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N0154BAX
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
Pour mémoire, les époux Saint-Arroman avaient fait vendre aux enchères publiques un tableau attribué par tradition familiale à Nicolas Poussin, mais inscrit, après avis d'expert, au catalogue de la vente comme attribué à l'Ecole des Carrache avec leur assentiment. Adjugée pour 2 200 francs, en février 1968, cette oeuvre qui représentait Apollon et Marsyas, avait été adjugée à un marchand, mais par la suite préemptée par l'Etat, pour le musée du Louvre. Celui-ci l'avait exposée, ensuite, comme une oeuvre de Poussin. Par jugement du 13 décembre 1972, le tribunal de grande instance de Paris avait prononcé la nullité de la vente pour vice de consentement des vendeurs en raison de l'erreur sur la substance. Ce jugement avait été infirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 février 1976, puis cassé par arrêt du 22 février 1978 de la Cour de cassation, au motif que la cour d'appel n'avait pas recherché si, au moment de la vente, le consentement des vendeurs avait été vicié par leur conviction erronée que le tableau ne pouvait pas être une oeuvre de Poussin. Au final, après de nombreuses circonvolutions, la cour d'appel de Versailles, par arrêt du 7 janvier 1987, avait ordonné la restitution du tableau et du prix de vente reçu : elle avait considéré que les époux Saint-Arroman avaient fait une erreur portant sur la qualité substantielle et déterminante de leur consentement. Le tableau a été restitué aux époux Saint-Arroman qui ont remboursé la somme de 2 200 francs réglée au moment de la vente. Puis, il a été remis en vente et adjugé en décembre 1998 pour 7 400 000 francs. Cette affaire a eu de nombreuses répercussions dans la mesure où elle a ouvert la voie à plusieurs autres contentieux de ce type en matière d'acquisitions. Sur le plan juridique, l'affaire a apporté des éléments importants à la théorie générale des contrats et à l'interprétation de l'erreur sur les qualités substantielles pouvant entraîner la nullité de la vente dans le cadre de l'application de l'article 1110 du Code civil. Elle consacre définitivement la possibilité, jusque-là contestée ou du moins admise avec réticences, donnée au vendeur aussi bien qu'à l'acheteur, d'invoquer l'erreur sur la substance dont il aurait été victime. Ensuite, elle admet que la preuve de l'erreur peut résulter de l'analyse des consentements échangés (et non seulement des qualités objectives de l'objet concerné), ce qui conduit donc à accepter une théorie subjective de l'erreur sur la substance.
Changeons maintenant de marché : les prix de l'immobilier ont progressé de 123 % entre 1998 et 2006. Aussi, est-il incongru de penser que le caractère spéculatif inhérent au marché immobilier répond, aujourd'hui plus encore qu'auparavant, aux canons du marché de l'art ? Pour être plus clair, le vendeur d'un bien immobilier peut-il demander la restitution de son bien pour ne pas l'avoir évalué au bon prix, compte-tenu de ses qualités substantielles ? Le cas s'est présenté, peu ou prou, devant la Haute juridiction : un marchand de biens, bénéficiaire de promesses de vente que lui avait consenties, sur sa maison, un agriculteur, avait assigné le vendeur après avoir levé l'option en réalisation de la vente. Mais, les juges du fond avaient déclaré la promesse de vente nulle au motif que le bénéficiaire n'avait pas informé le vendeur du prix de l'immeuble qu'il détenait en sa qualité d'agent immobilier et de marchand de biens, alors que le vendeur ne pouvait, avaient-ils considéré, lui-même connaître la valeur de son pavillon. Aussi bien, selon les premiers juges, l'acquéreur avait-il manqué à son devoir de loyauté, si bien que se trouvait caractérisée une réticence dolosive déterminante du consentement du vendeur au sens de l'article 1116 du Code civil. Sous le visa de ce même article, la Cour de cassation casse cette décision en affirmant "que l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis". La prolifération des obligations d'information et de ses avatars à la charge des professionnels et au bénéfice des consommateurs n'a donc pas sévi aveuglement : il incombe toujours au vendeur de connaître le "bon" prix du bien qu'il entend vendre ; il ne s'agit pas, non seulement, de renverser la charge de l'obligation d'information, conduisant le professionnel acquéreur à déterminer un prix "correct" pour le bien en acquisition au bénéfice du vendeur ; mais aussi, il incombe à ce dernier de se renseigner, à défaut de connaissance propre et d'expérience, sur la valeur du bien en cause, sans pouvoir invoquer, par ailleurs, sa légèreté blâmable, voire sa turpitude. La sécurité juridique des transactions, notamment, immobilières est à ce prix ; et ceci, d'autant plus sur un marché hautement spéculatif, dont les variations sont encore importantes, à la hausse... comme à la baisse. Rappelons que la hausse des prix étant supérieure à celle qui aurait résulté des seuls facteurs objectifs de soutien de la demande, il est possible que ce moindre dynamisme de la demande se traduise, désormais, par une baisse des prix... Selon le baromètre BIPE/Empruntis, ils devraient, en 2007, diminuer de 2 % (Le Figaro du 6 février 2007). Un chiffre révisé à la baisse, annoncé initialement à 4 %. Aussi, pour le dynamisme et la concurrence du marché, ne désespérons pas les chercheurs d'or en leur faisant rendre leurs pépites, tout en leur laissant les cailloux qui les avaient fait rêver... Pour un commentaire de l'arrêt rapporté, les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit, Pas d'obligation d'information à la charge de l'acquéreur sur la valeur du bien acquis.
*Alain, extrait des Propos sur l'éducation
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Réf. : Cass. com., 12 décembre 2006, n° 04-18.616, société Dreamhouse Limited, F-P+B (N° Lexbase : A8979DSD)
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N0071BAU
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Le 07 Octobre 2010
A la suite d'une procédure de vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause, d'une part, l'avantage du régime dérogatoire des droits d'enregistrement, d'autre part, l'exonération de la taxe de 3 % frappant la valeur vénale des immeubles appartenant à une personne morale étrangère dès lors que le siège statutaire apparent ne correspondait pas au lieu de direction effectif de l'entreprise.
Déboutée de son action par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 1ère ch. A, 13 avril 2004), la société Dreamhouse Limited se pourvoit en cassation en invoquant, d'une part, une clause d'assistance administrative insérée dans la convention fiscale franco-britannique (I), d'autre part, en opposant à l'administration l'absence de redressement au titre d'une prise de position formelle sur le fondement de l'article L. 80 B du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L8733G8X) (II).
I. Clause d'assistance administrative, siège réel et siège statutaire
En instaurant une taxe annuelle de 3 % sur la valeur vénale des immeubles ou droits immobiliers situés en France et possédés par des personnes morales étrangères, le législateur entendait faire échec aux montages visant à soustraire les immeubles appartenant à des particuliers redevables, du désormais très contesté, impôt de solidarité sur la fortune dont l'une des premières vertus est d'avoir contribué à l'enrichissement de groupes étrangers concurrents des entreprises françaises (2).
Mais, dans le cadre d'une intensification des échanges commerciaux et afin d'éviter les situations de double imposition, les Etats ont mené (3) une réflexion commune en vue de conclure des accords internationaux visant à réduire ou éliminer les situations de doubles impositions juridiques, ces dernières se définissant comme résultant d'une situation où un même contribuable est considéré comme résident de deux Etats ou bien lorsque ce dernier est imposé au nom d'un même revenu dans l'Etat dans lequel il réside et dans l'Etat source.
Ces conventions internationales font l'objet de négociations entre les Etats d'après les modèles développés par l'ONU ou par l'OCDE : à ce titre, certaines clauses sont fréquemment adoptées, telles que la clause d'égalité de traitement (4), aussi appelée clause de non-discrimination (5) (art. 24 modèle OCDE), ou celle relative à l'assistance administrative (art. 26 modèle OCDE) dont l'étendue est plus ou moins importante selon les conventions conclues.
Cette dernière vise à permettre aux administrations fiscales d'échanger des informations et une assistance mutuelle au recouvrement de l'impôt (T. Lambert, Un aspect méconnu du contrôle fiscal : l'assistance fiscale internationale, BF, avril 2000).
Au cas d'espèce, il peut paraître assez paradoxal de constater que le contribuable se prévalait de la clause d'assistance administrative, insérée dans la convention franco-britannique du 22 mai 1968 (N° Lexbase : L6745BHB), alors que cette dernière est censée intéresser au premier chef les administrations fiscales française et britannique dans leur lutte conjointe contre la fraude fiscale internationale...
Mais l'enjeu, pour la société Dreamhouse, était de première importance : elle entendait opposer la clause d'assistance administrative à l'administration fiscale française pour prétendre échapper à l'application de la taxe de 3 %, dès lors que son siège statutaire était situé en Angleterre.
En effet, aux termes de l'article 990 E du CGI (N° Lexbase : L9276HL7), le législateur exonère les personnes morales qui : "ayant leur siège dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, déclarent chaque année, au plus tard le 15 mai, au lieu fixé par l'arrêté prévu à l'article 990 F, la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse de leurs associés à la même date ainsi que le nombre des actions ou parts détenues par chacun d'eux".
Toutefois, les éléments recueillis par l'administration fiscale ont permis d'établir que le siège réel de la société Dreamhouse était situé en Suisse et non en Angleterre.
Or, la Suisse n'avait pas, à l'époque des faits, signé de clause d'assistance administrative avec la France.
Partant, les dispositions issues de l'article 990 E, 2°, du CGI exonérant le contribuable ne pouvaient être applicables : pour la Cour régulatrice, la société ne peut opposer son siège statutaire anglais si ce dernier ne correspondait pas au lieu de direction effectif.
Tout en soulignant que la requérante s'était présentée comme immatriculée en Angleterre et ayant son siège social à Londres, la Cour de cassation postule que l'application des conventions bilatérales nécessite que "la société ait la nationalité du pays dont elle était résidente".
Par conséquent, la Haute juridiction ne retient pas l'interprétation de la société Dreamhouse pour qui l'article 990 E, 2°, ne faisait référence qu'au seul siège statutaire, même si ce dernier n'était qu'apparent, et non au siège de direction effectif.
II. Absence de redressement et prise de position formelle opposable rétroactivement (LPF, art. L. 80 B)
Les sources du droit fiscal sont multiples et ne sont pas limitées à la loi ou aux Traités internationaux : la doctrine administrative, constituée d'instructions et d'une documentation de base, dont on avance le chiffre de 40 000 pages (M. Cozian, Précis de fiscalité des entreprises, Litec, collection Litec fiscal, 30ème édition, 2006, p. 3), joue un rôle fondamental dans les rapports entre l'administration fiscale et les contribuables. A ce titre, elle jouit d'un régime juridique particulier : en effet, les dispositions des articles L. 80 A (N° Lexbase : L8568AE3) et L. 80 B (N° Lexbase : L8733G8X) du LPF permettent aux contribuables d'opposer à l'administration fiscale sa propre doctrine publiée ou ses prises de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal.
Cette opposabilité de la doctrine (L. Vapaille, La doctrine administrative fiscale, L'Harmattan, collection Finances publiques, 1999) est asymétrique : en effet, dans l'hypothèse où elle ajouterait à la loi des conditions subordonnant l'octroi d'un régime fiscal dérogatoire institué par le législateur, elle serait alors considérée comme illégale. Dans l'hypothèse inverse, le contribuable pourrait l'opposer à l'administration fiscale.
L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 décembre 2006 offre une illustration de la portée qu'il faut conférer à une absence de redressement au regard de l'article L. 80 B du LPF quant à la notion de prise de position formelle opposable.
Cette dernière a entraîné une jurisprudence particulièrement fournie : seuls les contribuables ayant participé à l'acte peuvent se prévaloir des garanties issues de l'article L. 80 B du LPF (CE Contentieux, 17 février 1997, n° 165538, Société Ed-Dis-Sud N° Lexbase : A8505ADD ; CE Contentieux, 17 juin 1996, n° 145594, SA France Sud Diffusion N° Lexbase : A9626ANT) étant entendu que l'administration peut, pour l'avenir, prendre une position contraire infirmant sa prise de position antérieure (CAA Paris, 2ème ch., B, 20 décembre 2002, n° 99PA02243, M. Cauchetier N° Lexbase : A7580A4I).
Concernant la formalisation de cette prise de position, la jurisprudence admet qu'elle puisse être verbale (CAA Nancy, 2ème ch., 12 octobre 1995, n° 94NC00089, M. et Mme Michel Dengreville N° Lexbase : A0093AXQ), encore faut-il qu'elle ne résulte pas d'un conseil donné par un agent de l'administration fiscale ou d'un simple contact téléphonique en vue d'un arrangement amiable (CAA Douai, 3ème ch., 7 octobre 2003, n° 99DA20224, M. Roger Marlier N° Lexbase : A3399DA7).
S'agissant d'un dégrèvement sans motivation ou de l'absence de redressement à la suite d'une vérification de comptabilité, il est de jurisprudence constante qu'il ne peut s'agir d'une prise de position tacite opposable à l'administration (CAA Douai, 2ème ch., 28 septembre 2004, n° 01DA00229, Société anonyme à responsabilité limitée Artois Matériel N° Lexbase : A3130DEN ; CE 9° et 10° s-s-r., 8 mars 2002, n° 221667, SA Silmeca N° Lexbase : A2564AYM ; CAA Lyon, 2ème ch., 8 juillet 2003, n° 98LY00307, M. Lionel Jarrige N° Lexbase : A5916C9Y ; CAA Lyon, 3ème ch., 3 juin 2003, n° 03LY00181, M. François Bastier N° Lexbase : A5888C9X ; CAA Nantes, 1ère ch., 22 février 1996, n° 93NT00979, Ministre de l'Economie et des Finances c/ Société d'investissements et de participations (S.I.P.) N° Lexbase : A1523A48).
Au cas d'espèce, la société Dreamhouse soumettait à la sagesse de la Haute juridiction la question de savoir si elle pouvait opposer rétroactivement l'absence de redressement de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales relativement aux années postérieures au redressement objet de la présente décision commentée.
En répondant par la négative, la Cour de cassation juge que l'absence de redressement ne peut être assimilée à une prise de position formelle avec effet rétroactif : elle ne peut, par conséquent, emporter l'anéantissement d'une procédure de redressement initiée antérieurement.
Frédéric Dal Vecchio
Juriste-fiscaliste
Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines
Membre du Laboratoire de recherches CERAP (Université Paris XIII)
(1) Octavio Paz, Prix Nobel de Littérature 1990.
(2) "Un impôt [l'ISF] fantastique, qui a permis de faire passer un groupe français, Taittinger, aux mains des Américains et à un Belge, moi [il s'agit de l'homme d'affaires Albert Frère], de doubler sa fortune dans l'opération", Le Point, 18 août 2005, p. 13.
(3) Bien que la première convention fiscale bilatérale fût signée en 1843 entre la France et la Belgique, c'est au lendemain de la première guerre mondiale que le mouvement s'est intensifié.
(4) Pour une illustration (convention entre la France et le Panama du 10 juillet 1953) : CE, 16 décembre 1991, n° 54611, 7° et 8° s-s-r., S.A Ressources Management Corporation (N° Lexbase : A9147AQT).
(5) La clause d'égalité de traitement n'a pas été adoptée par l'ensemble des Etats contractant avec la France : il en est ainsi de l'Australie (convention France-Australie du 13 avril 1976 N° Lexbase : L6664BHB), de la Nouvelle-Zélande (convention France-Nouvelle-Zélande du 30 novembre 1979 N° Lexbase : L6733BHT), du Qatar (convention France - Etat du Qatar du 4 décembre 1990 (N° Lexbase : L6741BH7), du Viêt Nam (convention France - Viêt-Nam du 10 février 1993 N° Lexbase : L6766BH3)...
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Réf. : Cass. civ. 3, 17 janvier 2007, n° 06-10.442, M. Didier, André, Edouard Theuillon, FS-P+B (N° Lexbase : A6928DTR)
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N9992A9X
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Le 07 Octobre 2010
Il faut, bien évidemment, rappeler que la question de l'existence ou de l'absence d'obligation d'information à la charge d'un contractant à l'égard d'un autre est étroitement liée à la question de l'existence ou, là encore, de l'absence de réticence dolosive : en effet, prononcer la nullité d'un contrat en raison de la réticence dolosive de l'une des parties "revient à faire peser après coup sur celui qui s'en rend coupable une obligation d'information" (3), l'admission de la réticence dolosive portant donc en germe une telle obligation (4). C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle les juges du fond avaient déduit du silence gardé par l'acquéreur un dol par réticence. Et c'est la même raison qui explique, en sens inverse, que la Cour de cassation écarte toute réticence dolosive imputable à l'acquéreur au motif qu'il n'est tenu d'aucune obligation d'information à l'égard du vendeur sur la valeur du bien. La Cour de cassation prend ainsi partie sur une question qui, jusque là, pouvait paraître incertaine, et qui tient, fondamentalement, aux limites de l'obligation d'information et, donc, aux rapports qui existent entre obligation d'information et obligation de se renseigner.
Sans doute la première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 3 mai 2000, décidant que l'acheteur de photographies de Baldus n'avait pas à informer son cocontractant de la valeur des dites photographies, que ce dernier avait finalement, par ignorance, vendu pour un prix dérisoire, posait-elle, implicitement mais certainement, que la limite de l'obligation d'information réside dans le devoir de se renseigner qui pèse sur tout contractant (5). L'ignorance considérée comme illégitime du vendeur l'empêchait ainsi d'obtenir la nullité du contrat pour dol. Mais on n'ignore pas que, quelques mois plus tard, un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, du 15 novembre 2000, paraissait ne s'accorder qu'imparfaitement avec cette solution. Dans cette affaire, l'acquéreur était resté silencieux sur une qualité substantielle du bien vendu de telle sorte qu'elle avait finalement admis la nullité du contrat pour dol (6). Un auteur avait bien cherché, il est vrai, à concilier cet arrêt avec celui de la première chambre civile, faisant ressortir un certain nombre de différences distinguant les deux espèces (7). Il avait, notamment, fait valoir que l'erreur invoquée dans l'arrêt de la première chambre civile portait sur la valeur du bien tandis que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de novembre, elle portait sur les qualités substantielles de la chose ; et d'ajouter que, dans un cas, le dol aurait consisté en une simple réticence (8) alors que, dans l'autre, il résultait d'un mensonge (9). On pouvait, cependant, rester assez sceptique face à cette argumentation qui tendait à introduire dans le régime du dol des distinctions tenant à l'objet de l'erreur provoquée ainsi qu'à l'élément matériel du dol qu'il ne comporte pas (10). Toujours est-il que l'opposition entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait, semble-t-il, se confirmer par la suite, la troisième chambre civile énonçant, dans une formule générale que "la réticence dolosive, à la supposer établie, rend toujours excusable l'erreur provoquée" (11).
A la suite de l'arrêt du 17 janvier dernier, il est permis de croire que la troisième chambre civile se rallie, sur la question de l'existence d'une éventuelle obligation d'information pesant sur l'acquéreur et portant sur la valeur du bien acquis, à la position de la première chambre civile. Au fond, comme l'avait fait la première chambre civile dans l'affaire "Baldus", l'arrêt de la troisième chambre civile met à la charge du vendeur une obligation de se renseigner qui constitue la limite de l'obligation d'information de l'acquéreur. C'est que, en effet, l'obligation d'information n'existe que si l'ignorance du créancier de cette obligation est légitime (12). Partant, "la réticence se dissout d'elle-même dès lors que l'information est raisonnablement accessible : il n'est de réticence qu'envers un contractant excusable de ne pas connaître" (13). Si l'on comprend parfaitement que celui qui détient une information utile et pertinente pour son partenaire doive la porter à la connaissance de celui-ci, il est, cependant, discutable, ne serait-ce qu'en termes de sécurité juridique, de laisser sans incidence la légèreté blâmable de certains des contractants confinant parfois même à la bêtise. A cet égard, on comprendra que le choix fait ici par la Cour de cassation est un choix "politique" (14) qui s'explique par la volonté de responsabiliser celui qui s'engage. Il tranche, ainsi, radicalement avec un courant de pensée favorable au solidarisme contractuel dans lequel l'oubli de soi et l'abnégation seraient les vertus premières. En sollicitant de la part de chacun des contractants un comportement normalement diligent et responsable et, par suite, en refusant de faire de l'altruisme, de la solidarité et de la fraternité, les nouvelles valeurs du droit des contrats, la jurisprudence se montre, ainsi, réaliste, les hommes, dans leur grande majorité, étant davantage préoccupés par leurs propres intérêts que par ceux d'autrui.
David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit
(1) Cass. civ. 3, 15 janvier 1971, n° 69-12.180, Société l'Union pour la construction immobilière UCIM c/ Société M. et S. Bezanger (N° Lexbase : A5733AWA), RTDCiv. 1971, p. 839, obs. Y. Loussouarn.
(2) Cass. civ. 1, 22 février 1978, n° 76-11.551, Epoux Saint-Arroman c/ Réunion des Musées Nationaux, Consorts Rheims, Laurin, Lebel, Secrétaire d'Etat à la Culture (N° Lexbase : A0563AYI) et Cass. civ. 1, 13 décembre 1983, n° 82-12.237, Epoux Saint-Arroman c/ Réunion des Musées Nationaux, Ministre de la Culture, Rheims, Laurin, Lebel (N° Lexbase : A3665CH9), GAJC, 11ème éd., n° 148-149.
(3) Ch. Larroumet, Droit civil, Les obligations, Le contrat, Economica, 1998, n° 362.
(4) Voir not., sur cette question, J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ, 3ème éd., 1993, n° 565.
(5) Cass. civ. 1, 3 mai 2000, n° 98-11.381, M. Clin c/ Mme Boucher (N° Lexbase : A3586AUD), Rép. Defrénois 2000, p. 1110 et s., obs. D. Mazeaud et Ph. Delebecque, RTDCiv. 2000, p. 566, obs. J. Mestre et B. Fages, JCP éd. G, 2001, II, 10510, note C. Jamin.
(6) Cass. civ. 3, 15 novembre 2000, n° 99-11.203, Société Carrières de Brandefert c/ Consorts Palaric-Le Coentet autre (N° Lexbase : A9469AH8), Contrats, conc., consom. 2001, n° 23, obs. L. Leveneur, Rép. Defrénois 2001, p. 243, obs. E. Savaux, JCP éd. G, 2001, I, 301, obs. Y.-M. Serinet.
(7) E. Savaux, obs. préc..
(8) Cass. civ. 1, 3 mai 2000, précitée.
(9) Cass. civ. 3, 15 mai 2000, précitée.
(10) Voir, en ce sens, la démonstration de D. Mazeaud, note. sous Cass. civ. 3, 21 février 2001, n° 98-20.817, M. Plessis et autre c/ Consorts Errera et autres (N° Lexbase : A8926AQN), D. 2001, J., p. 2702 et s., spéc. n° 17.
(11) Cass. civ. 3, 21 février 2001, précitée, D. 2001, J., p. 2702, note D. Mazeaud, ibid., Somm. p. 3236, obs. L. Aynès.
(12) M. Fabre-Magnan, De l'obligation d'information dans les contrats, préf. J. Ghestin, LGDJ, 1992, n° 253 et s..
(13) J. Carbonnier, Droit civil, T. IV, Les obligations, PUF, coll. Thémis Droit privé, 2000, n° 51.
(14) Selon l'expression de M. C. Jamin, note sous Cass. civ. 1, 3 mai 2000, précitée.
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Réf. : Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 06-12.106, Société MAAF assurances, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6401DTA) et n° 06-13.611, Etablissement français du sang (EFS), FS-P+B+I (N° Lexbase : A6402DTB)
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N0032BAG
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
Premier arrêt, n° 06-12.106 : le fournisseur de sang qui manque à son obligation de sécurité de résultat de fournir des produits exempts de vices commet une faute délictuelle à l'égard de la victime, de sorte que son recours contre le conducteur fautif d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation ne peut être que partiel Second arrêt, n° 06-13.611: l'action récursoire de l'EFS, coobligé fautif, contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les articles 1147, 1382 et 1251 du Code civil, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives. |
Décisions
Premier arrêt : Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 06-12.106, Société MAAF assurances, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6401DTA) (cassation partielle de cour d'appel d'Agen, 7 décembre 2005) Second arrêt : Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 06-13.611, Etablissement français du sang (EFS), FS-P+B+I (N° Lexbase : A6402DTB) (cassation partielle de cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1er décembre 2005) Textes visés : C. civ., art. 1147 (N° Lexbase : L1248ABT), 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1251 (N° Lexbase : L0268HPM) Mots clef : hépatite C ; préjudice spécifique de contamination ; responsabilité de l'EFS ; recours ; fondement ; régime |
Faits
Premier arrêt, n° 06-12.106 : 1. Mme X a été victime d'un accident de la circulation survenu le 14 octobre 1985 dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. Y, assuré auprès de la MAAF (l'assureur). Elle a subi une intervention chirurgicale à l'occasion de laquelle elle a reçu des transfusions de produits sanguins fournis par le centre régional de transfusion sanguine de Bordeaux (le CRTS), aux droits duquel est venu l'Etablissement français du sang (l'EFS). Il en est résulté une contamination par le virus de l'hépatite C diagnostiquée en avril 1996. Le 12 juin 1998, Mme X a assigné le CRTS et son assureur, la MACSF, en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance. Le 23 décembre 1998, le CRTS a appelé en garantie M. Y, conducteur du véhicule impliqué dans l'accident de la circulation, ainsi que son assureur. 2. Pour condamner M. Y in solidum avec la MAAF à relever et garantir l'EFS de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en faveur de Mme X et de la CPAM de la Gironde, l'arrêt retient que M. Y, conducteur impliqué dans l'accident, avait commis une faute caractérisée de défaut de maîtrise au sens de l'article 1382 du Code civil ; qu'il résultait des pièces médicales versées aux débats que la contamination de Mme X résultait de l'injection de plasma lyophilisé réalisée au service des urgences, après l'accident ; qu'à ce moment là, en octobre 1985, le dépistage de ce virus n'était pas possible, ce virus n'ayant été connu qu'en 1989 et le dosage systématique des marqueurs indirects tels que ALAT ou anti HBC n'ayant été rendu obligatoire qu'en 1988 ; qu'ainsi, aucune faute délictuelle ou quasi délictuelle n'était démontrée à l'encontre du CRTS de Bordeaux ; Second arrêt, n° 06-13.611 1. En juin 1987, Mme X a été victime d'un accident de la circulation, dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la MATMUT. Elle a été hospitalisée au CHU de Martigues de juin à août 1987, où elle a subi des transfusions de produits sanguins, fournis par le centre régional de transfusion sanguine de Marseille (le CRTS). En 1996, des examens médicaux ont révélé que Mme X avait été contaminée par le virus de l'hépatite C. L'enquête post-transfusionnelle réalisée dans le cadre d'une l'expertise judiciaire, ordonnée en référé, ayant établi que le donneur de l'un des culots globulaires transfusés à Mme X était porteur du virus de l'hépatite C, Mme X a assigné le CRTS, le 22 février 2000, devant le tribunal de grande instance, en responsabilité et indemnisation de son préjudice. Le 5 décembre 2000, l'EFS, venant aux droits du CRTS, a appelé en garantie son propre assureur de responsabilité civile, la société Axa assurances, devenue Axa France IARD. Le 11 septembre 2001, l'EFS a assigné en indemnisation la MATMUT, assureur du conducteur adverse impliqué dans l'accident de la circulation qui avait rendu nécessaires les transfusions sanguines. 2. "Pour rejeter les demandes de l'EFS dirigées contre la MATMUT et mettre cet assureur hors de cause, l'arrêt retient qu'est rapportée la preuve de l'origine transfusionnelle de la contamination par le VHC, ce qui démontre la causalité certaine, directe et unique entre la transfusion et le dommage causé à la victime du seul fait de la défectuosité du produit transfusé ; qu'en conséquence la responsabilité de ce dommage incombe au seul EFS, à l'exclusion du responsable de l'accident". |
Solution
Premier arrêt, n° 06-12.106 1. "Vu les articles 1147, 1382 et 1251 du Code civil" ; "soumis à une obligation de résultat, le fournisseur de produits sanguins ne peut s'exonérer de sa responsabilité, à l'égard de la victime, que par la preuve d'un cas de force majeure ; que l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par ces textes, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives" ; 2. "Le fournisseur de sang qui manque à son obligation de sécurité de résultat de fournir des produits exempts de vices commet une faute délictuelle à l'égard de la victime, de sorte que son recours contre le conducteur fautif d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation ne peut être que partiel" ; 3. La cour d'appel a violé les textes susvisés ; "par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse". Second arrêt, n° 06-13.611 1. "Vu les articles 1147, 1382 et 1251 du Code civil" ; "soumis à une obligation de résultat, le fournisseur de produits sanguins ne peut s'exonérer de sa responsabilité, à l'égard de la victime, que par la preuve d'un cas de force majeure ; que l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par ces textes, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives" ; 2. "En rejetant ainsi les demandes de l'EFS, sans constater l'absence de faute du conducteur du véhicule impliqué dans l'accident, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés" ; 3. "Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de l'EFS dirigées contre la MATMUT et mis cet assureur hors de cause, l'arrêt rendu le 1er décembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée". |
Commentaire
I - Retour sur une jurisprudence chaotique
A la suite d'un accident de la circulation, une victime doit être opérée et reçoit une transfusion de produits sanguins. La loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation N° Lexbase : L7887AG9) imposant à l'assureur du véhicule impliqué de présenter une offre d'indemnisation à la victime dans un délai court (C. ass., art. L. 211-9 s. N° Lexbase : L6229DIK), ce dernier indemnisera les préjudices connus. Malheureusement, certaines victimes peuvent avoir été contaminées par les produits transfusés, mais n'en prendre conscience que plusieurs années après l'accident et les opérations consécutives. Juridiquement, les victimes pourraient se retourner vers l'assureur du véhicule pour lui demander un complément d'indemnisation dans la mesure où, même si la présomption d'imputabilité de la contamination à l'accident ne trouvera pas ici à s'appliquer, compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis l'accident (1), le lien de causalité sera établi par application de la théorie de l'équivalence des conditions, généreusement appliquée lorsqu'il s'agit d'indemniser les préjudices corporels résultant des opérations consécutives à l'accident (2), et singulièrement lorsque sont en cause des transfusions de produits sanguins (3). C'est plus simplement vers l'EFS que les victimes se retourneront pour obtenir l'indemnisation de leur préjudice spécifique de contamination (4) en invoquant le manquement à l'obligation de sécurité de résultat concernant la fourniture de produits sanguins (5) ainsi que le bénéfice de la présomption de contamination consacré par l'article 102 de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L5021A8H). L'EFS qui ne parvient pas à prouver l'innocuité de tous les lots fournis devra alors indemniser la victime, sans bénéfice aucun de discussion, mais appellera en garantie l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident à l'origine des opérations et, partant, de la transfusion des produits sanguins contaminés (6). Se pose alors la question du fondement de ce recours, et de son étendue.
Après une longue période d'errements, la Cour de cassation a choisi une solution des plus surprenantes consistant à maintenir la subrogation dans les droits de la victime comme fondement du recours de l'EFS contre le conducteur du véhicule impliqué dans l'accident, tout en écartant l'application de la loi du 5 juillet 1985 au profit du droit commun (7). Motivée par le désir de réserver l'application de cette loi relative à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation aux seuls rapports d'obligation à la dette (8), la Cour de cassation a, d'une manière très contradictoire selon nous (9), autorisé l'EFS à invoquer, toujours dans le cadre de la subrogation dans les droits de la victime, le bénéfice de la présomption de contamination de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 afin d'opposer au conducteur le lien de causalité entre la contamination et l'accident (10), alors que ce texte est également destiné à protéger les victimes contaminées, et certainement pas l'EFS. Reste à déterminer l'étendue de ce recours.
Très classiquement, on sait que la jurisprudence considère qu'en présence de responsables tenus sans faute, le recours s'opère par parts égales, qu'entre responsables tenus pour faute la dette se répartit à proportion de la gravité des fautes respectives et qu'en cas de recours mettant en concours des responsables tenus sans faute et des responsables tenus pour faute ces derniers supporteront seuls la charge finale de l'indemnisation (11). Compte tenu de ce que l'on croyait savoir de la nature de la responsabilité de l'EFS, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, et du conducteur du véhicule, responsable sans faute par le seul fait de l'implication dans l'accident de son véhicule, il semblait logique de considérer que l'on était en présence d'un recours opposant deux coresponsables tenus sans faute et que le recours de l'EFS devrait par conséquent s'exercer par parts égales. Pourtant, la Cour de cassation, soucieuse de protéger les intérêts de l'assureur du conducteur et de limiter les possibilités de recours de l'EFS, a subordonné le recours de ce dernier à la preuve d'une faute commise par le conducteur (12). Ce faisant, la Cour de cassation supposait nécessairement que l'EFS devait être traité comme un responsable fautif, puisqu'en tant que responsable tenu sans faute son recours devrait également être admis contre un conducteur non fautif, et ce par parts égales (13). En traitant l'EFS comme un responsable pour faute, la Cour de cassation subordonne ainsi son recours à la preuve d'une faute commise contre le conducteur, puisque le recours d'un coresponsable solvens fautif est impossible si le coresponsable n'a pas commis de faute, et s'oriente vers un partage de la charge finale de la réparation établi classiquement à proportion de la gravité des fautes respectives. Or à la surprise générale la Cour de cassation a choisi, dans un arrêt en date du 5 juillet 2006, de procéder à un partage par parts égales, comme si elle renonçait à apprécier la gravité des fautes respectives ou comme si elle revenait aux principes qui gouvernent les recours entre coresponsables tenus sans faute (14). Cette solution n'était donc pas logique et la Cour devait choisir entre laisser aux juges du fond le soin d'apprécier la gravité des fautes commises par les coresponsables, ou renoncer à considérer l'EFS, au stade du recours, comme un responsable fautif, et lui permettre de recourir contre le conducteur impliqué dans l'accident pour moitié, en l'absence de faute de sa part, ou pour le tout dans l'hypothèse inverse. II - De solutions clarifiées mais contestables
La lecture des deux arrêts rendus le 25 janvier 2007 montre que la Cour de cassation revient sur le principe du recours par parts égales retenu en juillet 2006 et invite les juges du fond à revenir aux solutions habituellement admises entre coresponsables fautifs, "la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives". Le recours de l'EFS doit donc être admis lorsque le conducteur impliqué a commis une faute, mais uniquement pour partie (15). Si cette nouvelle décision réintroduit plus de cohérence dans la jurisprudence de la Cour, cohérence définitivement maltraitée par l'affirmation d'un partage par moitié, elle ne manque pas de laisser, de nouveau, perplexe sur le principe même selon lequel ces recours mettent en cause deux responsables tenus pour faute.
Tout d'abord, on ne pourra que s'étonner de l'absence de toute référence à l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 dans ces deux arrêts de cassation. Certes, la question de l'invocabilité de ce texte par l'EFS dans le cadre du recours n'était pas discutée ici, mais compte tenu des débats acharnés de ces derniers mois, son insertion dans le visa aurait sans doute été de nature à éviter toute nouvelle spéculation sur cette question délicate. Ensuite, nous persistons à ne pas comprendre comment l'EFS, tenu d'une obligation de sécurité de résultat s'agissant des produits contaminés transfusés à la victime, pourrait commettre une faute par ce seul fait, sans analyse critique de son comportement. Enfin, nous ne comprenons pas, non plus, ce qui justifie de limiter le recours contre le conducteur du véhicule à la seule hypothèse où il a commis une faute. Certes, la loi du 5 juillet 1985 n'étant pas applicable aux recours entre coauteurs, il convient de leur faire application du droit commun de la responsabilité civile. Mais il convient alors de fonder le recours contre le gardien du véhicule, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, qui se trouve alors être responsable sans faute prouvée du dommage causé, sauf à considérer que l'application de ce texte est exclu lorsque la chose n'a été que l'accessoire de la personne, c'est-à-dire a été mise en mouvement par la main de l'homme, ce qui constituerait alors un spectaculaire revirement de jurisprudence sur une question que l'on croyait définitivement réglée depuis longtemps. Nous ne comprenons donc pas cette obstination de la Cour de cassation à traiter l'EFS et le conducteur impliqué dans l'accident comme des responsables fautifs, ni d'ailleurs plus radicalement la pertinence du recours même de l'EFS contre le conducteur lorsqu'il s'agit du préjudice spécifique de contamination. Une solution, plus simple et plus logique, devrait conduire à considérer que, dans le cadre des recours, le conducteur n'est responsable que du dommage causé directement par l'accident et l'EFS du préjudice spécifique de contamination, sans que ce préjudice spécifique de contamination ne puisse être considéré comme directement imputable à l'accident (16). En paralysant le recours au nom du caractère direct du préjudice réparable, la Cour de cassation simplifierait considérablement le régime des recours et s'éviterait ainsi bien des errements ...
Christophe Radé
(1) Dernièrement CA Rennes, 14 mai 2004 : Resp. civ. et assur. 2005, comm. 116, et les obs.. |
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Réf. : Directive 2006/111/CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaines entreprises (N° Lexbase : L5048HT7)
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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
On rappellera, d'abord, qu'avait été, jadis, contestée la compétence de la Commission pour adopter un dispositif d'une telle nature et d'une telle ampleur sur le fondement de l'article 86 CE. Cette démarche a, toutefois, été validée par la Cour de justice (CJCE, 6 juillet 1982, aff. C-188 à C-190/80, République française, République italienne et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A2283AWH).
Initialement, la Directive 80/723/CEE avait une portée purement procédurale puisqu'elle imposait aux Etats de transmettre à la Commission certaines informations financières relatives aux entreprises publiques. Toutefois, la jurisprudence de la Cour de justice a conduit la Commission à enrichir substantiellement cette Directive dont rend compte cette nouvelle version. Son champ d'application est conçu de manière suffisamment vaste (I) afin que puisse être garantie la transparence entre l'Etat et les entreprises (II).
I. Champ d'application
A. Inclusion
La Directive s'impose, tout d'abord, non seulement à l'Etat central, mais, également, à tous les pouvoirs publics et, notamment, les collectivités territoriales infra-étatiques. On retrouve ici la conception extensive de l'Etat que retient le droit communautaire qui est à la fois gage de sa bonne application dans les systèmes juridiques internes et du respect de leur autonomie institutionnelle.
La notion d'entreprise publique est également étendue puisqu'il s'agit de "toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent". Il est précisé que "l'influence dominante des pouvoirs publics sur l'entreprise est présumée lorsque, directement ou indirectement, ceux-ci : i) détiennent la majorité du capital souscrit de l'entreprise ; ou ii) disposent de la majorité des voix attachées aux parts émises par l'entreprise ; ou iii) peuvent désigner plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance de l'entreprise" (article 2, b)). Cette notion d'influence dominante permet de ne pas limiter les entreprises publiques aux seules sociétés détenues majoritairement par les pouvoirs publics. Sont également concernées "les filiales des entreprises mères, aux divers degrés de la sous-filialisation, pourvu que l'influence dominante des pouvoirs publics soit toujours susceptible de s'exercer aux trois niveaux d'influence sélectionnés par la directive" (M. Durupty et J. Virolle, Entreprises publiques, Rép. Dalloz Droit communautaire, spéc. n° 14). De manière générale, cette conception de l'entreprise publique très économique renvoie aux définitions de la jurisprudence communautaire qui est indifférente à l'existence ou non d'une personnalité juridique (CJCE, 16 juin 1987, aff. C-118/85, Commission des Communautés européennes c/ République italienne N° Lexbase : A7911AUK).
B. Exclusion
Sont, évidemment, d'abord exclues du champ d'application de la Directive les entités n'exerçant pas une activité économique (CJCE, 23 avril 1991, aff. C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH N° Lexbase : A0092AWC). Tel n'est pas le cas d'un régime obligatoire d'assurance maladie et maternité des travailleurs non-salariés des professions non agricoles (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159 à C-160/91, Christian Poucet c/ Assurances générales de France et Caisse mutuelle régionale du Languedoc-Roussillon N° Lexbase : A5814AYY), mais est, en revanche, concerné un organisme à but non lucratif gérant un régime complémentaire d'assurance vieillesse facultatif et fonctionnant selon le principe de la capitalisation (CJCE, 16 novembre 1995, aff. C-244/94, Fédération française des sociétés d'assurance, Société Paternelle-Vie, Union des assurances de Paris-Vie et Caisse d'assurance et de prévoyance mutuelle des agriculteurs c/ Ministère de l'Agriculture et de la Pêche N° Lexbase : A9643AUP).
Sont ensuite exclues "les entreprises publiques, en ce qui concerne les prestations de services qui ne sont pas susceptibles d'affecter sensiblement les échanges entre les Etats membres" (article 5, paragraphe 1 a), et paragraphe 2 a)). Ce critère de l'affectation du commerce entre les Etats membres comme élément d'applicabilité du droit communautaire de la concurrence résulte de la lettre des articles 81 et 82 CE et la Cour de justice a précisé que cette affectation devait avoir un caractère sensible (CJCE, 9 juillet 1969, aff. C-5/69, Franz Völk c/ S.P.R.L. Ets J. Vervaecke N° Lexbase : A6565AUP). Les dispositions de la Directive ne sont pas, non plus, applicables aux entreprises dont le chiffre d'affaires total annuel net est inférieur à quarante millions d'euros. On retrouve, ainsi, une règle de minimis comme il en existe en matière d'entente.
II. Transparence
A. Les obligations formelles
Ces obligations correspondent à l'objet initial de la Directive. Il s'agit pour les Etats de faire apparaître "a) les mises à disposition de ressources publiques effectuées directement par les pouvoirs publics en faveur des entreprises publiques concernées ; b) les mises à disposition de ressources publiques effectuées par les pouvoirs publics par l'intermédiaire d'entreprises publiques ou d'institutions financières ; c) l'utilisation effective de ces ressources publiques" (article 1er, paragraphe 1). Sont, notamment, concernés "a) la compensation des pertes d'exploitation ; b) les apports en capital ou en dotation ; c) les apports à fonds perdus ou les prêts à des conditions privilégiées ; d) l'octroi d'avantages financiers sous forme de la non-perception de bénéfices ou du non-recouvrement de créances ; e) la renonciation à une rémunération normale des ressources publiques engagées ; f) la compensation de charges imposées par les pouvoirs publics" (article 3, paragraphe 1). Les Etats ont l'obligation de conserver durant cinq ans ces données financières afin qu'elles puissent être mises à disposition de la Commission.
Pour les entreprises qui opèrent dans le secteur manufacturier, les Etats doivent, notamment, communiquer le rapport de gestion et les comptes annuels et toutes les autres formes d'intervention de l'Etat, telles apports en capital, subvention, prêts. Ce régime plus rigoureux avait été prévu par la Directive 93/84/CE. Il résulte du constat de la Commission que c'est surtout dans le secteur manufacturier que des aides considérables sont accordées aux entreprises.
B. Les obligations comptables
Les entreprises titulaires de droits spéciaux ou de droits exclusifs et les services d'intérêt économique général qui reçoivent une compensation de service public doivent tenir des comptes séparés qui "reflètent fidèlement la structure financière et organisationnelle de toute entreprise soumise à l'obligation de tenir des comptes séparés, en faisant ressortir : a) les produits et les charges associés aux différentes activités ; b) le détail de la méthode d'imputation ou de répartition des produits et des charges entre les différentes activités" (article 1er, paragraphe 2). Il est, ainsi, imposé que "a) les comptes internes correspondant aux différentes activités soient séparés ; b) tous les produits et charges soient correctement imputés ou répartis sur la base de principes de comptabilité analytique appliqués de manière cohérente et objectivement justifiables ; c) les principes de comptabilité analytique selon lesquels les comptes séparés sont établis soient clairement définis" (article 4, paragraphe1). L'ensemble de ces données doit être accessible à la Commission pendant une durée de cinq ans. Ces dispositions ne sont, toutefois, pas applicables aux entreprises chargées d'un service d'intérêt économique général si les compensations ont été fixées à la suite d'une procédure ouverte, transparente et non-discriminatoire.
Ces dernières obligations ne sont que la conséquence de la jurisprudence communautaire. Avec l'arrêt "Corbeau" (CJCE, 19 mai 1993, aff. C-320/91, Procédure pénale c/ Corbeau N° Lexbase : A9609AUG), le juge communautaire a accepté sur le fondement de l'article 86, paragraphe 2, CE, au sein des entreprises publiques chargées d'un service d'intérêt économique général, l'existence de subventions croisées à condition, toutefois, que puissent être précisément déterminées les modalités de la compensation entre secteurs rentables et secteurs non rentables. Dès lors, la tenue de comptes séparés est apparue comme le préalable indispensable pour que puisse jouer au profit des services d'intérêt économique général la dérogation de l'article 86, paragraphe 2.
Par ailleurs, dans l'arrêt "Altmark" (CJCE, 24 juillet 2003, aff. C-280/00, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg c/ Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, en présence de Oberbundesanwalt beim Bundesverwaltungsgericht N° Lexbase : A2343C9N ; v. déjà, CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-53/00, Ferring SA c/ Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) N° Lexbase : A5861AXD), la Cour a estimé que ne devaient pas être qualifiées d'aides d'Etat les subventions versées à des entreprises en contrepartie de prestations de service public. Le juge communautaire avait posé quatre conditions afin que les juridictions nationales puissent s'assurer que des subventions ont bien pour objet de permettre l'exécution de sa mission de service public par l'entreprise bénéficiaire. La première et la troisième relèvent du truisme : "l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies" ; "la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations". La quatrième est tout à fait cohérente car, pour le calcul du niveau de la compensation nécessaire, elle fixe comme standard l'"entreprise moyenne bien gérée et adéquatement équipée". Quant à la deuxième, elle concerne "les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente". La Directive 2005/81/CE, qui est reprise par la Directive 2006/111/CE, permet assurément que puisse être mieux apprécié si ces critères sont ou non satisfaits. On rappellera que si les autorités nationales ne fournissent pas les indications permettant de déterminer précisément les coûts générés par les activités de service public et les paramètres de calcul de la compensation, le juge communautaire refuse le bénéfice de la jurisprudence "Altmark" (CJCE, 27 novembre 2003, aff. C-34 à C-38/01, Enirisorse SpA c/ Ministero delle Finanze N° Lexbase : A2990DAY).
Cette Directive 2006/111/CE ne pas doit, ainsi, pas être regardée par les Etats membres moins comme une nouvelle contrainte, mais, plutôt, comme une garantie de sécurité juridique au bénéfice des services publics.
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Réf. : Décret n° 2006-1805, 23 décembre 2006, relatif à la procédure en matière successorale et modifiant certaines dispositions de procédure civile (N° Lexbase : L9637HT4)
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par Christian Boyer, Avoué à la cour d'appel de Toulouse
Le 07 Octobre 2010
Le décret ne pouvait faire moins qu'adapter les règles existantes à l'importante loi du 23 juin 2006 ayant réformé les successions (loi n° 2006-728, 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités N° Lexbase : L0807HK4).
Elle peut, désormais, être sollicitée par le "pacsé " autant que par le conjoint, et par le mandataire désigné pour l'administration de la succession autant que par l'exécuteur testamentaire, l'article 1034 du Nouveau Code de procédure civile ayant été revu.
Les textes des articles 1128 à 1133 du Nouveau Code de procédure civile ont été intégralement créés. Ils précisent que l'inventaire peut être requis par ceux qui peuvent demander l'apposition des scellées ainsi que par le curateur à la succession vacante.
Ils déterminent les personnes qui doivent être appelées à l'inventaire.
L'inventaire obéira aux règles propres du professionnel qui l'établit (commissaire-priseur, huissier de justice ou notaire), le texte déterminant les mentions spécifiques de cet acte quel que soit le professionnel rédacteur. Il consistera en une liste numérotée des éléments d'actifs et pourra contenir le cas échéant la relation des qualités et droits de ceux prétendant à la communauté ou à la succession ainsi que la consistance active et passive de la communauté résultant des éléments remis au notaire.
Il est précisé qu'en cas de difficulté lors de l'établissement de l'inventaire le président du tribunal de grande instance sera saisi et statuera en la forme des référés.
Les articles 1334 à 1338 du NCPC sont créés. Ils déterminent les règles propres à "l'acceptation à concurrence de l'actif net", à la renonciation et à l'option du conjoint survivant, tout ceci en étroite relation avec les règles du Code civil. La déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net (anciennement dénommé acceptation sous bénéfice d'inventaire) sera faite par déclaration au greffe du tribunal de grande instance contre récépissé. Le texte fixe les modalités de publicité de cette mesure et de règlement de ses frais. Quant à la déclaration de renonciation à une succession, elle sera également faite au greffe du tribunal de grande instance et pourra être révoquée. Enfin, par référence aux articles 757 (N° Lexbase : L3361AB4) et 758-3 (N° Lexbase : L3483AWW) du Code civil, le conjoint successible devra exercer l'option par lettre recommandée avec accusé de réception.
Ce sont également des textes nouvellement créés (article 1343 à 1354) qui fixent les modalités d'intervention du curateur, en lien avec les dispositions des articles 809-1 (N° Lexbase : L9885HNG) et suivants du Code civil, notamment, quant à l'établissement de l'inventaire, aux formalités de déclaration de créance et à la vente des biens dépendant de la succession. La reddition de compte en fin de curatelle, ainsi que les recours des héritiers et les modes de réalisation des actifs subsistants sont également délimités.
Les articles 1355 à 1357 sont créés pour établir les modalités de l'enregistrement de sa désignation, de l'information qui lui est due par les héritiers, son pouvoir de les convoquer, et de la surveillance exercée sur lui par le président du tribunal de grande instance.
Comme dans la loi, il est distingué le partage amiable et le partage judiciaire.
Dans le cadre du partage amiable, le représentant de l'héritier défaillant sollicite l'autorisation de consentir au partage amiable en transmettant le projet de partage au juge, une fois approuvé par les co-partageants. Cette autorisation est donnée en dernier ressort.
Dans le cadre du partage judiciaire, les textes fixent les règles quant à l'assignation, à ses modalités de délivrance, précisent les cas où le tribunal ordonne le partage ou la licitation, au besoin après expertise.
Au cas de tirage au sort, ce dernier est réalisé devant notaire et, à défaut, devant le président du tribunal de grande instance, les héritiers défaillants étant représentés par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance.
Ramassés dans les dispositions particulières prévues aux articles 1364 à 1376 du NCPC, les pouvoirs du notaire et ceux de surveillance du juge sont clairement délimités. A noter que l'article 1376 reprend les règles du procès verbal de difficulté avec renvoi par le notaire devant le juge des co-partageants. Les règles de la procédure, alors contentieuse, ne paraissent pas clairement déterminées.
Enfin, les articles 1377 et 1378 déterminent le régime de la licitation, des immeubles et des meubles, précisant que si tous les indivisaires sont capables et présents, ils peuvent décider à l'unanimité que l'adjudication se déroulera entre eux.
Les articles 1379 à 1381 permettent à ceux qui avaient encore quelque espoir sur la clarté des textes de voir dissipée toute illusion. Ces trois textes, même s'ils ne contiennent que quelques lignes, renvoient à pas moins de 26 articles du Code civil, espérant déterminer les compétences du président du tribunal de grande instance, qui dans certains cas statuera "en la forme des référés".
II - Le changement de régime matrimonial
Le texte réforme, ici, des textes existants, les articles 1300 à 1303 du Nouveau Code de procédure civile.
C'est l'article 1397 du Code civil (N° Lexbase : L0272HPR) qui gouverne la matière. Le décret détermine, cependant, les personnes qui seront informées et les modalités des oppositions, ainsi que la publicité du changement de régime matrimonial et ses délais. On peut regretter qu'il faille attendre un arrêté du Garde des sceaux pour connaître le contenu de l'information prévue au deuxième alinéa de l'article 1397 du Code civil, ce qui fait perdre la cohérence d'ensemble de ce texte. L'homologation du changement de régime matrimonial sera sollicitée devant le tribunal de grande instance de la résidence de la famille, selon la procédure gracieuse.
III - Le divorce
Continuant la "visite à rebours" du NCPC, c'est, cette fois, par ajout des articles 1136-1 à 1136-3 que le décret tente de régler des opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux par renvoi aux textes du NCPC relatifs à l'administration de la preuve et plus particulièrement aux pouvoirs du technicien et de l'expert.
IV - La procédure de prise à partie
Elle vient compléter le Titre X du Premier livre du NCPC, par la création d'un cinquième chapitre, comprenant les articles nouveaux 366-1 à 366-9.
On ne pourra que regretter l'incapacité flagrante des rédacteurs à unifier ce texte avec les articles 505 à 516 de l'ancien Code de procédure civile, régissant les règles de la prise à partie, qui restent applicables,même si le rédacteur du décret a pris soin, in fine, d'abroger certains articles du Code de procédure civile (507-509 ; 511 ; 512 ; 514 et 515).
Une telle juxtaposition de textes peut faire douter de la possibilité de voir, un jour, un seul Code de procédure civile exister en France !
Une requête pour être autorisée à engager la procédure de prise à partie est déposée devant le premier président de la cour d'appel. Probablement dans le but de limiter ces recours, elle ne pourra être régularisée que par un avoué prés la cour et devra contenir l'énoncé des faits reprochés au juge, ainsi que les pièces justificatives. Si le premier président donne l'autorisation, l'affaire est fixée devant deux chambres réunies de la cour d'appel, le greffier informant le juge et le président de sa juridiction de cette décision "par tout moyen".
Si le premier président refuse d'autoriser cette procédure, un recours devant la Cour de cassation peut être formé dans les quinze jours de son prononcé, selon la procédure sans représentation obligatoire.
Il est à noter que le requérant, lorsque la procédure est autorisée et fixée, assigne le juge en vue de l'audience en annexant à son assignation copie de la requête de la décision du premier président et des pièces justificatives. L'huissier de justice notifiera par lettre recommandée avec accusé de réception une copie de cette assignation au Ministère public. De façon plus que curieuse, le texte de l'article 366-8 prévoie que, lors de l'audience, les règles de la procédure sans représentation obligatoire s'appliqueront.
En outre, lorsque la prise à partie est fondée sur le déni de justice, le requérant devra produire deux sommations de juger délivrées par huissier de justice dans un laps de temps supérieur à 8 jours. L'incohérence de ces règles et de leur codification révèle l'embarras des magistrats devant ce type de procédure.
V - Les significations
Deux petites précisions et clarification de texte : d'une part, il est précisé dans l'article 656 du NCPC (N° Lexbase : L7673HEW) que ce mode de signification constitue une signification à domicile ; d'autre part, la cohérence de l'article 1418 du même code, concernant la convocation par le greffier de toutes les parties en vue de l'audience d'injonction de payer, est revue.
VI - Autres dispositions
C'est le traditionnel "fourre tout" de ces décrets de toilettage. Pour l'essentiel, le rédacteur du décret s'est aperçu de certaines lacunes dans les textes récents concernant la saisie immobilière. Il complète certains articles, modifiant certains délais. Allongés de deux jours ou raccourcis de cinq, le souci du détail va jusqu'à réduire le délai à l'issue duquel les enchères sont écoulées de 3 minutes à 90 secondes (art. 9 du décret) !
L'avocat pourra compléter, par une déclaration écrite, remise au greffe dans les trois jours ouvrables de l'audience d'adjudication les renseignements d'identité concernant l'adjudicataire.
A noter également que l'article 125-1 s'ajoute dans le décret du 27 juillet 2006 (décret n° 2006-936, 27 juillet 2006, relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble N° Lexbase : L3872HKM) pour prévoir qu'au bout de six mois la consignation du prix de vente par l'acquéreur produit à l'égard du débiteur tous les effets d'un paiement.
Enfin l'entrée en application du décret est fixée au 1er janvier 2007, une mesure particulière destinée à assurer la cohérence des dates d'entrée en vigueur étant prévue en ce qui concerne les indivisions existantes et les successions non ouvertes non encore partagées.
On l'aura compris ce décret continue de disperser certains textes qu'il était nécessaire de moderniser et rectifie les erreurs de certains autres très récents et peu préparés.
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N0149BAR
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Le 07 Octobre 2010
Le décret attendu pris pour l'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme (ordonnance n° 2005-1527 N° Lexbase : L4697HDC) vient d'être publié au journal officiel du 6 janvier 2007.
Il se divise en trois chapitres, le principal étant le premier traitant des dispositions relatives à l'urbanisme.
La majorité des dispositions du présent décret ainsi que celles de l'ordonnance du 8 décembre 2005 entreront en vigueur le 1er juillet 2007. Toutefois, notons que certaines dispositions rétroagissent au 1 er janvier 2007... Il s'agit, notammen,t de dispositions relatives à la caducité des règles d'urbanisme spécifiques des lotissements et des règles relatives à la performance énergétique et aux énergies renouvelables (les nouveaux articles R. 111-21 et R. 111-21-1 du Code de la construction et de l'habitation sont applicables aux demandes de permis de construire déposée à compter du 1 er janvier 2007).
Le Titre II du Chapitre I a trait aux dispositions communes aux diverses autorisations et aux déclarations préalables. Il est distingué entre les dispositions applicables aux constructions nouvelles et celles applicables aux constructions existantes et aux changements de destination de ces constructions. Sont ensuite indiquées, pour chacune de ces catégories, les constructions soumises à permis de construire et celles soumises à déclaration préalable.
Rappelons que les dispositions réglementaires aux permis précaires sont l'objet du décret en date du 4 octobre 2006 (décret n° 2006-1220, 4 octobre 2006, relatif aux permis délivrés à titre précaire N° Lexbase : L3064HSB).
Pour mémoire, la réforme des autorisations d'urbanisme a pour objectifs :
- une clarification du droit de l'urbanisme et une meilleure précision du champ d'application des différentes autorisations (le texte actuel du Code de l'urbanisme prévoit onze autorisations différentes et cinq régimes de déclaration). La réforme regroupe ces autorisations en trois permis : permis de construire, permis d'aménager et permis de démolir et une seule déclaration préalable. Bien plus, à partir de l'entrée en vigueur de la réforme, une liste exhaustive des travaux soumis à permis, à déclaration préalable ou dispensés de formalité au titre du code de l'urbanisme sera fournie ;
- une amélioration de la qualité du service rendu aux usagers et aux élus (les délais d'instruction seront dorénavant garantis aux demandeurs de permis : un délai de base leur sera indiqué dès le dépôt de la demande). Si ce délai doit être prolongé pour permettre des consultations, cette prolongation doit impérativement leur être notifiée dans le mois qui suit le dépôt de la demande. En outre, les services consultés devront eux aussi émettre leur avis dans les délais qui leurs sont impartis par le décret, faute de quoi ces avis seront réputés favorables ;
- une meilleure précision des responsabilités respectives de l'autorité qui délivre le permis et des autres acteurs (constructeurs, architectes...) de façon à limiter l'insécurité juridique.
2. L'autorisation des plafonds de garantie pour les assurances de responsabilité décennale hors habitation : loi de finances rectificative n° 2006-1771, 30 décembre 2006, art. 145 (N° Lexbase : L9270HTI)
L'article 145 de loi de finances rectificative du 30 décembre 2006 insère dans le Code des assurances un nouvel article L. 243-9 aux termes duquel "les contrats d'assurance souscrits par les personnes assujetties à l'obligation d'assurance de responsabilité en vertu du présent titre peuvent, pour des travaux de construction destinés à un usage autre que l'habitation, comporter des plafonds de garantie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles les montants de garantie peuvent être plafonnés, en fonction notamment du montant des ouvrages, de leur nature ou de leur destination, de la qualité du maître d'ouvrage et du constructeur et, le cas échéant, du niveau de la couverture d'assurance des différents intervenants à une même construction".
Ce nouveau texte légalise donc la pratique des plafonds de garantie pour les assurances de responsabilité décennale pour des travaux de construction destinés à un usage autre que l'habitation, pratique que la Cour de cassation n'avait pas validée jusqu'à présent.
Ainsi par un arrêt en date du 12 mai 1993, la première chambre civile de la Cour de cassation avait-elle précisé que les clauses types applicables au contrat d'assurance de responsabilité pour les travaux de bâtiment, figurant à l'annexe 1 à l'article A 243-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L6064AB9), précisent que ce contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage et ne prévoient pas de limitation à cette garantie. Dès lors une telle limitation serait contraire à la finalité de ce type de garantie obligatoire (Cass. civ. 1, 12 mai 1993, n° 90-14.444, Compagnie Union des assurances de Paris (UAP) c/ Société France bennes et autres N° Lexbase : A3146ACI, Bull. civ. I, n° 161).
Désormais, l'assurance de responsabilité décennale ne couvrira plus nécessairement la valeur totale des travaux de construction de l'ouvrage destinés à un usage autre que l'habitation, mais pourra être limitée sur la base d'un plafond qui sera fixé par décret en Conseil d'Etat.
3. Durée de validité des documents constituant le dossier de diagnostic technique : décret n° 2006-1653, 21 décembre 2006 (N° Lexbase : L8546HTP)
Un décret en date du 21 décembre 2006 précise la durée de validité du diagnostic de performance énergétique prévu à l'article L. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6487G97) et annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un bâtiment, ainsi que celle relative à la durée de validité de l'état de l'installation intérieure de gaz.
Aux termes d'un nouvel article R. 271-5 du Code de la construction et de l'habitation, par rapport à la date de la promesse de vente ou à la date de l'acte authentique de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, les documents prévus aux 1°, 3°, 4° et 6° du I de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1991HPG) doivent avoir été établis depuis :
- moins d'un an pour le constat de risque d'exposition au plomb, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 271-5 (N° Lexbase : L1992HPH) ;
- moins de six mois pour l'état du bâtiment relatif à la présence de termites ;
- moins de trois ans pour l'état de l'installation intérieure de gaz ;
- moins de dix ans pour le diagnostic de performance énergétique.
James Alexandre Dupichot,
Avocat associé
Marine Parmentier,
Avocat
Contact :
SELARL Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris
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Réf. : Cass. soc., 16 janvier 2007, n° 05-43.434, M. Fabien Mozet, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5820DTQ)
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
Lorsque des salariés sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention de prévoyance est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. |
Décision
Cass. soc., 16 janvier 2007, n° 05-43.434, M. Fabien Mozet, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5820DTQ) Cassation (CA Aix-en-Provence, 9ème ch., sect. A, 12 mai 2005) Textes visés : articles 2 et 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 (N° Lexbase : L5011E4D). Mots-clefs : prévoyance ; souscription ; protection sociale complémentaire. Lien bases : |
Faits
M. Mozet, salarié de la société UAP puis de la société Axa France, a été en arrêt maladie à partir du 4 décembre 2000 et a perçu des indemnités journalières au titre de la garantie "incapacité de travail" d'un contrat de prévoyance qui prévoyait qu'en cas de reconnaissance d'inaptitude à la fonction par le médecin du travail, les salariés percevraient une rente annuelle d'un certain montant. M. Mozet, qui était toujours en arrêt maladie, a fait l'objet d'une reconnaissance d'inaptitude le 22 avril 2003 et a réclamé le bénéfice de la rente. La rente lui a été refusée au motif qu'un nouveau contrat de prévoyance avait été substitué au premier le 1er juillet 2001 et qu'il ne comportait pas une telle rente. La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt rendu le 12 mai 2005, a débouté M. Mozet de sa demande au motif que le second contrat de prévoyance lui était opposable. Pourvoi formé par M. Mozet, contre l'arrêt rendu le 12 mai 2005 par la cour d'appel d'Aix-en-rovence, dans le litige l'opposant à la société Axa France. Cassation partielle. |
Solution
L'inaptitude de M. Mozet reconnue en avril 2003 est consécutive à la maladie dont il était atteint depuis décembre 2000, et en raison de laquelle il avait perçu jusqu'à la déclaration d'inaptitude des indemnités journalières au titre du premier contrat de prévoyance : l'attribution de la rente constitue une prestation différée relevant de l'exécution de ce même contrat. |
Observations
La doctrine n'a peut-être pas saisi tous les enjeux du droit de la protection complémentaire, qui pose pourtant des questions à la fois théoriques et opérationnelles de premier plan (3). Parmi celles-ci, celle relative au droit au maintien des prestations, indépendamment de toutes les circonstances qui pourraient affecter le contrat de prévoyance en vertu duquel elles sont versées, notamment sa résiliation : l'enjeu est la protection des assurés en matière de prévoyance collective. Le législateur en a eu conscience (art. 7 de la loi "Evin"), en posant le principe que, lorsque les assurés sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liées à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat de prévoyance est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. L'arrêt rendu par la Cour de cassation montre que ce principe fort recelait, pourtant, certaines incertitudes juridiques. En l'espèce, à la suite de sa maladie, un salarié a perçu des indemnités journalières en vertu d'un premier contrat de prévoyance aux termes duquel, en cas de reconnaissance d'inaptitude à la fonction par le médecin du travail, il aurait droit à une rente annuelle. Une telle reconnaissance était intervenue plus de 2 années après l'arrêt de travail pour maladie et le salarié, qui percevait jusque-là les indemnités journalières, avait demandé le bénéfice de cette rente, laquelle lui avait été refusée au motif qu'un second contrat de prévoyance s'était, entre temps, substitué au premier et que ce second contrat ne prévoyait pas une telle rente. L'arrêt attaqué, qui avait débouté le salarié, a été cassé car la rente constituait une prestation différée, au sens de l'article 7 de la loi "Evin", relevant de l'exécution du premier contrat de prévoyance, de sorte que le salarié ne pouvait en être privé en raison de son remplacement par un second contrat de prévoyance, diminuant les garanties, qui ne lui était pas opposable. En réalité, deux questions distinctes se posent : la prise en charge des états pathologiques antérieurs à la souscription du contrat avec l'organisme assureur (1) et le maintien des garanties après la résiliation des contrats collectifs (2). 1. La prise en charge des états pathologiques antérieurs à la souscription du contrat avec l'organisme assureur 1.1. Obligation légale Lorsque des salariés sont garantis collectivement, soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par décision unilatérale de l'employeur, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration (loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, art. 2, modifié par loi n° 94-678 du 8 août 1994, art. 14 III). Aucune pathologie ou affection qui ouvre droit au service des prestations en nature de l'assurance maladie du régime général de Sécurité sociale ne peut être exclue du champ d'application des contrats ou conventions visés au premier alinéa dans leurs dispositions relatives au remboursement ou à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident. 1.2. La portée de la règle de la prise en charge des états pathologiques antérieurs à la souscription du contrat avec l'organisme assureur Lorsque des salariés sont garantis collectivement contre certains risques, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques intervenus antérieurement (loi n° 89-1009, 31 décmbre 1989, art. 2, al. 1). Les risques garantis sont le risque décès, le risque portant atteinte à l'intégrité physique ou lié à la maternité, le risque d'incapacité de travail ou d'invalidité (loi n° 89-1009, 31 décembre 1989, art. 2, al. 1). Sont prises en charge les suites des états pathologiques intervenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion de ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration (loi n° 89-1009, 31 décembre 1989, art. 2, al. 1). Aucune pathologie ou affection qui ouvre droit au service des prestations en nature de l'assurance maladie du régime général de Sécurité sociale ne peut être exclue du champ d'application des contrats ou conventions (loi n° 89-1009, 31 décembre 1989, art. 2, al. 2). Mais, l'organisme de prévoyance peut refuser de prendre en charge les suites d'une maladie contractée antérieurement si la ou les maladies antérieures sont clairement mentionnées dans le contrat individuel ou dans le certificat d'adhésion au contrat collectif (loi n° 89-1009, 31 décembre 1989, art. 3, al. 2, a). L'organisme de prévoyance doit apporter la preuve que la maladie était antérieure à la souscription du contrat ou à l'adhésion au contrat collectif (loi n° 89-1009, 31 décembre 1989, art. 3, al. 2, b). La Cour de cassation en tire la conséquence que, si une clause aboutit à supprimer les prestations dues au titre d'un risque qui s'était réalisé avant la résiliation de la police, elle doit être réputée non écrite. En effet, les prestations liées à la réalisation d'un sinistre survenu pendant la période de validité d'une police d'assurance de groupe ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de cette police. Dans le même sens, la jurisprudence retient que le contrat d'assurance groupe ne peut prévoir ni la réduction du montant des garanties (rentes d'éducation et d'allocations études) en fonction des résultats constatés, ni la suppression de la garantie des risques nés avant la résiliation de la police. Dès lors, est frappée de nullité la clause d'un contrat d'assurance groupe aboutissant à supprimer les prestations dues au titre d'un risque réalisé avant la résiliation du contrat (Cass. civ. 1, 12 juin 1990, n° 88-18.821, Société AC Nielsen Company et autres c/ Mme Guiard et autre, publié N° Lexbase : A4007AHU). En l'espèce (arrêt rapporté), l'inaptitude du salarié, reconnue en avril 2003, était consécutive à la maladie dont il était atteint depuis décembre 2000, et en raison de laquelle il avait perçu jusqu'à la déclaration d'inaptitude des indemnités journalières au titre du premier contrat de prévoyance : l'attribution de la rente constitue une prestation différée relevant de l'exécution de ce même contrat. Mais auparavant, la Cour de cassation avait décidé que les effets d'une résiliation de polices garantissant, en cas d'accident, le versement à l'assuré d'indemnités journalières pendant la durée de son incapacité de travail, et le paiement d'une rente ou d'un capital en cas d'invalidité, sont régis par les règles concernant les assurances de personnes et non par celles concernant les assurances de responsabilité. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui, pour retenir la garantie de l'assureur malgré la résiliation de la police, énonce qu'il suffit que le fait dommageable se situe pendant la période de validité du contrat, une telle règle ne concernant que les assurances de responsabilité et non les assurances de personnes (Cass. civ. 1, 24 juin 1997, n° 95-14.592, Groupe des populaires d'assurance-vie c/ M. Romeu, publié N° Lexbase : A6546AHW). 2. Maintien des garanties après la résiliation des contrats collectifs On le sait, la loi "Evin" a prévu que, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Le versement des prestations se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention. De telles révisions ne peuvent être prévues à raison de la seule résiliation ou du seul non-renouvellement. L'engagement doit être couvert à tout moment, pour tous les contrats ou conventions souscrits, par des provisions représentées par des actifs équivalents (loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, art. 7, modifié par loi n° 94-678 du 8 août 1994, art. 14 III). 2.1. Maintien des garanties après la résiliation des contrats collectifs Le maintien à titre individuel de la couverture de prévoyance s'applique aux salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues par l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 (loi n° 89-1009, du 31 décembre 1989, art. 5). La couverture est maintenue pour les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité (loi n° 89-1009, du 31 décembre 1989, art. 5). Le contrat doit prévoir le délai de préavis applicable à sa résiliation ou à son non-renouvellement (loi n° 89-1009, 31 décembre 1989, art. 5). Le contrat doit prévoir les modalités et les conditions tarifaires selon lesquelles l'organisme peut maintenir la couverture au profit des salariés concernés (loi n° 89-1009, du 31 décembre 1989, art. 5). La couverture est maintenue sous réserve que les salariés en fassent la demande avant la fin du délai de préavis (loi n° 89-1009, du 31 décembre 1989, art. 5). Dans une espèce soumise à la Cour de cassation en 2003, l'article 2 des conditions générales du contrat prévoyait que "tout assuré cesse d'être garanti et perd la qualité d'assuré dès le jour où il n'appartient plus à la catégorie de personnel à laquelle le contrat s'applique". Ces clauses du contrat de prévoyance aboutissaient à supprimer les prestations dues au titre d'un risque qui s'était réalisé avant la résiliation de la police d'assurance. Elles ne pouvaient être opposées à la salariée si les prestations demandées avaient pour origine des risques survenus pendant la période de garantie, et doivent être réputées non écrites (Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41.669, F-D N° Lexbase : A5296A7B). De même, selon la Cour de cassation, les prestations liées à la réalisation d'un sinistre survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance de prévoyance ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de la police (Cass. civ. 1, 9 février 1999, n° 96-18.600, Caisse nationale de prévoyance c/ Commune de La Possession et autres, publié N° Lexbase : A7259CGX). 2.2. Maintien des prestations au niveau atteint au jour de la résiliation du contrat avec l'organisme assureur La résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution (loi n° 89-1009, du 31 décembre 1989, art. 7, al. 1). Le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention (loi n° 89-1009, du 31 décembre 1989, art. 7, al. 1). De telles révisions ne peuvent être prévues à raison de la seule résiliation ou du seul non-renouvellement (loi n° 89-1009, du 31 décembre 1989, art. 7, al. 1). Selon la Cour de cassation, il résulte de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1989 qu'en matière de prévoyance collective, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Constitue une prestation différée au sens de ce texte, l'indemnité forfaitaire qui, dans le contrat de prévoyance collective garantissant des adhérents exerçant la profession de chauffeur routier contre les risques décès, invalidité et incapacité de travail, se substitue, en cas de retrait définitif du permis de conduire pour inaptitude, aux indemnités journalières servies pendant la période de suspension temporaire pour raison médicale, de sorte que l'adhérent a droit au versement de cette indemnité même si le retrait définitif est prononcé postérieurement à la résiliation du contrat de groupe, dès lors que la garantie de l'incapacité temporaire d'emploi a été mise en oeuvre, à raison du même accident ou de la même maladie, pendant la période d'effet du contrat (Cass. civ. 1, 2 octobre 2002, n° 99-14.298, FS-P+B N° Lexbase : A9144AZP). Mais, en matière d'assurance de prévoyance collective, le capital-décès ne peut constituer une prestation différée au sens de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1989, seule la date de la mort de l'assuré, et non celle de son fait générateur, étant déterminante du droit au versement de la prestation d'assurance. Aussi, l'assureur n'est pas tenu de prendre en charge le décès d'un adhérent survenu après la résiliation de son contrat de groupe, peu important que ce décès fût consécutif à une maladie prise en charge pendant la période d'effet du contrat (Cass. civ. 1, 22 mai 2001, n° 98-17.935, Société Jeanne Lanvin c/ Assurances générales de France (AGF-Vie). N° Lexbase : A4958ATS).
Christophe Willmann
(1) P. Gisserot, D. Bucheton, P. Claustres, S. Silland, Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale, Groupe de travail interministériel sur la protection sociale complémentaire. |
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Le 07 Octobre 2010
Dès lors qu'il est constaté que, d'une part, la société, à qui avait été confiée la fabrication de "panneaux isothermes", avait déterminé les dimensions des différents panneaux commandés par l'entreprise et les avait fabriqués sur mesure afin de répondre à des exigences sanitaires et thermiques spécifiques, et que, d'autre part, les aménagements effectués sur le chantier étaient conformes aux prévisions et directives de la société fabricante, une cour d'appel peut exactement en déduire que le fabricant de ces panneaux, conçus et produits pour le bâtiment en cause et mis en oeuvre sans modification, était, en application des dispositions de l'article 1792-4 du Code civil (N° Lexbase : L1924ABU), solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d'ouvrage.
En l'espèce, la question de la responsabilité solidaire du fabricant de matériaux se posait pour des panneaux "Plasteurop", objets de désordres après réception, utilisés pour réaliser des entrepôts frigorifiques.
La Cour de cassation, saisie une première fois de cette question, avait précisé que l'article 1792-4 du Code civil ne pouvait s'appliquer à des panneaux fabriqués pour constituer des entrepôts frigorifiques à température négative ou positive, découpés en usine aux dimensions voulues pour la réalisation de l'entrepôt et assemblés sur le chantier conformément aux règles édictées par le fabricant, dès lors que de tels panneaux étaient proposés à la vente par d'autres fabricants et qu'il était nécessaire de les découper sur place pour y insérer des portes, des fenêtres, des châssis d'éclairage ou d'aération ou des passages de gaines techniques, de tels panneaux constituant alors des éléments indifférenciés et nécessitant des modifications pour leur mise en oeuvre (Cass. civ. 3, 22 septembre 2004, n° 03-10.325, Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) c/ Société financière et industrielle du Peloux, FS-P+B N° Lexbase : A4192DDM).
Il apparaît, au vu des décisions rendues concernant la qualification d'"EPERS" (élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire), que la Cour de cassation s'attache à trois caractéristiques pour distinguer l'EPERS du matériau ou du produit indifférencié (RD imm. 2004, p. 571, obs. Malinvaud) : l'originalité dans sa conception ; la spécificité pour répondre à un usage précis et déterminé, notamment pour l'ouvrage considéré ; l'aptitude du produit ou du matériau à être mis en oeuvre sans modification.
Dans l'arrêt rendu en 2004, la Cour avait donc relevé l'absence d'originalité et la nécessité de modifications pour la mise en oeuvre des panneaux litigieux.
La cour d'appel de renvoi n'a, pourtant, pas cru devoir faire sienne l'appréciation de la Cour de cassation et avait retenu la responsabilité solidaire du fabricant des panneaux.
Un nouveau pourvoi était formé. C'est dans ces circonstances qu'a été rendu l'arrêt d'Assemblée plénière commenté.
Au soutien de son pourvoi, la SMABTP soulignait l'absence d'originalité de l'élément (il s'agirait d'un produit indifférencié, sans finalité extrinsèque prédéterminée) et la nécessité de modifier les panneaux pour les mettre en oeuvre.
L'Assemblée plénière, confirmant l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi, estime que dès lors que le fabricant avait déterminé les dimensions des différents panneaux commandés par l'entreprise et les avait fabriqués sur mesure afin de répondre à des exigences sanitaires et thermiques spécifiques (condition d'originalité et spécificité du produit), et que, les aménagements effectués sur le chantier étaient conformes aux prévisions et directives de la société fabricante (ces aménagements ne seraient donc pas des modifications mais des ajustements répondant à des prescriptions très précises et déterminées du fabricant ?), une cour d'appel peut exactement en déduire que le fabricant de ces panneaux, conçus et produits pour le bâtiment en cause (spécificité pour répondre à un usage précis et déterminé) et mis en oeuvre sans modification, était, en application des dispositions de l'article 1792-4 du Code civil, solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d'ouvrage.
Récemment, la Cour de cassation a également eu l'occasion de préciser que pouvait être qualifié d'"EPERS" des fenêtres fabriquées sur commande spécifique dont le montage s'est effectué sans modification affectant leur structure (Cass. civ. 3, 4 janvier 2006, n° 04-13.489, FS-P+B N° Lexbase : A1716DMI).
2. Responsabilité du maître d'oeuvre sur le fondement du trouble anormal de voisinage : Cass. civ. 3, 20 décembre 2006, n° 05-10.855, Société Atelier 2M, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0878DTP)
Dans l'exercice du recours du maître de l'ouvrage ou de son assureur au titre d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, la contribution à la dette, en l'absence de faute, se répartit à parts égales entre les co-obligés. Retenant que la responsabilité, tant de l'architecte que de l'entrepreneur, était engagée, vis-à-vis de l'assureur subrogé dans les droits des victimes en raison des troubles anormaux de voisinage dont ils étaient les auteurs, sans qu'aucune faute de leur part ne leur soit imputée, une cour d'appel peut en déduire, à bon droit, que, dans leurs recours entre co-obligés, chacun supporterait par parts égales la charge de la condamnation.
Tel est l'apport de l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 décembre 2006.
La responsabilité de l'architecte peut donc être engagée sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
La Cour de cassation avait déjà admis, dans un arrêt en date du 22 juin 2005, que les constructeurs peuvent être considérés comme les voisins occasionnels des voisins victimes de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage ("la cour d'appel a retenu à bon droit que le propriétaire de l'immeuble auteur des nuisances et les constructeurs à l'origine de celles-ci sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, ces constructeurs étant, pendant le chantier, les voisins occasionnels de propriétaires lésés" : Cass. civ. 3, 22 juin 2005, n° 03-20.068, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7982DIH).
Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation étend donc le domaine de la responsabilité fondée sur le trouble anormal de voisinage à l'architecte.
3. Point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle des constructeurs pour défaut de conformité de l'ouvrage : Cass. civ. 3, 22 novembre 2006, n° 05-19.565, Société Habitations à loyer modéré (HLM) espace habitat construction, FS-P+B (N° Lexbase : A5347DST)
Dans un arrêt en date du 22 novembre 2006, la Cour de cassation précise que la responsabilité des constructeurs ne peut être invoquée, quant aux défauts de conformité affectant l'ouvrage, au-delà d'un délai de dix ans à compter de la réception.
En l'espèce, le maître de l'ouvrage avait chargé une société de la construction de maisons individuelles. Après réception (intervenue le 3 mars 1985), arguant que la délivrance du certificat de conformité lui avait été refusée en raison de l'altimétrie de quatre maisons ne respectant pas la hauteur stipulée au traité de cour commune reprise aux permis de construire, le maître de l'ouvrage avait assigné le constructeur pour obtenir la mise en conformité des ouvrages.
Les premiers juges avaient déclaré la demande du maître de l'ouvrage prescrite.
A l'appui de son pourvoi en cassation, ce dernier faisait, notamment, valoir que, lorsque seule la responsabilité de droit commun de l'entrepreneur est recherchée, le point de départ du délai de prescription de l'action ne court qu'à compter de la manifestation du dommage ou du jour où la victime a pu en avoir connaissance dans des conditions lui permettant d'agir. En l'occurrence, ayant constaté que les désordres n'étaient apparus que le 7 mars 1988, que la responsabilité de l'entrepreneur de travaux était recherchée suivant les règles du droit commun de la responsabilité contractuelle et que l'assignation en référé avait été délivrée le 3 septembre 1996, le maître de l'ouvrage soutenait que la cour d'appel ne pouvait pas déclarer son action prescrite sans violer l'article L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L5548AIC).
La Cour de cassation rejette le pourvoi et précise que la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs ne peut être invoquée, quant aux défauts de conformité affectant l'ouvrage, au-delà d'un délai de dix ans à compter de la réception.
Ayant relevé que la réception était intervenue le 3 décembre 1985, que l'assignation en référé aux fins d'expertise avait été délivrée le 3 septembre 1996 et que le maître de l'ouvrage n'alléguait pas avoir été mis dans l'impossibilité absolue d'agir dans le délai de dix ans de la réception puisque le défaut de conformité invoqué lui avait été révélé le 7 mars 1988, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription était acquise.
Rappelons que la Haute juridiction avait déjà précisé que l'action en responsabilité contractuelle contre les constructeurs se prescrit par dix ans à compter de la réception de l'ouvrage avec ou sans réserves (Cass. civ. 3, 16 octobre 2002, n° 01-10.330, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2598A3M).
Cette prescription abrégée est donc, également, applicable en matière de responsabilité contractuelle pour défaut de conformité de l'ouvrage.
4. Déficit de superficie : quel préjudice indemnisable ? Cass. civ. 3, 8 novembre 2006, n° 05-16.948, Société d'architectes Panet-Desseigne, FS-P+B (N° Lexbase : A3051DSS) et Cass. civ. 3, 25 octobre 2006, n° 05-17.427, M. Maurice Thuillier, FS-P+B (N° Lexbase : A0385DS3)
La restitution du prix en raison d'une superficie insuffisante du bien vendu ne constitue pas un préjudice indemnisable permettant une action en garantie. Tel est l'enseignement qui ressort de deux arrêts rendus par la Cour de cassation les 25 octobre 2006 et 8 novembre 2006 dans lesquels les vendeurs formaient un appel en garantie à l'encontre d'un architecte et d'un professionnel du mesurage.
Le premier arrêt a été rendu au visa de l'article 46, alinéa 7, de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4853AH9), duquel il résulte que, si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.
La Cour de cassation indique que la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la diminution du prix prévue par l'article 46, alinéa 7, de la loi du 10 juillet 1965 résultant de la délivrance d'une moindre mesure par rapport à la superficie convenue ne constitue pas un préjudice indemnisable. En conséquence, cette restitution ne peut donner lieu à garantie de la part du professionnel du mesurage.
Dans le second arrêt, un vendeur en l'état futur d'achèvement avait assigné le maître d'oeuvre pour être garanti de la partie du prix à restituer aux acquéreurs en raison d'un déficit de superficie. Cet appel en garantie a été jugé recevable puisque fondé sur les erreurs de superficie commises par l'architecte. En revanche, la Cour de cassation n'y a pas fait droit estimant que la restitution de partie du prix à laquelle un contractant est condamné ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie.
5. L'obligation pour le syndic de convoquer une assemblée générale aux fins de ratification de travaux urgents nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble : Cass. civ. 3, 17 janvier 2007, n° 05-17.119, Mme Catherine Beurton, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5718DTX)
Lorsque, en cas d'urgence, le syndic fait procéder, de sa propre initiative, à l'exécution des travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble, il en informe les copropriétaires et convoque immédiatement une assemblée générale, cette ratification des travaux ne peut résulter implicitement de l'approbation des comptes. Tel est l'enseignement qui résulte de l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 janvier 2007 (voir également Cass. civ. 3, 1er février 2005, n° 03-19.787, F-D N° Lexbase : A6367DGW).
La Haute juridiction casse donc et annule en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Neuilly-Sur-Seine, duquel il résultait que ces travaux, qui n'avaient pas été votés mais effectués à l'initiative du syndic, avaient été implicitement mais nécessairement approuvés par les assemblées générales qui ont suivi, l'approbation des comptes valant ratification des travaux.
Cette obligation de convocation immédiate de l'assemblée résulte du texte de l'article 37, alinéa 1er, du décret du 13 mars 1967 (N° Lexbase : L8032BB4), au visa duquel la décision commentée a été rendue.
Le syndic qui négligerait de convoquer une assemblée engagerait sa responsabilité à l'égard du syndicat des copropriétaires dans la mesure du préjudice subi par ce dernier (voir CA Paris, 23ème ch., 7 février 1996, Epoux Brebiou et autres c/ SA Cogim-au-Raincy, Loyers et copr. 1996, n° 282).
Afin de convoquer "immédiatement" une assemblée générale, le syndic peut appliquer la procédure d'urgence prévue par l'article 9 du décret du 13 mars 1967.
6. Bail d'habitation à durée réduite : effet de l'absence de survenance de l'événement prévu et sort du congé donné prématurément : Cass. civ. 3, 10 janvier 2007, n° 05-21.408, M. Mihai Esanu, FS-P+B (N° Lexbase : A4821DTQ)
Lorsqu'un événement précis justifie que le bailleur, personne physique, ait à reprendre le local pour des raisons professionnelles ou familiales, les parties peuvent conclure un contrat d'une durée inférieure à trois ans mais d'au moins un an. Toutefois, lorsque l'événement stipulé ne s'est pas produit ou n'est pas confirmé, le contrat de location est réputé être de trois ans. Telle est la solution posée par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 10 janvier 2007.
Rappelons qu'il résulte de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L4383AHS) que le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés visées à l'article 13, et à six ans pour les bailleurs personnes morales.
Toutefois, ainsi que le précise l'article 11 de la même loi (N° Lexbase : L4384AHT), quand un événement précis justifie que le bailleur personne physique ait à reprendre le local pour des raisons professionnelles ou familiales, les parties peuvent conclure un contrat d'une durée inférieure à trois ans mais d'au moins un an. Le contrat doit mentionner les raisons et l'événement invoqués.
Dans cette hypothèse, le bailleur confirme, deux mois au moins avant le terme du contrat, la réalisation de l'événement.
Lorsque l'événement stipulé, qui doit être suffisamment déterminé dans sa consistance et dans sa date, ne survient pas, le bail est alors réputé avoir été conclu pour une période de trois années, conformément à l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989.
Dans l'arrêt commenté du 10 janvier 2007, une personne physique avait donné à bail à un particulier un appartement pour une durée de vingt-quatre mois en raison de considérations familiales. A son expiration, le bail, auquel il n'avait pas été mis fin, avait été tacitement reconduit par périodes de trois ans. Le 22 octobre 2003, le bailleur avait délivré pour le 30 juin 2004 un congé afin de reprise au locataire. Ce dernier avait alors soulevé l'irrégularité du congé délivré, selon lui, prématurément.
Pour accueillir la demande et déclarer le congé valable avec effet au 30 juin 2004, les premiers juges avaient retenu que le bail signé pour une durée initiale de vingt-quatre mois s'était renouvelé tacitement par périodes de trois années, la dernière venant à expiration le 30 juin 2004.
Au visa de l'article 10 de la loi du 23 décembre 1986 (applicable aux faits de l'espèce, et 11 de la loi du 6 juillet 1989, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel et précise que le bail initial étant réputé de trois ans (puisque l'événement justifiant la durée réduite n'était pas survenu) et un congé donné pour une date prématurée ayant ses effets reportés à la date pour laquelle il aurait dû être donné, la dernière reconduction tacite de trois ans venait à expiration le 30 juin 2005 (soit à l'expiration de la période triennale de reconduction depuis la date de prise d'effet du bail).
Cet arrêt est également l'occasion de rappeler que le congé donné pour une date prématurée n'est pas nul mais prend effet à la date pour laquelle il aurait dû être donné (voir déjà Cass. civ. 3, 17 mai 2005, n° 03-20.730, F-D N° Lexbase : A3719DIL).
James Alexandre Dupichot,
Avocat associé
Marine Parmentier,
Avocat
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22 avenue de Friedland
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Réf. : Cass. soc., 24 janvier 2007, n° 05-44.346, Mme Akila Kechacha, épouse Maachi c / M. Farid Maachi, FS-P+B (N° Lexbase : A6907DTY)
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
L'existence d'un lien de subordination n'est pas une condition nécessaire à l'application de l'article L. 784-1 du Code du travail réglementant le statut du conjoint salarié. |
Décision
Cass. soc., 24 janvier 2007, n° 05-44.346, Mme Akila Kechacha, épouse Maachi c/ M. Farid Maachi, FS-P+B (N° Lexbase : A6907DTY) Cassation (CA Amiens, 5ème chambre sociale, cabinet B, 29 juin 2005) Textes visés : C. trav., art. L. 121-1 (N° Lexbase : L5443ACL) ; C. trav., art. L. 784-1 (N° Lexbase : L5345ACX) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC). Mots-clés : conjoint, contrat de travail, lien de subordination, rupture amiable. Lien bases : |
Faits
M. Maachi, avocat, a engagé son épouse en qualité de secrétaire selon un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 1996. Il a cessé de la rémunérer et de la déclarer aux organismes sociaux à compter de décembre 1996. Soutenant que son contrat de travail s'était poursuivi jusqu'à l'engagement d'une procédure de divorce survenu le 27 mars 2002, Mme Kechacha a sais le conseil de prud'hommes de diverses demandes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail. Pour rejeter l'ensemble des demandes, l'arrêt attaqué a retenu que M. Maachi reconnaît que son épouse travaillait au sein du cabinet, mais prétend que l'activité qu'elle exerçait depuis décembre 1996 s'exerçait dans le cadre de la contribution aux charges du mariage et de l'entraide familiale. Si l'un des témoins a déclaré qu'elle était présente tous les jours au cabinet de 9 heures à 17 heures, à l'exception du mercredi, et d'autres témoins ont attesté de sa présence quotidienne, certains ont indiqué qu'elle venait à sa convenance, n'avait pas d'horaire précis et gérait son horaire en toute liberté, sans recevoir de remarques de son conjoint. En outre, les juges du fond ont relevé qu'il ne résulte d'aucun élément qu'elle recevait des directives, instructions ou injonction et rendait compte de son activité. N'étant pas soumise au pouvoir de direction et de sanction de son mari et à défaut de lien de subordination, l'existence d'un contrat de travail doit être écartée. Enfin, la poursuite de son travail au cabinet et l'absence de réclamation de Mme Kechacha pendant 5 ans suffisent à établir la rupture d'un commun accord de son contrat de travail en décembre 1996. |
Solution
Cassation pour violation des articles L. 121-1, L. 784-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil. "Attendu, cependant, que l'existence d'un lien de subordination n'est pas une condition nécessaire à l'application de l'article L. 784-1 du Code du travail réglementant le statut du conjoint salarié". "Qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, alors qu'il résulte de ses propres constatations que Mme Kechacha a travaillé effectivement dans le cabinet d'avocat de son époux, en vertu du contrat de travail à temps partiel du 1er juin 1996, à titre professionnel et habituel et que cette activité s'est poursuivie jusqu'en 2002, la poursuite du travail sans rémunération et sans protestation de l'intéressée ne pouvant constituer la preuve d'une rupture amiable, la cour d'appel a violé les textes susvisés". |
Observations
1. Les conditions d'attribution du statut de conjoint salarié
Ainsi que le rappelle avec force la Cour de cassation dans l'arrêt sous examen, "l'existence d'un lien de subordination n'est pas une condition nécessaire à l'application de l'article L. 784-1 du Code du travail réglementant le statut du conjoint salarié". Loin de faire preuve d'innovation, la Chambre sociale ne fait que reprendre une solution qu'elle avait retenue dans un arrêt retentissant rendu le 6 novembre 2001 (Cass. soc., 6 novembre 2001, n° 99-40.756, Mme Josette Bouvard c/ M. Robert Zanaria, publié N° Lexbase : A0668AXZ ; D. 2002, p. 767, note P. Lokiec ; Dr. soc. 2002, p. 403, note F. Favennec-Héry). Cette jurisprudence peut être approuvée à deux égards au moins. Tout d'abord, et ainsi qu'il a été amplement souligné par les commentateurs de l'arrêt précité, exiger un lien de subordination entre époux (1) n'a pas de sens dès lors que leurs relations sont, par ailleurs, placées sous le signe de l'égalité (2). Ensuite, et plus fondamentalement, il n'est guère besoin de s'étendre sur le fait que le lien de subordination constitue l'un des critères d'existence du contrat de travail. Or, et cela a été évoqué à juste titre par ailleurs (F. Favennec-Héry, op. cit., p. 405), l'article L. 784-1 du Code du travail n'entend pas poser une présomption de contrat de travail, mais plus simplement de rendre applicable les dispositions du Code du travail au conjoint du chef d'entreprise, dès lors que certaines conditions, parmi lesquelles ne figure pas l'exigence d'un lien de subordination, sont remplies (3). Certains pourront, cependant, avancer que la jurisprudence fait peu de cas du fait que le texte en cause dispose que le conjoint salarié est placé sous "l'autorité" du chef d'entreprise. Outre que l'autorité ne renvoie pas forcément à la subordination telle qu'elle est classiquement conçue, on pourra aussi rétorquer que l'article L. 784-1 n'exige pas que le conjoint du chef d'entreprise oeuvre sous son autorité, mais précise que le conjoint du chef d'entreprise est "réputé" exercer son activité sous son autorité dès lors que deux autres conditions sont remplies. Conditions qu'il nous appartient de voir maintenant.
Pour bénéficier du statut de conjoint salarié, le conjoint du chef d'entreprise doit, tout d'abord, participer effectivement à l'entreprise ou à l'activité de son époux à titre professionnel et habituel. Cette condition, d'ailleurs parfaitement justifiée, ne faisait en l'espèce aucun problème car, ainsi que ne manque pas de le relever la Cour de cassation, Mme Kechacha avait travaillé effectivement dans le cabinet d'avocat de son époux, en vertu du contrat de travail à temps partiel du 1er juin 1996, à titre professionnel et habituel et que cette activité s'était poursuivie jusqu'en 2002. La seconde condition posée par l'article L. 784-1 du Code du travail est la perception d'une "rémunération horaire minimale égale au salaire minimum de croissance". En d'autres termes, le conjoint du chef d'entreprise qui contribuerait à l'exploitation familiale sans percevoir la moindre rémunération ou une rémunération inférieure au Smic ne pourrait bénéficier du statut de conjoint salarié. Une telle logique n'est guère satisfaisante, même si l'on comprend bien qu'elle entend préserver la possibilité d'un travail bénévole relevant au fond de l'entraide familiale. On fera d'ailleurs remarquer, à ce propos, que la qualification de contrat de travail n'est pas écartée pour la seule raison que celui qui se prétend salarié perçoit une rémunération inférieure au minimum légal (4). Mais il est vrai que, nous l'avons vu, l'article L. 784-1 ne pose pas une présomption de contrat de travail (5). Pour en revenir à l'arrêt commenté, on est en droit de se demander si la Cour de cassation n'a pas entendu écarter l'exigence précitée. En effet, ainsi que le relève la Chambre sociale, à compter de 2002, la salariée avait poursuivi son activité professionnelle sans aucune rémunération. Pourtant, cela ne l'a pas empêché de censurer la décision des juges du fond qui avaient écarté l'application de l'article L. 784-1. Mais, et c'est ce qui doit nous conduire à faire preuve de prudence, ces derniers avaient fondé leur décision sur l'absence de lien de subordination et non pas sur l'absence de rémunération. En résumé, on ne saurait dire que cet arrêt marque l'abandon de la condition relative à la perception d'une rémunération au moins égale au Smic relativement à l'application de l'article L. 784-1 et expressément prévue par celui-ci. Il convient, en outre, de rappeler que, désormais, la loi impose au conjoint du chef d'entreprise qui y exerce une activité professionnelle régulière d'opter pour l'un des trois statuts suivants : conjoint salarié, conjoint collaborateur ou conjoint associé (C. com., art. L. 121-4 N° Lexbase : L3845HBZ ; v., sur le sujet, notre art. Précisions sur le statut du conjoint collaborateur, Lexbase Hebdo n° 228 du 20 septembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N2884ALE). Dans la mesure où le lien de subordination n'est pas une condition de l'application du statut de conjoint salarié, celui-ci apparaît fort proche du statut de conjoint collaborateur. Ce qui conduit précisément à les distinguer, c'est que ce dernier ne donne pas lieu au versement d'une rémunération (C. com., art. L. 121-4). En conséquence, soit le conjoint ne perçoit pas de rémunération et il est conjoint collaborateur, soit il perçoit une rémunération au moins égale au Smic et il doit être considéré comme un conjoint salarié (6). On devine que cette nouvelle partition ne fera pas disparaître un certain nombre de litiges "post-divorce" (7). Ainsi, certains conjoints ayant activement participé à l'entreprise en qualité de conjoint collaborateur, sans percevoir la moindre rémunération, pendant parfois de longues années, souhaiteront-ils, sans doute, obtenir une "indemnisation" de leur activité. 2. L'existence d'un contrat de travail
Décidément peu inspirés, les juges du fond avaient, en l'espèce, retenu que le fait pour la demanderesse d'avoir poursuivi son travail au cabinet, en l'absence de toute réclamation pendant 5 ans suffisait à établir la rupture d'un commun accord de son contrat de travail en décembre 1996. La réponse de la Cour de cassation à cette curieuse motivation était prévisible : "la poursuite du travail sans rémunération et sans protestation de l'intéressée ne [pouvait] constituer la preuve d'une rupture amiable". On se contentera, en effet, de rappeler que, si la Cour de cassation continue d'admettre la validité des ruptures amiables, encore appelées rupture d'un commun accord, c'est à de strictes conditions. Notamment, faisant application de l'article 1134 du Code civil, la Chambre sociale ne donne force obligatoire à l'accord de rupture que si peut être relevé une "volonté claire et non équivoque des parties de mettre fin d'un commun accord, et en l'absence de tout litige entre elles, aux relations contractuelles" (Cass. soc., 2 décembre 1997, n° 95-42.681, M. André Thaon d'Arnoldi c/ Compagnie Générale Frigorifique, société anonyme, inédit N° Lexbase : A5087CLY ; Dr. soc. 1998, p. 29, concl. P. Lyon-Caen). Parce que la rupture amiable ne peut être admise que si les droits des salariés sont préservés, on ne saurait se contenter d'une acceptation tacite et seule une manifestation claire et non équivoque de volonté de mettre un terme au contrat doit être retenue (8).
En admettant, avec la Cour de cassation, que le contrat de travail de la salariée n'avait pas été rompu d'un commun accord, on est alors nécessairement conduit à considérer que celui-ci s'était poursuivi entre 1996 et 2002. Or, c'est ce qui est, sans doute, le plus troublant dans l'arrêt considéré. En effet, si un contrat de travail existe entre le chef d'entreprise et son épouse, celle-ci est, par définition, salariée et il est nul besoin d'avoir recourt à l'article L. 784-1 du Code du travail, dont on a vu qu'il ne pose pas de présomption de contrat de travail mais se contente d'appliquer les dispositions du Code du travail au conjoint qui exerce une activité à titre professionnel et habituel et qui perçoit une rémunération au moins égale au Smic. La difficulté provient du fait que l'épouse avait, en l'espèce, continué à travailler sans rémunération et, si l'on en croit les constatations des juges du fond, sans être soumise à un lien de subordination. Autant dire que les critères du contrat de travail avaient disparu. Par suite, et à notre sens, à compter de 1996, l'épouse avait basculé dans le champ d'application de l'article L. 784-1, faute d'être soumise à un lien de subordination (9). Mais on est alors conduit à considérer qu'il n'y avait plus de contrat de travail. Ce faisant, on est obligé de constater que l'arrêt rapporté pose plus de questions qu'il n'en résout et on peut se demander quelle sera la solution retenue par la cour d'appel de renvoi. Dans la mesure où, à compter de 1996, l'épouse ne percevait plus de rémunération, l'une des conditions d'application de l'article L. 784-1 fait a priori défaut. Ne pouvant être considérée de ce fait comme conjoint salarié, l'épouse semble ne pouvoir relever alors que du statut de conjoint collaborateur.
Gilles Auzero
(1) Ou entre partenaires d'un Pacs, dès lors que, depuis la loi du 15 novembre 1999, les dispositions de l'article L. 784-1 leur sont applicables (loi n° 99-944, du 15 novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité N° Lexbase : L7500AIM). |
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