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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
"L'autonomie consiste à se donner à soi-même envers l'autre une loi, plutôt que de la recevoir de la nature ou d'une autorité extérieure" écrivait Antoine Spire, dans Le Monde de l'éducation (juillet-août 2001). L'affirmation relève de la pédagogie, mais elle s'applique à la gouvernance universitaire. Croire que l'autonomie et l'indépendance sont synonymes d'une dérégulation de l'organisation et du fonctionnement universitaire, c'est commettre un contresens malheureux à la lumière de l'histoire du développement universitaire. Pour Alphonse Férrière, l'apprentissage de l'autonomie suppose la maturité et l'obéissance. Gageons qu'après huit siècles d'existence, l'Université puisse être considérée comme assez mure pour exercer la plénitude de son autonomie.
Et force est de constater que, si les lois "Faure", de 1968, et "Savary", de 1984, entendaient bien promouvoir l'autonomie, la participation et la pluridisciplinarité, et favoriser une plus grande ouverture de ces établissements sur le monde extérieur, l'autonomie ainsi décrétée n'était qu'une coquille vide. Elle était très clairement affirmée par loi mais, dans la réalité, elle recouvrait un vide de pouvoir et une absence de capacité de décision dans l'Université. Elle ne fonctionnait que comme un révélateur : les Universités françaises, contrairement aux autres, n'étaient pas des Universités de plein exercice (cf. Rapport de l'Assemble nationale sur le projet de loi). Avec 1,4 million d'étudiants à l'Université, aujourd'hui, tous les responsables s'accordaient, en effet, sur le besoin d'autonomie des établissements d'enseignement supérieur dans la gestion de leur potentiel scientifique, administratif, logistique et financier. En fait d'autonomie, c'est essentiellement l'efficacité de la gouvernance des Universités et l'indépendance financière qui étaient attendues ; car qu'est-ce que décréter l'autonomie sans maîtrise d'un budget global, ni organe décisionnel efficace ?
Tel est donc le pari de la loi du 10 août 2007 qui renforce l'autonomie des Universités afin de leur permettre de remplir mieux et plus complètement leurs missions de formation, de recherche et, désormais, d'insertion professionnelle. Cette autonomie va de pair avec un renforcement de la démocratie interne qui passe par la formation des élus, l'attribution de moyens permettant à ces derniers d'exercer leur mandat, et la désignation de suppléants pour garantir la continuité de leur représentation. L'autonomie signifie, également, une meilleure prise en compte de l'intérêt des personnels, et une authentique politique de gestion des ressources humaines grâce à l'instauration d'un comité technique paritaire qui permettra une clarification de responsabilités aujourd'hui éparpillées entre des instances aux missions mal définies. Elle comporte l'obligation, pour le président, de rendre compte chaque année à son conseil d'administration du bilan de son action au regard des objectifs définis, notamment, dans le cadre du contrat quadriennal qui le lie à l'Etat. L'Université deviendrait, ainsi, un pôle de compétitivité dans le secteur de la dispense des savoirs, vecteur de croissance endogène par excellence.
Les éditions juridiques Lexbase vous proposent, cette semaine, d'analyser les apports de cette loi nouvellement promulguée, avec Christophe de Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz.
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Réf. : Cass. civ. 1, 4 juillet 2007, n° 05-16.023, M. Jean-Claude Bertacchi, FS-P+B (N° Lexbase : A0707DXH)
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par Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne
Le 07 Octobre 2010
S'agissant du premier cas, le principe posé par l'article 1036 est simple : "les testaments postérieurs qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents, n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui y seront contraires" (5). En pratique, toutefois, les juges rencontrent d'importantes difficultés pour déterminer si le second testament est inconciliable avec le premier. Un legs des meubles révoque-t-il partiellement le legs antérieur des meubles et immeubles ? Qu'en est-il en cas de legs universels successifs ? Les légataires universels se partagent-ils la succession ou le dernier institué en recueille-t-il la totalité ? Aucune solution unitaire ne peut être donnée. Il appartient, en effet, aux juges du fond d'interpréter la volonté du testateur. Encore faut-il que la manifestation de celle-ci ne soit pas nulle au motif que le testament postérieur qui la supporte soit nul en la forme (6). Lorsque le formalisme testamentaire n'a pas été respecté, le testament initial doit alors s'appliquer.
S'agissant du second cas de révocation tacite, l'article 1038 du Code civil prévoit que "toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l'aliénation postérieure soit nulle, et que l'objet soit rentré dans la main du testateur". En effet, dès lors que le testateur a eu la volonté de se défaire de la chose léguée, que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit, c'est qu'il n'a plus l'intention de la transmettre au légataire. L'effet révocatoire de l'aliénation s'explique par l'intention de révoquer qu'elle implique (7), et non par l'impossibilité d'exécuter qu'elle emporte (8).
A ces deux cas de révocation tacite limitativement énumérés par les articles 1036 et 1038 du Code civil, la jurisprudence n'a pas hésité à y ajouter un troisième : la destruction volontaire du testament, dès lors qu'elle est l'oeuvre du testateur ou, au moins, connue de lui. Outre la destruction totale, sont également admises les ratures, lorsqu'il est démontré qu'elles sont postérieures à la rédaction du testament (9).
Ces trois cas de révocation tacite sont-ils limitatifs ? Peut-on, en effet, admettre une révocation indirecte tacite du testament par l'accomplissement d'un acte autre que sa destruction ou que ceux visés aux articles 1036 et 1038 du Code civil ? L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 4 juillet 2007 donne une réponse négative. Bien qu'ayant été allongée par le passé, la liste des cas demeure aujourd'hui fermée.
En l'espèce, le testament antérieur n'avait pas été détruit et aucune aliénation de la chose léguée n'avait été effectuée. De même, aucun testament postérieur n'était venu révoquer de manière expresse ou contredire le testament initial. Le testateur, décédé le 16 octobre 1990, laissait pour lui succéder son épouse séparée de biens et ses deux fils, bénéficiaires de libéralités en vertu de deux testaments du 15 octobre 1984. Par l'un de ces deux actes, il avait légué deux terrains et un appartement à l'un de ses fils. Or, à compter du mois de février 1990, le père avait entrepris des démarches pour que l'un de ces terrains soit découpé en deux lots, chargeant un géomètre et un notaire de procéder aux formalités nécessaires à la division, notamment, l'établissement de divers plans, d'un procès-verbal de délimitation, ainsi que la délivrance d'un certificat d'urbanisme faisant état de la division projetée. En outre, le 1er octobre 1990, il avait légué par acte notarié à son autre fils l'autre terrain non concerné par la division. A cette occasion, il avait "exprimé formellement" sa volonté de faire donation du premier terrain à ses deux fils et non plus à l'un d'eux seulement. Compte tenu de l'ensemble de ces démarches, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait considéré que le testateur avait exprimé une "volonté manifeste et définitivement arrêtée de rendre impossible l'exécution du legs portant sur le premier terrain et de le révoquer". La Cour censure cette interprétation et rappelle, sur le fondement des articles 1035, 1036 et 1038 du Code civil, que "la révocation tacite d'un testament ne peut résulter que de la rédaction d'un nouveau testament incompatible, de l'aliénation de la chose léguée ou de la destruction ou de l'altération volontaire du testament".
Cette formulation stricte condamne la tendance de quelques arrêts à admettre la révocation tacite du testament chaque fois qu'elle résulte d'un acte quelconque accompli par le testateur. La recherche, en dehors des hypothèses unanimement admises, de l'intention révocatoire du testateur a, en effet, conduit certains juges à donner effet à des attitudes manifestant un changement de volonté (10). Il a, ainsi, été jugé, s'agissant de dispositions testamentaires relatives aux funérailles, que le fait pour un mourant, conscient de ses actes, de demander un prêtre constituait une manifestation certaine et non équivoque de sa volonté d'obtenir les secours de la religion et que les dispositions testamentaires antérieures par lesquelles il déclarait vouloir être enterré civilement devaient être considérées comme nulles et de nul effet (11). De même, s'agissant de dispositions testamentaires relatives aux biens, la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 mai 1959, jugé "libéral" (12), formulait la règle suivante : "la révocation d'un testament ne peut résulter que d'un acte exprès ou d'une situation de fait créée par le testateur lui-même dans le dessein de rendre impossible l'exécution des legs antérieurement consentis par lui" (13). L'attendu paraissait admettre implicitement qu'il peut y avoir révocation tacite en dehors des trois cas précédemment énumérés, en raison, notamment, "d'une situation de fait créée". L'affirmation était, cependant, trop ambiguë pour fixer la jurisprudence.
En définitive, le présent arrêt du 4 juillet 2007 ne fait que reprendre l'opinion générale de la jurisprudence et de la doctrine selon laquelle la preuve de l'intention de révoquer un testament ne peut pas se faire par présomptions en dehors des cas prévus par les articles 1036 et 1038 ou de la destruction du testament (14). La révocation d'un legs répond tant au volontarisme qu'au formalisme : déterminée par référence à la volonté du testateur, elle ne peut se manifester et trouver effet que par la rédaction d'un nouveau testament incompatible, par l'aliénation du bien légué ou encore la destruction ou la lacération du testament.
(1) En la forme, le testament révocatoire peut être authentique, olographe, mystique ou international, quelle que soit la forme du testament à révoquer.
(2) Le testament révocatoire doit être reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins. En revanche, il n'a pas à être dicté par son auteur.
(3) M. Grimaldi, Droit civil, Libéralités, Partages d'ascendants, Litec, 2000, p. 382, n° 1491.
(4) Cass. req., 19 novembre 1867, D.P. 1868, I., p. 216.
(5) Au testament, la jurisprudence assimile l'institution contractuelle entre époux : Cass. civ. 1, 30 mai 1960 (N° Lexbase : A5682DY4), Bull. civ. I., n° 298.
(6) Cass. civ. 1re, 9 janvier 1979, n° 77-10405, Consorts Rolland c/ Consorts Chevillard (N° Lexbase : A7103CG8), Bull. civ. I., n° 16.
(7) En revanche, la simple intention d'aliéner ne suffit pas. Il est nécessaire que l'acte ait été conclu : Cass. req. 31 mai 1907, D. 1909, I., p. 377.
(8) M. Grimaldi, préc., p. 389, n° 1499.
(9) Elles sont, cependant, soumises aux formes du testament : elles doivent être de la main du testateur, datées et signées par lui : Cass. req. 4 décembre 1922, S. 1923, I., p. 97.
(10) V. à ce sujet : A. Colomer, La révocation tacite d'un testament olographe, Defrénois 1985, art. 33507, p. 545.
(11) Cass. req., 23 avril 1912, D. P. 1913, I, p. 41, note H. Capitant, cité par F. Lucet et R. Le Guidec, in J-Cl. Code civil, art. 1035 à 1038, n° 28.
(12) H., L., et J. Mazeaud, F. Chabas, Leçons de droit civil, t. IV., 2ème vol., Successions-Libéralités, 5ème éd., par L. et S. Leveneur, Montchrestien, 1999, p. 363, n° 1043.
(13) Cass. civ. 1, 25 mai 1959, JCP. G. 1959, II, 11188, note R. Savatier.
(14) H., L., et J. Mazeaud, F. Chabas, Leçons de droit civil, t. IV., 2ème vol., Successions-Libéralités, op. cit..
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Réf. : Cass. soc., 18 septembre 2007, n° 06-42.401, Société Sprague France (VISHAY), F-D (N° Lexbase : A4368DYG) ; Cass. soc., 18 septembre 2007, n° 05-44.961, Société Créations Rivers, F-D (N° Lexbase : A4193DYX)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Résumés
Pourvoi n° 06-42.401 : les licenciements apparaissant comme le résultat de la décision de transférer la production en Israël en raison d'incitations financières et fiscales attractives, la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe, invoquée dans les lettres de licenciement, n'a jamais existé et la délocalisation en Israël obéissait à des facteurs étrangers à ceux prévus par l'article L. 321-1 du Code du travail. Pourvoi n° 05-44.961 : ayant constaté que la lettre de licenciement faisait état d'une réorganisation consécutive à des difficultés économiques, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si la suppression de l'emploi de la salariée procédait d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité. |
1. Les critères du licenciement préventif
Pour faire face à l'âpreté de la concurrence internationale, les entreprises, soucieuses de ne pas attendre que des difficultés économiques surviennent pour se réorganiser, privilégient des mesures préventives destinées à sauvegarder, autant que faire se peut, l'emploi sur le sol national.
Se fondant sur le caractère non limitatif des motifs justifiant des licenciements pour motif économique, la Cour de cassation a admis, en 1995, que "lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité" (1).
Dans un premier temps restrictive, la formule de l'arrêt "Thomson tubes" a évolué à partir de 1997 et la Cour a indiqué que, "si une restructuration entraînant la suppression de poste d'un salarié peut constituer une cause économique de licenciement, c'est à la condition que cette mesure soit nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise" (2).
Cette jurisprudence fut confirmée solennellement en 2000 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans l'arrêt "SAT", qui précisa, à cette occasion, que les juges du fond n'avaient pas à porter de jugement sur l'existence d'alternatives à ces licenciements, dès lors que leur nécessité avait été établie (3).
Il s'agit, ici, d'un motif distinct des difficultés économiques visées par le texte. La Cour de cassation a donc logiquement considéré que la preuve de la nécessité de sauvegarder la compétitivité suffisait, sans qu'il soit utile de prouver l'existence de mutations technologiques ou de difficultés économiques (4).
L'autonomie de ce nouveau motif économique a été confirmée en 2006 dans les arrêts "Pages jaunes", la Chambre sociale de la Cour de cassation affirmant que "la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, et que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement" (5).
L'arrêt, qui concernait non pas des licenciements envisagés directement par l'entreprise mais des modifications de contrats de travail, a, par la suite, été confirmé dans l'affaire "Dunlop" où, cette fois-ci, l'entreprise avait procédé à une petite centaine de licenciements préventifs, et ce alors qu'aucune difficulté économique ne l'avait encore contrainte à le faire (6).
La Cour de cassation était parfaitement consciente, en 1995, des risques qu'elle prenait en admettant le motif tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Aussi, l'étude de la jurisprudence rendue depuis démontre la volonté de ne pas se laisser déborder par les juridictions du fond et de vérifier que l'entreprise prouve, de manière certaine, l'existence d'une menace pesant sur sa compétitivité et la nécessité dans laquelle elle se trouve de procéder à des licenciements préventifs.
C'est singulièrement en présence d'une délocalisation en dehors des frontières nationales que le problème s'est posé, comme cela était d'ailleurs le cas dans l'affaire "Thomson tubes" en 1995.
De nombreuses entreprises entendent, en effet, profiter du moindre coût de la main d'oeuvre, du caractère plus avantageux de la fiscalité ou des aides promises par certains gouvernements étrangers pour augmenter leurs marges et satisfaire ainsi les attentes des actionnaires, qu'il s'agisse d'ailleurs des fonds de pension, souvent montrés du doigt pour la logique purement spéculative qui les anime, ou de grands groupes financiers.
Comme cela avait été jugé en 1995 à propos des difficultés économiques invoquées par l'entreprise, la nécessité de sauvegarder la compétitivité doit s'apprécier au regard du secteur d'activité du groupe auquel l'entreprise appartient (7).
L'examen des arrêts rendus depuis l'affaire "Dunlop", où la Cour avait considéré comme justifiés 99 licenciements préventifs, montre son désir de ne pas se laisser charmer par les sirènes de la rhétorique managériale.
De nombreuses décisions ont, en effet, été rendues, refusant de considérer le licenciement comme justifié, qu'il s'agisse de motiver les licenciements par le fait, "pour une compagnie d'aviation [de] supprimer une ligne qui n'était pas rentable" (8), par le désir de "rationaliser [le] fonctionnement" de l'entreprise (9), "de regrouper l'ensemble des fonctions de direction et par là même, d'assurer la pérennité de l'entreprise" (10), de rechercher "une meilleure organisation" privilégiant "le niveau de rentabilité de l'entreprise au détriment de l'emploi" (11), de considérer comme justifié le licenciement après avoir relevé que "par sa nature même le service de restauration aux patients imposait à la clinique des charges et des contraintes liées aux exigences de qualité et au respect des normes d'hygiène très lourdes qui handicapaient le fonctionnement et l'organisation de la clinique en ne lui permettant pas de consacrer tous ses efforts à l'accomplissement de sa mission essentielle originelle qui est par sa nature médicale, et que l'externalisation de cette activité est de nature à améliorer la qualité du service rendu aux patients et à décharger le service d'importantes contraintes" (12).
Certains arrêts ont, toutefois, admis la légitimité de licenciements préventifs. Le 23 mai 2007, la Cour de cassation a, en effet, rendu deux arrêts en ce sens s'agissant de licenciements préventifs motivés "par le positionnement défavorable de l'entreprise face aux autres opérateurs, et notamment aux banques, nouveaux intervenants, tant en ce qui concerne le taux de changement que des frais d'acquisition et d'administration, [ce qui] menaçait à terme" la survie de l'entreprise (13), ainsi que par le fait que, "dans le secteur d'activité du levage et de la manutention, la production avait connu en 2002 une baisse significative et le marché intérieur une contraction importante, que le chiffre d'affaires de la société Ateliers de la chaînette avait baissé sensiblement et que son résultat d'exploitation s'était dégradé de 45 %, les deux autres sociétés du secteur subissant des pertes importantes" (14).
C'est tout l'intérêt d'un autre arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 18 septembre 2007 (n° 06-42.401).
Dans cette affaire, la société Sprague France, filiale de la société Vishay intertechnology, avait procédé à des licenciements économiques, entraînant la fermeture du site de Tours qui employait 94 salariés. La cour d'appel avait condamné l'entreprise pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Celle-ci avait alors formé un pourvoi en cassation et justifiait la fermeture du site par "l'apparition d'une nouvelle technologie de condensateurs en céramique et en aluminium, ainsi [que par] la baisse du marché des produits utilisateurs de ces condensateurs au tantale, en particulier, la micro-informatique et la téléphonie mobile".
Or, le pourvoi est rejeté. Après avoir rappelé le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond sur "les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis", la Cour de cassation considère que la cour d'appel avait "légalement justifié sa décision" en constatant "que les licenciements étaient le résultat de la décision de transférer la production de Sprague France vers la société Vischay Israël en raison d'incitations financières et fiscales attractives, de sorte que la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe, invoquée dans les lettres de licenciement, n'avait jamais existé, et que la délocalisation de Sprague France en Israël obéissait à des facteurs étrangers à ceux prévus par l'article L. 321-1 du Code du travail".
Cet arrêt est donc à rajouter à la longue liste des décisions ayant condamné les entreprises. La sauvegarde de la compétitivité passe donc par la démonstration des difficultés économiques rencontrées par ses concurrents, qui oeuvrent dans le même secteur d'activité, voire par d'autres entreprises du groupe, ou par des difficultés comparables rencontrées dans des secteurs d'activité proches. A défaut, les arguments présentés par les entreprises seront traités comme de simples spéculations et ne pourront justifier les licenciements prononcés.
2. La motivation formelle des licenciements préventifs
Le contrôle exercé par les juges s'est logiquement reporté sur la motivation de la lettre de licenciement, dont on sait qu'elle constitue une pièce essentielle de la procédure puisqu'une motivation insuffisante équivaut à une absence de justification et entraîne la condamnation de l'entreprise pour défaut de cause réelle et sérieuse (15).
Si l'employeur vise, dans la lettre de licenciement, l'existence de difficultés économiques, il ne peut plus changer de motif devant le juge en invoquant la nécessité de se réorganiser pour sauvegarder la compétitivité.
C'est l'enseignement tiré de l'un des arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 18 septembre 2007 (n° 05-44.961).
Dans cette affaire, l'employeur avait invoqué, dans la lettre de licenciement, "les résultats déficitaires de la société Creeks nécessitant une restructuration avec cession des points de vente de cette société, qui a entraîné une baisse de la charge de travail des services transversaux des sociétés Creeks et Créations Rivers, structure qui employait [la salariée] dont le poste de comptable a été supprimé". La cour d'appel avait donc logiquement recherché si les difficultés économiques invoquées étaient avérées et de nature à justifier le licenciement, avant de conclure négativement et de condamner l'entreprise pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le pourvoi contre l'arrêt d'appel est ici logiquement rejeté, "la cour d'appel [ayant] constaté que la lettre de licenciement faisait état d'une réorganisation consécutive à des difficultés économiques, [et n'ayant] pas à rechercher si la suppression de l'emploi de la salariée procédait d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité".
La leçon de cet arrêt est donc claire. L'entreprise qui procède à des licenciements économiques doit être certaine des motifs invoqués. En cas de doute sur la réalité et le sérieux des difficultés économiques actuelles, il semble plus prudent de basculer sur le motif tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.
Décisions
Cass. soc., 18 septembre 2007, n° 06-42.401, Société Sprague France (VISHAY), F-D (N° Lexbase : A4368DYG) Rejet (CA Orléans, chambre sociale, 9 mars 2006) Textes concernés : C. trav., art. L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) et L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8). Mots-clefs : licenciement ; sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe ; délocalisation. Lien bases : Cass. soc., 18 septembre 2007, n° 05-44.961, Société Créations Rivers, F-D (N° Lexbase : A4193DYX) Rejet (CA Toulouse, 4ème chambre sociale, section 1, 8 septembre 2005) Textes concernés : C. trav., art. L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K), L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8) et L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9). Mots-clefs : réorganisation consécutive à des difficultés économiques ; suppression d'emploi ; réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité. Lien bases : |
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Réf. : Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des universités (N° Lexbase : L1391HY8)
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
Le 07 Octobre 2010
Or, le constat est partagé, aujourd'hui, sur la crise de l'Université française face à ces évolutions structurelles. Plusieurs éléments permettent d'étayer ce constat : la crise d'orientation des étudiants (6), la crise d'insertion professionnelle de ses diplômés (7), la crise des moyens (8) et, enfin, une crise d'adaptation face à l'économie de la connaissance. Celle-ci confère un avantage compétitif aux pays disposant de la capacité d'innover, d'inventer et de déposer des brevets. Or, comme elle n'investit pas assez dans l'enseignement supérieur, la performance de la France en termes de productivité et d'innovation est médiocre.
Le sujet est sensible, en témoignent les textes successifs, adoptés pour les uns, morts-nés pour les autres (9). Mais l'Université doit faire face, de plus en plus, aux évolutions structurelles dont elle fait l'objet qui tiennent tant à l'augmentation considérable des jeunes poursuivant des études supérieures (10) qu'à la participation à la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche (11).
Sans cesse repoussée depuis plus de 20 ans, la réforme de l'Université peut, aujourd'hui, enfin, s'appuyer sur un texte bénéficiant d'une légitimité propre, tant au niveau des besoins en matière de gouvernance et d'autonomie que de l'apport des concertations effectuées au préalable avec les différents acteurs concernés par le projet (12). La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des universités (13), a, en vérité, pour ambition de surmonter l'ensemble des blocages tels qu'ils ont pu être décrits. Pour remédier à la massification de l'enseignement supérieur avec des moyens financiers et humains limités, elle redéfinit les instruments et les conditions de la gestion des universités par un renforcement du pouvoir exécutif et un resserrement des instances délibérantes. La gouvernance de toutes les universités sera rénovée dans le délai d'un an pour les rendre plus réactives, simplifier les procédures, clarifier leurs missions et accroître leur capacité d'initiative. Le législateur amène, également, plus d'autonomie et de responsabilité pour pousser les universités à l'excellence et rendre moins biaisée la concurrence avec les universités étrangères.
Nous verrons, donc, en première partie, ce que recouvre la rénovation de la gouvernance des universités (I) pour voir, en seconde partie, en quoi se matérialise leur nouvelle capacité de décision (II).
I. La rénovation de la gouvernance des universités
La loi ouvre sur l'énoncé des missions fondamentales du service public de l'enseignement supérieur (14) pour y ajouter celle d'orientation et d'insertion professionnelle qui s'inscrit dans la droite ligne des propositions pour une "professionnalisation" des études formulées par la commission du débat national université-emploi à l'automne 2006 (15). Pour la suite et concernant l'essentiel, le président devient le pivot du nouveau dispositif (B) et l'on redéfinit, au préalable, le rôle des différents conseils (A).
A. La redéfinition des rôles des conseils
Le législateur révise la composition et le mode de fonctionnement du conseil d'administration pour lui confier un rôle de stratège. Il est, désormais, une instance collégiale qui n'est plus pléthorique et qui est plus ouvert aux personnalités extérieures (7 à 8 membres). Désigné, comme le président pour 4 ans (principe de concordance des mandats), il comporte, au plus, 30 membres (16). Aucune compétence n'est retranchée dans la liste de celles dévolues jusqu'à présent au conseil, de sorte qu'il continuera à décider aussi de la pose de parcmètres dans l'enceinte universitaire ou de l'attribution de subventions de quelques dizaines d'euros à un projet étudiant. Il dispose de compétences supplémentaires. Il peut créer ou supprimer des UFR (17), alors qu'auparavant un arrêté du ministre de l'Enseignement supérieur était nécessaire. Il peut créer des dispositifs d'intéressement permettant d'améliorer la rémunération des personnels. Il définit les règles de répartition des obligations de services des enseignants-chercheurs entre les activités de recherche, d'enseignement et les autres missions.
Le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) sont peu retouchés (18). Leur mandat est, lui aussi, de 4 ans (principe de concordance des mandats). Ils sont confortés dans leur compétence consultative et leur rôle d'appui, mais ils ne disposent plus d'un pouvoir d'initiative et de propositions de mesures adressées au conseil d'administration. C'est ce dernier qui décide, ou non, de les consulter, même si, sur certains points, cette consultation est obligatoire. Passés au tamis de la réforme, leurs responsabilités sont amoindries au profit du nouveau conseil d'administration.
Un nouvel organe consacré au dialogue social est créé par décision du président de l'Université, après délibération du conseil d'administration : le Comité technique paritaire (CTP) (19). Il devra favoriser l'expression du dialogue social à l'Université et permettre, ainsi, de désencombrer les travaux du conseil d'administration des questions sociales (20).
B. Le renforcement des compétences du président
La redéfinition des rôles des conseils s'accompagne d'un renforcement des prérogatives du président de l'Université qui devient, ainsi, le porteur et le pilote du projet d'établissement. Il bénéficie, désormais, d'une plus grande légitimité, ainsi que d'une plus grande autorité. Une plus grande légitimité à travers son nouveau mode d'élection. Le président de l'Université, dont le mandat peut, dorénavant, être cumulé dans le temps, est, désormais, élu pour 4 ans (21) à la majorité absolue par les membres élus du conseil d'administration (22) (23). Alors, certes, son assise électorale se retrouve affaiblie puisqu'au lieu d'être, comme par le passé, l'élu de l'ensemble des membres du conseil d'administration, du conseil scientifique et du CEVU, il ne le sera plus que des professeurs, maîtres de conférences, étudiants et agents administratifs siégeant au conseil d'administration donc 13 personnes dans le schéma de base applicable à défaut de délibération statutaire contraire. Mais, s'il est loin d'être démontré que la réduction de l'assise électorale contribue au renforcement de son autorité, le président devrait néanmoins réussir à obtenir l'appui du conseil d'administration, la majorité dont il dispose au sein de cette instance devrait sortir renforcée de la nomination des personnalités extérieures qui sont, en effet, nommées par le président pendant la durée de son mandat.
Une plus grande autorité aussi à travers le fait que la loi rappelle, notamment, qu'il "assure la direction de l'Université" (24) (25). Cette autorité s'étend sur l'ensemble des personnels de l'Université (26). Mais, en contrepartie de ses nouvelles compétences, la responsabilité du président est aussi renforcée. Son mandat est renouvelable une fois (27), ce qui lui donne la possibilité de mieux inscrire son action dans la durée et renforce sa responsabilité, étant, de ce fait, jugé sur la base des résultats ainsi obtenus (28). En outre, le ministre en charge de l'Enseignement supérieur reste compétent pour prendre toutes dispositions qui seraient imposées par les circonstances, en cas de difficulté grave rencontrée dans le fonctionnement des organes statutaires notamment. Enfin, l'Etat reste garant de la qualité des formations et de l'équité de traitement (29).
II. L'attribution d'une nouvelle capacité de décision
Le titre III de la loi du 10 août 2007 attribue aux universités des responsabilités nouvelles qui sont, pour certaines, exercées dès l'entrée en vigueur de la loi. D'autres constituent des compétences particulières dont les universités pourront se saisir soit directement (30), soit après décision de l'Etat (31). La réforme des universités vers plus d'autonomie s'accompagne, d'abord, d'une redéfinition du rôle de l'Etat fondée sur un contrat pluriannuel (32), un contrôle de légalité renforcé et le suivi attentif de l'application de la loi, mais ce sont surtout la maîtrise de nouvelles compétences en matière budgétaire (A) et en matière de gestion de ressources humaines (B) qui se révèlent significatives.
A. Des compétences nouvelles en matière budgétaire
Au-delà des prérogatives renforcées applicables dans un délai d'un an, les universités pourront se saisir, au plus tard, dans un délai de 5 ans, d'un bloc de responsabilités et de compétences élargies. Celles-ci recouvrent, en premier lieu, la mise en place d'un budget global, incluant la masse salariale dans le cadre du contrat pluriannuel (33). Le législateur donne aussi la possibilité aux universités de mobiliser d'autres sources complémentaires de financement en créant un cadre plus incitatif aux aides et soutiens des acteurs privés. Il est, par exemple, prévu d'encourager le versement des dons (34), si répandu aux Etats-Unis, et qui donne à leur établissement une puissance financière considérable. La procédure d'agrément des ministres chargés du Budget et de l'Enseignement supérieur nécessaire, pour que les universités puissent recevoir des versements de particuliers et d'entreprises déductibles de l'impôt, est supprimée.
Le législateur confie, également, des compétences dites "particulières" aux universités qui accroissent les moyens dont elles peuvent disposer. Ces établissements peuvent, ainsi, créer une ou plusieurs fondations en leur sein par simple délibération du conseil d'administration (35). Ces fondations internes permettront aux universités de collecter des fonds privés à travers des dons d'entreprises ou d'associations d'anciens élèves notamment (36).
En parallèle, les universités peuvent se voir transférer, si elles le demandent, la pleine propriété des biens immobiliers ou mobiliers qui leurs sont affectés ou sont mis à leur disposition. Ce transfert s'effectue à titre gratuit et prend, dans tous les cas ou cela s'avère nécessaire, la forme d'une convention entre les parties visant la mise en sécurité du patrimoine après expertise contradictoire (37).
B. Des compétences nouvelles en matière de gestion des ressources humaines
La procédure de recrutement des enseignants chercheurs est, d'abord, redéfinie, afin d'en renforcer la réactivité et la transparence, à travers l'article L. 952-6-1 du Code de l'éducation. Il existait une liberté laissée à chaque discipline, via sa "commission de spécialistes", dans le choix des heureux élus. Il en va, désormais, différemment. Sur proposition du président, le conseil d'administration nomme un "comité de sélection" composé, au moins pour moitié, d'universitaires extérieurs à l'établissement. Ce comité, dont les membres, "choisis en raison de leurs compétences", doivent l'être "en majorité parmi les spécialistes de la discipline en cause", donne, sur les candidatures dont il a été saisi, un "avis motivé". Au vu de cet avis, le conseil d'administration tranche, mais, à supposer que son choix ne convienne pas au président de l'Université, celui-ci dispose d'un véritable droit de veto. Aucune affectation ne peut être prononcée dans l'établissement dont il a la charge s'il s'y oppose par voie d'"avis défavorable motivé" (38).
Dans le même ordre d'idée, le président de l'Université se voit confier la responsabilité de l'attribution de toutes les primes attribuées aux personnels de l'établissement pour mieux reconnaître et récompenser les mérites individuels (39).
Le législateur autorise, également, le président de l'université à recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels, soit pour occuper des fonctions techniques ou administratives d'encadrement, soit pour assurer, à titre dérogatoire, des fonctions d'encadrement et de recherche (40).
La gestion plus réactive des ressources humaines concerne, enfin, aussi les étudiants, puisque le président peut recruter tout étudiant inscrit en formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur, afin d'exercer des activités de tutorat ou de service en bibliothèque notamment (41).
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)
Le 07 Octobre 2010
Après les deux arrêts statuant sur les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde, objet de nos commentaires dans ces colonnes (Cass. com., 26 juin 2007, deux arrêts, n° 06-20.820, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9315DWW et n° 06-17.821, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9314DWU ; lire La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N9341BBL), l'occasion est donnée, pour la deuxième fois, à la Cour de cassation de faire application des dispositions substantielles de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT). Il est, ici, question de la résolution du plan de continuation après le 1er janvier 2006.
En l'espèce, les sociétés Antoine Moeix et Lebegue "AML", Duhart Embouteillage, Château Lestage Simon, Haut Mayne Gravaillas, Vignoble J. Leprince et Noble Maynard avaient été placées en redressement judiciaire. Un plan unique de continuation avait été arrêté au profit de ces sociétés. Le 28 juillet 2006, le tribunal décidait la résolution du plan de continuation et prononçait la liquidation judiciaire de ces sociétés. Le commissaire à l'exécution du plan était désigné liquidateur. Les sociétés placées en liquidation judiciaire ont relevé appel de ce jugement et saisi le premier président d'une demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire. L'arrêt de l'exécution provisoire a été ordonné.
Le liquidateur a alors formé un pourvoi à l'encontre de l'ordonnance du premier président arrêtant l'exécution provisoire, en soutenant que le premier président de la cour d'appel ne pouvait arrêter l'exécution provisoire du jugement qui prononce la résolution du plan. La question centrale posée à la Cour de cassation porte donc sur le périmètre de l'article 328 du décret du 28 décembre 2005 (décret n° 2005-1677, pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L3297HET), texte qui détermine les décisions susceptibles d'arrêt d'exécution provisoire.
Pour rejeter le pourvoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation fait d'abord application des articles L. 626-27, alinéa 2, (N° Lexbase : L4076HBL) et L. 631-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L4030HBU) issus de la loi de sauvegarde des entreprises et 159 du décret du 28 décembre 2005 en énonçant que, "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal décide sa résolution et prononce, par un même jugement, la liquidation judiciaire ; qu'il s'ensuit que l'arrêt de l'exécution provisoire d'un tel jugement, autorisé dans les conditions prévues à l'article 328 du décret du 28 décembre 2005, dans sa rédaction applicable en la cause, en ce qu'il statue sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire emporte nécessairement arrêt de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il décide la résolution du plan".
Pour comprendre la solution, il convient d'abord d'indiquer que l'article L. 626-27 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises, est, par exception, applicable, à compter du 1er janvier 2006, aux procédures ouvertes avant son entrée en vigueur. Son alinéa 2 dispose que, "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce la liquidation judiciaire". En l'espèce, le tribunal, dans son jugement du 28 juillet 2006, avait prononcé la résolution du plan de continuation et fixé la date de cessation de paiements au 25 novembre 2005. La résolution du plan s'était donc accompagnée de l'état de cessation des paiements. En conséquence, l'application de l'alinéa 2 de l'article L. 626-27 du Code de commerce s'imposait.
La résolution du plan de sauvegarde entraîne nécessairement, par un même jugement, le prononcé de la liquidation judiciaire. L'article L. 631-19-I du Code de commerce rend applicables au plan de redressement les dispositions du chapitre VI du titre II, au rang desquelles figure l'article L. 626-27.
Pour sa part, l'article 159 du décret du 28 décembre 2005, et plus spécialement son alinéa 2, dispose que, "lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du deuxième alinéa du I de l'article L. 626-27 du même code, il prononce, dans le même jugement, la liquidation judiciaire du débiteur". L'article 361 du décret du 28 décembre 2005 prévoit que "le présent décret n'est pas applicable aux procédures en cours, à l'exception des dispositions suivantes : [...] 2° Les articles 158 et 159 en ce qu'ils s'appliquent au redressement judiciaire". L'article 159 du décret du 28 décembre 2005, devenu, avec la codification, l'article R. 626-48, qui est une disposition d'application de l'article L. 626-27 du Code de commerce, est, comme cette dernière disposition, applicable aux procédures en cours à compter du 1er janvier 2006.
L'article 328 du décret du 28 décembre 2005, devenu avec la codification l'article R. 661-1 du Code de commerce, en son alinéa 1er, pose le principe selon lequel "les jugements et ordonnances rendus en nature de sauvegarde, de redressement et de liquidations judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire".
Dans sa rédaction d'origine, l'alinéa 3 de ce même article disposait que, "par dérogation aux dispositions de l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L4949GUT), le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire que des jugements mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 661-1 du Code de commerce et au deuxième alinéa de l'article L. 661-9 du même code, et lorsque les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux".
Le I de l'article L. 661-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4167HBX) vise :
"1° les décisions statuant sur l'ouverture des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire".
L'alinéa 2 de l'article L. 661-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L4175HBA) vise, pour sa part, le "jugement statuant sur la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation ou arrêtant ou rejetant le plan de sauvegarde ou le plan de redressement judiciaire".
Ainsi, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement prononçant la résolution du plan n'était pas envisagé. La rédaction de l'article 328, alinéa 3, du décret du 28 décembre 2005 ne peut laisser place à l'incertitude, puisque cet article énonce que le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire que des jugements mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 661-1 et au deuxième alinéa de l'article L. 661-9. Alors toute son importance doit être attachée à la précision apportée par l'alinéa 2 de l'article L. 626-27-I du Code de commerce, selon lequel, "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce la liquidation judiciaire". Est-ce à dire que la liquidation judiciaire prononcée dans le cadre de la résolution du plan pouvait faire l'objet d'un arrêt d'exécution provisoire ? C'est la solution retenue, en l'espèce, par la Cour de cassation. Parce que le jugement prononçant la résolution du plan prononce la liquidation judiciaire, l'arrêt d'exécution provisoire est possible. Il s'agit, dans un premier instant de raison, d'arrêter l'exécution provisoire de la liquidation judiciaire. En arrêtant l'exécution provisoire de la liquidation, il y a dans un second temps, par effet réflexe en quelque sorte, arrêt de l'exécution provisoire du jugement prononçant la résolution du plan de continuation.
Cette construction peut convaincre. Malheureusement, elle nous semble, à la stricte lettre des textes applicables aux faits de l'espèce, reposer sur un postulat erroné.
Reprenons la liste des décisions susceptibles d'arrêt de l'exécution provisoire. N'y figurent pas, on l'a déjà précisé, les jugements prononçant la résolution du plan de continuation, de sauvegarde ou de redressement. Y figurent les jugements statuant sur l'ouverture des procédures de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 661-1-I, 1°). Force est de constater que le jugement prononçant la liquidation judiciaire par suite de la résolution du plan n'est pas un jugement statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire. Le législateur s'est, en effet, efforcé de distinguer très nettement les décisions ouvrant et celles prononçant la liquidation judiciaire. Lorsque le législateur vise les décisions ouvrant la liquidation judiciaire, il s'agit de la liquidation judiciaire immédiate, celle qui n'a été précédée ni d'une sauvegarde, ni d'un redressement judiciaire. Au contraire, lorsque le législateur évoque les jugements prononçant la liquidation judiciaire, il s'agit de décisions intervenues sur conversion d'une sauvegarde ou d'un redressement.
L'alinéa 2 de l'article L. 661-9 du Code de commerce vise, quant à lui, le "jugement statuant sur la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation". Très clairement, il ne s'intéresse qu'à l'hypothèse d'un jugement intervenu sur conversion, puisqu'il présuppose une période d'observation.
Au contraire, le 2° de l'article L. 661-I-1 du Code de commerce s'intéresse aux "décisions statuant sur la liquidation judiciaire". Malheureusement, l'article 328, alinéa 3, du décret, devenu l'article R. 661-1, alinéa 3, du Code de commerce, ne met pas au rang des décisions susceptibles d'arrêt de l'exécution provisoire, les décisions statuant sur la liquidation judiciaire, ce qui aurait permis d'englober, non seulement les décisions prononçant la liquidation judiciaire, mais encore celles l'ouvrant.
Ainsi, on le voit, la Cour de cassation, pour parvenir à son résultat, est obligée, implicitement, mais nécessairement, d'assimiler la liquidation judiciaire prononcée dans le cadre d'une résolution du plan à une ouverture de liquidation judiciaire. Il n'est pas anodin de constater le flottement de la Cour de cassation, dans les vocables utilisés. Après avoir d'abord énoncé que "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal décide sa résolution et prononce, par le jugement, liquidation judiciaire", la Cour de cassation poursuit en indiquant que "l'arrêt de l'exécution provisoire d'un tel jugement [...] en ce qu'il statue sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire emporte nécessairement arrêt de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il décide la résolution du plan".
La lettre de l'article L. 626-27-I, alinéa 2, du Code de commerce vise pourtant uniquement le jugement qui prononce la liquidation judiciaire, non celui qui ouvre, ce qui nous semble condamner la solution retenue par la Cour de cassation.
Faut-il pour autant condamner la solution de la Cour de cassation ? Nous ne le pensons pas. Pourquoi le législateur a-t-il voulu permettre l'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement qui ouvre la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire et non de celui qui prononce cette même liquidation judiciaire ? Il y a à cela une raison d'évidence. L'on passe de la situation d'un débiteur in bonis à celle d'un débiteur qui est placé sous procédure collective. La chose est particulièrement grave. Au contraire, lorsque le débiteur, d'abord sous procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, est placé en liquidation judiciaire, il reste sous procédure collective. C'est donc le passage d'une situation in bonis à une situation de procédure collective qui permet de justifier la possibilité de l'arrêt de l'exécution provisoire. Or, lorsque le débiteur obtient un plan de continuation, de sauvegarde ou de redressement, il est remis à la tête de ses affaires. En cas de résolution plan et de prononcé de la liquidation judiciaire, il passe de nouveau d'une situation in bonis à une situation de procédure collective. Tout se passe donc, pour lui, comme s'il y avait ouverture d'une procédure collective et il est, en conséquence, logique d'adopter les mêmes solutions, en ce qui concerne l'arrêt d'exécution provisoire, que dans l'hypothèse d'une procédure collective initiale. C'est donc, a priori, par abus de langage, que l'article L. 626-27-I, alinéa 2, du Code de commerce vise le jugement qui prononce la liquidation judiciaire plutôt que celui qui l'ouvre.
A cet égard, il n'est pas neutre d'observer que l'article L. 626-27-I du Code de commerce envisage deux hypothèses de résolution du plan de sauvegarde et, du fait du renvoi opéré à cette disposition par l'article L. 631-19-I du même code, du plan de redressement. Il est distingué, d'une part, entre la résolution du plan, qui s'accompagne de l'état de cessation des paiements et emporte nécessairement le prononcé de la liquidation judiciaire et, d'autre part, la résolution du plan qui ne s'accompagne pas de la caractérisation de l'état de cessation des paiements et qui n'entraîne pas le prononcé d'une liquidation judiciaire. En ce cas, l'article R. 661-1 du Code de commerce n'autorisera pas l'arrêt de l'exécution provisoire.
Indiquons également que l'article R. 661-1, alinéa 3, du Code de commerce a été modifié par le décret du 23 décembre 2006, qui a ajouté que le premier président de la cour d'appel peut arrêter, lorsque les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux, l'exécution provisoire des décisions qui ne sont pas exécutoires de plein droit (par exemple, les décisions prononçant la faillite personnelle), ainsi que les décisions étendant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire de liquidation judiciaire à une ou plusieurs autres personnes que le débiteur (extension sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité).
Le lecteur aura compris que l'une des difficultés de la présente espèce tient à la technique législative de renvois par un texte à un ou plusieurs autres. Cette technique de rédaction des textes est épouvantable. Un risque majeur dans l'interprétation des textes, contraire à l'intelligibilité du droit, principe supérieur, est alors créé. Tout le monde ne peut identifier, du premier coup, et à coup sûr, dans un texte comportant, comme c'est le cas pour l'article L. 661-1 du Code de commerce, un I, un II, un III, le I comportant lui-même un 1°, un 2°, un 3°, ce qu'est un alinéa. Même si les textes sont un peu plus longs, s'ils sont plus lisibles, personne, à part peut-être les maisons d'éditions, ne s'en plaindra. Il faut en terminer avec ces renvois à l'alinéa x de tel I, de tel article.
Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, le débiteur personne physique devait avoir une certaine qualité subjective pour être déclaré en redressement ou en liquidation judiciaire : commerçant, personne inscrite au répertoire des métiers (artisan) ou agriculteur. La perte de cette qualité pouvait constituer un obstacle à l'ouverture de sa procédure. L'article L. 621-15 du Code de commerce, dans la rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L6867AI8) (anc. L. 25 janv. 1985, art. 17), avait précisément vocation à régir la difficulté, en énonçant que "le tribunal ne peut être saisi que dans le délai d'un an, à partir de l'un des événements mentionnés ci-après, et lorsque celui-ci est postérieur à la cessation des paiements du débiteur : [...] 2° cessation de l'activité s'il s'agit d'un artisan ou d'un agriculteur".
Le législateur, sans doute pour tenir compte du fait que la procédure de sauvegarde présuppose l'anticipation, ne prévoit pas la possibilité pour le débiteur retiré de bénéficier de la procédure de sauvegarde (F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 149), puisque son retrait rend inutile toute recherche d'anticipation.
En revanche, le législateur de sauvegarde des entreprises maintient la possibilité d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. L'article L. 631-3, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L4014HBB) prévoit ainsi la possibilité, pour une personne physique retirée, de bénéficier d'une procédure de redressement judiciaire. La même solution est posée pour le bénéfice de la liquidation judiciaire, par l'article L. 640-3, alinéa 1er, du même code (N° Lexbase : L4040HBA). Le débiteur peut donc solliciter l'ouverture de la liquidation judiciaire, la demande n'étant pas réservée aux créanciers, contrairement à ce qu'a cru devoir affirmer une juridiction du fond (CA Metz, ch. civ., 6 février 2007, n° 06/02320, Gaz. proc. coll. 2007/3, p. 25, note Ch. Lebel).
L'article L. 631-3, alinéa 1er, du Code de commerce dispose que "la procédure de redressement judiciaire est également applicable aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 631-2 (N° Lexbase : L4013HBA) après la cessation de leur activité professionnelle si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière". De même, en application de l'article L. 640-3, alinéa 1er, du Code de commerce, "la procédure de liquidation judiciaire est également ouverte aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2 (N° Lexbase : L4039HB9) après la cessation de leur activité professionnelle, si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière".
Le grand changement entre la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises et la loi du 26 juillet 2005 tient à la suppression, par la seconde de ces législations, du délai d'un an à partir de la cessation d'activité pour saisir le tribunal aux fins d'ouverture de la procédure collective, du moins si la saisine est à l'initiative du ministère public, du tribunal d'office ou du débiteur. Le délai d'un an a été maintenu, en revanche, si la saisine est à l'initiative d'un créancier.
Dès lors, une question est née, objet de la demande d'avis émanant du tribunal de grande instance de Bastia : le professionnel ayant cessé son activité avant que la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) soit applicable peut-il, depuis la date d'entrée en vigueur de ce texte, prendre l'initiative d'une déclaration de cessation des paiements, ce qui lui était refusé sous l'empire de la législation antérieure ?
A cette question, la Cour de cassation, dans son avis, répond que, "à compter du 1er janvier 2006, une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peut être ouverte, sur le fondement de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, à la demande d'un professionnel ayant cessé son activité et qui n'est pas déjà soumis à une procédure collective, dès lors qu'il se trouve en état de cessation des paiements et que tout ou partie de son passif provient de son activité professionnelle, peu important la date à laquelle il a cessé son activité".
La solution posée par l'avis de la Cour de cassation est claire et ne distingue pas selon que le professionnel a cessé son l'activité depuis plus d'un an ou est encore dans le délai d'une année depuis sa cessation d'activité. Il est donc envisageable, à compter du 1er janvier 2006, pour un professionnel ayant cessé son activité depuis de nombreuses années, de saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Trois observations s'imposent.
La première tient à l'obligation de respecter la condition posée par les articles L. 631-3, alinéa 1er, et L. 640-3, alinéa 1er, du Code de commerce : tout ou partie du passif de l'intéressé doit provenir de son activité professionnelle. Par cette exigence, il s'est agi d'éviter que le débiteur ne bénéficie d'une procédure réservée aux professionnels alors que ses dettes sont de nature privée (Rappr. Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, Carré droit, Litec 2005, n° 213). Si le débiteur ne remplit pas cette condition, il relèvera du dispositif de traitement du surendettement (Rapp. Xavier de Roux, n° 2095, p. 342).
Le texte n'exige pas davantage. Spécialement, il n'impose pas que le passif soit majoritairement composé d'anciennes dettes professionnelles. La solution doit, ici, être rapprochée de la législation sur le surendettement des particuliers. Pour le professionnel retiré depuis plus d'un, avant la loi de sauvegarde des entreprises, la jurisprudence permettait l'ouverture de la procédure de surendettement si le surendettement était constitué de dettes non professionnelles, peu important en revanche qu'il soit essentiellement constitué de telles dettes.
La législation sur le surendettement est d'application exclusive par rapport à celle des procédures collectives intéressant les professionnels. Une personne relevant de la législation sur les procédures collectives et professionnelles ne peut bénéficier de la procédure de surendettement. On mesure immédiatement la difficulté avec la loi de sauvegarde des entreprises, qui a supprimé le délai d'un an pour saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Admettra-t-on la concurrence entre la loi sur le surendettement des particuliers et la loi sur les procédures collectives, offrant ainsi un choix au professionnel retiré ? Une réponse positive semble devoir être apportée. Tout sera question de la façon dont est caractérisé l'état de cessation des paiements dans un cas, l'état de surendettement dans l'autre. Si l'état de cessation des paiements a été caractérisé, ne serait-ce que pour partie, à partir de dettes professionnelles, la demande d'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire est possible. Si l'état de surendettement est caractérisé à partir de dettes non professionnelles, la procédure de surendettement est également offerte à l'intéressé. Ainsi, celui qui est tout à la fois en état de cessation de paiements à partir de dettes pour partie professionnelles et tout à la fois en état de surendettement à partir de dettes non professionnelles, a le choix de la procédure. La procédure collective absorbe cependant la procédure de surendettement. En conséquence, une fois la procédure collective ouverte, d'évidence, une procédure de surendettement ne peut prospérer. A l'inverse, l'existence d'une procédure de surendettement ne semble pas faire obstacle à la possibilité de demande d'ouverture d'une procédure collective. L'avis de la Cour de cassation est ici sans ambiguïté, puisqu'il autorise la demande émanant d'un professionnel ayant cessé son activité qui n'est pas déjà soumise à une procédure collective, sans préciser que le professionnel ayant cessé son activité ne doit pas être soumis à une procédure de surendettement. L'ouverture de la procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire, après ouverture de la procédure de surendettement, mettra logiquement fin à cette dernière.
La deuxième observation qui doit être apportée résulte également de la généralité des termes employés par la Cour de cassation. Elle vise le professionnel ayant cessé son activité, sans autre précision. La question qui vient à l'esprit est alors de savoir si un professionnel libéral, qui n'était pas éligible aux procédures collectives avant le 1er janvier 2006, qui aurait cessé son activité avant cette date, pourra néanmoins bénéficier d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire après le 1er janvier 2006. La généralité des termes employés par la Cour de cassation semble devoir conduire, même si la solution n'est pas explicitement posée, à une réponse positive. Ainsi, curieusement, le professionnel libéral en activité ne pouvait pas, avant le 1er janvier 2006, demandé l'ouverture d'une procédure collective. En revanche, après le 1er janvier 2006, ce même professionnel en activité peut demander l'ouverture d'une procédure collective. Il n'y a, dès lors, pas de bonnes raisons d'interdire à un ancien professionnel libéral le bénéfice d'une procédure collective après le 1er janvier 2006.
La troisième observation tient à l'opportunité d'un redressement judiciaire pour un professionnel retiré. L'article L. 631-3, alinéa 1, du Code de commerce prévoit la possibilité, pour le professionnel retiré, de solliciter l'ouverture d'un redressement judiciaire. Cette possibilité existait déjà sous l'empire de la législation antérieure, l'article L. 621-15 du Code de commerce prévoyant la solution. A l'époque, l'ouverture d'un redressement judiciaire à l'encontre d'une personne retirée pouvait apparaître singulier. En effet, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, le redressement judiciaire a pour objectif la sauvegarde de l'entreprise. Or, si l'activité a cessé, on voit mal comment cet objectif peut être atteint. Sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, les données de la question ont changé. Selon une partie de la doctrine (F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7e éd., 2006, n° 405 ; A. Lienhard, Sauvegarde des entreprises en difficulté, 1ère éd., Delmas, 2006, n° 1616), serait admise la possibilité d'un plan de redressement ayant pour seul objectif le paiement du passif. Deux arguments l'étayent. D'une part, le Code de commerce n'exige pas que ce plan de redressement ait une finalité autre que le paiement du passif. D'autre part, il a été observé que la procédure de redressement judiciaire, qui naturellement doit conduire à l'adoption d'un plan de redressement, peut être ouverte au bénéfice d'une personne qui a cessé d'exploiter (F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 133). On peut y ajouter un troisième argument de texte, l'article 209 du décret du 28 décembre 2005 (devenu C. com., art. R. 631-41). Selon ce texte, "lorsque la cession totale ou partielle de l'entreprise a été ordonnée, la procédure est poursuivie dans les limites prévues par l'article L. 621-3 du Code de commerce aux fins, selon le cas, de l'arrêté d'un plan de redressement ou de la liquidation du débiteur". Le texte envisage la possibilité d'arrêter un plan de redressement au profit du débiteur après arrêté d'un plan de cession totale de l'entreprise : d'évidence, ce plan de redressement judiciaire du débiteur ne peut pas tendre à la poursuite de l'activité, mais seulement au paiement de son passif. On voit ainsi, pour un professionnel indépendant retiré, l'intérêt du redressement judiciaire, qui lui permettra, sur certains délais, de payer son passif, par exemple pour éviter la vente de sa maison d'habitation.
Le plus souvent, cependant, le professionnel indépendant sera placé en liquidation judiciaire, du moins s'il en fait la demande. Le tribunal ne pourrait, alors qu'il est saisi d'une demande de redressement judiciaire, d'office le placer en liquidation judiciaire. Il est impératif, en ce cas, si le tribunal veut placer l'intéressé en liquidation judiciaire, qu'il utilise la technique de la saisine d'office. La liquidation judiciaire pourra se terminer par un jugement de clôture pour insuffisance d'actif, qui permettra aux professionnels de bénéficier de la règle de l'interdiction de reprise des poursuites individuelles de la part des créanciers antérieurs. Il se produira alors une purge de dettes, de manière économiquement comparable à celle qui existe dans la procédure de surendettement des particuliers, mais cependant juridiquement distincte. En effet, dans le premier cas, l'interdiction de reprise des poursuites individuelles n'équivaut pas à une extinction de la dette, alors que dans le régime du surendettement des particuliers, la liquidation judiciaire conduira à une suppression des dettes.
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Réf. : CJCE, 13 septembre 2007, aff. C-458/05, Mohamed Jouini c/ Princess Personal Service GmbH (PPS) (N° Lexbase : A2099DYE)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen
Le 07 Octobre 2010
Résumé
L'article 1er § 1 de la Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 doit être interprété en ce sens que cette dernière s'applique lorsqu'une partie du personnel d'administration et une partie des travailleurs intérimaires sont transférées vers une autre entreprise de travail intérimaire pour y exercer les mêmes activités au service de clients identiques, et que les éléments concernés par le transfert d'une entité économique sont, en eux-mêmes, suffisants pour permettre la poursuite de prestations caractéristiques de l'activité économique en cause, sans avoir recours à d'autres éléments d'exploitation importants, ni à d'autres parties de l'entreprise. |
La question soumise à la CJCE est, en effet, inédite. L'article 1er § 1 (sous a et b) de la Directive 2001/23/CE, fixant son champ d'application, ne distingue pas selon que l'entreprise est ou non une entreprise de travail temporaire (1). Si, aux termes de l'article 2 § 2 de la Directive, il n'est pas porté atteinte au droit national en ce qui concerne la définition du contrat ou de la relation de travail, les Etats membres ne sauraient, cependant, exclure du champ d'application les contrats ou relations de travail uniquement en raison du fait qu'il s'agit de relations de travail intérimaire (au sens de l'article 1er, point 2, de la Directive 91/383/CEE du Conseil du 25 juin 1991 N° Lexbase : L7609AUD) et que l'entreprise, l'établissement ou la partie d'entreprise ou d'établissement transféré est l'entreprise de travail intérimaire qui est l'employeur ou fait partie de celle-ci. Selon l'article 3 § 1 de la Directive 2001/23/CE, les droits et les obligations qui résultent, pour le cédant, d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.
1. Conditions et caractères de la reprise d'entreprises de travail temporaire
Il est demandé à la CJCE si l'article 1er § 1 de la Directive 2001/23/CE doit être interprété en ce sens que cette dernière s'applique à un transfert des employés entre deux entreprises de travail intérimaire.
1.1. Condition de l'identité
Aux termes de la Directive 2001/23/CE (article 1er § 1), le droit européen des transferts d'entreprise est applicable à tout transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'entreprise ou d'établissement à un autre employeur résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion.
La jurisprudence de la CJCE tend à une lecture finaliste de la Directive 2001/23/CE, laquelle vise à assurer la continuité des relations de travail existant dans le cadre d'une entité économique, indépendamment d'un changement du propriétaire. Le critère décisif pour établir l'existence d'un transfert au sens de cette Directive est donc de savoir si l'entité en question garde son identité, ce qui résulte, notamment, de la poursuite effective de l'exploitation ou de sa reprise (CJCE, 18 mars 1986, aff. C-24/85, Jozef Maria Antonius Spijkers c/ Gebroeders Benedik Abattoir CV et Alfred Benedik en Zonen BV N° Lexbase : A7901AU8 ; Rec. p. 1119, points 11 et 12 ; CJCE, 15 décembre 2005, aff. C-232/04, Nurten Güney-Görres c/ Securicor Aviation (Germany) Ltd N° Lexbase : A9540DLW ; Rec. p. I-11237, point 31) (2).
1.2. Condition relative à l'existence d'une cession conventionnelle
La jurisprudence mise en place par la CJCE est devenue constante. Elle retient que la portée de la disposition de l'article 1er § 1 de la Directive 2001/23/CE ne peut pas être appréciée sur la base de la seule interprétation textuelle (à propos de l'article 1er § 1 de la Directive 77/187 : CJCE, 7 février 1985, aff. C-135/83, H.B.M. Abels c/ Direction de la Bedrijfsvereniging voor de Metaalindustrie en de Electrotechnische Industrie N° Lexbase : A8746AUH ; Rec. p. 469, points 11 à 13 ; CJCE, 19 mai 1992, aff. C-29/91, Dr. Sophie Redmond Stichting c/ Hendrikus Bartol et autres N° Lexbase : A7276AHX ; Rec. p. I-3189, point 10) (3).
En raison des différences entre les versions linguistiques de la Directive, ainsi que des divergences entre les législations nationales sur la notion de cession conventionnelle, la CJCE a donné une interprétation de cette notion suffisamment souple pour répondre à l'objectif de la Directive : la protection des salariés en cas de transfert de leur entreprise (CJCE, 19 mai 1992, Redmond Stichting préc., point 11 ; CJCE, 7 mars 1996, aff. C-171/94, Albert Merckx et Patrick Neuhuys c/ Ford Motors Company Belgium SA N° Lexbase : A7247AHU ; Rec. p. I-1253, point 28) (4).
Cette interprétation souple concerne, également, la forme de la "convention" par laquelle la cession se réalise. La notion de cession conventionnelle est, ainsi, susceptible de viser, selon les cas, un accord écrit ou verbal entre le cédant et le cessionnaire portant sur un changement de l'identité de la personne responsable de l'exploitation de l'entité économique concernée ou, encore, un accord tacite conclu entre eux qui résulterait d'éléments de coopération pratique, traduisant une volonté commune de procéder à un tel changement.
En l'espèce, la reprise des travailleurs concernés s'est effectuée dans le cadre d'une coopération entre le cédant et le cessionnaire, qui avaient toutes les deux les mêmes dirigeants, ce qui a permis à l'entreprise cessionnaire de démarrer une activité identique. La coopération mutuelle a rendu possible l'exercice par l'entreprise cessionnaire de cette activité au service des mêmes clients et en ayant largement recours aux travailleurs qui avaient, auparavant, travaillé pour l'entreprise de travail temporaire cédante. Cette coopération avait pour but et objet de transférer des éléments d'exploitation de l'entreprise cédante vers l'entreprise cessionnaire.
Dès lors, la notion de cession conventionnelle, telle qu'interprétée par la CJCE, ne fait pas obstacle à la constatation d'un transfert d'entreprise entre le cédant et le cessionnaire, même si les entreprises impliquées n'ont conclu aucun accord écrit ou verbal.
1.3. Conditions liées à la nature de la reprise d'entreprise (reprise totale ou partielle)
En l'espèce, l'opération de transfert porte-t-elle sur toute l'entreprise ou seulement sur une partie de celle-ci, étant entendu que, dans ce dernier cas, il convient d'identifier la partie d'entreprise qui est concernée ?
Selon la CJCE (arrêt rapporté, point 29), la reprise d'employés pratiquée par les entreprises de travail temporaire en cause ne peut correspondre à un transfert de l'entreprise entière. En effet, l'entreprise cessionnaire n'a repris qu'une certaine partie des employés chargés de la gestion administrative et un tiers des employés placés en intérim et l'entreprise cédante continuait à exercer cette activité économique jusqu'à sa mise en redressement. Ainsi, le transfert éventuel des moyens d'exploitation en cause (c'est-à-dire la reprise des employés concernés) de l'entreprise cédante vers l'entreprise cessionnaire ne pouvait porter que sur une partie de cette entreprise.
2. Objet de la reprise d'entreprise : l'"entité économique"
2.1. Notion d'entité économique
Pour relever de la Directive 2001/23/CE, une reprise d'entreprise doit porter sur une entité économique organisée de manière stable, dont l'activité ne se borne pas à l'exécution d'un ouvrage déterminé.
La notion d'entité économique renvoie, ainsi, à un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre (CJCE, 10 décembre 1998, aff. C-127/96, Francisco Hernández Vidal SA c/ Prudencia Gómez Pérez, María Gómez Pérez et Contratas y Limpiezas SL (C-127/96), Friedrich Santner contre Hoechst AG (C-229/96), et Mercedes Gómez Montaña contre Claro Sol SA et Red Nacional de Ferrocarriles Españoles (Renfe) (C-74/97) N° Lexbase : A7231AHB ; Rec. p. I-8179, point 26 (5) ; CJCE, 15 décembre 2005, Güney-Görres et Demir, préc., point 32), et qui est suffisamment structurée et autonome (CJCE, 10 décembre 1998, Hernández Vidal, préc., point 27).
Une telle entité doit-elle nécessairement comporter des éléments d'actifs, matériels ou immatériels, significatifs ? Non, pas nécessairement. En effet, dans certains secteurs économiques, ces éléments sont souvent réduits à leur plus simple expression et l'activité repose essentiellement sur la main-d'oeuvre. Ainsi, un ensemble organisé de salariés, qui sont spécialement et durablement affectés à une tâche commune, peut, en l'absence d'autres facteurs de production, correspondre à une entité économique (CJCE, 10 décembre 1998, Hernández Vidal, préc., point 27) (6).
2.2. L'entreprise de travail temporaire peut être une "entité économique"
Compte tenu de l'article 2 § 2, alinéa 2, sous c, de la Directive 2001/23/CE, la CJCE considère qu'une entreprise de travail temporaire peut être une "entité économique". En effet, les relations de travail avec de telles entreprises relèvent, en principe, de la Directive 2001/23/CE : il convient de tenir compte de leurs spécificités lors de l'examen de l'opération de leur reprise (arrêt rapporté, point 33).
Or, de telles entreprises sont caractérisées, en règle générale, par l'absence d'une organisation d'entreprise propre permettant d'identifier, au sein d'une telle entreprise, différentes entités économiques détachables en fonction de l'organisation du cédant.
En l'absence d'une structure d'organisation identifiable auprès de l'entreprise de travail intérimaire, la CJCE préfère procéder à un examen tenant compte de ses spécificités au lieu d'une analyse qui viserait à établir l'existence d'une entité économique au regard de son organisation. L'appréciation de l'existence d'une entité économique au sens de l'article 1er § 1 de la Directive 2001/23/CE implique de vérifier si les éléments d'exploitation transférés par le cédant constituaient, chez lui, un ensemble opérationnel se suffisant à lui-même pour permettre la fourniture de prestations de services caractéristiques de l'activité économique de l'entreprise sans nécessiter le recours à d'autres éléments d'exploitation importants ou à d'autres parties de celle-ci.
L'activité des entreprises de travail intérimaire est caractérisée par la mise à disposition en intérim de travailleurs au service d'entreprises utilisatrices afin que ceux-ci y exercent des tâches diverses suivant les besoins et les consignes de ces dernières. La poursuite d'une telle activité nécessite, notamment, un savoir-faire, une structure administrative apte à organiser cette mise à disposition des travailleurs et un ensemble de travailleurs intérimaires susceptibles de s'intégrer dans les entreprises utilisatrices et d'exercer pour elles les tâches demandées. En revanche, d'autres éléments d'exploitation significatifs ne sont pas indispensables pour la poursuite de l'activité économique en cause (arrêt rapporté, point 35).
Le fait que les travailleurs placés en intérim soient intégrés dans la structure organisationnelle du client au service duquel ils sont mis à disposition ne saurait, pour la CJCE, empêcher de constater l'existence d'un transfert d'entité économique. En effet, ces travailleurs n'en demeurent pas moins des éléments essentiels sans lesquels l'accomplissement par l'entreprise de travail intérimaire de son activité économique serait, par essence, impossible. En outre, la circonstance qu'ils sont (ainsi que l'envisage, d'ailleurs, l'article 1er, point 2, de la Directive 91/383, visé à l'article 2 § 2, alinéa 2, sous c, de la Directive 2001/23/CE) liés au cédant par une relation de travail et que celui-ci les rémunère directement, confirme leur rattachement à l'entreprise exploitée par le cédant et leur contribution à l'existence d'une entité économique au sein de ce dernier.
Ainsi, selon la CJCE, le seul ensemble composé des employés chargés de la gestion, des travailleurs intérimaires et du savoir-faire peut poursuivre un objectif propre, à savoir la prestation des services consistant en la mise à disposition en intérim des travailleurs aux entreprises utilisatrices en contrepartie d'une rémunération. Un tel ensemble peut constituer une entité économique qui est opérationnelle sans avoir recours à d'autres éléments d'exploitation importants, ni à d'autres parties du cédant. Tel peut être, notamment, le cas, en l'occurrence dans la mesure où l'ensemble était composé d'un employé de bureau, d'un directeur de filiale, de conseillers à la clientèle, d'un tiers des travailleurs intérimaires et de gérants possédant un savoir-faire.
Au final, la CJCE décide que l'article 1er § 1 de la Directive 2001/23/CE doit être interprété en ce sens que cette dernière s'applique lorsqu'une partie du personnel d'administration et une partie des travailleurs intérimaires sont transférées vers une autre entreprise de travail intérimaire pour y exercer les mêmes activités au service de clients identiques. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que les éléments concernés par le transfert d'une entité économique sont, en eux-mêmes, suffisants pour permettre la poursuite de prestations caractéristiques de l'activité économique en cause sans avoir recours à d'autres éléments d'exploitation importants ni à d'autres parties de l'entreprise.
Décision
CJCE, 13 septembre 2007, aff. C-458/05, Mohamed Jouini c/ Princess Personal Service GmbH (PPS) (N° Lexbase : A2099DYE) Textes visés : Directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements (N° Lexbase : L8084AUX). Mots-clefs : politique sociale ; maintien des droits des travailleurs ; transfert d'entreprises ; notion de "transfert" ; entreprise de travail intérimaire. Lien bases : |
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