiles qui ne permettent pas à l'avocat d'avoir copie des pièces de la procédure. Il reste les gardes à vue concernant les délits routiers et le petit pénal traité en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. La réponse politique de la Chancellerie est de dire, à travers son projet de loi "tendant à limiter et à encadrer les gardes à vue", que, pour toutes les personnes susceptibles d'encourir des peines inférieures ou égales à un an, le principe de l'avocat en en garde à vue est affirmé, mais le problème est que ces délits restent assez peu nombreux. Pour le reste, la possibilité avancée pour l'individu d'être entendu avec son consentement sans être placé en garde à vue semble peu crédible. En outre, dans l'audition libre, les droits ne sont pas notifiés : vous ne pouvez ni appeler votre famille, ni voir un médecin. Au final, ce projet de loi apparaît comme une réponse politique de simple circonstance. Le problème de cette politique de bricolage est qu'elle déstabilise tout l'appareil judiciaire, et qu'elle l'installe dans la précarité jurisprudentielle. Par exemple, lors de la commission de délit un vendredi soir et si les services de police sont insuffisants à ce moment là, et sachant qu'il n'y a pas d'audience de comparution immédiate le samedi et le dimanche, on va privilégier la procédure de comparution par officier de police judiciaire. Vous repartez donc libre, avec une simple convocation dans un délai de deux à six mois en poche. En revanche, si vous commettez le même délit le lundi soir, lorsque les effectifs de police sont plus nombreux et avec une audience de comparution immédiate le mardi ou le mercredi, vous restez en garde à vue et comparaîtrez détenu.
Jérôme Gavaudan : Plus prosaïquement, sur le quotidien de la vie des barreaux et de la défense pénale d'urgence, rien n'est prévu en termes d'indemnisation des avocats qui vont devoir intervenir, par exemple au titre de l'aide juridictionnelle. Une fois de plus, au nom des grands principes, on va faire supporter les carences d'un système à notre profession.
Dominique Mattéi : En réalité, nous sommes dans une sorte d'hypocrisie institutionnelle. On sent la volonté des pouvoirs publics de basculer dans un système accusatoire du type américain, dans lequel la défense peut construire le dossier avec l'institution, mais sans que les moyens suivent. Ce qui manque en réalité, c'est une vraie politique pénale, ce qui renvoie aussi aux problèmes de collégialité des juges, de suppression du juge d'instruction, et de création des juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS). On reste dans une forme de bricolage pour réaffirmer des principes européens et pour faire plaisir au Conseil constitutionnel qui est devenue, de ce fait, une juridiction plus que politique. Ainsi, lorsque la Cour de cassation refuse de le saisir, il a nécessairement copie des décisions de refus. Il est donc en passe de devenir une juridiction suprême qui contrôle l'activité de la Cour de cassation.
Jérôme Gavaudan : Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (5) a récemment stigmatisé l'attitude de la France en matière pénale en la condamnant pour défaut d'impartialité. Cela affaiblit la Cour de cassation et bouleverse les schémas jurisprudentiels. La Haute juridiction devient, ainsi de moins en moins haute. En effet, lorsque la justice européenne vient soutenir qu'il n'y a pas de procès équitable devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation, je pense que cela modifie l'édifice juridictionnel français. Cette décision est intéressante, puisque la Cour de cassation met, à l'inverse, en avant, l'indépendance du magistrat, selon laquelle il peut connaître la procédure depuis le début et éventuellement changer d'avis. Nous sommes donc en plein coeur du problème d'impartialité du procès. Le barreau de Marseille est, bien évidemment, très présent sur toutes ces questions.
Lexbase : Avez-vous déjà défini des pistes ou des objectifs concernant votre prochain mandat ?
Jérôme Gavaudan : Il est certain que je vais rester dans la continuité de ce qui a été fait par mon prédécesseur immédiat et par les Bâtonniers qui se sont succédés ces dernières années. Je pense maintenir le dynamisme du barreau de Marseille, qu'il soit toujours force de proposition et au service des confrères. En outre, la maison de l'avocat devra continuer à se renouveler et à s'adapter aux modifications d'exercice de la profession. Il faudra aussi définir la position du barreau de Marseille concernant la cinquième Convention nationale des avocats qui se déroulera à Nantes en 2011. J'espère aussi que le Bâtonnier Mattéi sera toujours là à mes côtés pour m'épauler.
Dominique Mattéi : L'objectif sera de maintenir un niveau de prestations de service élevé au bénéfice des confrères, bien que l'on soit en situation de crise, et continuer d'accompagner les réformes qui vont sensiblement modifier nos conditions d'exercice, avec des commissions du barreau toujours plus actives. Ceci va d'ailleurs transformer la fonction de Bâtonnier, laquelle a pu être, à un moment donné, une simple fonction de gestion.
(1) Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P).
(2) CEDH, 29 mars 2010, Req. 3394/03 (N° Lexbase : A2353EUP).
(3) Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P) et lire les obs. de Romain Ollard, Coup de tonnerre sur la procédure pénale : le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde de vue de droit commun, Lexbase Hebdo du 29 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N0999BQ3).
(4) Cons. const., décision n° 2004-492 du 2 mars 2004 (N° Lexbase : A3770DBA).
(5) CEDH, 24 juin 2010, Req. 22349/06 (N° Lexbase : A2725E3C) et lire ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 3200302, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Br\u00e8ves] D\u00e9faut d'impartialit\u00e9 de la Cour de cassation dans une proc\u00e9dure p\u00e9nale", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N6109BPX"}}). Selon elle, la Cour de cassation s'étant prononcée sur la réalité d'une infraction lors d'un premier pourvoi, il existait des raisons objectives de craindre, en présence de sept conseillers sur neuf identiques à la première formation de la Cour, que la nouvelle formation de la juridiction fasse preuve de parti pris ou de préjugés dans la seconde décision.
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par La Rédaction
Le 30 Juin 2011
L'Hôtel de Harlay a donc accueilli tout au long de la journée de nombreux débats et ateliers autour du bouleversement apporté par l'éclosion de l'économie numérique sur la pratique juridique actuelle ou à venir : lutte contre la cybercriminalité et la contrefaçon sur internet, protection du droit d'auteur au XXIème siècle, dématérialisation des échanges, utilisation des monnaies électroniques, procédure de numérisation des oeuvres, cloud computing, encadrement de l'utilisation des données personnelles dans le monde du travail et de la réutilisation des données publiques par les entreprises privées. Des débats passionnés ont donc rythmé cet anniversaire, entrecoupés de généreuses agapes chargées de revigorer les intervenants et participants de cette mémorable journée. Après la projection d'une vidéo réalisée par la section jeunes de l'ADIJ retraçant les quatre décennies d'activité de cette association et traçant les pistes d'avenir sur lesquelles elle ne manquera pas de s'engager, les responsables d'ateliers ont, en fin de journée et sous le contrôle de Pascal Petitcollot, vice-Président de l'ADIJ, récapitulé leurs travaux et donné un compte-rendu du déroulement des débats. Les intervenants, revenant, en particulier, sur l'atelier "Ressources humaines et données personnelles", Pascal Petitcollot a pointé le risque de contradiction qu'il existe aujourd'hui entre les pouvoirs d'investigation de l'employeur concernant les données du salarié et la "nomadisation" du travail qui tend à se développer. Et Anne-Charlotte Gros, avocat au Barreau de Paris et co-responsable de la section jeunes de l'ADIJ, de mettre en évidence le fait qu'avec la nouvelle donne du temps de travail et l'accroissement de l'usage des smartphones, l'employeur peut difficilement restreindre l'accès aux réseaux sociaux. Toutefois, Christiane Féral-Schuhl a rappelé que les entreprises se doivent d'être vigilantes car elles sont pénalement responsables en cas de téléchargement illégal sur les postes de travail de leurs salariés.
Un cocktail de clôture dans les salons de la Maison du Barreau a mis le point final en beauté à ce quarantième anniversaire d'une association dont l'utilité devrait se renforcer à mesure du développement des nouvelles technologies et à l'heure où la dématérialisation des processus et des flux documentaires devient un des enjeux fondamentaux pour les professions juridiques.
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par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris
Le 04 Janvier 2011
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de certaines modalités de l'ISF, le Conseil constitutionnel vient de trancher : les articles 885 A (N° Lexbase : L1191IET), 885 E (N° Lexbase : L8780HLR) et 885 U (N° Lexbase : L0165IKC) du CGI sont conformes à la Constitution.
La question prioritaire de constitutionnalité ne sonne pas le glas de l'impôt sur la fortune. En effet, saisi de la conformité à la Constitution des règles d'assiette et de calcul de l'ISF eu égard à la situation familiale du contribuable, le Conseil constitutionnel décide que ces dispositions ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit.
1 - Différence de traitement entre contribuables mariés, concubins notoires, partenaires d'un PACS et concubins non notoires
On sait qu'aux termes de l'article 885 A, 2°, les couples mariés, quel que soit leur régime matrimonial, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, de même que les concubins notoires sont, en vertu de l'article 885 E du CGI, dans l'obligation de déposer une déclaration commune pour l'assiette de l'ISF. Cette déclaration comprend donc l'ensemble de biens du couple, des partenaires ou des deux concubins. Ce qui peut conduire, soit à une imposition si les deux patrimoines cumulés excèdent le seuil de 790 000 euros, soit à une imposition dans une tranche supérieure si chacun, séparément, était déjà soumis à l'impôt.
Le motif de la différence de traitement résidait dans le fait que des concubins non notoires connaissaient une communauté de vie comme celle des trois autres catégories de redevables. Ce reproche, au regard de l'égalité devant la loi fiscale a été rejeté, au motif qu'il avait déjà été examiné par le Conseil constitutionnel dans le cadre d'un examen de la loi de finances pour 1982 (décision n° 81-133 DC, du 30 décembre 1981 N° Lexbase : A8033ACI), concernant l'impôt sur les grosses fortunes (IGF) qui, déjà, édictait cette règle de cumul des patrimoines, sauf pour les concubins non notoires. Or, le Conseil qui avait examiné cet article l'avait déjà jugé conforme à la Constitution.
2 - Sur la capacité contributive qui n'interdit pas de retenir pour l'assiette de l'impôt les biens non productifs de revenus
Etait également critiquée, sur le fondement de l'égalité devant les changes publiques garantit par l'article 13 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1360A9A), la circonstance que l'impôt frappe les biens non productifs de revenus. Cependant, au motif que la loi a entendu frapper la capacité contributive, cette prise en compte n'impose pas que l'impôt soit limité aux seuls biens productifs de revenus, ni que le mécanisme du quotient familial soit applicable, pour la raison que l'ISF ne fait pas partie des impôts perçus sur le revenu. Autrement dit, selon le Conseil, il n'y a pas méconnaissance de l'exigence de l'article 13 de la Déclaration de 1789, qui n'impose ni que les biens soumis à l'impôt produisent des revenus, ni l'existence d'un quotient familial.
Une décision, critiquable, du tribunal administratif de Lyon impose de retenir, pour la condition de ressources du locataire liée au dispositif "Besson" non seulement celles du locataire lui-même, mais aussi celles de son conjoint.
1 - Le dispositif "Besson"
La loi n° 98-1266 du (N° Lexbase : L1137ATB) a mis en place deux dispositifs d'incitation fiscale en faveur des propriétaires qui s'engageaient dans des locations dans le secteur intermédiaire. Ainsi, notamment, le régime "Besson neuf" permettait aux acquéreurs de logements entre le 1er janvier 1999 et le 2 avril 2003 de déduire de leurs revenus fonciers une partie de leur investissement sous forme d'un amortissement échelonné. Le bénéfice de ce régime était réservé aux contribuables dont les revenus sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers. Par ailleurs, les ressources du locataire ne devaient pas excéder les plafonds fixés par l'article 2 duodecies de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L0794IHU ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E3162A4U).
2 - L'appréciation du plafond de ressources du locataire
Selon les commentaires administratifs de la loi, qui, elle, énonce uniquement que les ressources du locataire à la date de conclusion du bail ne doivent pas excéder un certain plafond, ces ressources s'entendent du revenu fiscal de référence figurant sur l'avis d'imposition au titre des revenus de l'avant dernière année précédant celle de la signature du contrat de location (BOI 5 D-4-99, du 20 août 1999 N° Lexbase : X0188AA9). Dans l'affaire examinée par le tribunal administratif de Lyon, le juge a considéré que, dès lors que la locataire faisait l'objet d'une imposition commune avec son mari, l'ensemble des revenus à prendre en compte pour l'appréciation du plafond était le revenu fiscal de référence du couple. Ce qui, en l'espèce, conduisait à remettre en cause l'avantage fiscal dès lors que ce revenu fiscal de référence dépassait le seuil fixé par l'article 2 duodecies de l'annexe III au CGI.
Cette solution paraît critiquable, dès lors que la prise en compte des seuls revenus personnels du locataire est la règle, à l'exclusion, par exemple, des revenus du foyer fiscal lorsque le locataire est fiscalement rattaché au foyer fiscal de ses parents. Dans cette hypothèse, il a déjà été jugé que la règle d'imposition par foyer était sans incidence sur l'appréciation des revenus du locataire (CE 3° et 8° s-s -r., 21 novembre 2007, n° 295949 N° Lexbase : A7263DZZ). Ainsi, devait-on ne retenir que les seuls revenus du locataire, même imposé sous une cote unique avec ses parents. A notre avis, la solution adoptée par le tribunal administratif de Lyon est donc contraire au principe dégagé par les Sages du Palais-Royal. Il est vrai qu'une cour administrative d'appel a, elle aussi, admis, à tort, la prise en compte du revenu fiscal figurant sur l'avis d'imposition des parents, s'agissant d'un enfant rattaché ayant seul conclu le bail avec les investisseurs qui entendaient bénéficier de l'amortissement (CAA Douai, 2ème ch., 22 décembre 2008, n° 08DA00801 N° Lexbase : A9268GBU).
Très attendu par les praticiens en matière de TVA, et notamment le notariat, le décret du 10 septembre 2010 précise certains aspects de la réforme, notamment sur le plan des obligations des redevables réalisant des opérations immobilières et des modalités d'option.
1 - Obligations des personnes qui réalisent des opérations sur des immeubles
On sait que tous les immeubles neufs qui ne sont pas vendus dans les deux ans de leur achèvement doivent faire l'objet d'une livraison à soi-même (CGI, art. 257, I, 3, 1°, a N° Lexbase : L7350IGC). L'administration précise les obligations déclaratives des redevables. Ainsi, pour les livraisons à soi-même d'immeubles neufs que le cédant avait acquis au préalable en tant qu'immeuble à construire, le redevable doit informer l'administration, par un imprimé spécial, de la date à laquelle est intervenu l'achèvement (CGI, ann. II, art. 244 I N° Lexbase : L0357INK ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E1005AW7).
Le sort des immeubles en stocks, exploités dans l'attente de leur revente, est également précisé. Ces derniers sont, en effet, considérés comme des immobilisations dès lors qu'au-delà du 31 décembre de la deuxième qui suit la date de leur achèvement, ils sont exploités plus d'un an pour une activité telle que la location (CGI, ann. II, art. 207, IV-3 N° Lexbase : L0359INM ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E8630EQP). Si la location n'est pas soumise à la TVA, la taxe déduite lors de la liquidation de la livraison à soi-même devra faire l'objet d'une régularisation.
2 - Exercice de l'option pour la TVA pour certaines opérations
L'administration aménage l'option pour le paiement de la TVA de certaines opérations. Ainsi, pour l'imposition à la TVA de la cession d'un immeuble bâti achevé depuis plus de cinq ans ou d'un terrain qui ne constitue pas un terrain à bâtir, l'option est exercée immeuble par immeuble.
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