La lettre juridique n°324 du 30 octobre 2008

La lettre juridique - Édition n°324

Éditorial

Référé précontractuel : "pas d'intérêt, pas d'action", certes ; mais quel intérêt à agir, au juste ?

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N4949BHR

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"La hâte engendre en tout l'erreur, et de l'erreur sort bien souvent le désastre". Et l'enseignement d'Hérodote de nous revenir en mémoire face à la profusion des référés précontractuels visant à l'annulation ou à la suspension d'une procédure d'attribution d'un marché public pour non-respect des obligations afférentes à la publicité et à la mise en concurrence, commandée par l'article L. 551-1 du Code de justice administrative.

Car, disons le tout net, lorsque le Conseil d'Etat précise, le 8 avril 2005, "qu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché et, par suite, habilitée à agir devant le juge des référés précontractuels, peut invoquer devant ce juge tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du marché en cause, même si un tel manquement n'a pas été commis à son détriment", il ouvre, ainsi, la boîte de Pandore, libérant même la Crainte. Le Haut conseil s'expose, de facto, à une prolifération des contentieux précontractuels, dévoyés et utilisés, par les candidats malheureux, comme un moyen visant l'annulation de procédures de marché ou la relance de leur candidature à un stade quelconque de la procédure.

Et, si "c'est le propre de l'homme de se tromper ; seul l'insensé persiste dans son erreur" écrivait Cicéron, "insensés" furent les Sages du Palais-Royal en ajoutant, le 20 octobre 2006, que le juge des référés précontractuels pouvait annuler la procédure de passation d'une délégation de service public même s'il n'avait pas été saisi de conclusions en ce sens de la part du requérant qui avait seulement demandé la suspension de cette procédure. Le juge des référés précontractuels pouvait, ainsi, statuer ultra petita, c'est-à-dire au-delà de la demande présentée par le requérant, et ce quel que soit le préjudice qui lui aurait été causé !

Et "l'intérêt à agir", nous diriez-vous ? Justement, le référé précontractuel n'est ouvert qu'aux personnes ayant vocation à signer le contrat de marché public. Qu'à cela ne tienne, présente un intérêt à agir toute personne qui a intérêt à conclure le contrat et est susceptible d'être lésée par les manquements incriminés (CE, 16 décembre 1996, n° 15823). Aussi, la société qui a présenté une offre est, de ce fait même, habilitée à agir (CE, 13 décembre 1996, n° 169706).

Convenons que cette jurisprudence permissive allait à l'encontre des principes même exposés à l'article 1er du Code des marchés publics, pour lequel "les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures". Ces principes ne sauraient, ainsi, tolérer qu'une procédure administrative, le référé précontractuel, dont la finalité est justement de tenir compte du préjudice subi par les candidats à un marché afin de relancer la procédure sur le terrain de la transparence et de la libre concurrence, soit détournée de son objet. "La mort du jardinier n'est rien qui lèse un arbre. Mais si tu menaces l'arbre, alors meurt deux fois le jardinier" (Antoine de Saint-Exupéry).

La prophétie bucolique est écartée, et "Pandore" referme la boîte (littéralement une jarre), par un spectaculaire revirement en date du 3 octobre 2008, sur lequel revient, cette semaine, François Brenet, Maître de conférences à l'Université de Paris VIII. Aux termes de cet arrêt rendu par le Conseil d'Etat, une erreur d'indication dans la rubrique relative à l'Accord international sur les marchés publics n'est pas nécessairement synonyme d'annulation du marché, étant donné qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante, dont la candidature a été admise et qui a présenté une offre, soit susceptible d'avoir été lésée par les irrégularités ainsi invoquées, qui se rapportent à une phase de la procédure antérieure à la sélection de son offre. Désormais, l'office du juge des référés précontractuels doit rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée. C'est donc sur la base d'un critère plus sévère de l'intérêt à agir des entreprises en référé précontractuel que les juges doivent trouver les solutions à ce type de litige.

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Procédure civile

[Chronique] La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble II

Lecture: 12 min

N4991BHC

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Le 30 Septembre 2011

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II. Au sommaire de cette chronique, seront abordés l'action en justice des associations, le principe de loyauté de la preuve, l'effet du désistement d'instance sur la prescription de l'action en justice et l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil. I - Action en justice des associations
  • L'action en justice d'une association est inhérente à la défense de l'intérêt collectif qui entre dans son objet social (Cass. civ. 1, 18 septembre 2008, n° 06-22.038, Association française contre les myopathies (AFM), F-P+B N° Lexbase : A3949EAI)

L'arrêt rendu le 18 septembre 2008 par la première chambre civile de la Cour de cassation marque une nouvelle évolution vers l'extension du droit pour une association de défendre en justice un intérêt collectif.

En l'espèce, une association appelée "Saint Nicolas" avait pour mission de gérer un établissement qui accueillait des personnes atteintes de myopathie. L'ancien président et le liquidateur de cette association faisaient l'objet d'une action en responsabilité civile pour avoir été à l'origine de graves dysfonctionnements qui avaient porté préjudice à des malades. Toutefois, cette action n'était pas exercée par les malades eux-mêmes mais par l'association française contre les myopathies ; laquelle exerçait ainsi sa mission de défense de l'intérêt collectif des personnes atteintes de la myopathie.

L'action de l'association fut, néanmoins, déclarée irrecevable par la cour d'appel. Cette irrecevabilité pouvait paraître incongrue dans la mesure où il ne faisait aucun doute que la défense de l'intérêt des malades atteints de myopathie entrait dans l'objet statutaire de l'association (1). Mais la cour d'appel motivait sa décision d'irrecevabilité par le fait que les statuts ne prévoyaient pas spécifiquement que l'association pouvait agir en justice pour poursuivre son objet social. Si l'on suivait cette thèse, il fallait alors admettre que l'action en justice n'est pas une modalité naturelle de la défense d'un intérêt collectif.

Cette analyse n'était pas convaincante et la Cour de cassation ne s'est pas engagée dans cette voie. Bien au contraire, elle a cassé l'arrêt d'appel en affirmant que "même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social".

Cet arrêt peut être interprété de deux manières.

Selon une première interprétation, la Cour de cassation a simplement affirmé que la défense d'un intérêt collectif -déjà admise en jurisprudence- implique nécessairement la possibilité d'agir en justice, même si l'utilisation des voies judiciaires n'est pas mentionnée expressément dans les statuts de l'association. L'action en justice est consubstantielle à la défense d'un intérêt. On pourrait rapprocher cette interprétation de celle retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme à propos du droit au juge ; lequel est considéré comme un droit implicite, inhérent à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) (2). En d'autres termes, l'action en justice est considérée comme inhérente au droit lui-même. Comment nier cette évidence admise depuis si longtemps par la doctrine processualiste ?

Selon une autre interprétation, on peut s'arrêter sur la formule, à notre avis trompeuse, de la Cour de cassation lorsqu'elle affirme que l'action des associations est possible "même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires". Certains pourraient alors en déduire que l'action des associations n'est plus soumise à la condition de l'habilitation législative et des prévisions statutaires. Cette interprétation nous parait erronée pour deux raisons. D'une part, la Cour de cassation admet, aujourd'hui, clairement que l'action d'une association pour la défense d'un intérêt collectif est possible dans deux hypothèses alternatives : l'habilitation législative (3) ou l'objet social tel qu'il est défini par les statuts. Il n'y a donc aucun progrès sur ce point dans l'arrêt commenté. D'autre part, la formule utilisée par la Cour de cassation paraît explicite. Selon la Haute juridiction, l'action en justice d'une association est recevable en "l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires". On en déduit que, si les statuts définissent l'objet social de l'association et permettent de savoir quels sont les intérêts collectifs protégés, l'usage des voies judiciaires ne doit pas être expressément mentionné par ces statuts pour pouvoir être mise en oeuvre par l'association.

L'arrêt du 18 septembre 2008 fournit donc une précision utile mais qui semblait tout de même aller de soi : la défense de l'intérêt collectif passe naturellement par l'exercice de l'action en justice.

II - Preuve : le principe de loyauté étend son emprise sur la procédure

  • Le principe de loyauté des preuves s'applique devant le Conseil de la concurrence et fait obstacle à la production en justice d'une preuve résultant d'une écoute téléphonique produite par une partie privée (Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147, FS-P+B N° Lexbase : A9362D8A)

La procédure devant le Conseil de la concurrence présente une nature mixte au regard du droit judiciaire. D'un côté, les sanctions prononcées par cette autorité administrative indépendante semblent établir un lien avec la procédure pénale. D'un autre côté, les décisions du Conseil de la concurrence peuvent être attaquées devant la cour d'appel de Paris, puis de la Chambre commerciale de la Cour de cassation ; ce qui semble indiquer une proximité avec la procédure civile.

L'enjeu de ce rapprochement est important car on sait qu'en matière de recherche des preuves, la Chambre criminelle de la Cour de cassation pratique un laxisme certain lorsqu'elle considère que les preuves produites par les parties privées sont toujours recevables. Il en va ainsi d'enregistrements audio (4) ou vidéo (5). A l'inverse, les chambres civiles de la Cour de cassation considèrent que les preuves produites selon des procédés déloyaux sont irrecevables. Il en va ainsi, notamment, des écoutes téléphoniques (6).

Dans l'espèce qui était soumise à la Chambre commerciale de la Cour de cassation, les victimes d'une entente illicite sur les prix produisaient devant le Conseil de la concurrence l'enregistrement de conversations téléphoniques réalisées à l'insu des personnes écoutées. Le Conseil de la concurrence considéra que ces pièces étaient recevables et les utilisa pour condamner les deux sociétés qui avaient pratiqué l'entente illicite (décision n° 05-D-66 du 5 décembre 2005 N° Lexbase : X4745AD4). La condamnation fut lourde puisqu'il s'agissait d'une sanction pécuniaire de seize millions d'euros à la charge de chacune des sociétés. Cette décision fit l'objet d'un recours mais la cour d'appel le rejeta en se fondant sur une motivation explicite (CA Paris, 1ère ch., sect. H, 19 juin 2007, n° 2006/00628 N° Lexbase : A8544DWD). Selon cette juridiction, la procédure devant le Conseil de la concurrence ne réglementait pas la production des preuves par les parties. La cour d'appel ajouta que le Conseil de la concurrence bénéficiait d'une autonomie procédurale vis-à-vis du droit judiciaire privé mais aussi du droit communautaire. Elle acheva son raisonnement en considérant que le caractère répressif des sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence permettait d'appliquer la jurisprudence souple de la Chambre criminelle en matière de production des preuves par les parties privées. La cour d'appel prenait donc le parti pris, très clair, de rattacher le contentieux de la concurrence à la procédure pénale en lui appliquant, notamment, le régime de la preuve pénale.

L'arrêt fut cassé par la Chambre commerciale au visa de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. La Cour de cassation reprit dans cet arrêt le motif, désormais traditionnel, selon lequel "l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé par une partie à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve". Avec cet arrêt, la Chambre commerciale s'est placée, dans la droite ligne de la jurisprudence initiée par la deuxième chambre civile en 2004 (précité, note 5). La solution ne semble donc pas surprenante, mais elle est très instructive.

D'abord, on peut considérer que la Chambre commerciale rattache le contentieux du Conseil de la concurrence au droit judiciaire privé en lui appliquant un régime probatoire exactement contraire à celui de la Chambre criminelle mais parfaitement conforme à celui érigé par la deuxième chambre civile.

Ensuite, on peut se féliciter que le principe de loyauté fasse ainsi son chemin progressivement en irriguant un contentieux, certes particulier, mais tout de même dominé par un esprit répressif (7).

Enfin, on pourrait imaginer que le visa de l'article 6 § 1 inspire la Chambre criminelle de la Cour de cassation afin que cette dernière abandonne sa jurisprudence laxiste à l'égard des parties privées. Comment admettre, en effet, qu'une partie au procès, qu'elle soit publique ou privée, puisse produire en justice une preuve au mépris des principes essentiels de la procédure tels que le respect de la loyauté, ou celui de la vie privée. Il est à craindre que la Chambre criminelle, qui refuse de contrôler la recevabilité des preuves apportées par une partie privée, soit conduite à admettre un jour une preuve recueillie par la violence. A l'inverse, si elle s'inspirait de l'interprétation que donnent les chambres civile et commerciale de l'article 6 § 1, elle pourrait revenir sur sa jurisprudence et sanctionner toutes les preuves obtenues par des procédés déloyaux quelle qu'en soit l'origine.

On mesure ici à quel point l'article 6 § 1 de la CESDH est porteur d'un progrès de la procédure, pour peu que la Cour de cassation accepte de lui donner tout son sens.

III - Effet du désistement d'instance sur la prescription de l'action en justice

  • Le désistement d'instance pur et simple annule l'effet interruptif de la prescription ; il n'en est pas de même lorsque le désistement d'une instance conduite devant la juridiction incompétente, fait suite à la saisine de la juridiction compétente (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-60.468, FS-P+B N° Lexbase : A6440D9E)

L'article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9), issu de la réforme de la prescription du 17 juin 2008 (loi n° 2008-561, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I et lire nos obs., Le temps de l'action en justice : présentation de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, Lexbase Hebdo n° 314 du 24 juillet 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N6679BGH), prévoit que la demande en justice interrompt le délai de prescription de l'action. La question se pose de savoir si cette interruption demeure valable alors même que le demandeur s'est désisté après avoir saisi la juridiction.

En l'espèce, plusieurs caisses de mutualité avaient agi en justice la veille du délai de prescription pour demander l'annulation de la désignation de plusieurs délégués syndicaux. Cette action était malheureusement portée devant une juridiction incompétente. L'exception fut soulevée mais pour éviter de faire durer la procédure, les demandeurs se désistèrent de la première instance après avoir saisi, au préalable, la juridiction compétente.

Le défendeur eut alors beau jeu d'alléguer que cette seconde saisine avait été présentée hors délai et que l'action devait être considérée comme prescrite. En effet, en application de l'article 2241, alinéa 2, du Code civil, l'action portée devant la première juridiction incompétente avait pour effet d'interrompre le délai de prescription. Mais les défendeurs invoquaient le fait que le désistement d'instance avait supprimé l'effet interruptif de la première saisine citation. En d'autres termes, selon les défendeurs, une action suivie d'un désistement d'instance ne produisait aucun effet interruptif.

La Cour de cassation n'a validé que partiellement ce raisonnement. Elle a affirmé, dans un premier temps, que "le désistement ne permet de regarder l'interruption de la prescription comme non avenue que lorsqu'il s'agit d'un désistement d'instance pur et simple". Elle en a déduit, dans un second temps, que, lorsqu'"il est motivé par l'incompétence de la juridiction devant laquelle il est formulé et qu'il fait suite à la saisine d'une autre juridiction compétente pour connaître de la demande, le désistement maintient l'effet interruptif" de la demande en justice.

La solution est pleine de bon sens. Dans la mesure où la saisine d'une juridiction incompétente produit un effet interruptif, il n'y a pas de raison pour que le demandeur -qui en toute bonne foi redirige son action devant la juridiction compétente- subisse l'effet pervers d'un désistement d'instance présenté pour gagner du temps. Mais la Cour de cassation précise la procédure à suivre afin que le désistement ne rende pas l'interruption non-avenue. Pour conserver l'effet interruptif de la demande en justice, le demandeur doit saisir la juridiction compétente, et seulement par la suite, se désister de son action devant la juridiction incompétente. La solution semble logique. L'effet interruptif ne se poursuit que s'il existe une continuité procédurale malgré le changement d'instance. Cette continuité avait été respectée en l'espèce et l'action n'était donc pas prescrite.

IV - Autorité de la chose jugée du pénal sur le civil

  • L'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil ne porte que sur les aspects pénaux de la décision rendue par le juge répressif  (Cass. civ. 2, 9 octobre 2008, n° 07-17.482, F-P+B N° Lexbase : A7219EAM)

Le domaine d'application du principe de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil nécessite sans cesse d'être précisé. Si l'on sait que le législateur a lui-même contribué à réduire l'effet de ce principe en modifiant les règles du sursis à statuer (C. proc. pén., art. 4, al. 2 N° Lexbase : L8611HWT, modifié par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 N° Lexbase : L5930HU8), la Cour de cassation cantonne cette autorité aux strictes dispositions pénales de la décision rendue par la juridiction répressive. L'arrêt commenté en donne un nouvel exemple.

En l'espèce, le propriétaire d'un appartement avait commis une infraction au Code de l'urbanisme et avait été condamné pénalement pour ces faits. En revanche, la juridiction pénale avait rejetée la demande de l'administration pour qu'une condamnation à la remise en état des lieux soit prononcée en application de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3518HZC).

Par la suite, une action devant le juge civil avait été exercée par le syndicat de copropriété pour demander au propriétaire qu'il procède à la remise en état des lieux conformément à la législation en vigueur. Le défendeur invoquait alors le principe de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil. Ainsi, selon lui, le rejet de la demande tendant à la remise en état des lieux par le tribunal correctionnel devait s'imposer devant la juridiction civile et faisait obstacle à la demande du syndicat de copropriété.

La Cour de cassation ne fut pas de cet avis. Elle affirma que "les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ne constituant pas des sanctions pénales, c'est sans méconnaître le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, inopposable à l'action du syndicat des copropriétaires, que la cour d'appel a retenu que celui-ci, qui n'était pas partie à l'instance pénale, était en droit de demander à la juridiction civile la remise en état des lieux".

L'analyse de la Cour de cassation repose sur l'idée que la mesure de remise en état de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ne constitue pas une sanction pénale. La solution s'impose alors d'elle-même. L'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil ne concerne que les dispositions pénales de la décision rendue par le juge répressif. Mais la Cour de cassation développe, ensuite, un raisonnement ambigu. Elle considère, en effet, que l'autorité du pénal sur le civil produit un effet absolu, c'est-à-dire erga omnes. Elle poursuit en affirmant que le syndicat de copropriétaire n'étant pas partie à la procédure devant le juge répressif, la décision rendue sur la remise en état ne lui était pas opposable. C'est le défaut d'identités des parties qui faisait obstacle à l'application de l'autorité de la chose jugée. C'est une interprétation, mais on aurait pu voir les choses différemment. Doit-on considérer, en effet, que l'action de l'administration fondée sur l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme poursuit le même objet que l'action exercée par le syndicat de copropriétaires ? En effet, il n'est pas certain que l'action de "mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements" prévue par l'article L. 480-1 (N° Lexbase : L3669DYK) poursuive le même objet que l'action de remise en étant présentée devant le juge civil. Plus encore, on pourrait considérer que les deux actions reposent sur des causes différentes. L'action prévue par le Code de l'urbanisme a une nature administrative alors que l'action exercée par le syndicat de copropriétaires repose vraisemblablement sur les règles de la responsabilité civile (8).

En définitive, la solution adoptée par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté emporte la conviction en ce qu'elle encadre l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil de façon adéquate : seule les dispositions pénales d'un jugement possèdent cette autorité. Dès lors, qu'une sanction prévue dans un texte ne constitue pas une sanction pénale, l'autorité qui lui est attachée est relative. Toutefois, l'arrêt commenté montre que la triple identité qui conditionne le principe général de l'autorité de la chose jugée est, une fois de plus, d'application délicate.

Etienne Vergès,
Professeur agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université de Grenoble II


(1) Voir, notamment, Cass. civ. 1, 2 mai 2001, n° 99-10.709, Comité régional de tourisme de Bretagne et autre c/ Société Roch Arhon et autre (N° Lexbase : A3504ATX) et Cass. civ. 2, 27 mai 2004, n° 02-15.700, Association de sauvegarde église de Castels et château de Fages c/ M. Alain Guérin, FS-P+B sur le second moyen (N° Lexbase : A5112DCC), Bull. civ. II, n° 239, Dr sociétés, 2004, n° 185, obs. F.-X. Lucas. Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation retient la recevabilité de l'action d'une association pour la défense des intérêts qui entrent dans son objet social.
(2) CEDH, 21 février 1975, Req. 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A1951D7E), série A, n° 18, AFDI, 1975, 330, note R. Pelloux.
(3) Par exemple, pour les associations de consommateurs, l'action est autorisée par les articles L. 421-1 et suivants du Code de la consommation (N° Lexbase : L6814ABY).
(4) Cass. crim., 6 avril 1993, n° 93-80.184, Turquin Jean-Louis, inédit (N° Lexbase : A4678CNL), JCP éd. G, 1993, 22144.
(5) Cass. crim., 23 juillet 1992, n° 92-82.721, Nogues Liliane et autres (N° Lexbase : A0826AB9), Bull. crim., n° 74.
(6) Cass. civ. 2, 7 octobre 2004, n° 03-12.653, Mme Annick Slusarek c/ Mme Nicole Andrée Marthe Togni, épouse Collignon, FS-P+B (N° Lexbase : A5730DDL), D., 2005, juris., p. 122, JCP éd. G, 2005, II, 10025.
(7) Les sanctions pécuniaires prononcées contre les auteurs d'une atteinte au droit de la concurrence pourraient être assimilées à des sanctions pénales. A ce titre, le droit de la concurrence procède un caractère administrato-répressif.
(8) Bien que l'arrêt ne dise rien à ce sujet.

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - octobre 2008

Lecture: 11 min

N4918BHM

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Cette chronique met d'abord à l'honneur la question de l'effectivité du débat oral et contradictoire en matière de vérification de comptabilité lorsque des pièces comptables sont saisies et détenues par les juridictions. Puis, en matière de sanctions fiscales, le Conseil d'Etat prend position quant à l'application de la majoration pour mauvaise foi à la suite d'erreurs répétées de comptabilisation. Enfin, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la Haute juridiction administrative confirme la jurisprudence des juges du fond quant à l'imposition d'une cession de marque par un particulier même si l'opération économique est unique.
  • Droit de communication auprès de l'autorité judiciaire : pièces comptables saisies et effectivité d'un débat oral et contradictoire (CE 9° et 10° s-s-r., 3 septembre 2008, n° 278120, Société International Leasure SA N° Lexbase : A7341D9R)

A la suite d'une opération de police judiciaire, l'autorité judiciaire a mis à la disposition de l'administration fiscale (LPF, art. L. 101 N° Lexbase : L2215DAB) les pièces comptables saisies de la société immobilière Set Squash dont l'objet était la construction et la location d'installations sportives. Cette disposition légale s'inscrit dans le cadre du droit de communication qui permet à l'administration d'avoir connaissance de documents et de renseignements auprès de tiers pour l'établissement et le contrôle de l'assiette de l'impôt quant bien même certaines pièces auraient été déclarées nulles par le juge pénal (CE 9° et 8° s-s-r., 6 octobre 1999, n° 126827, Perrini N° Lexbase : A4514B7C (1)).

La particularité des dispositions de l'article L. 101 du LPF réside dans le fait que l'autorité judiciaire -y compris le ministère public (CE Contentieux, 10 décembre 1999, n° 181977, Lescot N° Lexbase : A5079AXE)- doit renseigner l'administration de toute indication faisant présumer une fraude fiscale (comp. : LPF, art. L. 82 C (2) N° Lexbase : L8456AEW).

La jurisprudence considère qu'aucune formalité particulière n'est imposée de sorte que le dépôt préalable d'une demande de communication de l'administration fiscale à l'intention de l'autorité judiciaire n'est pas nécessaire (CE 3° et 8° s-s-r., 22 mai 2002, n° 231105, SARL Berre Station N° Lexbase : A8251AYA). Par conséquent, l'administration fiscale peut elle-même en prendre l'initiative (CE Contentieux, 10 juin 1998, n° 168322, Ministre de l'Economie et des Finances c/ SARL Le Sansa's N° Lexbase : A7339ASM ; CE Contentieux, 20 février 1991, n° 59865, Amsellem N° Lexbase : A9019AQ4 ; CE Contentieux, 3 décembre 1990, n° 103101, Ministre du Budget c/ SA Antipolia N° Lexbase : A4680AQE).

Au cas particulier, la communication de l'autorité judiciaire a permis à l'administration de prononcer un rappel de TVA assorti d'une majoration de 40 % pour mauvaise foi tout en précisant à la contribuable l'existence et la nature de documents mis à sa disposition par l'autorité judiciaire (3). De plus, à l'initiative de l'administration fiscale, le juge d'instruction a autorisé par voie d'ordonnance la contribuable à consulter les pièces en question et à en prendre une copie. Cependant, devant la juridiction d'appel (CAA Marseille, 4ème ch., 21 décembre 2004, n° 00MA00743, Ministre c/ Société Immobilière Set Squash, RJF, juin 2005, n° 589), la société s'est plainte des conditions effectives de la consultation et elle a prétendu n'avoir pu obtenir une copie des documents en cause. La cour administrative d'appel de Marseille rejettera les prétentions de la contribuable car "les services de gendarmerie se sont seulement refusés à effectuer eux-mêmes lesdites copies mais n'ont mis aucun obstacle à ce que les représentants de la société ou son conseil effectuent eux-mêmes ces copies". Ainsi, la contribuable ne peut établir que sa demande de communication des documents utiles à sa défense lui a été refusée étant entendu que le fait de ne pas pouvoir récupérer les originaux est sans incidence au regard de la régularité de la procédure.

Lorsque les pièces comptables ont été saisies et détenues par l'autorité judiciaire et que l'administration fiscale s'est appuyée dessus pour fonder ses redressements à l'issue d'une vérification de comptabilité, le juge de cassation veille à ce que ces documents aient bien été soumis à un débat oral et contradictoire avec le contribuable (CE 9° et 10° s-s-r., 28 novembre 2003, n° 255954, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Tekelec Airtronic N° Lexbase : A4145DAR ; CE 3° et 8° s-s-r., 25 avril 2003, n° 234812, Société Impremanus N° Lexbase : A7683BSD (4) ; CE 9° et 10° s-s-r., 2 octobre 2002, n° 224786, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mlle De Noyer N° Lexbase : A9503AZY ; v. pour l'application de ce principe aux documents comptables du contribuable vérifié et détenus par des tiers en général : CE 3° et 8° s-s-r., 22 novembre 2006, n° 280252, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. et Mme Bozzi N° Lexbase : A5471DSG).

On précisera, toutefois, que les documents en question doivent être des pièces comptables du contribuable : tel n'est pas le cas de relevés de sécurité sociale adressés à l'administration fiscale par la caisse primaire d'assurance maladie (CE 3° et 8° s-s-r., 27 juin 2008, n° 301472, M. Fretin N° Lexbase : A3544D97).

En cassation, la Haute juridiction reprend le considérant de principe issu des jurisprudences susvisées et entend l'appliquer à toutes les situations où la comptabilité du contribuable est, en tout ou partie, détenue chez un tiers sans distinction quant à sa qualité (5).

La société anonyme International Leasure venant aux droits de la société Set Squash développera la même argumentation que celle exposée sans succès devant la cour administrative d'appel de Marseille : les Hauts magistrats relèveront que le gérant et associé de la société ainsi que son conseil "ont eu deux réunions [dont la réalité a été vérifiée par la juridiction d'appel] pour procéder à l'examen des documents comptables saisis dans les locaux de la gendarmerie où ils étaient conservés". L'entreprise ayant eu accès aux documents en question et le droit au débat oral et contradictoire ayant été respecté, une telle décision doit être approuvée.

  • Erreurs répétitives de comptabilisation et majoration pour mauvaise foi (CE 9° et 10° s-s-r., 3 septembre 2008, n° 300998, SA Jules Bechet N° Lexbase : A1005EAH)

L'administration peut prononcer des sanctions administratives (6) sous la forme de majorations ou de pénalités forfaitaires sous le contrôle des juridictions. Sans elles, il est à craindre que le respect des prescriptions légales ne serait que pure incantation. La matière est sensible et elle a fait l'objet d'une importante refonte en 2005 (ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités N° Lexbase : L4620HDH) commentée par l'administration fiscale dans une instruction particulièrement dense (instruction du 19 février 2007, BOI 13 N-1-07 N° Lexbase : X8206ADB). Même le vocabulaire ayant cours en matière de sanction (7) a été remanié depuis : ainsi, les inexactitudes ou les omissions sont sanctionnées par une majoration de 40 % "en cas de manquement délibéré" (CGI, art. 1729 (8) N° Lexbase : L1716HNU), alors que les anciennes dispositions (CGI, art. 1729 N° Lexbase : L4163HM7) stigmatisaient "la mauvaise foi" étant entendu que la charge de la preuve repose sur l'administration fiscale (LPF, art. L. 195 A N° Lexbase : L8353AE4 ; CE 9° et 10° s-s-r., 21 mars 2001, n° 202490, M. Egot N° Lexbase : A1575ATI ; CE Contentieux, 21 avril 1989, n° 89657, David N° Lexbase : A0733AQ9) et que la sanction doit être motivée (9) (LPF, art. L. 80 D N° Lexbase : L8025AEX) sauf à encourir la nullité (CE Contentieux, 22 février 1989, n° 70252, Jean-Louis Braun N° Lexbase : A0944AQZ). Cependant, ce changement de terminologie -qui participe du marketing de l'impôt et de sa sanction- ne change rien sur le fond (10) : la jurisprudence applicable jusqu'alors est parfaitement transposable aux agissements commis depuis le 1er janvier 2006 et visés par ce texte.

La société anonyme Jules Bechet, entreprise du bâtiment soumise à l'IS créée en 1982, a fait l'objet de deux vérifications successives de comptabilité d'une part au titre des exercices 1987 à 1989 ; d'autre part au titre des exercices 1993 et 1994. Toutes deux se sont conclues par un redressement à la suite de la violation des dispositions légales portant sur la comptabilisation des travaux effectués par la société. L'administration fiscale a alors décidé d'appliquer les dispositions de l'article 1729 du CGI en vigueur en réclamant une majoration de 40 % pour mauvaise foi au double motif de l'importance des insuffisances constatées (11) et de son caractère répétitif. Sous le contrôle de qualification juridique des faits par la Haute juridiction (CE 3° et 8° s-s-r., 6 juin 2008, n° 285629, SA Gustave Muller N° Lexbase : A9537D8Q ; CE 3° et 8° s-s-r., 5 décembre 2005, n° 255977, M. Le Pen N° Lexbase : A3908DQS) rappelons que la mauvaise foi doit être caractérisée par l'omission ou l'insuffisance de déclaration (CE Contentieux, 3 mai 1993, n° 116269, M. Cohen N° Lexbase : A9448AMU) et par son caractère délibéré qui peut se traduire par des infractions "systématiques" (CE 8° s-s., 5 novembre 2003, n° 247309, Société d'exploitation des cars de la Ferte-sous-Jouarre N° Lexbase : A0938DAY ; CE 9° et 10° s-s-r., 20 novembre 2002, n° 221440, SARL New-Sports N° Lexbase : A0748A4H) ou répétées (CE 3° et 8° s-s-r., 25 avril 2003, n° 234812, Société Impremanus N° Lexbase : A7683BSD) étant entendu -et la décision "SA Jules Bechet" abonde dans ce sens- que les qualifications d'infractions systématiques ou répétées sont alternatives. En d'autres termes, le caractère systématique de l'infraction constitue la phase ultime de l'infraction répétée ; cette dernière pouvant justifier la sanction prévue par l'article 1729 du CGI alors même qu'elle ne serait pas systématique.

En appel, la vaine argumentation de l'entreprise reposait sur le changement de dirigeant entre les deux vérifications de comptabilité et le fait que les erreurs commises n'éludaient pas l'impôt mais en différaient le paiement (CAA Paris, 2ème ch., 24 novembre 2006, n° 04PA03906, Société Jules Bechet N° Lexbase : A4320DT8).

En cassation, dans l'arrêt rendu le 3 septembre 2008, le Conseil d'Etat confirmera la décision prise par la juridiction d'appel, car il importe peu que les redressements successivement prononcés aient porté sur des travaux en cours (CGI, art. 38, 3 N° Lexbase : L3902IAR) ou des travaux réceptionnés (CGI art. 38, 2 bis (12) N° Lexbase : L3902IAR) relevant de deux règles d'assiette différentes ; et ce d'autant que l'administration avait pris soin de mentionner, dans la première notification de redressements datée de novembre 1990, les règles de comptabilisation en vigueur pour une entreprise du bâtiment.

Ainsi, l'argument reposant sur l'impossibilité d'appliquer la majoration de l'article 1729 du CGI dès lors que les manquements étaient fondés sur des dispositions légales différentes n'a pu prospérer : la Haute juridiction écarte la thèse de la parfaite identité des omissions reprochées et confirme in casu la mauvaise foi de la société requérante.

  • TVA : imposition de la cession d'une marque par un particulier (CE 9° et 10° s-s-r., 3 septembre 2008, n° 300420, M. et Mme Befort N° Lexbase : A1003EAE)

La cession d'une marque par son propriétaire personne physique relève-t-elle de la TVA ? Un couple de contribuables concède à titre gratuit deux marques déposées préalablement par leurs soins à l'INPI en 1982 et en 1991 au profit d'une société à responsabilité limitée dont ils possédaient la totalité du capital. Puis, en 1995, la propriété des marques a été acquise par la société et les prix de cession ont été inscrits au crédit des comptes courants d'associés. A la suite d'un examen de la situation fiscale personnelle des contribuables (ESFP), l'administration a alors considéré que les sommes en question devaient être qualifiées de BIC et que les cessions des marques relevaient également de la TVA.

La juridiction d'appel a validé le raisonnement de l'administration fiscale (CAA Nantes, 1ère ch., 30 octobre 2006, n° 05NT01192, M. Michel Befort N° Lexbase : A5606DTS) : il résulte, en effet, des dispositions du Code général des impôts (CGI, art. 256 N° Lexbase : L5143HL3 ; CGI, art. 256 A N° Lexbase : L5156HLK) que la cession d'une marque commerciale par son propriétaire est une activité économique au sens des textes précités "quel que soit le mode de rémunération de ladite cession et alors même qu'il n'en aurait retiré qu'une recette unique" selon les conseillers de la cour administrative d'appel. On remarquera également que les coupures de presse versées par le contribuable n'ont pas suffi à démontrer qu'il aurait lui-même exploité la marque cédée : on sait en effet que la cession d'une marque exploitée relève des droits d'enregistrement proportionnels (CGI, art. 719 N° Lexbase : L7909HLI) en tant que support d'une clientèle et est, à ce titre, exonérée de la TVA.

Un précédent arrêt rendu en 2004 par la cour administrative de Douai (CAA Douai, 2ème ch., 26 octobre 2004, n° 02DA00454, M. Georges Vanholsbeke N° Lexbase : A9776DES) avait considéré qu'une activité -cette fois-ci qualifiée d'occasionnelle- d'intermédiaire au profit du vendeur d'un ensemble immobilier relevait du champ d'application rationae materiae de la TVA malgré la nouvelle rédaction de l'article 256 A du CGI issue de l'adoption de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 (N° Lexbase : L6960IBE). Jusqu'alors, en effet, l'article 256 A du CGI (N° Lexbase : L5155HLI) faisait référence aux personnes "qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations" pour les assujettir à la TVA. Depuis lors, l'article 256 A du CGI ne fait plus référence au caractère occasionnel des opérations concernées et la doctrine administrative -dont s'est prévalu avec succès le contribuable devant la cour administrative d'appel de Douai- a précisé que "La réalisation à titre habituel de livraisons de biens et de prestations de services à titre onéreux constitue une activité économique. Le caractère habituel implique la réalisation répétée de prestations de services ou de livraisons de biens. En revanche, la personne qui réalise à titre occasionnel une opération économique n'a en principe pas la qualité d'assujetti(13) " (instruction du 31 juillet 1992, BOI 3 CA-92 N° Lexbase : X0530AAU). La même instruction ajoutera qu'une activité économique taxable peut être la conséquence de "la réalisation d'une seule opération". Il est alors indispensable d'indiquer ce qu'est une activité occasionnelle étant entendu que cette notion ne se confond pas avec celle d'activité unique s'inscrivant dans un circuit économique. L'activité occasionnelle signifie que l'on s'attache en premier lieu à la nature du bien "susceptible d'être utilisé tant à des fins économiques que privées" puis l'on cherchera à "déterminer s'il est utilisé en vue d'en retirer des recettes présentant effectivement un caractère de permanence" (CJCE, 26 septembre 1996, aff. C-230/94, Renate Enkler c/ Finanzamt Homburg N° Lexbase : A0096AWH (14) ; J. Maïa, Débat sur les frontières de l' activité économique' imposable à la TVA. Le cas des activités des syndicats de copropriété, RJF, février 2002, p. 102). En d'autres termes, "Les opérations occasionnelles ne sont pas des opérations économiques, car elles ne sont pas effectuées dans le cadre d'un objectif d'entreprise (15) [...]. Cependant, il faut les distinguer des opérations ponctuelles ou uniques" (16). Ainsi, la recette unique tirée de la cession d'un brevet relève du champ d'application de la TVA (CE 8° et 3° s-s-r., 20 octobre 2000, n° 204129, M. Cambon N° Lexbase : A1830AIM ; concl. E. Mignon (17), BDCF, janvier 2001, n° 5 ; v. également : CAA Lyon, 5ème ch., 20 octobre 2005, n° 01LY01550, M. René Marchand N° Lexbase : A5813DLU). On comprend alors pourquoi certaines rédactions de décisions de justice peuvent paraître ambiguës pour le lecteur puisqu'elles semblent confondre les notions d'opération occasionnelle et d'opération unique : tel est le cas de l'arrêt "Vanholsbeke" dès lors que les faits rapportent l'existence d'une seule opération de vente d'un important ensemble immobilier à l'issue de laquelle le contribuable a perçu une rémunération. Dans une telle hypothèse, les conseillers de la cour administrative auraient dû qualifier d'unique plutôt que d'occasionnelle (18) une telle opération.

La décision "Befort" rendue par la Haute juridiction administrative s'inscrit dans le cadre de la jurisprudence "Cambon" -que la rédaction de l'article 256 A du CGI soit antérieure ou postérieure à la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992- quand bien même le contribuable, créateur des droits de propriété industrielle, en aurait retiré une recette unique pourvu que l'opération soit économique au sens de la législation applicable en matière de TVA.


(1) "Considérant que M. P. soutient qu'il est en droit d'obtenir la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée en raison de l'annulation, par le juge pénal, des pièces sur le fondement desquelles ces impositions ont été établies, saisies par l'autorité judiciaire et transmises à l'administration fiscale en application des dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales ; que, toutefois, dès lors que l'administration fiscale a obtenu régulièrement communication des pièces détenues par l'autorité judiciaire, la circonstance que ces pièces auraient été ultérieurement annulées par le juge pénal n'a pas pour effet, ainsi que l'a jugé la cour sans commettre d'erreur de droit, de priver l'administration du droit de s'en prévaloir pour établir les impositions".
(2) LPF, art. L. 82 C : "A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances". L'article L. 82 C du LPF est également distinct de l'article L. 101 du LPF quant aux délais de mise à disposition des pièces à l'intention de l'administration fiscale (LPF, art. R. 101 N° Lexbase : L2221AEY) : CAA Bordeaux, 3ème ch., 13 décembre 1994, n° 91BX00724, Patrick Aimon (N° Lexbase : A4557AYG).
(3) V. pour la doctrine aujourd'hui en vigueur : "L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet d'une proposition de rectification. Cette information est effectuée au stade de la proposition de rectification, dans l'exposé des faits utiles à la motivation des rehaussements" (instruction du 21 septembre 2006, BOI 13 L-6-06 N° Lexbase : X7347ADH).
(4) "Considérant qu'eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification les pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ; qu'à défaut, les impositions découlant de l'examen de ces pièces sont entachées d'irrégularité ; qu'en l'espèce, la cour, qui n'a pas vérifié que ces garanties avaient été assurées au contribuable, ne pouvait sans erreur de droit écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que la société n'aurait pas bénéficié du débat oral et contradictoire auquel elle pouvait prétendre en application de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, au motif que les redressements en cause ne procédaient pas de la vérification de sa comptabilité ; que la Société Impremanus est fondée à demander, pour ce seul motif, l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il concerne les exercices 1985 et 1986".
(5) "Qu'eu égard aux garanties dont le Livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces ainsi obtenues constituant des éléments de la comptabilité de l'entreprise vérifiée à un débat oral et contradictoire avec le contribuable".
(6) On lira avec profit : Les sanctions administratives fiscales : aspects de droit comparé, T. Lambert (dir.), L'Harmattan, collection Finances publiques, 2006. Ce premier titre fera l'objet d'un second volet consacré à la sanction pénale en droit fiscal : Les sanctions pénales fiscales, T. Lambert (dir.), L'Harmattan, collection Finances publiques, 2007.
(7) "Les dispositions relatives aux pénalités ont été réécrites de façon à harmoniser la terminologie employée. Ainsi, le terme pénalités' revêt un caractère générique et correspond à l'ensemble constitué des majorations, des amendes et de l'intérêt de retard qui n'est pas une sanction. Les sanctions comprennent les majorations et les amendes. Les majorations sont des sanctions proportionnelles appliquées sur des droits. Les amendes sont des sanctions forfaitaires ou proportionnelles à un élément autre que les droits", instruction du 19 février 2007, BOI 13 N-1-07, précitée § 3.
(8) "Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat".
(9) Mais l'administration fiscale n'est pas tenue juridiquement de répondre aux observations présentées par le contribuable quant aux sanctions prononcées : CE 3° et 8° s-s-r., 27 juin 2008, n° 305702, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique c/ SCI Ingrid (N° Lexbase : A3559D9P).
(10) "Il s'agit d'une simple modification formelle qui n'emporte aucune conséquence juridique, notamment sur les éléments constitutifs des infractions", instruction du 19 février 2007, BOI 13 N-1-07, précitée § 4.
(11) Cependant, "pour juger établie par l'administration la preuve de la mauvaise foi de M. Daras-Martinez, la cour administrative d'appel n'a tenu compte que de l'importance des montants et de l'absence de toute justification sérieuse de l'origine des revenus litigieux ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'administration démontrait que le comportement de M. D.-M. procédait d'une intention délibérée de dissimulation, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la requête de M. D.-M. ayant trait aux pénalités ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon" : CE Contentieux, 6 novembre 1995, n° 125558, M. Daras-Martinez (N° Lexbase : A6481AND).
(12) "2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : [...] b. Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure. La livraison au sens du premier alinéa s'entend de la remise matérielle du bien lorsque le contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété".
(13) Titre II, Section II, Notion d'activité économique.
(14) "Si un bien est, en raison de sa nature, susceptible d'être utilisé tant à des fins économiques que privées, il conviendra d'analyser l'ensemble des conditions de son exploitation pour déterminer s'il est utilisé en vue d'en retirer des recettes présentant effectivement un caractère de permanence. Dans ce dernier cas, la comparaison entre, d'une part, les conditions dans lesquelles l'intéressé exploite effectivement le bien et, d'autre part, celles dans lesquelles s'exerce habituellement l'activité économique correspondante peut constituer l'une des méthodes permettant de vérifier si l'activité concernée est accomplie en vue de réaliser des recettes ayant un caractère de permanence".
(15) "Pour que l'activité d'une holding consistant à mettre un capital à disposition de ses filiales puisse être considérée comme une activité économique par elle-même, consistant à exploiter ce capital en vue d'en tirer des recettes à caractère permanent sous la forme d'intérêts, il est nécessaire que cette activité ne soit pas exercée à titre occasionnel seulement et qu'elle ne se limite pas à gérer des investissements à l'instar d'un investisseur privé (voir, en ce sens, arrêts du 20 juin 1996, Wellcome Trust, C-155/94 [N° Lexbase : A7243AHQ], Rec. p. I-3013, point 36, et du 26 septembre 1996, Enkler, C-230/94 [N° Lexbase : A0096AWH], Rec. p. I-4517, point 20), mais qu'elle soit effectuée dans le cadre d'un objectif d'entreprise ou dans un but commercial, caractérisé notamment par un souci de rentabilisation des capitaux investis" : CJCE, 14 novembre 2000, aff. C-142/99, Floridienne SA et Berginvest SA c/ Etat belge (N° Lexbase : A2001AIX).
(16) A. Daniel-Thézard, TVA : du nouveau à propos de la notion d'activité économique, Dr. fisc., 2001, p. 781 ; "S'il s'inscrit dans le circuit économique de production et de distribution des biens et services, l'acte unique entre dans le champ de la taxe. Ainsi, une cession de fonds de commerce est une opération taxable [...] car il s'agit de la vente d'un bien arrivé au dernier stade d'un cycle économique", A. Daniel-Thézard, ibidem. S'agissant des cessions de fonds de commerce : CE Contentieux, 28 juin 1991, n° 63066, Ministre du Budget c/ Société Blumet et Fils (N° Lexbase : A8969AQA) ; v. cependant, CGI, art. 257 bis (N° Lexbase : L2527HNW).
(17) "Il est clair qu'une opération ponctuelle, c'est-à-dire qui n'a lieu qu'une seule fois, peut recevoir la qualification d'activité économique".
(18) "Contrairement à ce que soutient M. V., ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une personne soit assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, alors même qu'elle n'a effectué, qu'à titre occasionnel, une activité relevant des activités économiques ci-dessus visées ; qu'il résulte de l'instruction, que relève d'une telle activité le fait d'être intervenu en négociant notamment avec les différents acheteurs potentiels au profit du groupe Arcadie dans le cadre de la mise en vente d'un important ensemble immobilier ; que dès lors, l'opération dont s'agit effectuée de manière occasionnelle par M. V. et pour laquelle ce dernier a reçu une rémunération d'un montant de 3 millions de francs, entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des articles 256-I et 256 A précités du Code général des impôts".

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Droit financier

[Textes] Recommandation de l'AMF sur les FCPE à effet de levier logés au sein de plans d'épargne entreprise

Réf. : Recommandation AMF du 7 octobre 2008, relative aux FCPE à effet de levier logés au sein de plans d'épargne entreprise (N° Lexbase : L6234IBI)

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N4935BHA

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 07 Octobre 2010

Alors qu'un projet de loi en faveur des revenus du travail est en cours d'adoption devant le Parlement, qui pourrait offrir aux salariés la liberté de choix entre la disponibilité immédiate et le blocage des droits issus de la participation, l'Autorité des marchés financiers (AMF) vient de publier une recommandation, le 7 octobre dernier, dont l'objet est d'encadrer l'information des salariés/investisseurs. Cette recommandation porte, plus précisément, sur le type de montage particulier que constitue la souscription par les salariés à des augmentations de capital réalisées par la société qui les emploie, au moyen de fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), souscrits dans le cadre d'une enveloppe fiscale de plan d'épargne entreprise (PEE). Après l'échec de la concertation de place sur le traitement comptable de ces produits, l'AMF appelle l'attention, de la sorte, sur les incertitudes qui peuvent se faire jour dans l'esprit des investisseurs/salariés quant à l'investissement qu'ils réalisent dans le cadre de leur entreprise. Le communiqué du 7 octobre dernier a, donc, vocation à inciter, par le biais de recommandations, les émetteurs à accroître la transparence de leur communication, tant envers leurs propres salariés qu'à l'encontre du marché.

Il reste que l'exercice est subordonné au respect de nombreux équilibres. En effet, à travers la multitude de textes applicables, qui relèvent autant du droit du travail, du droit fiscal, que du droit des sociétés, il apparaît que l'épargne dans l'entreprise constitue, d'abord, pour le législateur, un outil de la politique économique et sociale (I). Les aspects boursiers de cet investissement ont ainsi été largement occultés dans les textes, d'où l'existence de difficultés à harmoniser les règles relatives à l'épargne salariale avec le fonctionnement des marchés (ii).

I - Un procédé d'investissement placé dans un cadre social et fiscal

L'AMF a donc, tenté de clarifier les règles applicables au régime le plus sensible des mécanismes d'épargne salariale, celui de l'investissement dans des FCPE à effet de levier souscrits dans le cadre de PEE. Ces derniers répondent, en effet, à un objectif double : renforcer le capital des sociétés émettrices et donner un débouché performant au placement réalisé dans le cadre de l'épargne salariale (A). Cette dualité d'objectif contraint à encadrer juridiquement le montage ainsi réalisé par des règles protectrices émanant du droit du travail et du droit des sociétés (B).

A - Renforcement du capital des sociétés cotées et encouragement à l'épargne salariale

Le mécanisme visé par la recommandation de l'AMF, concerne les sociétés cotées, mettant en oeuvre l'enveloppe fiscale des PEE. Le cadre incitatif créé par le droit fiscal a, en effet, ouvert la possibilité aux sociétés cotées de mettre en place des schémas d'investissement au profit de leurs salariés en leur permettant de souscrire à des augmentations de capital. L'ingénierie financière aidant, la participation des salariés au capital de leur entreprise a donné lieu à la mise en place de procédés permettant à la fois de motiver les salariés et de renforcer les fonds propres dans une perspective sociale -voire défensive- répondant en cela aux objectifs des différents textes de droit du travail sur la participation. La création de FCPE à effets de levier a permis, dans ce cadre, de donner un essor à ce type d'investissement dès la fin des années 1990. Le procédé étant légalement reconnu, c'est, désormais, l'article L. 3332-18 du Code du travail (N° Lexbase : L1278H99) qui prévoit la possibilité, pour les sociétés, de procéder à des augmentations de capital réservées aux adhérents d'un PEE.

En pratique, les investissements d'actionnariat salarié reposant sur des effets de levier ont été introduits en France à compter de 1993. Des entreprises majeures admises à la négociation sur les marchés réglementés, telles Sanofi et Total, ont initié le mécanisme qui permettait l'achat d'actions à crédit dans le cadre d'augmentations de capital réservées. L'effet de levier résultant de cet achat à crédit est ainsi obtenu en effectuant un investissement initial portant sur une fraction des actions souscrites (un dixième par exemple), le solde de cet investissement (les neuf dixièmes en vertu de l'exemple précédent) étant financé par un emprunt. Cet emprunt est remboursable, en principe, in fine, au terme d'un plan de 5 ans, le remboursement étant financé par la revente d'une partie des actions souscrites et l'abandon des dividendes au profit de l'établissement préteur. Au terme du plan, le salarié peut raisonnablement escompter recevoir, en sus de la mise de fonds initiale, un nombre d'actions correspondant à un montant supérieur de quatre à cinq fois celui qui était investi.

Encore est-il nécessaire, qu'au terme de cette opération, les cours de l'action n'aient pas baissé. L'effet de levier est donc en général garanti de façon mécanique : d'une part par la souscription des actions initiales avec une décote sur le cours de bourse (pouvant représenter jusqu'à 20 % du cours), d'autre part, par un abondement de l'entreprise (jusqu'à 50 % de la mise de fonds du salarié). Par ailleurs le prêt peut être consenti au taux de 0 % ce qui multiplie d'autant le levier financier.

En dépit de cette complexité -apparente- la problématique posée par ces opérations ne naît pas véritablement du montage financier réalisé puisque, dans différents contextes, les plans souscrits ont toujours permis aux salariés de préserver leur investissement initial, notamment grâce à l'abondement de l'entreprise. L'issue du plan d'investissement de la société Vivendi, en dépit d'une chute importante de son cours de bourse, comme celui de la société France Telecom, ont, ainsi, démontré l'absence de nocivité du mécanisme. L'encadrement législatif, social et fiscal, y a largement contribué, sans doute, autant que la sécurisation des opérations par les émetteurs.

Ce qui justifie, en revanche, l'initiative de l'AMF quant à l'élaboration de sa recommandation du 7 octobre 2008, c'est la modification du contexte qui entoure la souscription de FCPE à effet de levier dans le cadre des augmentations de capital. Cette modification ressort, en premier lieu, de l'impact de l'assouplissement des règles relatives à l'augmentation de capital, intervenu depuis le lancement des opérations précitées. Elle pourrait résulter, en second lieu, de la levée, encore éventuelle, du principe de blocage des fonds souscrits dans le cadre d'un PEE ce qui pourrait déjouer, à la fois les prévisions des émetteurs, et la viabilité des opérations d'augmentation de capital. Enfin, et ce risque est lié à la remarque précédente, il semble pertinent de s'interroger sur l'éventualité d'une protection des émetteurs et du marché face à des sorties de plans massives, notamment dans un contexte où ces derniers sont durablement orientés à la baisse.

B - Un encadrement juridique centré sur les aspects de droit du travail et des sociétés

Le régime fiscal applicable aux PEE est, ainsi, la première composante de l'environnement juridique des opérations. Il est régi conjointement par les articles L. 3332-1 (N° Lexbase : L1238H9Q) et suivants du Code du travail et la circulaire du 14 septembre 2005, relative à l'épargne salariale (N° Lexbase : L1463HDK). L'enveloppe fiscale qui le constitue prévoit que les sommes versées au salarié par l'entreprise sur un PEE échappent à l'impôt sur le revenu et aux charges sociales. Elles sont soumises, en revanche, à la CSG au taux de 8 % sur 97 % de leur montant pour le salarié. Par ailleurs, les plus-values réalisées sur le PEE ne supportent pas l'impôt sur le revenu même si elles demeurent soumises aux prélèvements sociaux (CSG et CRDS). Cette exonération, en revanche, ne peut être obtenue qu'après un investissement sur 5 ans, l'indisponibilité des sommes versées étant calculée à partir de la date de chaque versement. Ainsi, les actions ne peuvent être délivrées par l'entreprise au salarié qu'à l'issue de ce terme. Il existe, toutefois, des possibilités de déblocage anticipé dans neuf hypothèses tenant à la situation personnelle et sociale de l'investisseur dont, principalement, le départ de la société par le salarié pour quelque cause que ce soit.

Le mécanisme fiscal permet, de la sorte, de bloquer les fonds résultants de la souscription à l'augmentation de capital pendant 5 ans, offrant ainsi la sécurité d'un actionnariat stable, élément qui peut être déterminant de la politique d'une société cotée. Or, le projet de loi en faveur des revenus du travail du 8 août 2008 envisage d'offrir aux salariés la faculté de percevoir immédiatement les sommes susceptibles d'être investies dans une augmentation de capital. L'actuel article L. 3324-10 du Code du travail (N° Lexbase : L1344H9N), qui emporte dispositions sur "l'indisponibilité des droits des salariés" et qui prévoit que ces derniers "sont négociables ou exigibles à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de [leur] ouverture" serait, ainsi, réformé par l'article 2 du projet. Le premier alinéa de l'article serait complété par les mots : "sauf si le salarié demande le versement de tout ou partie des sommes correspondantes dans un délai fixé par décret".

S'agissant de l'économie du texte, les travaux préparatoires font ressortir la volonté du Gouvernement de faire en sorte que les salariés bénéficiaires de la participation ne soient plus tenus de placer celle-ci sur un plan d'épargne salariale pour une durée minimale de cinq ans, mais disposent de la faculté d'en obtenir le versement immédiat, sur demande, dans un court délai consécutif à la notification des droits. L'état actuel des débats fait présumer du maintien, dans ce cas, de l'imposition et de l'application du texte aux seuls droits à naître après son entrée en vigueur. La question se pose, alors, de l'attitude qu'adopteront les sociétés cotées confrontées, notamment, au risque, lorsqu'elles envisagent de réaliser une augmentation de capital réservée aux salariés, que l'émission soit insuffisamment souscrite.

L'augmentation de capital, elle-même, deuxième composante, du mécanisme consiste en une opération sensible, en particulier depuis les réformes introduites successivement par l'ordonnance du 24 juin 2004 (ordonnance n° 2004-604, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale N° Lexbase : L5052DZ7) et le décret du 10 février 2005 (décret n° 2005-112, modifiant le décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales et relatif aux valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales N° Lexbase : L5238G77). L'ordonnance, en premier lieu, a permis, sous réserve de l'obtention par les organes de direction d'une délégation accordée par l'assemblée générale des actionnaires, de permettre aux dirigeants de décider de l'augmentation de capital dans la limite d'un plafond fixé par l'assemblée. Cette délégation est subordonnée à la production d'un rapport du conseil d'administration ou du directoire. Elle a permis, par ailleurs, au titre de l'article L. 225-134, 1° du Code de commerce (N° Lexbase : L8390GQS) l'adaptation de l'augmentation de capital à la demande effective (1).

Le décret de 2005, en second lieu, impose d'introduction dans le rapport précité, d'un certain nombre de renseignements permettant d'éclairer l'assemblée générale sur les conditions de l'augmentation de capital. C'est pourquoi l'article 155 (alinéas 1er et 2) du décret de 1967 (décret n° 67-236 du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales N° Lexbase : L0729AYN, codifié dans la partie réglementaire du Code de commerce par le décret n° 2007-431 du 25 mars 2007, relatif à la partie réglementaire du Code de commerce N° Lexbase : L8082HUU) a été modifié (C. com., art. R. 225-116 N° Lexbase : L0251HZC). Il prévoit, d'abord, s'agissant de la fixation du prix dans le cas d'émission par appel public à l'épargne sans droit préférentiel de souscription (C. com., art. L. 225-136 N° Lexbase : L8393GQW) et, notamment, dans les hypothèses évoquées à l'article L. 225-138, I (N° Lexbase : L8394GQX) -qui concernent les augmentations réservées aux salariés-, que le rapport contient : "les modalités de placement des nouveaux titres de capital ou des nouvelles valeurs mobilières donnant accès au capital et, avec leur justification, le prix d'émission ou les modalités de sa détermination". Il établit, ensuite, qu'il doit préciser le nom des attributaires des nouveaux titres de capital ou des nouvelles valeurs mobilières donnant accès au capital, ou les caractéristiques des catégories de personnes, le nombre de titres attribués à chacun d'eux ou les modalités d'attribution des titres.

L'ensemble de ces dispositions appelle plusieurs remarques. La première tient à la faculté reconnue aux dirigeants bénéficiaires de la délégation d'adapter l'émission à la souscription et, notamment, de la limiter aux actions souscrites. La mesure, largement appelée des voeux des entreprises, semble laisser suffisamment de latitude aux émetteurs pour pallier le risque né d'un succès insuffisant de la souscription auprès des salariés. Toutefois, la possibilité de limitation de l'augmentation de capital a été largement encadrée par l'ordonnance de 2004 qui dispose, en vertu de l'article L. 225-134, 1° du Code de commerce, que l'augmentation de capital effective soit au minimum égal à 75 % de l'augmentation décidée. Ainsi, le texte permet à l'émetteur de se prémunir contre une insuffisance de souscription mais non contre un échec de l'augmentation de capital. Dans un contexte boursier troublé, les sociétés cotées risquent, alors, de souffrir de cette restriction. La seconde remarque tient à l'insuffisance de l'information légale car, si cette dernière est exhaustive quant à l'augmentation en elle-même, les aspects propres à l'investissement, et en particulier les précisions apportées aux salariés quant à la portée de leur placement et aux risques boursiers qui y sont attachés peuvent paraître largement en retrait par rapport aux renseignements qui sont fournis aux autres investisseurs.

La situation du marché, troisième et dernière composante, joue, donc, un rôle fondamental que le législateur semble avoir, sinon ignoré, du moins, peu pris en considération. Ainsi, les dispositions essentielles en la matière consistent en la fixation d'un prix d'émission en fonction du cours de bourse de l'action de la société cotée. Le prix de référence, retenu en l'espèce, est fixé à la moyenne des cours cotés des vingt séances de bourse précédant le jour de la décision de l'augmentation de capital. Les salariés peuvent, alors, bénéficier d'une décote de 20 % par rapport à cette référence, cette décote pouvant aller jusqu'à 30 % lorsque l'indisponibilité des avoirs détenus sur le PEE est d'au moins dix ans. En revanche, si les souscriptions sont réalisées en utilisant la réserve de participation, c'est le prix de référence qui doit être retenu. Le fonctionnement du marché peut, ainsi, dans l'hypothèse d'une baisse de l'action, constituer une contrainte majeure pour l'augmentation de capital réservée aux salariés. Alors précisément que, dans un contexte troublé, la société peut éprouver le besoin d'augmenter ses capitaux propres en recourant à un actionnariat stable, les perspectives négatives qu'offre le cours de l'action pourront, en effet, décourager les salariés d'investir dans leur entreprise.

II - Les difficultés à coordonner les aspects sociaux et fiscaux avec les contraintes liées au fonctionnement des sociétés et des marchés

Cet ensemble de considérations justifie le souci de l'AMF de mettre en oeuvre, par ses recommandations (A), un cadre infra-juridique (B) susceptible d'orienter l'action des sociétés cotées.

A - La mise en oeuvre des recommandations à l'encontre des sociétés cotées

C'est sur la base d'une étude des FCPE à effet de levier ayant obtenu leur agrément en 2007, que l'AMF a bâti sa recommandation du 7 octobre dernier, l'étude récapitulant des résolutions des assemblées générales, des notices d'information, des communiqués de presse et des comptes consolidés des sociétés émettrices. Au-delà de la diversité du degré d'information des salariés dans les opérations analysées, la recommandation s'appuie sur trois séries de remarques tenant successivement à l'information préalable du salarié, aux deux périodes de constitution et de sortie des plans, pour clore sur l'information périodique et les "normes" comptables applicables aux FCPE à levier.

Le premier volet, qui porte sur l'information préalable du salarié, établit, d'abord, la nécessité de préciser, dans la résolution établissant que les salariés se verront réserver l'augmentation de capital, le type de plan mis en place à cette occasion. Elle indique, ensuite, que, lorsque différentes enveloppes juridiques sont proposées (FCPE classique, à effet de levier ou attribution gratuite d'actions), des indications sur la répartition entre ces différentes enveloppes soient fournies. S'agissant des délégations éventuelles consenties par l'assemblée générale des actionnaires, l'AMF relève, enfin, que l'information sur la façon dont la délégation accordée peut être utilisée est "importante" pour la prise de décision des salariés et devrait, en conséquence, faire l'objet d'une communication ad hoc.

Il demeure que, l'ordonnance de 2004 précitée ayant accru la souplesse des augmentations de capital, pour prendre en considération les variations du marché, la mise en oeuvre de la délégation mérite d'être préservée, l'AMF distinguant, à cet égard deux situations :

- lorsque l'émetteur a connaissance de la façon dont la délégation sera utilisée, il est invité à préciser, dans son projet de résolution ou l'exposé des motifs, la nature des plans prévus et, en particulier, l'existence d'un effet de levier, le montant maximum de l'augmentation de capital et la décote envisagée ;
- lorsqu'il ne dispose pas, en revanche, de cette information, l'AMF recommande qu'il soit rappelé aux actionnaires la façon dont la délégation précédente a été utilisée, à la fois quant à la répartition entre les différentes enveloppes juridiques et quant à ses modalités précises. A ce titre mériteraient d'être indiqués, pour les FCPE à effet de levier, la maturité du plan, le prix de référence, le prix de souscription, la décote, le nombre total d'actions souscrites, le montant global souscrit et le montant souscrit par les salariés.

L'information du marché lors de la mise en place et de la sortie des plans constitue le deuxième volet de la recommandation, mais sur ce point, l'AMF ne fait que reprendre les termes d'un relevé de décisions d'octobre 2005 relatif aux FCPE à effet de levier (2). La publication en question soulevait deux problèmes majeurs susceptibles de se poser à l'occasion de la mise en oeuvre et de la sortie des fonds : d'une part, l'intervention des contreparties du contrat d'échange, susceptibles de "vendre à découvert les titres de l'émetteur afin de couvrir ses engagements vis-à-vis du FCPE", cette intervention devant se faire dans "le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur". L'existence de telles opérations devrait, en conséquence, être portée à la connaissance du public par l'émetteur si celles-ci devaient avoir une incidence sur les cotations.

D'autre part, lors de la clôture des FCPE, la cession des titres par l'autorité de gestion étant susceptible d'avoir un impact sur le marché, l'AMF -dans le relevé de décision précité de 2005-, souligne que "le débouclage des FCPE sur la base d'un cours moyenné" était de nature à faciliter le respect de ces dispositions.

Dans son texte l'AMF détaille, enfin, les opérations qui lui semblent nécessaires de mettre en oeuvre lorsque, à la différence du cas précité, la société émettrice ne souhaite pas mettre en place de mécanisme de liquidité (3).

L'information périodique, due par l'émetteur lors de la vie du fonds, forme le troisième et dernier volet de la recommandation. En effet, l'AMF rappelle, dans celle-ci, qu'elle avait déjà édicté une recommandation, à ce sujet, plus précisément le 4 décembre 2007, "en vue de l'arrêté des comptes 2007". C'est, ainsi, en prenant comme socle le communiqué du Conseil nationale de la comptabilité (CNC) du 7 février 2007, qui établissait les informations à fournir en annexe au titre des FCPE classiques (4), que l'AMF avait, à l'époque, dégagé des principes d'information comptable pour les FCPE à effet de levier ou les plans d'attribution gratuite d'actions dans le cadre d'un PEE. Or, la revue d'information des comptes fournis pour l'année 2007, vient de faire apparaître, selon l'autorité, la perfectibilité de la communication des sociétés émettrices. C'est ainsi, que, rappelant qu'en la matière les normes comptables en vigueur n'encadrent que les FCPE classiques et non les produits à levier, qui sont explicitement exclus du "communiqué du 21 décembre 2004" du CNC, l'AMF "juge utile" de souligner que la bonne information du marché impose le respect d'un certain nombre de principes. Ces derniers renvoient, essentiellement, à la précision, la pertinence et le caractère détaillé de l'information donnée au marché ainsi qu'aux hypothèses de valorisation de l'investissement réalisé (5).

B - Les effets à attendre de la recommandation

Si pendant longtemps, les deux catégories d'actes (6) que constituent les instructions et les recommandations (7) de la COB (8) ont suscité, en doctrine, nombre d'interrogations quant à leur valeur normative, cette dernière n'est plus contestée (9) depuis la modification de leur procédure (10) d'élaboration. La recommandation, désormais, a été élevée implicitement, par le législateur, au rang de texte interprétatif, dont on peut augurer qu'il est susceptible, de facto, de présenter la même valeur que le texte qu'il interprète s'il s'intègre aux dispositions d'origine. En l'espèce, la recommandation du 7 octobre 2008 semble, pourtant, présenter certaines ambiguïtés. La plus importante d'entre elle repose sur la valeur à accorder à un texte interprétatif qui propose une lecture d'une disposition qu'elle n'a pas le pouvoir de réformer.

Si le deuxième volet de la recommandation, qui évoque l'information du marché, peut présenter une réelle valeur interprétative puisqu'il se réfère expressément à un texte édicté par l'AMF, on est en droit de s'interroger sur la portée à donner au premier volet qui renvoie à la fois à des textes du droit des sociétés et du droit du travail. En effet, les domaines concernés relèvent de la compétence du Parlement, seul habilité, aux termes de l'article 34, alinéa 3, de la Constitution (11), à édicter des textes posant les principes relatifs au régime des obligations commerciales et du droit du travail. A supposer que, ne s'agissant plus des principes mais de la mise en oeuvre pratique des dispositions, un organe doté d'un pouvoir normatif puisse être compétent, on peut douter que l'AMF fasse partie de cette catégorie d'institution. La même réflexion s'impose quant au troisième volet, qui renvoie à la mise en oeuvre de normes comptables pour lesquelles l'AMF ne dispose pas de pouvoir réglementaire.

Ceci posé, il demeure que, en toute hypothèse, la recommandation de l'Autorité sera probablement respectée par les sociétés concernées. En effet, la doctrine, à une époque où la COB disposait de compétences normatives peu claires, avait évoqué sa "magistrature morale" (12) pour décrire le phénomène d'assujettissement des acteurs du marché à des textes, dont on savait, pourtant, qu'ils étaient dépourvus de valeur normative. Sans nul doute, si la recommandation de l'AMF du 7 octobre 2008 peut être analysée comme critiquable au plan formel, son efficacité matérielle se trouvera compensée par la position et l'autorité particulière dont l'institution dispose vis-à-vis de tous les acteurs du marché.


(1) L'article L. 225-134, 1° Code de commerce prévoit l'adaptation de l'augmentation de capital à la demande effective, sous réserve que l'augmentation de capital effective soit au minimum égal à 75 % de l'augmentation décidée. Le décret du 10 février 2005 fixe, lui, le montant maximal de l'augmentation à 15 % de l'émission initiale (décret n° 67-236, art. 154-4 nouveau ; aujourd'hui C. com., art. R. 228-40 N° Lexbase : L0350HZY), augmentation qui pourra être réalisée dans les trente jours de la date de clôture de la souscription, et ce, au même prix que celui de l'émission initiale.
(2) Revue mensuelle de l'AMF n° 18 d'octobre 2005, p. 1 à 4. Avec, notamment, les mentions suivantes : "Lors de la création d'un FCPE à effet de levier investi en titres de l'entreprise, la contrepartie peut être amenée à vendre à découvert les titres de l'émetteur afin de couvrir ses engagements vis-à-vis du FCPE. Cette intervention éventuelle doit se faire dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Par ailleurs, lors de la clôture d'un FCPE à effet de levier investi en titres de l'entreprise, la cession de ces titres par la société de gestion est susceptible d'avoir un impact sur le marché.
L'Autorité des marchés financiers rappelle aux sociétés de gestion et aux contreparties des opérations d'échange :
- qu'elles sont tenues à l'obligation de ne pas perturber le marché, aux termes du livre VI du règlement général de l'AMF et, s'agissant des sociétés de gestion, de l'article 321-194 du règlement général de l'AMF, selon lequel 'le prestataire doit promouvoir l'intérêt de ses mandants. A cet effet il doit exercer ses activités dans le respect de l'intégrité, la transparence et la sécurité du marché',
- qu'il est, en conséquence, nécessaire de tenir compte de cette obligation dans la structuration des opérations et qu'à cet égard le débouclage des FCPE sur la base d'un cours moyenné est de nature à faciliter le respect de ces dispositions
".
(3) Revue mensuelle de l'AMF n° 18 d'octobre 2005. L'AMF renvoyait, par ailleurs, à d'autres préconisations : "dans le cas où la société ne souhaite pas recourir à un mécanisme de liquidité, [...] la société de gestion doit être en mesure de justifier des dispositions prises afin de respecter cet article ; et les "sociétés émettrices des titres sous-jacents aux FCPE à effet de levier [...] doivent, conformément à l'article 223-25 du règlement général de l'AMF, porter à la connaissance du public par voie de communiqué dont elles s'assurent de la diffusion effective et intégrale :
- au cours de la période située entre la date de la réunion de l'organe social arrêtant la date de l'augmentation de capital et le début de la période de réservation, et, dans tous les cas, avant le début des opérations de couverture de la contrepartie du contrat d'échange, une information adaptée sur l'existence de ces opérations. Cette information doit notamment porter sur le nombre maximum de titres susceptibles d'être créés, les échéances des opérations et l'existence d'un effet de levier de nature à générer des interventions en couverture. L'information donnée au public doit également comporter l'indication des conditions d'exercice des droits de vote afférents aux titres émis au bénéfice de l'intermédiaire pour les besoins de l'effet de levier ;
- avant la clôture de l'opération, c'est-à-dire avant la cession des titres sur le marché par le FCPE, une information adaptée sur le débouclage de l'opération ainsi que sur la possibilité d'un impact sur le marché du titre. Toutefois, cette deuxième information n'est pas nécessaire lorsque le débouclage de l'opération se fait hors marché en raison, par exemple, de l'existence d'un mécanisme de liquidité
".
(4) Parmi les informations à fournir en annexe qui ont été énumérées par le CNC, on trouve notamment :
- le montant de la décote totale octroyée aux salariés par rapport au cours spot à la date d'octroi ;
- le nombre d'actions souscrites ;
- la méthode retenue pour la valorisation des clauses d'incessibilité ;
- la charge enregistrée au compte de résultat ;
- le cours comptant des titres à la date d'octroi (si la méthode CNC 2004 est suivie) ;
- le taux d'intérêt sans risque de référence à la date d'octroi ;
- le taux d'intérêt retenu pour calculer le coût de portage de l'achat des titres au comptant (choix du taux retenu et niveau de ce taux) ;
- le coût notionnel d'incessibilité des titres souscrits, exprimé en pourcentage du cours comptant des titres à la date d'octroi.
(5) La revue de l'information fournie au titre des comptes 2007 par l'échantillon d'émetteurs ayant mis en place un FCPE à effet de levier en 2007 montre que cette information demeure largement perfectible. Il apparaît, en particulier, que les informations figurant dans le communiqué du CNC de février 2007 sont rarement fournies. C'est pourquoi l'AMF juge utile de rappeler les points suivants :
"a. L'AMF note que le communiqué du CNC du 21 décembre 2004 s'applique aux FCPE classiques et exclut explicitement de son champ d'application les FCPE à effet de levier ;
b. L'AMF souligne l'importance de la qualité de l'information concernant les FCPE à effet de levier (IAS 1.121) ;
c. Il convient d'apprécier le caractère significatif de cette information au regard de son incidence possible sur le marché et pour les actionnaires ;
d. Dès lors que la mise en place de l'un de ces schémas est un événement considéré comme significatif, une information sur le traitement comptable retenu est fournie ;
e. L'information détaillée sur les caractéristiques de cette opération (maturité des plans, prix de référence, prix de souscription, décote, nombre d'actions souscrites, montant global souscrit) est intégrée dès publication des premiers comptes dotés d'une annexe (semestriels ou annuels) ;
f. Afin de tenir compte des caractéristiques des différents schémas (FCPE classique, à effet de levier ou attribution gratuite d'actions), l'information en annexe distingue la description fournie au titre des FCPE à effet de levier de celle présentée pour les autres produits ;

g. Lorsque tout ou partie des actions utilisées dans le cadre du plan provient d'actions déjà émises et détenues par l'émetteur, celles-ci sont identifiées de façon séparée au sein des informations décrivant les caractéristiques des plans ;
h. Les principales hypothèses de valorisation sont détaillées, conformément à la norme IAS1.122 et IAS1.125 ;
i. Pour apprécier l'incidence des hypothèses utilisées, l'annexe mentionne les trois informations suivantes pour chaque schéma mis en place : la charge brute totale évaluée avant décote pour incessibilité, la valorisation de ladite décote et la charge nette enregistrée au compte de résultat après déduction de la décote d'incessibilité
".
(6) C. mon. fin., art. L. 621-6 (N° Lexbase : L6277DIC).
(7) Certains auteurs y voyaient ainsi des "directives administratives dépourvues de pouvoir réglementaire" : L. Faugérolas, La nature juridique des actes administratifs pris par la Commission des opérations de bourse, Bulletin Joly, janvier 1987, § 12, n° 36.
(8) N. Decoopman, La commission des opérations de bourse, in La modernisation des activités financières, dir. Th. Bonneau, éd. Joly, 1996, n° 230, sous l'empire de la loi du 14 décembre 1985, si les règlements devaient être homologués par arrêté du ministre de l'Economie et des Finances (ordonnance du 28 septembre 1967, dans son ancienne rédaction, art. 4-1), "les instructions ainsi que les recommandations" ne faisaient l'objet, en revanche, d'aucune "formalisation", ce défaut d'habilitation permettait donc à la plupart des auteurs de conclure à l'absence de caractère obligatoire de ces dispositions (ibid., n° 240).
(9) A. Pietrancosta, Les dispenses de prospectus d'admission sont-elles légales, Bulletin Joly, septembre-octobre, 1998, p. 616 : "La COB n'est pas la délégataire primaire' de la faculté de dispense reconnue par les articles cité de la directive modifiée du 17 mars 1980, lesquels s'adressent exclusivement aux Etats membres'. Et le soin mis par le Conseil européen à distinguer lesdits Etats membres' des autorités' dites compétentes', c'est-à-dire chargées du contrôle des prospectus, rend vaine toute tentative d'assimilation ou d'extension".
(10) P. Aïdan, Droit des marchés financiers, réflexions sur les sources, Banque éditeur, 2001, préf. X. Boucobza, n° 109 : "Depuis la loi Maf, les instructions et recommandation constituent les instruments d'interprétation officiels de la COB et font l'objet d'une délibération spécifique : délibération du collège, transmission au ministère de l'économie et des finances, publication. Elles se voient donc encadrées par le législateur soucieux de faire produire certains effets juridiques à des actes interprétatifs de portée générale".
(11) Constitution de 1958, art. 34, al. 3 (N° Lexbase : L1294A9S). 
(12) M. Guillaumme-Hofnoung, Les actes juridiques de la COB, AJDA, 1982, p. 683.

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Le 07 Octobre 2010

Comundi organise, le mardi 18 novembre 2008, une journée d'étude consacrée à l'actualité et aux perspectives du contentieux des contrats publics. Le contentieux des contrats publics connaît depuis quelques années un développement considérable dont les implications doivent être prises en compte aussi bien par les juristes que par les opérationnels. Le référé précontractuel tient à cet égard une place de choix, mais plus largement, au-delà des marchés publics et délégations de service public sont concernés d'autres contrats importants économiquement, et qui sont loin d'être exempts du risque contentieux. C'est à une appréhension globale et actuelle des contentieux des contrats économiques publics qu'est consacrée cette journée d'étude.
  • Thèmes abordés

- Les problèmes de qualification de contrats et leurs conséquences
- Peut-on parler d'excès du référé précontractuel ?
- La révolution de l'arrêt "Tropic Travaux" (CE Assemblée, 16 juillet 2007, n° 291545, Société Tropic travaux signalisation N° Lexbase : A4715DXW)
- Le passé et l'avenir des concessions d'aménagement
- Contrats publics et contentieux de la concurrence

  • Intervenants

- Etienne Fatôme, Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
- Alain Menemenis, Conseiller d'Etat, Président de sous-section, Professeur associé à l'Université Paris II (Panthéon-Assas)
- Laurent Richer, Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), Avocat au Barreau de Paris
- Marc Richer, Avocat au Barreau de Paris

  • Date

Mardi 18 novembre 2008
9h00 - 18h00

  • Lieu

Paris

  • Tarif

870 euros HT (1040,52 euros TTC)

  • Renseignements

Catherine Godfroy
cgodfroy@reedbusiness.fr

newsid:334974

Sécurité sociale

[Jurisprudence] L'obligation d'information des assurés sociaux : combler les lacunes de la loi du 21 août 2003

Réf. : Cass. civ. 2, 16 octobre 2008, 2 arrêts, n° 07-16.890, Mme Jacqueline Plancke, F-P+B (N° Lexbase : A8057EAN) et n° 07-18.493, Caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, F-P+B (N° Lexbase : A8100EAA)

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N4929BHZ

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Le droit à l'information des assurés sociaux, et spécialement des futurs retraités, n'en finit pas d'alimenter débats, travaux parlementaires et développements judiciaires. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu, le 16 octobre 2008, deux arrêts, rappelant que la charge de la preuve pèse sur la caisse de retraite et non le salarié, futur retraité (pourvoi n° 07-16.890) (1) et ouvrant ce droit à l'information aux assurés sociaux autres que les futurs retraités (pourvoi n° 07-18.493) (2). Au même moment, des travaux parlementaires ont été rendus publics (3), prolongeant des réflexions menées en 2007 (4). La loi du 21 août 2003 (loi n° 2003-775, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM) a voulu définir une véritable nouvelle mission de service public : l'information, par un document unique et global, de tout assuré sur sa situation individuelle au regard des droits à pension de retraite qu'il a accumulés et sur l'estimation de ses droits futurs au moment choisi de son départ en retraite. La jurisprudence développée par la Cour de cassation (arrêts rapportés) souligne clairement les insuffisances et les lacunes de la loi s'agissant des futurs retraités et, surtout, la nécessité de reconnaître un droit à l'information aux autres assurés sociaux que les retraités.
Résumés

Pourvoi n° 07-16.890 : en application de l'article L. 815-6, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8690GQW), les caisses de retraite sont tenues d'adresser à leurs adhérents, au moment de la liquidation de l'avantage vieillesse, toutes les informations relatives aux conditions d'attribution de l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité et aux procédures de récupération auxquelles les allocations du fonds donnent lieu. Il appartient à la caisse et non à une assurée sociale, de rapporter la preuve de ce qu'elle avait rempli cette obligation.

Pourvoi n° 07-18.493 : saisie par un assuré social d'une demande d'indemnisation de son congé de paternité, une caisse de Sécurité sociale avait refusé, au motif que son épouse avait accouché d'un enfant sans vie, la Cour de cassation a validé la condamnation des premiers juges à réparer le préjudice subi par l'assuré social du fait d'un manquement de la Caisse à son obligation d'information.

Commentaire

I - L'affirmation d'un droit à l'information des assurés sociaux

A - Champ d'application

  • Retraites

La reconnaissance d'un droit à l'information revêt une dimension particulière pour les futurs retraités. Les objectifs poursuivis par la loi du 21 août 2003 étaient de permettre aux assurés de préparer leur retraite et de les sensibiliser aux mécanismes de l'assurance vieillesse, aux possibilités de modulation des départs en retraite et aux offres d'assurances facultatives supplémentaires (qu'elles soient individuelles ou collectives). Ce droit à être informé a, ainsi, été consacré par le législateur (loi du 21 août 2003, art. 10 ; CSS, art. L. 161-17 N° Lexbase : L7738DKS) et mis en oeuvre à compter de 2007, en application du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 (décret relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L0470HKM) (arrêté du 11 juillet 2007 N° Lexbase : L0410HYT, pris pour l'application du II de l'article D. 161-2-1-6 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L9633HN4).

  • Autres assurances sociales : le congé paternité

Par l'arrêt rapporté (pourvoi n° 07-18.493), la Cour de cassation admet que le droit à l'information, certes consacré légalement pour les futurs retraités, peut être reconnu à d'autres assurés sociaux, bénéficiaires d'autres prestations sociales. Saisie par un assuré social d'une demande d'indemnisation de son congé de paternité, une caisse de Sécurité sociale l'avait refusé, au motif que son épouse avait accouché d'un enfant sans vie. La Cour de cassation a validé la condamnation des premiers juges à réparer le préjudice subi par l'assuré social du fait d'un manquement de la Caisse à son obligation d'information.

  • Pension de réversion

La jurisprudence n'a pas, à ce jour, admis les bénéficiaires d'une pension de réversion parmi les créanciers d'un droit à être informé (5). En l'espèce, pour accueillir la demande de Mme R., l'arrêt attaqué retient qu'elle dispose d'un droit personnel et reconnu à l'égard de la Caisse et que cette dernière a manqué à l'obligation d'information que lui impose ce texte en faveur de ses ressortissants. Mais, selon la Cour de cassation, l'article L. 161-17 du Code de la Sécurité sociale n'impose d'obligations aux Caisses de retraite qu'à l'égard de leurs ressortissants : le bénéficiaire éventuel d'une pension de réversion n'a pas cette qualité. Il ne faut donc pas se méprendre sur la portée de cet arrêt, qui refuse d'assimiler bénéficiaires d'une pension de réversion et futurs retraités, au regard du droit à être informé, au sens de l'article L. 161-17 du Code de la Sécurité sociale : la Cour n'exclut pas, en tant que tels, les bénéficiaires d'une pension de réversion.

Le champ d'application de ce droit à être informé au profit des assurés sociaux présente donc, à ce jour, un bilan modeste (futurs retraités, bénéficiaires d'un congé paternité), mais non négligeable. Ce droit à être informé doit être mis en perspective avec sa reconnaissance au profit du malade, objet d'un consensus judiciaire aussi bien du Conseil d'Etat que de la Cour de cassation (6) ou, enfin, du salarié (7).

B - Définition du débiteur et du créancier de l'obligation d'information

  • Définition du débiteur

Le débiteur de l'obligation d'information est identifié par sa proximité avec l'assuré social, relation de proximité qui, a priori, permet d'assurer dans les meilleurs conditions ce droit à l'information. La jurisprudence fait de cette observation une ligne directrice, mais pas une règle pourvue d'une quelconque normativité. Pragmatique, la Cour de cassation admet qu'il résulte des articles L. 222-1 (N° Lexbase : L7691DK3) et R. 222-1 (N° Lexbase : L1539GUK) du Code de la Sécurité sociale, que la Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui coordonne et contrôle, par l'intermédiaire des caisses régionales d'assurance maladie, la gestion de l'assurance veuvage, notamment, en ce qui concerne les modalités de liquidation des droits et le paiement des prestations, n'est pas un tiers par rapport à ces organismes. Caractérise une faute de la Caisse nationale d'assurance vieillesse de nature à engager la responsabilité de la caisse régionale d'assurance maladie l'arrêt qui relève que les renseignements donnés par la caisse nationale à la suite du courrier adressé par le fils de l'assurée avaient conduit cette dernière à déposer tardivement sa demande d'allocation de veuvage, la privant, ainsi, du bénéfice de cette prestation dans des conditions qu'elle n'avait pu prévoir (8).

  • Définition du créancier

Les créanciers d'un droit à être informés sont identifiés par la loi (futurs assurés sociaux, CSS, art. L. 161-17), mais, surtout, par la jurisprudence : assuré social demandant le bénéfice d'un congé de paternité (arrêt rapporté, pourvoi n° 07-18.493).

Un assuré social dispose d'un droit personnel et reconnu à l'égard de la caisse en matière d'information : mais, selon la Cour de cassation, l'article L. 161-17 du Code de la Sécurité sociale n'impose d'obligations aux caisses de retraite qu'à l'égard de leurs ressortissants : or, le bénéficiaire éventuel d'une pension de réversion n'a pas cette qualité (Cass. soc., 26 avril 2001, n° 99-18.548, Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) c/ Mme Christiane Renaudineau N° Lexbase : A2927ATL, Bull. civ. V, n° 140, p. 109).

C - Etendue et nature de l'obligation d'information

  • Les caisses de Sécurité sociale sont tenues d'une obligation d'information, en matière d'assurances vieillesse et de congé paternité

S'inspirant du droit commun de la responsabilité civile, singulièrement, de la responsabilité contractuelle, faut-il élargir cette obligation d'information à une obligation de conseil ? La jurisprudence paraît l'admettre (9). La Sécurité sociale avait été instituée pour assurer les individus contre les conséquences financières de certains risques et, notamment, la vieillesse, par l'intermédiaire d'organismes gestionnaires, qui, dans l'exercice de leur mission, sont tenus d'un devoir de conseil. En l'espèce, l'arrêt attaqué (pourvoi n° 07-16.890) retient, à bon droit, que la caisse régionale d'assurance maladie, en ne réclamant pas le solde de cotisations avant la date limite, avait, eu égard aux conséquences résultant de l'expiration de ce délai, manqué à son devoir de conseil. La cour d'appel, qui a souverainement apprécié le mode de réparation du préjudice qui en résultait, en a exactement déduit que la Caisse ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article R. 742-39, alinéa 3, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6060ADS), au non-respect duquel sa carence avait concouru.

  • Appréciation judiciaire

En 1992, la Cour de cassation retenait une conception restrictive de cette obligation d'information qu'un organisme de protection sociale doit à ses affiliés (10). Pour condamner la CAIRVP à payer à M. P. des dommages-intérêts, en réparation du préjudice qu'il aurait subi résultant de la privation de l'avantage dont son épouse aurait pu bénéficier depuis qu'elle a atteint l'âge de 65 ans, les juges du fond avaient énoncé que la caisse avait failli à son obligation d'information personnalisée. L'arrêt était, pourtant, cassé par la Cour de cassation, alors que le droit positif alors en vigueur ne mettait à la charge des caisses qu'une information de ses affiliés ressortissants à titre de renseignement, sans prévoir l'individualisation de celle-ci. Cette information périodique avait eu lieu par voie de presse interne, ce qui, pour la Cour de cassation, était suffisant. On sait que la Haute juridiction a beaucoup évolué sur cette question, comme en témoignent les deux arrêts rapportés.

  • Une obligation sous le contrôle des juges

Deux arrêts récents rendent compte de la dimension judiciaire du droit, pour un assuré social, à être informé par un organisme de protection sociale. Un premier arrêt montre que les juges du fond restent souverains quant à leur appréciation (11). Après avoir relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la caisse déclarait qu'elle faisait parvenir systématiquement à ses adhérents une brochure d'information, l'arrêt retient que, par lettre du 5 octobre 2000, une assurée sociale avait indiqué à la caisse qu'"il ne s'agit pas de l'allocation supplémentaire mais du complément de retraite". De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'assurée sociale avait été informée de ses droits éventuels à l'allocation.

Le second arrêt souligne que le contrôle judiciaire de l'obligation d'information ne conduit pas nécessairement au prononcé d'une sanction (12). Si, selon l'article L. 161-17 du Code de la Sécurité sociale, les organismes d'assurance vieillesse sont tenus d'adresser périodiquement à leurs affiliés les informations nécessaires à la vérification de leur situation au regard des régimes dont ils relèvent, cette obligation d'information ne peut être étendue au delà des prévisions de ce texte. La caisse avait adressé à l'assurée sociale, en décembre 1998 et en juillet et août 2000, des relevés de compte mentionnant l'absence d'activité non salariée agricole et de versement de cotisations pour la période 1964-1972, sans que l'intéressée ne formule aucune contestation. Celle-ci n'a fait état, dans sa demande de pension, d'aucune activité d'aide familiale pour la même période. La cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que, n'ayant pas été informée de l'activité exercée par l'intéressée pendant la période litigieuse, la caisse n'avait pas manqué à son obligation d'information.

II - Mise en oeuvre de l'obligation d'informer les assurés sociaux

A - Régime légal (branche assurance vieillesse)

Ce droit général à l'information, au profit des futurs retraités, est devenu impératif pour les raisons suivantes (13) :

- les assurés sont, désormais, conduits à avoir une mobilité professionnelle qui entraîne de plus en plus fréquemment des changements de régime d'affiliation au cours de leur carrière professionnelle, ce qui complexifie le calcul des droits à pension sur le long terme ;

- la généralisation progressive des régimes complémentaires obligatoires a accru la complexité de la détermination des droits globaux pour les assurés, d'autant plus qu'ils reposent sur des modes de calcul très différents par rapport aux principaux régimes de base ;

- l'étanchéité de la gestion, par trente-huit organismes en 2003, des principaux régimes de retraite français et leur autonomie (hors les régimes alignés sur le régime général), qui imposaient de recueillir des renseignements régime par régime, rendent inextricable le calcul par l'assuré de ses droits globaux lorsque sa carrière l'a conduit à passer d'un régime à un autre ; un mécanisme assurant la coordination de ces organismes doit pouvoir effacer, pour l'assuré, la complexité du recueil des informations et des mécanismes de calcul de ses droits à pension de retraite ;

- les possibilités nouvelles pour l'assuré de définir un départ en retraite avancé ou retardé introduit une variable importante et difficilement évaluable par l'assuré pour l'estimation de ses droits globaux au moment de son départ à la retraite ;

- l'instauration des règles de décote et de surcote par la loi du 21 août 2003 rend très complexe, pour les assurés, le calcul de leurs droits globaux à pension de retraite ;

- les nouvelles règles de l'assurance vieillesse tendent à faire de l'assuré un acteur de la constitution de ses droits à pension grâce aux nouveaux avantages d'épargne retraite et à ses possibilités d'avancement ou de retard de son départ en retraite : il devient indispensable, pour qu'il puisse exercer pleinement les nouvelles facilités offertes par la loi, de lui fournir tous les éléments de nature à lui permettre de prendre ses décisions : l'assuré ne saurait plus être l'individu passif face aux caisses de retraite qui consentaient à donner, au moment où elles le jugeaient propice, c'est-à-dire très tardivement, à l'approche de la retraite, les informations sur leur situation individuelle.

Les travaux parlementaires ont dessiné les perspectives d'amélioration de l'information des futurs retraités en formulant certaines propositions (14) :

- faire évoluer le système vers un droit à l'information quérable et dématérialiser la fourniture de l'information : à l'ère d'internet, les assurés devraient pouvoir consulter leur situation de carrière sur un compte mis en ligne, voire commandé (à partir de 55 ans) une estimation indicative globale consultable en ligne ;

- fournir une information sur le montant des droits à pension accumulés et une estimation du montant de la pension pouvant être obtenue à l'âge légal de départ en retraite. Cette information est déterminante pour la sensibilisation des assurés sur leur retraite. Ce type d'information devrait être fourni le plus tôt possible (y compris avant l'âge de 30 ou 40 ans) car il présente un caractère pédagogique fort, même si l'estimation des droits à l'âge de départ à la retraite repose sur des hypothèses de calcul théoriques et ne peut pas prendre en compte de nombreux droits non contributifs. Ce chiffrage est, néanmoins, parlant, car il constitue une indication (et la seule disponible pour les assurés) d'un montant de pension minimal liquidable, basée sur l'hypothèse d'un maintien jusqu'à l'âge de la retraite du dernier salaire annuel déclaré (15). L'utilité de cette information est d'autant plus grande qu'une épargne retraite n'est intéressante que si elle est constituée sur plus de vingt ans ;

- renforcer l'information sur l'existence des dispositions législatives et réglementaires relatives aux régimes d'assurance supplémentaire et sur les assurances personnelles d'épargne retraite : le dispositif actuel d'information ne dit rien de l'existence de ces dispositifs facultatifs ; une information sur leur statut légal et leur régime fiscal pourrait être utile.

B - Sanctions pour défaut d'information

  • Charge de la preuve

En 2000, la Cour de cassation a admis que les Caisses sont tenues, à l'égard des assurés sociaux, d'un devoir d'information. Si une Caisse ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle lui a rappelé, avant l'expiration du délai, elle doit supporter les conséquences attachées à sa méconnaissance (Cass. soc., 12 octobre 2000, n° 98-15.831, M. Zappellini c/ Caisse nationale d'assurance vieillesse et autre N° Lexbase : A7663AHB, Bull. civ. V, n° 324). Dans un sens plus définitif, en 2003, la Cour de cassation a retenu le principe selon lequel il incombe à la Caisse régionale d'assurance maladie de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation d'information des assurés (16). Enfin, en 2007, la Cour de cassation a réaffirmé la solution (17). Il résultait de ses énonciations qu'un assuré social avait interrogé la caisse en mars 1999 sur les conditions d'ouverture de ses droits à l'âge de 60 ans, de sorte qu'il appartenait à cet organisme social de justifier qu'à la suite de cette demande, il avait rempli son obligation d'information et, notamment, renseigné l'assuré sur la nécessité de cesser son activité à la date indiquée.

  • Réparation du préjudice

Le régime de la réparation n'emprunte à aucune technique particulière au droit de la Sécurité sociale, mais obéit au droit commun fixé par le Code civil. Le juge apprécie souverainement la nature de la faute commise par une caisse de Sécurité sociale et en fixe la réparation (en l'espèce, une Caisse avait manqué à son obligation d'information et a souverainement fixé les modalités de réparation des conséquences de cette faute (18)).

La technique de la réparation, fondée sur la perte d'une chance, aurait pleinement vocation à s'appliquer, s'agissant des rapports caisse de Sécurité sociale/assuré social, dans l'hypothèse où précisément, l'assuré social pourrait invoquer la perte d'une chance de bénéficier d'une prestation sociale, faute d'avoir été informé correctement par une Caisse.

Les solutions admises par la Cour de cassation, en matière précontractuelle, notamment, en matière médicale (19), méritent toute l'attention, en ce qu'elles pourraient être transposées. Mais l'assuré social devra prendre garde à ce que le régime de la réparation diffère sur certains points de celui du droit commun de la réparation fondée sur la faute, notamment, au regard de la charge de la preuve, qui pèse sur le demandeur (20).


(1) Une assurée sociale s'était pourvue contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2005 par la cour d'appel de Paris (CA Paris, 18ème ch., sect. B, 7 décembre 2005, n° 02/43138, Mme Jacqueline Plancke c/ Organic 56 N° Lexbase : A6883DPM) : pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la future retraitée, la cour d'appel faisait valoir que la caisse ne l'avait pas informée de ses droits à l'allocation, l'intéressée ne justifiant aucunement du manquement de la caisse à son devoir d'information. Au contraire, pour la Cour de cassation, il appartenait à la caisse et non à l'intéressée de rapporter la preuve de ce qu'elle avait rempli cette obligation (pourvoi n° 07-16.890).
(2) La seconde affaire était plus originale (pourvoi n° 07-18.493). Une CPAM s'est pourvue contre le jugement rendu le 18 juin 2007 par le tribunal des affaires de Sécurité sociale d'Agen, dans le litige l'opposant à M. R.. La CPAM, saisie par M. R. d'une demande d'indemnisation de son congé de paternité, l'a refusé, au motif que son épouse avait accouché d'un enfant sans vie. M. R., qui affirme s'être informé de ses droits auprès de la permanence de la caisse, a pu être mal renseigné. Un courrier de son employeur indique que la caisse lui a confirmé le droit de son salarié à un congé de paternité si l'enfant avait été inscrit à l'état civil. En ces deux occasions, la caisse a indiqué que M. R. avait droit au congé de paternité et donc au remboursement des indemnités journalières versées à ce titre. L'intéressé a formulé une demande implicite d'indemnisation, au motif que la caisse a failli à son obligation d'information et, surtout, que, en raison d'une mauvaise information de la part de la caisse, celui-ci a pris un congé qui n'a pas été indemnisé. La Cour de cassation confirme le jugement rendu par le TASS, selon lequel la faute de la caisse avait entraîné, pour l'intéressé, un préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts.
(3) D. Jacquat, Rapport Assemblée Nationale, rapport d'information sur le rendez-vous de 2008 sur les retraites, n° 1152, 8 octobre 2008.
(4) D. Jacquat, Rapport Assemblée nationale n° 295, tome 4, 17 octobre 2007, p. 17 à 52 : étude particulière du rapporteur pour l'assurance vieillesse dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008. V., aussi, nos obs., L'information des futurs retraités : une mise en perspective du Conseil d'orientation des retraites, Lexbase Hebdo n° 127 du 30 juin 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2127ABE).
(5) Cass. soc., 26 avril 2001, n° 99-18.548, Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) c/ Mme Christiane Renaudineau (N° Lexbase : A2927ATL), Bull. civ. V, n° 140, p. 109 et nos obs., L'information des futurs retraités : une mise en perspective du Conseil d'orientation des retraites, préc..
(6) D. Dendoncker, L'obligation d'information médicale devant le juge administratif et le juge judiciaire, RRJ, 2001, p. 1031 ; C. Guettier, L'obligation d'information des patients par le médecin, RCA, 2002, chron. n° 12 ; N. Albert, Obligation d'information médicale et responsabilité, RFDA, 2003, p. 353 ; S. Boussard, Comment sanctionner la violation du droit à l'information de l'usager du système de santé, RDP, 2004, p. 169.
(7) A. Barège, L'éthique et le rapport de travail, préf. B. Bossu, LGDJ, Bibliothèque de droit social, t. 47, 2008, n° 433-440 ; nos obs., Conclusion d'une convention AS-FNE : étendue de l'obligation d'information de l'employeur, Lexbase Hebdo n° 322 du 16 octobre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4758BHP).
(8) Cass. soc., 19 juillet 2001, n° 00-11.699, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) Nord Picardie c/ Mme Zohra Ouldi Benameur (N° Lexbase : A2308AUZ), Bull. civ. V, n° 281.
(9) Cass. soc., 5 novembre 1999, n° 98-11.633, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) du Sud-Est c/ Mme Andrée Bartoli (N° Lexbase : A8975AGI).
(10) Cass. soc., 30 janvier 1992, n° 89-19.169, CAIRVP c/ Perdreau (N° Lexbase : A2031AGC).
(11) Cass. civ. 2, 7 février 2008, n° 06-21.356, Mme Jacqueline Plancke, F-D (N° Lexbase : A7231D4L).
(12) Cass. civ. 2, 21 février 2008, n° 07-11.806, Mme Christiane Dunogue, épouse Claderes, F-D (N° Lexbase : A0645D7Z).
(13) D. Jacquat, Rapport Assemblée nationale n° 295, tome 4, 17 octobre 2007, préc..
(14) D. Jacquat, Rapport Assemblée Nationale, n° 1152, 8 octobre 2008, préc..
(15) L'assuré dispose, en Allemagne, dès l'âge de 27 ans puis chaque année, d'une estimation minimale de ses droits à pension de retraite compte tenu de la moyenne de ses revenus et cotisations en cours. V. D. Jacquat, Rapport Assemblée nationale n° 295, tome 4, préc..
(16) Cass. soc., 6 mars 2003, n° 01-20.840, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) de Normandie c/ Mme Françoise Gaillardon, F-D (N° Lexbase : A3725A74). En l'espèce, à la suite de la demande formulée le 21 février 1997 par Mme X, la Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) a liquidé sa pension vieillesse au taux minoré de 25 %, avec effet au 1er juin 1997 ; cet organisme a refusé de reporter la liquidation des droits de l'assurée à son soixante cinquième anniversaire, date à laquelle elle devait bénéficier d'un taux de 50 %. La cour d'appel de Caen, dans un arrêt du 19 avril 2001, a accueilli le recours de Mme X. fondé sur l'inexécution par la caisse de son devoir d'information et jugé que l'assurée pourra demander la révision de sa pension.
(17) Cass. civ. 2, 20 juin 2007, n° 06-14.956, M. Gérard Eyquem, F-D (N° Lexbase : A8779DW3).
(18) Cass. civ. 2, 25 mai 2004, n° 02-30.997, Société Cipav c/ M. J. Dubossage, FS-P+B (N° Lexbase : A2760DC9) et nos obs., L'obligation d'information des futurs retraités à la charge du régime d'assurance vieillesse, Lexbase Hebdo n° 124 du 9 juin 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1892ABP).
(19) Par. ex., Cass. civ. 1, 7 décembre 2004, n° 02-10.957, M. Pierre Pazat c/ Mme Martine Julienne, épouse Huet, F-P+B (N° Lexbase : A3421DEG), Bull. civ. I, n° 302 ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-19.301, Mme Jeanne Champarnaud, épouse Larénaudie, FS-P+B (N° Lexbase : A0359D3P), Bull. civ. I, n° 380.
(20) Cass. civ. 1, 13 novembre 2002, n° 01-00.377, Mme Edith Legros, épouse Riallant c/ M. Francis Duval, FS-P+B (N° Lexbase : A7151A3A), Bull. civ. I, n° 238.

Décisions

1° Cass. civ. 2, 16 octobre 2008, n° 07-16.890, Mme Jacqueline Plancke, F-P+B (N° Lexbase : A8057EAN)

Cassation partielle, CA Paris, 18ème ch., sect. B, 7 décembre 2005, n° 02/43138, Mme Jacqueline Plancke c/ Organic 56 (N° Lexbase : A6883DPM)

Texte visé : CSS, art. L. 815-6 (N° Lexbase : L8690GQW)

Mots clés : devoir d'information des caisses de retraite ; allocation supplémentaire ; preuve.

Lien base : (N° Lexbase : E4052AC3)

2° Cass. civ. 2, 16 octobre 2008, n° 07-18.493, Caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, F-P+B (N° Lexbase : A8100EAA)

Rejet, TASS Agen, 18 juin 2007

Mots clés : demande d'indemnisation de congé de paternité ; refus ; obligation d'information de la Caisse.

Lien base :

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