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N0487BIU
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Ainsi donc, le Journal officiel publiait le 5 décembre 2008, la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, en faveur des revenus du travail, dont le projet avait été déposé le 23 juillet 2008, et l'adoption déclarée d'urgence le 27 août 2008. Après la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat et la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, le nouveau texte propose, "avec une modestie apparente qui ne doit pas masquer sa réelle ambition [sic], quelques mesures ciblées : celles-ci doivent non seulement permettre une juste récompense du travail, mais sont aussi à même de favoriser une distribution plus équitable de la valeur ajoutée entre travail et capital". Nobles ambitions, si seulement elles n'étaient pas confrontées au régime de l'imprévisible ou presque -la crise des subprimes datant de l'été 2007- : la crise.
Par conséquent, que l'article 2 de la loi institue, à un nouvel article 244 quater T du CGI, un crédit d'impôt au titre des primes d'intéressement en faveur des entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées d'impôt sur les bénéfices en application de divers articles du CGI, et ayant conclu un accord d'intéressement, on ne peut que s'en féliciter. Toute mesure visant à favoriser la distribution aux salariés d'une part des résultats de l'entreprise auxquels ils ont concourus, et à développer ce complément de rémunération en faveur des salariés des PME, pour une plus grande égalité salariale entre les grandes entreprises et les PME, ne peut, par principe, qu'être approuvée. Toutefois, qu'il soit permis de douter de l'effet d'une telle incitation fiscale ; car, pour qu'une dépense fiscale puisse trouver écho en matière économique et que l'ordre public économique batte son plein, encore faut-il que l'activité économique génère des résultats positifs, ce qu'une récession annoncée ne laisse guère présager, sauf exception sporadique. Au passage, on notera que, si 92 % des salariés des entreprises de 500 salariés ou plus sont couverts par au moins un dispositif d'épargne salariale, ils ne sont que 12,9 % dans les entreprises de moins de vingt salariés... ces taux n'ayant quasiment pas évolués depuis 2003, c'est-à-dire en pleine période de croissance mondiale ! Seuls les montants distribués ont fortement crûs : 13 % pour l'intéressement et 2,2 % pour la participation. A qui profite, donc, l'ensemble des mesures législatives en faveur de l'épargne salariale adoptée depuis les dix dernières années ?
Par ailleurs, la loi nouvelle, sur laquelle reviennent cette semaine, Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Catherine Millet-Ursin, Avocat associée du cabinet Fromont, Briens & Associés, comprend trois volets en matière sociale : le premier modifie les mécanismes d'intéressement, de participation et d'épargne salariale, le deuxième modernise la procédure de fixation du Smic et le troisième prévoit la conditionnalité des allègements de cotisations sociales. En ce qui concerne le déblocage de la participation, il en va des mêmes réserves que pour les mesures d'incitation fiscale. Ensuite, l'évolution du Smic sera, donc, "davantage en phase avec les conditions économiques et le rythme des négociations salariales et en assurant une juste rétribution du travail" ; la voie d'action préconisée devant être... la création d'une commission d'experts indépendante à caractère consultatif. Enfin, la mise sous condition des allègements généraux de cotisations patronales à l'existence d'une négociation annuelle obligatoire constitue la principale mesure du texte. La forte progression des sommes consacrées à la politique de baisse du coût de l'emploi peu qualifié traduit non seulement l'augmentation du taux d'allégement et l'élargissement du seuil de référence et, partant, l'extension du nombre des salariés concernés (plus de 10 millions aujourd'hui) : la pression sociale doublée d'une pression législative devrait, en principe, faire son oeuvre. Reste que la coercition recèle d'importantes limites : l'entreprise ne s'acquittant pas de son obligation de négociation annuelle verra ses allègements de charge réduits de 10 % du montant des allègements de cotisations patronales perçus au titre des rémunérations versées. Les charges patronales avoisinant les 40 % du salaire brut, une réduction de 10 % des exonérations pour non-respect de l'obligation de négociation salariale entraînerait un surcoût du travail de l'ordre de 4 %. Aussi, sauf à se satisfaire d'une augmentation salariale générale de moins de 4 % pour relancer le pouvoir d'achat, on ne voit pas bien de quelle manière cette mesure contraindrait, véritablement, les entreprises à la négociation. Enfin, une suppression totale des réductions de charges ne pousserait-elle pas à la délocalisation, dans un contexte économique où le coût du travail salarial est notoirement le plus coûteux d'Europe ?
Avec un projet de loi déposé le 23 juillet 2008 et une crise financière, puis économique, révélée en septembre 2008, l'adoption de la loi n° 2008-1258 nous fait penser au Président américain Herbert Hoover qui déclarait en septembre 1929, quelques jours avant le jeudi noir d'octobre : "la prospérité est au coin de la rue".
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Réf. : Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, en faveur des revenus du travail (N° Lexbase : L9777IBQ)
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N0494BI7
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Dispositif purement facultatif, l'intéressement ne connaît qu'une faible diffusion dans les PME. Ainsi, si un peu plus du tiers des salariés étaient couverts par un accord d'intéressement au titre de l'exercice 2006, cette proportion est d'à peine 10 % dans les entreprises de dix à quarante-neuf salariés et est inférieure à 5 % dans les entreprises de moins de dix salariés (4). La loi commentée vise, par suite, à favoriser une plus large diffusion de l'intéressement.
A cette fin, et en premier lieu, la loi mobilise, très classiquement, un mécanisme d'incitation fiscale (art. 2 de la loi et 244 quater T, nouv. du CGI N° Lexbase : L1078ICW). Plus précisément, les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application de divers articles du Code général des impôts et ayant conclu un accord d'intéressement ou un avenant à un accord d'intéressement, modifiant les modalités de calcul de l'intéressement (5), pourront bénéficier d'un crédit d'impôt. Cet accord ou cet avenant devra être conclu entre la publication de la loi et le 31 décembre 2014 (6).
Ce crédit d'impôt est égal à 20 % :
- de la différence entre les primes d'intéressement dues au titre de l'exercice et la moyenne des primes dues au titre de l'accord précédent (7) ;
- ou du montant des primes d'intéressement dues au titre de l'exercice, lorsque l'entreprise était dépourvue d'accord d'intéressement au cours des quatre exercices précédents.
Outre qu'elle impose le respect de la règle du non-cumul entre crédits d'impôts (art. 2, III), la loi décrit les règles applicables en cas de fusion de sociétés, d'apports ou d'opérations assimilées réalisés pendant la durée d'application de l'accord en cours ou de l'accord précédent, ou au cours de l'un des trois exercices séparant l'accord en cours du précédent. Dans ce cas, "la moyenne des primes mentionnées au a du II dues par la société absorbante ou bénéficiaire des apports et par la société apporteuse est égale au montant moyen des primes dues à chaque salarié au titre de l'accord précédent multiplié par le nombre total de salariés constaté à l'issue de ces opérations" (8).
Pour en terminer avec cette mesure, relevons que la loi introduit deux nouveaux articles au sein du CGI afin de préciser les règles d'imputation du crédit d'impôt (CGI, art. 199 ter R N° Lexbase : L1117ICD et 220 Y N° Lexbase : L1131ICU).
Soucieux de soutenir rapidement le pouvoir d'achat des ménages, le législateur permet, une fois de plus, le versement d'une prime exceptionnelle. Cette faculté est ouverte aux entreprises ayant conclu un accord d'intéressement ou un avenant à un accord en cours, à compter de la publication de la présente loi, et au plus tard le 30 juin 2009, et applicable dès cette même année. Cette prime est répartie uniformément entre les salariés ou selon des modalités de même nature que celles prévues par l'accord ou l'avenant. Son montant est plafonné, après répartition, à 1 500 euros par salarié.
Prise en compte pour apprécier le respect des plafonds prévus par l'article L. 3314-8 du Code du travail (N° Lexbase : L1109H9X), cette prime ne peut, de manière très classique, se substituer à des augmentations de salaire et à "des primes conventionnelles prévues par l'accord salarial ou par le contrat de travail" (9). La prime exceptionnelle est exonérée de cotisations sociales, mais elle est assujettie à la CSG et à la CRDS. Par ailleurs, les sommes versées à ce titre sont exonérées d'impôt sur le revenu si le salarié les place sur un plan d'épargne salariale. Le versement de la prime doit intervenir le 30 septembre 2009 au plus tard. Enfin, celle-ci est ajoutée à la base de calcul du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater T du CGI relatif à l'exercice au titre duquel elle est versée.
Un régime d'intéressement pourra, désormais, être mis en place au niveau des branches professionnelles. Les entreprises souhaitant en bénéficier devront conclure un accord d'intéressement dans les conditions prévues à l'article L. 3312-5 du Code du travail (N° Lexbase : L0861ICU) (C. trav., art. L. 3312-8, nouv. N° Lexbase : L0803ICQ) (10). En pratique, cette mesure devrait encourager la négociation, au niveau de la branche, "d'accords-types" auxquels les entreprises, notamment, les plus petites, pourront se référer (11).
Conclu pour une durée de trois ans, en application de l'article L. 3312-5 du Code du travail, les accords d'intéressement doivent, en bonne logique, faire l'objet d'une renégociation au terme de cette durée. Afin de simplifier la vie des entreprises et d'accroître la sécurité juridique, la loi sous examen permet de renouveler l'accord applicable par tacite reconduction. Celle-ci est, cependant, soumise à deux conditions :
- l'accord initial doit comporter une stipulation expresse en ce sens ;
- chacune des parties peut s'opposer à la tacite reconduction en demandant qu'une négociation soit ouverte dans les trois mois précédant la date d'échéance de l'accord en cours (C. trav., art. 3312-5, al. 6, nouv.).
L'article 7 de la loi modifie les règles applicables aux salariés des groupements d'employeurs. Désormais, le salarié d'un tel groupement pourra bénéficier du dispositif d'intéressement mis en place dans chacune des entreprises adhérentes du groupement auprès de laquelle il est mis à disposition dans des conditions fixées par décret (C. trav., art. L. 3312-2, al. 2, nouv. N° Lexbase : L0790ICA) (12).
En vertu de l'article L. 3324-10 du Code du travail (N° Lexbase : L0841IC7), les droits constitués au profit des salariés en application d'un régime de participation sont indisponibles pendant une durée de cinq ans, sous réserve des cas de déblocage anticipé prévus par décret.
Ainsi qu'il fallait s'y attendre, au regard de l'objectif poursuivi par le législateur de soutenir le pouvoir d'achat des salariés, le texte commenté met fin à la règle traditionnelle d'indisponibilité des droits issus de la participation en autorisant le salarié à en demander le versement immédiat. Cette faculté ne sera ouverte qu'à l'égard des sommes versées au titre des exercices clos après la promulgation de la loi. Dans cette limite, le salarié pourra faire la demande d'un déblocage immédiat de tout ou partie de ces sommes, à chaque versement effectué au titre de la participation et dans des conditions précisées par décret.
Les sommes pour lesquelles le versement immédiat n'aura pas été demandé continueront d'être bloquées pendant cinq ans. Toutefois, et de manière classique, elles pourront faire l'objet d'un déblocage anticipé dans les cas prévus à l'article R. 3324-22 (N° Lexbase : L4119IAS). Compte tenu du grand nombre de cas prévus, on peut se demander si l'instauration d'un versement immédiat était absolument nécessaire (13). Il n'en demeure pas moins que les salariés restent incités à bloquer les sommes attribuées au titre de la participation dans la mesure où, s'ils optent pour le versement immédiat, les sommes en cause seront soumises à l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, lorsqu'un accord collectif établit un régime de participation dérogatoire, il sera possible de limiter le montant de la participation pouvant faire l'objet d'un versement immédiat. Plus précisément, l'accord en cause pourra stipuler que tout ou partie de la part des sommes versées aux salariés au titre de la participation supérieure à la répartition d'une réserve de participation calculée selon les modalités légales ne sera négociable ou exigible qu'à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'ouverture de ces droits.
Il convient, en outre, de souligner que le versement immédiat est, également, ouvert dans les entreprises soumises à un dispositif de participation dit "d'autorité". Notons, enfin, que la loi modifie quelque peu les règles applicables aux sociétés coopératives.
De ce point de vue, deux séries de dispositions méritent d'être signalées. On passera, tout d'abord, rapidement sur les modifications apportées par l'article 9 de la loi. Ce texte, qui intéresse la participation dans les entreprises contrôlées par l'Etat, vise, d'abord, à réparer une erreur de recodification dont il résultait que les entreprises publiques dites "de second rang", étaient exclues du champ d'application de la participation, sauf si elles figuraient sur une liste fixée par décret, alors que leur assujettissement était de droit dans l'ancien code. Une innovation doit, par ailleurs, être mentionnée : les entreprises publiques précitées pourront, en vertu d'un décret, être soumises à la participation, alors même qu'elles bénéficient de subventions d'exploitation, sont en situation de monopole ou soumises à des prix réglementés.
Ensuite, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, le bénéfice de la participation est ouvert au chef de ces entreprises ou, s'il s'agit de personnes morales, à leurs présidents, directeurs généraux, gérants ou membre du directoire. Sont, également, concernés les conjoints collaborateurs ou associés. En outre, dans les entreprises employant entre un et 250 salariés et ayant conclu un accord dérogatoire de participation, la part de la réserve spéciale de participation excédant le montant qui aurait résulté de l'application de la formule légale pour également bénéficier aux personnes précitées (art. 11 de la loi) (14).
Diverses autres mesures visent à inciter au développement de l'épargne salariale. En premier lieu, et afin, là encore, de réparer une erreur de la recodification, la loi rétablit rétroactivement, à compter du 1er mai 2008, certaines dispositions du Code du travail relatives aux possibilités de transfert de l'épargne salariale (C. trav., art. L. 3335-2, nouv. N° Lexbase : L0891ICY).
En deuxième lieu, la loi autorise l'entreprise à abonder le plan d'épargne salariale lorsque le salarié y verse les sommes provenant de la participation (C. trav., art. L. 3332-11, al. 1er, modif. N° Lexbase : L1047ICR).
En troisième lieu, le législateur a souhaité modifié quelque peu les règles relatives au plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco). Désormais, celui-ci pourra être institué unilatéralement par l'employeur, lorsque la négociation visant à le mettre en place a échoué (C. trav., art. L. 3334-2, modif. N° Lexbase : L0840IC4). Le règlement du Perco pourra prévoir l'adhésion, par défaut, des salariés de l'entreprise, sauf avis contraire de ces derniers. Les salariés seront informés de cette clause dans des conditions prévues par décret (C. trav., art. L. 3334-5-1, nouv. N° Lexbase : L1022ICT). Par ailleurs, dans les entreprises disposant d'un plan épargne entreprise (PEE), le délai dans lequel doit s'ouvrir une négociation en vue de la mise en place d'un Perco est ramené de cinq à trois ans. Enfin, si le règlement du Perco le prévoit, les entreprises peuvent effectuer un versement initial dans ce plan, dans la limite d'un plafond fixé par décret, même en l'absence de contribution du salarié (C. trav., art. L. 3334-6, al. 2, nouv. N° Lexbase : L0844ICA).
En quatrième lieu, la loi crée un Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié, qui se substitue au Conseil supérieur de la participation. Un décret déterminera sa composition et ses modalités de fonctionnement, dans des conditions de nature à assurer son indépendance et sa représentativité et à garantir la qualité de ses travaux. La loi précise, toutefois, que ce Conseil aura pour missions :
- de promouvoir auprès des entreprises et des salariés les dispositifs de participation, d'intéressement, d'épargne salariale et d'actionnariat salarié ;
- d'évaluer ces dispositifs et de formuler toute proposition susceptible de favoriser leur diffusion.
Enfin, en cinquième et dernier lieu, dans les sociétés cotées, l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites aux mandataires sociaux sera, désormais, liée :
- soit à l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites à l'ensemble des salariés et à au moins 90 % de l'ensemble des salariés des filiales ;
- soit à la mise en place d'un accord d'intéressement ou de participation dérogatoire ou de participation volontaire bénéficiant à l'ensemble de leurs salariés et à au moins 90 % de l'ensemble des salariés des filiales (15) (C. com., art. L. 225-186-1, nouv. N° Lexbase : L0923IC8 et L. 225-197-6, nouv. N° Lexbase : L0873ICC) (16).
II - Modernisation de la procédure de fixation du Smic
Le montant du Smic est fixé par décret, après consultation de la Commission nationale pour la négociation collective (CNNC). Le Gouvernement a, par ailleurs, la faculté de le porter à un niveau supérieur à celui qui résulte de la seule application des règles légales d'indexation prévues par les articles L. 3231-5 (N° Lexbase : L0834H9R) et L. 3231-8 (N° Lexbase : L0841H9Z) du Code du travail. On parle, alors, dans ce cas de "coup de pouce". Ainsi qu'il a été relevé, cette procédure de fixation du Smic présenterait des inconvénients : "d'une part, la revalorisation du Smic est, parfois, motivée par des considérations plus politiques qu'économiques : les 'coups de pouce' sont, ainsi, plus fréquents en période préélectorale ; d'autre part, les débats au sein de la CNNC tournent trop souvent au 'dialogue de sourds', l'opposition résolue du patronat à tout 'coup de pouce' faisant écho aux demandes syndicales que le Smic soit revalorisé le plus fortement possible" (17).
Partant, afin de "dépolitiser" la fixation du Smic, la loi en faveur des revenus du travail institue un nouveau groupe d'experts chargé de se prononcer, chaque année, sur le niveau de revalorisation du salaire minimum qui lui paraît opportun (18). Le rapport qu'il établit à cette occasion est adressé à la commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au Gouvernement. Il est rendu public. Le Gouvernement remet, quant à lui, à la CNNC, préalablement à la fixation annuelle du salaire minimum, une analyse des comptes économiques de la Nation et un rapport sur les conditions économiques générales. Si ce rapport s'écarte de celui établi par le groupe d'experts, le Gouvernement motive par écrit ces différences auprès de la CNNC.
Il convient, enfin, de relever que la loi avance du 1er juillet au 1er janvier la date de fixation du Smic. Cette réforme ne sera applicable qu'à compter du 1er janvier 2010. Partant, la date de fixation du Smic pour l'année 2009 est maintenue au 1er juillet. La mesure en cause, destinée, selon l'exposé des motifs du projet de loi, à assurer "une lisibilité accrue aux partenaires sociaux, dans les branches pour relever les grilles des minima conventionnels et dans les entreprises pour négocier des augmentations salariales" ne paraît présenter qu'un intérêt relatif, eu égard, notamment, au fait que le Smic peut être revalorisé plusieurs fois dans l'année, lorsque l'inflation est forte.
III - La mise sous condition des allègements de charges sociales
Depuis 1982, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales, l'employeur engage, chaque année, une négociation qui doit, notamment, porter sur les salaires effectifs (C. trav., art. L. 2242-1 N° Lexbase : L2369H9M et L. 2242-8 N° Lexbase : L2382H94). Il n'est plus à démontrer que cette obligation de négocier, qui ne signifie en aucune façon obligation de conclure, est imparfaitement respectée, spécialement dans les PME. Le législateur a donc souhaité agir afin que cette obligation soit effectivement respectée.
A cette fin, la loi commentée prévoit que, à compter du 1er janvier 2009, une entreprise qui n'ouvre pas chaque année une négociation sur les salaires, alors qu'elle y est légalement tenue, verra les allègements de charges sur les bas salaires dont elle bénéficie réduits, voire supprimés. Plus précisément, les deux premières années, le non-respect de l'obligation de négocier sera sanctionné par une réduction de 10 % du montant des allègements. Lorsque l'employeur ne remplira pas cette obligation pour la troisième année consécutive, les allègements seront purement et simplement supprimés. Ces sanctions, qui concernent, au premier chef, l'allègement "Fillon", s'appliqueront, également, aux exonérations applicables dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et de revitalisation urbaine (ZRU), les zones franches urbaines (ZFU), les bassins d'emploi à redynamiser (BER) et, enfin, dans les DOM.
Il convient, pour conclure, de souligner que le législateur a, également, souhaité inciter les branches à porter leur salaire minimum conventionnel à un niveau au moins égal au Smic, en réduisant, dans le cas contraire, les allègements de cotisations dont bénéficient les entreprises. Pour ce faire, la loi modifie l'alinéa 1er de l'article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4299H94), qui fixe les modalités de calcul de l'allègement "Fillon". Sera pris en compte, non plus "le salaire minimum de croissance", mais "le salaire de référence mentionné au deuxième alinéa", c'est-à-dire "le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification applicable à l'entreprise au sens du 4° du II de l'article L. 2261-11 du Code du travail (N° Lexbase : L2437H97) dans la limite du montant du salaire minimum de croissance applicable". Toutefois, ce salaire de référence est réputé égal au Smic en vigueur lorsque le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification a été porté à un niveau égal ou supérieur au Smic au cours des deux années civiles précédant celle du mois civil au titre duquel le montant de la réduction est calculé (19).
(1) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (N° Lexbase : L2417HY8).
(2) Loi n° 2008-111 du 8 février 2008, pour le pouvoir d'achat (N° Lexbase : L8013H38) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Loi pour le pouvoir d'achat : mode d'emploi, Lexbase Hebdo n° 294 du 27 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N2257BEC).
(3) V. aussi, R. Vatinet, La loi en faveur des revenus du travail, JCP éd. S, 2008, 1644.
(4) Chiffres fournis par Mme I. Debré, Rapport au nom de la Commission des Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi en faveur des revenus du travail, p. 12.
(5) Ne sont donc pas uniquement concernées les entreprises dépourvues de tout système d'intéressement. Il est important de remarquer que l'avenant doit "modifier les modalités de calcul de l'intéressement". Il est donc certain que la seule reconduction de l'accord existant ne relève pas de ces dispositions. Bien que la loi ne le dise pas expressément, l'avenant doit, à notre sens, prévoir un mode de calcul plus avantageux. En effet, quoique le cas risque de s'avérer hypothétique, on peut parfaitement imaginer qu'un mode de calcul moins avantageux conduise au versement de prime plus importante en raison, par exemple, d'une augmentation des bénéfices de l'entreprise. Le crédit d'impôt ne devrait pas être applicable à ces sommes.
(6) La loi visant expressément un "accord", le supplément d'intéressement, mesure unilatérale, est exclu du crédit d'impôt.
(7) A titre d'exemple, une entreprise qui versera 100 euros à ses salariés, en application d'un nouvel accord d'intéressement, alors qu'elle ne leur avait versé que 80 euros, en moyenne, chaque année, en application de l'accord précédent, pourra déduire un cinquième de 20 euros, soit 4 euros, de son impôt (I. Debré, rapp. préc., p. 29). Ainsi qu'il a été dit (v. note précédente), cette présentation ne vaut, à notre sens, que si l'augmentation des sommes versées au salarié procède elle-même d'un mode de calcul plus favorable pour ces derniers.
(8) Il s'agit de neutraliser les effets que pourrait avoir la fusion ou l'apport sur le calcul du crédit d'impôt. On admettra, avec Mme Debré, que la "solution" proposée est "rédigée de manière complexe". On saura donc gré à cette dernière de nous fournir deux exemples éclairants, dont on doit, cependant, se demander s'ils sont parfaitement conformes à la "solution" légale (rapp. préc., p. 30).
(9) Précision curieuse, qui laisse de côté les primes versées en vertu d'un usage. En outre, une prime prévue par le contrat de travail ne peut véritablement être qualifiée de "conventionnelle".
(10) L'accord conclu au niveau de l'entreprise pourra, à notre sens, ouvrir droit au crédit d'impôt précité, dès lors qu'il aura été conclu avant le 31 décembre 2014 (v., dans le même sens, R. Vatinet, art. préc., § 7, in fine).
(11) I. Debré, rapp. préc., p. 35. Cette disposition nouvelle s'inspire d'une prescription figurant à l'article L. 3322-9 du Code du travail (N° Lexbase : L1155H9N), exigeant que les branches négocient un accord de participation avant la fin de l'année 2009. La contrainte est, cependant, moindre pour l'intéressement. Au-delà, il nous semble qu'antérieurement, rien ne s'opposait à ce qu'un régime d'intéressement soit mise en place au niveau de la branche.
(12) Des dispositions analogues sont prévues pour les accords de participation et les plans d'épargne salariale (C. trav., art. L. 3322-2 N° Lexbase : L0996ICU et L. 3332-2, modif. N° Lexbase : L0959ICI).
(13) Ce versement immédiat apparaît en contradiction avec la logique qui préside traditionnellement au mécanisme de la participation : favoriser l'épargne des salariés et renforcer les fonds propres des entreprises.
(14) La loi porte, également, de 100 à 250 le seuil fixé par les articles L. 3312-3 (N° Lexbase : L1010ICE) et L. 3332-2 (N° Lexbase : L0959ICI) du Code du travail, relatif à l'ouverture de l'intéressement et des plans d'épargne salariale pour ces mêmes personnes.
(15) Gageons que la seconde option sera privilégiée. Attribuer des stock-options ou des actions gratuites à l'ensemble des salariés, ne signifie pas, à l'évidence, que ces derniers auront des droits quantitativement identiques à ceux des mandataires sociaux...
(16) Ajoutons que la loi autorise les entreprises de moins de 500 salariés à avoir recours à une méthode d'évaluation de leurs titres moins coûteuse lorsqu'elles procèdent à une augmentation de capital réservée aux adhérents d'un PEE (C. trav., art. L. 3332-20, modif. N° Lexbase : L0797ICI). Est, également, modifié l'article L. 3333-7 (N° Lexbase : L0812IC3), afin de permettre la conclusion d'un avenant à un plan épargne inter-entreprise (PEI), rendu nécessaire par des changements législatifs ou réglementaires, par une majorité des entreprises adhérentes au PEI. Enfin, la loi modifie quelque peu le contenu du rapport spécial relatif aux stock-options et du rapport spécial sur les attributions gratuites d'actions.
(17) I. Debré, rapp. préc., p. 18, reprenant les propos du ministre du Travail exposés lors de son audition par la commission.
(18) Ce groupe d'experts ne devrait pas entraîner la création d'une nouvelle instance consultative. Il devrait, par suite, être rattaché à une structure existante, avec laquelle il partagerait locaux et secrétariat (I. Debré, rapp. préc., p. 19). Un décret déterminera, notamment, les conditions dans lesquelles sont désignés les experts.
(19) Ce dispositif entrera en vigueur à compter d'une date fixée par décret pris au vu du rapport que doit établir le Gouvernement en application du III de l'article 27 de la loi, au plus tard le 1er janvier 2011, sauf si le "ratio mentionné au 2°" de ce même III a diminué d'au moins 50 % depuis la date de publication de la présente loi (art. 27, IV de la loi).
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Réf. : Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (N° Lexbase : L9715IBG)
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N0510BIQ
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de notre base encyclopédique en droit de la Sécurité sociale
Le 07 Octobre 2010
Le contrat unique d'insertion prend la forme, pour les employeurs du secteur non marchand, du contrat d'accompagnement dans l'emploi et, pour les employeurs du secteur marchand, du contrat initiative-emploi (C. trav., art. L. 5134-19-3 N° Lexbase : L0836ICX)
A - Caractéristiques du contrat unique d'insertion
La loi n° 2008-1249 (art. 21) ajoute, au Code du travail, le principe d'une convention tripartite (art. L. 5134-19-1 N° Lexbase : L0794ICE et L. 5134-19-2 N° Lexbase : L0849ICG). Le contrat unique d'insertion est constitué par une convention individuelle conclue entre l'employeur, le bénéficiaire et le prescripteur du contrat (Pôle emploi ou le président du conseil général lorsque cette convention concerne un bénéficiaire du revenu de solidarité active financé par le département) ; un contrat de travail conclu entre l'employeur et le bénéficiaire de la convention individuelle.
Le département signe, préalablement à la conclusion des conventions individuelles, une convention annuelle d'objectifs et de moyens avec l'Etat. Cette convention fixe le nombre prévisionnel de conventions individuelles conclues au titre de l'embauche, dans le cadre d'un contrat unique d'insertion, de bénéficiaires du revenu de solidarité active financé par le département ; les modalités de financement des conventions individuelles et les taux d'aide applicables ; et les actions d'accompagnement et les autres actions ayant pour objet de favoriser l'insertion durable des salariés embauchés en contrat unique d'insertion. A l'occasion de chaque renouvellement de la convention annuelle d'objectifs et de moyens, l'Etat et le département procèdent au réexamen de leur participation financière au financement du contrat unique d'insertion, en tenant compte des résultats constatés en matière d'insertion durable des salariés embauchés dans ce cadre ainsi que des contraintes économiques qui pèsent sur certains territoires (C. trav., art. L. 5134-19-4 N° Lexbase : L0815IC8).
Le contrat unique d'insertion ouvre droit à une aide financière. Le montant de cette aide résulte d'un taux, fixé par l'autorité administrative, appliqué au salaire minimum de croissance (C. trav., art. L. 5134-19-1 N° Lexbase : L0794ICE).
A compter du 1er janvier 2010, le contrat d'avenir est supprimé : l'article 23-I de la loi n° 2008-1249 abroge les articles L. 5134-35 (N° Lexbase : L2228H9E) à L. 5134-53 et R. 5134-38 (N° Lexbase : L2259IAW) à R. 5134-87 du Code du travail. Il faut relever, au passage, que la nouvelle codification du Code du travail, en vigueur depuis le 1er mai 2008, produit, ici, un effet bénéfique, apprécié en termes de simplicité. La réforme législative initiée par la loi n° 2008-1249 porte sur l'abrogation, non seulement de dispositions législatives (phénomène assez banal : en l'espèce, les articles L. 5134-35 à L. 5134-53), mais, aussi, réglementaires (du moins, réglementaires en la forme, puisque, en l'espèce, sont abrogées des dispositions en 'R', les articles R. 5134-38 à R. 5134-87). Pour mémoire, il faut rappeler que le contrat d'avenir est destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiant du RMI, de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou de l'allocation de parent isolé (API) : il est très proche du CI-RMA. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. La mise en oeuvre de ce contrat est placée sous la responsabilité du président du Conseil général ou du maire de la commune de résidence du bénéficiaire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale (5).
Toujours à compter du 1er janvier 2010, le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) est, lui aussi, abrogé (C. trav., art. L. 5134-74 N° Lexbase : L2309H9E à L. 5134-99).
B - Forme et contenu du contrat unique d'insertion : secteur marchand (CIE) et non marchand (CAE)
Institués par la loi du 4 août 1995 (loi n° 95-881 du 4 août 1995, instituant le contrat initiative emploi N° Lexbase : L4826GUB), les contrats initiative emploi s'inscrivent dans la continuité des contrats aidés spécifiquement destinés aux demandeurs d'emploi les plus vulnérables sur le marché du travail en raison de leur âge et de leur ancienneté dans le chômage. La loi du 10 juillet 1987 avait mis en place les contrats de réinsertion en alternance (CRA : contrat de douze mois ; exonération de charges sociales, aide à la formation) (loi n° 87-518 du 10 juillet 1987, modifiant le Code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre le chômage de longue durée N° Lexbase : L6433HEY). Le dispositif a été maintenu sous une autre appellation, le contrat de retour à l'emploi (CRE), d'abord à titre expérimental (loi n° 89-18 du 13 janvier 1989, portant diverses mesures d'ordre social N° Lexbase : L1386AI8), puis définitif (loi n° 89-905 du 19 décembre 1989, favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle N° Lexbase : L2135DYQ). Les caractéristiques sont très comparables (même public ; durée du contrat de 6 à 24 mois ; exonération de cotisations patronales de sécurité sociale ; et prime à l'embauche). La loi du 4 août 1995, instituant le CIE, conforte le dispositif, désigné sous une autre appellation. Ce sont toujours les mêmes caractéristiques (durée de 1 à 2 ans ; même public ; exonération de charges patronales ; subvention à l'embauche). Le décret n° 2002-400 du 25 mars 2002 a recentré la mesure sur les personnes les plus éloignées de l'emploi et a simplifié le régime de l'aide (décret n° 2002-400 du 25 mars 2002, relatif au contrat initiative-emploi N° Lexbase : L0749AYE, complété par la circulaire DGEFP n° 2002/23 du 17 avril 2002).
Poursuivant un objectif louable de simplification et de rationalisation des dispositifs de contrats aidés, la loi de cohésion sociale a regroupé, sous le label unique du CIE, certains contrats aidés : l'ancien CIE, le stage d'accès à l'entreprise (SAE) et le stage individuel et collectif d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE). Les conditions posées au recours au CIE sont reconduites, ainsi que les traits principaux du régime juridique du contrat de travail (durée du contrat, statut du salarié, rémunération...). Les modifications apportées par la loi de cohésion sociale ont porté sur le régime de la suspension et de la rupture anticipée, ainsi que l'aide de l'Etat (C. trav., art. L. 322-4-8 N° Lexbase : L8937G77. V., aussi, art. R. 322-16 N° Lexbase : L3047HIP à R. 322-17-3, issus du décret n° 2005-239 du 14 mars 2005, portant simplification de diverses dispositions dans les domaines du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et modifiant le Code du travail N° Lexbase : L0885G8B).
Le CIE a pour objectif de favoriser le retour à l'emploi dans le secteur marchand de personnes confrontées à des difficultés d'insertion professionnelle ou sociale (pour des questions d'âge, de diplôme, de situation de chômage de longue durée...). Le CIE s'adresse à tous les employeurs affiliés à l'Unedic (sauf les particuliers), les employeurs de pêche maritime et les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ). Il ne peut pas être conclu par des établissements ayant procédé à un licenciement économique dans les six mois ou si l'embauche est la conséquence directe du licenciement d'un salarié en CDI sur un même poste. Le CIE est un contrat de travail de droit privé, d'une durée indéterminée ou d'une durée déterminée renouvelable deux fois dans la limite de vingt-quatre mois, afin de limiter les effets d'aubaine. Lorsqu'il est conclu à durée déterminée, le CIE peut être suspendu, à la demande du salarié, pour lui permettre d'effectuer une période d'essai correspondant à une offre d'emploi en CDI ou en CDD d'au moins six mois. Le salarié peut, également, rompre le CIE à durée déterminée pour une embauche en CDI ou CDD d'au moins six mois ou une participation à une formation professionnelle conduisant à une qualification reconnue. Il peut être à temps partiel (20 heures hebdomadaires minimum, sauf difficultés particulières du travailleur) ou à temps plein. Les salariés titulaires d'un CIE sont rémunérés au moins au SMIC ou au minimum conventionnel applicable dans l'entreprise. Le CIE ouvre droit, pour les employeurs concernés, à une prise en charge par l'Etat d'une partie du coût de l'embauche (dans la limite de 47 % du SMIC horaire brut multiplié par trente-cinq heures hebdomadaires) et à des exonérations sociales (réduction dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale sur les rémunérations horaires inférieures à 160 % du SMIC). Le montant et la durée de l'aide, versée mensuellement et par avance, sont fixés régionalement en fonction des caractéristiques du bénéficiaire du contrat, de la situation locale et des efforts de l'employeur pour financer des actions de formation ou d'accompagnement.
La loi n° 2008-1249 reprend, dans ses grandes lignes, le régime du CIE en vigueur, qu'il s'agisse de son objet (C. trav., art. L. 5134-65 N° Lexbase : L2289H9N), des employeurs éligibles (C. trav., art. L. 5134-66 N° Lexbase : L2292H9R et L. 5134-67 N° Lexbase : L2294H9T), du caractère de droit privé du contrat de travail (C. trav., art. L. 5134-69 N° Lexbase : L2298H9Y), de la durée du contrat de travail (C. trav., art. L. 5134-69), de la durée hebdomadaire du travail (C. trav., art. L. 5134-69), du montant du salaire (C. trav., art. L. 5134-69), du régime de la rupture anticipée (C. trav., art. L. 5134-70 N° Lexbase : L2300H93) ou de sa suspension (C. trav., art. L. 5134-69).
La loi n° 2008-1249 introduit quelques modifications qui n'affectent pas en profondeur l'architecture juridique. Désormais, une convention individuelle, fixant les modalités d'orientation et d'accompagnement professionnel du salarié (C. trav., art. L. 5134-65 N° Lexbase : L2289H9N) doit avoir été signée ; un bilan préalable des actions d'accompagnement et des actions visant à l'insertion durable des salariés doit avoir été effectué avant la signature du contrat de travail (art. L. 5134-66-1 N° Lexbase : L0913ICS) ; conclu pour une durée maximale de 24 mois, le CAE peut, désormais, être prolongé pour une durée totale de deux ou cinq ans (C. trav., art. L. 5134-67-1 N° Lexbase : L0827ICM, L. 5134-67-2 N° Lexbase : L1001IC3 et L. 5134-69-2 N° Lexbase : L0819ICC).
La loi de cohésion sociale avait opéré une refonte des contrats de travail spéciaux destinés aux personnes les plus éloignées de l'emploi (CES et CEC). L'article L. 322-4-7 du Code du travail (N° Lexbase : L3121HIG) avait regroupé tous ces dispositifs, pour mettre en place un unique contrat d'accompagnement dans l'emploi (6). Mesure symétrique du CIE dans le secteur non marchand, le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) est destiné à faciliter l'insertion professionnelle des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières sur des postes visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. Les critères d'accès au CAE sont fixés dans chaque région par arrêté préfectoral. Il s'adresse aux collectivités territoriales, aux personnes morales de droit public, aux organismes de droit privés à but non lucratif (associations, mutuelles...), aux personnes morales chargées de la gestion d'un service public, aux groupements d'employeurs pour les fonctions internes au groupe et aux ateliers ou chantiers d'insertion. Les services de l'Etat, les associations aux personnes, les partis politiques et les organisations syndicales sont exclus du bénéfice du CAE.
Le CAE est un CDD d'une durée minimale de six mois, renouvelable deux fois dans la limite de vingt-quatre mois. Le contrat d'accompagnement dans l'emploi peut être suspendu, à la demande du salarié, pour lui permettre d'effectuer une période d'essai correspondant à une offre d'emploi en CDI ou en CDD d'au moins six mois. Si la période d'essai est concluante et le salarié embauché, le contrat d'accompagnement est rompu sans préavis. Il peut être à temps partiel (20 heures par semaine minimum, sauf aménagement pour les personnes rencontrant des difficultés particulières) ou à temps plein. Les salariés titulaires d'un CAE sont rémunérés au SMIC ou au minimum conventionnel applicable dans la structure.
La conclusion d'un CAE ouvre droit, pour l'employeur, à un financement mensuel de l'Etat, dont le montant est fixé par arrêté du préfet de région. Ce financement ne peut excéder 95 % du SMIC horaire brut (avec un montant spécifique pour les chantiers d'insertion), dans la limite de 35 heures de travail hebdomadaires. Il diffère, ainsi, du CIE par le taux d'aide, plus favorable que pour le secteur marchand. Il est cumulable avec l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite d'un SMIC, de la taxe sur les salaires, de la taxe d'apprentissage et de la participation à l'effort de construction. Le montant (versé mensuellement et par avance) et la durée de l'aide sont fixés régionalement en fonction des caractéristiques du bénéficiaire du contrat, de la situation locale et des efforts de l'employeur pour financer des actions de formation ou d'accompagnement. L'Etat peut, également, participer au financement des actions de formation et de validation des acquis de l'expérience (VAE) mises en oeuvre au bénéfice du titulaire du contrat. Pour recourir à un CAE, l'employeur doit conclure une convention avec l'ANPE fixant les actions à mettre en oeuvre selon le profil du bénéficiaire (orientation, accompagnement professionnel, formation et validation des acquis de l'expérience), le montant de l'aide à l'embauche et de l'aide à l'accompagnement.
La loi n° 2008-1249 reprend, dans ses grandes lignes, le régime du CAE en vigueur, qu'il s'agisse de son objet (C. trav., art. L. 5134-20 N° Lexbase : L2197H9A), des employeurs éligibles (C. trav., art. L. 5134-21 N° Lexbase : L2199H9C), du caractère de droit privé du contrat de travail (C. trav., art. L. 5134-24 N° Lexbase : L2205H9K), de la durée du contrat de travail (C. trav., art. L. 5134-25 N° Lexbase : L2206H9L), de la durée hebdomadaire du travail (C. trav., art. L. 5134-26 N° Lexbase : L2209H9P), du montant du salaire (C. trav., art. L. 5134-27 N° Lexbase : L2211H9R), du régime de la rupture anticipée (C. trav., art. L. 5134-28 N° Lexbase : L2213H9T) ou de sa suspension (C. trav., art. L. 5134-29 N° Lexbase : L2215H9W).
La loi introduit quelques innovations dont l'importance ne s'impose pas à première lecture. Désormais, une convention tripartite employeur/bénéficiaire/prescripteur du contrat (C. trav., art. L. 5134-21 N° Lexbase : L2199H9C) doit avoir été signée, ainsi qu'une convention individuelle, fixant les modalités d'orientation et d'accompagnement professionnel du salarié (C. trav., art. L. 5134-22 N° Lexbase : L2201H9E à L. 5134-23-2) ; un bilan préalable des actions d'accompagnement et des actions visant à l'insertion durable des salariés doit avoir été effectué avant la signature du contrat de travail (C. trav., art. L. 5134-21-1 N° Lexbase : L0874ICD) ; auparavant obligatoirement conclu pour une durée déterminée, le CAE peut être conclu pour une durée indéterminée (C. trav., art. L. 5134-23-2 N° Lexbase : L0955ICD) et être prolongé pour une durée totale de deux ou cinq ans (C. trav., art. L. 5134-25-1 N° Lexbase : L0850ICH).
II - Réforme des structures d'insertion par l'économique
L'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. Elle met en oeuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement. Des conventions sont conclues avec ces entreprises ou associations (de droit privé) produisant des biens et services en vue de leur commercialisation et l'Etat : entreprises d'insertion, depuis 1991 (loi n° 91-1 du 3 janvier 1991, tendant au développement de l'emploi par la formation dans les entreprises, l'aide à l'insertion sociale et professionnelle et l'aménagement du temps de travail, pour l'application du troisième plan pour l'emploi N° Lexbase : L0093BIB), entreprises de travail temporaire d'insertion, depuis 1992 (loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991, portant diverses dispositions d'ordre social N° Lexbase : L3092AID et loi n° 92-722 du 29 juillet 1992, portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988, relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle N° Lexbase : L7461AI8) et, enfin, associations intermédiaires, depuis 1987 (loi n° 87-39 du 27 janvier 1987, portant diverses mesures d'ordre social N° Lexbase : L2134DYP) (7).
Contrairement à la réforme du contrat initiative emploi et du contrat d'accompagnement dans l'emploi, qui ne prend effet qu'à compter du 1er janvier 2010 (supra), la réforme de l'insertion par l'économique est effective à compter du 1er janvier 2009.
A - Régime des structures d'insertion par l'économique
La définition de l'insertion par l'économique, telle qu'elle est déjà inscrite dans les textes (C. trav., art. L. 5132-1 N° Lexbase : L2091H9C) est complétée par la loi n° 2008-1249 (art. 20). Désormais, il est expressément reconnu que l'insertion par l'activité économique, notamment, par la création d'activités économiques, contribue, également, au développement des territoires.
De même, dans cette lignée, le législateur donne une existence juridique aux "Groupes économiques solidaires". Afin de favoriser la coordination, la complémentarité et le développement économique du territoire et de garantir la continuité des parcours d'insertion, une personne morale de droit privé peut porter ou coordonner une ou plusieurs actions d'insertion (C. trav., art. L. 5132-15-2 N° Lexbase : L0802ICP).
Les financements publics n'étaient jusqu'à présent accordés qu'aux entreprises d'insertion par l'économique et aux entreprises de travail temporaire d'insertion (C. trav., art. L. 5132-3, 2° N° Lexbase : L5798IAY). La loi n° 2008-1249 ouvre ces financements publics aux autres acteurs de l'insertion par l'économique, les ateliers et chantiers d'insertion (C. trav., art. L. 5132-3, 2° N° Lexbase : L0962ICM). Cette aide, intitulée "aide au poste" a pour objet de compenser l'effort spécifique que les structures de l'insertion par l'économique consentent pour l'embauche de personnes en difficulté, surcoûts liés à la rotation des personnes en difficulté et à leur faible productivité, coût de leur encadrement et de l'accompagnement social (circ. DGEFP n° 99-17 du 26 mars 1999 N° Lexbase : L0840G8M).
L'aide de l'Etat est versée annuellement pour chaque poste de travail occupé à temps plein. Son montant et ses conditions de versement sont fixés par arrêté. Depuis le 1er juillet 2005, le montant de cette aide est de 9 681 euros pour toutes les entreprises d'insertion. Elle est versée mensuellement pour toutes les conventions conclues à compter du 1er janvier 2005 entre l'entreprise d'insertion et l'Etat. L'aide de l'Etat ne peut se cumuler, pour un même poste, avec une autre aide à l'emploi financée par l'Etat.
B - Contrat de travail des salariés des structures d'insertion par l'économique
Le législateur met en place un nouveau contrat de travail (loi n° 2008-1249, art. 18), codifié (C. trav., art. L. 5132-5 N° Lexbase : L2098H9L pour les entreprises d'insertion, art. L. 5132-11-1 N° Lexbase : L1000ICZ et, enfin, art. L. 5132-15-1 N° Lexbase : L0954ICC, pour les ateliers et chantiers d'insertion). Il s'agit, en réalité, d'un même contrat de travail, obéissant au même régime juridique, qu'elle que soit la spécificité de l'employeur relevant de l'insertion par l'économique.
Les entreprises d'insertion concluent avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières des contrats à durée déterminée en application de l'article L. 1242-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1432H9W). Ces contrats peuvent, aux fins de développer l'expérience et les compétences du salarié, prévoir, par avenant, une "période d'immersion" (8) auprès d'un autre employeur (dans les conditions prévues à l'article L. 8241-2 N° Lexbase : L3648H9Y). Un décret détermine la durée et les conditions d'agrément et d'exécution de cette période d'immersion.
La durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois. Ces contrats peuvent être renouvelés dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois. A titre dérogatoire, ces contrats peuvent être renouvelés au-delà de la durée maximale prévue en vue de permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l'échéance du contrat. La durée de ce renouvellement ne peut excéder le terme de l'action concernée. A titre exceptionnel, lorsque des salariés âgés de cinquante ans et plus ou des personnes reconnues travailleurs handicapés rencontrent des difficultés particulières qui font obstacle à leur insertion durable dans l'emploi, ce contrat de travail peut être prolongé au-delà de la durée maximale prévue. Cette prolongation peut être accordée par le "Pôle emploi" après examen de la situation du salarié au regard de l'emploi, de la capacité contributive de l'employeur et des actions d'accompagnement et de formation conduites dans le cadre de la durée initialement prévue du contrat.
La durée hebdomadaire de travail du salarié embauché dans ce cadre ne peut être inférieure à vingt heures. Elle peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire.
Ce contrat peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de lui permettre en accord avec son employeur, d'effectuer une évaluation en milieu de travail prescrite par "Pôle emploi" ou une action concourant à son insertion professionnelle ; d'accomplir une période d'essai afférente à une offre d'emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois. En cas d'embauche à l'issue de cette évaluation en milieu de travail ou de cette période d'essai, le contrat est rompu sans préavis.
(1) E. Doligé, Avis Sénat n° 32, 2008-2009 ; L. Hénart, Avis Assemblée Nationale n° 1112, septembre 2008 ; M.-P. Daubresse, Rapport Assemblée Nationale n° 1113, septembre 2008 ; B. Dupont, Commission des affaires sociales, Rapport n° 25, 2008-2009.
(2) Déjà analysé, v. nos obs., Généralisation du revenu de solidarité active par la loi du 1er décembre 2008, Lexbase Hebdo n° 330 du 10 décembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9256BHB).
(3) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (N° Lexbase : L2417HY8). Au possible, nous sommes tenus. La nouvelle équation sociale 15 résolutions pour combattre la pauvreté des enfants, Commission "Familles, vulnérabilité, pauvreté", prés. M. Hirsch ; J. Damon, Le rapport "Hirsch" : filiation, contenu et enjeux, RDSS, 2005, p. 610 ; nos obs., Revenu de solidarité active : le législateur consacre le Rapport Hirsch, mais à titre expérimental, Lexbase Hebdo n° 271 du 6 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2559BCR).
(4) Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49) et nos obs., La réforme des contrats de travail spéciaux par la loi de cohésion sociale, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4391ABA) ; La réforme des contrats de travail spéciaux destinés aux allocataires de minima sociaux par la loi de cohésion sociale, TPS, mai 2005, chron. p. 13.
(5) C. Roy-Roustaunau, Deux nouveaux venus contestables dans le maelström des contrats spéciaux : le contrat de mission à l'exportation et le contrat d'avenir, Dr. soc., 2005, p. 414.
(6) Selon le Conseil économique et social, le remplacement des CES et CEC par un contrat d'accompagnement dans l'emploi devrait permettre davantage de souplesse, tant dans la détermination de la durée hebdomadaire de travail que dans la durée totale des contrats, avec, à la clé, une meilleure adaptation à la situation des personnes. Conseil économique et social, 2004, Avis présenté par J. Bastide, D. Bourdeaux, H. Brin et C. Larose ; P.-Y. Verkindt, Le contrat d'accompagnement dans l'emploi, Dr. soc., 2005, p. 440.
(7) E. Alfandari, L'association intermédiaire face au principe constitutionnel d'égalité, RD sanit. soc., 1995, p. 579 ; Associations et entreprises intermédiaires, RD sanit. soc., 1986, p. 119 ; Du nouveau pour les associations dans la loi du 29 juillet 1998, RD sanit. soc., 1998, p. 869 ; M. Autes, M. Bresson, L'insertion par l'économique : une zone intermédiaire entre salariat et non-travail, Rev. fr. aff. soc., juillet-décembre 2000, p. 103 ; P. Brun, L'entreprise intermédiaire et l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, Rev. fr. aff. soc., juillet-août 1984, p. 159 ; Cour des comptes, Rapport annuel, 1998 ; S. Hénion-Moreau, La mobilisation des institutions sociales, RD sanit. soc., 1999, p. 342.
(8) Expression journalistique employée dans le langage courant, dont on s'étonne qu'elle se retrouve sous la plume du législateur.
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Le 07 Octobre 2010
Aux termes des dispositions de l'article R. 600-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0796HZI), "le tribunal territorialement compétent pour connaître des procédures [de conciliation, de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires] est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l'adresse de son entreprise ou de son activité".
L'article 47 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2659ADT) prévoit, pour sa part, que "lorsqu'un [...] auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe. Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent également demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions".
La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT) a ouvert à tous les professionnels libéraux, quelle que soit la forme d'exercice de leur activité, la porte des procédures collectives du Code de commerce. Dès lors que le professionnel libéral est un auxiliaire de justice, la question se pose de savoir si les dispositions de l'article 47 du Code de procédure civile ont vocation à s'appliquer. Le créancier qui assigne l'auxiliaire de justice en redressement ou en liquidation judiciaire peut-il saisir, à cette fin, une juridiction limitrophe ? Le débiteur, auxiliaire de justice, souhaitant bénéficier d'une procédure de sauvegarde, de redressement, voire de liquidation judiciaire, peut-il, à cette fin, saisir un tribunal limitrophe de celui territorialement compétent ?
Par un arrêt rendu le 28 octobre 2008 et publié au Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient apporter une réponse positive à cette interrogation.
En l'espèce, faisant usage de l'article 47 du Code de procédure civile, la Caisse nationale des barreaux français avait assigné en liquidation judiciaire une avocate au barreau de Paris devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Cette juridiction, considérant que cette disposition n'était pas applicable en matière de procédures collectives, s'était déclarée incompétente au profit du tribunal de grande instance de Paris. Par un arrêt en date du 1er mars 2007, largement commenté par la doctrine (1), la cour d'appel de Versailles a confirmé la décision des premiers juges en considérant que les règles de compétence territoriale des articles L. 610-1 (N° Lexbase : L3812HBS) et R. 600-1 du Code de commerce ont une valeur supérieure à celle de l'article 47 du Code de procédure civile qui n'a qu'une valeur réglementaire. Cette position est censurée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui, dans l'arrêt rapporté du 28 octobre 2008, casse et annule en toutes ces dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles.
Les Hauts magistrats ont clairement apporté une réponse à une question qui était loin de faire l'unanimité en doctrine, certains prônant l'applicabilité de l'article 47 du Code de procédure civile en matière de procédures collectives (2), d'autres la condamnant (3).
De prime abord, la position adoptée semble devoir être favorablement accueillie pour deux raisons.
D'une part, parce que l'argument retenu par la cour d'appel de Versailles selon lequel l'article 47 du Code de procédure civile est un texte de nature réglementaire, alors que le principe de compétence territoriale est posé par l'article L. 610-1 du Code de commerce, texte de nature législative, donc de valeur supérieure n'est pas, comme l'a relevé un auteur (4), pleinement convaincant dans la mesure où les règles de compétence sont énoncées par une disposition règlementaire -l'article R. 600-1 du Code de commerce-.
D'autre part, la solution semble heureuse car l'objectif recherché, au travers de l'application de l'article 47 du Code de procédure civile, est de permettre aux parties de délocaliser l'affaire afin d'assurer l'impartialité de la juridiction. Il apparaît effectivement un peu délicat qu'un tribunal de commerce et ses juges-commissaires rendent des décisions dans le cadre d'une liquidation judiciaire d'un "habitué" -à un autre titre- du tribunal...
A y regarder de plus près, cette décision apparaît cependant critiquable, et ce, à plusieurs titres.
D'abord, sur le strict terrain juridique, l'applicabilité en matière de procédures collectives de l'article 47 du Code de procédure civile est contestable au regard des termes employés par cet article. Son application est prévue lorsqu'un auxiliaire de justice est partie à un "litige". Or, "on parle de litige lorsqu'une personne ne peut obtenir amiablement la reconnaissance d'une prérogative qu'elle croit avoir et envisage de saisir un tribunal pour lui soumettre sa prétention. Le terme, bien que très large, est synonyme de procès" (5). Les procédures de conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire ne peuvent répondre à cette définition. Ainsi que l'a souligné la doctrine, puisque l'application de l'article 47 du Code de procédure civile suppose un "litige", elle devrait être exclue lorsqu'un avocat est soumis à l'une des procédures de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 (6). En revanche, la demande de sanctions patrimoniales constitue sans conteste un litige, raison pour laquelle il a été jugé que l'article 47 du Code de procédure civile peut être invoqué par un avocat assigné en comblement de passif pour demander que l'affaire soit portée à la connaissance d'une autre juridiction (7).
Ensuite, d'un point de vue purement pratique, l'application, en matière de procédures collectives, de l'article 47 du Code de procédure civile est susceptible de poser des difficultés dans certaines hypothèses. Ses dispositions prévoient la possibilité pour le demandeur de saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe de celui dans lequel l'auxiliaire de justice exerce ses fonctions. L'auxiliaire de justice est celui qui concourt de manière principale et habituelle à l'administration de la justice. Se trouvent rassemblés sous ce vocable les avocats, les avoués, les huissiers de justice ainsi que les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises. Dès lors que l'auxiliaire exerce ses fonctions sur un territoire étendu, le choix du tribunal pourra apparaître particulièrement épineux. On songe, notamment, à l'éventualité d'une procédure collective ouverte à l'encontre d'un administrateur judiciaire, lequel a une compétence nationale, de sorte qu'il peut être désigné par tous les tribunaux de commerce et de grande instance français...
En définitive, il nous semble qu'il aurait été préférable d'écarter l'application de l'article 47 du Code de procédure civile en matière de procédures collectives et de faire confiance en la sagesse du juge qui, s'il l'estime nécessaire, peut toujours faire application des dispositions de l'article R. 662-7 du Code de commerce pour renvoyer la procédure devant une autre juridiction "lorsque les intérêts en présence [le] justifient [...]".
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences des Universités, Directrice du Master 2 droit de la banque et de la société financière de la faculté de Toulon
L'articulation du droit des procédures collectives avec les règles de la solidarité fait naître un certain nombre de difficultés. Certaines intéressent la solidarité active, c'est-à-dire l'hypothèse d'une pluralité de créanciers détenant une créance contre un seul débiteur. Cette question présente un intérêt en matière de demande en revendication ou en restitution, dans l'hypothèse du co-baillage financier. Elle fait naître, également, des difficultés en matière de déclaration de créance, dans l'hypothèse notamment du pool bancaire. L'essentiel de la jurisprudence intéressant la coordination des règles de la solidarité avec le droit des entreprises en difficultés est, toutefois, concentré sur la solidarité passive, c'est-à-dire l'hypothèse d'une pluralité de débiteurs à l'égard d'un même créancier. C'est sur une difficulté de cette nature que l'arrêt de la Chambre commerciale du 25 novembre 2008 nous permet de réfléchir.
En l'espèce, une banque consent à deux époux -les codébiteurs- un prêt d'une durée de sept ans. L'époux emprunteur est déclaré en liquidation judiciaire. La banque déclare sa créance à son passif et est admise pour un certain montant n'incluant pas les intérêts dont le cours n'avait pas été arrêté par l'effet du jugement d'ouverture.
Par la suite, la banque obtient une ordonnance portant injonction de payer à l'encontre de l'épouse, restée in bonis, pour un montant supérieur à celui de l'ordonnance d'admission au passif, incluant cette fois le cours des intérêts. Elle fait signifier cette ordonnance et la codébitrice y fait opposition, en se fondant sur le principe selon lequel il n'était pas possible de lui demander plus que le montant de l'admission au passif. Les juges du fond vont la recevoir en son opposition.
La banque se pourvoit alors en cassation en se fondant sur le principe d'indépendance des engagements des codébiteurs. Son pourvoi va être rejeté d'une manière extrêmement didactique, qui fait tout l'intérêt de l'arrêt commenté, appelé à être publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. La Chambre commerciale énonce ainsi que "en application de l'article 1208 du Code civil (N° Lexbase : L1310AB7), si l'extinction de la créance à l'égard du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective en raison du défaut de déclaration laisse subsister l'obligation distincte contractée par son codébiteur solidaire, en revanche, ce dernier peut opposer au créancier la chose jugée résultant de l'admission irrévocable de la créance dans la procédure collective ouverte à l'égard de l'autre codébiteur solidaire".
La Cour de cassation énonce ainsi deux principes clairs. Le premier principe, sur lequel se fondait exclusivement le demandeur au pourvoi, est celui de l'indépendance des engagements des codébiteurs solidaires. Ce principe a eu, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L4126BMR), une portée extrêmement remarquée, à tel point que, dans le droit des entreprises en difficulté, il permet de distinguer clairement au regard de leurs effets respectifs, les engagements de cautionnement et ceux de codébiteurs. La créance non déclarée au passif est, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, éteinte. Il en résulte, par voie accessoire, l'extinction du cautionnement. Au contraire, cette même extinction de créance reste sans conséquence sur l'engagement d'un autre codébiteur. La solution avait été posée par un arrêt remarqué de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 janvier 1993 en ces termes : "Mais attendu, d'une part, qu'en dehors du cautionnement, lorsque plusieurs codébiteurs s'engagent solidairement, l'un deux ne peut invoquer, au titre d'exceptions communes, que celles qui affectent l'ensemble des liens obligatoires unissant les débiteurs au créancier; que l'extinction, en vertu de l'article 53 alinéa 3 de la loi du 25 janvier 1985 [devenu C. com., art. L. 621-46, al. 4 N° Lexbase : L6898AIC], de la créance à l'égard du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective, laisse subsister l'obligation distincte contractée par son codébiteur solidaire" (8). La solution a été reproduite à l'identique (9). C'est cette même solution que réaffirme l'arrêt du 25 novembre 2008.
Observons que ce principe n'est pas altéré par la loi de sauvegarde des entreprises, alors surtout que la sanction de l'extinction des créances non déclarée a été supprimée.
Ce principe d'indépendance des engagements a vocation à régir le sort de l'engagement d'un codébiteur resté in bonis en cas de procédure collective d'un autre codébiteur, jusqu'à ce qu'une décision de justice ne vienne fixer les droits du créancier à l'égard du codébiteur solidaire. Une fois cette décision intervenue, une autre règle trouve application : celle des effets à l'égard du codébiteur solidaire de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission au passif.
La relativité de l'autorité de chose jugée n'interdit pas son extension aux cautions et, en vertu des effets de la solidarité, aux codébiteurs solidaires. La solution a été posée à de nombreuses reprises (10). Il s'agit plus spécialement d'un effet secondaire de la solidarité, celui dit de la représentation mutuelle des coobligés. Ce qui est jugé dans les rapports entre le créancier et un codébiteur s'impose à tous les obligés solidaires à la même dette.
Il n'en va ainsi que pour autant que la décision fixant les droits du créancier est irrévocable. En pratique, en cas d'ouverture d'une procédure collective, il s'agira le plus souvent de la décision d'admission au passif qui, d'une part, ne sera plus susceptible d'appel, mais encore de remise en cause par le biais d'une réclamation à l'état des créances. Mais il pourra également s'agir de la décision obtenue après reprise d'instance pour voir fixer au passif les droits du créancier par la juridiction initialement saisie de la demande de condamnation au paiement du débiteur.
On peut ainsi affirmer que la représentation mutuelle des coobligés a un effet de destruction du principe d'autonomie des engagements des codébiteurs. Embarqués dans des bateaux différents, après la décision d'admission au passif, ils se retrouvent dans la même galère, ou, plus rarement, comme c'est le cas en l'espèce, dans le même yacht.
Se retrouvant dans la même galère que le codébiteur sous procédure collective, le codébiteur solidaire, après admission irrévocable de la créance, ne peut plus discuter, pour refuser de remplir son engagement, de l'existence de la créance (11) ou du montant de cette créance (12).
Symétriquement, comme c'est le cas en l'espèce, le codébiteur solidaire pourra se retrouver dans le même yacht que le codébiteur sous procédure collective. En effet, la hauteur de l'admission de la créance s'imposera au créancier, qui ne pourra réclamer autre chose au codébiteur solidaire resté in bonis (13). Ainsi, comme l'indique ici la Cour de cassation, "s'agissant d'un prêt dont le cours des intérêts n'a pas été arrêté par l'effet du jugement d'ouverture, la cour d'appel qui a constaté que la créance de la banque avait été irrévocablement admise pour un certain montant au passif de la procédure collective [du codébiteur en liquidation judiciaire] en a exactement déduit [...] que Mme V., codébitrice solidaire, pouvait opposer la chose jugée attachée à la décision irrévocable de l'admission limitée au principal". Ainsi, comme cela avait déjà été jugé, l'absence d'admission au passif des intérêts interdit au créancier de les réclamer au coobligé solidaire (14).
Cette solution ne se trouve pas modifiée par la loi de sauvegarde des entreprises.
Ainsi, en résumé, avant la décision de justice fixant les droits du créancier contre l'un des codébiteurs solidaires, le principe d'autonomie des liens obligatoires doit être affirmé. Après fixation des droits du créancier contre l'un des codébiteurs solidaires, l'autorité de la chose jugée attachée à la décision irrévocable s'imposera tant au créancier qu'au codébiteur solidaire, le premier ne pouvant plus réclamer au second que le montant admis, le second ne pouvant, symétriquement, pour sa part, prétendre moins que ce montant.
La chose jugée entre l'un des débiteurs et le créancier ne peut, toutefois, englober les exceptions purement personnelles à un autre codébiteur, puisque l'article 1202, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1304ABW) dispose qu'un codébiteur ne peut opposer "les exceptions qui sont purement personnelles à quelques-uns des autres codébiteurs". Ces exceptions purement personnelles s'entendent de la même façon que celles intéressant les cautions (15). Il s'agira en conséquence des règles de formation de l'obligation, telles les vices du consentement, ou encore des règles de preuve des engagements, telle la règle de l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L1437ABT) imposant le respect d'une mention manuscrite dans le cadre d'un engagement unilatéral de payer une somme d'argent.
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises
(1) CA Versailles, 13ème ch., 1er mars 2007, n° 06/07624, Maître Odile Lajoix c/ Caisse nationale des barreaux français (CNBF) (N° Lexbase : A9904DZT), D., 2007, p. 1702, note crit. J.-L. Vallens ; Gaz. proc. coll., 2007/3, p. 29, note Ch. Lebel ; Rev. proc. coll., 2007/3, p. 168, n° 13, obs. Ch. Lebel ; Annonces de la Seine, 23 avril 2007, p. 8, note J.-B. Drummen ; JCP éd. E, 2007, 1873, p. 25, note D. Cholet ; JCP éd. E, 2007, 2309, p. 27, note P. Nabet ; RJ com., 2007, p. 276, note J.-P. Sortais ; Defrénois, 2007, 38675, p. 1561, n° 6, note D. Gibirila.
(2) V., en ce sens, J.-L. Vallens, note préc., sous CA Versailles, 13ème ch., 1er mars 2007, préc..
(3) V., en ce sens, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2008/2009, n° 232.12.
(4) P.-M. Le Corre, préc..
(5) R. Guillien et J. Vincent, s. la dir. de S. Guinchard et G. Montagnier, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15ème éd., V "Litige".
(6) S. Guinchard et F. Ferrand, Procédure civile - Droit interne et droit communautaire, Précis Dalloz, 28ème éd., nº 322. V., égal. en ce sens, R. Martin et P. Neveu, L'application à la profession d'avocat de la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises, JCP éd. E, 2006, 1764, p. 867 et s., sp. p. 869 et 870, n° 14 à 16 ; F. Verger et A. Mignone, Aspects pratiques de l'application de la loi du 26 juillet 2005 aux professionnels libéraux, D., 2006, p. 2234.
(7) Cass. com., 26 juin 2001, n° 98-17.823, M. Max Henri Chabal c/ M. Jean-Claude Pichaud, publié (N° Lexbase : A7831AT9), Bull. civ. IV, n° 126, D., 2001, AJ p. 2593, obs. A. Lienhard ; Act. proc. Coll., 2001/14, n° 184 ; RTDCom., 2001, p. 777, obs. J.-L. Vallens ; D., 2002, somm., p. 82, obs. J.-P. Sortais ; D., 2002, somm., p. 1481, obs. A. Honorat ; Dr. Sociétés, novembre 2001, p. 13 -14, obs. J.-P. Legros ; RJDA, 2001/11, n° 1009 ; Rev. proc. coll., 2003, p. 161, n° 1, obs. A. Martin-Serf.
(8) Cass. com., 19 janvier 1993, n° 89-16.518, Mme Bonfanti et autre c/ Crédit immobilier du Cambrésis, publié (N° Lexbase : A5402ABP), Bull. civ. IV, n° 25 ; D., 1993, p. 331, note A. Honorat et J. Patarin ; JCP éd. G, 1993, II, 22056, note P. Pétel ; Quot. jur. 18 février 1993, n° 14, obs. P. M. ; RTDCom., 1993, p. 377, obs. A. Martin-Serf ; RTDCiv., 1993, p. 581, obs. J. Mestre ; Rev. proc. coll., 1993, 71, obs. C. Saint-Alary-Houin ; LPA, 20 décembre 1993, n° 152, p. 9, note F. Derrida ; Defrénois, 1993, 1220, obs. J.-P. Sénéchal.
(9) Entre autres, Cass. com., 23 octobre 2001, n° 99-12.504, Mme Marie Carmen Rey, épouse Prévost c/ Crédit lyonnais, FS-P, publié (N° Lexbase : A7983AWL), Bull. civ. IV, n° 175, RJPF, 2002, n° 2, p. 15, note F. Vauville, Act. proc. coll., 2001/19, n° 248, D., 2001, AJ, p. 3433, obs. A. Lienhard, Dr. et proc., 2002/1, p. 31, J. 007, obs. J.-L. Courtier, JCP éd. E, 2002, jur. 1165, p. 1290, note L. De Gentili-Picard ; Cass. com., 11 décembre 2001, n° 98-22.643, Mme Béatrice Pascual c/ Société Crédit foncier de France, FS-P (N° Lexbase : A6438AXQ), Bull. civ. IV, n° 198, JCP éd. E, 2002, n° 20, chron., p. 807, note P. Petel, Dr. et patr., 2002, n° 106, p. 106-107, note M.-H. Monserie-Bon, D., 2002, AJ p. 402, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2002/2, n° 23, obs. C. Régnaut-Moutier, RD banc. et fin., 2002/2, p. 78, n° 60, obs. F.-X. Lucas ; Cass com., 9 juin 2004, n° 01-03.935, M. Frédéric Morin c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Alpes Provence, F-D (N° Lexbase : A6054DC9) ; Cass. com., 7 février 2006, n° 03-20.384, Société SCERM Promotion c/ Société Cico, F-D (N° Lexbase : A8391DMQ) ; Cass. com., 16 septembre 2008, n° 07-15.646, Mme Christine Chaponnais, épouse Desfloquet, F-D (N° Lexbase : A4008EAP).
(10) Cass. com., 20 septembre 2005, n° 04-14.410, M. André Garnier c/ M. Jacques Bonnisseau, F-D (N° Lexbase : A5190DKG) ; Cass. com., 1er avril 2008, n° 06-21.296, Mme Catherine Dejean, épouse Varenne, F-D (N° Lexbase : A7659D7S).
(11) Cass. com., 30 octobre 2007, n° 04-16.655, Mme Lucette Boulou, épouse Chocu, F-P+B (N° Lexbase : A2247DZA), E. Le Corre-Broly, Représentation mutuelle des coobligés et prescription de l'action contre le codébiteur solidaire, in La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 282 du 22 novembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N1983BDS).
(12) Cass. com., 30 octobre 2007, n° 04-16.655, préc., note préc., et nos obs., Gaz. proc. coll., 2008/1, p. 65.
(13) Cass. com., 1er avril 2008, n° 06-21.296, Mme Catherine Dejean, épouse Varenne, F-D (N° Lexbase : A7659D7S), nos obs. Gaz. proc. coll., 2008/3, p. 59.
(14) CA, Agen, 25 septembre 2001, Gaz. Pal., 2001, jur., p. 1806, note J.-F. Auduc.
(15) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 712.53.
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
Le 07 Octobre 2010
La garantie d'impartialité dans la procédure de vérification n'est pas gravée dans le marbre. C'est une construction prétorienne qui procède de l'interprétation de la notion d'impartialité faite par la CEDH pour l'application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) qui stipule que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial. Cette exigence d'impartialité apparaît aux différents stades de la procédure. Ainsi, son absence peut être invoquée, tant lors du débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur que dans la composition de la commission départementale. L'apport de la décision récente est que cette impartialité est également requise lors du déroulement des opérations de contrôle, avant l'envoi de la proposition de rectification.
1. Le débat avec le supérieur hiérarchique ou l'interlocuteur départemental
La charte du contribuable vérifié donne compétence à l'inspecteur principal ou départemental ainsi qu'à l'interlocuteur départemental désigné par le Directeur des services fiscaux pour répondre aux difficultés soulevées par les contribuables sur la conduite de la vérification ou sur le bien-fondé des impositions. Ce double recours assure au contribuable la garantie de pouvoir, avant la mise en recouvrement, s'adresser à un fonctionnaire pour obtenir un nouvel examen de ses divergences avec le vérificateur. C'est à raison de l'intervention de ces agents à d'autres stades de la procédure que le juge a été saisi de contestations relatives à l'impartialité des agents désignés à ces fonctions. Ainsi, le fait que le supérieur hiérarchique du vérificateur ait signé ou visé des documents notifiés au cours de la procédure de redressements ne prive pas le contribuable vérifié de la garantie d'obtenir un nouvel examen impartial de son dossier (CE 9° et 10° s-s-r., 8 juin 2005, n° 255918, SA Vetter N° Lexbase : A6355DI9). De même, un contribuable n'a pas été privé d'un recours effectif auprès de l'interlocuteur départemental quand bien même ce dernier aurait ordonné préalablement la vérification (Cass. com., 23 avril 2003, n° 00-19.539, FS-P N° Lexbase : A4989BMQ). En effet, il résultait de la lettre incitant le service à effectuer le contrôle qu'une telle opération pouvait permettre d'apporter des éclaircissements dans l'intérêt du contribuable. Ainsi, au moment de sa désignation comme interlocuteur, cet agent n'avait pas d'opinion arrêtée sur l'issue du contrôle. De même, le fait pour l'interlocuteur départemental d'avoir rédigé le rapport que le service adresse à la commission ne lui fait par perdre sa neutralité lorsqu'il examine ensuite l'affaire en qualité d'interlocuteur (CAA Paris, 7ème ch., 12 décembre 2007, n° 06PA01237, Société anonyme MJM N° Lexbase : A9299D3S). En revanche, l'agent des impôts, membre de la commission départementale des impôts directs qui a examiné sur le fond le litige, ne peut ensuite l'examiner à nouveau en qualité d'interlocuteur, son impartialité n'étant plus assurée (CAA Lyon, 2ème ch., 10 novembre 2004, n° 98LY00510, SA Cotton Club 21 N° Lexbase : A2121DGN). Autrement dit, s'il n'est pas exigé une parfaite neutralité, un certain recul par rapport au dossier de vérification est requis par le juge.
2. Impartialité lors du déroulement de la vérification
L'animosité personnelle de l'agent chargé des opérations de contrôle est fréquemment alléguée, mais rarement démontrée dans les faits. Dans l'affaire examinée récemment par les juges du Palais Royal, la gérante de la société vérifiée faisait valoir que l'agent des impôts et son conjoint, qui résidaient à proximité immédiate de son domicile entretenaient avec elle des relations difficiles qui l'autorisaient à douter de l'impartialité et du caractère équitable du contrôle dont son entreprise avait fait l'objet. Au cas particulier, un conflit de voisinage opposait certains colotis de la résidence, dont la vérificatrice et son mari, aux deux époux dont l'un était le gérant de la société vérifiée. Le mari de la vérificatrice avait même signé avec d'autres résidents une pétition remise au maire de la commune. Statuant sur pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat a jugé que la cour d'appel n'avait pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits, en décidant qu'en raison du caractère conflictuel de cette situation, la vérification ne pouvait être regardée comme ayant présenté toutes les garanties d'impartialité requises, alors même que la vérificatrice n'avait pas personnellement signé la pétition. En effet, l'instruction démontrait que ce conflit de voisinage, qui avait pris naissance avant le contrôle, était particulièrement vif.
Un vice de forme, tel que l'absence de production de la copie des rôles supplémentaires qui doit accompagner la réclamation, ne peut être régularisé au plus tard que devant le tribunal administratif. Le Conseil d'Etat vient de confirmer qu'un tel vice de forme ne peut être couvert dans la requête d'appel.
1. Vices de forme de la réclamation susceptibles d'être régularisés
Certains vices affectant la réclamation ne peuvent être régularisés que dans le délai de réclamation, alors que d'autres peuvent être couverts dans la demande au tribunal ou même en cours d'instance, lorsque l'administration n'a pas demandé la régularisation au stade de l'instruction de la réclamation.
a) Régularisation avant l'expiration du délai de réclamation
Les vices de forme "définitifs", comme, par exemple, les réclamations collectives ne peuvent être régularisés que durant le délai de réclamation par la production d'une nouvelle réclamation régulière.
b) Régularisation après le délai de réclamation
Les vices de forme tels que l'absence de mention expresse de l'imposition contestée, l'absence d'exposé sommaire des moyens et des conclusions ou encore le défaut de production de l'avis d'imposition, peuvent être couverts dans la demande au tribunal administratif. De même, le défaut de signature, lorsque l'administration a omis de demander la régularisation, comme les textes le lui imposent, peut être régularisé par la demande au tribunal. Ainsi, en l'absence de signature de la réclamation ou de signature irrégulière, comme une signature illisible, la demande devant le tribunal administratif, présentée par un avocat, couvre le vice dont était affectée la réclamation. Il en est de même d'une réclamation adressée par télécopie qui n'est pas, stricto sensu, revêtue de la signature manuscrite de son auteur.
2. Absence de régularisation dans la requête d'appel
Les vices de forme affectant la réclamation, comme, par exemple, le défaut d'exposé des faits, moyens et conclusions, et non régularisés lors de la demande au tribunal administratif ne peuvent être couverts par la requête d'appel. Tel est le cas, également, comme il vient d'être jugé, du défaut de production des rôles contestés. Au cas particulier, une société avait fait l'objet d'un rappel de taxe professionnelle. Elle avait omis de joindre la copie des rôles supplémentaires dans sa réclamation et ne les avait pas produits à la suite de la demande qui lui avait été adressée ultérieurement par le service. Ce vice de forme constituait l'un des motifs de rejet de sa réclamation. La société avait, également, négligé de joindre ces documents dans la requête auprès du tribunal administratif. Ce n'est que devant la cour administrative d'appel que les rôles supplémentaires avaient été produits. Le Conseil d'Etat vient de confirmer que ce vice de procédure ne pouvait être couvert au plus tard que devant le tribunal administratif.
L'intérêt de retard n'est pas dû, en cas de redressement, lorsque le contribuable a fait connaître, par une mention expresse portée sur la déclaration ou l'acte les motifs de droit ou de fait à raison desquels il ne mentionne pas un élément d'imposition (CGI, art. 1727 II, 2° N° Lexbase : L3243HZ7).
1. Champ d'application et définition de la mention expresse
La dispense d'intérêt est susceptible de s'appliquer à toutes les déclarations ou actes comportant des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, quelle que soit l'imposition en cause. Cette dispense est subordonnée à la double condition qu'une indication expresse soit portée sur la déclaration ou l'acte et qu'elle mentionne les motifs de droit ou de fait qui justifie la position du contribuable. Ainsi, les intérêts ne sont pas dus à raison de la réintégration d'une provision, lorsque l'entreprise a joint à sa déclaration de résultats et au relevé des provisions un extrait des comptes annuels soulignant la constitution de la provision litigieuse et précisant la nature et les raisons de celle-ci (CE Contentieux, 1er octobre 2001, n° 209035, Minefi c/ Société Nervol N° Lexbase : A4403AWY). Cette dispense ne s'applique que si la mention est jointe à la déclaration redressée permettant au vérificateur de la rectifier, sans avoir à se reporter aux notes annexées à une déclaration antérieure (CE, 2 novembre 1987, n° 50662).
2. Mention expresse et bonne foi
Les dispositions relatives à la mention expresse ne sauraient être invoquées dans les cas, par exemple, d'une demande d'application d'un régime manifestement contraire aux textes ou pour laquelle le contribuable aurait déjà reçu une réponse de l'administration (BOI 13 N-1-07 du 19 février 2007 N° Lexbase : X8206ADB). En revanche, la dispense est applicable dans le cas où la demande de renseignements préalable au dépôt de la déclaration étant restée sans réponse au moment du dépôt de la déclaration, le contribuable joint une copie de cette demande (QE n° 27063 de J.-L. Masson, réponse publiée au JOAN du 18 juin 1990, p. 2891 N° Lexbase : L2582ICM). Autrement dit, le principe -si un principe devait être dégagé- est la bonne foi du contribuable. Cependant, un tel principe semble avoir été battu en brèche. En effet, le Conseil d'Etat, statuant en cassation, vient de confirmer que la cour administrative d'appel n'avait pas commis d'erreur de droit en précisant que l'absence de position antérieure de l'administration sur le point litigieux ne fait pas partie des conditions d'application de la mention expresse, conditions clairement et limitativement posées par la loi. Au cas particulier, une société avait choisi de se libérer de son obligation de participation des employeurs à l'effort de construction sous forme de prêts à vingt ans et sans intérêts à des organismes habilités, et elle avait constitué des provisions sur plusieurs exercices pour tenir compte de la baisse de valeur nominale de ces prêts. Elle justifiait cette dépréciation à raison de la durée des prêts et de l'absence d'intérêts. Lorsqu'elle avait déposé une nouvelle déclaration, contenant une nouvelle mention expresse pour la même provision, l'administration avait déjà réintégré les provisions de même nature constituées au titre des exercices antérieurs. En jugeant que, dans de telles circonstances la société pouvait se prévaloir de la dispense, la cour administrative d'appel avait fait une exacte application du texte légal, puisque l'absence de position antérieure de l'administration sur le point litigieux ne fait pas partie des conditions d'application de la mention.
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Réf. : Cass. civ. 1, 5 novembre 2008, n° 07-14.439, Mme Nelly Gaignard, FS-P+B (N° Lexbase : A1609EB9)
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par Cédric Tahri, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
En principe, la convention homologuée ne peut plus être remise en cause. Elle devient définitive. Cette intangibilité repose sur le caractère indissociable entre l'homologation de la convention des époux et le prononcé du divorce (A). Ce caractère s'oppose à l'admission de la plupart des voies de recours, y compris le recours en révision (B).
A - La justification de l'intangibilité de la convention homologuée
L'indivisibilité de l'homologation de la convention des époux et du prononcé du divorce s'oppose à toute tentative de révision partielle. Inscrit en filigrane dans les dispositions légales et réglementaires (a), ce principe a été dégagé par les tribunaux qui l'ont progressivement érigé au rang de dogme (b).
a) La reconnaissance implicite de l'indivisibilité de l'homologation de la convention et du prononcé du divorce par le législateur
L'indivisibilité dans le Code civil. L'indivisibilité de l'homologation de la convention des époux et du prononcé du divorce n'est pas affirmée en tant que telle par le législateur. Elle découle de l'interprétation doctrinale de plusieurs textes du Code civil. Ainsi, l'article 232, alinéa 1er, (N° Lexbase : L2790DZD) de ce code dispose que "le juge homologue la convention et prononce le divorce s'il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé". Par ailleurs, aux termes de l'article 279, alinéa 1er, (N° Lexbase : L2847DZH) "la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice".
L'indivisibilité dans le Code de procédure civile. L'indivisibilité ressortit aussi de certaines dispositions du Code de procédure civile. Le dernier alinéa de l'article 1099 (N° Lexbase : L1585H4H) précise que le juge "rend sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce". L'article suivant reprend sensiblement la même formule en indiquant que le juge peut refuser d'homologuer la convention et de prononcer le divorce lorsque les intérêts des enfants ou de l'un des époux sont insuffisamment préservés. Enfin, l'article 1103 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1599H4Y) déclare que "le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours à compter du prononcé de la décision qui homologue la convention des époux et prononce le divorce".
La combinaison de ces textes conduit à reconnaître le caractère indissociable du lien entre l'homologation de la convention définitive et du prononcé du divorce (1).
b) La reconnaissance explicite de l'indivisibilité de l'homologation de la convention et du prononcé du divorce par la jurisprudence
Une naissance balbutiante. Le principe de l'indivisibilité remonte à un arrêt du 28 mars 1979 (2). En l'espèce, la deuxième chambre civile a procédé à la cassation du prononcé du divorce et de la convention définitive homologuée. Certains auteurs en ont déduit que la Cour de cassation avait voulu consacrer l'indivisibilité, ne serait-ce qu'implicitement (3). Mais une telle interprétation était loin de faire l'unanimité (4). D'ailleurs, elle n'était pas appliquée par certaines juridictions du fond (5). Il a donc fallu attendre un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 6 mai 1987 (6) pour que le principe soit clairement posé. La formule retenue par la Haute juridiction, partiellement reproduite dans l'arrêt de 2008, est désormais célèbre : "le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi". En d'autres termes, l'intangibilité conférée à la convention homologuée par le principe d'indivisibilité protège cette dernière contre toute remise en cause ultérieure, en dehors des voies de recours admises par la loi.
Une application aléatoire. Il arrive, parfois, que la Cour de cassation se fonde sur la force exécutoire de la convention homologuée, et non sur le principe d'indivisibilité, pour déclarer certaines actions irrecevables. Elle écarte, alors, toute référence au caractère indissociable entre l'homologation de la convention et le prononcé du divorce. Un exemple nous est fourni par l'arrêt du 25 novembre 1999, rendu par la deuxième chambre civile à propos de l'action paulienne exercée par un des créanciers des époux (7). En l'espèce, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l'article 279 du Code civil, qu'"après son homologation par le jugement prononçant le divorce sur requête conjointe, la convention définitive revêt[ait] la même force exécutoire qu'une décision de justice" et qu'elle ne pouvait "être attaquée que par les voies de recours ouvertes par la loi". Autrement dit, la convention homologuée est assimilée à une véritable décision de justice : son exécution forcée obéit aux règles d'un jugement (8). A ce titre, elle bénéficie de l'autorité de la chose jugée (9) et ne peut être considérée comme un simple acte contractuel.
Mais quel que soit le fondement retenu par la Cour de cassation, le résultat reste le même : la convention homologuée est quasiment inattaquable par les époux divorcés.
B - La généralisation de l'intangibilité de la convention homologuée
La solution retenue par la première chambre civile est particulièrement rigoureuse. Elle renforce l'intangibilité de la convention homologuée et en fait un principe quasi-absolu. Celle-ci devient alors un "roc inébranlable" (10), à l'abri de la plupart des recours traditionnels (a) et du recours en révision (b).
a) Les voies de recours traditionnellement écartées
L'exclusion des causes de nullité de droit commun. Le caractère contractuel de la convention conduit normalement à appliquer les règles de droit commun. Mais une telle solution ne peut être retenue car le contrôle du juge homologateur est censé purger l'acte de tous ses vices (11). Dès lors, au regard du caractère indissociable entre l'homologation de la convention et le prononcé du divorce, les époux divorcés ne peuvent se prévaloir des causes de nullité de droit commun (12). Sont ainsi exclues l'action en rescision pour cause de lésion du partage contenu dans la convention homologuée (13) et l'action en nullité pour vice du consentement (14). De la même façon, l'action de in rem verso est irrecevable (15) puisque la convention homologuée n'est plus un contrat comme les autres. Néanmoins, l'articulation avec les règles relatives aux procédures collectives peut être source de difficultés. En effet, l'état liquidatif faisant partie de la convention homologuée peut être frappé par les nullités de la période suspecte (16). Le but est d'éviter que le divorce ne permette à l'époux débiteur de soustraire en fraude des droits de ses créanciers certains actifs : "sécurité du crédit vaut mieux que droit du divorce" (17) !
L'exclusion de certaines voies de recours juridictionnelles. La référence à l'indivisibilité entre l'homologation et le prononcé du divorce a pour résultat de soumettre la convention des époux au régime des décisions de justice et non à celui des contrats de droit commun. Selon la formule consacrée, la convention homologuée ne peut plus être remise en cause "hors des cas limitativement prévus par la loi" (18). Mais quels sont ces cas ? Il s'agit tout simplement des recours susceptibles d'être introduits contre les décisions juridictionnelles statuant en matière de divorce (19). Tel est le cas du pourvoi en cassation (20). En revanche, l'appel est exclu expressément par le législateur par application de la maxime "pas d'intérêt pas d'action" (21). Quant à la tierce opposition, elle ne peut être exercée par les époux divorcés puisqu'ils ont eu la qualité de parties à l'instance de divorce. Cette voie de recours est seulement ouverte à leurs créanciers pendant le délai d'une année qui suit l'accomplissement des formalités de publicité prescrites par l'article 262 du Code civil (N° Lexbase : L2643ABI) (22).
b) Le recours en révision nouvellement écarté
Le silence du législateur. Les rédacteurs du Code de procédure civile n'ont pas précisé si le recours en révision était applicable dans le cadre d'un divorce sur requête conjointe. De là est née une controverse doctrinale.
Pour certains auteurs, le recours en révision doit être purement et simplement écarté pour cause d'indivisibilité (23).
Pour d'autres, il est nécessaire d'admettre l'ouverture de ce recours pour ne pas cautionner l'impunité de la fraude de l'un des époux (24). Le recours en révision doit démontrer soit la fraude de la partie devenue adverse, soit la rétention de pièces décisives ignorées du demandeur lors de l'établissement de la convention, soit encore l'utilisation de pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement d'homologation (25). En somme, la personne qui forme un tel recours doit prouver qu'elle a été victime, elle aussi, de l'erreur provoquée chez le juge et qu'elle n'en a pas eu conscience lors de la procédure de divorce (26).
Enfin, pour une partie importante de la doctrine, la révision doit être limitée au seul chef du jugement concerné, conformément aux dispositions de l'article 602 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6759H7H) (27). Seuls les points, sujets à fraude, seraient révisés de manière à ne pas remettre en cause le jugement de divorce en son entier. Ainsi selon Monsieur Colson, "puisque fraus omnia corrumpit, la mise à l'écart de l'indivisibilité en cas de fraude constitue une sanction appropriée en maintenant le principe du divorce tout en révisant ses conséquences pécuniaires" (28).
La position de la jurisprudence. Dans leur immense majorité, les juridictions du fond ont choisi la dernière solution, à savoir celle d'une révision partielle (29). Il est vrai que cette "solution bâtarde" (30) est intéressante. Elle ne va, cependant, pas de soi dans la mesure où l'on peut penser que le consentement a englobé les accords et le principe du divorce. Si la convention est entachée de fraude, cela n'a-t-il pas du même coup vicié le consentement sur le principe ? Quoi qu'il en soit, la Haute juridiction a mis -pour un temps ?- un terme au débat en optant pour l'irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens. Cependant, il est difficile de dire à quel courant doctrinal la première chambre civile s'est rattachée. En écartant toute révision partielle, les magistrats ont-ils voulu fermer définitivement cette voie de recours en matière de divorce sur requête conjointe ou ont-ils laissé la porte ouverte à une révision globale ? Il est trop tôt pour le dire mais, eu égard l'hostilité de la grande majorité des auteurs à l'encontre de la révision globale, la première hypothèse semble la plus appropriée.
Il n'en demeure pas moins que l'intangibilité de la convention d'homologation -fondée sur le principe d'indivisibilité- n'est pas exempte de toute critique.
II - La contestation de l'intangibilité de la convention homologuée
En écartant le recours en révision partielle, la Cour de cassation a-t-elle décidé de faire de la convention homologuée une "forteresse inexpugnable" (31) ? Rien n'est moins sûr car l'intangibilité de la convention est fortement dénoncée en doctrine. En tous cas, même s'il semble présenter quelques avantages (A), le recours en révision s'avère au final incompatible avec le divorce sur requête conjointe (B).
A - Un recours en révision apparemment souhaitable
L'exclusion de toute révision de la convention homologuée constitue un obstacle sérieux à l'uniformisation du régime juridique de cette voie de recours extraordinaire. Elle contraste singulièrement avec les solutions retenues en matière de divorce (a) et en matière gracieuse (b).
a) L'admission du recours en révision en matière de divorce
Un raisonnement par analogie séduisant. Le recours en révision a été admis dans le cadre des divorces contentieux. Il en va, ainsi, en matière de divorce pour faute. Dans un arrêt rendu le 4 mars 1992, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a procédé à la divisibilité des différents chefs qui composaient le jugement de divorce (32). Elle a accepté que la révision ne porte que sur la prestation compensatoire. Il est ainsi permis de s'interroger : pourquoi ce recours ne serait-il pas recevable en matière de requête conjointe ? Tel est en tous cas le souhait de Monsieur Piotraut : "Dès lors que le recours en révision est validé en matière de divorce pour faute, il ne saurait en être autrement s'agissant des autres cas de divorce" (33).
Un raisonnement par analogie inopérant. Aussi séduisant qu'il puisse être, ce raisonnement par analogie doit être écarté. Comme l'a justement fait remarquer Monsieur l'avocat général Legoux, "Le raisonnement par analogie ne peut valoir que pour des choses égales, or les cas de divorce reposent sur des conditions différentes qui entraînent des régimes différents. Leur appliquer le recours en révision dans les mêmes termes serait dénaturer leur spécificité" (34).
b) L'admission du recours en révision en matière gracieuse
Un raisonnement par induction séduisant. Le recours en révision a été progressivement ouvert en matière gracieuse. Ainsi, il a été admis à l'encontre du jugement homologuant un changement de régime matrimonial (35) et de celui prononçant une adoption simple (36). Dès lors, ne peut-on pas induire de ces applications éparses un principe général, à savoir celui de la recevabilité du recours en révision en matière gracieuse ? A cette question, certains auteurs répondent par l'affirmative (37).
Un raisonnement par induction inopérant. Il est vrai que l'article 593 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6750H77) ne pose aucune restriction quant aux jugements auxquels le recours en révision est censé s'appliquer. Il peut s'agir aussi bien de décisions contentieuses que de décisions gracieuses dans la mesure où la nature juridictionnelle de ces dernières est admise. Cette interprétation a, d'ailleurs, les faveurs de la jurisprudence comme en témoigne un arrêt rendu le 22 novembre 2001 par la cour d'appel de Versailles : "l'article 593 du Nouveau Code de procédure civile n'exclut pas, non plus qu'aucun autre texte, de son champ d'application les jugements rendus en matière gracieuse, de sorte qu'il ne peut qu'être déclaré applicable aux jugements qui relèvent de cette matière". Pour autant, le raisonnement par induction a ses limites. S'il ne fait guère de doutes que la matière gracieuse relève du champ d'application du recours en révision, il faut cependant réserver le cas du divorce sur requête conjointe. En effet, sa spécificité est telle qu'il semble difficile de lui appliquer le recours en révision sous le seul prétexte qu'il constitue une décision gracieuse. Pour s'en convaincre, il suffit de faire un parallèle avec le jugement d'adoption plénière qui, compte tenu de son irrévocabilité, ne peut être révisé (37).
B - Un recours en révision finalement indésirable
Après analyse, il s'avère que le recours en révision est difficilement concevable dans le cadre d'un divorce sur requête conjointe. D'une part, le recours en révision partielle semble inadapté en cas d'omission d'un bien dans la convention homologuée (a). D'autre part, la révision globale ne peut être retenue en raison de la menace qu'elle fait peser sur l'état de divorcés des époux (b).
a) L'inadaptation du recours en révision partielle
Révision et cassation partielles. A priori, le recours en révision partielle est avantageux. Il permet de sanctionner la fraude de l'un des époux tout en évitant de remettre en cause le principe du divorce. Toutefois, le principe d'indivisibilité, auquel la Cour de cassation a renouvelé son attachement, s'y oppose fortement. Cet obstacle n'est pourtant pas insurmontable si l'on se réfère aux solutions dégagées en matière de cassation. En effet, il arrive que le pourvoi en cassation soit limité aux seules conséquences pécuniaires du divorce qui est bien définitif. Par exemple, il a été jugé que l'arrêt d'appel n'ayant pas été atteint par la cassation dans ses dispositions relatives au prononcé du divorce était devenu irrévocable de ce chef. Dès lors, la pension alimentaire allouée pour la durée de l'instance cessait d'être due à cette date (39). Par ailleurs, dans une autre affaire, il a été décidé que le divorce, prononcé par un arrêt dont seules les dispositions financières étaient frappées d'un pourvoi principal, devenait irrévocable à la date de l'expiration du délai ouvert pour former un pourvoi incident (40).
L'omission d'un bien dans la convention homologué. Mais, même si l'on admet ce raisonnement par analogie, il apparaît que le recours en révision partielle est totalement inadapté au cas où l'un des époux omet volontairement d'inclure un élément de l'actif communautaire dans la convention afin de frauder les droits de son conjoint. En effet, cette voie de recours suppose que le conjoint victime ait connaissance du bien soustrait. Or, tel n'est pas forcément le cas. Et même si les époux ont eu recours à un notaire, celui-ci peut parfaitement ignorer que l'un d'entre eux ou que les deux possèdent tel ou tel bien. Dans ces conditions, une action en complément de partage semble plus judicieuse (41).
b) La dangerosité du recours en révision globale
Une révision globale contraire à la volonté du législateur. En créant le divorce par requête conjointe, le législateur a eu la volonté de régler rapidement et définitivement les effets de la rupture. Certes, la réalité est tout autre puisque le contentieux postérieur à la requête conjointe est le plus important, tous cas de divorces confondus, pour la période qui suit son prononcé (42). Mais, il ne saurait être question d'occulter l'esprit des réformes de 1975 et 2004. Dans un tel contexte, une révision globale n'est pas la meilleure solution. En effet, le délai pour former le recours est de deux mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque (43). Or, un temps relativement long est susceptible de s'écouler entre le prononcé du divorce et la mise en oeuvre du recours en révision, générant ainsi une insécurité juridique inadaptée au régime du divorce sur requête conjointe.
Le spectre de la rétroactivité. En cas de révision globale, le résultat serait l'anéantissement de la convention homologuée mais aussi du prononcé du divorce. On verrait alors resurgir le spectre de la rétroactivité dont les conséquences, notamment en cas de remariage, seraient désastreuses (44). En effet, la révision globale modifierait l'état des divorcés : ceux-ci retourneraient à leur état antérieur de personnes mariées. Ce "chaos juridique" (45) ne peut être que dénoncé, d'autant que l'état des personnes, fixé par le prononcé du divorce, ne saurait dépendre de la volonté des époux divorcés (46).
(1) V. cependant, J. Rubellin-Devichi, L'état du droit positif in Les régimes matrimoniaux à l'épreuve du temps et des séparations conjugales, p. 86. Pour l'auteur, le fait que le juge statue à la fois sur ces deux points ne signifie pas nécessairement qu'il y ait indivisibilité.
(2) V. Cass. civ. 2, 28 mars 1979, n° 77-15598, R. c/ Dame R. (N° Lexbase : A2998CKA), D., 1980, p. 297, note J. Massip.
(3) V. N. Balbo-Izarn, Conventions entre époux et divorce : contribution à la définition d'un ordre public conjugal de séparation, thèse dactylographiée, Université de Toulon et du Var, 2000, p. 267, n° 244.
(4) V. J. Rubellin-Devichi, Du caractère définitif de la convention dans le divorce sur requête conjointe, RTDCiv., 1987, p. 287.
(5) V. D. Villani, Quels sont les recours contre l'homologation d'une convention définitive de divorce par consentement mutuel ?, D., 1995, chron. 253, spéc. n° 8 et s..
(6) V. Cass. civ. 2, 6 mai 1987, n° 86-10.107, Mme X c/ M. X (N° Lexbase : A7654AAQ), D., 1987, p. 358, note J.-C. Groslière.
(7) V. Cass. civ. 2, 25 novembre 1999, n° 97-16.488, Société Eurodispatch c/ Mme X et autre (N° Lexbase : A5222AWC), RTDCiv., 2000, p. 89, n° 11, obs. J. Hauser.
(8) V. C. proc. civ., art. 500 (N° Lexbase : L6617H79) et suivants ; H. Lécuyer, Action paulienne contre convention définitive ne vaut, Dr. famille, 2000, comm. n° 22, p. 14.
(9) V. Cass. civ. 2, 28 janvier 1998, n° 96-13.940, M. X c/ Mme X (N° Lexbase : A5109AC9), Dr. famille, 1998, comm. n° 135, note H. Lécuyer.
(10) V. J. Massip, Defrénois, 1980, art. 32324, p. 809.
(11) V. R. Lindon, P. Bertin, La convention définitive dans le divorce sur requête conjointe. Nouvelle étude du problème, JCP éd. G, 1981, I, 3021.
(12) V. Ch. Duard-Berton, L'ordre public dans le droit de la famille, Thèse dactylographiée, Université Paris II, 2004, p. 463, n° 768.
(13) V. Cass. civ. 2, 6 mai 1987, arrêt précité ; Cass. civ. 1, 18 octobre 1994, n° 92-21.823, Mme X c/ M. Y (N° Lexbase : A7451ABL), RTDCiv., 1995, p. 337, n° 21, note J. Hauser.
(14) V. Cass. civ. 2, 13 novembre 1991, n° 90-17.840, M. X c/ Mme Y (N° Lexbase : A5472AH7), Defrénois, 1992, art. 35295, p. 721, n° 43, obs. J. Massip.
(15) V. Cass. civ. 1, 10 février 1998, n° 96-11.845, Mme X c/ M. Y (N° Lexbase : A6801CQX), Dr. famille, 1998, comm. n° 53, obs. H. Lécuyer.
(16) V. Cass. civ 1, 25 janvier 2000, n° 97-21.119, Mme X c/ Mme Barthes-Everaere, ès qualités de mandataire-liquidateur de M. Y et autre (N° Lexbase : A8147AGT), D., 2000, somm. 333, note J. Revel ; L. Peru-Pirotte, Convention définitive de liquidation homologuée. Quels recours pour les créanciers ?, JCP éd. N, 2001, p. 203.
(17) V. G. Cornu, La famille, Montchrestien, 2003, p. 529, n° 337.
(18) Pour la variante "voies de recours prévues à l'encontre des décisions de justice", v. Cass. civ. 2, 2 avril 1997, n° 93-16.995, Mme X c/ M. Y (N° Lexbase : A9376ABU), RTDCiv., 1997, p. 638, obs. J. Hauser.
(19) V. TGI Paris, 18 mai 1981, D., 1982, Jur., p. 487, obs. J. Massip.
(20) V. C. proc. civ., art. 1103 (N° Lexbase : L1599H4Y).
(21) V. C. proc. civ., art. 1102 (N° Lexbase : L1596H4U).
(22) V. C. proc. civ., art. 1104 (N° Lexbase : L1602H44). Toutefois, la tierce opposition n'est pas recevable sur le prononcé du divorce, ni sur ses conséquences légales, v. Cass. civ. 2, 7 mars 2002, n° 97-21.852, Mme Emilie Scemana, épouse Zuili c/ Mme Evelyne Sellouk, FP-P+B sur le second moyen (N° Lexbase : A1909AYD), RTDCiv., 2002, p. 275, obs. J. Hauser.
(23) Par exemple, v. Ch. Duard-Berton, thèse précitée, p. 465, n° 772.
(24) V. notamment, R. Lindon et P. Bertin, Le recours en révision contre l'homologation de la convention définitive dans le divorce sur requête conjointe, JCP éd. G, 1982, I, 3082.
(25) V. C. proc. civ., art. 595 (N° Lexbase : L6752H79).
(26) En ce sens, v. Y. Bianco-Brun, La notion de consentement dans le divorce, thèse dactylographiée, Bordeaux I, 1988, p. 473.
(27) Par exemple, v. D. Villani, note précitée.
(28) V. R. Colson, Recours en révision, Rép. proc. civ., septembre 2005, p. 5, n° 20.
(29) V. TGI Pontoise, 30 septembre 1981, Gaz. Pal., 1982, somm. 105 ; CA Aix-en-Provence, 19 mai 1987, Gaz. Pal., 1987, 2, p. 652, note P. Latil ; CA Versailles, 11 janvier 1988, D., 1988, IR 42.
(30) V. A. Tisserand, L'indésirable indivisibilité dans le divorce sur requête conjointe in Mélanges à la mémoire de D. Huet-Weiller, Paris, LGDJ/PUS, 1994, p. 508.
(31) V. J. Rubellin-Devichi, Du caractère définitif de la convention dans le divorce sur requête conjointe, RTDCiv., 1987, p. 292.
(32) V. Cass. civ. 2, 4 mars 1992, n° 90-20.339, Mme Marie-Ange née X, divorcée Y, remariée Z c/ M. Pierre Y., inédit (N° Lexbase : A2694CMQ), JCP éd. G, 1993, II, 22092, note R. Martin.
(33) V J.-L. Poitraut, note sous Cass. civ 2, 4 mars 1992, n° 90-20.339, préc., D. 1993, p. 215.
(34) V. A. Legoux, note sous Cass. civ. 1, 5 novembre 2008, n° 07-14.439, Mme Nelly Gaignard, FS-P+B, Gaz. Pal., 4 décembre 2008, n° 339, p. 8. En ce sens, v. N. Balbo-Izarn, thèse précitée, p. 290, n° 259.
(35) V. Cass. civ. 1, 5 janvier 1999, n° 96-22.914, M. Fabien X c/ M. Jean-Pierre X et autres, publié au bulletin (N° Lexbase : A1362CGK), D., 1999, Jur., p. 242, note J. Thierry.
(36) V. CA Versailles, 22 novembre 2001, D., 2003, somm. 654, obs. G. Serra.
(37) Par exemple, v. D. Le Ninivin, La juridiction gracieuse dans le nouveau Code de procédure civile, Litec, 1983, n° 339 et s..
(38) V. CA Pau, 26 juin 1995, RTDCiv., 1996, p. 594, obs. J. Hauser.
(39) V. Cass. civ. 2, 10 juillet 1991, n° 89-12.901, Mme X c/ M. Y (N° Lexbase : A4407AHP), Bull. civ. II, n° 214
(40) V. Cass. civ. 2, 15 novembre 2001, n° 00-11.891, Mme X c/ M. Y, inédit au bulletin (N° Lexbase : A8827CT4), Dr. famille, 2002, comm. n° 20, note H. Lécuyer.
(41) V. Cass. civ. 1, 3 juillet 1996, n° 94-18.594, M. Alain G. c/ Mme Christiane M., inédit (N° Lexbase : A9276CL7), D., 1997, p. 164, note A. Bénabent. V. aussi S. Cabrillac, L'omission dans les conventions définitives homologuées, Dr. famille, 2000, chron. n° 11.
(42) V. N. Balbo-Izarn, thèse précitée, p. 166, n° 152.
(43) V. C. proc. civ., art. 596 (N° Lexbase : L6753H7A).
(44) V. J. Hauser et D. Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille : dissolution de la famille, LGDJ, 1991, n° 170.
(45) J. Carbonnier, Droit civil. La famille : l'enfant, le couple, PUF, 20ème éd., 1999, p. 543.
(46) A. Bénabent, La famille, Litec, 11ème éd., 2003, p. 217, n° 314.
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par Anne Lebescond - Journaliste juridique et relations publiques
Le 07 Octobre 2010
Lexbase : Quel premier bilan pouvez-vous dresser de l'impact général de la crise financière sur le marché des acquisitions et cessions d'entreprises ?
Jean-Patrice Labautière : La crise financière a, évidemment, impacté le marché des cessions et acquisitions d'entreprises, notamment celui des LBO, imposant un changement certain des standards pratiqués ces dernières années. Si les opérations de leverage ont explosé par leur nombre et leur rentabilité jusqu'en 2007, la crise des subprimes et ses conséquences sur l'économie mondiale rendent la recherche de liquidités ardue, tant auprès des banques, de plus en plus réticentes à consentir de la dette, que des fonds, qui, pour certains, sortent progressivement du marché. Pour rassurer les banquiers, le capital social est, désormais, intégralement libéré et les rachats d'entreprises sont financés en plus grande partie par des fonds propres et des quasi-fonds propres, afin de diminuer le ratio debt/equity. Ceci explique que les montages superposés aux LBO primaires (2) et les "jumbos LBO" -qui impliquent une dette plus importante- soient touchés de plein fouet, à la différence des opérations mid cap et small cap (3). Ces segments restent attractifs, d'autant que les opportunités sont nombreuses pour les acteurs qui disposent de ressources financières propres. Sur ce point, face à la frilosité des banquiers et des fonds, les industriels forts d'une structure financière solide, en retrait depuis ces dernières années, reviennent massivement dans le capital des entreprises. Ils apportent, avec eux, leur projet, planifié sur du long terme.
De façon plus générale, les deals récemment conclus ou en cours de conclusion présentent le "même visage" rassurant pour les différents intervenants des acquisitions d'entreprises, inquiets du contexte actuel. Il s'agit, d'ailleurs, moins d'un nouveau schéma que du retour de celui d'origine, avant que l'aspiration des uns et des autres à créer une valeur "record" en un minimum de temps ne réduise les négociations à leur plus simple expression, n'enterre, notamment, les due diligences et les garanties de passif, et requiert l'utilisation de produits financiers structurés de plus en plus complexes. L'heure est, désormais, à la sécurité, même si le rendement pour les acteurs financiers est forcément plus faible. Les banques sécurisent, à présent, autant que faire se peut, leurs investissements, refusant de prêter sans l'accomplissement d'un audit approfondi des cibles, même dans le cadre d'un LBO secondaire, alors qu'en principe, elles connaissent bien les sociétés en cause. En conséquence de leur vigilance, le rythme de conclusion des transactions s'amenuise. Les garanties de passif accompagnent à nouveau la cession de l'entreprise -ce qui n'est pas anormal, comme tout le monde en convient-. La notion de "retour sur investissement" prédomine plus que jamais, tant sur le "coté" que sur le "non coté", alors même que l'equity (4), dont la part augmente, est très onéreux.
Lexbase : Par le jeu de quelles clauses contractuelles les acteurs des acquisitions d'entreprises tentent-ils d'optimiser la protection de leurs investissements ?
Jean-Patrice Labautière : Tout d'abord, il arrivera beaucoup plus rarement que le prix soit payé en cash en intégralité au jour du closing. Sa structure sera plus complexe et s'étalera dans le temps, par le jeu de clauses telles que celles d'earn out, de ratchet ou de complément de prix, dont la négociation et la rédaction se révèlent très complexes.
L'earn out est une clause d'ajustement du prix de cession d'une société en fonction des résultats futurs de celle-ci, selon qu'ils atteignent ou non les objectifs préalablement fixés par le cédant et le cessionnaire. Dans un tel schéma, le prix est payable en partie le jour de la cession, le complément intervenant ultérieurement -en une seule ou plusieurs fois, si la valorisation espérée est atteinte. Une telle clause permet donc d'intéresser le cédant aux performances futures de la société cédée. Elle constitue, notamment, une garantie pour le cessionnaire de ne pas acquérir une société surévaluée, ceci d'autant plus, qu'elle ne fait quasiment plus l'objet de débats juridiques sur le risque de requalification en condition potestative ou en clause léonine et que l'on sait, désormais, traiter celui de l'indétermination du prix.
[NDLR : La question de la requalification de l'earn out en condition potestative (sanctionnée par la nullité de la clause) a, en effet, été posée, puisque la réalisation des objectifs dépend du cessionnaire, aux commandes (en tant qu'actionnaire et, parfois également, en tant que manager) de la société cédée. Elle a, toutefois, été tranchée par la négative dans un premier arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 juin 1982 (5), rendu dans un contexte un peu différent mais transposable à ce cas de figure, puis, de façon plus explicite, dans un arrêt de cette même chambre du 10 mars 1998 (6). Les juges ont retenu qu'une telle condition n'est pas "purement potestative" (seule une telle condition étant sanctionnée), en ce qu'elle ne dépend pas entièrement de l'acquéreur, mais, également, de contraintes extérieures échappant à son contrôle. Le débat sur le caractère léonin n'est, en revanche, pas totalement clos entre la première chambre civile (7) et la Chambre commerciale de la Cour de cassation (8), la première n'étant pas favorable, sur ce terrain, aux clauses d'earn out. La question se pose dans le cadre du fractionnement dans le temps de la cession des actions, entraînant un fractionnement du prix, lorsqu'un prix plancher est fixé au bénéfice du cédant, encore actionnaire de la société. En effet, un actionnaire ne pouvant s'exonérer des pertes, certains se demandent dans quelle mesure cette obligation est respectée, lorsque le cédant, quels que soient les résultats de la société, a l'assurance de toucher un montant minimum, lorsqu'il cédera les actions restantes.]
En outre, certains mécanismes qui étaient devenus désuets se retrouvent à nouveau dans les transactions. Il en va ainsi des clauses dites de "Market MAC" ("material adverse change clauses"), dont l'objet est de régir les risques susceptibles de survenir entre le signing (signature du deal) et le closing (réalisation de l'opération). Par cette clause, l'acquéreur se réserve le droit de baisser le prix ou de sortir du deal en cas de survenance d'un événement négatif majeur impactant les marchés financiers et/ou provoquant une crise de liquidités. Les acquéreurs ont, en outre, beaucoup plus souvent recours aux clauses dites de "business MAC", qui n'ont, elles, jamais disparues. Ces clauses imposent le maintien d'une gestion normale par les dirigeants pendant la période intercalaire. Enfin, alors qu'auparavant, le défaut d'accomplissement des CP's (conditions suspensives préalables auxquelles la réalisation de l'opération est subordonnée) n'était que très rarement susceptible de "casser" un deal, il est fort à parier qu'il remette aujourd'hui en cause, de façon beaucoup systématique, les transactions.
Lexbase : Certains scandales financiers survenus parallèlement à la crise des marchés ont mené à une grande réflexion sur la dépénalisation du droit des affaires (9), dont la pertinence est mise à mal aujourd'hui. Pensez-vous que la protection des investisseurs réside en partie dans l'existence de sanctions pénales ?
Jean-Partrice Labautière : Il me semble que la situation actuelle est sans rapport avec la question de la dépénalisation ou non du droit des affaires, dans le sens où l'élaboration de produits financiers difficilement accessibles ne fait pas du trader un délinquant. Ce faisant, celui-ci ne fait qu'exercer son métier, la spéculation, qui se traduit par une prise de risques moyennant rémunération. Il s'agit, donc, à mes yeux, beaucoup plus d'une problématique de macro-économie et d'organisation du système bancaire et monétaire, dont la réglementation nécessite très certainement d'être renforcée.
(1) Cf. Nouvelle donne ou retour aux fondamentaux pour le "private equity", J. Boschat, vice président d'A. T. Kearney, et J. Souied, directeur chez A. T. Kearney, La Tribune, 6 novembre 2008.
(2) Le LBO secondaire est réalisé à la suite d'une première opération de LBO, dite primaire, au cours de laquelle un investisseur financier a acquis sa participation. Il la cède, dans le cadre du LBO secondaire, à un autre financier qui met, alors, en place, son propre montage LBO. Il existe, également, les LBO tertiaires ou quartenaires.
(3) Le mid cap et le small cap visent les sociétés dont la capitalisation boursière (c'est-à-dire la valeur de marché de ses capitaux propres, résultant de la multiplication du nombre d'actions composant le capital de la société par le cours de bourse) se situe entre 250 millions d'euros et 1 milliard d'euros pour le premier et est inférieure à 250 millions euros pour le deuxième.
(4) L'equity étant le capital social.
(5) Cass. com., 15 juin 1982, n° 79-13.367, Lemesre c/ Société Louis Lemesre Meubles Pilote, Pitoun, Brunschwig (N° Lexbase : A3516AGC).
(6) Cass. com., 10 mars 1998, n° 96-10.168, Epoux Lenzer et autres c/ M. Mayer et autres (N° Lexbase : A2599ACA) : "mais attendu que l'acte faisait référence, pour la fixation du prix des actions restant à acquérir, à la valeur réelle de l'entreprise et à l'évolution des résultats et que ces éléments sont indépendants de la seule volonté des parties".
(7) Cass. civ. 1, 16 décembre 1992, n° 90-12.914, SCP So Pro Ge Pa I, société civile professionnelle et autres c/ M. Jacques Levêque-Houist (N° Lexbase : A2091AGK).
(8) Cass. com., 19 octobre 1999, n° 97-12.705, M. de Fontagalland c/ Consorts Hale et autre (N° Lexbase : A8109AGG).
(9) Cf. le rapport remis au Garde des Sceaux le 20 février 2008, sur la dépénalisation du droit des affaires, dit rapport "Coulon".
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Réf. : CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-324/07, Coditel Brabant SA c/ Commune d'Uccle (N° Lexbase : A2174EB7)
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 07 Octobre 2010
La notion de l'exception "in house" est née de la jurisprudence "Teckal" du 18 novembre 1999 (CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia N° Lexbase : A0591AWS, Rec. p. I-8121, spéc. n° 50). Dans cet arrêt, la CJCE a estimé qu'il peut être dérogé aux Directives communautaires précitées pour les marchés passés entre une collectivité publique et une autre personne juridique, dans les hypothèses "où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent". Du fait d'une interprétation longtemps rigoriste de ces critères, les prestations confiées par une collectivité à une structure intercommunale étaient, jusqu'à présent, considérées par la jurisprudence européenne comme relevant de droit de la commande publique. Dans l'arrêt "Coditel", adoptant une conception souple de la condition du contrôle analogue, la Cour indique qu'une participation, même très faible de la commune, n'est pas incompatible avec ce contrôle qui peut être exercé de façon collective.
Cette décision marque donc un véritable tournant dans les modalités d'application du droit de la commande publique aux relations entre une commune et une structure intercommunale ne faisant appel à aucun capital privé. Plus largement, elle marque un nouveau pas dans l'infléchissement de la conception originellement restrictive des contrats "in house" jusqu'ici adoptée par la CJCE (I), dégageant une nouvelle condition de matérialisation de cette notion, toujours perçue comme facteur d'insécurité juridique pour les collectivités territoriales (II).
I - L'adoption progressive par la CJCE d'une conception moins restrictive de l'exception "in house"...
A - Une appréciation in concreto du critère du contrôle analogue
Dès 2005, la Cour a jugé que "la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut, en tout état de cause, que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services" (CJCE, 11 janvier 2005, aff. C-26/03, Stadt Halle, RPL Recyclingpark Lochau GmbH, Arbeitsgemeinschaft Thermische Restabfall-und Energieverwertungsanlage TREA Leuna N° Lexbase : A9511DEY). Cette position restrictive peut s'expliquer par l'antagonisme des préoccupations poursuivies par les détenteurs publics et privés. L'on peut estimer que les autorités publiques assurent une gestion, dans l'intérêt général, de prestations pouvant revêtir de façon subsidiaire un caractère économique, tandis que les entreprises privées fournissent des services marchands répondant à un intérêt purement économique. La présence d'une personne privée au capital serait donc rédhibitoire. Dans une autre affaire, la Cour de justice a même estimé que, dans la mesure où une société à capitaux entièrement publics avait acquis une vocation de marché, le contrôle que la commune pouvait exercer était précaire et que l'exception "in house" était donc exclue (CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen GmbH c/ Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG N° Lexbase : A7748DK8).
Toutefois, dès l'arrêt "Carbotermo" en 2006, la Cour de justice semble avoir adopté une position moins stricte (CJCE, 11 mai 2006, aff. C-340/04, Carbotermo, Consorzio Alisei c/ Commune du Busto Arsizio, AGESP SpA N° Lexbase : A3283DPB). Dans cette décision, elle admet qu'une société anonyme dont le capital est détenu à 99,8 % par une commune puisse bénéficier de l'exception "in house". Cette ouverture de la Cour de justice en faveur des actionnaires privés, abandonnant les rigueurs de la jurisprudence "Stadt Halle", semble donc être plus conforme que la jurisprudence antérieure à l'article 295 CE selon lequel, "le présent Traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres" (1). En effet, pour caractériser le niveau d'intégration de l'entité à la personne publique, la Cour s'attache, dès cette décision "Carbotermo", au niveau d'intensité suffisant de l'influence publique. On peut donc considérer que c'est une approche fonctionnelle de l'organisation administrative des pouvoirs adjudicateurs qui est privilégiée en droit communautaire des marchés publics (2). Le Code des marchés publics ayant repris la définition de contrats "in house" dans son article 3 (N° Lexbase : L2663HPC), les juridictions françaises ont adopté la même position, la Cour de cassation énonçant, dans un arrêt rendu le 25 juin 2008, que le contrôle de l'autorité publique sur l'entité prestataire n'étant pas analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, le marché public litigieux ne pouvait être passé sans appel d'offres (Cass. crim., 25 juin 2008, n° 07-88.373, F-P+F N° Lexbase : A7967D9X).
B - Une plus large application de l'exception "in house" dès l'arrêt "Asemfo" en 2007
Dans l'arrêt "Asemfo" du 19 avril 2007 (CJCE, 19 avril 2007, aff. C-295/05, Asociación Nacional de Empresas Forestales c/ Transformación Agraria SA, Administración del Estado (N° Lexbase : A9407DUX), relatif à la coopération entre un organisme étatique espagnol "Tragsa" et les régions, l'existence d'un contrôle analogue à celui que le pouvoir adjudicateur exerce sur ses propres services a été reconnue, en prenant en considération le fait qu'il s'agissait d'un service technique commun à plusieurs autorités publiques ne disposant d'aucune liberté dans l'acceptation et la tarification des commandes émanant desdites autorités. Le juge communautaire avait déjà accepté le principe qu'un contrôle analogue puisse s'exercer lorsque plusieurs pouvoirs adjudicateurs détiennent une entreprise publique (3). Cependant, dans la présente affaire, le capital social de l'entreprise publique est détenu à 99 % par l'Etat, et chacune des régions également membres ne disposent que d'une participation symbolique, représentant au total 1 % de ce même capital. Les conditions de l'exception "in house" sont donc admises alors qu'il n'existe, manifestement, pas de contrôle stratégique des régions sur l'entité en cause, seules certaines d'entre elles disposant de parts dérisoires au sein du capital de Tragsa, organisme constitué à l'origine par l'Etat espagnol.
Or, dans sa jurisprudence antérieure, la CJCE exigeait, pour que le critère de contrôle analogue soit rempli, que le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur devait lui permettre "d'exercer une influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de cette société" (CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-485/03, Parking Brixen, et Carbotermo, déjà cités). En l'espèce, bien que la Cour considère la répartition du capital, elle juge que "Tragsa ne saurait être considérée comme un tiers par rapport aux communautés autonomes qui détiennent une partie de son capital" et ne mentionne aucune restriction basée sur l'absence d'effectivité du contrôle des régions. L'on pourra noter, en outre, concernant le second critère de l'exception "in house", à savoir la condition relative à la réalisation de l'essentiel de l'activité de l'entreprise publique avec la ou les collectivités publiques qui la détiennent, que le juge constate que si "Tragsa réalise plus de 55 % en moyenne de son activité avec les communautés autonomes et près de 35 % de celle-ci avec l'Etat", cet argumentaire n'est pas utilisé au détriment du premier critère de l'effectivité du contrôle exercé par des actionnaires symboliques en relation avec l'importance des activités qui leur sont rendues.
La Cour ayant reconnu qu'un pouvoir de contrôle individuel partiel, voire très minoritaire, de la collectivité adjudicatrice ne s'oppose pas à ce que l'entité publique cocontractante soit considérée comme réalisant une "mission de services quasi interne", elle va franchir un pas supplémentaire avec l'arrêt "Coditel", en reconnaissant la présomption d'existence de la condition portant sur le contrôle analogue.
II - ...qui trouve son aboutissement dans la jurisprudence "Coditel"
A - La condition de contrôle analogue peut être satisfaite par un contrôle conjoint
Les deux premières questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat belge sont traitées conjointement par la Cour de justice et concernent le contrôle qui est exercé par la commune adjudicatrice sur une intercommunale pure. Comme on l'a vu précédemment, l'entité concessionnaire est une société coopérative intercommunale, Brutélé, dont les affiliés sont des communes et qui n'est pas ouverte à des affiliés privés. Par ailleurs, il ressort du dossier que son conseil d'administration est composé de représentants des communes affiliées, nommés par l'assemblée générale, qui est, elle-même, composée de représentants de ces communes. En outre, la circonstance que les organes de décision de Brutélé soient composés de délégués des autorités publiques qui lui sont affiliées indique que ces dernières maîtrisent ces organes et sont, ainsi, en mesure d'exercer une influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de celle-ci. Au vu de tous ces éléments, la CJCE en conclut que "Brutélé ne jouit pas d'une marge d'autonomie excluant que les communes qui lui sont affiliées exercent sur elle un contrôle analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services".
Toutefois, l'apport le plus intéressant de l'arrêt concerne la question de savoir si le contrôle que les autorités affiliées à une société intercommunale exercent sur celle-ci doit, pour être qualifié d'analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services, être exercé individuellement par chacune de ces autorités publiques, ou peut être exercé conjointement par celles-ci. La Cour franchit l'étape qui constitue la suite logique du raisonnement posé dans son arrêt "Asemfo" précité, lequel avait déjà entrouvert la porte à un tel contrôle conjoint. En l'espèce, la Cour estime que le contrôle n'a pas à être exercé individuellement par chacune des collectivités. En effet, dans le cas où plusieurs autorités publiques choisissent d'effectuer leurs missions de service public en ayant recours à une entité concessionnaire commune, il est normalement exclu que l'une de ces autorités, à moins qu'elle ne détienne une participation majoritaire dans cette entité, exerce seule un contrôle déterminant sur les décisions de cette dernière. Exiger que le contrôle exercé par une autorité publique en pareil cas soit individuel aurait pour effet d'imposer une mise en concurrence dans la plupart des cas où une autorité publique entendrait s'affilier à un groupement composé d'autres autorités publiques, tel qu'une société coopérative intercommunale. C'est pourquoi elle en conclut que "dans le cas où plusieurs autorités publiques détiennent une entité concessionnaire à laquelle elles confient l'accomplissement d'une de leurs missions de service public, le contrôle que ces autorités publiques exercent sur cette entité peut être exercé conjointement par ces dernières".
B- Vers une définition communautaire des contrats "in house" ?
Cette "collectivisation" de la condition du contrôle analogue devrait permettre que les communes puissent désormais, en toute sécurité juridique, faire le choix de la synergie intercommunale. En effet, celle-ci constitue un moyen souvent utilisé par de nombreux Etats membres pour accomplir de manière efficace et bon marché des missions de service public. Exiger une autonomie de décision complète de la commune concernée, en ce sens que ladite commune exerce la maîtrise sur la coopération intercommunale concernée rendrait à l'avenir impossible toute coopération de ce type. Toutefois, l'origine jurisprudentielle des contrats "in house" est à la base d'un fort sentiment d'insécurité chez les élus locaux, qui souhaiteraient que des règles précises les encadrent et les sécurisent. A ce titre, le Règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (N° Lexbase : L4836H3I), pourrait servir de cadre juridique à ces contrats. Il reconnaît, en effet, à toute autorité locale ou, à défaut, à toute autorité nationale le droit de fournir elle-même des services publics de transport de voyageurs sur son territoire ou de les confier, sans mise en concurrence, à un opérateur interne, ce dernier étant entendu comme "une entité juridiquement distincte sur laquelle l'autorité locale compétente ou, dans le cas d'un groupement d'autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services".
La jurisprudence "Coditel" ouvre donc des perspectives intéressantes afin de soustraire à la législation relative aux marchés publics les relations entre des autorités publiques et les structures de coopération qu'elles établissent. Toutefois, il faut, également, rappeler que les Directives "marchés publics" ont pour but principal de protéger la concurrence, pilier de la construction européenne, et que les modalités de l'action des commanditaires publics y sont soumises. L'enjeu principal du périmètre des contrats "in house" pour les années à venir sera donc de trouver un juste équilibre entre les Directives de passation et une certaine autonomie des collectivités territoriales.
(1) Olivier Dubos, La Cour de justice et l'exception in house : du rigorisme au pragmatisme, Lexbase Hebdo n° 8 du 14 Juin 2006 - édition publique (N° Lexbase : N9597AKN).
(2) Séverine Chavarochette-Boufferet, Vers un second souffle de l'hypothèse particulière du in house, AJDA n° 39/2008, 24 novembre 2008.
(3) CJCE, 11 mai 2006, aff. C-340/04, Carbotermo, précitée et CJCE 21 juillet 2005, aff. C-231/03, Consorzio Aziende Metano (Coname) c/ Comune di Cingia de' Botti (N° Lexbase : A1664DKT).
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Réf. : Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, en faveur des revenus du travail (N° Lexbase : L9777IBQ)
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par Catherine Millet-Ursin, Avocat associée SCP Fromont, Briens & associés
Le 07 Octobre 2010
Si les mesures prises concernant le pouvoir d'achat devraient aboutir à une évolution du SMIC plus en relation avec le contexte économique du pays (et moins avec le contexte politique, sous réserve, cependant, du décret à paraître) et à une amélioration des salaires minima, elles ne devraient, cependant, pas avoir d'incidence sur les salaires réels.
En effet, seules les branches professionnelles dans lesquelles les grilles de salaires prévoient, pour les coefficients correspondant aux postes sans qualification, des salaires en-dessous du SMIC, devront revoir leur montant pour les augmenter et les porter, au moins, au niveau du SMIC à la date de la négociation.
Faute de pratiquer ainsi, les branches professionnelles concernées pénaliseront les entreprises de la branche dépourvues d'interlocuteurs syndicaux, qui ne pourront, désormais, appliquer les allégements bas salaires que sur les salaires minima de référence et non sur le SMIC, qu'elles auront, pourtant, dû verser à leurs salariés.
Ainsi, une entreprise qui n'aurait pas de délégué syndical, ni de section syndicale et de représentant syndical, ne pourra, faute d'une négociation au sein de la branche, procéder au calcul de ces allégements sur les salaires réels (et, notamment, le SMIC) qu'elle verse à ses salariés.
Les textes tels qu'ils sont rédigés ne sont, cependant, pas très clairs sur la portée à donner à la disposition prévoyant que "le salaire de référence est réputé égal au SMIC en vigueur lorsque le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification a été porté à un niveau égal ou supérieur au SMIC au cours des deux années civiles précédant celle du mois civil au titre duquel le montant de la réduction est calculé" (CSS, art. L. 241-13 N° Lexbase : L0921IC4).
Un décret devrait préciser la manière d'interpréter cette disposition et de vérifier, ainsi, son respect par l'entreprise. Une circulaire viendra certainement compléter le décret afin d'expliquer aux entreprises comment il convient d'appliquer les textes.
Nous ne pourrons, ici, que regretter la propension à expliquer les dispositions législatives et réglementaires par des circulaires dont la longueur et la complexité rendent, quelquefois, plus difficile la compréhension qu'elles sont, pourtant, censées faciliter.
Ces dispositions créent une distorsion entre les entreprises pourvues d'interlocuteurs syndicaux et celles qui ne le sont pas : en effet, les branches professionnelles ont une quasi obligation de résultat puisqu'il ne suffira pas de négocier, mais de conclure, alors que les entreprises n'ont qu'une obligation de négocier. Il est vrai, cependant, que, dans le premier cas, les négociations portent sur les salaires minima et, dans le second, sur les salaires réels.
Cela devrait donc obliger les branches à négocier et conclure rapidement des accords de salaires, elles veilleront, si elles le peuvent, à ne pas augmenter l'ensemble des salaires minima et donc à ne pas répercuter les augmentations "bas salaires" sur l'ensemble de la grille. De tels réaménagements nécessiteront, peut-être, une révision plus profonde des modes de fixation des salaires retenus.
Dès lors que les salaires réels sont supérieurs au SMIC, il est à craindre que la politique de rémunération n'évolue guère, surtout en ces temps difficiles, d'où l'idée d'augmenter le pouvoir d'achat en incitant massivement les entreprises à contribuer à l'épargne salariale.
II - De nouvelles incitations pour le développement de l'épargne salariale...
Pour ce faire, la loi, comme souvent, décide de renforcer les dispositifs accompagnant fiscalement et socialement la mise en place de l'intéressement dans les entreprises.
L'intéressement est, par nature, facultatif, l'entreprise pouvant, ou non, le proposer à ses salariés. Peu d'entreprises, notamment, les PME, en font bénéficier les salariés.
La loi entend favoriser sa mise en place par la création d'un crédit d'impôt dont la pérennité est garantie jusqu'au 31 décembre 2014 et par la possibilité de verser une prime exceptionnelle de 1 500 euros par salarié si le dispositif est mis en place ou amélioré avant le 30 juin 2009. Cela suffira-t-il ? Rien n'est moins certain, la multiplication des textes et leur évolution constante rendant, de fait, très difficile l'appropriation de ces dispositifs par les entreprises.
Or, n'est mis en place que ce qui est compris et facilement explicable. Les incitations financières n'ont aucune incidence sur cet aspect pédagogique, elles n'ont, éventuellement, pour seul effet (dont on ne peut, cependant, nier l'importance) que de pousser l'employeur (ou ses conseils) à tenter de comprendre l'intérêt que cela pourrait présenter pour l'entreprise et ses salariés.
Une mesure moins remarquable (et, pourtant, qui peut être tout aussi efficace pour développer l'intéressement au sein des PME) est celle autorisant les branches à négocier sur l'intéressement et à prévoir une adhésion des entreprises sur la base du dispositif ainsi négocié. Si les textes antérieurs n'interdisaient pas une telle négociation, elle est, désormais, expressément prévue et devrait inciter les branches professionnelles à s'en saisir, peut-être en parallèle à leurs négociations sur les salaires.
Enfin, avoir étendu la possibilité pour le chef d'entreprise de pouvoir bénéficier de l'intéressement dans les entreprises dont l'effectif est compris entre un et deux cent cinquante salariés (au lieu de cent) pourrait avoir un certain effet.
La loi entend, également, renforcer l'accès à l'épargne retraite. Le Perco doit être négocié dans les entreprises ayant mis en place un PEE depuis trois ans (depuis le 1er janvier 2007, c'était cinq ans) et une adhésion automatique des salariés au Perco peut être prévue. Une première alimentation du Perco par l'entreprise, sans même l'adhésion du salarié et un versement de sa part, est, désormais, possible, les sommes ainsi versées étant exonérées de charges sociales et d'impôt dans les mêmes conditions que l'abondement.
III - dont la portée sera peut être limitée...
En effet, les mesures destinées à développer l'intéressement ne peuvent porter plein effet que si la performance et les résultats sont au rendez vous. Quelles entreprises vont prendre le risque de négocier un accord d'intéressement ou de modifier, pour une plus large distribution, leur accord en cours, alors qu'elles n'ont que peu de visibilité sur leur activité et donc sur leurs résultats 2009 ?
Enfin, que penser de la création du forfait social par la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2009 dont la pérennité est assurée et dont le taux sera nécessairement évolutif au gré des besoins de financement qui ne devraient pas manquer d'évoluer ? Ce forfait est fixé, à compter du 1er janvier 2009, à 2 % des sommes versées au titre de l'épargne salariale et des contributions patronales aux régimes de retraite supplémentaire.
En termes d'affichage, annoncer que l'épargne salariale est exonérée de charges sociales, mais soumise au forfait social, et donne lieu à l'octroi d'un crédit d'impôt sous réserve de remplir certaines conditions et ce, jusqu'en 2014......sera difficile.
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