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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
Bien entendu, c'est le premier volet, sur la rétention de sûreté, qui divise plus volontiers l'opinion. "Les fondements de notre justice sont atteints. Que devient la présomption d'innocence, quand on est le présumé coupable potentiel d'un crime virtuel ?", s'interroge Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux et ancien président du Conseil constitutionnel. Comme le rappellent le Conseil national des barreaux, la Conférence des Bâtonniers, le Barreau de Paris et l'Union Syndicale des Magistrats, il appartient au législateur de concilier, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Or, cette dialectique entre liberté et sécurité est au coeur de la discussion instaurée sur la loi relative à la rétention de sûreté. Et les responsables les plus éminents du monde juridique, plus soucieux de l'Etat de droit que de l'état d'âme, précisent, rien de moins, que cette loi rompt des équilibres constitutionnellement établis en ce qui concerne les droits et les libertés et remet en cause les principes et la philosophie sur lesquels sont fondés le droit et la procédure pénale. Ils notent, au passage, qu'elle intervient deux ans après la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, onze mois après la promulgation de la loi du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, dont certaines dispositions traitent de la récidive, et six mois après la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, et cherchent désespérément la cohérence juridique d'un tel arsenal.
Pour aller à l'essentiel, rappelons que la rétention de sûreté s'applique, au jour où elle est prononcée, à une personne n'ayant commis aucun fait défini comme un crime ou un délit par la loi et pour lequel elle pourrait être déclarée coupable au terme d'un procès équitable et contradictoire. "La méfiance est la mère de la sûreté" versifiait Jean de La Fontaine, dans sa fable Le Chat et un vieux rat. Dans ces conditions, pour la plupart des auteurs, la rétention de sûreté est une peine privative de liberté, une sanction pénale. Et en tant que sanction privative de liberté appliquée à une infraction inexistante, la rétention de sûreté serait contraire à la Constitution. Pourtant les Sages de la rue de Montpensier, Gardiens du Temple de la Liberté et de l'orthodoxie constitutionnelle, n'y auront vu qu'une simple mesure de sûreté, dont la seule rétroactivité peut être condamnée aux yeux, ou plutôt à la lecture, du préambule constitutionnel. Balayé l'argument selon lequel la rétention de sûreté ne répondrait pas aux exigences de clarté, d'intelligibilité et de précision de la loi destinées à exclure l'arbitraire. Balayé celui aux termes duquel la rétention de sûreté méconnaîtrait le principe de la légalité des délits et des peines. Ecarté le moyen selon lequel la rétention de sûreté méconnaîtrait le principe de nécessité et de proportionnalité des peines ou celui selon lequel la rétention de sûreté ne respecte pas le principe de la présomption d'innocence. Pour le Conseil, la rétention de sûreté respecterait le principe de la responsabilité individuelle en matière pénale. En revanche, la loi est contraire au principe de non rétroactivité de la loi pénale, seule censure du Conseil. D'aucuns auront noté avec circonspection, comme Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, que la rétention de sûreté n'est donc pas une sanction pénale, mais qu'elle méconnaît tout de même le principe de non rétroactivité des sanctions pénales ! Enfin, dispositif inspiré directement d'une mesure allemande, prise pour la première fois en 1933, et de l'ancienne relégation qui instaurait une peine complémentaire obligatoire pour les multirécidivistes consistant dans l'internement perpétuel réalisé par la transportation en Guyane ou en Nouvelle Calédonie, la rétention de sûreté a du mal à présenter une filiation respectable.
Dernier acte : un recours devant la Cour européenne ; tous les spécialistes s'accordent à prévoir la censure définitive de la mesure de rétention pour contrariété avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Rendez-vous donc dans 15 ans, première application de la loi.
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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N9554BEL
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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
I - Les difficultés liées à la connaissance par l'employeur des fonctions de conseiller prud'homme
Les conseillers prud'hommes appartiennent à cette catégorie de salariés que l'on dénomme, parfois, les "salariés protégés". En raison de leur mandat électif de représentation des salariés, il a été nécessaire d'aménager différents éléments de leur relation de travail. Ainsi bénéficient-t-ils, par exemple, de crédits d'heure afin de mener à bien leur mission. Il a, également, été nécessaire de rendre effective leur indépendance vis-à-vis de l'employeur. C'est pour cette raison que leur licenciement bénéficie d'un régime exorbitant et protecteur.
Ainsi, l'article L. 514-2 du Code du travail (N° Lexbase : L9624GQI, art. L. 1442-19, recod. N° Lexbase : L0349HX9 et art. L. 2411-22, recod. N° Lexbase : L1040HXS) prévoit que le salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du Code du travail (N° Lexbase : L0040HDT, art. L. 2421-1 et s., recod. N° Lexbase : L1056HXE). A titre principal, l'employeur ne peut prononcer le licenciement d'un conseiller prud'homme sans en avoir obtenu l'autorisation auprès de l'inspection du travail. Cette protection est étendue aux candidats aux fonctions de conseillers prud'hommes, ainsi qu'aux anciens conseillers pour une durée de six mois après l'expiration de leur mandat. Le non-respect par l'employeur de cette procédure est, on le sait, lourde de conséquences, puisque le licenciement sera annulé, le salarié pourra être réintégré et il devra percevoir une indemnisation couvrant les rémunérations qu'il n'aura pas perçue du fait de l'interruption temporaire de son travail.
En outre, l'atteinte "à la libre désignation des candidats à l'élection des conseillers prud'hommes [...], à l'indépendance ou à l'exercice régulier des fonctions de conseiller prud'homme" constitue un délit incriminé à l'article L. 531-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7239DYR, art. L. 1443-3, recod. N° Lexbase : L0352HXC).
Ces protections, certes justifiées, peuvent donc emporter de lourdes conséquences pour l'employeur malveillant ou négligeant. Il paraît, par conséquent, tout à fait essentiel que celui-ci soit parfaitement en mesure d'être informé de l'existence de tels types de mandats parmi les salariés de l'entreprise.
Or, et c'est sur ce point que la Cour de cassation entend attirer l'attention du législateur, cette information n'étant pas toujours très accessible. L'information est principalement locale.
S'agissant des candidats aux élections, l'employeur se voit notifier leur candidature, si bien que la connaissance de celle-ci ne devrait pas faire difficulté. Il en va, cependant, autrement lorsque le salarié, récemment engagé, était candidat aux élections alors qu'il était salarié d'une autre entreprise. Dans cette hypothèse, la seule manière pour l'employeur d'être informé de cette candidature réside dans la consultation des listes de candidatures déposées au préfet en application de l'article L. 513-3-1 du Code du travail (N° Lexbase : L4250HWC, art. L. 1441-22 et s., recod. [LXB=L0312HXT)]. Compte tenu du nombre de préfectures, cet effort de renseignement peut s'avérer conséquent.
Le problème se pose dans des termes relativement semblables s'agissant de conseillers prud'hommes élus. Si le salarié était déjà dans l'entreprise au moment de son élection, l'information de l'employeur ne sera pas difficile à recueillir. En revanche, s'il engage un nouveau salarié, l'employeur sera, à nouveau, astreint à consulter l'ensemble des préfectures pour s'assurer que le salarié n'est pas titulaire d'un de ces mandats.
Au final, la Cour de cassation remarque que l'employeur diligent "est dès lors légalement conduit à procéder au relevé de tous les conseillers prud'homaux de France et à se constituer un fichier manuel, ou informatisé après déclaration à la CNIL" afin de se prémunir contre tout manquement à la procédure spéciale de licenciement. On reconnaîtra sans peine qu'il y a certainement moyen d'alléger une telle procédure !
Jusqu'à aujourd'hui, la Cour de cassation, comme les juridictions du fond, ont fait une stricte application des dispositions du Code du travail et ont toujours considéré que l'employeur était tenu de procéder à ces recherches. La liste préfectorale étant librement consultable, la qualité de conseillers est opposable à l'employeur et il ne peut donc licencier le salarié qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (2). Autrement dit, les juges refusent de retenir l'ignorance dans laquelle se trouvait l'employeur de l'existence d'un mandat de conseiller prud'hommes pour le dédouaner de son obligation de solliciter l'autorisation de l'inspection du travail. Cependant, cette situation est suffisamment problématique pour que les Hauts magistrats proposent une modification de l'article L. 514-2 du Code du travail.
II - Vers une obligation d'information à la charge du conseiller prud'homme ?
La proposition de la Cour de cassation réside, tout d'abord, dans un raccourcissement indirect de la durée de protection du candidat aux élections. Aujourd'hui, la protection court pendant six mois à compter de la date de publication des listes préfectorales. La proposition tient à faire courir ce délai plus tôt, c'est-à-dire à partir du moment où l'employeur a eu connaissance de l'imminence de la candidature ou, à défaut, à partir du moment où lui a été notifiée la candidature ou, au plus tard, à compter de la publication des listes préfectorales. Jusqu'ici, le délai dépassait bien souvent les six mois prévus par le texte, puisque l'employeur avait connaissance de la candidature parfois plusieurs mois avant la publication de la liste.
La Cour de cassation propose, ensuite, d'ajouter un troisième alinéa à l'article L. 514-2 du Code du travail (3). La proposition est rédigée de la manière suivante : "le licenciement d'un salarié prononcé dans l'ignorance de sa qualité de conseiller prud'homme, d'ancien conseiller prud'homme ou de candidat aux fonctions de conseiller prud'homme est annulé si, dans les quinze jours à compter de sa notification, le salarié informe l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception de sa qualité en mentionnant auprès de quel conseil de prud'hommes il exerce ou il a exercé ses fonctions, ou il est candidat. Si l'employeur envisage toujours de licencier le salarié, il dispose d'un délai de quinze jours pour engager la procédure prévue à l'article L. 412-18".
Le système s'apparenterait donc à celui qui gouverne la protection des salariées enceintes. Le licenciement d'une salariée enceinte est, en effet, prohibé, à la condition que l'employeur ait été informé de la grossesse au moyen d'un certificat médical adressé par lettre recommandée. Si le licenciement est prononcé alors que l'employeur n'avait pas connaissance de l'état de grossesse, il est annulé "si, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur par lettre recommandée" un certificat médical de grossesse.
Ce système a déjà largement fait ses preuves et confère une protection efficace de la salariée contre tout licenciement. Il n'oblitèrerait en rien la faculté, pour l'employeur, d'obtenir le licenciement du salarié titulaire d'un mandat de conseiller prud'hommes, puisque le texte proposé disposerait alors d'un délai de quinze jours pour saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement. La protection du conseiller prud'hommes serait assurée et l'employeur de bonne foi serait prémuni contre toute méconnaissance du statut du salarié.
Il faut, néanmoins, remarquer que la protection accordée à la salariée enceinte relève d'une logique différente de celle accordée aux salariés titulaires d'un mandat de représentation du personnel. Alors que la protection de la salariée enceinte est purement individuelle, celle des salariés représentants du personnel est à la fois individuelle et collective, aussi bien destinée à protéger le salarié que la fonction qu'il exerce. Or, le salarié qui n'informerait pas son employeur dans les quinze jours suivants le licenciement permettrait que le mandat soit rompu sans l'accord de l'inspection du travail et, donc, sans que l'intérêt collectif des salariés qu'il représente ne soit pris en considération.
Enfin, l'analyse du mécanisme proposé laisse penser que la mesure est favorable aux employeurs qui ne pourraient plus subir les conséquences d'un manquement de bonne foi à la procédure de licenciement.
L'impression pourrait être donnée que les conseillers prud'hommes devraient eux aussi tirer leur parti d'une telle mesure. En effet, l'observation des décisions de certains juges du fond montre un mouvement latent tendant à imputer la rupture du contrat de travail au salarié en raison d'un manquement à la loyauté contractuelle. Ainsi, par exemple, le fait que le salarié, conseiller prud'homme, n'ait pas informé l'employeur lors de l'entretien préalable de licenciement de son statut a été jugé comme déloyal et le prive de son statut protecteur (4). De la même manière, la salariée engagée alors qu'elle était titulaire d'un mandat de conseiller prud'homme et qui n'a pas informé son employeur de ce statut s'est vu sanctionnée par la perte de la protection pour déloyauté contractuelle (5). Les salariés devraient donc pouvoir, désormais, éviter de perdre leur protection pour exécution déloyale du contrat de travail.
Pour autant, outre que de telles décisions demeurent marginales, une telle mesure instaurerait, de facto, une obligation d'information à la charge du conseiller prud'homme si bien qu'à la réflexion, le mécanisme est très favorable à l'employeur. Certainement peut-on justifier cette faveur par la connaissance du droit du travail dont est censé disposer le conseiller prud'hommes... Il reste que cette mesure doit être relativisée puisque, rappelons-le, dans la majorité des cas, l'employeur ne pourra pas arguer de son ignorance du mandat électif.
(1) Le rapport annuel de la Cour de cassation est consultable gratuitement sur le site internet de la Cour de cassation.
(2) V., par ex., Cass. soc., 20 juin 2000, n° 98-43.320, Mme Katherine Cuiney c/ Société d'exploitation du Riva golf hôtel de Beauvallon (SERGHB) et autres (N° Lexbase : A3797AU8) ; Cass. soc., 22 novembre 2000, n° 98-44.185, M. Jean-Claude Huber c/ Société Codica, société anonyme (N° Lexbase : A9836ATH) ; CA Aix-en-Provence, 21 juin 2005.
(3) Par l'effet de la recodification, il s'agirait probablement, en réalité, d'ajouter un nouvel article à la suite de l'article L. 2411-22 du Code du travail.
(4) CA Aix-en-Provence, 13 octobre 1996.
(5) CA Aix-en-Provence, 13 octobre 1997.
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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N9651BE8
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Le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 13 juin 2007, 2 arrêts, n° 06-40.823, Mme Marie Addou, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8016DWS) et n° 05-45.694, Association Apaei du Bocage Virois et de la Suisse Normande c/ Mme Claudine X et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8179DWT) : "les salariés ayant engagé leurs actions postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 N° Lexbase : L0988AH3) ne sont pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ses dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR)" ; "il ressort tant de la finalité que du libellé même de ses dispositions que la Directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8), concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs" (lire nos obs., Heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social : enfin le bout du tunnel !, Lexbase Hebdo n° 266 du 28 juin 2007 - édition sociale N° Lexbase : N5840BBW).
Comme l'arrêt précédent, ces décisions sont le fruit des conséquences que la Cour de cassation a été obligée de tirer du droit européen. Elles mettent, enfin, un terme à la saga des heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social. On se souvient que cette saga avait débuté par un retentissant arrêt rendu par la Chambre sociale le 29 juin 1999, précisant que la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, du 15 mars 1966, ne pouvait valablement édicter un horaire d'équivalence, dans la mesure où elle n'avait fait l'objet que d'un agrément et non d'une extension, comme l'exigeait l'article L. 133-5 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ([LXB=L3149HIH)]) (Cass. soc., 29 juin 1999, n° 97-41.567, Association départementale des pupilles de l'enseignement public c/ M. Auffrère et a., publié N° Lexbase : A4754AG8, Bull. civ. V, n° 307). La Cour de cassation signifiait que les heures de surveillance nocturne constituant un temps de travail effectif, les employeurs étaient tenus de les rémunérer comme des heures normales de travail, avec, éventuellement, majoration pour heures supplémentaires.
La réaction du législateur n'allait guère se faire attendre et l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite "Aubry II" venait préciser que, "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail, agréés en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales (N° Lexbase : L6769AGS), en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses".
Ne s'avouant pas vaincu, la Chambre sociale déniait toute efficacité à cette disposition législative, en s'appuyant sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (Cass. soc., 24 avril 2001, n° 00-44.148, Terki c/ Association Etre enfant au Chesnay, publié N° Lexbase : A2993ATZ, Bull. civ. V, n° 130). Celle-ci allait, cependant, être désavouée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 24 janvier 2003, affirmait que, "si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges". L'Assemblée plénière concluait, ensuite, qu'"obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées" (Ass. plén., 24 janvier 2003, n° 01-40.967, M. Frédéric Baudron c/ Association départementale des pupilles de l'enseignement public (ADPEP), publié N° Lexbase : A7263A4R, Bull. civ., n° 2).
Si la messe semblait dite, c'était sans compter l'intervention des juridictions supranationales et, spécialement, celle de la Cour européenne des droits de l'Homme. Par plusieurs arrêts du 9 janvier 2007, celle-ci décidait que l'adoption de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, qui réglait définitivement, de manière rétroactive, le fond des litiges pendants devant les juridictions internes, n'étant pas justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général, constituait une violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En revanche, elle déclarait irrecevable une requête formée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi en l'absence de toute rétroactivité de son application (CEDH, 9 janvier 2007, req. n° 31501/03, Aubert et autres et 8 autres affaires c/ France N° Lexbase : A3743DTS, RJS, 4/07, p. 299, avec les obs. de J.-Ph. Lhernould ; RDSS, 2/2007, p. 315 avec la chron. de D. Boulmier).
Les arrêts du 13 juin 2007 tirent les conséquences de ces décisions et de la condamnation de l'Etat français. La Chambre sociale considère que l'article 29 de la loi de validation est inapplicable aux litiges introduits avant l'entrée en vigueur de cette disposition, tout en décidant, logiquement, que les salariés qui ont engagé leurs actions postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'article 29 ne sont pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ses dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Ces solutions n'appellent pas de grands commentaires. Il est parfaitement normal que la Cour de cassation écarte les recours engagés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, alors même qu'ils concernent des périodes de travail antérieures à celle-ci. En effet, il faut rappeler que la CEDH a, uniquement, entendu condamner l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice aux fins d'influer sur l'issue de litiges en cours. A dire vrai, et de ce point de vue, les arrêts commentés ne présentent un intérêt concret que pour les quelques salariés qui auraient introduit une action en justice avant l'entrée en vigueur de la loi "Aubry II" et qui demeurerait encore en cours. Compte tenu de ces conditions, s'il reste encore des salariés dans cette situation, ils sont en nombre extrêmement restreint.
Ainsi qu'il est relevé dans le rapport, on ajoutera simplement que la Cour de cassation écarte, par ailleurs, comme l'avait fait la Cour européenne des droits de l'Homme et avant elle la CJCE dans sa décision "Dellas" du 1er décembre 2005 (CJCE, 1er décembre 2005, aff. C-14/04, Dellas N° Lexbase : A7836DLS, RJS, 2/06, n° 288 et chron. J.-Ph. Lhernould, p. 89), la Directive européenne 93/104/CE du 23 novembre 1993, qui n'a pas vocation à s'appliquer à la rémunération des travailleurs.
- Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.876, Société Blue Green Villennes c/ M. Vincent Loustaud, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2447DZN) : "il résulte de la combinaison des articles L. 212-15-3, III du Code du travail, en sa rédaction applicable au litige (N° Lexbase : L3870DCC), et 5.7.2.3 de la Convention collective nationale du golf , qu'un régime de forfait jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. Dans ce cas, le cadre doit bénéficier d'une grande liberté dans l'organisation de son travail à l'intérieur du forfait jours" ; "l'indemnité prévue par l'article L. 212-15-4, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L7952AID) n'est due qu'au salarié susceptible d'être, par application des dispositions légales et conventionnelles, soumis à une convention de forfait jours" (lire nos obs., Le forfait jours sous la surveillance de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N0155BD4).
Apparu avec la loi "Aubry II" du 19 janvier 2000, le forfait jours constitue, sinon une anomalie, du moins une curiosité au sein de la durée du travail. Il implique, en effet, une mise à l'écart de l'étalon horaire au bénéfice d'une référence en jours. Eu égard à son caractère extrêmement dérogatoire, ce mécanisme est strictement encadré par la loi. Réservé à certains salariés, seulement, il ne peut être mis en oeuvre que sur le fondement d'une convention ou d'un accord collectif de travail. Cette dernière doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires. Parmi celles-ci figure la définition des catégories de cadres concernés. Jusqu'à la loi "Fillon II" du 17 janvier 2003 (loi n° 2003-47 N° Lexbase : L0300A9Y), le forfait jours ne pouvait être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail "ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps". Depuis cette réforme, la loi n'utilise plus qu'un seul critère pour définir les cadres qui peuvent relever du forfait jours. Il s'agit de "leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps".
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 212-15-4, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L7952AID, art. L. 3121-50, recod. N° Lexbase : L1181HXZ) que, lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours ne bénéficie pas d'une réduction effective de sa durée de travail ou perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut solliciter d'un juge l'octroi d'une indemnité. Cette disposition vient, ainsi, sanctionner une mise en oeuvre abusive du forfait jours ou, à tout le moins, et pour reprendre les termes du rapport, "une mise en oeuvre non conforme aux textes".
Pour en venir à l'arrêt rapporté, la Chambre sociale était saisie d'un pourvoi d'une société qui contestait sa condamnation, par une cour d'appel, à verser à un salarié l'indemnité précitée.
La Chambre sociale ne s'est, cependant, pas située sur ce terrain. Soulevant un moyen d'office, tiré des articles L. 212-15-III , L. 212-15-4, alinéa 2 (L. 3121-50, recod.) et 5.7.2.3 de la Convention collective nationale du golf , elle a cassé l'arrêt en considérant que seul un salarié susceptible d'être soumis à une convention de forfait en jours peut demander au tribunal de lui allouer l'indemnité prévue à l'article L. 212-15-4, alinéa 2, du Code du travail.
Il ressort de cette décision, et cela est confirmé par le rapport, que la Chambre sociale "a souhaité instaurer, même en l'absence de demande formelle des parties en ce sens, un contrôle préalable du juge sur la qualité de bénéficiaire potentiel d'une convention de forfait en jours du salarié, contrôle qui conditionne la possibilité pour le juge d'allouer cette indemnité, dès lors que le salarié remplit les conditions prévues par cet article". Ce contrôle doit s'opérer sur le fondement des dispositions légales, mais aussi des stipulations conventionnelles applicables.
On peut se demander si la solution retenue dans l'arrêt à propos des cadres intermédiaires vaudra pour les salariés non cadres qui peuvent se voir proposer des conventions de forfait en jours en application de l'article 212-15-3, III du Code du travail (N° Lexbase : L7755HBT, L. 3121-51, recod. N° Lexbase : L1182HX3). Le rapport invite à apporter une réponse affirmative à cette question. En effet, il est précisé que "ce faisant, [la Cour de cassation] invite les juges du fond à une surveillance renforcée de l'application du régime du forfait en jours aux salariés, cette attention étant justifiée par l'importance des dérogations au droit commun de la durée du travail que ce type de forfaits entraîne". Il apparaît que le contrôle judiciaire doit bénéficier à tout salarié sans distinction, dès lors qu'ils sont confrontés à ce dispositif dérogatoire.
Il reste que, postérieurement à la recodification, on peut s'interroger quant au fait de savoir si les salariés non-cadres ayant conclu des conventions de forfait en jours peuvent demander le versement de l'indemnité prévue par l'article L. 3121-50 du Code du travail. En effet, ce dernier relève d'une sous-section 1 relative aux "dispositions applicables aux cadres". Or, les salariés non cadres sont visés par une sous-section 2. Remarquons, toutefois, que l'article précité envisage les salariés ayant conclu une telle convention sans plus de précisions.
Au-delà, et ainsi que nous le faisions remarquer dans notre commentaire, s'agissant du versement de l'indemnité en cause, la difficulté réside dans la caractérisation de l'abus dans le recours au forfait jours. Nul doute que la Cour de cassation sera amenée à préciser le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 3121-50 du Code du travail.
Remarquons, pour conclure, que la Cour de cassation a, par la suite et si l'on peut dire, joint le geste à la parole, en confirmant qu'elle entendait contrôler avec une grande rigueur la licéité des conventions de forfait en jours (Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, FS-P+B+R N° Lexbase : A6062D7N et nos obs., Les conventions individuelles de forfait dans le collimateur de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 300 du 10 avril 2008 - édition sociale N° Lexbase : N6557BEL).
Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 11 juillet 2007, n° 06-11.164, Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), FS-P+B+R (N° Lexbase : A2966DX7) : les actions de prévention et les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances tendent à favoriser ou à permettre l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois. Le temps consacré à ces formations constitue, en conséquence, du temps de travail effectif, si bien que les dispositions d'un accord collectif plaçant ces périodes de formation hors du temps de travail sont nulles (lire nos obs., La nullité de l'accord collectif excluant du temps de travail effectif les périodes de formation visant à l'adaptation du salarié à son emploi, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition sociale N° Lexbase : N9342BBM).
Par cet arrêt, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait pris position quant à la validité d'une clause d'un accord collectif, qui avait exclu du temps de travail effectif des salariés de l'entreprise les actions de formation "qui avaient pour objet de réduire les risques d'inadaptation de qualification à l'évolution des techniques et des structures des entreprises en préparant les travailleurs dont l'emploi est menacé à une mutation d'activité, soit dans le cadre, soit en dehors de l'entreprise mais encore celles dont l'objet était d'offrir à ces mêmes travailleurs les moyens de maintenir ou de parfaire leur qualification" (1).
Rappelons que l'article L. 932-2, alinéa premier (N° Lexbase : L3097HIK), applicable au moment des faits, permettait aux partenaires sociaux d'exclure du temps de travail effectif certaines formation suivies par le salarié, à la condition que cette formation ne participe pas de l'obligation de l'employeur d'assurer l'adaptation de ses salariés à leurs emplois.
La solution rendue était d'une grande clarté (2), si bien que le rapport de la Cour de cassation se contente de lui conférer une plus grande publicité sans qu'il soit nécessaire d'apporter des précisions s'agissant du raisonnement suivi par la Cour. Relevons, tout de même, la volonté réitérée par la Cour de donner une grande importance à l'obligation d'adaptation du salarié dans l'entreprise, ce qui ne surprend guère, puisqu'elle en fut, bien avant le législateur, la principale instigatrice (3).
- Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.834, Société Centre d'hémodialyse du Languedoc méditerranéen (CHLM), FS-P+B+R N° Lexbase : A2446DZM) : "le temps de déplacement accompli lors de périodes d'astreintes fait partie intégrante de l'intervention et constitue un temps de travail effectif" (lire nos obs., Les frontières du temps de travail effectif, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N0157BD8).
Malgré les efforts de définition prodigués par le législateur depuis la première loi "Aubry" du 13 juin 1998 (loi n° 98-461, d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail N° Lexbase : L7982AIH), les distinctions entre temps de travail effectif, temps de repos et temps d'astreinte pose, encore, parfois, difficulté. Spécialement, dans l'arrêt rapporté, il était question de savoir si le temps de déplacement du domicile du salarié à son lieu de travail, lors d'une intervention dans le cadre d'une astreinte, devait être considérée comme du temps de travail effectif.
Le rapport de la Cour de cassation revient sur cet arrêt par lequel la Cour avait décidé que ce temps de déplacement devait être considéré comme du temps de travail effectif, le salarié étant tenu de se conformer aux directives de l'employeur, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Le rapport rappelle, au passage, que cette solution n'était pas tout à fait nouvelle puisqu'un arrêt de 2004, resté inédit, avait déjà statué en ce sens (4).
L'apport du rapport sur cet arrêt est double.
En premier lieu, la Cour de cassation entend placer la règle selon laquelle ce type de temps de trajet est constitutif d'un temps de travail effectif au rang de "principe". La règle est donc d'une importance soulignée et, quoique tout principe soit susceptible de supporter des exceptions, devrait, à l'avenir, être de la plus large application.
En second lieu, la Cour apporte une réponse à l'interrogation née du conflit, qui avait pu être décelé entre l'application des règles relatives à l'astreinte qui impliquaient que le temps de déplacement soit intégré au temps de travail effectif et les dispositions issues de la loi de cohésion sociale, aux termes desquelles "le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif" (5). Le rapport de la Cour de cassation précise que "le législateur n'ayant pas modifié la teneur de l'article L. 212-4 bis [du Code du travail N° Lexbase : L7946AI7] relatif à l'astreinte, le temps de déplacement nécessité par une intervention lors d'une astreinte reste soumis aux dispositions de cet article" (6). Le conflit supposé entre les deux corps de règles se résout donc à la faveur d'une interprétation de la volonté du législateur dont le silence gardé au sujet des astreintes fait l'objet d'une interprétation pour le moins audacieuse.
Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 11 juillet 2007, 2 arrêts, n° 06-41.575, Société Ugine et Alz France, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3130DX9) et n° 06-40.567, Société Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine (CIAL), FS-P+B+R (N° Lexbase : A3115DXN) : "les jours de repos acquis au titre d'un accord de réduction et d'aménagement du temps de travail ne peuvent pas être positionnés sur un jour férié chômé" (lire nos obs., Quand jour férié chômé ne coïncide pas avec RTT, Lexbase Hebdo n° 270 du 25 juillet 2007 - édition sociale N° Lexbase : N9599BB7).
Par ces deux arrêts, la Haute juridiction précise que les jours de repos compensateur, acquis au titre d'un accord de réduction du temps de travail, ne peuvent être positionnés sur un jour férié chômé.
Elle comble, par là, un vide. L'article L. 212-9 du Code du travail (N° Lexbase : L9575GQP), art. L. 3122-19, recod. N° Lexbase : L1204HXU), qui détermine le régime applicable au repos compensateur, dispose que la convention ou l'accord collectif de travail précise les modalités de prises de journées ou de demi journées de repos, pour partie, au choix du salarié et, pour partie, au choix de l'employeur, ainsi que les délai maxima dans lesquels ces repos doivent être pris. Les partenaires sociaux disposent donc théoriquement de toute liberté pour déterminer les modalités de prises de ces congés acquis au titre des RTT.
Cette liberté n'est, toutefois, pas totale, elle est limitée par les règles propres aux autres matières qu'elle vient toucher. Ainsi, la liberté des partenaires sociaux dans la fixation des jours de repos se trouve circonscrite par les règles propres aux jours fériés chômés.
Le 1er mai est le seul jour légalement férié chômé. Les salariés occupés à travailler ce jour bénéficient, en plus de leur salaire, d'une indemnité égale au montant de ce salaire. Or en imposant au salarié de prendre leur congé le 1er mai, les partenaires sociaux font échec au dispositions d'ordre public relatives à cette date (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 02-45.785, FS-P+B N° Lexbase : A1252DE4), ce qui justifie l'impossibilité de positionner le jour de repos à cette date.
La Cour va plus loin en interdisant cette concordance, non seulement, pour le 1er mai, mais, encore, pour tout jour férié chômé même fixé par voie conventionnelle.
Dans son rapport annuel, la Cour de cassation précise, ainsi, que les jours de repos acquis au titre d'un accord de réduction du temps de travail ne constituent ni des jours de repos compensateur, ni des jours de congés payés et qu'ils ne peuvent avoir une effectivité, comme les repos compensateurs, que s'ils ne sont pas imputés sur les jours déjà prévus pour ne pas être travaillés.
Comme nous l'avions souligné dans notre commentaire, la Cour laisse, par contre, ouverte la possibilité pour les partenaires sociaux de décider que tout ou partie des jours de repos acquis au titre d'un accord de réduction du temps de travail seront pris un jour férié (non chômé).
La seule question en suspens est celle de savoir s'il convient de faire, ici, application de la distinction jurisprudentielle entre jours fériés ouvrables et jours fériés ouvrés. Faute, pour la Haute juridiction, d'avoir été interrogée sur la question et en l'absence de décision ultérieure sur ce point, la question reste entière.
Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
(1) Cf. le rapport de la Cour de cassation.
(2) Au contraire des dispositions législatives applicables en la matière qui, comme nous l'avions déjà fait remarquer, se distinguaient par leur ambiguïté... V. nos obs., La nullité de l'accord collectif excluant du temps de travail effectif les périodes de formation visant à l'adaptation du salarié à son emploi, préc..
(3) Pour mémoire, v., Cass. soc., 25 février 1992, n° 89-41.634, Société Expovit c/ Mme Dehaynain, publié (N° Lexbase : A9415AAX), Bull. civ. V, n° 122 ; D., 1992, somm. 294, note A. Lyon-Caen ; D., 1992. 390, note M. Defossez ; JCP éd. E, 1992, I, 162, note D. Gatumel.
(4) Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.367, Société Thyssen Ascenseurs c/ M. Jérôme Blanco, F-D (N° Lexbase : A4839DBT), RJS, 2004, p. 477.
(5) Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49).
(6) Cf. le rapport de la Cour de cassation.
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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N9650BE7
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Le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-45.132, Société autonome des transports parisiens (RATP), FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1382D3L) : "en se référant à la primauté du droit communautaire, sans apprécier la légalité de l'article 9 du statut, la cour d'appel a justement décidé que ce texte ne pouvait faire obstacle à l'application du principe d'égalité de traitement entre les travailleurs masculins et féminins en matière d'emploi et de travail résultant des articles 141, paragraphe 4, du Traité CE (N° Lexbase : L5147BCM) et 2, paragraphe 4, de la Directive 76/207/CEE du 9 février 1976 (N° Lexbase : L9232AUH)" ; "ayant relevé que la réglementation litigieuse accordait une priorité absolue et inconditionnelle aux candidatures de certaines catégories de femmes, au nombre desquelles figurent les femmes divorcées non remariées qui se trouvent dans l'obligation de travailler, en réservant à celles-ci le bénéfice de l'inopposabilité des limites d'âge pour l'accès au statut d'agent permanent de la RATP, à l'exclusion des hommes divorcés non remariés qui sont dans la même situation, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes prétendument omises selon la seconde branche, a exactement décidé qu'une telle réglementation était contraire au principe communautaire d'égalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins en matière d'emploi et de travail tel qu'il résulte des articles 141, paragraphe 4, du Traité CE et 3, paragraphe 1, et 2, paragraphe 4, de la Directive 76/207/CEE" (lire nos obs., Des limites aux mesures tendant à favoriser l'accès des femmes aux carrières, Lexbase Hebdo n° 287 du 9 janvier 2008 - édition sociale N° Lexbase : N5941BDE).
Comme on pouvait s'y attendre (voir nos obs., Des limites aux mesures tendant à favoriser l'accès des femmes aux carrières, préc.), la solution est, du propre aveu de la Cour de cassation, directement dictée par la jurisprudence de la CJCE, qui s'oppose "à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui réserve l'inopposabilité des limites d'âge pour l'accès aux emplois publics aux veuves non remariées qui se trouvent dans l'obligation de travailler, à l'exclusion des veufs non remariés qui sont dans la même situation" (CJCE, 30 septembre 2004, aff. C-319/03, Serge Briheche c/ Ministre de l'Intérieur N° Lexbase : A4517DDN).
Les plaideurs sont donc prévenus. Dès lors qu'un différend intéresse le champ d'application d'une Directive communautaire, particulièrement lorsque est en cause le principe d'égalité entre les femmes et les hommes, le premier réflexe doit être de consulter le droit communautaire, singulièrement la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, car la Chambre sociale de la Cour de cassation entend, désormais, se plier à ses interprétations, comme elle doit, d'ailleurs, le faire, compte tenu de l'autorité qui s'attache à sa jurisprudence.
Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
- Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 06-12.309, Société Systra, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4160DZ4) : "il résulte des constatations de l'arrêt que les employés de la RATP et de la SNCF, pendant le temps de leur mise à disposition, sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail constituée par le personnel de la société S., laquelle devait être prise en compte dans sa globalité par le comité d'entreprise dans l'exercice de sa mission. Il s'ensuit que la cour d'appel a décidé à bon droit que la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale au budget de fonctionnement du comité d'entreprise doit inclure le montant de leur rémunération, fût-elle payée en tout ou partie par la SNCF ou la RATP" (lire nos obs., Prise en compte de la rémunération des salariés mis à disposition pour le calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise, Lexbase Hebdo n° 285 du 13 décembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3866BDK).
Après plusieurs années de tâtonnements jurisprudentiels, la Cour de cassation a affirmé, dans un important arrêt en date du 28 février 2007, que "sauf dispositions législatives contraires, les travailleurs mis à disposition d'une entreprise, intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, inclus à ce titre dans le calcul des effectifs en application de l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L3112HI4), sont à ce même titre, électeurs aux élections des membres du comité d'entreprise ou d'établissement et des délégués du personnel dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par les textes susvisés" (Cass. soc., 28 février 2007, n° 06-60.171, Syndicat CGT Peugeot Citroën automobiles (PCA) établissement de Poissy, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4007DUX).
Précisée par un arrêt "HispanoSuiza", rendu le 1er avril 2008 (Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.287, FS-P+B N° Lexbase : A7751D79, lire les obs. de S. Martin-Cuenot, Effectif et électorat des salariés mis à disposition : principe et conditions, Lexbase Hebdo n° 301 du 16 avril 2008 - édition sociale N° Lexbase : N7621BEY), cette solution laisse subsister la question essentielle des contours de la notion d'"intégration étroite et permanente à la communauté de travail", dont la Cour de cassation ne manquera pas d'être saisie.
S'agissant de la décision rapportée, elle se situe, ainsi que le rappelle le rapport, dans le prolongement de l'arrêt fondateur du 28 février 2007. La question posée, en l'espèce, était celle de savoir si les rémunérations versées par l'entreprise d'accueil aux salariés mis à disposition devaient être comprises dans la masse salariale brute servant de base au calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise. L'intégration étroite et permanente des salariés mis à disposition à la communauté de travail de l'entreprise d'accueil n'était, en revanche, pas contestée.
Ainsi que le souligne la Cour de cassation dans son rapport, cette intégration "justifie [...] l'électorat et l'éligibilité des salariés mis à disposition". L'affirmation selon laquelle l'éligibilité des salariés concernés doit être admise constitue une précision d'importance car, pour l'heure, la Chambre sociale n'a pas tranché la question de manière expresse. La solution qui sera retenue ne fait, ainsi, guère de doute ; ce qui, au demeurant, doit être approuvé.
Il ressort, par ailleurs, du rapport, que l'intégration des salariés mis à disposition justifie, également, l'étendue de la mission du comité d'entreprise, qui justifie la subvention de fonctionnement. "Le comité d'entreprise a, en effet, pour mission d'assurer une expression collective des salariés de l'entreprise, et donc de l'ensemble des salariés qui y sont intégrés. Il s'en déduit que la rémunération des salariés mis à disposition payée par l'entreprise d'accueil doit être prise en compte pour le calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise".
Ainsi que nous l'avions souligné dans notre commentaire, cette solution de principe doit être pleinement approuvée au regard précisément des dispositions de l'article L. 431-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6394ACS, art. L. 2323-1, recod. N° Lexbase : L0704HXD).
Si cette décision constitue une avancée considérable, elle laisse, également, persister un certain nombre d'interrogations dont nous avions pu faire état dans nos observations. Tout d'abord, on peut se demander si la rémunération versée aux salariés mis à disposition doit aussi être prise en compte pour le calcul de la subvention de fonctionnement versée au comité d'entreprise de la société employeur. Dans la mesure où ces derniers sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail de l'entreprise d'accueil, une réponse négative est tentante. Toutefois, et sauf à considérer que ces salariés ne réintégreront jamais leur entreprise d'origine, il faut admettre qu'ils conservent un intérêt au sort et à la gestion de cette dernière. Partant, le comité d'entreprise s'y exprime aussi dans leur intérêt et leur salaire doit entrer dans le calcul de sa subvention de fonctionnement.
Ensuite, il faut s'interroger sur le fait de savoir si la rémunération des salariés mis à disposition doit être prise en compte pour le calcul de la contribution patronale au budget des activités sociales et culturelles. La formule utilisée par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté le laisse fortement à penser. En effet, en affirmant que la communauté de travail doit être prise en compte dans sa globalité par le comité d'entreprise "dans l'exercice de sa mission", la Chambre sociale n'opère, à l'évidence, aucune distinction selon que la mission est de nature économique ou sociale.
Toutefois, et ainsi que prend soin de le préciser le rapport, "le litige ne portant que sur la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise, l'arrêt ne se prononce pas sur le calcul de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité". Cela étant, l'article L. 432-8, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L6415ACL, art. L. 2323-83, recod. N° Lexbase : L0786HXE) dispose, dans son alinéa 1er, que le comité "assure ou contrôle la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise prioritairement au bénéfice des salariés". On peut avancer que les salariés visés sont ceux qui sont employés par l'entreprise d'accueil et non les salariés mis à disposition. Pour autant, il peut être tout aussi légitimement avancé que, parce qu'ils sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail de l'entreprise d'accueil, ils doivent pouvoir bénéficier des activités sociales et culturelles de son comité d'entreprise. Partant, leur rémunération doit être intégrée dans le calcul de la contribution patronale à ces activités.
Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 10 mai 2007, n° 05-44.313, Société Assonance, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0926DW9) : "est illicite la clause du contrat de travail subordonnant la rémunération du travailleur à domicile au règlement par le client de la commande qu'il a enregistrée ; [...] en l'absence de fixation du salaire horaire et du temps d'exécution des travaux [...], le travailleur à domicile a droit à une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance pour le nombre d'heures de travail qu'il a effectué" (lire nos obs., De la rémunération du travailleur à domicile, Lexbase Hebdo n° 261 du 24 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1615BBG).
Dans cette affaire, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait eu, pour la première fois, à répondre à la question de savoir si la rémunération forfaitaire d'un travailleur à domicile pouvait être calculée en fonction du nombre de commandes payées par l'entreprise. Elle s'était nettement prononcée en faveur de la nullité d'une telle clause.
Comme nous l'avions pressenti, le rapport de la Cour de cassation confirme les raisons qui gouvernaient une telle solution. Le travailleur à domicile est un salarié et non un sous-traitant. En raison de ce lien de subordination, il ne doit pas voir peser sur ses épaules le risque d'entreprise et, spécialement, une éventuelle dégradation des relations entre l'entreprise et ses clients.
Quant à la détermination de la rémunération due au travailleur à domicile, la Cour avait cherché à faire application des règles issues des articles L. 721-9 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L6733ACD ; art. L. 7422-4 et s., recod. N° Lexbase : L3204HXX) et avait rappelé que "le tarif minimum des travaux à domicile est le produit du salaire horaire, qui ne peut être inférieur au SMIC, par les temps d'exécution, ces deux variables étant fixées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par arrêté préfectoral ou ministériel" (1). Face au silence des partenaires sociaux et des autorités administratives, la Cour de cassation avait pris ses responsabilités en décidant que, dans un tel cas de figure, le travailleur à domicile avait droit à une rémunération au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance pour le nombre d'heures de travail effectuées. Le rapport de la Cour de cassation justifie cette solution par une argumentation fort logique s'attachant à replacer le SMIC comme "voiture-balai" de la rémunération (2).
En revanche, il avait été remarqué que, ce faisant, la Cour de cassation semblait se placer en porte-à-faux avec le principe de séparation des pouvoirs, qui semblait prescrire que seule la juridiction administrative soit compétente pour pallier l'inaction du préfet ou du ministre du Travail. Le rapport de la Cour de cassation n'apporte, sur cette question, aucune précision. Elle éclaire, cependant, une seconde observation, qui avait été apportée s'agissant de la détermination du salaire qui devait être prise en compte. En effet, nous nous étions demandé pour quelle raison la Cour de cassation faisait référence au SMIC plutôt qu'aux minima conventionnels applicables à l'entreprise. Le rapport précise, en effet, que la rémunération du travailleur à domicile peut être calculée, dans une telle hypothèse, par référence à l'un ou l'autre de ces deux minima. Il faut donc en conclure que la décision imposant le calcul par référence au SMIC devait avoir pris acte de l'absence de salaire conventionnel applicable au salarié concerné.
Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
(1) Cf. le rapport de la Cour de cassation.
(2) V., déjà, Cass. soc., 25 septembre 1990, n° 87-40.493, M. Lizzi c/ M. Desson (N° Lexbase : A9045AAA) ; Cass. soc., 13 octobre 2004, n° 02-43.656, M. Daniel Chatelain, F-P (N° Lexbase : A6070DD8).
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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Le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.212, Société Cofiroute, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7171DZM) : "la période d'essai étant destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié, la cour d'appel, qui a constaté dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la résiliation du contrat de travail était intervenue au cours de la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié, a décidé à bon droit qu'elle était abusive" (lire nos obs., Rupture du contrat de travail en période d'essai : l'étau se resserre, Lexbase Hebdo n° 283 du 28 novembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N2219BDK).
En interdisant à l'employeur de justifier la rupture de l'essai par un motif non inhérent à la personne du salarié, la Cour de cassation a souhaité mettre en oeuvre l'exigence de bonne foi entre contractants (C. civ., art. 1134, al. 3 N° Lexbase : L1234ABC ; C. trav., art. L. 120-4 N° Lexbase : L0571AZ8, art. L.1222-1, recod. N° Lexbase : L9750HWZ). Si le rapport annuel précise le fondement de la solution, il ne répond malheureusement à aucune des interrogations suscitées par la décision (voir nos obs., Rupture du contrat de travail en période d'essai : l'étau se resserre, préc.). Il semblait, en effet, paradoxal de justifier le licenciement d'un salarié, hors période d'essai, lorsque la suppression de son emploi résulte de difficultés économiques réelles et sérieuses, mais de considérer, dans la même hypothèse, que l'employeur ne pourrait pas rompre le contrat de travail du salarié en période d'essai sans commettre d'abus. Apparemment, la Cour de cassation n'a pas été frappée par ce paradoxe, soucieuse, uniquement, de lutter contre ce qui s'analysait comme une décision prise de mauvaise foi. Il conviendra, par conséquent, d'attendre les prochaines décisions pour voir quelle sera l'analyse de la Haute juridiction lorsque la bonne foi de l'employeur sera évidente et qu'il ne pouvait pas conserver le salarié à son service.
- Cass. soc., 27 mars 2007, n° 05-41.921, Société Dimension Data, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7974DUU) : "lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction refusée doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; [...] il en résulte que le délai d'un mois prévu par l'article L. 122-41 du Code du travail (N° Lexbase : L5579ACM, art. L. 1332-2, recod. N° Lexbase : L0255HXQ) court à compter de la date fixée pour ce nouvel entretien" (lire nos obs., Précisions sur la procédure applicable au salarié qui refuse une modification disciplinaire du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 255 du 4 avril 2007 - édition sociale N° Lexbase : N6276BAP).
Le rapport annuel confirme, ici, que c'est essentiellement "dans un souci de simplification" qu'il a été décidé "que, quelle que soit la sanction envisagée à l'origine, une sanction disciplinaire ou un licenciement, l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu d'une rétrogradation disciplinaire refusée doit convoquer le salarié à un nouvel entretien".
Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
- Cass. soc., 11 janvier 2007, n° 05-40.626, Société centrale pour le financement de l'immobilier (Socfim), FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4828DTY) : "en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur" (lire nos obs., Date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 245 du 25 janvier 2007 - édition sociale N° Lexbase : N7973A98).
Faute, pour le Code civil, de comporter la moindre précision quant à la date d'effet de la résiliation judiciaire, c'est à la jurisprudence qu'est revenu le rôle de la déterminer. Or, il convient de constater que l'unanimité ne règne pas en la matière, puisque ont été retenus la date à laquelle le débiteur a cessé de remplir ses obligations (Cass. civ. 3, 28 janvier 1975, n° 73-13.420, SA Ent. Labbé et Cie c/ Société San Remo, publié N° Lexbase : A2689CKS), le jour de la demande en justice (Cass. com., 12 octobre 1993, n° 91-17.621, Société Locafrance et autre c/ Mme Moins et autres, publié N° Lexbase : A6474ABE) ou, encore, le jour où a été rendu l'arrêt qui la prononce (Cass. civ. 3, 13 mai 1998, n° 96-18.358, M. Hervais et autre c/ M. Inizan, publié N° Lexbase : A2811AC4).
Jusqu'à l'arrêt rapporté, la Chambre sociale n'avait pas véritablement adopté une position tranchée sur la question. Toutefois, et s'agissant du cas particulier de la résiliation judiciaire d'un contrat d'apprentissage, il avait été décidé que "le juge qui prononce la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage peut en fixer la date au jour où l'une des parties a manqué à ses obligations ou au jour où la demande de résiliation a été formée" (Cass. soc., 1er octobre 2003, n° 01-40.125, FS-P N° Lexbase : A6587C9T ; lire les obs. de S. Martin-Cuenot, L'extension des sommes garanties par l'AGS, Lexbase Hebdo n° 90 du 16 octobre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9088AAT). Sans doute, cette décision n'avait-elle pas échappé à la partie requérante qui reprochait, précisément, à la cour d'appel d'avoir fixé la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du prononcé de l'arrêt, alors qu'elle ne pouvait en fixer la date qu'au jour où l'employeur a manqué à ses obligations ou au jour où la demande en résiliation a été formée.
Rejetant le pourvoi, la Cour de cassation fait produire effet à la résiliation au jour de la date de la décision judiciaire, dès lors qu'à cette date, le salarié est toujours au service de son employeur. Cette solution ne s'explique que par des considérations très pragmatiques. En effet, ainsi que le rappelle le rapport, "le contrat de travail, à la différence des autres contrats à exécution successive, comporte [...], au-delà de la prestation de travail proprement dite, une série d'autres droits concernant la personne du salarié et sa famille : couverture sociale de base, complémentaire, régimes de prévoyance, droit à la retraite de base et complémentaire, droits au titre de diverses allocations, etc.. Une application rétroactive de la résiliation du contrat de travail est de nature à remettre en cause tellement d'éléments qu'elle relève donc de ce qu'un arrêt de la première chambre civile du 7 juin 1995 qualifiait 'd'impossibilité pratique' [Cass. civ. 1, 7 juin 1995, n° 93-15.485, Editions Glénat c/ Monsieur Bourgeon, publié N° Lexbase : A7814ABZ]. Au surplus, dans un nombre non négligeable de cas, notamment, lorsque la résiliation prononcée par le premier juge a fait l'objet d'un appel, ou lorsque c'est la cour d'appel qui la prononce, les effets de la résiliation pourraient remonter loin dans le temps, aggravant encore les effets pervers de la rétroactivité".
Cette décision laissait, cependant, subsister certaines interrogations importantes, principalement au regard de l'éventualité d'un concours de la demande de résiliation judiciaire et d'autres modes de ruptures intervenant après elle, mais avant le jugement et ayant la caractéristique de rompre immédiatement ou à bref délai le contrat de travail : prise d'acte de la rupture, licenciement, départ ou mise à la retraite.
Dans un important arrêt rendu le 15 mai 2007, et qui, lui aussi, fait l'objet d'une mention dans le rapport sous examen, la Cour de cassation a précisé que le juge, s'il considère que la demande de résiliation judiciaire est justifiée, doit fixer la date de la rupture non pas à la date de la demande, ni à celle du manquement constaté, et pas davantage à la date de la décision judiciaire, mais au jour de l'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 15 mai 2007, n° 04-43.663, FS-P+B+R N° Lexbase : A2434DW3).
Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
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Réf. : Loi n° 2008-174 du 25 février 2008, relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (N° Lexbase : L8204H3A)
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par Dorothée Bourgault-Coudevylle, Maître de conférences à la Faculté de droit de Douai - Université d'Artois
Le 07 Octobre 2010
C'était sans compter l'émotion soulevée par l'affaire "Evrard" (pédophile responsable de l'enlèvement et du viol du petit Enis à Roubaix quelques jours après sa libération), présentée comme symptomatique des insuffisances du dispositif actuel à protéger la société contre les délinquants les plus dangereux (rapport fait au nom de l'Assemblée Nationale par M. G. Fenech sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté).
Malgré les critiques très vives qui furent émises à son encontre par les représentants du monde judiciaire, le projet de loi, déposé le 28 novembre 2007, fut adopté, après déclaration d'urgence, au début du mois de février 2008, soit en moins de deux mois et demi !
Au final, la loi du 25 février 2008 comporte trois volets.
Le premier est aussi celui qui a été le plus fortement médiatisé. Il tend à instituer deux nouvelles mesures de sûreté -la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté- à l'encontre de délinquants particulièrement dangereux et pour lesquels la probabilité de récidive apparaît importante.
Le deuxième crée une nouvelle procédure destinée à déclarer l'irresponsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux.
Enfin, le dernier volet de cette loi comporte quelques dispositions pour améliorer la prise en charge des détenus nécessitant des soins.
Nous ne traiterons dans cette chronique que du premier volet, à savoir des nouvelles mesures de sûreté post-carcérales instituées pour prévenir la récidive des criminels les plus dangereux.
La loi du 25 février 2008 institue, en premier lieu, la rétention de sûreté, mesure permettant de retenir, à titre exceptionnel, dans un centre socio-médico-judiciaire, les criminels particulièrement dangereux, qui présentent un risque de récidive particulièrement élevé et qui ont purgé la totalité de leur peine (I). Lorsque les conditions d'application de cette première mesure ne sont pas ou plus réunies, la loi prévoit, à titre subsidiaire, la possible mise en oeuvre d'une surveillance de sûreté (II).
I - La rétention de sûreté, une mesure exceptionnelle
La loi définit la rétention de sûreté comme "le placement d'une personne en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure" (C. pr. pén., art. 706-53-13). La loi prévoit que son prononcé doit rester exceptionnel et ne concerner que les délinquants les plus dangereux contre lesquels la société ne dispose pas d'autres moyens pour se protéger efficacement. C'est la raison pour laquelle, la loi pose des conditions de nature à la cantonner aux délinquants les plus dangereux, et subordonne son prononcé au respect d'une procédure strictement définie au cours de laquelle aura pu être évaluée sa dangerosité (A).
Bien que présentée comme une mesure de sûreté à but préventif et non pas punitif, fondée sur un état de dangerosité et non sur la culpabilité, la rétention de sûreté n'en est pas moins une mesure privative de liberté qui peut s'avérer particulièrement attentatoire aux libertés individuelles. Ce qui a suscité de nombreuses interrogations sur sa nature juridique : fallait-il y voir une mesure de sûreté ou une peine (B) ? Interrogations qui n'ont pas totalement disparu malgré la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2008-562 DC, du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental N° Lexbase : A0152D7R). Encore aujourd'hui, la nature juridique de la rétention de sûreté apparaît pour le moins ambiguë (B).
A - Les conditions d'application de la rétention de sûreté
Mesure de sûreté, fondée non pas sur la culpabilité du délinquant mais sur un critère de dangerosité, la rétention de sûreté apparaît, néanmoins, directement liée à la commission d'une ou plusieurs infractions antérieures dont elle est censée empêcher la récidive. Deux critères sont nécessaires au prononcé de la mesure : un état de particulière dangerosité du délinquant et une condamnation antérieurement prononcée pour l'une des infractions contenues dans une liste préétablie.
1 - Le critère de dangerosité
Aux termes de l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale, la rétention de sûreté est applicable aux "personnes dont il est établi qu'elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité".
La référence à l'état de dangerosité du délinquant rappelle bien évidemment les thèses développées par l'école Positiviste au XIXème siècle, dont les tenants -Lombroso et Ferri- entendaient déjà fonder la réaction sociale à la délinquance non plus sur la faute mais sur la dangerosité des criminels nés ou par habitude. Ces thèses avaient, d'ailleurs, trouvé un écho certain en droit positif français avec la loi du 27 mai 1885 instituant la relégation des récidivistes incorrigibles et qui consistait à envoyer en Guyanne pour le reste de leur existence des voleurs ayant à leur actif quatre condamnations successives ; texte abrogé depuis lors. La prise en compte de la dangerosité du délinquant n'est donc pas à proprement parler une nouveauté.
Depuis la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la dangerosité est même expressément mentionnée dans le Code de procédure pénale puisqu'elle constitue l'une des conditions du placement sous surveillance judiciaire et sous surveillance électronique mobile des personnes libérées après l'exécution d'une peine privative de liberté (C. pr. pén., art. 723-31 N° Lexbase : L8949HZH et 763-10 N° Lexbase : L9699HEX). Pour autant, pas plus qu'en 2005, le législateur n'a pris le soin de donner une définition précise de cette notion alors même qu'elle conditionne le placement en rétention de sûreté.
Il est vrai qu'il s'agit d'une notion "protéiforme et complexe" qu'il est difficile de définir avec précision. Dans son acception criminologique, la dangerosité est définie comme "un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité de commettre une infraction contre les personnes ou les biens" (rapport de G. Fenech, préc., p. 12). En d'autres termes, cela correspond au risque qu'un individu commette une infraction. Ce qui ne doit pas être confondu avec la dangerosité au sens psychiatrique du terme qui s'analyse comme "le risque de passer à l'acte à un moment donné en raison de troubles mentaux" (ex : risque de se défenestrer pour échapper à des visions ou agresser quelqu'un au hasard pour se défendre contre l'incarnation du mal -exemples cités dans le rapport préc. p.11-). La lecture des travaux parlementaires permet d'affirmer que la dangerosité doit, pour l'application des dispositions de la loi, être entendue au sens criminologique et non au sens psychiatrique du terme. Les débats parlementaires ont d'ailleurs permis de préciser que "la dangerosité résultant d'un trouble grave de la personnalité", telle que mentionnée dans l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale, vise les psychopathies (qui se caractérisent essentiellement par trois types de défaillance : défaillance narcissique ou du contrôle émotionnel ou encore défaut de maîtrise comportementale -rapport Sénat n° 174, présenté par J.-R. Lecerf fait au nom de la commission des lois, 23 janvier 2007, p. 9) mais non la maladie mentale.
Au final, la dangerosité apparaît, malgré tout, comme un concept relativement flou. Il est donc heureux qu'à ce premier critère, sujet à une évaluation délicate, le législateur ait pris le soin d'en ajouter un second, plus objectif, lié à la condamnation antérieurement prononcée.
2 - Le critère relatif à la condamnation antérieurement prononcée
Le droit français a toujours été réticent à admettre des mesures de sûreté, dites ante delictum, c'est-à-dire détachées de tout critère lié à la commission d'infractions antérieures. La loi du 25 février 2008 ne déroge pas à cette règle non écrite, garante de la protection des libertés individuelles. La rétention de sûreté ne saurait reposer sur le seul critère de la dangerosité du délinquant. La loi pose une seconde condition pour justifier le placement. L'article 706-53-13 du Code de procédure pénale prévoit, en effet, que cette mesure ne peut être prononcée qu'à l'encontre des personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour certaines infractions spécifiquement déterminées :
- lorsque la victime est mineure, il s'agit des crimes d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration ;
- si la victime est majeure pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de tortures et actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé.
C'est un critère objectif de nature à cantonner la mesure, en pratique, à un nombre limité de récidivistes. La Chancellerie évalue ainsi à une dizaine, voire à une vingtaine, le nombre des personnes par an susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté.
Malgré les garanties posées par le texte, cette loi marque indéniablement un tournant, en permettant qu'une personne soit enfermée, non plus pour les faits qu'elle a commis, mais pour ceux qu'elle pourrait commettre (propos tenus par Robert Badinter, entretien : Le Monde, 24-25 février 2008, pour qui "l'on perd ainsi de vue l'un des fondements d'une société de liberté").
B - La procédure de placement en rétention de sûreté
La procédure se décompose en deux temps : une phase d'évaluation de la dangerosité dévolue à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (1) à laquelle succède la décision du placement en rétention sûreté qui sera prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté (2). La loi prévoit, également, les conditions de sa mainlevée (3).
1 - L'évaluation de la dangerosité
L'évaluation de la dangerosité devra intervenir au moins un an avant la date prévue pour la libération de l'intéressé. Elle sera confiée à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, instituée par la loi du 12 décembre 2005 précitée, qui est déjà chargée d'examiner la dangerosité des personnes condamnées à un placement sous surveillance électronique mobile. Afin de rendre son avis, celle-ci devra demander le placement de la personne concernée, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues (actuellement un tel service existe au sein de la maison d'arrêt de Fresnes) aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts.
Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle pourra proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l'objet d'une rétention de sûreté.
La loi subordonne néanmoins la mise en place de la mesure à deux conditions cumulatives :
- il faut en premier lieu que toutes les autres mesures destinées à lutter contre la récidive ("les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d'être prononcés dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire") "apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13" ;
- et il faut, en second lieu, que la "rétention constitue l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions".
Ces dispositions attestent de ce que la rétention de sûreté est envisagée comme une mesure exceptionnelle, le dernier recours quand les autres dispositifs de lutte contre la récidive se révèlent insuffisants.
Par une réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 février 2008, a considéré "qu'eu égard à la gravité de l'atteinte qu'elle porte à la liberté individuelle, la rétention de sûreté ne saurait constituer une mesure nécessaire que si aucune autre mesure moins attentatoire à cette liberté ne peut suffisamment prévenir la commission d'actes portant gravement atteinte à l'intégrité des personnes que ces dispositions garantissent". Et, par une autre réserve d'interprétation, il a ajouté que la mesure ne pourra être regardée comme nécessaire au but poursuivi que si "la rétention de sûreté n'a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l'exécution de la peine" et "qu'il appartiendra, dès lors à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont il souffre".
2 - La décision de placement en rétention de sûreté
Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné et au risque élevé de récidive, elle proposera, par avis motivé, au procureur général son placement en rétention.
La décision de rétention de sûreté sera alors prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente, composée d'un président de chambre et de deux conseillers de la cour d'appel, après un débat contradictoire, et public si le condamné, assisté d'un avocat, le demande.
Elle pourra, en outre, être contestée devant une juridiction nationale composée de conseillers à la Cour de cassation, dont la décision motivée peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation. La décision de rétention sera valable un an et pourra être renouvelée selon les mêmes conditions de fond et de procédure.
3 - La mainlevée de la rétention sûreté
La personne placée en rétention de sûreté pourra demander, à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la décision définitive, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté qu'il soit mis fin à cette mesure (C. pr. pén., art. 706-53-17). Celle-ci devra statuer dans un délai de trois mois. A défaut, il sera mis fin d'office à la mesure de rétention. Dans l'hypothèse où la commission rejette la demande de l'intéressé, celui-ci ne pourra formuler une nouvelle demande avant l'expiration d'un nouveau délai de trois mois. Etant précisé que la décision de la commission régionale pourra faire l'objet des mêmes voies de recours que la décision de placement initiale.
Par ailleurs, l'article 706-53-18 du Code de procédure pénale prévoit que la commission régionale de la rétention de sûreté devra, d'office, mettre fin à la mesure dès lors que les conditions de son maintien ne sont plus réunies. On pense bien évidemment à l'hypothèse dans laquelle il deviendrait possible d'envisager un recours aux autres dispositifs de prévention de la récidive ou encore à la disparition de l'état de dangerosité.
C - Une mesure de sûreté privative de liberté à la nature juridique ambiguë
La rétention de sûreté est une mesure privative de liberté qui peut s'avérer particulièrement attentatoires aux libertés. Dans la mesure où elle consiste dans le placement de la personne intéressée dans un centre socio-médico-judiciaire (placé sous la tutelle des ministères de la Justice et de la Santé), où elle bénéficiera de façon permanente d'une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée destinée à permettre la fin de cette mesure.
Un décret précisera les conditions dans lesquelles s'exerceront les droits des personnes retenues dans un tel centre, y compris en matière d'emploi, d'éducation et de formation, de visites, de correspondances, d'exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. Il ne pourra apporter à l'exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l'ordre public. La Garde des Sceaux a, d'ores et déjà, indiqué que le premier centre sera créé au sein de l'établissement public de santé national (EPSN) de Fresnes, dès le 1er septembre 2008, avec une capacité d'accueil d'une trentaine de personnes (rapport AN, n° 497, préc., p.42).
La mesure de placement en rétention de sûreté ne peut être prononcée que pour une durée d'un an mais elle pourra faire l'objet d'un renouvellement tant que perdure l'état dangereux.
Pour décider que le grief tiré de la méconnaissance du principe de la nécessité des peines et du principe de la légalité des délits et des peines était inopérant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 février 2008, s'est fondé sur le fait que la mesure de "rétention de sûreté n'était ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d'une punition". Il en a donc déduit que les principes précédemment mentionnés ne lui étaient pas applicables. Certes, on ne peut nier, comme le relève le Conseil constitutionnel que ladite mesure n'est pas décidée par la cour d'assises lors du prononcé de la peine mais à l'expiration de celle-ci, par la juridiction régionale de la rétention de sûreté ; qu'elle repose non sur la culpabilité de la personne condamnée par la cour d'assises, mais sur sa particulière dangerosité appréciée par la juridiction régionale à la date de sa décision ; qu'elle n'est mise en oeuvre qu'après l'accomplissement de sa peine par le condamné ; et qu'enfin, elle a pour but d'empêcher et de prévenir la récidive par des personnes souffrant d'un trouble grave de la personnalité. Néanmoins, dans la mesure où elle est liée à une condamnation antérieure et où elle ne peut être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation le réexamen de la situation de la personne à l'issue de la peine, cette mesure s'inscrit indéniablement dans le prolongement de la peine. Et quand bien même sa finalité ne serait-elle pas de punir un comportement mais de prévenir un nouveau passage à l'acte, elle consiste, néanmoins, en un enfermement qui sera immanquablement ressenti par l'intéressé comme une nouvelle peine après la peine.
Bien que la rétention de sûreté soit rangée expressément dans la catégorie des mesures de sûreté, on peut douter qu'elle soit une mesure de sûreté comme une autre. Sa gravité, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle soit prononcée après une condamnation par une juridiction a, en effet, conduit le Conseil constitutionnel à refuser l'application rétroactive des nouvelles dispositions aux personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement. Par conséquent, tout en soutenant que la rétention de sûreté n'est pas une peine, le Conseil lui applique bel et bien le même régime juridique que celui qu'il applique habituellement aux peines s'agissant de la question de la rétroactivité des dispositions.
II - La surveillance de sûreté
Selon les cas, la surveillance de sûreté pourra prendre la forme d'une alternative à la rétention de sûreté, ce qui supposera que cette dernière ait pris fin (A) ou bien s'inscrire à la suite d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire (B).
A - La surveillance de sûreté : une alternative à la rétention de sûreté
Le nouvel article 706-53-19 du Code de procédure pénale autorise la commission régionale de la rétention de sûreté, si la rétention n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin et si la personne présente toujours des risques de commettre les infractions visées à l'article 706-53-13, à ordonner un placement sous surveillance de sûreté pendant une durée d'un an.
Cette nouvelle mesure de sûreté comporte des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire (C. pr. pén., art. 723-30 N° Lexbase : L8948HZG). En particulier, il peut s'agir de l'injonction de soins et du placement de l'intéressé sous surveillance électronique mobile. La décision prononçant une telle mesure est prise après un débat contradictoire, au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d'office. Elle pourra faire l'objet d'un recours dans les mêmes conditions que la décision de placement en rétention (recours devant la commission nationale de la rétention de sûreté, pourvoi en cassation). Le texte précise, par ailleurs, qu'à l'expiration du délai d'un an, la surveillance de sûreté peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée.
La méconnaissance des obligations imposées peut justifier le recours à la procédure d'"urgence" prévue par l'article 706-53-19 du Code de procédure pénale. Aux termes de ce texte, la mise en oeuvre de la procédure d'urgence peut intervenir en cas de violation des obligations qu'entraîne la surveillance de sûreté, et lorsque cette violation fait apparaître la particulière dangerosité de la personne caractérisée par une probabilité très élevée de commettre à nouveau les infractions prévues par l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale. Celle-ci autorise le président de la juridiction régionale à ordonner en urgence le placement provisoire de la personne dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois, par la juridiction régionale qui devra statuer dans les conditions prévues par l'article 706-53-15 du Code de procédure pénale (débat contradictoire, assistance d'un avocat, possibilité de recours), et après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. A défaut de cette confirmation, il sera mis fin d'office à la rétention.
Mais, la surveillance de sûreté peut aussi être prononcée à la suite d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire.
B - La surveillance de sûreté prononcée à la suite d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire
L'article 1er, VI, de la loi du 25 février 2008 a introduit deux nouveaux articles 723-37 et 723-38 dans le Code de procédure pénale.
Le nouvel article 723-37 du Code de procédure pénale autorise la prolongation de tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d'une surveillance judiciaire, dès lors que le condamné a commis une infraction entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté.
En vertu de l'article 723-29 (N° Lexbase : L9713HEH), tel qu'institué par la loi du 12 décembre 2005, la surveillance judiciaire peut, en effet, être ordonnée pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont elle a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait. Grâce aux nouvelles dispositions, la juridiction régionale, visée à l'article 706-53-15 du Code de procédure pénale, pourra décider de prolonger les effets de la surveillance judiciaire, au-delà de la limite prévue par l'article 723-29, en plaçant la personne sous surveillance de sûreté pour une durée d'un an. Concrètement, la prolongation ordonnée aura pour effet de porter la durée de la surveillance judiciaire à un an, au-delà de celle correspondant aux réductions de peine ou aux réductions de peines supplémentaires obtenues (C. pr. pén., art. 723-29).
La juridiction régionale sera saisie par le juge d'application des peines ou le procureur de la République six mois avant la fin de la surveillance judiciaire.
Le placement sous surveillance de sûreté ne pourra toutefois être ordonné, après une expertise médicale concluant à la "persistance de la dangerosité" du condamné, que dans les cas où : les obligations liées à l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes justifiant une rétention de sûreté ; et si le recours à une telle mesure constitue l'unique moyen de prévenir la commission de ces infractions, dont la probabilité est très élevée.
La surveillance de sûreté pourra être prolongée pour un an, et sans limites, dans les mêmes conditions et selon la même procédure. Enfin, si la personne, en faisant l'objet, méconnaît ses obligations, elle sera susceptible d'être placée en rétention de sûreté, les dispositions du dernier alinéa de l'article 706-53-19 du Code de procédure pénale pouvant, dans une telle hypothèse, recevoir application.
Quant au nouvel article 723-38 du Code de procédure pénale, il prend soin de préciser que, lorsque le placement sous surveillance électronique mobile a été prononcé dans le cadre d'une surveillance judiciaire, à l'encontre d'une personne relevant du champ d'application de la rétention de sûreté, cette mesure pourra être renouvelée aussi longtemps que la personne reste placée sous surveillance judiciaire ou sous surveillance de sûreté.
Enfin, l'article 1er, VII, de la loi du 25 février 2008 a rétabli l'article 763-8 du Code de procédure pénale, afin de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, au-delà de la durée prononcée par la juridiction de jugement et des limites prévues par l'article 131-36-1 du Code pénal (N° Lexbase : L0409DZ8), dès lors que le condamné est susceptible de faire l'objet d'une rétention de sûreté.
La juridiction régionale de la rétention de sûreté pourra décider de prolonger les effets d'un suivi socio-judiciaire, en plaçant l'intéressé sous une mesure de surveillance de sûreté pour une durée d'un an. La prolongation de cette mesure sera soumise aux mêmes conditions que celles prévues en cas de surveillance judiciaire ; en outre, le manquement aux obligations imposées pourrait conduire à un placement en rétention de sûreté.
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 avril 2008, n° 07-10.663, M. Stéphane Peyre, F-P+B (N° Lexbase : A9646D7E)
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux
Le 07 Octobre 2010
Comptes de gestion. Dans l'administration légale comme dans la tutelle, le tuteur et l'administrateur légal sont tenus de tenir des comptes de gestion et, notamment, de procéder à une reddition des comptes à la fin de leur mission. Pour les mineurs sous administration légale, la reddition des comptes est réduite au minimum puisque, du fait de la jouissance légale, elle ne porte pas sur les revenus de l'enfant. Elle concerne cependant, comme en l'espèce, les sommes d'argent provenant de la vente des biens appartenant au mineur et que l'administrateur légal ne saurait s'approprier.
Action en reddition des comptes. Lorsque le tuteur ou l'administrateur légal n'a pas remis les comptes de gestion au mineur, celui-ci peut intenter contre lui une action en reddition des comptes, la Cour de cassation ayant affirmé que l'administrateur légal qui refuse de rendre des comptes se soustrait à une obligation essentielle de sa charge (1). En effet, "plus rare dans le cadre de la tutelle, la question des comptes qui n'ont jamais été établis et encore moins communiqués au juge des tutelles se pose régulièrement en cas d'administration légale" (2).
Prescription quinquennale. L'actuel article 475 du Code civil (N° Lexbase : L3032ABW) soumet toutes les actions du mineur contre le tuteur à une prescription quinquennale dont le point de départ est la majorité du pupille. Cette règle s'applique à l'administration légale, comme la majeure partie des dispositions relatives à la tutelle, en vertu du renvoi de l'article 389-7 du Code civil (N° Lexbase : L2951ABW).
Report du délai. Dans l'arrêt du 16 avril 2008, la Cour de cassation affirme que "la prescription quinquennale de l'action en reddition de compte du mineur contre le tuteur a en principe pour point de départ la fin de la tutelle". Elle écarte, toutefois, ce principe en précisant que "lorsque le tuteur a continué de gérer les biens de son pupille après la majorité de celui-ci, elle ne court qu'à partir du jour où cette administration a cessé". Ce faisant, elle procède à un rappel de la jurisprudence antérieure (3), qu'elle précise, cependant, quant aux circonstances permettant ce report.
II - La seule exigence d'une gestion de fait
Nature de la gestion des biens après la majorité. Dans les décisions précédentes, la Cour de cassation précisait que le tuteur avait continué la gestion des biens "en cette qualité", ce qui pouvait être interprété comme l'exigence d'une gestion s'inscrivant dans le cadre d'une mesure de protection judiciaire, même si tous les arrêts rendus sur cette question concernaient des hypothèses de gestion de fait. C'est l'interprétation à laquelle la cour d'appel avait procédé avec semble-t-il une certaine mauvaise foi. Les juges du fond avaient, en effet, considéré que le report du point de départ de la prescription ne pouvait avoir lieu que si la poursuite de la gestion par l'administrateur légal s'inscrivait dans une tutelle ou une curatelle portant sur les biens du jeune majeur en cause. La Cour de cassation contredit logiquement cette interprétation, qui enlèverait tout intérêt au report du point de départ du délai, en supprimant dans son chapeau, l'expression "en cette qualité". Elle considère donc que le report du point de départ de la prescription peut avoir lieu dès lors que, dans les faits, l'administrateur poursuit la gestion des biens de son enfant après la majorité de celui-ci sans qu'aucune mesure de protection ne soit mise en place.
Preuve de la poursuite de la gestion des biens de l'enfant. Encore faut-il, cependant, que l'enfant établisse la réalité de la poursuite de la gestion (4). Tel n'est pas le cas lorsqu'aucun acte personnel n'établit que l'administrateur légal avait prolongé sa gestion des biens au-delà de la majorité des enfants, et qu'au contraire, les comptes de son administration avaient été approuvés par ceux-ci (5).
Appréciations. La possibilité de contester très tardivement l'inaction du tuteur ou de l'administrateur légal a été critiquée comme permettant "un règlement de comptes" au prétexte de reddition des comptes (6). Elle semble, cependant, tout à fait opportune au regard de la nécessité de la protection des mineurs. La poursuite par l'ancien administrateur légal de la gestion des biens de son enfant devenu majeur lui permet, en effet, de dissimuler les fautes qu'il aurait pu commettre. Il lui est ainsi possible d'empêcher l'enfant d'agir contre lui, en demandant les comptes de la tutelle et, le cas échéant, en engageant sa responsabilité pour faute de gestion, pendant les cinq années nécessaires à l'écoulement du délai de prescription. On peut, en outre, penser que le fait que l'enfant laisse son parent poursuivre la gestion de ses biens est le reflet de l'emprise qu'il exerce encore sur lui, laquelle paraît difficilement compatible avec une action en reddition des comptes !
Réforme. Alors que l'occasion lui en était donnée, la Cour de cassation n'anticipe pas l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007, prévue pour le 1er janvier 2009, relative aux incapables majeurs (loi n° 2007-308, portant réforme de la protection juridique des majeurs N° Lexbase : L6046HUH), qui contredit directement la solution rappelée dans l'arrêt du 16 avril 2008. Le nouvel article 515 du Code civil (N° Lexbase : L8513HW9) prévoit, en effet, expressément que "l'action en reddition de comptes diligentée par la personne protégée relativement aux faits de la tutelle se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la mesure alors que la gestion aurait continué au-delà". Cette disposition sonne le glas du report du point de départ de la prescription de l'action en reddition des comptes et par là même celui de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point. Le fait que la Cour de cassation maintienne celle-ci jusqu'au bout est sans doute le signe d'une certaine désapprobation à l'égard d'une loi qui brise sa jurisprudence...
(1) Cass. civ. 1, 13 décembre 1994, n° 93-13.826, M. X c/ Association tutélaire du Mantois et autre (N° Lexbase : A7700ABS), D., 1995,IR, p. 9.
(2) S. Deis-Beauquesne, Le contrôle de gestion du patrimoine du mineur, AJFamille, 2002, p. 369.
(3) Cass. civ. 1, 19 février 1991, n° 89-14.418, M. Emmanuel Ranieri c/ Epoux Modesto Ranieri (N° Lexbase : A4483AHI), Bull. civ. I, n° 66, RTDCiv., 1991, p. 707, obs. J. Hauser ; Cass. civ. 1, 7 octobre 1997, n° 95-19.347, M. Sabatier, ès qualités d'administrateur légal c/ Consorts X et autres (N° Lexbase : A0697ACS), Dr. fam., 1998, comm., n° 30, obs. T. Fossier ; RTDCiv., 1998, p. 74, obs. J. Hauser.
(4) Cass. civ. 1, 1er juin 1994, n° 92-17.362, Ranieri Emmanuel c/ Epoux Ranieri (N° Lexbase : A8060CKQ).
(5) Cass. civ. 1, 7 octobre 1997, préc..
(6) J. Hauser, obs. sous Cass. civ. 1, 19 février 1991, préc. ; J. Vimon, Réflexions sur la nature de l'action de l'ex-pupille en cas de gestion continuée de l'ex-tuteur, JCP éd. N, 1993, I, p. 251.
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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Le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 15 novembre 2007, n° 06-44.008, Mme Gabrielle Dos Santos c/ Société Oneo Conseil, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7430DZ9) : "aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1837G9W), relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991 (N° Lexbase : L7592AUQ), l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable. Si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie. Cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire" (lire nos obs., Convention collective et bulletin de paie : revirement de jurisprudence !, Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3567BDH).
L'arrêt rendu le 15 novembre 2007 par la Cour de cassation fait partie des quelques revirements de jurisprudence qui auront émaillé l'année 2007. Pour être tout à fait précis, et ainsi qu'il est affirmé dans le rapport, cette décision constitue une "mise en adéquation de [la] jurisprudence [de la Cour de cassation] avec la Directive européenne du 14 octobre 1991 et la jurisprudence de la CJCE depuis l'arrêt "Kampelmann" du 4 décembre 1997 [CJCE, 4 décembre 1997, aff. C-253/96, Helmut Kampelmann et a. N° Lexbase : A5879AYE, Dr. ouvrier, 1998, p. 235, note M. Bonnechère]". Eu égard à la date de cette dernière décision, on pourra s'étonner qu'il ait fallu autant de temps à la Chambre sociale pour modifier une solution qu'elle avait adopté en 1998.
Il convient, en effet, de rappeler que, dans un arrêt rendu le 18 novembre 1998, la Cour de cassation décidait que la mention de la convention collective sur le bulletin de paie vaut reconnaissance de l'application de la convention collective à l'entreprise dans les relations individuelles de travail (Cass. soc., 18 novembre 1998, n° 96-42.991, Société hôtelière cognacaise c/ Mme Mazif, publié N° Lexbase : A3757ABR, JCP éd. G, 1999, II, 10088, note J.-Ph. Lhernould). Il fallait comprendre que la présomption, ainsi, reconnue présentait un caractère irréfragable.
Critiquable et critiquée au regard de notre droit interne (voir nos obs., Convention collective et bulletin de paie : revirement de jurisprudence !, préc.), cette solution apparaissait, en outre, en contradiction avec le droit européen. En effet, par un arrêt "Kampelmann", en date du 4 décembre 1997, la CJCE avait précisé qu'il convient d'attribuer à l'information délivrée au salarié une force probante telle qu'elle puisse être considérée comme élément susceptible de démontrer la réalité des éléments essentiels du contrat et qu'elle soit, de ce fait, revêtue d'une présomption de vérité comparable à celle qui s'attacherait dans l'ordre juridique interne à pareil document établi par l'employeur et communiqué au travailleur. Mais l'arrêt ajoutait que, "en l'absence de régime de preuve établi par la Directive elle-même, l'établissement des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ne saurait dépendre de la seule communication faite par l'employeur. Dès lors, l'employeur doit être autorisé à apporter toute preuve contraire en démontrant soit que les informations contenues dans la communication sont fausses en elles-mêmes, soit qu'elles ont été démenties par les faits".
Il y a tout lieu de constater que la jurisprudence de la Cour de cassation n'était pas conforme à celle de la CJCE et portait, ainsi, atteinte à la primauté du droit communautaire. A ce titre, le revirement de jurisprudence dont est porteur l'arrêt du 15 novembre 2007 doit être salué.
Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991, l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable ; que si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie ; que cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire".
La présomption irréfragable est, ainsi, devenue une présomption simple. Il reste, désormais, à tirer les conséquences pratiques de cette solution. Ainsi que nous l'avions relevé dans notre commentaire, une difficulté risque de naître lorsque l'employeur apportera la preuve que, malgré la mention de telle ou telle convention dans le bulletin de paie, il n'a pas entendu en faire une application volontaire. Si la convention visée par le bulletin de paie a été appliquée et a permis aux salariés de bénéficier de certains avantages, l'employeur pourra certainement exercer une action en répétition de l'indu. Cela étant, on pourrait considérer que si l'employeur a respecté les obligations mises à sa charge par la convention, c'est qu'il a clairement entendu en faire une application volontaire.
Sur ces points, le rapport n'apporte aucun éclaircissement et il conviendra, par conséquent, d'attendre de prochains arrêts. Toutefois, il est précisé, et cela a son importance au regard de ce qui vient d'être dit, que "par cet arrêt, la Chambre sociale de la Cour de cassation signifie également qu'elle garde un contrôle et ne laisse pas totalement à l'appréciation souveraine des juges du fond le soin de vérifier la preuve contraire apportée par l'employeur".
Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 9 mai 2007, 4 arrêts, n° 05-40.315, Société Lacour, n° 05-42.301, Société Kent, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0925DW8) : "lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission" (lire nos obs., Clarifications (?) sur la distinction entre prise d'acte et démission, Lexbase Hebdo n° 260 du 16 mai 2007 - édition sociale N° Lexbase : N0691BB9).
Comme cela avait été souligné (voir nos obs., Clarifications (?) sur la distinction entre prise d'acte et démission, préc.), cette décision vient utilement clarifier le régime de la contestation de la démission, fondée sur l'analyse subjective de la qualité du consentement du salarié, de la prise d'acte qui impose au juge une analyse objective des torts imputés à l'employeur. En dépit d'une réserve portant sur la référence aux vices du consentement, ces arrêts donnent de précieux exemples "de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission" permettant d'établir "qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque".
Le rapport annuel précise que, "dans toutes ces hypothèses, c'est l'existence d'un différend "formalisé" auprès de l'employeur, avant ou au moment de la rupture, qui justifie la solution". En d'autres termes, ou des indices matériels existent et permettent de douter de la sincérité de la démission, et celle-ci pourra être contestée (soit dans le cadre d'une annulation, si le salarié désire reprendre son poste, soit dans le cadre du régime de la prise d'acte s'il souhaite obtenir uniquement un chèque), ou aucun élément ne peut être relevé et la démission sera confirmée.
Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
- Ass. plén., 30 novembre 2007, n° 06-45.365, M. Michel Canny c/ Crédit lyonnais, P+B+R+I (N° Lexbase : A9892DZE) : bien que la convention collective conditionne son versement à l'existence d'une insuffisance professionnelle ou d'une incapacité physique, l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être versée au salarié en cas de licenciement pour motif non disciplinaire (lire nos obs., Le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement liée à l'absence de motif disciplinaire, Lexbase Hebdo n° 285 du 13 décembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3932BDY).
Les explications proférées par le rapport de la Cour de cassation sur cet arrêt ne manquent pas de provoquer une certaine frustration. En effet, la Cour se contente, ici, de rappeler la longue procédure qui avait mené les parties jusqu'à l'Assemblée plénière et d'égrener les précédents jurisprudentiels qui ont ponctué les quinze dernières années sur le problème posé.
Rappelons qu'il revenait à l'Assemblée plénière de fixer l'interprétation qu'il convenait de retenir de l'article 26 de la Convention collective de la banque , texte instituant une indemnité conventionnelle de licenciement en cas de motif non disciplinaire de licenciement, le texte ayant la maladresse d'établir une liste des licenciements ne recouvrant pas une telle qualification (1). Par un chapeau de tête limpide, la Cour de cassation avait décidé que l'"indemnité conventionnelle de licenciement est versée au salarié en cas de licenciement pour motif non disciplinaire", mais son raisonnement ultérieur avait été basé sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, en estimant que le fait qu'il ait été "irrévocablement jugé que le licenciement [du salarié] était dépourvu de cause réelle et sérieuse [...] lui ouvrait droit au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement".
Le rapport persiste dans cette voie en estimant que "l'Assemblée plénière se prononce sur le droit d'un salarié, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de percevoir l'indemnité conventionnelle de licenciement" (2). Ce faisant, la Cour de cassation entérine la confusion entre cause qualificative et cause justificative de licenciement. Il est, en effet, manifeste qu'un licenciement peut être prononcé pour un motif disciplinaire sans pour autant être justifié par une cause réelle et sérieuse. L'absence de cause réelle et sérieuse ne disqualifie pas le licenciement, ce qu'un exemple permet parfaitement d'illustrer. Imaginons qu'un employeur prononce un licenciement fondé sur un motif disciplinaire sans respecter la procédure de ce type de sanction, procédure encadrée par les articles L. 122-40 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L5578ACL, art. L. 1331-1 et s. recod. N° Lexbase : L0252HXM). Que le licenciement soit, ou non, justifié par une cause réelle et sérieuse, le salarié devra toujours être indemnisé pour manquement à cette procédure. Cela démontre bien que l'absence de cause réelle et sérieuse n'emporte pas disqualification du licenciement disciplinaire en licenciement non disciplinaire.
Il aurait été appréciable de recevoir un complément d'argumentation par l'intermédiaire du rapport sur ce sujet. Tel n'est pas le cas, il faudra donc se contenter de la règle selon laquelle, désormais, tout licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvre droit au versement de l'indemnité conventionnelle.
Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 9 janvier 2007, n° 05-43.962, Mme Françoise Bethus, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4832DT7) : "un accord collectif ou une décision unilatérale de l'employeur ne peut retenir, afin de régulariser la rémunération du salarié en fin d'année, indépendante des heures réellement effectuées chaque mois, la durée hebdomadaire moyenne de la modulation comme mode de décompte des jours d'absence pour maladie pendant la période de haute activité, une telle modalité de calcul constituant, malgré son caractère apparemment neutre, une mesure discriminatoire indirecte en raison de l'état de santé du salarié" (lire nos obs., Incidence de la maladie sur le décompte annuel des heures de travail dans le cadre d'un accord de modulation : aucune à peine de discrimination indirecte !, Lexbase Hebdo n° 245 du 24 janvier 2007 - édition sociale N° Lexbase : N8128A9W).
Un nouveau vide législatif a été comblé par la Haute juridiction le 9 janvier 2007. La question qui se posait était celle de savoir comment il convenait de décompter les périodes de maladie d'un salarié dont la durée du travail a été annualisée. Convient-il de retenir la durée lissée du travail et, partant, de décompter 35 heures hebdomadaires, ou faut-il, au contraire, tenir compte de la durée effectivement réalisée dans l'entreprise au cours de la période de suspension du contrat ?
Afin d'éviter une discrimination indirecte fondée sur l'état de santé du salarié, l'employeur ou les partenaires sociaux doivent veiller, lorsqu'ils entendent régulariser la rémunération du salarié en fin d'année, à ne pas retenir la durée hebdomadaire moyenne de la modulation, et lui préférer la durée collective effective de travail pratiquée au cours de la période d'absence.
Cette solution est parfaitement conforme à tous les principes du droit du travail, qu'il s'agisse du principe d'égalité, de la définition donnée à la notion de discrimination indirecte par le droit communautaire.
Cette règle égalitaire est, nous l'avions souligné, à double tranchant. Elle interdit, en effet, au salarié de se prévaloir de l'horaire annualisé, s'il advenait que ce mode de décompte lui était plus favorable et, singulièrement, si les périodes d'absences correspondaient à des périodes de basse activité.
Comme elle le souligne dans son rapport, la Cour vient, dans cette décision, pour la première fois, se prononcer sur l'existence d'une discrimination indirecte prohibée. Elle recourt donc, pour la première fois, à la définition retenue par les juges de la CJCE, selon laquelle une discrimination indirecte se produit lorsqu'une "disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés par rapport à d'autres personnes..." (CJCE, 13 mai 1986, aff. C-170/84, Bilka - Kaufhaus GmbH c/ Karin Weber von Hartz N° Lexbase : A8290AUL).
- Cass. soc., 14 mars 2007, n° 05-43.184, Société Technique française de nettoyage (TFN), FS-P+B+R (N° Lexbase : A6927DU4) : "les règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et un salarié victime d'un accident du travail survenu au service d'un autre employeur" (lire nos obs., Différence de régime applicable aux contrats de travail maintenus en application de la convention collective et ceux maintenus en application de L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail : l'exemple de l'accident survenu avant le transfert, Lexbase Hebdo n° 255 du 4 avril 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3855BAZ).
Bien que n'ayant pas le caractère de nouveauté, la solution rendue par la Cour de cassation le 14 mars 2007 n'en demeure pas moins importante, notamment, parce qu'elle délimite le contour de l'article L. 122-32-10 du Code du travail (N° Lexbase : L5513AC8, art. L. 1226-6, recod. N° Lexbase : L9846HWL).
Dans cette espèce, un salarié, engagé en qualité d'agent de propreté, victime d'un accident du travail et en arrêt de travail, avait vu son contrat transféré au nouvel attributaire du marché, en application de l'accord annexé à la Convention collective nationale du personnel des entreprises de propreté.
Le nouvel employeur avait licencié le salarié pour inaptitude à tout poste de travail constaté par le médecin du travail. La cour d'appel avait fait droit à la demande du salarié, qui contestait le bien-fondé de cette rupture, considérant que l'accord du 29 mars 1990 équivalait à une application volontaire de l'article L. 122-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY, art. L. 1224-1, recod. N° Lexbase : L9765HWL), appliquant par là même le principe dégagé par la Haute juridiction en 1992 (Cass. soc., 9 juillet 1992, n° 91-40.015, SA GSI c/ Mme Adrien, inédit N° Lexbase : A3619CQ4).
Cette décision est cassée par la Haute juridiction qui, aux visas des articles L. 122-32-10, L. 122-32-6 (N° Lexbase : L5524ACL, art. L. 1226-14, recod. N° Lexbase : L9854HWU) et L. 122-32-7 (N° Lexbase : L5525ACM, art. L. 1226-15, recod. N° Lexbase : L9855HWW) du Code du travail, affirme que l'accord qui, pour le cas de perte d'un marché de services, prévoit et organise la reprise de tout ou partie des contrats de travail, ne constitue pas une application volontaire de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.) et ne peut, à lui seul, et sauf clause contraire le prévoyant, faire échec aux dispositions de l'article L. 122-32-10 du même code (art. L. 1226-6, recod.). Cette solution va de soi.
L'article L. 122-32-10 du Code du travail (art. L. 1226-6, recod.) dispense le nouvel employeur du respect de la législation protectrice lorsque l'accident ou la maladie est survenue alors que le salarié se trouvait sous la subordination d'un ancien employeur.
Forte de ce principe, la jurisprudence refuse, par exemple, au salarié, une fois engagé par l'entreprise "anciennement utilisatrice", le bénéfice de la législation protectrice pour l'accident survenu alors qu'il était mis à disposition, l'entreprise de travail temporaire étant, à ce moment-là, son employeur.
Les juges atténuent ce principe en excluant l'application de l'article L. 122-32-10 du Code du travail (art. L. 1226-6, recod.), lorsqu'il y a transfert du contrat de travail en application de l'article L. 122-12 du même code (art. L. 1224-1, recod.), que cette application soit légale (Cass. soc., 3 mars 2004, n° 02-40.542, F-D N° Lexbase : A4154DBH) ou conventionnelle (Cass. soc., 9 juillet 1992, n° 91-40.015, préc.). Le salarié, dont le contrat de travail, est transféré peut donc se prévaloir de la protection à l'égard de son nouvel employeur.
La simple perte d'un marché n'emporte pas transfert des contrats de travail en application de l'article L. 122-12 du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.) (Ass. plén., 16 mars 1990, n° 85-44.518, Consorts Mallet N° Lexbase : A1496ABZ). Il n'y a pas, dans ce cas, transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.
Les parties peuvent, néanmoins, décider de se soumettre à l'article L. 122-12 du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.). Si l'application volontaire de l'article L. 122-12 du Code du travail n'est pas interdite, il n'en demeure pas moins qu'elle doit être expresse et est subordonnée à l'accord des salariés (Cass. soc., 2 avril 1998, n° 96-40.383, Société Lafitte c/ Mme Maryse Lesbarrères N° Lexbase : A6934AHB).
L'accord à l'origine du transfert prévoit la rédaction d'un avenant au contrat de travail précisant le nom du nouvel employeur et reprenant l'ensemble des clauses qui y sont attachées. Le contrat de travail est donc nouveau. Le rapport souligne, en outre, que le salarié peut refuser le transfert de son contrat de travail dans ce cas ce qui n'est pas possible en applicable de l'article L. 122-12 du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.).
L'accord qui avait permis le transfert des contrats de travail ne pouvait donc être vu comme une application volontaire de l'article L. 122-12 du Code du travail. Il ne pouvait avoir pour effet de faire échec aux prescriptions de l'article L. 122-32-10 de ce même code. C'est ce que souligne la Cour de cassation dans son rapport.
- Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-13.771, M. Gérard Gruner, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2849DU3) : "un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail, dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail" (lire nos obs., Accident du travail : où va-t-on ?, Lexbase Hebdo n° 251 du 7 mars 2007 - édition sociale N° Lexbase : N2896BAI).
Sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat, la Haute juridiction reconnaît, par cet arrêt, la qualification d'accident du travail et la faute inexcusable de l'employeur pour la tentative de suicide commise par un salarié à son domicile alors qu'il se trouvait en arrêt maladie.
Pour justifier sa position, la Haute juridiction affirme qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail, dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail. L'employeur étant tenu d'une obligation de résultat, toute violation de cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable. Le suicide d'un salarié est un accident du travail dû à une faute inexcusable de l'employeur dans la mesure où il est établi que l'employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures pour l'en préserver.
La reconnaissance du suicide comme accident du travail n'est pas, à proprement parler, nouvelle. Dans la mesure où il est établi que ce suicide a eu lieu à l'occasion du travail, il doit être considéré comme accident du travail, tel est le cas de la tentative de suicide commise sur le lieu du travail (Tass Epinal, n° 218/99, 28 février 2000, Madame Chantal Rousseaux c/ CPAM des Vosges N° Lexbase : A4423DUD).
Il en va, désormais, de même, du suicide commis hors du lieu de travail, dans la mesure où il est établi que le geste du salarié est en relation directe avec le travail. Cette situation est inédite et nouvellement reconnue par la Cour de cassation comme un accident du travail. Elle fait sienne la définition donnée par le Code de la Sécurité sociale de l'accident du travail (CSS, art. L. 411-1 N° Lexbase : L5211ADD). Elle doit donc, sur ce point, être approuvée.
Plus contestable est la seconde partie de la décision, qui qualifie de faute inexcusable la faute de l'employeur. La définition traditionnelle de la faute inexcusable semblait, en effet, enfermée par le lieu de travail. Singulièrement, la notion de faute inexcusable était traditionnellement utilisée pour protéger les salariés sur leur lieu de travail, dans l'exécution de leur prestation de travail (Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4836AYR). Comme le souligne la Cour de cassation dans son rapport, traditionnellement, la faute de l'employeur est recherchée dans des manquements par l'employeur à des obligations matérielles (non-respect des obligation de sécurité, utilisation de substances dangereuses, violation des procédures de sécurité). Or, dans cette décision, c'est l'attitude, le comportement de l'employeur qui est sanctionné, ce qui est nouveau. La qualification de la faute inexcusable semble inexorablement suivre celle d'accident du travail...
Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
(1) Le texte évoque, ainsi, l'insuffisance professionnelle et l'incapacité physique de travailler, mais laisse, par exemple, de côté le licenciement du salarié dont l'absence désorganise le fonctionnement de l'entreprise et la contraint à pourvoir définitivement à son remplacement.
(2) Cf. le rapport de la Cour de cassation.
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Le 07 Octobre 2010
Dans le mécanisme de la cession de créance par bordereau Dailly, le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire les exceptions qu'il détient contre le cédant, pour refuser de remplir ses obligations. Il en est ainsi, même si la cession a été notifiée au débiteur cédé, cette notification n'ayant pour effet que d'emporter révocation du mandat d'encaissement donné tacitement au cédant par le cessionnaire.
Il existe, toutefois, dans le mécanisme de la cession Dailly, une possibilité d'acceptation de la cession par le débiteur cédé. En ce cas, le débiteur cédé se retrouve dans une situation comparable à celle du tiré d'une lettre de change. Par le mécanisme de l'inopposabilité des exceptions, il se constitue, en quelque sorte, prisonnier du paiement.
Ainsi, dès lors que la cession de créance par bordereau Dailly n'a pas été acceptée par le débiteur cédé, ce dernier conserve la possibilité d'opposer au cessionnaire de la créance toutes les exceptions qu'il a à l'encontre du débiteur cédé.
Comment coordonner ce principe avec l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance cédée au passif du cédant, au profit du cessionnaire déclarant ? C'est à cette question que répond un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 1er avril 2008.
En l'espèce, un professionnel (le cédant) cède à une banque (le cessionnaire) une créance détenue sur une société cliente (le débiteur cédé). La banque notifie au débiteur cédé la cession de créance. Le débiteur cédé n'accepte pas la cession intervenue. Quelques mois plus tard, le cédant de la créance est placé en liquidation judiciaire. La banque cessionnaire déclare sa créance. La créance est admise au passif du cédant. Non payée, la banque cessionnaire se retourne contre le débiteur cédé et lui demande de s'exécuter. Ce dernier refuse, en soulevant une exception d'inexécution de la commande, cause de la créance cédée. Les juges du fond vont écarter l'argument tiré de l'exception d'inexécution et faire droit à la demande de paiement de la banque dirigée contre le débiteur cédé. Ce dernier va, alors, se pourvoir en cassation.
La question se posait, dès lors, de savoir si le débiteur cédé d'une créance transmise par bordereau Dailly pouvait soulever l'exception d'inexécution du contrat le liant au cédant de la créance, pour refuser de payer, dès lors que la créance cédée avait été admise au passif du cédant de la créance. La Cour de cassation va répondre à cette question par l'affirmative. Cassant la décision d'appel, elle va, à la manière d'un arrêt de principe, clairement affirmer que "l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance du cessionnaire au passif de la procédure collective du cédant ne fait pas obstacle à ce que le débiteur cédé puisse opposer au cessionnaire l'exception d'inexécution de son obligation par le cédant".
Pour bien comprendre la portée de la décision, diverses règles méritent d'être précisées, avant d'envisager leur coordination.
Il est, d'abord, admis que, dans le mécanisme de la cession de créance par bordereau Dailly, le débiteur cédé est un obligé solidaire à la dette du cédant.
Il n'est pas davantage discutable que la décision d'admission au passif d'une procédure collective n'a pas une autorité strictement relative de chose jugée. En effet, une jurisprudence constante décide que la décision d'admission au passif d'un obligé solidaire à la dette a autorité de chose jugée à l'égard de tous les autres obligés solidaires à cette dette (1). Ces derniers sont réputés représentés à l'instance d'admission intervenue entre l'obligé solidaire concerné et le codébiteur sous procédure collective. La représentation mutuelle des coobligés joue comme un mécanisme de destruction de l'autonomie du lien obligatoire, pour permettre de considérer que ce qui est jugé à l'encontre d'un codébiteur solidaire, s'impose à l'autre. En conséquence, l'admission de la créance au passif interdit au codébiteur solidaire de faire valoir les exceptions communes à tous les codébiteurs, dès lors que ces exceptions n'ont pu être retenues par la décision ayant statué sur l'admission de la créance.
La coordination de ces deux règles aboutit, a priori, à poser en principe que la décision d'admission au passif du cédant d'une créance s'impose au débiteur cédé de cette même créance.
Les effets de la règle de l'accessoire, qui se trouvent seulement renforcés par la représentation mutuelle des coobligés, dans le cadre du cautionnement, sont, évidemment, ici, sans application. La représentation mutuelle des coobligés joue comme un mécanisme de destruction de l'autonomie du lien obligatoire, pour permettre de considérer que ce qui est jugé à l'encontre d'un codébiteur solidaire, s'impose à l'autre. En conséquence, l'admission de la créance au passif interdira au codébiteur solidaire de faire valoir les exceptions communes à tous les codébiteurs, dès lors que ces exceptions n'ont pu être retenues par la décision ayant statué sur l'admission de la créance. La Cour de cassation a pu juger que l'opposabilité au codébiteur solidaire de l'admission de la créance au passif ne contrarie pas le droit au procès équitable posé par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), du fait de la possibilité pour le codébiteur solidaire de former réclamation à l'état des créances, afin d'empêcher l'admission au passif de devenir définitive (2).
Le codébiteur solidaire, après admission irrévocable de la créance, ne peut plus discuter, pour refuser de remplir son engagement, de l'existence de la créance ou de son montant. La solution a été posée pour une indemnité de résiliation réclamée à un colocataire. Il en est de même du cédant de la créance par bordereau Dailly, garant solidaire à défaut de clause contraire, en cas d'admission de la créance au passif du débiteur cédé. Pas davantage, il ne saurait discuter de la validité de la déclaration de créance effectuée. L'autonomie des engagements y aurait, d'ailleurs, fait obstacle, même en l'absence de toute admission de la créance. A fortiori, en sera-t-il ainsi, en cas d'admission de la créance, alors que la règle ne serait plus justifiée par l'autonomie des engagements, mais par l'idée de représentation mutuelle des coobligés ?
Pourtant, la Cour de cassation croit, dans l'espèce ici rapportée, devoir juger que l'admission de la créance au passif du cessionnaire Dailly n'interdit pas au débiteur cédé d'opposer l'exception d'inexécution de son obligation envers le cédant.
Alors comment justifier cette solution ?
Pour cela, il importe de préciser la portée exacte de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision d'admission au passif. La procédure de vérification et d'admission des créances ne tend, selon une solution bien établie en jurisprudence, qu'à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance. C'est ce qui justifie la compétence du juge-commissaire et, à sa suite, de la cour d'appel, qui statuent sur l'admission ou le rejet d'une créance. Il y a, en effet, une limite considérable des pouvoirs du juge-commissaire en matière de vérification et d'admission des créances, qui tient en échec une règle classique de la procédure civile, selon laquelle le juge de l'action est aussi celui de l'exception (C. Proc. Civ., art. 49 N° Lexbase : L2734ADM). Ce principe classique de procédure civile aurait dû conduire le juge-commissaire à connaître de tous les moyens de défense soulevés par le défendeur, dès lors que, conformément à cet article, ils ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Ce principe est clairement écarté, du fait du caractère strict du cadre d'intervention du juge-commissaire, qui connaît du principe, de l'existence et de la nature de la créance, non des autres questions.
Puisqu'il est interdit au juge-commissaire statuant en matière d'admission et de rejet des créances déclarées, d'apprécier l'effectivité de la rupture d'un contrat ayant donné naissance à la créance ou de sa validité, ou encore de l'exécution prétendument défectueuse d'un contrat, il était, en l'espèce, hors de propos pour le juge-commissaire d'apprécier s'il y avait ou non place au jeu de l'exception d'inexécution. Ce moyen, pour des raisons tenant à la compétence du juge-commissaire, n'était pas entré dans le débat. Il n'était, donc, pas couvert par l'autorité de chose jugée. Dès lors, puisque l'autorité de chose jugée attachée à cette exception d'inexécution du contrat fondant la commande n'existait pas dans les rapports entre le cédant de la créance et le débiteur cédé, aucun obstacle ne s'élevait pour qu'il soit soulevé par le débiteur cédé à l'encontre du cessionnaire de la créance. La solution de la Cour de cassation se trouve, en conséquence, parfaitement fondée et ne peut, donc, qu'être approuvée.
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)
Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L4126BMR), l'article L. 621-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L6704DAK) disposait que "les créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication ou d'un contrat de crédit-bail publié sont avertis personnellement et, s'il y a lieu, à domicile élu" (disposition reprise par l'article L. 622-24 du Code de commerce N° Lexbase : L3744HBB depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT). La forclusion n'était, alors, pas opposable à ces créanciers, dès lors qu'ils n'avaient pas été avisés personnellement (C. com., anc. art. L. 621-46, al. 2 N° Lexbase : L6898AIC). L'article L. 622-24 du Code de commerce prévoit, désormais, que "le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement". Par un arrêt rendu le 15 avril 2008, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient apporter une précision intéressante sur la notion de créancier titulaire d'une sûreté publiée devant, à ce titre, être averti par le mandataire, par courrier recommandé, d'avoir à déclarer sa créance.
En l'espèce, un créancier avait fait inscrire un nantissement judiciaire conservatoire sur le fonds de commerce appartenant à son débiteur, sans, cependant, respecter les prescriptions du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (N° Lexbase : L9125AG3). Les sûretés judiciaires conservatoires régies par ce texte ont en commun de devoir, dans un premier temps, être inscrites de façon provisoire. Cette inscription provisoire doit être dénoncée au débiteur dans le délai de l'article 255 du décret susvisé. Dans un deuxième temps, une inscription définitive de la sûreté doit être effectuée dans le délai prévu à l'article 263. Or, en l'espèce, le créancier s'était contenté de procéder à la seule inscription provisoire, sans pouvoir établir en avoir informé le débiteur par acte d'huissier de justice, dans les conditions de l'article 255 du décret. Dans ces circonstances de fait, le créancier n'avait pas été rendu destinataire d'un avertissement du mandataire d'avoir à déclarer sa créance dans la procédure collective ultérieurement ouverte à l'égard du débiteur. Il avait sollicité, d'une part, le relevé de sa forclusion (alors, cependant, qu'un simple constat d'inopposabilité de forclusion aurait dû être sollicité, cf. C. com., anc. art. L. 621-46, al. 2) et, d'autre part, son admission à titre privilégié. Le juge-commissaire avait, d'abord, fait droit à cette demande. La cour d'appel avait, cependant, par la suite, infirmé l'ordonnance de celui-ci. Le créancier s'était, alors, pourvu en cassation, en arguant qu'il était titulaire d'une sûreté publiée et devait, à ce titre, être averti par le mandataire de justice, en application de l'article L. 621-43 du Code de commerce (repris par l'article L. 622-24 depuis la loi de sauvegarde des entreprises). Dans l'arrêt rapporté, la Chambre commerciale de la Cour de cassation accueille le pourvoi et casse l'arrêt d'appel en estimant que le créancier "titulaire d'un nantissement inscrit sur le fonds de commerce de la société [débitrice] au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire de cette dernière, devait être personnellement averti d'avoir à déclarer sa créance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du représentant des créanciers, peu important que la validité de la publicité de la sûreté puisse ultérieurement être contestée". Ainsi, même si la publicité de la sûreté est irrégulière, rendant, par conséquent, cette dernière caduque, le créancier doit, tout de même, au regard de l'obligation d'avertissement pesant sur le mandataire, être considéré comme un créancier titulaire d'une sûreté publiée et doit, à ce titre, bénéficier de l'avertissement. De prime abord, la position adoptée par la Chambre commerciale peut paraître critiquable. Cependant, elle s'avère, en réalité, heureuse.
La position semble, d'abord, critiquable, dans la mesure où un créancier, en fait chirographaire du fait de la caducité de la prise de sa sûreté, doit, pourtant, à la lecture de l'arrêt, bénéficier de l'avertissement destiné aux créanciers titulaires de sûretés publiées. En effet, en l'espèce, le créancier s'était contenté de procéder à la publicité provisoire d'une sûreté judiciaire -en l'occurrence, un nantissement sur fonds de commerce-, sans signifier cette inscription au débiteur. Or, aux termes des dispositions de l'article 255 du décret du 31 juillet 1992, "à peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice". Dès lors, le créancier, victime de cette caducité, ne devait pas être considéré comme un créancier titulaire d'une sûreté, mais comme un simple créancier chirographaire. En conséquence, à notre sens, l'obligation d'avertissement incombant au représentant des créanciers d'avertir le créancier titulaire d'une sûreté publiée ne pouvait pas bénéficier au créancier n'ayant pas valablement publié sa sûreté. Telle n'est pas la position adoptée par la Chambre commerciale qui considère que, dès lors qu'une inscription de sûreté a été faite, le créancier devait être informé, peu important que la validité de la publicité de la sûreté en question soit, ultérieurement, contestée.
Cette position est favorable au créancier puisque, alors même que la publicité de sa sûreté n'est pas régulière, ce dernier devra bénéficier de l'avertissement institué au profit des créanciers titulaires de sûreté publiée. A y regarder de plus près, cette position est, également, favorable au mandataire de justice, car elle évite l'éventuelle mise en jeu de la responsabilité de celui-ci. On sait, en effet, que l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L9117AGR), applicable en l'espèce (repris à l'article R. 622-21 du Code de commerce N° Lexbase : L0893HZ4 depuis la loi de sauvegarde des entreprises), prévoit que "le représentant des créanciers, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc". A défaut de relevé de forclusion du créancier connu, le défaut de respect de cette obligation d'avertissement des créanciers connus doit conduire à l'engagement de la responsabilité du mandataire (11). Or, le créancier qui n'a pas procédé à la publication régulière de sa sûreté doit, certes, être considéré comme un créancier chirographaire, mais un créancier chirographaire connu, puisqu'il a procédé à une inscription provisoire de sûreté. Il en résulte qu'il doit, également, être averti, mais cette fois, en application des dispositions de l'article R. 622-21 du Code de commerce, aux termes duquel "le mandataire judiciaire, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances". A défaut, la responsabilité du mandataire pourra être engagée, dès lors que le défaut d'avertissement du créancier "simplement connu" (c'est-à-dire, non titulaire d'une sûreté publiée) n'ouvre pas droit à une inopposabilité de la forclusion à l'égard du créancier (C. com., art. L. 621-46 al. 2, sous l'empire des dispositions anciennes) ou n'empêche pas de faire courir le délai de déclaration de créances (article L. 622-24 issu de la loi de sauvegarde des entreprises).
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences des Universités, Directrice du Master 2 droit de la banque de la faculté de Toulon
(1) Cass. com., 20 septembre 2005, n° 04-14.410, M. André Garnier c/ M. Jacques Bonnisseau, F-D (N° Lexbase : A5190DKG) ; Cass. com., 1er avril 2008, n° 06-21.296, Mme Catherine Dejean, épouse Varenne, F-D (N° Lexbase : A7659D7S) ; CA Paris, 8ème ch., sect. B, 4 décembre 2003, n° 2003/07691, Madame Zaidi divorcée Mahiout Zaia c/ Union Bancaire du Nord (N° Lexbase : A9031DAQ).
(2) Cass. com., 30 octobre 2007, n° 04-16.655, Mme Lucette Boulou, épouse Chocu, F-P+B (N° Lexbase : A2247DZA) ; lire nos obs., Gaz. proc. coll., 2008/1, p. 65 ; lire E. Le Corre-Broly, La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 282 du 21 novembre 2007 (N° Lexbase : N1983BDS).
(3) Cass. com., 30 octobre 2007, n° 04-16.655, Mme Lucette Boulou, épouse Chocu, précité, et réf. précitées.
(4) Cass. com., 30 octobre 2007, n° 04-16.655, Mme Lucette Boulou, épouse Chocu, précité, et réf. précitées.
(5) Cass. com., 24 juin 2003, n° 00-18.078, Société Entreprise Pitance c/ Société Franfinance Location, FS-P (N° Lexbase : A9664C8G), Bull. civ. IV, n° 106 ; D., 2003, AJ, p. 2012 ; Act. proc. coll., 2003/14, n° 187.
(6) Cass. com., 28 avril 2004, n° 01-03.250, Société Bouygues immobilier c/ Société Finter Bank France, F-D (N° Lexbase : A0439DCA).
(7) Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-17.773, M. Daniel Schutz c/ M. Gilles Duchamp, FS-D (N° Lexbase : A0582DAS) ; Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-15.741, Mme Isabelle Didier, mandataire judiciaire c/ Société CDR créances, F-D (N° Lexbase : A2656DCD).
(8) Cass. com., 18 février 2003, n° 00-12.666, Société Selam c/ M. Gunter Heuler, FS-P (N° Lexbase : A1809A77), Bull. civ. IV, n° 23 ; D., 2003, AJ, p. 1095 ; Act. proc. coll., 2003/7, n° 84, obs. J. Vallansan ; RD banc. et fin., 2003/2, p. 101, n° 75, obs. F.-X. Lucas.
(9) Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-17.773, M. Daniel Schutz c/ M. Gilles Duchamp, FS-D (N° Lexbase : A0582DAS) ; Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-15.741, Mme Isabelle Didier, mandataire judiciaire c/ Société CDR créances, précité, Act. proc. coll., 2004 /12, n° 148, obs. C. Régnaut-Moutier ; Cass. com., 15 mars 2005, n° 01-01.419, M. Raphaêl Di Majo, ès qualités d'héritier de M. René Pihen c/ M. Jacques Delbaere, F-D (N° Lexbase : A2942DHG), lire nos obs., Gaz. proc. coll., 2005/2, p. 29 ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 16 janvier 2004, n° 2003/01209, Société Sidec SARL c/ SCP Brouard Daude (N° Lexbase : A0781DBK).
(10) Cass. com., 21 juin 2005, n° 04-10.868, Société Still Otto Montage c/ M. Delezenne, F-D (N° Lexbase : A8371DIU), Gaz. proc. coll., 2005/3, p. 21, n° 4, obs. S. Gorrias ; Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-13.129, Société civile professionnelle (SCP) Mias Houssin Lalève c/ M. Luc Marion, F-D (N° Lexbase : A8993DIW). Il en résulte qu'un plein effet doit être reconnu à la clause attributive de compétence insérée dans le contrat : Cass. com., 21 juin 2005, n° 04-10.868, Société Still Otto Montage c/ M. Delezenne, précité, et réf. précitées.
(11) Voir not. sur la question, P.-M. Le Corre, Dalloz action, Droit et pratique des procédures collectives, 2008/2009, nº 665.42.
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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Le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-44.548, M. Jean Daniel Torcheux, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1360D3R) : "l'erreur commise par un juge dans l'application ou l'interprétation d'une règle de droit ne constitue pas une violation manifeste de l'article 12 [du Nouveau Code de procédure civile N° Lexbase : L2043ADZ]" (lire nos obs., La limitation de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit en matière prud'homale, Lexbase Hebdo n° 288 du 17 janvier 2008 - édition sociale N° Lexbase : N7995BDH).
Un décret du 20 août 2004 a institué la possibilité, pour les Premiers présidents de cour d'appel, d'ordonner, en référé, l'arrêt de l'exécution provisoire attachée obligatoirement à certaines décisions de première instance, parmi lesquelles figurent de nombreuses décisions rendues par les conseils de prud'hommes (1). Cette faculté lui est, notamment, ouverte en cas de violation manifeste de l'article 12 du NCPC. La Cour de cassation eut, pour la première fois, l'occasion d'appliquer cette réforme à l'occasion de l'arrêt rapporté.
Retenant une interprétation stricte du décret, à l'encontre de positions contraires de certains Premiers présidents de cour d'appel et d'une partie de la doctrine (2), la Cour de cassation estime qu'une erreur d'interprétation d'une convention collective ne constitue pas une violation manifeste de l'article 12 du NCPC. Aux termes du rapport, "l'erreur commise par un juge dans l'interprétation ou l'application d'une règle de droit ne constitue pas une violation manifeste des devoirs du juge découlant de l'article 12 précité, au sens de l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L4949GUT)". Dans ces conditions, le Premier président ne peut donc ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision de première instance.
Le rapport confirme l'analyse qui avait été la nôtre à la lecture de la décision. Tout d'abord, il souligne le caractère général de la solution rendue, qui aura vocation à s'appliquer bien au-delà du champ prud'homal (3). Ensuite, il confirme l'interprétation déjà adoptée par la deuxième chambre civile au sujet de l'exécution provisoire facultative pour laquelle l'interprétation de l'article 12 du CPC était déjà entendue strictement, confirmation qui permet d'harmoniser le régime de l'exécution provisoire de droit avec l'exécution provisoire facultative (4). Enfin, le rapport exprime la volonté de la Cour de cassation de ne pas porter atteinte au double degré de juridiction par le jeu d'une extension mal mesurée des pouvoirs des Premiers présidents.
Sur ce point, il convient, néanmoins, de relever que l'argumentation des rapporteurs diffère légèrement de celle qui avait été proposée dans ces colonnes. Alors qu'était craint que la décision du Premier président soit de nature à influencer une future décision d'appel, la Cour de cassation semble plutôt soucieuse d'éviter que l'ordonnance du Premier président ne puisse constituer un "degré supplémentaire de juridiction en sus de la cour d'appel à la faveur d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit". L'une comme l'autre de ces deux interprétations paraissent convaincantes. Le double degré de juridiction étant un objectif protégé par des normes d'une portée des plus prononcées, il était indispensable que la Cour de cassation retienne une telle interprétation de l'article 524 du NCPC, modifié par le décret de 2004.
Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209, Société civile professionnelle (SCP) Laville-Aragon, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3964DWQ) : "si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur" (lire nos obs., La recherche de la vérité plus forte que le respect de la vie privée, Lexbase Hebdo n° 262 du 30 mai 2007 - édition sociale N° Lexbase : N1969BBK).
Le rapport annuel confirme que c'est bien pour des considérations techniques que l'utilisation du SMS est admise sans que le principe de loyauté ne s'y oppose, dès lors que son émetteur sait que ce message s'affichera sur le téléphone de son destinataire et que des tiers pourront, dès lors, en prendre connaissance.
- Cass. soc., 23 mai 2007, n° 05-17.818, Société Datacep, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3963DWP) : "le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3) dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées" (lire nos obs., La recherche de la vérité plus forte que le respect de la vie privée, Lexbase Hebdo n° 262 du 30 mai 2007 - édition sociale N° Lexbase : N1969BBK).
Le rapport confirme que le maintien d'une voie judiciaire est conciliable avec la jurisprudence "Nikon" (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié N° Lexbase : A1200AWD) et, même, préférable dans la mesure où le salarié voit ses droits alors utilement garantis.
Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
(1) Décret n° 2004-836 du 20 août 2004, portant modification de la procédure civile (N° Lexbase : L0896GTD).
(2) V. nos obs., La limitation de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit en matière prud'homale, préc., et les réf. citées.
(3) Le degré de publication de l'arrêt et la consultation préalable de la deuxième chambre civile avant l'arrêt rendu témoignait, déjà, de cette volonté d'offrir une large portée à la solution rendue.
(4) Cass. civ. 2, 7 juin 2007, n° 07-10.826, Société Jesta Fontainebleau, FS-P+B (N° Lexbase : A5679DWA).
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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N9653BEA
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Le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-60.222, Syndicat national des cadres, employés techniques, agents de maîtrise et assimilés des industries du BTP et des activités annexes et connexes c/ Société GTM bâtiment, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4377DYR) : "sans être tenu de saisir le juge avant les élections, le syndicat qui n'a pas signé l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré, et peut donc le contester ; [...] il ne peut le faire que si lors du dépôt de sa liste de candidats il exprime des réserves" (lire nos obs., Précisions quant à la recevabilité de l'action en contestation du protocole d'accord préélectoral, Lexbase Hebdo n° 275 du 4 octobre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N5822BCM).
Jusqu'à l'arrêt rapporté, la Cour de cassation considérait qu'un syndicat qui présente des candidats aux élections professionnelles dans l'entreprise, sans avoir contesté le protocole d'accord préélectoral, est réputé y avoir adhéré même s'il ne l'a pas signé (Cass. soc., 15 novembre 1995, n° 95-60.047, M. Jean-Pascal Baez, délégué syndical CGT à l'entreprise ATE-DPS c/ Unité économique Est sociale ATE-DPS-EDS et autres, inédit N° Lexbase : A2925AGG). Il en résultait que le syndicat en cause ne pouvait ultérieurement remettre en cause le protocole d'accord et, par voie de conséquence, le résultat des élections. La Chambre sociale avait, cependant, apporté un tempérament à cette solution, en considérant que le syndicat, qui a présenté des candidats aux élections professionnelles, n'est réputé adhérer au protocole qu'il n'a pas signé, que dans la mesure où il n'a pas exprimé de réserves (Cass. soc., 8 janvier 2002, n° 00-60.270, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne c/ Syndicat CGT de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, publié N° Lexbase : A7675AXK).
Ainsi que le relève la Cour de cassation, dans son rapport, l'arrêt du 19 septembre 2007 "atténue la rigueur de la jurisprudence antérieure en permettant au syndicat, non signataire de l'accord, de contester celui-ci en participant au scrutin, sans toutefois bloquer le processus électoral, qui se poursuit selon les dispositions de l'accord applicables immédiatement, dès lors qu'elles ne requièrent pas l'unanimité en vertu de la loi, sous réserve bien entendu du contrôle du juge".
A dire vrai, il nous semble que cette possibilité de contestation a posteriori ressortait déjà de l'arrêt du 8 janvier 2002. En outre, et comme antérieurement, elle n'est ouverte que si le syndicat prend soin d'émettre des réserves lors du dépôt des listes de candidatures. Le seul changement nous paraît résider dans l'affirmation, au demeurant fondamentale, selon laquelle "le syndicat qui n'a pas signé l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré".
Ajoutons, pour conclure, que le dépôt des listes de candidats constitue, ainsi que le rappelle le rapport, "l'acte terminal de la négociation électorale, à l'occasion duquel le syndicat pourra justifier son refus d'adhésion à l'accord préélectoral".
Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
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N7792BEC
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 07 Octobre 2010
Le DPU a connu ces deux dernières décennies un élargissement de son champ d'application, ce qui en fait un instrument privilégié d'aménagement pour les collectivités territoriales. En effet, la crise du logement social a fait ressurgir la problématique des réserves foncières. La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 (N° Lexbase : L5929HU7) vient de créer un droit au logement opposable et le décret n° 2007-1827 du 26 décembre 2007 (N° Lexbase : L6840H3Q), pris pour l'application de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK), accorde un nouveau droit de préemption des communes pour la sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité.
Afin de faire le point sur toutes ces évolutions, le Gouvernement a demandé au Conseil d'Etat de mener une étude "sur l'évolution et la pratique du droit de préemption urbain et sur les mesures qui pourraient être prises pour aboutir à une procédure équilibrée permettant aux collectivités locales de faire face à leurs besoins et à leurs obligations, notamment en matière de construction de logements, et assurant une garantie réelle des droits des propriétaires et des habitants". Cette étude met en évidence l'utilité de cet outil pour les collectivités. Elle souligne, cependant, que la préemption est parfois utilisée au-delà de son cadre légal, ce qui révèle, en outre, l'inadaptation des autres outils d'urbanisme pour répondre aux problèmes d'aménagement urbain.
Le DPU, de par sa souplesse juridique, a connu un fort succès auprès des collectivités territoriales pour leur gestion de l'urbanisme local. Cependant, ceci a entraîné des dérives importantes, ayant donné lieu à un contentieux en forte hausse (I), ce qui a conduit la Haute juridiction administrative à donner des pistes de réflexion sur une réforme encore à venir (II).
I - Un accroissement constant du contentieux du droit de préemption urbain
A - Une inflation des recours introduits devant les juridictions administratives
Le nombre de recours introduits ces six dernières années devant les juridictions administratives a été multiplié par trois. Une des causes de ce phénomène réside dans le fait que la collectivité publique qui décide de préempter ne peut notifier sa décision à l'acquéreur que si celui-ci est à même d'être identifié. Or, aucune disposition n'oblige à ce que la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) mentionne cet acquéreur. Logiquement, dans ce cas, le délai du recours contentieux ne peut courir à l'égard de cette personne (CE 1° et 6° s-s-r., 14 novembre 2007, n° 305620, SCI du Marais N° Lexbase : A5836DZ8). Un autre fait marquant est la fréquence des annulations ou des suspensions prononcées par le juge administratif dans ce domaine, 40 % des décisions de préemption étant censurées en première instance (2). Les chances de succès offertes par l'issue des procédures contentieuses semblent donc contribuer fortement à ce phénomène.
De plus, on constate qu'une même décision peut être entachée à la fois d'illégalité interne et externe, situation facilitée par les dispositions de l'article L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2399ATZ), qui énonce que "lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier". Ceci, complique donc la tâche des collectivités locales, en particulier de celles qui font rarement usage de ces droits.
B - L'exigence de motivation est toujours le point faible de la DPU
La source la plus importante de contentieux du DPU est toujours celle qui découle de la double obligation pour la collectivité publique de motiver la décision, et de la fonder sur des motifs pertinents. Ainsi, deux tiers au moins des annulations sont prononcés en raison d'une méconnaissance de cette obligation. L'article L. 210-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1030HPT) indique que "les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1. [...] Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé". A cet égard, l'acquisition du bien préempté doit être justifiée par un projet "réel" et préalablement défini (CE Contentieux, 25 juillet 1986, n° 62539, Lebouc N° Lexbase : A4793AMH et CE Contentieux, 26 février 2003, n° 231558, M. et Mme Bour [LXB= A3418A7Q]). Ceci tend à éviter que le droit de préemption ne serve à des pratiques peu recommandables, par exemple, évincer des acquéreurs "indésirables".
La personne publique doit donc démontrer qu'elle a envisagé avec suffisamment de certitude l'élaboration d'un projet dont la consistance est, elle-même, suffisamment arrêtée (CE 1° et 6° s-s-r., 30 janvier 2008, n° 299675, Ville de Paris N° Lexbase : A5957D4E). Cependant, le problème réside dans la nécessité pour la collectivité préemptrice, de "justifier" de la réalité d'un projet "précis". En effet, chaque fois que la préemption est décidée pour des raisons qui peuvent être considérées comme légitimes, il est pratiquement impossible de présenter un authentique projet d'élaboration dans le délai de deux mois dont dispose la personne publique pour faire connaître au propriétaire sa décision d'exercer ce droit. Il ne reste plus à l'administration que d'essayer de construire a posteriori le projet, ce qui permettra, peut-être, de convaincre le juge lors de l'examen du dossier contentieux et d'éviter, ainsi, une annulation (3).
II - Les préconisations du Conseil d'Etat pour une réforme du DPU
A - Une distinction entre DPU et droit de préférence
L'une des principales propositions du Conseil d'Etat pour une réforme du DPU consiste, selon Jean-Pierre Duport, conseiller d'Etat et préfet, qui a présidé le groupe de travail sur le droit de préemption, à distinguer entre droit de préemption et droit de préférence. Selon lui, "le droit de préemption correspondrait à ce qui existe actuellement, fusionné avec le droit de préemption renforcé", ce qui permettrait d'étendre son application à des biens qui en sont normalement exclus, en particulier les ventes de lots de copropriété et d'immeubles construits il y a moins de dix ans (4). Il serait lié à l'existence d'un projet certain et réel et fondé sur l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3400HZX), mais "pourrait être étendu à certains articles du Code de la construction et de l'habitation, par exemple dans le cadre d'une opération d'aménagement ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat". Ceci pourrait, de même, être le cas dans une opération de résorption de l'habitat insalubre relevant du Code de la santé publique. Cependant, M. Duport ajoute que "ce droit ne pourrait jouer que dans ces hypothèses et périmètres opérationnels", les propriétaires se voyant, toutefois, reconnaître un véritable droit de délaissement, c'est-à-dire la faculté de mettre en demeure le bénéficiaire du droit de préemption d'acquérir son bien.
Ce droit de préemption verrait donc s'appliquer la jurisprudence actuelle. A côté de ce droit classique, M. Duport propose la création d'un droit de préférence restant dans le champ de l'article L. 300-1 précité, mais aussi du Code de la construction et de l'habitation et du Code de la santé publique, qui "permettrait de faire des acquisitions d'opportunité". De cette manière, une ville n'aurait pas à justifier d'un projet définitivement arrêté, mais, dans le cadre d'une opération de résorption de l'habitat insalubre non encore votée par le conseil municipal, pourrait justifier la préemption par une opportunité foncière. Il ajoute que "la différence sera qu'en ce cas, l'acquisition ne pourra se faire qu'au prix fixé par le vendeur, le cas échéant après négociation amiable".
B - L'unification des contentieux liés à l'exercice du DPU
Une autre proposition importante du Conseil d'Etat est l'unification des contentieux liés à l'exercice du DPU. M. Duport émet l'hypothèse "dans laquelle une commune préempte, puis rétrocède immédiatement à sa société d'aménagement qui revend elle-même à un aménageur". Dans le cas où la décision de préemption est annulée ultérieurement, il faut normalement s'adresser au juge judiciaire pour faire annuler les ventes subséquentes. Le rapport du Conseil d'Etat propose donc que le contentieux des cessions immédiatement et totalement liées à la préemption relève du même juge. Ceci permettrait "d'annuler la préemption et ces ventes, ce qui serait une vraie simplification sur le plan pratique". Une autre suggestion de ce rapport est de "lier la prise de possession par la collectivité locale au paiement du prix". Actuellement, le paiement du prix peut être postérieur à la prise de possession. Le Conseil propose donc que les deux soient simultanés, comme c'est le cas non seulement pour l'expropriation, mais aussi pour une vente ordinaire.
Le contentieux portant sur le DPU peut s'expliquer par la crise actuelle du marché immobilier qui incite les acquéreurs potentiels à contester davantage qu'autrefois la décision administrative faisant obstacle à la transaction envisagée. Le rapport du Conseil d'Etat vise donc, pour y remédier, à proposer aux communes qui le souhaitent de continuer à pouvoir acquérir des biens dont elles ont besoin pour mener à bien leurs projets d'aménagement, sans avoir recours à l'expropriation, et sans avoir à subir la censure du juge administratif.
(1) Philippe Billet, Droit de préemption urbain : assouplissement des exigences relatives à la réalité d'un projet, JCP éd. A, 14 avril 2008, n° 16, p. 2088.
(2) Roland Vandermeeren, Le contentieux des droits de préemption d'urbanisme : excès de recours ou excès d'illégalités ?, AJDA, n° 14/2008, 14 avril 2008, p. 734.
(3) Roland Vandermeeren, Le contentieux des droits de préemption d'urbanisme : excès de recours ou excès d'illégalités ?, précité.
(4) Questions à Jean-Pierre Duport, L'avenir des droits de préemption, AJDA, n° 14/2008, 14 avril 2008, p. 731.
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
Le 07 Octobre 2010
L'administration vient de commenter l'article 14-II de la loi de finances rectificative pour 2007 (loi n° 2007-1824, du 25 décembre 2007 N° Lexbase : L5490H3Q) qui a porté de trente à soixante jours le délai dont dispose le contribuable pour faire parvenir son acceptation ou ses observations en réponse à une proposition de rectification.
Sachant que 85 % des contrôles aboutissent à une procédure de rectification, la possibilité pour un contribuable de transmettre des observations est essentielle, dès lors que, si l'administration les estime fondées, elle peut modifier ou abandonner sa proposition de rectification. En effet, le pourcentage de proposition de rectification donnant lieu à la présentation d'observations est de 40 %. Lorsque la situation du contribuable présente des éléments de complexité, le délai de trente jours s'avérait trop court. Pour ce motif, outre les prorogations systématiques au moment des fêtes ou lors des périodes de congé, la loi a prévu une durée de ce délai majorée à soixante jours.
1. Champ d'application de la prorogation
La prorogation de délai est ouverte à tous les contribuables, qu'ils soient soumis à un contrôle sur pièces (contrôle effectué du cabinet de l'agent des impôts) ou un contrôle sur place (vérification de comptabilité sur les lieux d'exploitation). Elle s'applique aux observations formulées en réponse à une proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L5567G4X), adressée à compter du 1er janvier 2008. La prorogation bénéficie donc aux contribuables faisant l'objet d'une procédure de redressements contradictoire. Par mesure de tempérament, l'administration admet que certains autres contribuables puissent l'invoquer. Il s'agit pour l'essentiel de ceux taxés d'office en application de l'article L. 69 du LPF (N° Lexbase : L8559AEQ).
2. Conditions d'application de la prorogation
La prorogation est de droit, en cas de procédure de rectification contradictoire, si le contribuable en fait la demande expresse avant l'expiration du délai de réponse initial de trente jours, le cachet de la Poste en faisant foi en cas d'envoi postal. Dans l'hypothèse où cette demande est effectuée lors d'un rendez-vous avec l'agent des impôts, la preuve résultera de l'apposition du cachet du service sur l'exemplaire conservé par le contribuable. Il est à remarquer qu'en se référant à la date d'envoi, l'administration adopte une position favorable au contribuable. En effet, l'article L. 57, alinéa 2, concernant le délai initial de trente jours, vise, lui, la date de réception. Considéré comme un délai franc, pour son calcul, il est fait abstraction du jour du point de départ, date du retrait de la lettre recommandée, et du jour de son échéance.
Même si une instruction administrative le recommande, l'administration n'est pas tenue de s'adresser obligatoirement aux héritiers pour obtenir les comptes bancaires du défunt avant d'exercer son droit de communication auprès de l'établissement de crédit qui tenait les comptes. En conséquence, l'absence de demande préalable auprès des héritiers n'entraîne pas l'irrégularité de la procédure.
1. La demande de relevés du défunt auprès des héritiers n'est qu'une faculté
La demande de relevés de compte du défunt est une pratique courante de l'administration qui cherche à détecter, soit des donations non déclarées, sous forme de chèques établis par le défunt au profit de successibles peu de temps avant le décès, soit des retraits d'espèces importants et sans commune mesure avec le train de vie du défunt. Une telle démarche ne présente pas de caractère contraignant lorsqu'elle est effectuée auprès des héritiers. Aucune conséquence ne peut découler, ni du refus de communiquer les documents, ni du défaut de réponse. L'instruction du 18 mars 1988 (BOI 13 K-2-88), reprise dans la doctrine administrative (Doc. adm. 13 K-1232 du 1er juin 2001), précise que les demandes de relevés de comptes et de copies de chèques adressées aux banques et CCP doivent, sauf cas exceptionnels, être limités aux seuls cas où les héritiers, préalablement interrogés n'auront pas satisfait eux-mêmes à la demande du service. A un contribuable qui faisait grief au service des impôts de ne pas avoir respecté les termes de cette instruction, et exercé directement son droit de communication auprès de l'établissement teneur des comptes, la cour d'appel avait décidé que cette faculté ne constituait pas un préalable obligatoire. Cette "faculté", qui ne vise qu'à limiter le nombre de demandes auprès des banques, ne constitue donc pas une réglementation susceptible d'être invoquée par les contribuables sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers (N° Lexbase : L0278A3P).
2. La distinction entre interprétation de la loi fiscale et "recommandation"
Pour pouvoir invoquer la garantie édictée par l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, applicable à l'époque des faits ayant donné lieu à la décision rapportée, le contribuable devait démontrer que le texte dont il requiert l'application comporte une règle nouvelle et non une simple recommandation. Ainsi a-t-il été déjà jugé qu'il était impossible d'invoquer une instruction recommandant le respect d'un délai de quinze jours entre la réception d'un avis de vérification et le début de celle-ci (CAA Nantes, 1ère ch., 9 juin 1993, n° 91NT00815, Pierre Lescure N° Lexbase : A1733BHN). Cette jurisprudence est transposable pour l'application de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L8568AE3), qui a légalisé et codifié le décret de 1983. Ce texte prévoit qu'il ne sera procédé à aucun redressement d'impositions antérieures si la cause de ce redressement est un différent sur l'interprétation par le redevable de bonne foi d'un texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle s'est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. L'emploi du terme "interprétation" a conduit le juge à décider que les instructions et circulaires comportant de simples recommandations de l'administration à ses agents n'entrent pas dans le champ d'application de cet article L. 80 A. Tel est le cas, par exemple, d'une instruction prescrivant aux agents d'inviter les contribuables à régulariser leurs déclarations non signées (CE Contentieux, 16 juin 1986, n° 49301, Henimann N° Lexbase : A3893AM7). Une telle instruction ne constitue pas une "interprétation formelle de la loi fiscale".
La garantie prévue à l'article L. 52 du LPF (N° Lexbase : L3957AL7), concernant la durée de la vérification de comptabilité, ne vise pas les sociétés exerçant une activité civile de gestion de portefeuille.
Les juges du Palais-Royal viennent de décider qu'une société exerçant une activité civile de gestion d'un portefeuille de titres et de créances se rattachant à ses participations ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 52 du LPF qui précise que la vérification sur place des livres et documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois pour les contribuables dont le chiffres d'affaires ou le montant annuel des recettes n'excède pas certains seuils fixés en fonction de la nature de l'activité exercée.
La limitation à trois mois de la durée de la vérification sur place concerne les entreprises industrielles, commerciales et agricoles ainsi que les contribuables exerçant une activité non commerciale. Cette garantie ne s'applique pas aux entreprises dont l'objet est civil et dont l'activité se borne à la gestion non commerciale de leur patrimoine immobilier (QE de M. Lux, réponse publiée au JOAN du 21 avril 1997, p. 2081). Ainsi, les sociétés civiles immobilières qui louent leurs immeubles ne bénéficient pas de la limitation de durée de la vérification prévue à l'article L. 52 du LPF (CE 3° et 8° s-s-r., 9 juillet 2003, n° 230167, Minefi c/ Mme Dang Colin N° Lexbase : A1936C9L, et, récemment, CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, n° 281068, Société centre d'études et d'intérêts particuliers N° Lexbase : A1471D3U). La solution est identique, quand bien même une partie de parts de la SCI serait détenue par une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés (CAA Paris, 2ème ch., 11 mars 2005, n° 01PA01650, Minefi c/ Société Saipia N° Lexbase : A4442DID) ou lorsque la société, commerciale en la forme, exerce une activité civile (CAA Paris, 2ème ch., 11 mars 2005, n° 01PA01649, Minefi c/ SARL Centre d'études et d'intérêts particuliers N° Lexbase : A4441DIC). Dans l'affaire examinée récemment par le Conseil d'Etat, la société sous forme commerciale (une SARL), société holding, avait pour seule activité la gestion d'un portefeuille de titres et de créances rattachées à des participations et ne percevait que les produits financiers de celles-ci. Pour justifier sa décision confirmée par le Conseil d'Etat, la cour d'appel avait relevé que la définition comptable du chiffre d'affaires issue du décret du 29 novembre 1983 excluait les produits financiers. Ne pouvant être qualifiée d'entreprise industrielle et commerciale réalisant un chiffre d'affaires au sens de l'article L. 52 du LPF, elle ne devait donc pas bénéficier de la garantie édictée par ce texte. En effet, une holding qui n'a pour seule activité que de gérer son portefeuille titres et d'en retirer des produits financiers n'exerce pas une activité de nature industrielle et commerciale. Cette solution paraît justifiée si l'on se réfère au but poursuivi par le texte qui est d'éviter qu'une vérification perturbe le moins possible l'activité des petites entreprises. Or, un tel risque n'existe pas dans le cas d'une société de gestion de titres de participation.
Le délai de trente jours imparti au contribuable pour demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est un délai franc.
1. Nature du délai pour saisir la commission
Lorsqu'à la suite d'une procédure de rectification, le désaccord persiste entre l'administration et le contribuable, ce dernier peut, lorsque le litige est du domaine de compétence de cet organisme, saisir la commission départementale des impôts directs. Ce délai est fixé à trente jours par l'article R. 59-1 du LPF (N° Lexbase : L2132AEP). Selon la doctrine administrative, ce délai est un délai franc (BOI 13 L-2-92). Autrement dit, pour son calcul, il est fait abstraction du jour de son point départ et du jour de son échéance. Cette doctrine est donc validée par le juge de l'impôt.
2. Appréciation de la date d'échéance
Avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000 (loi n° 2000-321, 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations N° Lexbase : L0420AIE, JO du 13 avril 2000), il convenait de retenir la date à laquelle la demande était effectivement reçue par le service. A titre de tempérament, le juge admettait que puisse être retenue la date à laquelle cette demande aurait dû normalement parvenir au service des impôts si l'acheminement n'avait pas été retardé par un fonctionnement anormal du service de la Poste. Ainsi, sauf le cas particulier des fins d'années, il était considéré qu'un courrier posté 48 heures avant la date limite avait été adressé en temps utile (CE Contentieux, 2 juin 1986, n° 42230, Société à responsabilité limitée SEDEX N° Lexbase : A4284AMM). Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000, codifiée à l'article L. 286 du LPF (N° Lexbase : L3966ALH), il y lieu, pour apprécier la recevabilité d'une demande de saisine de la commission, au regard du délai de trente jours, de retenir la date à laquelle le demandeur a posté le pli, le cachet de la Poste faisant foi (Doc. adm. 13 L-1333, n° 4 du 1er juillet 2002).
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Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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N9682BEC
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen
Le 07 Octobre 2010
S'agissant des avis rendus par la Cour, en matière de Sécurité sociale, il faut relever que la formation pour avis de la Cour de cassation a été saisie de quatre demandes d'avis portant sur l'application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 (modifiant les dispositions de l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation N° Lexbase : L7887AG9) (loi n° 2006-1640, de financement de la Sécurité sociale pour 2007 N° Lexbase : L8098HT4) et sur la question du recours dont dispose une caisse de Sécurité sociale, qui a versé à un salarié victime d'un accident de la circulation une rente au titre de la législation sur les accidents du travail.
I - Accidents du travail et maladies professionnelles
- Ass. plén., 16 février 2007, n° 06-10.168, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) des Pays de la Loire c/ Société Le Balapapa, P+B+R+I (N° Lexbase : A2284DU7)
L'arrêt sélectionné par le rapport annuel de la Cour de cassation au titre de l'année 2007 porte sur la tarification du risque "Accident du travail et maladies professionnelles" (ATMP) par la Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM), le caractère annuel des cotisations et le caractère révisable du classement de l'entreprise dans une catégorie de risques (CSS, art. L. 242-5, al. 1er et al. 3 N° Lexbase : L7980G7P (8)).
En l'espèce, la société 'Le Balapapa' (sic), qui gère un établissement dansant classé sous le code risque "débit de boissons (avec spectacle) sauf artistes" s'est vue notifier, le 24 avril 1998, un certain taux de cotisation (taux 3,30 %). Estimant devoir bénéficier d'un taux très inférieur (1,70 %) au titre de la classification concernant les bals et dancings, elle a introduit un recours à cette fin devant la CRAM le 30 juillet 1998, soit hors du délai de deux mois (CSS, art. R. 143-21, al. 1 N° Lexbase : L9543HE8). La Caisse a rejeté cette contestation, le 5 août 1998, au motif qu'elle était tardive pour l'exercice 1998, mais a accepté de modifier le taux dans le sens demandé à compter du 1er avril 1999, date de début de l'exercice suivant. L'entreprise a déféré cette décision devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT), en demandant que le nouveau taux lui soit appliqué rétroactivement à compter du 1er avril 1998, date de début de l'exercice 1998.
Par deux décisions successives (9), la CNITAAT a pris acte de la forclusion acquise au titre de la période du 1er avril au 31 juillet 1998, mais, elle a considéré que le nouveau taux devait prendre effet au cours de la même année, à compter du 1er jour du mois suivant la demande, soit le 1er août 1998. La CNITAAT, par son interprétation de l'article L. 242-5, alinéa 1er, et alinéa 3, du CSS, a fait primer le caractère révisable du classement d'un risque dans une catégorie, posé par l'alinéa 3, sur le caractère annuel de la détermination du taux de la cotisation, édicté par le premier alinéa de l'article L. 242-5 du CSS. Elle considère que le principe de l'annualité des cotisations est limité et restreint par la possibilité de modifier à toute époque le classement d'un risque dans une catégorie. La CNITAAT a admis que la modification du taux des cotisations accident du travail pouvait s'opérer en cours d'année. Compte tenu de l'impossibilité de modifier le taux initial en raison de la forclusion du recours, il pouvait donc exister un second taux pour la même année, au titre de la période non atteinte par cette forclusion. Elle s'est opposée à la doctrine de la Cour de cassation (10), suivant laquelle le caractère définitif du taux notifié ne peut plus être remis en question au titre de l'exercice en cours, de sorte que la modification ne doit intervenir que pour l'avenir.
Le débat soumis à la sagacité de la Cour se résume ainsi : d'un côté, au soutien de la position de la CNITAAT, une idée d'équilibre entre les droits de la CRAM à l'augmentation du taux et, réciproquement, de l'employeur à la minoration de ce taux en cours d'exercice ; de l'autre, dans le sens d'un maintien de la jurisprudence de la Cour de cassation, la prise en considération des spécificités d'organisation du régime autonome et autofinancé des ATMP, basé sur un équilibre financier entre les prestations annuelles (les dépenses) et les cotisations annuelles (les recettes).
Par sa décision rapportée du 16 février 2007, l'Assemblée plénière a cassé l'arrêt attaqué et confirmé la jurisprudence de la Chambre sociale en optant pour une stricte délimitation des deux régimes : le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles doit être déterminé annuellement pour chaque catégorie de risque par la Caisse régionale d'assurance maladie. Est, ainsi, écarté, au nom d'une règle d'annualité du taux des cotisations, dont la Cour souligne le caractère impératif, un système qui aurait eu le double effet de modifier le fonctionnement du régime de tarification des accidents du travail en créant des taux à durée moindre que l'année, et de compliquer l'organisation de cette tarification en admettant une pluralité de taux pour un même exercice.
La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser la portée de cette règle d'annualité des cotisations. Dans un arrêt du 19 mai 1967 (11), elle a retenu le principe d'une détermination annuelle du taux de la cotisation "accident du travail", destiné à écarter des modifications de taux en cours d'année. La Cour a, cependant, considéré que cette règle ne devait pas être appliquée de manière figée, et qu'il fallait autoriser la CRAM à rétablir le véritable taux, même rétroactivement en début d'exercice, pour le cas où les renseignements fournis par l'employeur seraient insuffisants, erronés voire dissimulés.
- Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-11.811, Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2841DUR) (lire nos obs., Le régime des accidents du travail - maladies professionnelles exclut l'action en réparation de droit commun, Lexbase Hebdo n° 251 du 7 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2991BAZ).
L'article L. 451-1 du CSS (N° Lexbase : L4467ADS) prévoit qu'aucune action en réparation des accidents et maladies de caractère professionnel ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droits. La deuxième chambre civile avait rappelé ce principe, dans un arrêt du 16 novembre 2004, en cassant un arrêt de cour d'appel qui avait accueilli la nouvelle demande d'un salarié, reconnu victime d'un accident du travail, qui sollicitait une réparation intégrale sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), en assignant son employeur comme gardien de l'échelle ayant provoqué sa chute (12).
Une solution identique a été retenue dans la présente espèce, s'agissant cette fois, sur le fondement du même article 1384, alinéa 1er, du Code civil, de la responsabilité des personnes dont on doit répondre : une salariée d'un établissement accueillant des personnes handicapées mentales, blessée au cours de son travail par l'une d'entre elle, avait mis en cause la responsabilité de son employeur sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, en qualité de civilement responsable du pensionnaire dont elle avait la surveillance. L'arrêt de la cour d'appel, qui avait accueilli cette demande, a été cassé, la deuxième chambre civile rappelant qu'aucune action en réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun contre l'employeur par la victime ou ses ayants droit.
- Cass. civ. 2, 25 octobre 2007, n° 06-21.392, Mme Henriette Sarian, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8550DYC) (lire nos obs., Prise en charge de la maladie professionnelle : la décision de la CPAM est opposable au Fiva, Lexbase Hebdo n° 280 du 7 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N9914BC8).
Il résulte de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 et de l'article 15 du décret du 23 octobre 2001 (loi n° 2000-1257, de financement de la Sécurité sociale pour 2001 N° Lexbase : L5178AR9), une présomption d'imputabilité de la maladie à l'exposition à l'amiante. La présente affaire posait la question de déterminer si cette présomption simple peut s'étendre, au delà de la maladie, seule visée expressément par les textes, au décès de la victime, avec toutes les conséquences juridiques qui s'y attachent.
En l'espèce, un salarié, exposé pendant sa carrière professionnelle au risque de l'inhalation de poussières d'amiante et reconnu atteint d'une maladie professionnelle (plaques pleurales), est décédé d'une insuffisance respiratoire aiguë. La cour d'appel, confirmant l'offre du Fiva en ce qu'elle avait rejeté la demande d'indemnisation du préjudice personnel des ayants droit de la victime, au motif que son décès n'était pas imputable à la maladie professionnelle, retient que si la CPAM avait accepté de prendre en charge ce décès au titre du risque professionnel, en servant une rente au conjoint survivant, une telle décision, assortie d'aucune justification médicale, ne saurait engager le Fiva.
La deuxième chambre civile prononce la cassation de cet arrêt au motif qu'est opposable au Fiva la décision de la Caisse de prendre en charge le décès au titre du risque professionnel, quand le seul risque professionnel établi portait sur les conséquences de l'exposition à l'amiante. La jurisprudence depuis se conforme à cette ligné tracée par la Cour de cassation (13).
II - Prestations et procédure
- Cass. civ. 2, 12 juillet 2007, n° 05-21.309, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val d'Oise, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2773DXY)
Par son arrêt rendu le 12 juillet 2007, la deuxième chambre prend parti sur la situation procédurale, en appel, d'une caisse de Sécurité sociale appelée en déclaration de jugement commun en première instance par la victime d'un accident de la circulation (CSS, art. L. 376-1 N° Lexbase : L3414HWD), mais qui n'avait formulé aucune prétention devant le premier juge. Devant la cour d'appel, la Caisse demandait le remboursement des prestations qu'elle avait versées à la victime. Elle soutenait que ses demandes étaient recevables soit au titre de son intervention volontaire, soit au titre de l'article 566 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2816ADN), en considérant que, partie en première instance, elle pouvait former des demandes.
Prenant une orientation différente de sa jurisprudence antérieure (14), la deuxième chambre de la Cour de cassation répond que l'appel en déclaration de jugement commun d'une caisse de sécurité sociale (CSS, art. L. 376-1) a pour effet de rendre celle-ci partie à l'instance. En appel, la Caisse ne pouvait être considérée comme intervenant volontairement et ne pouvait former de nouvelles prétentions. Il lui appartenait de formuler ses demandes en première instance.
Cette solution condamne la pratique de certaines caisses qui se gardaient de formuler des prétentions en première instance pour ne se manifester qu'en appel. La position contraire aurait été une exception aux règles de procédure civile (15), privant les autres parties d'un double degré de juridiction. Mais, comme le relève la Cour de cassation dans son rapport annuel 2007, si une caisse qui n'a formulé aucune demande en première instance n'est pas recevable à intervenir, pour la première fois, en appel, la victime, qui a perçu des prestations, ne s'enrichit pas. En effet, même si une caisse assignée, ne comparaît pas ou ne fait pas connaître le montant de sa créance ou ne demande pas le remboursement de ses prestations, les prestations versées par les organismes de Sécurité sociale doivent être déduites de l'indemnité à laquelle le tiers responsable est tenu envers la victime pour réparer les atteintes à son intégrité physique (16).
- Cass. civ. 2, 12 juillet 2007, n° 06-16.084, Société La Sauvegarde, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2776DX4)
En l'espèce, l'assureur d'un joueur de rugby blessé au cours d'un match, ayant servi au titre de l'assurance des accidents corporels une prestation d'invalidité, avait demandé qu'elle vienne en déduction de l'indemnité due au titre de l'assurance responsabilité civile. Pour refuser la qualification d'indemnitaire aux sommes versées par l'assureur, la cour d'appel, faisant application du critère dégagé par l'Assemblée plénière, avait énoncé que ces sommes résultant de l'application mathématique d'éléments prédéterminés, l'attribution du capital en découlant n'était pas régie par les règles de réparation du préjudice corporel de droit commun. Au visa des articles 29-5 et 30 de la loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation N° Lexbase : L7887AG9), la deuxième chambre civile a entendu donner son plein effet à la volonté du législateur d'ouvrir droit à un recours, subrogatoire par détermination de la loi, contre la personne tenue à réparation ou son assureur, les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées à la victime d'un dommage par les sociétés d'assurances régies par le Code des assurances.
Dans son rapport 2007, la Cour relève (au titre des avis rendus dans l'année) qu'il résulte de la loi n° 2006-1640, de financement de la Sécurité sociale pour 2007, que le recours subrogatoire du tiers-payeur contre le responsable d'un dommage corporel s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'il a pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, mais que, cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. Interrogé d'abord sur l'application dans le temps de la loi du 21 décembre 2006, la Cour de cassation a, dans trois avis rendus le 29 octobre 2007 (n° 0070015P, n° 0070016P et n° 0070017P), indiqué que ces nouvelles dispositions s'appliquaient aux événements ayant occasionné ce dommage survenus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi, dès lors que le montant de l'indemnité due à la victime n'avait pas été définitivement fixé.
Puis, elle a précisé la façon dont devait s'imputer la rente servie par les organismes payeurs. Ayant considéré que la rente versée à la victime d'un accident du travail, en application de l'article L. 434-2 du CSS (N° Lexbase : L5264ADC), indemnisait, notamment, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, elle a considéré que cette rente devait en conséquence s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels, puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle. Toutefois, si l'organisme payeur indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer son recours sur un tel poste, il lui appartient d'établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel.
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Le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 13 mai 2008, n° 06-46.108, Mme Véronique Zanardo, F-D (N° Lexbase : A5256D88) : l'emploi équivalent, au sens de l'article L. 425-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6390ACN, art. L. 2422-1, recod. N° Lexbase : L1066HXR), s'entend d'un emploi situé dans le même secteur géographique que l'emploi initial, comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial, et permettant l'exercice du mandat représentatif. Dès lors, en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l'emploi proposé par l'employeur en vue de la réintégration de la salariée était situé dans un autre secteur géographique que l'emploi initial, la cour d'appel a violé le texte susvisé .
- Cass. soc., 15 mai 2008, n° 06-43.343, Association Stade Poitevin volley ball, F-D (N° Lexbase : A5236D8G) : c'est par une appréciation des éléments de fait soumis à son examen, que la cour d'appel a constaté que l'employeur n'a pas satisfait à l'obligation qu'il avait contractée de fournir du travail à M. B., en refusant de l'inscrire sur les feuilles de match pour les compétitions nationales, alors qu 'il faisait toujours appel à lui pour les compétitions européennes. La méconnaissance, au moment de la conclusion du contrat, du règlement de la ligue nationale, par le club, ne peut pas justifier le manquement constaté. Dès lors, la cour d'appel a ainsi caractérisé la faute grave justifiant la rupture anticipée par le joueur du contrat de travail .
- Cass. soc., 15 mai 2008, n° 06-44.889, M. Francis Venditti, F-D (N° Lexbase : A5248D8U) : la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise .
- Cass. soc., 13 mai 2008, n° 06-43.949, M. Jacques Decaux, F-D (N° Lexbase : A5239D8K) : la cour d'appel a violé les articles L. 122-45 (N° Lexbase : L3114HI8, art. L. 1132-1, recod. N° Lexbase : L9686HWN) et L. 412-2 (N° Lexbase : L6327ACC, art. L. 2141-5, recod. N° Lexbase : L0412HXK) du Code du travail car, d'une part, il résultait de ses constatations que M. D. titulaire de plusieurs mandats représentatifs et conseiller prud'homme, n'avait pas perçu la prime versée à d'autres salariés se trouvant dans une situation similaire, et, d'autre part, que l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ne constitue pas un élément objectif excluant toute discrimination .
- Cass. soc., 14 mai 2008, n° 06-20.173, M. Gérard Audu c/ Personnel administratif, F-D (N° Lexbase : A5213D8L) : d'une part, le manquement à l'obligation de loyauté d'un employeur qui n'a pas informé un salarié, lors de son adhésion à une convention de préretraite, de son intention de négocier une modification des règles de calcul des pensions d'un régime de retraite supplémentaire auquel le salarié participe, n 'a pas pour effet de rendre inopposable au salarié les modifications du régime de retraite intervenues entre son adhésion à la convention de préretraite et la liquidation de ses droits à pension. D'autre part, la validité de la dénonciation d'une engagement unilatéral, d'un projet d'accord ratifié par referendum ou d'une convention ou d'un accord collectif n'est pas subordonnée à la communication par l'employeur aux salariés concernés d'une information sur les conséquences de la dénonciation à l'égard des droits qu'ils tiennent de l'acte dénoncé .
- Cass. soc., 15 mai 2008, n°, 07-42.289, M. Alexis di Stefano, F-D (N° Lexbase : A5436D8T) : la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en ne recherchant pas si l'employeur avait été en mesure d'apprécier les qualités professionnelles du salarié durant les stages à travers lesquels ce dernier avait pu exercé ses fonctions .
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