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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
Pourtant, l'histoire de la rétroactivité de la loi aurait pu tourner court à la seule lecture de l'article 2 du Code civil, selon lequel "La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif". Ce principe est même implicitement évoqué aux articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC). Le premier article tendant à ce que la loi ne défende que les actions nuisibles à la société (principe de liberté par défaut), et le second de ces articles disposant que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. Seulement voilà : la DDHC inscrite au préambule de la Constitution, avec valeur constitutionnelle, ne comprend pas explicitement l'interdiction de la rétroactivité des lois. Le principe n'a donc qu'une valeur législative ; valeur qui, toute auréolée de ses deux siècles, ne suffit pas à faire battre en retraite les velléités gouvernementales d'introduire, dans notre corps législatif, des lois dites "de validation" à l'effet rétroactif pas toujours compris et accepté par les justiciables. Car, introduire une loi rétroactive, c'est bien attenter à la sécurité juridique et au respect de la parole de l'Etat.
Pour autant, si ce principe ne s'impose pas au législateur, il s'impose au juge. Et c'est sous l'empire du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, comme de la CJCE et de la CEDH, que la jurisprudence s'est efforcée de fixer des limites à la rétroactivité : la rétroactivité du droit ne se présume pas et les lois rétroactives sont d'interprétation stricte. Il ne peut être dérogé au principe de non-rétroactivité qu'à la condition que soit démontrée l'existence d'un "impérieux motif d'intérêt général". Et c'est tout le spectre de l'interprétation d'une telle dérogation qui nourrit le contentieux actuel en la matière.
Cette semaine, c'est le contentieux des heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social qui est, à nouveau, l'honneur. Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, vous propose de revenir sur cet imbroglio jurisprudentiel, auquel ont pris part les plus grandes formations contentieuses, pour aboutir à une solution, que l'on espère définitive, le 13 juin dernier. Au final, après condamnation, le 9 janvier dernier, de la France par la CEDH, il ressort que l'article 29 de la loi "Aubry II" n'est pas applicable aux contentieux ouverts antérieurement à sa promulgation, mais emporte plein effet pour les actions engagées postérieurement.
La "gifle" infligée à l'Assemblée plénière par la CEDH, obligeant la Cour de cassation à revoir sa copie, n'est pourtant pas une première. Aussi remarquée était l'affaire de la loi dite "anti-Perruche". Tirant les conséquences des arrêts de la CEDH, rendus le 6 octobre 2005, la Cour de cassation avait jugé que l'article 1er-I de la loi du 4 mars 2002 méconnaissait l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne, dès lors que le mécanisme de compensation forfaitaire au handicap, instauré par cette loi, était sans rapport raisonnable avec la créance de réparation intégrale à laquelle aurait pu prétendre l'enfant avant l'entrée en vigueur de la loi. Le législateur, qui entendait exclure tout droit à réparation de l'enfant et limiter celui des parents à leur seul préjudice, en était pour ses frais.
On ne reviendra pas, ici, sur les vices et vertus de la supranationalité, mais reste qu'il y a des circonstances où l'adoption d'une loi rétroactive se justifie, comme par exemple des situations exceptionnelles n'ayant pas donné au législateur le loisir d'élaborer sereinement une loi. C'est, également, le cas de la "petite rétroactivité" appliquée en droit fiscal, lorsqu'une loi de finances s'applique aux revenus perçus et aux résultats réalisés au cours de l'année de son adoption : la réactivité des pouvoirs publics commande, en la matière, la rétroactivité de la loi fiscale, bien que les dispositions de l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne obligent également au respect de la propriété acquise.
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Réf. : Cass. soc., 19 juin 2007, n° 06-44.047, Office d'équipement hydraulique de Corse, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8901DWL)
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N5980BB4
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Résumé
L'engagement pris par le nouveau fermier, à l'intention du seul personnel en fonction au jour du changement d'employeur, qui ne résulte pas de l'application de la loi, qui n'est pas destiné à compenser un préjudice spécifique à cette catégorie de salariés et qui a pour seul objet de maintenir des avantages à caractère collectif, crée une inégalité de traitement à l'encontre des salariés engagés par la suite et affectés dans la même entité, pour y exercer des travaux de même valeur. L'inégalité de traitement résultant du refus du nouveau fermier d'en faire bénéficier les salariés engagés par la suite et affectés dans la même entité, pour y exercer des travaux de même valeur, n'est pas justifiée par des raisons objectives et constitue ainsi un trouble manifestement illicite. |
1. Transfert d'entreprise et égalité salariale
Désireux d'assurer le maintien des contrats de travail en dépit d'un changement d'employeur, le législateur, au travers de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, impose le principe du transfert automatique de tous les contrats. Si le principe est le même s'agissant des représentants du personnel siégeant dans les comités (1), le sort du statut collectif est différent.
L'article L. 132-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5688ACN) considère, en effet, que le transfert met en cause l'accord d'entreprise ; il fait donc courir un délai de préavis de 3 mois, pendant lequel s'ouvrent des discussions avec le nouvel employeur en vue de la conclusion d'un accord de substitution, si tant est d'ailleurs que l'entreprise cédée ait durablement conservé son identité. Si cet accord est conclu avant l'expiration du délai de 12 mois qui suit la fin du préavis, alors il se substituera au précédent. S'il n'est pas conclu dans ce délai, les salariés conserveront, à titre individuel, le bénéfice des avantages individuels acquis sur le fondement du texte mis en cause.
Le Code du travail n'a rien prévu s'agissant des usages d'entreprise et des engagements unilatéraux de l'employeur. Si le principe même de leur transfert a été admis depuis longtemps (2), marquant ainsi une différence notable avec les accords d'entreprise qui sont légalement mis en cause par la cession, la portée de ce transfert a été considérablement limitée puisque la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt en date du 5 septembre 2005, que seuls les salariés dont le contrat de travail avait été transféré pourraient, désormais, en revendiquer le bénéfice, à l'exclusion des salariés embauchés postérieurement et des salariés de l'entreprise absorbante (3).
La mise en cause des accords applicables à l'occasion de la cession est donc susceptible de se traduire par une baisse sensible du niveau des avantages garantis aux salariés de l'entreprise cédée. En l'absence d'accord de substitution, ils ne bénéficieront, en effet, que du maintien des avantages individuels acquis, ce qui exclut tous les avantages individuels non acquis (4), ainsi que tous les avantages collectifs (5). L'employeur peut donc être tenté de garantir à ces salariés le maintien de leur niveau d'avantages, en dépit du transfert, tout en souhaitant en limiter le bénéfice aux seuls salariés transférés, pour éviter un effet de contagion qui imposerait de niveler "par le haut" les statuts, avec toutes les conséquences financières pour l'entreprise que l'on peut imaginer.
La Cour de cassation a déjà eu l'occasion de se pencher sur cette question, tout au moins dans le cadre de la mise en cause d'un accord collectif après transfert de l'entreprise, pour affirmer que la différence de traitement résultant du maintien des avantages individuels acquis au bénéfice des seuls salariés dont le contrat de travail a été transféré était licite : "en l'absence d'un accord d'adaptation le maintien aux salariés transférés des avantages individuels acquis en application de l'accord mis en cause par l'absorption ne pouvait constituer à lui seul pour les autres salariés de l'entreprise auxquels cet avantage n'était pas appliqué un trouble manifestement illicite" (6).
Mais, qu'en est-il lorsque ces avantages réservés aux seuls salariés transférés résultent soit des termes d'un nouvel accord collectif, soit des termes de l'acte de cession, ou des clauses particulières du contrat de concession passé avec le repreneur, comme c'était le cas dans cette affaire ?
2. La seule volonté de maintenir les dispositions de l'ancien statut insuffisantes à justifier une inégalité salariale
Le District de Bastia avait confié à l'établissement public à caractère industriel et commercial Office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC), à compter du 1er janvier 2002, la gestion du service public de la distribution d'eau potable et de traitement des eaux usées, antérieurement concédée à la société Compagnie générale des eaux, devenue la société Vivendi. Les contrats d'affermage contenaient des clauses obligeant la société fermière à maintenir "la totalité des contrats des agents de l'ancien fermier en poste à la date de la délibération du conseil de District" et à maintenir à ces salariés tous les avantages collectifs dont ils bénéficiaient, "notamment les dispositions relatives aux grilles, indices, à l'avancement et aux primes applicables au personnel en vertu de l'accord d'entreprise ou de la convention collective lui étendant le bénéfice de certaines dispositions du statut EDF". La CGT avait demandé en référé l'extension de ces avantages aux salariés embauchés postérieurement au changement d'employeur.
Le juge des référés lui avait donné raison, ce que confirme l'arrêt de rejet rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 19 juin 2007. Selon la Cour, "la cour d'appel, qui n'a pas dit que les contrats d'affermage obligeaient le nouveau fermier à étendre les avantages collectifs dont bénéficiait le personnel repris à tous les salariés de l'entreprise, a fait ressortir que l'engagement pris par l'OEHC, à l'intention du seul personnel en fonction au jour du changement d'employeur, ne résultait pas de l'application de la loi, qu'il n'était pas destiné à compenser un préjudice spécifique à cette catégorie de salariés et qu'il avait pour seul objet de maintenir des avantages à caractère collectif ; qu'elle en a exactement déduit que l'inégalité de traitement résultant du refus du nouveau fermier d'en faire bénéficier les salariés engagés par la suite et affectés dans la même entité, pour y exercer des travaux de même valeur, n'était pas justifiée par des raisons objectives et constituait ainsi un trouble manifestement illicite".
Cet arrêt est particulièrement intéressant dans la mesure où il reprend les solutions admises dans de précédentes décisions au titre des "raisons objectives" (7) susceptibles de justifier que des salariés exerçant des "travaux de même valeur" perçoivent une rémunération différente, et précise que la seule volonté de maintenir l'application de garanties collectives au bénéfice des salariés transférés ne constituait pas, en soi, une justification suffisante.
La Cour commence donc sa démonstration par un rappel des justifications admises et vise, en premier lieu, les différences résultant de l'application de la loi. Il s'agit, ici, d'une reprise directe de la jurisprudence "IBM" de 2005, concernant le bénéfice accordé aux salariés des dispositions de l'article L. 132-8 du Code du travail et du maintien des avantages individuels acquis postérieurement à la mise en cause d'un accord d'entreprise dans le cadre de la cession de celle-ci (8). On peut imaginer, également, que des différences résultent d'autres dispositions légales fixant, par exemple, la rémunération en pourcentage du Smic (9), ou imposant des garanties liées à des statuts professionnels particuliers (10).
Cette justification est parfaitement légitime. Même si le principe "à travail égal, salaire égal" découle du principe général d'égalité, proclamé, et donc protégé, au titre de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1366A9H), il appartient au législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, de le concilier avec d'autres exigences constitutionnelles et d'y apporter, le cas échéant, certaines atteintes, dès lors que ces dernières sont justifiées par un motif d'intérêt général suffisant et, bien entendu, qu'elles demeurent proportionnées. Comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel, en effet, "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu 'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (11).
Il n'appartient donc logiquement pas au juge judiciaire de porter un jugement sur la pertinence des éventuelles atteintes portées par le législateur au principe "à travail égal, salaire égal".
La Cour vise, en second lieu, la volonté de "compenser un préjudice spécifique" à une "catégorie de salariés". On retrouve, également, ici, une formule présente dans un arrêt en date du 22 février 2007 (12) et visant toutes les hypothèses où la remise en cause des modes de rémunération (13), ou de la durée du travail, seraient susceptibles de se traduire, pour certains salariés, par une baisse de leur rémunération (14).
Enfin, la Cour de cassation précise que la mesure qui a pour "seul objet de maintenir des avantages à caractère collectif" à une catégorie de salariés n'est pas susceptible de justifier, à elle seule, une différence de rémunération. Cette précision s'ajoute à celle, présente dans un autre arrêt du 15 mai 2007, aux termes de laquelle "une différence de statut juridique entre des salariés effectuant un travail de même valeur au service du même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération" (15), définissant ainsi, à côté de la liste des justifications admises sans réserve (16), la liste de celles qui, sans être interdites (17), doivent impérativement être étayées par d'autres éléments.
Cette réserve nous semble bienvenue car elle impose aux juges du fond de rechercher, au-delà d'une simple justification formelle, les véritables motivations de l'employeur et la nécessité concrète de favoriser certaines catégories de salariés, compte tenu de leur situation au sein de l'entreprise (18). Elle conforte, ainsi, la qualité de "principe" de la règle "à travail égal, salaire égal", et la nécessité impérieuse de justifier de manière substantielle les atteintes qui pourraient y être portées.
Décision
Cass. soc., 19 juin 2007, n° 06-44.047, Office d'équipement hydraulique de Corse, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8901DWL) Rejet (cour d'appel de Bastia, chambre sociale, 17 mai 2006) Textes concernés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) ; C. trav., art. L. 122-12 (N° Lexbase : L5562ACY) ; C. trav., art. L. 132-8 (N° Lexbase : L5688ACN). Mots-clefs : modification dans la situation juridique de l'employeur ; engagement du nouvel employeur : avantages réservés aux seuls salariés transférés ; atteinte injustifiée au principe "à travail égal, salaire égal". Liens bases : ; . |
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Réf. : Cass. soc., 13 juin 2007, n° 06-40.823, Mme Marie Addou, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8016DWS) ; Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.694, Association Apaei du Bocage Virois et de la Suisse Normande c/ Mme Claudine X et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8179DWT)
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N5840BBW
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Les salariés ayant engagé leurs actions postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 N° Lexbase : L0988AH3) ne sont pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ses dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR). Il ressort tant de la finalité que du libellé même de ses dispositions que la Directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8), concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs. |
1. L'imbroglio juridique des heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social
Le 29 juin 1999, la Chambre sociale allait provoquer un véritable séisme en décidant que la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ne pouvait valablement édicter un horaire d'équivalence, dans la mesure où elle n'avait fait l'objet que d'un agrément et non d'une extension, comme l'exigeait l'article L. 133-5 du Code du travail dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 23 septembre 1967 (N° Lexbase : L3149HIH) (Cass. soc., 29 juin 1999, n° 97-41.567, Association départementale des pupilles de l'enseignement public c/ M. Auffrère et a., publié N° Lexbase : A4754AG8 ; Bull. civ. V, n° 307). La Cour de cassation signifiait, par là-même, que les heures de surveillance nocturne constituant un temps de travail effectif, les employeurs étaient tenus de les rémunérer comme des heures normales de travail, avec éventuellement majoration pour heures supplémentaires.
Eu égard aux conséquences dévastatrices que cette solution était de nature à emporter sur les finances publiques (1), le législateur allait rapidement réagir afin d'en neutraliser les effets les plus nuisibles. C'est ainsi que l'article 29 de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 (2) disposait que, "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail, agréés en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales (N° Lexbase : L6769AGS), en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses" (3).
Cette loi de validation, par nature rétroactive, ne pouvait manquer de susciter quelques remous chez les magistrats, ainsi dépossédés de leurs pouvoirs. S'appuyant naturellement sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (4), la Chambre sociale devait dénier toute efficacité à la disposition législative en cause (Cass. soc., 24 avril 2001, n° 00-44.148, Terki c/ Association Etre enfant au Chesnay, publié N° Lexbase : A2993ATZ ; Bull. civ. V, n° 130). Celle-ci allait, cependant, être désavouée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 24 janvier 2003, affirmait que "si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges". L'Assemblée plénière concluait, ensuite, qu'"obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées" (Ass. plén., 24 janvier 2003, n° 01-40.967, M. Frédéric Baudron c/ Association départementale des pupilles de l'enseignement public (ADPEP), publié N° Lexbase : A7263A4R ; Bull. civ., n° 2).
Cette décision semblait, ainsi, mettre un terme à ce que certains avaient pu qualifier de "saga des équivalences" (M. Morand, Durée du travail : la saga des équivalences, suite et fin ?, Sem. soc. Lamy, n° 1108 du 3 février 2003). C'était, toutefois, sans compter l'intervention, au demeurant prévisible, de la Cour européenne des droits de l'Homme.
C'est d'abord à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) que notre système des heures d'équivalence fut soumis. Cette juridiction s'est prononcée à l'occasion de la contestation, par plusieurs syndicats, du décret précité du 31 décembre 2001 (décret n° 2001-1384 N° Lexbase : L0952AW8). Le Conseil d'Etat, saisi d'une demande en annulation de ce texte, devait, en effet, solliciter l'interprétation communautaire, en saisissant la CJCE d'une question préjudicielle.
Appliquant la Directive 93/104 du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8), cette dernière répondait que ce texte s'oppose à la réglementation litigieuse qui "prévoit, pour les besoins du décompte du temps de travail effectif, un système d'équivalence [...], lorsque le respect de l'intégralité des prescriptions minimales édictées par cette directive en vue de protéger de manière efficace la sécurité et la santé des travailleurs n'est pas assurée" (CJCE 1er décembre 2005, aff. C-14/04, Dellas N° Lexbase : A7836DLS ; RJS 2/06, n° 288 et chron. J.-Ph. Lhernould, p. 89).
Par suite, pour l'appréciation des prescriptions minimales communautaires, toutes les heures de présence sur le lieu de travail doivent être décomptées et le mécanisme des heures d'équivalence doit donc être écarté. Cela étant, il est surtout très important de relever que la CJCE a considéré que la Directive européenne du 23 novembre 1993 ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs. A la suite de l'arrêt de la CJCE, le décret du 31 décembre 2001 a logiquement été annulé par le Conseil d'Etat (CE, 28 avril 2006, n° 242727, Dellas N° Lexbase : A4437DAL) et remplacé par un nouveau texte réglementaire, adopté le 29 janvier 2007 (décret n° 2007-106 N° Lexbase : L2288HUB).
La CJCE s'étant prononcée sur les heures d'équivalence, ne restait plus qu'à attendre la position de la Cour européenne des droits de l'Homme, dont il ne faisait guère de doute qu'elle serait saisie par les plaideurs mécontents de l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation de 2003.
Statuant sur des affaires qui avaient été introduites par les salariés devant les tribunaux français avant l'entrée en vigueur de la loi de validation et qui étaient encore pendantes à cette date (5), la CEDH a jugé, le 9 janvier 2007, que le droit français violait non seulement l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, mais aussi l'article 1er du protocole n° 1 relatif au respect des biens (N° Lexbase : L1625AZ9) (CEDH, 9 janvier 2007, Req. 31501/03, Aubert et autres et 8 autres affaires c/ France N° Lexbase : A3743DTS ; RJS 4/07, p. 299, avec les obs. de J.-Ph. Lhernould ; RDSS 2/2007, p. 315 avec la chron. de D. Boulmier).
L'intervention de la CEDH ne pouvait, évidemment, constituer le point final de la saga des heures d'équivalence. Il convenait encore que la Chambre sociale de la Cour de cassation en tire toutes les conséquences au niveau interne. C'est désormais chose faite, avec les deux arrêts sous examen, qui constituent sans doute le dénouement de cette bien longue histoire juridique et judiciaire.
2. Le dénouement de la saga des heures d'équivalence
On est ici tenté de dire que la Cour de cassation revient à son point de départ dans la mesure où, nous l'avons vu, la Chambre sociale avait, dès 2001, refusé d'accorder une quelconque valeur à l'article 29 de la loi Aubry II, avant d'être désavouée par l'Assemblée plénière.
Prenant acte de la condamnation de l'Etat français par la CEDH, la Chambre sociale considère, dans l'un des deux arrêts rapportés, que l'article 29 de la loi de validation est inapplicable aux litiges introduits avant l'entrée en vigueur de cette disposition (pourvoi n° 05-45.694), tandis qu'elle décide logiquement dans l'autre (pourvoi n° 06-40.823) que les salariés qui ont engagé leurs actions postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'article 29 ne sont pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ses dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Ces deux solutions, qui sont évidemment liées, n'appellent pas de grand commentaire. Il est parfaitement normal que la Cour de cassation écarte les recours engagés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000 (6), alors même qu'ils concernent des périodes de travail antérieures à celle-ci. En effet, il faut rappeler que la CEDH a uniquement entendu condamner l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice aux fins d'influer sur l'issue de litiges en cours. A dire vrai, et de ce point de vue, les arrêts commentés ne présentent un intérêt concret que pour les quelques salariés qui auraient introduit une action en justice avant l'entrée en vigueur de la loi Aubry II et qui demeurerait encore en cours. Compte tenu de ces conditions, s'il reste encore des salariés dans cette situation, ils sont en nombre extrêmement restreint (7).
Dans l'un des deux arrêts commentés (pourvoi n° 06-40.823), les salariés soutenaient, sur le fondement de la Directive du 23 novembre 1993, telle qu'interprétée par l'arrêt "Dellas" de la CJCE, que les heures d'équivalence auraient dû leur être normalement rémunérées.
Reprenant à la lettre cette décision, la Cour de cassation vient affirmer, pour rejeter la prétention des salariés, qu'il ressort tant de la finalité que du libellé même de ses dispositions que la Directive européenne du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs (8). On l'aura donc compris, les heures d'équivalence peuvent continuer à être rémunérées différemment des heures de travail classiques, tout comme elles peuvent continuer à retarder le déclenchement des heures supplémentaires.
Cette dernière assertion laisse fortement à penser que, si dénouement il y a dans les arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 juin dernier, celui-ci n'est pas à la hauteur de la bataille judiciaire à laquelle notre système d'heures d'équivalence aura donné lieu, à tout le moins du point de vue des salariés soumis à ce mécanisme.
Décisions
Cass. soc., 13 juin 2007, n° 06-40.823, Mme Marie Addou, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8016DWS) Rejet (CA Nancy, chambre sociale, 9 décembre 2005) Textes concernés : article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 (N° Lexbase : L0988AH3) ; article 2-1 de la Directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8) ; article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR). Mots-clefs : heures d'équivalence ; loi de validation ; rétroactivité. Lien bases : Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.694, Association Apaei du Bocage Virois et de la Suisse Normande c/ Mme Claudine X et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8179DWT) Cassation partielle sans renvoi (CA Caen, 14 octobre 2005) Textes visés : article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tel qu'interprété par l'arrêt CEDH, 9 janvier 2007, Req. 20127/03, Arnolin et autres et 24 autres affaires c/ France (N° Lexbase : A3730DTC), et les articles 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 (N° Lexbase : L0988AH3) et 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4), ensemble les articles L. 212-2 (N° Lexbase : L5838AC9) et L. 212-4 (N° Lexbase : L8959G7X) du Code du travail dans leur rédaction alors applicable au litige. Mots-clefs : heures d'équivalence ; loi de validation ; rétroactivité. Lien bases : |
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Réf. : Cass. civ. 1, 22 mai 2007, n° 06-17.980, Mme Martine Cabedo, F-P+B (N° Lexbase : A4996DWX)
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par Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne
Le 07 Octobre 2010
Le caractère subsidiaire de l'obligation des parents d'origine apparaît donc au moment du prononcé de l'adoption simple. Ainsi, il a été précédemment jugé que si l'adopté, qui poursuit des études, a caché à son père divorcé son adoption par le second mari de sa mère, le père biologique peut non seulement faire constater la cessation de son obligation d'entretien fixée par le jugement de divorce, mais également demander la restitution des sommes versées à compter de l'adoption (1). De même, le père d'origine qui démontre qu'il n'a pas consenti à l'adoption de sa fille, obtenue en fraude de ses droits et dont le statut familial lui a été caché, et qui a, de ce fait, rempli son devoir financier pendant quatre ans, est fondé non seulement à obtenir la restitution des sommes indûment versées, mais encore des dommages-intérêts (2).
Une fois l'adoption simple prononcée, il appartient à l'adopté qui réclame des aliments à ses parents d'origine de rapporter une double preuve : celle de son état de besoin et celle de l'impossibilité financière de l'adoptant d'exécuter son obligation d'entretien. Ainsi, il a été jugé que l'enfant adopté, à la suite du divorce de ses parents et poursuivant des études, est fondé à réclamer des aliments à son père biologique dans la mesure où l'adoptant ne perçoit que des revenus sociaux, et que le défendeur a des revenus supérieurs (3). En revanche, lorsque la mauvaise situation financière de l'adoptant -en l'espèce le second mari de l'ex-épouse-, n'est pas établie, le père par le sang doit pouvoir demander la suppression de sa part contributive à l'entretien des enfants fixée dans le jugement de divorce (4).
L'arrêt du 22 mai 2007 entérine ces solutions, apportant toutefois des précisions sur l'application de l'article 367 du Code civil, notamment, sur le plan de la recevabilité de l'action en répétition de l'indu et sur son bien-fondé.
S'agissant, tout d'abord, de la recevabilité de l'action en restitution des sommes indûment versées, la Cour de cassation retient que seule la mère "bénéficiait du titre constitué par le jugement fixant le principe et le montant de la pension mise à la charge du père, de sorte que c'était pour le compte de sa mère" que l'enfant "avait directement reçu cette pension de son père à partir de 1995". Dès lors, le père d'origine est recevable à demander la restitution des sommes versées à compter de l'adoption à son ex-épouse et non à l'enfant lui-même.
S'agissant, ensuite, du bien-fondé de l'action en répétition de l'indu, la Cour de cassation confirme le principe selon lequel l'obligation d'entretien des parents d'origine est subsidiaire du seul fait de l'adoption simple de l'enfant. L'exécution de cette contribution pèse, en l'espèce, sur le père adoptif, dans la mesure où la preuve de l'impossibilité d'y satisfaire n'a pu être apportée. Il n'a, par ailleurs, pas été démontré que le père biologique avait eu connaissance du jugement prononçant l'adoption simple de son fils. La cour d'appel en a logiquement déduit que les sommes versées par le père d'origine depuis le jugement d'adoption n'étaient pas dues et ne pouvaient, de surcroît, être considérées comme l'exécution d'une obligation naturelle en application de l'article 1235 du Code civil (N° Lexbase : L1348ABK). Par conséquent, le père est fondé, sans être tenu à aucune autre preuve (5), à solliciter de la mère le remboursement des pensions versées depuis le jugement d'adoption.
Rappelons, enfin, que la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, réformant la protection de l'enfance (N° Lexbase : L5932HUA), a repris la règle de la subsidiarité de l'obligation d'entretien dans un nouvel article 367 du Code civil (N° Lexbase : L8334HWL), désormais ainsi rédigé : "L'adopté doit des aliments à l'adoptant s'il est dans le besoin et, réciproquement, l'adoptant doit des aliments à l'adopté. Les père et mère de l'adopté ne sont tenus de lui fournir des aliments que s'il ne peut les obtenir de l'adoptant. L'obligation de fournir des aliments à ses père et mère cesse pour l'adopté dès lors qu'il a été admis en qualité de pupille de l'Etat ou pris en charge dans les délais prescrits à l'article L. 132-6 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L9007HWI)".
(1) CA Bordeaux, 15 novembre 1994, RTD. civ. 1995, p. 346, obs. J. Hauser.
(2) CA Nîmes, 25 septembre 2002, n° 01/04646, Madame M. c/ Monsieur B. (N° Lexbase : A9280DWM).
(3) CA Montpellier, 5 décembre 1990, n° 90/03717, Madame Annie D. c/ Monsieur Jean Michel B. (N° Lexbase : A9279DWL).
(4) CA Besançon, 7 novembre 1997, n° 96/02161, Madame J. c/ Monsieur E. (N° Lexbase : A9278DWK).
(5) Ass. Plén., 2 avril 1993, n° 89-15.490, Société Jeumont-Schneider (N° Lexbase : A6238ABN), D. 1993, p. 373, concl. M. Jéol.
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Réf. : Cass. com., 5 juin 2007, n° 06-14.832, Société Thales communications, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A5608DWM)
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
Le 07 Octobre 2010
Il faut bien comprendre que, sur le terrain de la faute lourde, la solution des juges du fond était sans doute justifiée, et ce pour deux séries de raisons : d'abord, en effet, les arrêts les plus récents de la Cour de cassation attestent de la volonté de la Haute juridiction de retenir une approche subjective de la faute lourde (3), rejetant ainsi une approche plus objective consistant à déduire la faute lourde non pas de la gravité du comportement du débiteur, mais de l'importance de l'obligation inexécutée, en l'occurrence essentielle ou fondamentale (4) ; ensuite, on se souvient, sans doute, que deux arrêts du 22 avril 2005 rendus en Chambre mixte (5) avaient décidé que l'existence d'une faute lourde imputable au transporteur, en l'occurrence la société Chronopost, ne pouvait résulter du seul retard de livraison dans un cas ou du fait que le transporteur ne pouvait fournir d'éclaircissements sur la cause du retard dans l'autre. Il reste qu'une autre voie était envisageable pour priver d'efficacité la clause limitative de responsabilité stipulée au contrat, celle du manquement à une obligation essentielle, et c'est bien précisément le fait de ne pas avoir examiné cette possibilité que la Cour de cassation, dans l'arrêt du 5 juin dernier, reproche aux juges du fond : sous le visa des articles 1131 (N° Lexbase : L1231AB9) et 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) du Code civil, elle énonce "qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'impossibilité de localiser les marchandises remises à la société [de transport] pendant leur acheminement ne constituait pas un manquement de celle-ci à une obligation essentielle permettant de réputer non écrite la clause limitative d'indemnisation, contenue non dans un contrat-type, s'agissant d'un commissionnaire de transport, mais dans la convention liant les parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
Comme dans l'arrêt de la Chambre commerciale du 13 février dernier, la Cour censure donc les juges du fond pour ne pas avoir recherché si un manquement à une obligation essentielle ne pouvait pas être imputé au débiteur, manquement qui conduirait alors à priver d'efficacité la clause litigieuse, étant entendu que, dans cette logique, c'est le manquement à l'obligation essentielle qui, en tant que tel, suffit à neutraliser la clause, sans qu'il soit besoin pour cela de faire un détour par la faute lourde. Au reste, la même Chambre commerciale a nettement affirmé que la faute lourde "ne saurait résulter du manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur" (6). L'arrêt du 5 juin 2007 conforte encore cette position : dans l'hypothèse où aucune réglementation spéciale ne trouverait à s'appliquer (7), l'inexécution par le débiteur d'une obligation essentielle doit conduire à écarter le jeu d'une clause limitative -ou exclusive- de responsabilité, et ce sur le fondement de l'article 1131 du Code civil (8). La solution mérite selon nous, après d'autres (9), d'être approuvée : il est, en effet, des cas dans lesquels une clause du contrat, en l'occurrence une clause limitative ou exclusive de responsabilité, rend illusoire ou dérisoire la contrepartie convenue, si bien qu'il est légitime, en se fondant sur la cause, de réputer la clause litigieuse non écrite afin de rétablir l'existence de ladite contrepartie.
(1) P. Durand, Des conventions d'irresponsabilité, Paris, 1931 ; P. Robino, Les conventions d'irresponsabilité dans la jurisprudence contemporaine, RTDCiv. 1951, p. 1 ; B. Starck, Observations sur le régime juridique des clauses de non-responsabilité ou limitative de responsabilité, D. 1974, Chron., p. 157 ; Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations dans les contrats, thèse Aix, 1981 ; Ph. Delebecque et D. Mazeaud, Les clauses de responsabilité : clauses de non-responsabilité, clauses limitatives de réparation, clauses pénales, in Les sanctions de l'inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, LGDJ, 2001.
(2) Cass. com., 13 février 2007, n° 05-17.407, Société Faurecia sièges d'automobiles, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1894DUP), et nos obs., Obligation essentielle et clause limitative de responsabilité, Lexbase Hebdo n° 250 du 1er mars 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0986BAR).
(3) Cass. com., 26 février 1985, n° 83-10.811, Société Anonyme Soditrans c/ Société Anonyme Groupe des Assurances Nationales GAN Incendie Accidents et autres (N° Lexbase : A2391AAS), RTDCiv. 1986, p. 773, obs. J. Huet ; Cass. com., 5 janvier 1988, n° 86-14.735, Assurances générales de France et autres (N° Lexbase : A0022AA3), Bull. civ. IV, n° 8 ; Cass. com., 3 avril 1990, n° 88-14.871, Ateliers et chantiers de la Manche (ACM) et autres c/ Société Océanique de pêche et d'armement (SOPAR) et autres (N° Lexbase : A3713AHY), Bull. civ. IV, n° 108 ; Cass. com., 17 novembre 1992, n° 91-12.223, Société Allemand et Cie c/ Compagnie Le Continent (N° Lexbase : A4821AB8), Bull. civ. IV, n° 366.
(4) Cass. civ. 1, 18 janvier 1984, n° 82-15.103, Centre départemental du Loto (N° Lexbase : A0333AAL), Bull. civ. I, n° 27, JCP éd. G, 1985, II, 20372, note J. Mouly, RTDCiv. 1984, p. 727, obs. J. Huet ; Cass. com., 9 mai 1990, n° 88-17.687, Société Office d'annonces c/ M. Leroux (N° Lexbase : A3982AHX), Bull. civ. IV, n° 142, RTDCiv. 1990, p. 666, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1, 30 novembre 2004, n° 01-13.110, Société France Télécom c/ M. Bernard Brousse, F-P+B (N° Lexbase : A1143DE3), Bull. civ. I, n° 295 ; comp. Cass. civ. 1, 2 décembre 1997, n° 95-21.907, Union des Assurances de Paris (UAP) et autre c/ Monsieur Baudin (N° Lexbase : A0795ACG), Bull. civ. I, n° 349, D. 1998, Somm. p. 200, obs. D. Mazeaud, pour le cas du non-respect d'une clause constituant une "condition substantielle" du contrat, bien que l'obligation transgressée n'ait pas été essentielle.
(5) Cass. mixte, 22 avril 2005, deux arrêts, n° 02-18.326, Chronopost SA c/ KA France SARL (N° Lexbase : A0025DIR) et n° 03-14.112, SCPA Dubosc et Landowski c/ Chronopost SA (N° Lexbase : A0026DIS), Bull. civ. IV, D. 2005, p. 1864, note J.-P. Tosi, JCP éd. G, 2005, II, 10066, note G. Loiseau, RDC 2005, p. 673, obs. D. Mazeaud, ibid., p. 753, obs. Ph. Delebecque, RTDCiv. 2005, p. 604, obs. P. Jourdain.
(6) Cass. com., 21 février 2006, n° 04-20.139, Société Chronopost, venant aux droits de la société SFMI c/ Société Etablissements Banchereau, F-P+B (N° Lexbase : A1807DNA) et nos obs., La Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme le recul de l'objectivation de la faute lourde, Lexbase Hebdo n° 206 du 16 mars 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N5618AKB), et Cass. com., 13 juin 2006, n° 05-12.619, Société Chronopost, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9281DPG).
(7) Dans l'hypothèse d'on contrat-type soumis à une réglementation spéciale (contrat-type messagerie par exemple), voir not. Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-12.554, Société Chronopost c/ Société Banchereau, FP-P (N° Lexbase : A0766AZE), Bull. civ. IV, n° 121, D. 2002, Somm. p. 2836, obs. Ph. Delebecque, D. 2003, Somm. p. 457, obs. D. Mazeaud.
(8) Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18.632, Société Banchereau c/ Société Chronopost (N° Lexbase : A2343ABE), Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, 11ème éd. par F. Terré et Y. Lequette, p. 77 et s., et les références citées ; Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-15.678, Société Securinfor c/ Société AC Timer (N° Lexbase : A2026AUL), JCP éd. G, 2002, I, 148, n° 17, obs. G. Loiseau ; Cass. com., 13 février 2007, préc..
(9) Voir not., en dernier lieu, J. Ghestin, Cause de l'engagement et validité du contrat, LGDJ, 2006, n° 265 et s..
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Réf. : Circulaire fonc. publ. n° 5209/SG, 13 avril 2007 avec la Charte en annexe (N° Lexbase : L7848HXX)
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
Le 07 Octobre 2010
La nécessité d'une affirmation du principe de laïcité s'impose en réaction et le HCI estime, à cet égard, que "dans un contexte de revendications identitaires de toute nature, il apparaît hautement souhaitable, sans attendre la multiplication de débordements, de veiller à rappeler la 'règle républicaine' aux agents comme aux usagers des services publics en prenant soin d'en rappeler le sens, le contenu et la portée".
La Charte rappelle le cadre tracé par notre droit pour assurer le respect, dans les services publics, du principe républicain de laïcité. Elle expose les garanties qu'il assure et les obligations qu'il implique. L'objet de la Charte est de rappeler aux agents publics comme aux usagers des services publics quels sont leurs droits et leurs devoirs à cet égard, pour contribuer au bon fonctionnement des services publics.
Le projet de Charte élaboré par le HCI résulte d'un arbitrage entre plusieurs options. La première option consistait à élaborer un texte long, sous forme littéraire, à but pédagogique visant à réaffirmer la place de la laïcité au coeur de la société républicaine française. La seconde option tendait, au contraire, à élaborer un texte cursif, réaffirmant les grands principes tout en prenant en compte les attentes correspondant à diverses préoccupations sectorielles. Le HCI a privilégié la seconde approche sans toutefois entrer dans le détail, champ d'activités par champ d'activités.
La Charte prend donc la forme d'un guide sans valeur normative remis à destination des agents et usagers du service public à l'occasion des moment clefs de la citoyenneté (6). Cette Charte sera également affichée dans les lieux publics concernés, le cas échéant complétée par des dispositions portant sur tel ou tel point particulier relatif à l'activité du service public concerné. C'est, en plus, au tout nouvel Observatoire de la laïcité (7) qu'est confiée la tache de mettre en oeuvre cette Charte. Cet Observatoire assiste le Gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité dans les services publics. A ce titre, il réunit les données, produit et fait produire les analyses, études et recherches permettant d'éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité.
La Charte se présente, donc, sous une forme non contraignante dont la publicité devrait contribuer à la réduction des situations dans lesquelles des personnes veulent, par leur comportement, exprimer leur religion dans l'espace public d'un service public.
Le projet de Charte a, d'abord, été présenté sous la forme la plus juridique qui puisse être, comme un texte législatif ou réglementaire, sous la forme de considérants et d'articles. Comme cela pouvait entretenir des confusions sur la nature exacte du texte, cette première version a été corrigée pour la rendre plus accessible et plus lisible dans l'optique de son affichage, le considérant initial et la numérotation des articles ayant disparu dans le projet définitif.
Si la forme voulue par le Gouvernement quant au texte ainsi rédigé peut surprendre (on avait, notamment, parlé d'une grande loi sur la laïcité), les questions restent aussi importantes concernant le contenu même de cette Charte par rapport au droit positif alors en vigueur et aux droits et obligations des agents et usagers du service public alors définis.
Il conviendra d'évoquer, dans une première partie, la question des difficultés d'élaboration de la Charte, notamment, à travers cette nécessité d'adapter le principe de laïcité à l'évolution socio-culturelle française (I) pour voir, en seconde partie, quels sont les principes définis affectant les usagers et les agents du service public (II).
I. La nécessité d'adapter le principe de laïcité à l'évolution socio-culturelle française
A. Une Charte qui fait face à la difficulté d'identifier le droit positif de la laïcité
C'est la loi de 1905 de séparation de l'Eglise et de l'Etat (8) qui demeure le fondement de base du principe de laïcité même si cela fait l'objet de discussions. Ce texte met fin à l'époque concordataire en formulant, de l'avis de nombreux auteurs, le principe de laïcité de l'Etat mais sans aucun emploi du mot même. L'élément premier de ce texte concerne les libertés : il a pour finalité la reconnaissance de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes. L'élément second pose la règle selon laquelle "la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte" (article 2). Les pouvoirs publics s'excluent, donc, de toute prise en charge de la religion par une quelconque intervention au profit des cultes (9).
Il faut attendre la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) pour que le principe de laïcité soit constitutionnalisé. On y trouve deux dispositions : la première se situe dans le préambule et est circonscrite au domaine de l'enseignement (10), la seconde est constituée par l'article 1er dans lequel est accolé le qualificatif "laïque" à la République (11). En 1958, l'article 2 de la Constitution de la Vème République reprenait exactement la formule constitutionnelle précédente et le Préambule de 1946 était maintenu en l'état. Aujourd'hui, en revanche, à la suite de la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 (12), la laïcité de l'Etat se concentre essentiellement dans la seule formule de l'article 1er de la Constitution (13). Le principe de laïcité s'est déplacé dans le texte (14) et la loi de 1995 a permis de lever les doutes sur l'ancienne formulation tout en liant directement la notion de laïcité à son objectif : elle est indissociable des autres qualités de la République lesquelles sont liées à l'affirmation du principe d'égalité des citoyens devant la loi, à l'interdiction des discriminations fondées sur la religion et au respect de toutes les croyances.
B. Une Charte qui fait le choix de la simplicité
La laïcité est une valeur aujourd'hui reconnue, mais c'est, aussi, une valeur discutée. La question laïque ne se pose plus dans les mêmes termes que lors de l'élaboration de la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905. En effet, la société française a subi une mutation et le problème n'est plus de savoir comment organiser les relations entre la sphère étatique et la sphère religieuse, notamment catholique, mais bien plus de connaître quelle place faire aux religions apparues, en France, depuis 1945 et qui ne sont pas dotées d'un encadrement juridique réel. La laïcité est donc replacée au centre des problèmes politiques, sociaux et juridiques contemporains. La question est de savoir comment les différences peuvent s'exprimer dans un cadre laïque en redéfinition. C'est l'Etat qui, on l'a vu, s'est d'abord proposé d'adopter éventuellement des règles fortes et claires dans le cadre d'une loi sur la laïcité, mais cette tâche fut largement reprise par la jurisprudence administrative. Le juge donne une interprétation souple de la laïcité en délimitant une frontière avec beaucoup de passerelles et de contacts entre les religions et la vie publique et privée. Il tente, en effet, dans une jurisprudence complexe et nuancée, de garantir la liberté religieuse et surtout d'en faire une liberté concrète. Il consacre, ainsi, une laïcité respectueuse de la liberté de conscience et de religion avec pour limite nécessaire le bon fonctionnement du service public.
Dans une optique d'apaisement, la publication de la Charte amène à simplifier, sur des enjeux essentiels, cette jurisprudence complexe et nuancée.
La Charte est bâtie autour d'un préambule et de deux parties consacrées respectivement aux usagers du service public et aux agents du service public. Le mode de rédaction peut apparaître, en certains points, déroutant car ce sont, en réalité, des textes repris de dispositions constitutionnelles et législatives. Celles-ci sont plus ou moins copiées mais non citées et référencées dans une optique de lisibilité pour le plus grand nombre. Pour autant, les textes en cause sont fondamentaux, leur faire directement référence aurait pu être valorisant pour la laïcité et s'inscrire dans le parcours historique de ce principe.
Le Préambule renvoie aux grands principes constitutionnels de liberté de conscience et de laïcité. Le premier alinéa de la Charte (15) correspond à l'article 1er de la Constitution auquel s'ajoute une compilation des alinéas 3 et 1er du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) repris par celle de 1958. Le deuxième alinéa (16) reprend l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (DDHC) de 1789 (N° Lexbase : L1357A97). Le troisième alinéa (17) est partiellement original dans la mesure où il reprend, de l'article 10 de la DDHC de 1789, la limitation de la liberté de religion ou de conviction pour des impératifs de l'ordre public, mais ajoute explicitement le respect du pluralisme religieux (ce qui est souvent évoqué comme constat social mais non retenu dans les textes) et la protection des droits et libertés d'autrui que l'on trouve dans divers textes. Enfin, le quatrième et dernier alinéa (18) contracte en une phrase la première phrase de l'article 1er et la dernière de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905.
Le texte n'a pas de valeur normative, mais il ne peut reprendre que des solutions de notre droit positif et il doit le faire pour que l'information qu'il entend donner puisse permettre de départager en cas de violation d'une règle, de méconnaissance de la laïcité, l'ignorance et la mauvaise foi.
II. La nécessité de clarifier les principes affectant les agents et les usagers du service public
La composition de la Charte est très simple, après le préambule, quatre alinéas réunis sous le titre "Des agents du service public", six sous le titre "Des usagers du service public".
A. La reprise de principes de droit positif concernant les agents du service public
Les alinéas relatifs aux agents du service public reprennent des solutions de notre droit positif tant en ce qui concerne les droits des agents au titre de leur liberté de conscience, que leurs obligations au titre de la neutralité des services publics.
Il semble, d'ailleurs, que celui de neutralité prévale sur le principe de liberté de conscience et ce conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Le service public est un choix de l'agent, il n'est donc pas tenu de choisir de travailler pour l'Etat ou une personne publique. S'il fait ce choix, il doit alors en accepter les règles et ne peut s'affranchir des obligations inhérentes au service public. Les Etats peuvent donc restreindre la liberté des agents publics de manifester leurs convictions religieuses (19), sanctionner les agents publics manifestant dans leur service des convictions religieuses ou ayant un comportement prosélyte à l'occasion de leur service (20). La jurisprudence administrative française se situe dans la continuité concordante de cette jurisprudence européenne en estimant que les principes de laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics imposent aux agents de ne pas exprimer leurs convictions religieuses dans le cadre du service, y compris par le port d'un signe religieux dans l'enseignement (21). Cette obligation ne se limite pas au domaine de l'enseignement, mais s'étend à l'ensemble des services publics, notamment les établissements hospitaliers (22).
De même, la Charte confirme, pour les agents publics, une jurisprudence classique prise pour les usagers du service public concernant l'empêchement pour les adeptes d'autres religions de pratiquer leur culte au regard, notamment, de l'assiduité scolaire (23). Les agents des services publics doivent s'accommoder, comme les élèves de confession juive ou musulmane, des obligations propres au service public et, donc, de l'organisation d'une année scolaire ponctuée de fêtes religieuses chrétiennes avec possibilité d'obtenir des autorisations d'absence. Une absence systématique serait sanctionnable, mais non une absence compatible avec l'accomplissement des tâches inhérentes au service (24).
B. Des principes qui amènent à plus de nuances concernant les usagers du service public
Les six alinéas relatifs aux usagers du service public appellent plus de nuances dans le commentaire. Le texte évoque, d'abord, l'existence de droits au profit des usagers, droits qui sont, là, des solutions juridiquement acquises. Le projet de Charte évoquait "un égal droit d'accès au service public" (alinéa 1er), la Charte se veut plus pragmatique en évoquant le fait que "tous les usagers sont égaux devant le service public" (alinéa 1er). Le respect des croyances et d'exercice du culte (alinéas 2 et 6) est aussi rappelé selon certaines modalités liées au fonctionnement des services publics (alinéas 2 et 6). Des obligations sont citées mais pas imposées : s'abstenir de toute forme de prosélytisme (alinéa 3), ne pas récuser un agent public (alinéa 4), ne pas exiger une adaptation du fonctionnement du service ou d'un équipement public (alinéa 4) ou encore se conformer aux obligations du contrôle d'identité (alinéa 5).
Concernant ces obligations, si certaines sont établies par les textes et (ou) par le juge administratif, le doute peut exister pour d'autres. La Charte reprend les principes et la jurisprudence en vigueur dans certains cas et, notamment, le système de dérogations ponctuelles et individuelles pour rétablir l'égalité entre les différentes religions mise en place par le juge administratif. Par exemple, si le Conseil d'Etat prohibe les dispositions insérées dans les règlements intérieurs des établissements d'enseignement qui interdisent, de manière générale et absolue, le port de tout signe distinctif d'ordre religieux, l'élève doit, néanmoins, dans l'expression de ses convictions religieuses, respecter des règles strictes : ne pas manquer aux règles fondamentales de l'enseignement public, ne pas porter atteinte à la continuité du service public, respecter les programmes sans exception de l'un d'entre eux, ne pas faire de provocation ou de prosélytisme, ne pas porter atteinte à la liberté d'autrui...
Donc, si certaines des obligations sont déjà consacrées, d'autres sont difficilement identifiables dans les textes. Par exemple, en ce qui concerne la réglementation des photos sur les cartes d'identité (alinéa 5 de la partie concernant les usagers du service public) ou sur la non-récusation concernant, notamment, les personnels soignants du service public hospitalier. De façon générale, il faut relever que rien n'oblige l'usager du service public à respecter la laïcité de l'Etat. Il n'y a aucune norme supérieure qui institue une telle obligation. L'Etat, lui, à l'inverse, doit respecter la liberté de conscience et de culte des usagers du service public. Il doit garantir que, par la manifestation de leurs convictions religieuses, ils ne portent pas atteinte à la liberté de conscience des autres.
(1) Le HCI est un conseil ayant une compétence consultative, composé de personnalités indépendantes venues d'horizons, de métiers, de générations différentes et qui est une instance de réflexion et de proposition pour l'ensemble des questions relatives à l'ensemble des questions relatives à l'intégration des résidents étrangers ou d'origine étrangère. Présidé par Mme Blandine Kriegel depuis le 23 octobre 2002, le HCI a été créé par le décret n° 89-912 du 19 décembre 1989 (JO, 23 décembre 1989, p. 15978) du Premier ministre M. Michel Rocard. Il a successivement été présidé par M. Marceau Long, Mme Simone Veil, M. Roger Fauroux. Le collège, dont le Président est issu, est composé au maximum de 20 membres et a été renouvelé le 4 avril 2006.
(2) Circulaire fonc. publ. n° 5209/SG, 13 avril 2007 avec la Charte en annexe.
(3) Cf. http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000725 /0000.pdf.
(4) Le rapport Rossinot est le travail le plus complet pour ce qui concerne les services publics, c'est un rapport qui a été réalisé par un simple groupe de travail composé d'élus et de juristes à la demande de la formation politique majoritaire et dont le HCI a salué le travail. Cf. http://www.partiradical.net/pdf/RapportAR.pdf.
(5) On peut encore citer, toujours à titre d'exemple : le refus d'accepter la photographie tête nue nécessaire pour les documents d'identité, les exigences alimentaires en cantines et restaurants administratifs en nourriture halal ou casher, l'exigence de carrés professionnels dans les cimetières ou encore les manifestations d'opinions religieuses par des choix vestimentaires par des agents publics...
(6) A l'occasion, par exemple, de la remise de la carte d'électeur, de la formation initiale des agents du service public, de la rentrée des classes, de l'entrée en établissement hospitalier, de l'accueil des migrants ou encore de l'acquisition de la nationalité.
(7) Cf. Décret n° 2007-425 du 25 mars 2007 (N° Lexbase : L8069HUE, JO du 27 mars 2007, p. 5642) créant un observatoire de la laïcité.
(8) Loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat (N° Lexbase : L0978HDL, JO du 11 décembre 1905, p. 7205).
(9) Exception faite de l'Alsace-Moselle.
(10) "L organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat".
(11) "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale".
(12) Loi constitutionnelle n° 95-580 du 4 août 1995 ([LXB=], JO du 5 août 1995, p. 11744) portant extension du champ d'application du référendum, instituant une session parlementaire ordinaire unique, modifiant le régime de l'inviolabilité parlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la Communauté et les dispositions transitoires.
(13) Const., art. 1er : "La France est une république indivisible, laïque, démocratique, sociale et décentralisée. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances".
(14) Depuis lors, le 1er alinéa de l'article 2 est devenu l'article 1er de la Constitution, les autres formulations étant actuellement remises à l'article 2.
(15) "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle garantit des droits égaux aux hommes et aux femmes et respecte toutes les croyances".
(16) "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, notamment religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi".
(17) "La liberté de religion ou de conviction ne peut recevoir d'autres limitations que celles qui sont nécessaires au respect du pluralisme religieux, à la protection des droits et libertés d'autrui, aux impératifs de l'ordre public et au maintien de la paix civile".
(18) "La République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes dans les conditions fixées par la loi du 9 décembre 1905".
(19) Cf. alinéa 2 du titre sur les agents du service public de la Charte : "Le fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions constitue un manquement à ses obligations".
(20) CEDH, 24 février 1998, req. n° 140/1996 /759/958/960, Larissis et autres contre Grèce (N° Lexbase : A7241AW4).
(21) CE, Avis, 3 mai 2000, n° 217017, Melle Marteaux (N° Lexbase : A9574AGP).
(22) TA Paris, 17 octobre 2002, n° 0101740/5, Mme E. : où un établissement hospitalier avait refusé de renouveler le contrat d'une assistance sociale qui refusait d'enlever son voile.
(23) CE, 14 avril 1995, n° 125148, Consistoire des israélites de France et Koen (N° Lexbase : A3345AN9).
(24) Alinéa 4 du titre sur les agents du service public de la Charte : "La liberté de conscience est garantie aux agents publics. Ils bénéficient d'autorisations d'absence pour participer à une fête religieuse dès lors qu'elles sont compatibles avec les nécessités du fonctionnement normal du service".
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Réf. : Cass. soc., 12 juin 2007, n° 05-44.337, Chambre de commerce et d'industrie du Var (CCIV), F-P+B (N° Lexbase : A7858DWX)
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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Le juge prud'homal est compétent pour connaître des litiges s'élevant à la suite du maintien des contrats de travail de salarié d'une entité économique reprise en gestion par un service administratif tant que le nouvel employeur n'a pas placé le salarié dans un régime de droit public. En outre, en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY), l'ensemble des contrats de travail doit être repris, si bien qu'un salarié qui serait titulaire de deux contrats de travail avec l'entreprise cédante peut exiger la poursuite de ces deux contrats. |
1. La compétence prud'homale maintenue
La Cour de cassation a longtemps refusé que s'appliquent les règles relatives au maintien des contrats de travail issues de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, lorsque le cessionnaire était une personne morale de droit public (1). A la suite de l'intervention de la Cour de justice des Communautés européennes (2), elle a pourtant revu sa position en 2002, suivie dans cette voie par le Conseil d'Etat (3).
Ces décisions ont été, depuis, confirmées par le législateur avec l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-843, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique N° Lexbase : L7061HEA) qui encadre plus précisément ce type de transfert (4). Néanmoins, les faits de l'espèce s'étant déroulés antérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte, le juge ne pouvait en faire application.
Par hypothèse, dans ces affaires, les litiges mettaient en oeuvre un conflit de compétence positive, les deux ordres de juridiction pouvant s'estimer compétents. Le juge prud'homal était compétent du fait de l'existence d'un contrat de travail de droit privé au moment du transfert. Quant au juge administratif, sa compétence était envisageable de par la présence d'une personne morale de droit public.
Tout dépendait, en réalité, de la qualification de la relation de travail au moment du litige. S'agissait-il encore d'une relation de droit privé, auquel cas le juge judiciaire était compétent, ou d'une relation de droit public menant alors le juge administratif à se saisir de l'affaire ? Le tribunal des conflits a dû se pencher sur cette question. Il rendit un jugement le 19 janvier 2004 (T. confl., 19 janvier 2004, Mme Devun et autres, n° 3393 N° Lexbase : A3824DDY) qui précisa que le transfert ne modifiait pas la nature des contrats de travail qui restaient des contrats de droit privé tant que la personne publique ne les avait pas intégrés au droit administratif (5). Cela impliquait que le juge prud'homal demeurait compétent.
La Cour de cassation se place donc dans le droit fil de cette jurisprudence, ce qui n'est, finalement, guère étonnant.
La question qui aurait pu se poser est celle de l'influence de la loi du 26 juillet 2005 sur la solution de la Chambre sociale. La loi prévoit, en effet, que la personne publique qui reprend une entité jusqu'alors gérée par une personne de droit privé se doit de proposer aux salariés transférés un contrat de droit public. En cas de refus des salariés de voir leurs contrats modifiés, la personne publique peut prononcer un licenciement dont la cause réelle et sérieuse est induite par le texte lui-même (6).
Mais, les faits de l'espèce étant antérieurs à l'édiction de ce texte, il n'était pas envisageable pour le juge d'en faire application. Nul doute, pourtant, que la solution eut été différente puisque, dans ce cas, les relations entre le cessionnaire et le salarié auraient nécessairement eu une nature de droit public (7). Si les décisions de la Cour de cassation sont parfois influencées par la loi nouvelle non encore applicable à un litige, une telle orientation n'aurait pas été opportune en l'espèce, car cela aurait porté atteinte au principe selon lequel la loi nouvelle ne peut porter atteinte aux contrats en cours d'exécution.
Il faut, cependant, remarquer qu'il s'agit probablement de l'une des dernières hypothèses dans lesquelles le juge prud'homal sera compétent. A l'avenir, par l'effet de la loi, les contrats seront transformés en contrats de droit public, si bien que c'est le juge administratif qui sera compétent, exception faite, bien sûr, du cas de figure prévu par l'alinéa 3 de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005, selon lequel le salarié peut refuser la modification, la personne publique étant alors tenue de la licencier.
L'arrêt apportait, également, une précision quant à l'objet du transfert, reprécisant, une nouvelle fois, que tous les contrats de travail devaient être transférés par application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail.
2. Le transfert de l'ensemble des contrats de travail
L'alinéa 2 de l'article L. 122-12 du Code du travail est on ne peut plus clair : "tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise".
Cette règle est appliquée sans partage. Tous les contrats sont concernés, qu'il s'agisse de contrats à durée déterminée ou indéterminée, de contrats de qualification, de contrats d'apprentissage (8). Peu importe, d'ailleurs, que le contrat du salarié ait été suspendu ou qu'il se trouve en phase de préavis (9).
Pourtant, des situations particulières semblent ne pas avoir été encore envisagées par le juge.
La situation présentait un caractère très spécifique puisque le salarié était titulaire de deux contrats de travail avec l'entreprise cédante. Pour être précis, le salarié avait des fonctions de maître de port pour un premier contrat à temps partiel et des fonctions de directeur technique pour un autre contrat de ce type. La difficulté provenait du fait que les activités de l'entreprise cédante n'avaient pas été transférées au même moment. Un premier transfert, opéré en 1998, avait emporté le transfert du contrat de travail concernant les activités de maître de port. Mais le salarié avait été licencié quelques mois plus tard. Il demeurait, cependant, salarié de l'entreprise cédante pour ses fonctions de directeur technique. Cette activité est transférée en 2000 à l'établissement public cessionnaire qui refuse de transférer le contrat de travail.
Le juge prud'homal, suivi par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, décide que le salarié ne doit pas recevoir de salaire pour la période et le temps d'activité non repris, mais doit être indemnisé pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Chambre sociale casse et annule la décision d'appel en estimant que le second contrat de travail aurait dû être poursuivi à compter du transfert de la seconde entité économique, le premier licenciement intervenu étant sans portée à cet égard.
Sur un plan purement logique, il n'y a là finalement qu'une application à la lettre du principe du maintien des contrats de travail. Qu'il s'agisse de deux contrats conclus avec des salariés différents ou avec le même salarié, tous les contrats doivent être transférés et ce principe ne souffre d'aucune exception.
Ce qui paraît finalement le plus surprenant, c'est qu'il ait été distingué deux contrats de travail entre la même société et le même salarié. S'il existe de nombreux salariés en situation de cumul d'emploi à temps partiel, cela s'effectue le plus souvent dans deux entreprises différentes. Au contraire, un salarié qui accomplit deux tâches différentes dans une même entreprise n'est, le plus souvent, pas pour autant titulaire de deux contrats de travail. A moins que les contrats de travail n'aient été formellement distingués, la scission des deux activités du salarié en deux contrats de travail paraît n'être qu'une affaire d'opportunité destinée à permettre au salarié le maintien d'au moins une de ses deux activités. On imagine bien les conséquences que la pérennisation d'une telle solution pourrait avoir sur des relations de travail complexes dans lesquelles un salarié peut parfois assumer de nombreuses tâches différentes dans l'entreprise...
Décision
Cass. soc., 12 juin 2007, n° 05-44.337, Chambre de commerce et d'industrie du Var (CCIV), F-P+B (N° Lexbase : A7858DWX) Cassation partielle sans renvoi (CA Aix-en-Provence, 18ème chambre, 28 juin 2005) Textes visés : C. trav., art. L. 122-12, al. 2 (N° Lexbase : L5562ACY), interprété à la lumière de la Directive 98/50/CE du 29 juin 1998 (N° Lexbase : L9988AUH). Mots-clés : transfert d'une entité économique ; service public administratif ; compétence prud'homale ; multiplicité de contrats de travail ; maintien des contrats. Liens bases : ; ; . |
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