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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
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N3453ALH
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Le 07 Octobre 2010
- poursuivre la consolidation des finances publiques par la réduction du déficit de l'Etat et concourir ainsi à l'atteinte des objectifs de désendettement fixés par le Premier ministre à l'occasion du débat d'orientation budgétaire ;
- concilier la baisse sans précédent de la dépense de l'Etat en volume avec le respect des engagements du Gouvernement en faveur de l'emploi, de la préparation de l'avenir et de la consolidation des fonctions régaliennes de l'Etat ;
- mettre en oeuvre et compléter la réforme fiscale décidée en loi de finances initiale pour 2006 par des mesures ciblées en faveur du pouvoir d'achat, de la justice sociale et de la compétitivité des entreprises.
Au plan fiscal, voici les principaux aménagements proposés par ce texte :
Barème de l'impôt sur le revenu 2006 - L'article 2 du PLF propose d'indexer les tranches de revenus et les seuils du barème, adoptés aux articles 75 et 76 de la loi de finances pour 2006, comme l'évolution de l'indice des prix hors tabac de 2006 par rapport à 2005, soit 1,8 %. Par ailleurs, afin de faire bénéficier rapidement les contribuables de la baisse de l'impôt sur le revenu prévue par la loi de finances pour 2006, il est proposé de réduire de 8 % le montant des acomptes provisionnels ou des prélèvements mensuels. Ces minorations seraient plafonnées au total à 300 euros.
Revalorisation de la prime pour l'emploi - L'article 3 du PLF propose de revaloriser la prime pour l'emploi (PPE) afin qu'elle constitue pour ses bénéficiaires un véritable treizième mois de rémunération. Le montant maximal de la prime serait ainsi porté de 714 euros en 2006 à 948 euros en 2007, et non à 809 euros comme il était initialement prévu par la loi de finances pour 2006.
Aménagements du régime de l'hypothèque rechargeable - L'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés (N° Lexbase : L8127HHH) a créé l'hypothèque rechargeable. Elle permet la transformation en hypothèques rechargeables des hypothèques inscrites antérieurement à la publication de l'ordonnance au Journal officiel, afin d'encourager le développement de cette forme de crédit. Pour encourager les particuliers à utiliser le crédit hypothécaire, alors qu'ils ne recourent aujourd'hui à cette forme de sûreté que pour garantir l'acquisition d'immeubles, et relancer ainsi la consommation, l'article 4 du PLF propose d'exonérer de taxe de publicité foncière et de droit fixe d'enregistrement les transformations par les personnes physiques d'hypothèques en hypothèques rechargeables. Par ailleurs, afin de garantir le recouvrement des créances publiques, il est proposé d'attribuer une priorité de rang identique à l'hypothèque légale du Trésor.
Amélioration de la réduction d'impôt accordée au titre des dépenses afférentes à la dépendance -L'article 5 du PLF propose d'étendre aux dépenses d'hébergement proprement dites (nourriture, logement) le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu accordée aux personnes dépendantes accueillies au sein d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées. Par ailleurs, le plafond de dépenses éligibles à la réduction d'impôt serait porté de 3 000 euros à 10 000 euros par personne hébergée. Cette mesure permettra d'éviter que des personnes dépendantes qui doivent quitter leur domicile pour partir dans un établissement de long séjour ne subissent une hausse brutale de leur charge fiscale.
Création d'une réduction d'impôt en faveur des PME de croissance - Le manque d'entreprises de taille intermédiaire dans l'économie française est en partie dû à la difficulté des petites et moyennes entreprises (PME) à maintenir un rythme de croissance soutenu. En effet, si certaines PME peuvent connaître par moment une forte croissance, très peu d'entre elles parviennent en revanche à maintenir un rythme de croissance élevé au-delà de deux ou trois années consécutives, ce qui pèse sur les performances de l'économie. Afin d'accompagner les PME les plus dynamiques dans cette phase de croissance, l'article 6 du PLF propose de créer une réduction d'impôt visant à neutraliser l'augmentation de la charge fiscale, constituée de l'impôt sur les sociétés (IS) et de l'imposition forfaitaire annuelle (IFA), à laquelle ces entreprises peuvent être confrontées. Ainsi, les "petites et moyennes entreprises de croissance", c'est-à-dire les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, qui répondent à la définition de la PME prévue par le droit communautaire et dont la masse salariale a crû d'au moins 15 % au titre de chacun des deux exercices précédents, pourraient bénéficier d'une réduction d'impôt. Cette dernière serait calculée de manière à neutraliser, dans une proportion elle-même fonction du taux de croissance de la masse salariale constatée au cours de l'exercice, l'augmentation de la charge fiscale au titre de l'IS et de l'IFA de l'exercice par rapport à la moyenne de celle des deux exercices précédents. Par ailleurs, les entreprises répondant aux conditions pour bénéficier de la réduction d'impôt précitée pourront également bénéficier du remboursement immédiat de la créance de crédit d'impôt recherche non utilisée et constatée au titre des années au cours desquelles elles bénéficient de cette réduction d'impôt. Il en est de même pour les "Jeunes Entreprises Innovantes".
Aménagements de la provision pour entreprises de presse - L'article 7 du PLF propose de reconduire et aménager le régime des provisions pour investissements applicables aux entreprises de presse. Ainsi, d'une part, le dispositif de dotation à ces provisions serait prorogé jusqu'en 2010 et d'autre part, le champ d'application du dispositif serait modifié. La nature des publications susceptibles d'en bénéficier serait précisée et le domaine des investissements éligibles serait étendu à certaines prises de participation dans des entreprises de presse ou dans des entreprises dont l'activité principale est d'assurer des prestations dans les domaines de l'information, de l'approvisionnement en papier, de la production et de la distribution pour le compte des journaux ou publications.
Aménagement du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés - L'article 8 du PLF propose de poursuivre la modernisation de la perception de l'impôt sur les sociétés afin que les recettes fiscales bénéficient plus vite de l'amélioration des résultats des entreprises. Le mode de calcul du dernier acompte prévu pour les sociétés réalisant entre 1 milliard et 5 milliards de chiffre d'affaires serait étendu aux entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires au moins égal à 500 millions d'euros au cours du dernier exercice ou de la dernière période d'imposition. Parallèlement, l'intérêt de retard et la majoration de 5 % s'appliqueraient dès lors que l'écart entre le montant de l'impôt sur les sociétés effectivement dû et l'impôt estimé ayant servi au calcul des acomptes est supérieur à 10 % du montant dû et à 1 million d'euros (au lieu de 15 millions d'euros). Les nouvelles dispositions s'appliqueraient aux acomptes dus à compter du 1er janvier 2007.
Etalement de la déduction des frais d'acquisition des titres de participation - L'article 9 du PLF propose de préciser et de simplifier le régime fiscal des frais d'acquisition des titres de participation, titres qui bénéficient d'une fiscalité particulièrement attractive. En effet, les dividendes et les plus-values de cession afférentes à ces titres sont désormais exonérés, sous réserve d'une quote-part de frais et charges. Les frais d'acquisition (honoraires, commissions, frais d'acte notamment) des titres de participation engagés par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés seraient désormais incorporés au prix de revient des titres. Ils seraient toutefois déductibles sur une période de 10 ans.
Aménagement du régime des plus ou moins-values à long terme pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés - Les plus-values de cessions de titres de placement dont le prix de revient est supérieur à 22,8 M d'euros, qui n'entrent pas dans le champ de l'exonération mise en place par l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004 (loi n° 2004-1485 N° Lexbase : L5204GUB) et qui sont détenus depuis au moins deux ans, bénéficient du régime des plus ou moins-values à long terme et sont donc soumises à l'impôt sur les sociétés au taux réduit de 15 %. L'article 10 du PLF propose de soumettre leurs plus ou moins-values au taux normal de l'impôt sur les sociétés, à l'instar des autres valeurs mobilières de placement. Le dispositif ne remet pas en cause le champ d'application de l'exonération mise en place par l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004.
Renforcement de la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre des souscriptions au capital de PME - Afin de répondre aux besoins de financement des petites et moyennes entreprises (PME), l'article 40 du PLF propose de reconduire et moderniser le régime de la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre des souscriptions à leur capital qui expire le 31 décembre 2006. Ainsi, il est proposé, d'une part, de proroger le bénéfice de l'avantage fiscal jusqu'au 31 décembre 2010 et de l'étendre aux souscriptions au capital des PME de l'espace économique européen, et, d'autre part, grâce à l'aménagement du dispositif pour les investissements intermédiés, de permettre un meilleur financement de ces entreprises par des investisseurs providentiels ("business angels"). En outre, il est proposé d'autoriser le report de la fraction excédentaire des versements sur quatre ans (au lieu de trois ans actuellement) et de prévoir que, pendant le délai de cinq ans de conservation des actions ou parts souscrites, les donations seraient sans incidence sur les réductions d'impôt sur le revenu obtenues par le donateur dès lors que l'obligation de conservation serait reprise par le donataire. Enfin, la déduction des pertes en capital du revenu global serait abrogée.
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Réf. : Cass. civ. 1, 20 septembre 2006, n° 04-17.743, Mme Monique Peretti, épouse Morière, F-P+B (N° Lexbase : A2973DRK)
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Le 07 Octobre 2010
La loi nouvelle n'a, à vrai dire, que très peu modifié le divorce pour faute, si bien que l'essentiel des solutions issues de la jurisprudence et antérieures à la loi du 26 mai 2004 demeurent sans doute de droit positif.
Encore faut-il tout de même signaler que la loi a eu pour objectif, et c'est là une nouveauté, d'inciter les parties à des procédures moins conflictuelles en dissociant les conséquences patrimoniales du divorce pour faute de l'attribution des torts. Toujours est-il qu'il importe, comme par le passé, de caractériser la faute cause de divorce. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 septembre dernier, à paraître au Bulletin, permet précisément de revenir sur cette question importante.
Selon l'article 242 du Code civil (N° Lexbase : L2795DZK), modifié par la loi du 26 mai 2004, "le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie conjugale".
Autrement dit, pour qu'il y ait faute, trois conditions sont exigées : les faits reprochés doivent être constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendre intolérable le maintien de la vie commune et être imputables à l'époux défendeur.
Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt commenté, seul était discuté le point de savoir si le fait reproché par un époux à l'autre pouvait être considéré comme constituant une faute conjugale. Et la Cour de cassation rejette, ici, le pourvoi formé contre l'arrêt qui avait prononcé le divorce des époux aux torts partagés en faisant notamment valoir "qu'il est possible d'invoquer, à l'appui d'une demande en divorce, des griefs postérieurs à l'ordonnance de non conciliation ou à l'assignation".
La Haute juridiction confirme ainsi une solution aujourd'hui acquise : les faits invoqués aux fins d'obtenir le divorce pour faute peuvent bien être postérieurs à l'introduction de la procédure. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait, en effet, déjà jugé, dans un arrêt du 3 mai 1995, que "l'introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux encore dans les liens du mariage une immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre après l'ordonnance de non-conciliation" (1).
Il apparaît donc très nettement que la violation des devoirs du mariage, même si le divorce n'est pas encore prononcé, peut être considérée comme une faute, cause du divorce, dès lors bien sûr qu'elle remplit les conditions de l'article 242 du Code civil, ce qui, en l'espèce, était bien le cas, la Cour de cassation ajoutant justement que "le comportement méprisant de [la femme] à l'égard de son mari mettait délibérément en danger son avenir professionnel et que son attitude était révélatrice d'une volonté de lui nuire", de telle sorte que la cour d'appel a souverainement pu estimer que les faits allégués à l'encontre de l'épouse constituaient une faute au sens de l'article 242 du Code civil.
Encore faut-il sans doute que le comportement suspecté d'être fautif n'intervienne pas trop longtemps après l'ordonnance du juge ayant autorisé les époux à résider séparément (2).
David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit
(1) Cass. civ. 2, 3 mai 1995, n° 93-13.358, M. X c/ Mme X (N° Lexbase : A7672ABR), Bull. civ. II, n° 130 ; adde, dans le même sens, Cass. civ. 2, 23 septembre 1999, n° 98-12028, M. X... c/ Mme X... (N° Lexbase : A7330CIC), Bull. civ. II, n° 141.
(2) Voir en ce sens, le constat d'adultère ayant été établi plus de deux ans après l'ordonnance du juge, jugeant ainsi que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure, si bien qu'il ne pouvait y avoir ici de violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage : Cass. civ. 2, 29 avril 1994, n° 92-16.814, Mme X c/ M. X (N° Lexbase : A7127ABL), Bull. civ. II, n° 123, RTDCiv. 1994, p. 571, obs. J. Hauser ; comp. déjà, TGI Nantes, 9 novembre 1982, D. 1985, IR. p. 150, refusant de considérer comme fautif l'adultère du mari postérieur de neuf ans au jugement de séparation de corps.
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Réf. : Cass. civ. 2, 14 septembre 2006, n° 05-16.266, M. Jean-Claude Bally, FS-P+B (N° Lexbase : A3121DRZ)
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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires
Le 07 Octobre 2010
Pour comprendre la solution retenue par la Cour de cassation, il convient de rappeler les principes applicables à l'action sociale et, notamment, les conditions devant être remplies pour qu'un associé soit recevable à l'exercer, ces principes étant transposés à la demande de pratiquer des mesures conservatoires sur les biens du débiteur.
L'exercice par les associés de l'action sociale, suppose tout d'abord, on l'a vu, une inaction des représentants de la société. Ensuite, comme le précise l'article 1843-5 du Code civil, l'action sociale ne tend pas à réparer un préjudice subi personnellement par l'associé (cf. la formule "outre le préjudice subi personnellement"), mais celui subi par la société. D'ailleurs, l'alinéa 1, in fine de l'article 1843-5 du Code civil précise que, en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société et non pas au demandeur. La distinction entre préjudice personnel de l'associé et préjudice de la société n'est pas toujours aisée. Il en est, notamment, ainsi, lorsque l'associé agissant sur le fondement de l'action individuelle, allègue un préjudice personnel, résidant dans la perte de la valeur de ses droits sociaux, due à des fautes commises par le dirigeant de la société. On pourrait, en effet, y voir un préjudice par ricochet. Or, la Cour de cassation refuse une telle approche ; il existe deux actions distinctes, chacune ayant pour objet la réparation de préjudices distincts. Elle a, par conséquent, jugé que l'actionnaire qui se plaint d'avoir cédé ses titres à perte, en raison d'une baisse de leur valeur consécutive à une mauvaise gestion de la société, ne fait pas valoir un préjudice qui lui soit spécial mais un préjudice subi par la société elle-même (Cass. com., 26 janvier 1970, n° 67-14.787, Fouilly c/ Sodiva et autres, publié N° Lexbase : A6532AGZ). Cette solution a été rappelée récemment, la Haute juridiction ayant retenu que les fautes commises par le gérant avaient conduit à une réduction de l'activité de la société au profit d'une autre société en créant une confusion dans l'esprit de la clientèle entre les deux sociétés, permettant à la seconde société d'absorber l'activité voire les actifs de la première, ce dont il résultait que le préjudice subi par l'associé n'étant que le corollaire du dommage causé à la société, n'avait aucun caractère personnel (Cass. com., 4 juillet 2006, n° 05-13.171, F-D N° Lexbase : A3755DQ7).
De plus, l'article 38 du décret du 3 juillet 1978 (décret n° 78-704, relatif à l'application de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du Code civil N° Lexbase : L1798A4D) précisant que "lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs associés [d'une société civile], le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux", impose une autre condition à la recevabilité de l'exercice de l'action sociale ut singuli.
Pour terminer sur ce point, on rappellera que l'action en responsabilité à l'encontre du gérant de société civile est soumise à un délai de prescription de trente ans. Le délai triennal prévu pour les SARL (C. com., art. L. 223-23 N° Lexbase : L5848AIG) et les sociétés anonymes (C. com., art. L. 225-254 N° Lexbase : L6125AIP) n'est pas applicable (Cass. com., 17 avril 1972, n° 70-10.872, Héron c/ Société bretonne d'abattage avicole, et autres, publié N° Lexbase : A8363AH9). De même, la possibilité offerte par les articles L. 223-22 (N° Lexbase : L5847AIE) et L. 225-252 (N° Lexbase : L6123AIM) du Code de commerce, aux associés de SARL et de SA de se grouper, n'est pas prévue pour les sociétés civiles. Ils devront donc agir séparément.
L'ensemble de ces conditions remplies, l'associé de société civile peut attraire, au nom de la société, le gérant pour le voir condamné à réparer le préjudice subi par cette dernière. C'est le point de départ de l'affaire soumise, à l'appréciation des magistrats de la Cour de cassation.
En retenant que les associés n'avaient pas, en l'espèce, qualité pour prendre toute mesure de nature à garantir le paiement des actions qu'ils exercent, dans la mesure où lesdites mesures n'avaient pas été sollicitées au nom de la société, la Cour de cassation combine, en toute logique, les règles du droit des sociétés relatives à l'action sociale, que nous venons de rappeler, et les règles du droit des procédures civiles d'exécution. Dans l'arrêt du 14 septembre 2006, les juges de la deuxième chambre civile visent les articles 67 de la loi du 9 juillet 1991 et 210 du décret du 31 juillet 1992. Ces deux textes exposent une règle identique, selon laquelle un créancier, qui se prévaut d'une créance qui paraît fondée en son principe et si des circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement, peut demander au juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur.
Pour obtenir l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire, la créance du demandeur doit paraître fondée en son principe. Ceci exclut la nécessité que celle-ci soit exigible et liquide. La formule très large employée par les textes comprend, ainsi, les créances conditionnelles et même celles qui sont contestées. Bien sûr, la créance ne sera pas fondée en son principe si sa contestation est vraiment sérieuse. En l'espèce, on peut estimer que sa contestation est vraiment sérieuse dans la mesure où le demandeur à l'autorisation de pratiquer une hypothèque judiciaire provisoire n'est pas le créancier du gérant de la société.
En effet, la Cour de cassation relève, à juste titre, que la demande a été effectuée par l'associé, apparemment en son nom, et non au nom de la société. Or, comme nous l'avons rappelé, l'action sociale permet d'obtenir la réparation du préjudice subi par la société. Les dommages-intérêts sont versés à cette dernière et non à l'associé ayant exercé l'action. Seul un créancier étant recevable à solliciter des mesures conservatoires pour garantir le paiement de son action ; dans le cadre de l'action sociale, seule la société peut agir sur le fondement des articles 67 de la loi du 9 juillet 1991 et 210 du décret du 31 juillet 1992. Bien sûr, les demandeurs seront physiquement les associés ayant agi en responsabilité du gérant, mais ceux-ci doivent le faire au nom de la société.
A notre sens, cette solution doit être approuvée ; au même titre que celle retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui avait précisé, dans un arrêt du 12 décembre 2002 (Cass. crim., 12 décembre 2000, n° 97-83.470, Geniteau Alain N° Lexbase : A9289AT9), que l'actionnaire qui exerce l'action sociale a qualité pour saisir les juges de demandes au profit de la société et pour exercer au nom de celle-ci les voies de recours.
Par conséquent, l'arrêt du 14 septembre 2006 est dans la même logique : l'associé qui agit dans le cadre de l'action sociale ut singuli a un droit propre de présenter des demandes au profit de la société, mais doit les présenter au seul nom de la personne titulaire du droit à réparation, c'est-à-dire, la société.
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Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2006, n° 05-41.155, M. Patrick Mader c/ Société Dekra Veritas automobiles (DVA), FP P+B+R+I (N° Lexbase : A2921DRM)
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
Le seul risque d'un conflit d'intérêts ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. |
Décision
Cass. soc., 21 septembre 2006, n° 05-41.155, M. Patrick Mader c/ Société Dekra Veritas automobiles (DVA), FP P+B+R+I (N° Lexbase : A2921DRM) Cassation partielle partiellement sans renvoi (cour d'appel de Versailles, 6ème ch., 16 novembre 2004) Textes visés : C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9) Mots clef : licenciement ; motif personnel ; cause réelle et sérieuse ; obligation contractuelle de bonne foi du salarié ; risque de conflit d'intérêts ; motif insuffisant Liens base : |
Faits
1. M. Mader, salarié en qualité de délégué régional de la région Ile de France Est ainsi que des DOM TOM de la société Dekra Veritas automobiles et chargé à ce titre de l'intégration au réseau de ladite société des centres de contrôle technique des véhicules, a été licencié pour faute grave le 31 juillet 2002. La lettre de licenciement lui fait grief d'avoir manqué à l'exécution de bonne foi du contrat de travail ainsi qu'à son obligation de loyauté en s'abstenant d'informer sa hiérarchie de ce que son épouse détiendrait une participation dans un centre nouvellement intégré au réseau, puis d'avoir omis de confirmer que la co-associée dudit centre était son épouse en sorte que "votre implication personnelle et familiale dans un centre de contrôle technique laisse supposer que vous avez favorisé ou que vous favoriserez ce partenaire au détriment des autres membres du réseau" et que "force est de constater que les obligations de discrétion et d'indépendance auxquelles vous devez impérativement souscrire ne sont plus assurées" et que la suspicion qui en résulte chez les partenaires de la société nuit gravement à celle ci. 2. La cour d'appel de Versailles a décidé que la rupture du contrat de travail de M. Mader était justifiée par la faute de celui ci constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. La Cour a relevé, d'une part, que le fait d'épouser une personne qui détient une participation financière dans une société commerciale ne peut être assimilé à la prise d'une telle participation et, d'autre part, qu'il n'était pas établi que le salarié aurait joué un rôle actif dans la société de son épouse. Mais la Cour a considéré que, même s'il n'est pas établi qu'il ait favorisé cette société au détriment des autres partenaires du réseau ni qu'il ait eu l'intention de le faire, au plus tard à compter du 2 octobre 2001, date de son mariage avec Mme Maréchal, il savait que cette dernière détenait la moitié du capital d'une société affiliée au réseau de son employeur qui devait ouvrir un centre de contrôle technique automobile dans le secteur géographique dont il avait la charge et dont il devait réaliser l'audit d'ouverture et que, compte tenu du risque évident de conflit d'intérêts que cette situation engendrait, il lui appartenait d'en aviser spontanément sa hiérarchie et de solliciter des instructions sur la conduite à tenir, de sorte qu'en s'abstenant de le faire il a failli à son obligation de loyauté. |
Solution
1. "Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; Attendu que le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables à ce salarié" ; 2. "le seul risque d'un conflit d'intérêts ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement" ; "aucun manquement du salarié à l'obligation contractuelle de bonne foi n'était caractérisé" ; 3. la cour d'appel a violé le texte susvisé ; cassation sans renvoi. |
Commentaire
I - Le refus de consacrer un licenciement déguisé pour perte de confiance
L'article L. 122-14-3 du Code du travail dispose que le juge doit "apprécier [...] le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur". De cette formule désormais classique, la Cour de cassation a dégagé le principe selon lequel "la perte de confiance alléguée par l'employeur ne constitue pas en soi un motif de licenciement" (1). Par la suite, la formule s'est précisée. La Haute juridiction a ainsi indiqué que la "seule" perte de confiance ne pouvait être admise (2), avant d'affirmer que "la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur des éléments objectifs" et que "seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l'employeur" (3).
Rapidement, les employeurs ont compris que la cause était perdue et ont modifié leur motivation en visant soit le trouble occasionné au bon fonctionnement de l'entreprise (4), soit la déloyauté du salarié (5). Depuis 2003, la Cour de cassation a manifesté, à plusieurs reprises, son désir de rendre moins étanche la frontière entre la vie personnelle du salarié et sa vie professionnelle, tout d'abord en considérant comme relevant également de la vie professionnelle des éléments issus de la vie personnelle, comme le retrait du permis de conduire, pour cause d'alcoolémie, d'un chauffeur de bus scolaire, justifiant un licenciement pour faute grave (6), ou la condamnation pour vol d'un cadre de banque et licencié pour faute grave et manquement à la probité (7).
C'est dans ce contexte qu'intervenait l'affaire soumise à l'examen de la Cour de cassation. Un salarié avait, en effet, été licencié pour n'avoir pas informé son employeur de son mariage avec une femme appartenant au réseau d'entreprise dont il avait la responsabilité, créant ainsi un risque de favoritisme. Tout en reconnaissant qu'on ne pouvait reprocher à un salarié le fait de se marier, la cour d'appel de Versailles avait admis la légitimité du licenciement, prononcé pour faute grave, après avoir relevé que "compte tenu du risque évident de conflit d'intérêts que cette situation engendrait, il lui appartenait d'en aviser spontanément sa hiérarchie et de solliciter des instructions sur la conduite à tenir, de sorte qu'en s'abstenant de le faire il a failli à son obligation de loyauté". C'est cet argument qui se trouve dans cette affaire balayé par la cassation de l'arrêt. Après avoir rappelé, au visa de "l'article L. 122 14 3 du Code du travail", que "le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables à ce salarié", la Chambre sociale de la Cour de cassation a, en effet, considéré que "le seul risque d'un conflit d'intérêts ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement" et qu'"aucun manquement du salarié à l'obligation contractuelle de bonne foi n'était caractérisé". II - Une solution parfaitement justifiée
La première affirmation de la Cour concernant la nécessité de caractériser l'existence d'"éléments objectifs imputables à ce salarié" pour justifier le licenciement n'est, en soi, pas une nouveauté et avait déjà servi pour écarter le motif tiré de la perte de confiance (8). Cette exigence s'oppose logiquement à ce que l'employeur justifie le licenciement par de simples sentiments ou impressions personnels et lui impose d'établir l'existence de faits, matériellement vérifiables par le juge. Ainsi, "si l'énonciation dans la lettre de licenciement d'une incompatibilité d'humeur, sans autre précision, ne constitue pas un motif de licenciement, la mention de la perturbation du personnel et de la clientèle constitue un grief matériellement vérifiable qui peut être précisé et discuté devant les juges du fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé" (9). La référence à la "cause inhérente à la personne du salarié", pour définir ce que l'on entend habituellement par "motif personnel" de licenciement, n'est pas non plus une nouveauté, même si on la retrouve plus rarement dans les arrêts rendus ces dernières années (10). Si le principe posé de nouveau par l'arrêt est classique, les deux autres affirmations présentes dans l'arrêt sont, en revanche, inédites.
La Cour de cassation affirme, en premier lieu, de manière péremptoire, que "le seul risque d'un conflit d'intérêts ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement". Cette affirmation, totalement inédite, n'est pas sans rappeler d'autres formules tout aussi définitives, singulièrement lorsqu'il s'est agi d'éliminer le motif tiré de la perte de confiance (cf. supra), mais également dans d'autres hypothèses où la Haute juridiction entend poser une véritable norme interprétative sanctionnée, le cas échéant, comme c'était le cas en l'espèce, par une cassation pour violation de la loi, qu'il s'agisse d'affirmer que "la seule réorganisation de l'entreprise ne peut suffire à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement" (11) ; que "ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail" (12) ; que "le refus d'une modification [du contrat de travail] ne peut constituer à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement" (13) ; "qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire, ne peut être imposée au salarié et qu'en conséquence son refus d'accepter cette modification, qui n'est pas fautif, ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement" (14) ; ou que "ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail" (15).
Cette affirmation mérite d'être totalement approuvée. Un salarié ne peut, en effet, être licencié qu'en raison d'une faute ou d'une cause avérée, et non en raison d'un risque de faute, ce qui équivaudrait à un licenciement "préventif", ou de précaution, qui ruinerait l'exigence même d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. Toutes choses étant égales par ailleurs, la jurisprudence refuse également de mettre en cause la responsabilité civile en cas de simple exposition à un risque, et ce tant qu'aucun dommage n'a été causé (16). De ce point de vue, cet arrêt devrait être de nature à rassurer tous ceux qui craignaient un retour insidieux de la perte de confiance (17).
La Cour de cassation a enfin précisé qu'"aucun manquement du salarié à l'obligation contractuelle de bonne foi n'était caractérisé". Sur le fond, la solution n'est guère surprenante et s'évince d'ailleurs de l'affirmation précédente. Le salarié qui se marie ne manque pas à l'obligation de bonne foi en s'abstenant d'en informer son employeur, et ce même si ce mariage est de nature à poser problème dans l'entreprise compte tenu des relations professionnelles entretenues entre les époux. La solution est parfaitement logique, et ce pour au moins deux raisons. En premier lieu, le fait que ces deux personnes se soient mariées est sans signification particulière, le risque d'une confusion des genres existant bien avant le mariage, dès lors qu'elles vivaient ensemble ; le mariage n'y change strictement rien. En second lieu, les salariés eux-mêmes sont parfaitement en mesure de séparer leur vie personnelle et leur vie professionnelle sans que l'une n'interfère dans l'autre. Admettre que le salarié puisse être licencié, en l'absence de toute preuve tangible de favoritisme, serait porter gravement atteinte à la présomption de bonne foi dont doivent bénéficier tous les salariés et, plus largement encore, toute personne. C'est, en revanche, la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation fait formellement référence à l'existence d'une "obligation contractuelle de bonne foi". L'exigence de bonne foi n'est pas, en elle même, nouvelle. Elle figure dans l'article 1134, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), et s'applique au contrat par le jeu du renvoi de l'article L. 121-1, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L5443ACL), et figure, depuis la loi du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9), à l'article L. 120-4 (N° Lexbase : L0571AZ8). Si la bonne foi a souvent été opposée à l'employeur (18), c'est, en revanche, l'une des toutes premières fois que la Cour de cassation y fait référence s'agissant du salarié, la Haute juridiction préférant habituellement viser "l'obligation de loyauté auquel le salarié est tenu envers son employeur" (19). La référence à "l'obligation contractuelle de bonne foi" est très certainement à rattacher à un mouvement plus vaste de rappropriation par la Chambre sociale du vocabulaire civiliste afin de marquer son attachement à la figure du contrat de travail (20). Reste à déterminer si la Cour de cassation entendra désormais se référer exclusivement à l'obligation contractuelle de bonne foi du salarié, en lieu et place de l'obligation de loyauté, ou si elle continuera à viser ces deux obligations que l'on tient habituellement pour synonymes, la référence à la déloyauté étant alors réservée à des hypothèses où le salarié fait à son employeur une concurrence déloyale en cours de contrat (21). L'avenir nous le dira certainement.
Christophe Radé
(1) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 87-40.184, Mme Fertray c/ Etablissements R Wagner et compagnie (N° Lexbase : A9039AAZ), D. 1991, p. 190, note J. Pélissier. |
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Réf. : Cass. com., 21 mars 2006, 2 arrêts, n° 04-17.869, Société Khalifa airways c/ SCP Becheret-Thierry, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A7517DNQ) et n° 04-17.871, Société El Khalifa location de voitures c/ SCP Becherret-Thierry, FS-D (N° Lexbase : A7962DN9)
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Le 07 Octobre 2010
En application de ce dernier, le tribunal de commerce de Nanterre avait, respectivement les 10 et 29 juillet 2003, placé les deux sociétés en liquidation judiciaire. Cependant, une procédure parallèle avait été menée en Algérie, procédure qui avait également abouti au prononcé d'une liquidation judiciaire par le tribunal algérien de Cheraga le 24 mai 2004.
Les sociétés algériennes par l'intermédiaire de leur liquidateur en Algérie entendaient alors contester la décision rendue en France au motif que les juridictions françaises auraient été incompétentes et auraient dû se dessaisir au profit des juridictions algériennes.
La cour d'appel de Versailles a rejeté cette exception d'incompétence, ce qui a motivé ledit pourvoi en cassation. Il était principalement soutenu que "les juridictions de l'Etat dans lequel le débiteur a son siège social, son principal établissement et exerce l'essentiel de son activité ont, conformément au principe de l'universalité de la faillite, seules compétence pour prononcer une mesure applicable à l'ensemble d'une entreprise internationale" et qu'ainsi en reconnaissant la compétence des juridictions françaises pour prononcer la liquidation judiciaire de deux sociétés ayant leur siège social, leur principal établissement et l'essentiel de leur activité en Algérie, la cour d'appel aurait violé l'article 1er du décret du 27 décembre 1985 (décret n° 85-1388, relatif au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L1954A47). La Cour de cassation, et l'on pouvait s'y attendre, a rejeté le pourvoi.
La Cour de cassation a, ainsi, rappelé que la présence d'un établissement en France suffit à fonder la compétence des juridictions françaises. Le principe n'est pas nouveau. Il s'inscrit dans une perspective plutôt territorialiste. La jurisprudence a, en effet, toujours admis que la seule présence d'un établissement secondaire suffisait à fonder la compétence des juridictions françaises, même si le centre principal des intérêts du débiteur personne physique, ou le siège social du débiteur personne morale, est situé à l'étranger.
Cette solution résulte implicitement de l'article 1er du décret du 27 décembre 1985 qui prévoit qu'à défaut de siège social sur le territoire français, le tribunal territorialement compétent pour connaître de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est celui du centre principal des intérêts du débiteur en France. Il en résulte que, même si le siège social de l'entreprise est à l'étranger, dès lors qu'il existe un établissement en France, les juridictions françaises peuvent se déclarer compétentes. En l'espèce, la présence d'établissements secondaires de la société algérienne en France suffisait à fonder la compétence des juridictions françaises.
Une difficulté peut d'ailleurs se poser pour les praticiens en cas de pluralité d'établissements secondaires en France. Quel tribunal choisir ? La réponse est, là encore, implicitement comprise dans l'article 1er du décret qui vise le centre principal des intérêts du débiteur, bref le principal des établissements secondaires. C'est la solution qu'a d'ailleurs déjà retenu la jurisprudence (Cass. com., 11 avril 1995, n° 92-20.032, M. Wight et autres, ès qualités de liquidateurs de la société Bank of Credit and Commerce International Ltd Overseas c/ Mme Carrasset-Marillier et autres N° Lexbase : A8171ABA, Bull. IV, n° 126 ; D. 1995, p. 640, note M. Vasseur ; Rev. crit. 1995, p. 742, note B. Oppetit ; Bull. Joly 1995, p. 697, note A. Martin-Serf ; JCP éd. E, 1995, I, 487, n° 1, obs. Ph. Pétel).
Sur le strict plan de la compétence, la solution ne s'éloigne guère de celle qui aurait été retenue en application du Règlement communautaire. Ce dernier prévoit, en effet, l'ouverture d'une procédure principale dans l'Etat où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur, c'est-à-dire en général l'Etat du siège social de la société. Mais il prévoit la possibilité d'ouvrir des procédures secondaires dans les Etats où se situe un établissement du débiteur, et ce même si une procédure principale a antérieurement été ouverte. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en France sur le fondement de l'existence d'un établissement en France ne doit donc pas surprendre.
On s'attardera, en revanche, davantage sur la seconde affirmation de la Cour de cassation. La Haute juridiction énonce que le redressement ou la liquidation judiciaire prononcé en France produit ses effets partout où le débiteur a des biens. En l'espèce, la liquidation judiciaire de la société prononcée par les juridictions françaises n'était nullement limitée aux seuls établissements français, mais s'étendait à l'ensemble des biens du débiteur, qu'ils soient situés en France ou à l'étranger. Les amateurs de droit international des faillites ne manqueront pas d'y voir la suite du célèbre arrêt "Banque Worms" (Cass. civ. 1, 19 novembre 2002, n° 00-22.334, FS-P+R N° Lexbase : A0435A4U, Bull. I, n° 275 ; Act. proc. coll. 1/2003, p. 1, obs. M. Menjucq ; JCP éd. E, 2002, II, 10201, concl. J. Sainte-Rose et note S. Chaillé de Néré ; D. 2002, p. 3341 obs. A. Lienhard et 2003, p. 797, note G. Khairallah ; JDI 2003, p. 133, obs. P. Roussel-Galle ; Rev. crit. 2004.631, note H. Muir Watt ; PA 2003, n° 209, p. 7 note C. Legros), où la Cour de cassation avait, au visa du principe de l'universalité, énoncé la même règle.
Mais la Cour de cassation va ici plus loin. Dans l'arrêt "Banque Worms", le débiteur avait le siège de son entreprise en France ce qui justifiait l'universalité de la procédure française. Ce faisant, la Cour de cassation rapprochait le droit commun du droit communautaire issu du Règlement du 29 mai 2000. Rien de tel ici, où le siège social du débiteur était situé en Algérie, pays dans lequel une autre procédure était ouverte. Pourtant, la Cour de cassation n'en a pas déduit qu'il faille limiter les effets de la liquidation aux seuls biens situés en France. La liquidation s'étendait à l'ensemble des biens de la société, y compris ceux situés en Algérie. La solution retenue s'éloigne ainsi du Règlement communautaire, pour lequel l'ouverture d'une procédure secondaire dans un autre Etat que celui du "centre des intérêts principaux du débiteur" (présumé être celui du siège social) n'est possible qu'à l'effet exclusif d'organiser la liquidation des biens situés sur ledit Etat. C'est en ce sens que l'on peut dire que le Règlement communautaire hiérarchise les procédures (3).
Sur un plan pratique, il reste qu'en l'espèce l'exécution de la décision française sera probablement impossible en Algérie du fait de l'ouverture dans ce dernier Etat d'une autre procédure. En d'autres termes, la décision de liquidation française ne sera jamais reconnue en Algérie, et ne pourra donc y être exécutée. La Cour de cassation a d'ailleurs pris soin de préciser que la liquidation de la société prononcée en France ne produira ses effets à l'étranger que "dans la mesure de l'acceptation par les ordres juridiques étrangers". En d'autres termes, la décision française ne produira ses effets en Algérie que si l'ordre juridique algérien l'accepte, c'est-à-dire après l'exequatur en Algérie dans les conditions de la loi algérienne de la décision française.
L'universalité de la faillite atteint ici sa limite contre laquelle la Cour de cassation ne peut rien : la souveraineté des Etats.
Pierre Callé
Professeur à l'Université du Maine
Groupe de recherche en droit des affaires
(1) Sur ces arrêts, v. Act. proc. coll. 23 juin 2006, com. n° 124.
(2) Pour des études récentes du texte communautaire, D. Bureau, La fin d'un îlot de résistance : le Règlement du Conseil sur les procédures d'insolvabilité, Rev. crit. 2002, p. 613 ; M. Menjucq, Droit du commerce international, Litec, 2005, n° 2272 et s., dir. J. Béguin et M. Menjucq.
(3) M. Menjucq, L'apport du droit communautaire au règlement des faillites internationales, Trav. Com. fr. dr. int. pr. 2002-2004, Pedone, p. 35 et s., spéc. p. 40.
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Réf. : Circulaire du ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire du 13 juillet 2006 relative à l'aide à la définition de l'intérêt communautaire en matière "d'habitat" au profit des communes et de leurs groupements
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par Nicolas Wismer, Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales, Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon
Le 23 Octobre 2014
La politique locale de l'habitat des EPCI regroupe la compétence "politique du logement et du cadre de vie" (CGCT, art. L. 5214-16 N° Lexbase : L1920HBQ) et la compétence "équilibre social de l'habitat". Elle doit viser à satisfaire les objectifs définis à l'article L. 301-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7341ABI) (satisfaction des besoins de logements, décence et qualité de l'habitat...). Cette compétence peut être obligatoire ou optionnelle selon la catégorie d'EPCI.
1. Communautés d'agglomération et communautés urbaines : compétence obligatoire
Comme l'aménagement de l'espace et la politique de la ville, la compétence équilibre social de l'habitat est une compétence obligatoire pour les communautés d'agglomération et les communautés urbaines. Pour ces deux catégories d'EPCI, les dispositions du Code général des collectivités territoriales sont similaires à deux exceptions près.
a. Eléments communs :
- Le programme local de l'habitat, document stratégique de programmation élaboré pour une durée minimale de six ans, relève de la seule compétence des EPCI. Ses objectifs sont définis par l'article L. 302-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1076HPK). Il inclut l'ensemble de la politique locale de l'habitat. Les moyens peuvent relever de l'intérêt communautaire ou des communes ce qui nécessite un partenariat entre EPCI et collectivités.
- La politique du logement d'intérêt communautaire implique de favoriser la mixité sociale en recourant à des maîtres d'ouvrage publics ou privés. Les EPCI peuvent demander la création par décret d'un office public d'HLM ou d'un OPAC (ou de bénéficier du transfert de tels offices) et créer des sociétés d'économie mixte auxquelles ils peuvent accorder subventions et avances, dès lors qu'elles exercent une activité de construction ou de gestion de logements.
- Les aides financières au logement social d'intérêt communautaire sont octroyées par les EPCI pour développer ou favoriser le logement social. Ce sont des aides financières : participation à des investissements en complément ou indépendamment des aides de l'Etat (CCH, art. L. 312-2-1 N° Lexbase : L2467HP3) ; garanties d'emprunt ou de cautionnement en matière de logement (CGCT, art. L. 5111-4 N° Lexbase : L6436A7I). Ce sont aussi des aides à la pierre (CCH, art. L. 301-3 N° Lexbase : L2463HPW). Seuls les EPCI dotés d'un programme local de l'habitat peuvent bénéficier de conventions de délégations pour leur attribution. Les EPCI peuvent participer au financement du fonds de solidarité pour le logement et se voir confier par le département la gestion des fonds locaux à leur demande. Un EPCI, délégataire des aides publiques au logement, peut demander la création de droit d'un fonds de solidarité pour le logement intercommunal.
- Les actions en faveur du logement des personnes défavorisées sont réalisées par plusieurs moyens. Les EPCI peuvent proposer aux organismes HLM de loger des personnes défavorisées sur leur contingent de droit commun de réservation de logements ou sur le contingent préfectoral de réservation de logements, s'ils bénéficient de la délégation. Les EPCI participent à l'élaboration et à la mise en oeuvre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) qui fixe les objectifs, les mesures permettant de les atteindre et les conditions du traitement prioritaire des personnes défavorisées.
b. Deux éléments de différence :
- Les réserves foncières pour la mise en oeuvre de la politique communautaire d'équilibre social de l'habitat peuvent être constituées par les EPCI en vue de permettre la réalisation d'actions ou d'opérations d'aménagement (C. urb., art. L. 221-1 N° Lexbase : L7401AC4). Cette action n'est pas citée dans la compétence logement pour les communautés urbaines mais figure au sein de la compétence "aménagement de l'espace communautaire".
- L'amélioration du parc bâti, opération complexe, se concrétise par une convention entre l'EPCI, l'Etat et des partenaires comme l'ANAH ou l'ANRU. Les actions sont plus précisément décrites pour les communautés urbaines (CGCT, art. L. 5215-20 N° Lexbase : L7896HB3). Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat visent à améliorer les logements anciens et leur environnement dans un périmètre donné en coordonnant l'action publique et privée. La rénovation urbaine a pour principal objectif la restructuration en profondeur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment en zone urbaine sensible. Le programme d'intérêt général permet la réhabilitation d'ensembles immobiliers dans les zones urbaines ou rurales. La procédure de résorption de l'habitat insalubre permet l'acquisition d'immeubles insalubres irrémédiables et interdits à l'habitation, puis leur démolition. Les terrains libérés sont destinés à accueillir du logement social.
2. Communautés de communes : compétence optionnelle
Les communautés de communes à fiscalité additionnelle et à taxe professionnelle unique peuvent déterminer, de manière optionnelle, la compétence "politique du logement et du cadre de vie" (CGCT, art. L. 5214-16-II-2° N° Lexbase : L1920HBQ). Pour la politique du logement, elles peuvent élaborer un programme local de l'habitat, développer l'équilibre social de l'habitat et les actions en faveur du logement. Pour le cadre de vie, plus étendu, elles peuvent entreprendre toutes les actions afférentes au développement des espaces verts, des infrastructures de transport ou de satisfactions d'intérêts collectifs.
Une compétence "politique du logement social d'intérêt communautaire et action, par des opération d'intérêt communautaire, en faveur du logement des personnes défavorisées" peut être exercée par les communautés de communes à TPU, éligibles à la dotation globale de fonctionnement bonifiée (CGCT, art. L. 5214-23-1 N° Lexbase : L1951GUS). La définition renvoie à celles concernant les communautés urbaines et communautés d'agglomération (CGCT, art. L. 5215-20 N° Lexbase : L7896HB3 et L. 5216-5 N° Lexbase : L1921HBR).
II. Définition de l'intérêt communautaire
Le domaine de l'habitat apparaît vaste et les compétences le concernant sont partagées. L'élaboration de critères relatifs à l'intérêt communautaire en la matière permet de distinguer ce qui relève des communes ou des EPCI.
1. Régime des EPCI et politique locale de l'habitat
Les EPCI sont des établissements publics et la politique locale de l'habitat fait intervenir de nombreux acteurs.
a. Régime des EPCI
- Les principes de spécialité et d'exclusivité régissent les EPCI : les compétences transférées sont exercées à la place des communes et de manière exclusive.
- La notion d'intérêt communautaire a été introduite pour les communautés de villes et communautés de communes (loi n° 92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République N° Lexbase : L8033BB7) puis étendue aux communautés d'agglomération et communautés urbaines (loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale N° Lexbase : L1827ASH). Elle distingue, au sein d'une compétence transférée, les actions qui relèvent de l'EPCI de celles relevant des communes membres. La logique de subsidiarité autorise le transfert à l'EPCI de missions dont le caractère s'inscrit dans une logique intercommunale. Pour les communautés de communes, les communes membres déterminent l'intérêt communautaire tandis que cette mission relève du conseil communautaire dans les communautés d'agglomération et communautés urbaines.
b. Exercice de la compétence politique locale de l'habitat
Malgré le transfert de cette compétence, les communes ne se désengagent pas systématiquement mais interviennent de manière concomitante.
- Le maintien de l'intervention financière des communes est maintenu au profit des opérations de logement social. Elles peuvent accorder des garanties d'emprunt, subventions ou apports fonciers (CGCT, art. L. 2252-5 N° Lexbase : L1827GU9). Elles peuvent accorder des subventions ou des avances aux SEM immobilières intervenant dans le domaine du logement social ou du logement intermédiaire (CGCT, art. L. 1523-5 N° Lexbase : L8737ASE).
- L'intervention en matière de logement social reste possible en matière d'intervention foncière directe, d'actions ou opérations d'aménagement telles que la constitution de ZAC, de subventions foncières octroyées aux HLM en cas de foncier coûteux ou de cession d'un terrain à un prix inférieur à sa valeur vénale. A défaut des 20 % de logements locatifs conventionnés sur leur territoire, les communes s'acquittent d'un prélèvement fiscal dont peuvent user les EPCI pour réaliser des logements sociaux sur le territoire communal concerné.
2. Critères de définition de l'intérêt communautaire en matière d'habitat
La circulaire propose des critères afin de pallier les difficultés rencontrées par les EPCI pour délimiter leur domaine d'intervention en matière d'habitat. Elle les distingue selon l'existence d'un programme local de l'habitat.
a. Existence d'un programme local de l'habitat
Le PLH doit être l'instrument privilégié pour déterminer l'intérêt communautaire. Instrument de cohérence et de globalité des politiques de l'habitat sur un territoire défini à la suite d'un diagnostic partagé, il différencie les actions communautaires des actions communales. La définition de l'intérêt communautaire doit être compatible avec les objectifs et la répartition du PLH. Le PLH est donc une référence déterminante et son élaboration permet aux préfets d'apprécier la définition de l'intérêt communautaire.
b. Critères en l'absence d'un PLH
Les EPCI n'élaborant pas de PLH, en particulier les communautés de communes, peuvent recourir à des critères supplétifs, objectifs prospectifs à moyen terme et moyens d'action.
- L'identification des zones d'interventions permet aux groupements de déterminer les zones où ils veulent mettre en oeuvre un programme de construction, d'aménagement ou de modulation des aides à la personne, sur le territoire d'une seule commune ou sur un territoire plus large. Hors l'implantation, le coût financier peut excéder les moyens d'une seule commune ou l'opération présenter un enjeu pour l'ensemble de la communauté.
- L'identification de catégories d'actions ou de missions permet aux groupements de distinguer celles qui présentent un intérêt communautaire. Le nombre de logements créés, la taille de la commune ou le seuil financier d'une opération sociale doit permettre de définir la participation des groupements. Le logement de certaines catégories de personnes (âgées, handicapées ou étudiantes) peut constituer des opérations spécifiques d'intérêt communautaire. Des critères physiques ou financiers, la vétusté de l'habitat ou le dysfonctionnement des copropriétés peuvent être pertinents.
Comme pour le PLH, l'intérêt communautaire peut être défini en fonction d'actions prospectives, d'aménagement, d'offre de logement ou d'aides en faveur des personnes (dispositifs participant à la définition ou à la mise en oeuvre d'une politique de coordination et d'animation en matière d'habitat ; constitution de réserves foncières pour réaliser du logement social, offre nouvelle de logement et préservation du bâti, financement du logement).
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., n° 281976, 10 mai 2006, Société Bronzo (N° Lexbase : A3393DPD)
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par Marie-Hélène Sanson, Juriste marchés publics au sein d'un organisme national de protection sociale
Le 07 Octobre 2010
Le Conseil d'Etat rappelle, tout d'abord, dans sa décision, les principes applicables en matière d'éléments à produire par les candidats à l'appui de leur candidature. Ces éléments sont énumérés par l'article 45 du Code des marchés publics (même numéro d'article pour les codes des 7 janvier 2004 N° Lexbase : L1026G9U et 1er août 2006 N° Lexbase : L2705HPU).
L'article 45 du Code des marchés publics 2004, examiné par le Conseil d'Etat, dispose que "à l'appui des candidatures, il ne peut être exigé que :
1. des renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat...
[...]
La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'Economie".
Ces dispositions ont ainsi été précisées par l'arrêté du 26 février 2004 du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, pris en application de l'article 45, alinéa premier, du Code des marchés publics et fixant la liste des renseignements et/ou documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics (N° Lexbase : L1865DPR). L'article 1er fixe la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats :
- déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les fournitures, services ou travaux auxquels se réfère le marché, réalisés au cours des trois derniers exercices ;
- déclaration indiquant les effectifs du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pour chacune des trois dernières années ;
- présentation d'une liste des principales fournitures ou des principaux services fournis au cours des trois dernières années ou présentation d'une liste des travaux en cours d'exécution ou exécutés au cours des cinq dernières années, indiquant notamment le montant, la date et le destinataire public ou privé ;
- indication des titres d'études et/ou de l'expérience professionnelle du ou des responsables et des exécutants de la prestation de service envisagée ;
- déclaration indiquant l'outillage, le matériel et l'équipement technique dont le prestataire ou l'entrepreneur dispose pour l'exécution des services ou de l'ouvrage et déclaration mentionnant les techniciens ou les organismes techniques dont l'entrepreneur disposera pour l'exécution de l'ouvrage ;
- certificats de qualification professionnelle ; l'acheteur doit dans ce cas préciser que la preuve de la capacité de l'entreprise peut être apportée par tout moyen, notamment par des certificats d'identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l'entreprise à réaliser la prestation pour laquelle elle se porte candidate ;
- certificats établis par des services chargés du contrôle de la qualité et habilités à attester la conformité des fournitures ou des services à des spécifications ou des normes ; l'acheteur public acceptera toutefois d'autres preuves de mesure équivalentes de garantie de la qualité produites par les prestataires de services, si ceux-ci n'ont pas accès à ces certificats ou n'ont aucune possibilité de les obtenir dans les délais fixés ;
- échantillons, descriptions et/ou photographies des fournitures ;
- renseignements relatifs à la nationalité du candidat pour les marchés passés dans le domaine de la défense et portant sur les armes, munitions et matériels de guerre.
Cette liste est limitative. Les acheteurs publics ne peuvent ainsi pas demander de renseignements supplémentaires.
Le Code des marchés publics issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006, ainsi que l'arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs (N° Lexbase : L6697HKA), reprennent très largement ces dispositions. L'article 45 du nouveau code ajoute simplement aux renseignements ou documents permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats, ceux permettant d'évaluer "leur expérience". L'arrêté du 28 août 2006, quant à lui, comporte une liste de documents et informations très proche de celle de l'arrêté du 26 février 2004. Le dispositif réglementaire de 2006 se distingue, en réalité, principalement du précédent sur le point très spécifique du traitement des références relatives à l'exécution de prestations de même nature, dont l'absence ne peut désormais seule justifier l'élimination du candidat sans un examen de ses capacités professionnelles, techniques et financières.
Quoi qu'il en soit, aux termes de la nouvelle réglementation comme de l'ancienne, ces éléments ne peuvent pas être systématiquement demandés sans un examen précis des caractéristiques de chaque marché. Ils ne peuvent en effet être demandés que "dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats" (article 1er de l'arrêté du 26 février 2004 et article 1er de l'arrêté du 28 août 2006). C'est d'ailleurs bien ce que rappelle le Conseil d'Etat dans sa décision "Société Bronzo", lorsqu'il indique que s'il est possible à "l'acheteur public d'exiger la détention, par les candidats à l'attribution d'un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, cette exigence, lorsqu'elle a pour effet de restreindre l'accès au marché à des entreprises de création récente, doit être objectivement rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser".
Cette hypothèse n'est pas rare. Ces demandes ont fréquemment pour effet de limiter l'accès des entreprises nouvellement créées aux consultations puisque, précisément, à travers elles, les acheteurs cherchent à identifier les sociétés disposant d'expériences antérieures dans la réalisation des prestations objets de la consultation, afin d'en sécuriser l'exécution. Le Conseil d'Etat rappelle, alors, le moyen d'éviter que l'accès aux marchés publics ne soit systématiquement refusé aux sociétés au cours de leurs deux ou trois premières années d'existence, conduisant ainsi à leur fragilisation et comportant un risque d'étouffement de la création d'entreprise (cette méthode étant d'ailleurs contenue dans l'article 1er, alinéa 5, de l'arrêté du 26 février 2004). Il est en effet possible pour les acheteurs publics d'autoriser les candidats "qui ne sont pas en mesure de produire les références demandées, à justifier de leurs capacités financières et professionnelles par d'autres moyens et notamment par la présentation de titres ou de l'expérience de professionnelle du ou de leurs responsables".
La condition que doit alors remplir la demande de renseignements formulée par la personne publique est donc d'être rendue nécessaire objectivement par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. C'est donc une appréciation au cas par cas qui sera vraisemblablement nécessaire sur cette question. Dans chaque espèce qui lui sera soumise, le juge examinera si les renseignements demandés permettaient réellement d'apprécier la capacité des candidats à réaliser la prestation demandée, au regard des caractéristiques, du contexte, de la technicité de la prestation.
Cette adaptation de la demande des collectivités publiques aux caractéristiques du marché est d'ailleurs reprise par le Code des marchés publics 2006 dans son article 45.I, dernier alinéa : "il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacités liés et proportionnés à l'objet du marché".
Une illustration de ce principe est par exemple donnée par une décision de la cour administrative d'appel de Douai "Société Thermotique c/ OPAC Oise Habitat" (CAA Douai, 1ère ch., n° 02DA00889, 31 mars 2005 N° Lexbase : A2376DK9). Dans cette espèce, l'OPAC Oise Habitat avait lancé une consultation relative à une prestation de contrôle administratif, technique et financier des chaufferies de l'OPAC qui étaient affermées. La collectivité avait alors demandé dans l'avis d'appel public à la concurrence aux candidats de justifier de références sur les trois dernières années attestant de leur spécialisation dans le contrôle administratif, technique et financier des contrats d'affermage. La cour administrative a sanctionné les décisions de rejet fondées sur ces dispositions en relevant que "la spécificité du régime de l'affermage n'entraînait pas des modalités de contrôle substantiellement différentes suivant le mode de délégation". Le contrôle d'une gestion concédée n'est pas substantiellement différent du contrôle d'une gestion affermée, l'expérience demandée par l'acheteur public ne peut alors être aussi spécifique. L'exigence relative aux références en matière d'affermage n'est donc, pour le juge, pas justifiée par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution ; elle est irrégulière.
Cette référence aux caractéristiques du marché est, du reste, une condition constante posée par le Conseil d'Etat sur la question des éléments demandés à l'appui des candidatures.
Ainsi, dans une deuxième espèce du 10 mai 2006, le Syndicat Intercommunal des Services de l'Agglomération Valentinoise avait lancé un appel d'offres pour la collecte et l'évacuation des déchets ménagers de l'agglomération (CE 2° et 7° s-s-r., n° 286644, 10 mai 2006, Syndicat Intercommunal des Services de l'Agglomération Valentinoise N° Lexbase : A3398DPK). Le juge relève à cette occasion que l'obligation posée par la personne publique d'utiliser les imprimés Cerfa DC4 et DC5 pour présenter une candidature n'est pas irrégulière. Il constate, en effet, d'une part, que ces deux imprimés comportent les mêmes éléments que ceux figurant dans l'article 45 du Code des marchés publics et l'arrêté du 26 janvier 2004 et, d'autre part, que ces imprimés sont aisément accessibles, sans frais particuliers, sur le site du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Le juge souligne alors que, dans ces conditions, ces imprimés peuvent être imposés par l'acheteur public aux candidats, sous peine d'irrecevabilité de leur candidature et ajoute la condition "que les caractéristiques du marché le justifient".
Dans la décision "Société Bronzo", le juge rappelle enfin que les termes du dossier de consultation et, notamment, ceux du règlement de la consultation relatifs au traitement des candidatures, lient la personne publique. La collectivité publique se doit ainsi d'appliquer les règles qu'elle a elle-même fixées et l'absence de l'une des pièces réclamées aux candidats doit la conduire nécessairement au rejet de la candidature. Le Conseil d'Etat relève ainsi, qu'en l'espèce, la société Queyras, retenue par la commission d'appel d'offres, n'avait pas remis à l'appui de sa candidature les documents relatifs au chiffre d'affaires réalisé au cours des trois derniers exercices et aux références concernant des prestations similaires, exécutées ou en cours d'exécution, datant de moins de trois ans, requis par le règlement de la consultation. La candidature de la société aurait donc dû être rejetée, quand bien même la création récente de la société lui interdisait la production de ces documents, le règlement de la consultation n'ayant pas prévu la production d'informations alternatives, telles que des références relatives aux dirigeants de la société. Le juge sanctionne la décision de la commission d'appel d'offres qui n'a pas appliqué les dispositions du règlement de la consultation et qui a, ainsi, méconnu les obligations de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché.
On peut noter, enfin, que le Conseil d'Etat confirme sa position de principe relative à l'antériorité des éléments qui peuvent être réclamés aux candidats. En l'espèce, le juge relève que les références à produire par les candidats devaient dater de moins de trois ans, alors que l'arrêté du 26 janvier 2004 indique la durée de trois années concernant les fournitures et services (et cinq années concernant les travaux, ces deux délais étant par ailleurs repris par l'arrêté du 28 août 2006). Le juge ne formule aucun commentaire sur cette disposition du cahier des charges. Il confirme ainsi que si ces durées ne peuvent pas être allongées par les acheteurs publics, elles peuvent, en revanche, être réduites, à la condition d'être en rapport avec l'objet du marché et d'être applicables à tous les candidats (CE 2° et 7° s-s-r., n° 280406, 4 novembre 2005, Commune de Bourges N° Lexbase : A2816DLU).
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Le 07 Octobre 2010
Christiane Féral-Schuhl et Bruno Grégoire Sainte Marie créent un cabinet résolument orienté vers le secteur des technologies de l'information et de la communication.
Paris, 1er octobre 2006.
Christiane Féral-Schuhl et Bruno Grégoire Sainte Marie, deux pionniers et leaders (1) du droit des nouvelles technologies en France, annoncent la création du cabinet "FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE". L'expérience et le savoir-faire de leur équipe, forte d'une quinzaine d'avocats et juristes qui travaillent ensemble depuis de nombreuses années, en font immédiatement un cabinet de référence dans le secteur des technologies de l'information et de la communication.
Selon Christiane Féral-Schuhl, "l'accélération, la mondialisation et l'imbrication des technologies dans tous les secteurs d'activité rendent plus que jamais nécessaire pour les entreprises de faire appel à des spécialistes du secteur des nouvelles technologies, qu'il s'agisse de l'informatique, de l'internet, du multimédia ou des télécommunications". Elle précise que "nous contribuons significativement à l'évolution du droit et de la jurisprudence en ces matières. Forts de l'expérience acquise, nous savons proposer des solutions novatrices, pragmatiques et opérationnelles. Nous avons recours à une méthodologie éprouvée d'analyse des risques".
Bruno Grégoire Sainte Marie indique pour sa part : "Christiane Féral-Schuhl et moi avons décidé de créer un cabinet dont l'ambition est d'offrir à ses clients les avantages cumulés des cabinets de niche et des cabinets globaux. Gageure ? Nous le croyons possible pour au moins deux raisons :
1°- Nous connaissons très bien les avantages de ces deux types de structures puisque nous avons exercé pendant 10 ans comme associés fondateurs du cabinet de niche 'FG Associés' puis à partir de 1998 comme associés du cabinet international Salans dans lequel nous dirigions le département Technologies de l'Information et Communication et assumions des fonctions de management.
2°- Pour l'international, les nouvelles technologies permettent de délivrer rapidement un service de très grande qualité. Notre réseau international de partenaires, tissé depuis vingt ans, sera au service de nos clients. Nous pouvons ainsi sélectionner dans chaque pays du monde les compétences requises pour le dossier concerné et choisir les partenaires les plus adaptés".
Le cabinet FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE exerce son activité depuis le 1er octobre 2006, au :
9, rue Royale
75008 Paris
France
Tél. +33 1 70 71 22 00
Fax +33 1 70 71 22 22
www.feral-avocats.com
Pour toute information complémentaire, merci de contacter :
Christiane Féral-Schuhl
cferal-schuhl@feral-avocats.com
Bruno Grégoire Sainte Marie
bgregoiresaintemarie@feral-avocats.com
Tél. +33 1 70 71 22 00
Fax +33 1 70 71 22 22
A propos de Christiane Féral-Schuhl :
Elle exerce depuis plus de 20 ans dans le secteur du droit des nouvelles technologies dont elle est un acteur reconnu (2). Elle est l'auteur de Cyberdroit, le droit à l'épreuve de l'internet, qui a obtenu le prix Arthur Andersen-Fnac ainsi que de nombreuses autres publications dans son domaine de spécialité. Elle est également cyberarbitre auprès de l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) et arbitre auprès du Comité Français de la CCI (Chambre de Commerce Internationale). Elle est présidente de l'ADIJ, association pour le développement de l'informatique juridique. Avant de créer ce nouveau cabinet, elle co-dirigeait avec Bruno Grégoire Sainte Marie l'équipe IT du bureau de Paris du cabinet international Salans.
A propos de Bruno Grégoire Sainte Marie :
Il a plus de vingt-cinq années d'expérience dans le domaine de la négociation ou du contentieux des projets informatiques ou technologiques. Il a développé une expertise reconnue dans le secteur des médias et des éditeurs techniques. Il intervient également sur des dossiers relatifs à la responsabilité des dirigeants, à la gouvernance et au contrôle interne, en particulier sur tout ce qui est lié aux systèmes d'information Il a également été membre du comité exécutif du bureau de Paris du cabinet international Salans jusqu'en 2004.
(1) L'équipe IT dirigée par Christiane Féral-Schuhl et Bruno Grégoire Sainte Marie est classée dans la catégorie "leaders" par le Chambers Global Guide, European Legal 500 et Which Lawyer.
(2) Christiane Féral-Schuhl est également classée "leading individual - rank 1" en "Information technology" (Chambers Global Guide 2006) et "leading lawyer" en "IT & e-commerce" (Which Lawyer).
(3) Bruno Grégoire Sainte Marie est également classé "highly recommanded" en "Media & Entertainment" (European Legal 500) et "recommanded" en "IT & e-commerce" (Which Lawyer).
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Réf. : CAA Lyon, 5ème ch., 1er juin 2006, n° 02LY01282, SA Agentis (N° Lexbase : A5690DQS)
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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 07 Octobre 2010
Afin d'encourager les entreprises à investir pour l'avenir, le législateur fiscal a récemment adopté des dispositions visant à soutenir l'effort de recherche : la représentation nationale a introduit dans le droit positif le régime des Jeunes Entreprises Innovantes (JEI), des Sociétés Unipersonnelles d'Investissement à Risque (SUIR), et, enfin, le crédit d'impôt recherche, initié en 1983, a été substantiellement remanié par les lois de finances pour 2004 (loi n° 2003-1311 N° Lexbase : L6348DM3) et pour 2006 (loi n° 2005-1719 N° Lexbase : L6429HET) (lire V. Le Quintrec, Fiche n° 2 : les mesures fiscales destinées à améliorer la compétitivité des entreprises, Lexbase Hebdo n° 187, du 27 octobre 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N0048AKY).
Ce dispositif permet aux entreprises de constater un crédit d'impôt imputable sur l'impôt dû : il s'agit par conséquent d'orienter l'économie ; ce qui est une illustration concrète de la triple mission assignée à l'impôt dont celle de redistribuer des richesses et d'assurer le financement de l'Etat.
Mais le crédit d'impôt recherche entraîne un contentieux systématique avec l'administration fiscale : il n'est, en effet, pas douteux que son éminente complexité, alliée à de trop nombreux aménagements législatifs et réglementaires préjudiciables pour la sécurité juridique des contribuables (J. de Clausade, JCP éd. E 2006, n° 1485), suscitent de substantielles divergences d'interprétation des textes en vigueur permettant une remise en cause du crédit liquidé par l'entreprise.
Dans la présente affaire portée à la connaissance des conseillers de la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 5ème ch., 1er juin 2006, n° 02LY01282, SA Agentis), la société anonyme Agentis, venant aux droits de la société Groupe Snig qui elle-même venait aux droits de la SNC Snig AB, s'est vue contester le crédit d'impôt recherche imputé sur l'impôt sur les sociétés à hauteur de 3 108 460 francs, soit 473 882 euros.
En effet, la SNC Snig AB, qui exerçait une activité de chaudronnerie et de tuyauterie, a mené deux projets de recherche visant à mettre au point des "techniques pour une nouvelle mise en oeuvre d'appareils destinés à la pharmacie" et un "dessaleur d'eau de mer".
La cour administrative d'appel de Lyon censure les juges du fond à la fois sur le plan de la prise en compte de la qualification des personnels ayant la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils affectés à la recherche (1) ; et sur la preuve de l'affectation du personnel de recherche à des activités éligibles au crédit d'impôt recherche (2).
1. La prise en charge, au titre du crédit d'impôt recherche, des dépenses de personnel de technicien quelle que soit leur qualification
Parmi les charges pouvant faire l'objet d'une prise en compte au titre du crédit d'impôt recherche, figurent notamment les dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la recherche, les brevets et leur maintenance puis, à compter du 1er janvier 2004, les frais de défense des brevets ainsi que les dépenses de veille technologique.
Les charges de personnel affecté à la recherche sont, également, prises en compte ; mais, s'agissant de l'interprétation du terme "rémunération" employé par la loi, la jurisprudence l'entend comme le versement d'une contrepartie financière par l'employeur au salarié de l'entreprise requérant le crédit d'impôt recherche et non à l'intention d'un travailleur indépendant (CAA Nantes, 1ère ch., 18 juin 2003, n° 00NT00697, SA Leblanc N° Lexbase : A1795DAQ). Cependant, la doctrine administrative a admis la prise en compte, à certaines conditions, de dépenses afférentes au personnel de recherche mis à la disposition de l'entreprise.
L'article 49 septies G de l'annexe III au CGI précise, alors, que le personnel de recherche s'entend des "chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise", ainsi que des "techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental".
Il s'agit, par conséquent, de retenir les rémunérations versées aux techniciens et aux chercheurs. Ces derniers s'entendent de personnes diplômées, mais également, de salariés qui ont acquis une qualification équivalente dans l'entreprise qui les emploie sans pour autant être titulaires d'un diplôme.
Ainsi, selon la doctrine administrative (DB 4 A 311, n° 37 et 38), les salariés assimilés aux ingénieurs et affectés à la recherche doivent, notamment, avoir reçu une notification écrite de leur promotion par leur employeur, être rémunérés en conséquence et être affiliés au régime de retraite et de prévoyance des cadres.
Cette doctrine est réaliste : elle admet, fiscalement, que la contribution d'un salarié chercheur, même dépourvu du précieux sésame, puisse être prise en compte pourvu qu'elle soit formellement établie par l'employeur.
Cependant, la jurisprudence applique le formalisme à la lettre : les rémunérations d'un chercheur, dont la qualification n'est pas formellement reconnue par l'entreprise, ne peuvent être admises au titre du crédit d'impôt recherche même si, par ailleurs, il possède, en fait, une expérience et des connaissances unanimement reconnues comme équivalentes à celles d'un ingénieur (CAA Lyon, 2ème ch., 2 décembre 2004, n° 01LY00080, SARL STCV Technologie N° Lexbase : A0047DH9).
Cet excès de formalisme ne se justifie pas dès lors que l'entreprise, même si elle ne reconnaît pas expressément la qualification du salarié, bénéficie, en fait, de ses compétences : la formalisation de la qualification d'ingénieur du salarié devrait être indifférente en droit fiscal.
Les faits ayant donné lieu au litige déféré devant les conseillers de la cour administrative d'appel de Lyon rapportent que l'administration fiscale contestait la prise en compte, au titre du crédit d'impôt recherche, de charges de personnel dès lors que ce dernier était affecté à des tâches de simple exécution.
Les juges du second degré écartent cet argument : quelle que soit la qualification professionnelle des intéressés, les charges de personnel de techniciens, affectés à l'entretien et au fonctionnement des appareils et équipements nécessaires à la recherche, peuvent être admises au titre du crédit d'impôt recherche.
Cependant, la cour prend soin de relever que les techniciens doivent s'entendre de personnes travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs ; ce qui correspond à la lettre de l'article 49 septies G de l'annexe III au CGI.
En adoptant une telle position, la cour administrative d'appel de Lyon s'inscrit dans la jurisprudence de son homologue parisienne. En effet, la cour de Paris a déjà jugé, à deux reprises, que la collaboration étroite entre les chercheurs et les techniciens devait être rapportée afin de prendre en compte, au titre du crédit d'impôt recherche, les rémunérations qui leur étaient alors versées (CAA Paris, 5ème ch., 11 février 1999, n° 97PA00879, SARL Etablissements Accary, mentionné dans les tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A8401AYS ; CAA Paris, 2ème ch., 30 mars 2005, n° 01PA03160, Société Studio Pless N° Lexbase : A1116DI8).
Cependant, la doctrine s'interroge sur la légalité de l'article 49 septies G de l'annexe III au CGI, dès lors qu'il restreint les dispositions de la loi (V. Haïm, concl. sous CAA Paris, 5ème ch., 11 février 1999 n° 97PA00879, SARL Entreprise Accary, BDCF mai 1999).
2. La preuve de l'affectation du personnel de recherche
La doctrine administrative opère une distinction entre les entreprises dotées d'un département de recherche et celles n'en comportant pas : pour les premières, les rémunérations des chercheurs et des techniciens sont intégralement prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche dès lors que le personnel est affecté en permanence à de telles opérations ; en revanche, dans les structures plus modestes, dans lesquelles il n'existe pas de département de recherche, l'entreprise doit alors pouvoir établir un prorata du temps effectivement passé à la recherche (instruction du 17 octobre 1983, BOI n° 4 A-8-83 N° Lexbase : X0491ABS ; DB 4 A 4113, 9 mars 2001, n° 6 et 7 ; instruction du 21 janvier 2000, BOI n° 4 A-1-00 N° Lexbase : X6196AAQ).
L'administration fiscale exclut, alors, toute forfaitisation du temps dévolu à la recherche. Elle sera, cependant, désavouée sur ce point par une jurisprudence rendue par le tribunal administratif de Grenoble, dès lors que le mode de calcul retenu "fait ressortir avec une précision et une rigueur suffisante la part consacrée à la recherche" (TA Grenoble, 4ème ch., 22 décembre 1995, n° 91-400, SARL Sisa, RJF mars 1996, n° 276).
La même exigence de précision et de rigueur dans la détermination du temps effectif de travail de salariés affectés à la recherche est requise des magistrats marseillais qui s'appuient, notamment, sur un ensemble de pièces tels que le projet méthodologique des activités de recherche de la société, les listes mentionnant les noms et montant annuel des rémunérations brutes des personnes ayant participé au travail de recherche, les déclarations des données sociales des années en litige, les plannings des années concernées, l'attestation de l'expert-comptable de l'entreprise (CAA Marseille, 3ème ch., 7 juillet 2005, n° 00MA00374, SA Nemausic N° Lexbase : A0560DMP).
Ces documents, fort opportunément élaborés en temps voulu et conservés par l'entreprise, ne peuvent être assimilés à une forfaitisation interdite par la doctrine administrative précitée : cette précision jurisprudentielle doit être approuvée.
La preuve du temps effectivement passé à la recherche peut être difficile à rapporter dans la pratique des entreprises françaises : la jurisprudence est sévère avec les contribuables qui se contentent de produire des tableaux "sans justifier la réalité et le détail du temps [que les membres du personnel] auraient effectivement passé à de telles opérations" (CAA Lyon, 4ème ch., 1 décembre 1996, n° 95LY00251, Société Sigem N° Lexbase : A0460BG7)
Dans ces circonstances, la requérante saura gré à la juridiction lyonnaise d'avoir su formuler une réponse pragmatique, au cas d'espèce, en relevant qu'elle avait produit des états "faisant apparaître le nom des salariés concernés, leur qualification, la nature des travaux de recherche auxquels ils ont été employés et le nombre d'heures de travail consacré par chaque agent à ces travaux".
Pour la cour administrative d'appel, l'entreprise justifie avec une précision suffisante la réalité des rémunérations versées dès lors que l'administration ne conteste pas les temps indiqués par le contribuable, soit qu'ils seraient excessifs ; soit qu'ils ne se rapporteraient pas à des travaux de recherche.
Autant ce dernier critère est acceptable en l'état et peut être soulevé par l'administration fiscale aidée par les agents du ministère de la Recherche pour les aspects techniques qui sont hors de sa compétence ; autant nous émettons des réserves quant à l'utilisation de la notion de "temps excessif", évoquée par la cour administrative d'appel dans la présente affaire, et qui se révèlerait être particulièrement dommageable pour le contribuable.
En effet, ce critère ne devrait pas pouvoir être opposé par l'administration fiscale à l'entreprise bénéficiant du crédit d'impôt recherche : il porte en germe sa propre contradiction dès lors que, par essence, la recherche demande un investissement en temps considérable.
Par conséquent, le besoin en ressources humaines affecté à un département de recherche est nécessairement important. A ce titre, il ne peut être excessif.
Enfin, le raisonnement de la cour administrative d'appel de Lyon laisse perplexe sur un dernier point : la juridiction relève que l'administration n'a pas invoqué d'éléments "donnant à penser" que les mentions portées sur les états fournis par l'entreprise ne correspondraient pas à la réalité.
Le justiciable ne peut se contenter de subjectivisme en matière de preuve : ce devrait être à l'administration fiscale d'apporter des éléments, non pas "donnant à penser", mais établissant la preuve que les mentions portées sur les états fournis par l'entreprise ne correspondent pas à la réalité.
Au gré des circonstances de fait soumises à la sagesse des juges du fond dont les décisions, d'un ressort à l'autre des juridictions, sont susceptibles de différer, voire de s'opposer, la justification suffisamment précise et rigoureuse par l'entreprise du temps de travail consacré à la recherche peut se révéler être une probatio diabolica...
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Réf. : Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 04-45.703, M. Michel X. c/ Association Revivre, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2799DR4)
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
Les propositions de reclassement préalablement à un licenciement pour motif économique doivent, conformément à l'article L. 321-1, alinéa 3, du Code du travail, être écrites et précises. A défaut, le licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse. |
Décision
Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 04-45.703, M. Michel X. c/ Association Revivre, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2799DR4) Cassation partielle (CA Angers, chambre sociale, 15 juin 2004) Textes cités : C. trav., art. L. 321-1, alinéa 3 (N° Lexbase : L6105AC4), dans sa rédaction issue de la loi du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9) Mots-clés : Licenciement. Motif économique. Offre de reclassement. Propositions précises et écrites Liens base : ; |
Faits
1. Un salarié de l'association Revivre, employé d'abord comme comptable, puis comme directeur administratif, est licencié le 21 février 2002. Reprochant, notamment, à l'employeur de ne pas avoir exécuté son obligation de reclassement, le salarié contestait en justice le bien fondé du licenciement. 2. La cour d'appel d'Angers, saisie de l'affaire, déboute le salarié de ses demandes estimant que l'employeur pouvait démontrer par tout moyen qu'il avait satisfait à son obligation de reclassement, preuve apportée en l'espèce par des attestations produites d'offres à temps partiel, refusées par le salarié. 3. Le salarié se pourvoit en cassation. |
Solution
1. Rejet de plusieurs moyens de procédure. 2. Sur le troisième moyen : l'arrêt qui retient que l'employeur peut démontrer par tous moyens qu'il a satisfait à l'obligation de reclassement préalablement au licenciement et qu'il est justifié par les attestations produites d'offres à temps partiel refusées par le salarié "sans constater l'existence d'offres écrites et précises proposées au salarié" viole l'article L. 321-1, alinéa 3, du Code du travail. 3. Cassation partielle. |
Commentaire
1. Les conditions de forme de la proposition de reclassement
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a été l'occasion, pour le législateur, de s'adonner à l'une de ses pratiques favorites, à savoir la légalisation de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation. C'est à cette occasion qu'est entrée dans le Code du travail l'obligation pour l'employeur de tenter de reclasser le salarié préalablement au licenciement économique. Cependant, il serait sévère de considérer que la loi, en matière de reclassement, n'ait rien apporté. C'est ainsi, notamment, que la fin de l'alinéa 3 de l'article L. 321-1 du Code du travail fut agrémenté de la phrase suivante : "Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises". Sans entrer dans le débat concernant la nature juridique de l'offre (V. J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil, Les obligations. 1. L'acte juridique, éd. A. Colin, 11ème éd., pp. 90 et s.), l'existence de propositions de reclassement, en tant que faits juridiques, devait jusque là pouvoir être prouvée par tout moyen par l'employeur. Seul le législateur pouvait donc restreindre les modes probatoires liés à ces propositions (en ce sens, v. S. Koleck-Desautel, La charge de la preuve en matière de licenciement pour motif économique, Lexbase Hebdo n° 84 du 4 septembre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N8558AA9). D'ailleurs, et en l'absence d'intervention du législateur en ce sens, la preuve par tout moyen reste la règle en matière de preuve de l'effectivité des recherches de possibilité de reclassement à l'initiative de l'entreprise (V. en ce sens Cass. soc., 16 septembre 2003, n° 01-45.127, F-D N° Lexbase : A5423C9Q). Ainsi, et pour la première fois, la Cour de cassation a l'occasion de mettre en application la règle instituée en 2002 : les propositions de reclassement doivent être écrites et précises.
Cette condition ne devrait pas poser trop de difficultés. En l'espèce, l'employeur avait fourni des attestations d'offres à temps partiel refusées par le salarié. Mais l'attestation peut être verbale. Seule l'attestation écrite aura donc valeur probatoire suffisante. L'écrit est défini par l'article 1316 du Code civil (N° Lexbase : L1427ABH) comme une "suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission". Il faudra, bien entendu, tenir également compte de l'existence de l'écrit électronique introduit aux articles 1316-1 et suivants du même code (N° Lexbase : L0627ANK) même si cette procédure n'a pas été expressément envisagée par le Code du travail. En revanche, les propositions doivent être adressées individuellement aux salariés (V. Cass. soc., 17 janvier 2001, n° 98-46.111, Société Imprimerie Bussière N° Lexbase : A9307ASI). Si bien que le refus apporté par la Chambre sociale en matière d'information par intranet sur les emplois à temps plein disponibles dans l'entreprise (Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-41.802, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9303DHZ et les obs. de Ch. Radé, Information des salariés et usage de l'intranet, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N3898AI9) devrait se voir étendu aux propositions de reclassement dans le cadre du licenciement économique. Outre qu'elles doivent être écrites, les propositions de reclassement doivent donc également être précises.
La seconde condition de forme concerne donc la précision de l'offre de reclassement. La Chambre sociale ne donne aucune information sur ce qu'elle entend par "précis". On peut rechercher des indices des éventuelles exigences de la Chambre sociale en la matière à travers d'autres obligations de reclassement, spécialement celle qui est imposée au retour dans l'entreprise d'un salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail (V. Cass. soc., 10 décembre 2002, n° 00-46.231 N° Lexbase : A4157A4Q et les obs. de Ch. d'Artigue, La précision de la proposition de reclassement : une notion difficile à manier, Lexbase Hebdo n° 54 du 16 janvier 2003 - édition sociale N° Lexbase : N5451AA7). Dans cette affaire, les Hauts magistrats avaient considéré comme insuffisamment précise une proposition se contentant d'indiquer la nature de l'emploi proposé telle que définie par les règles de classification applicables à l'entreprise. Un autre arrêt, concernant cette fois une inaptitude d'origine non professionnelle, avait ainsi estimé comme trop imprécise l'offre d'un emploi à temps partiel sans aucune indication sur la structure de l'effectif, la nature des postes existant dans l'entreprise ou les possibilités de mutations ou de transformations des postes de travail (V. Cass. soc., 6 février 2001, n° 98-43.272, Société Autocars Martinken c/ M. Robert Bindler N° Lexbase : A3614ARB). On peut imaginer que l'offre doit être aussi précise que le serait, par exemple, une offre d'emploi, quoiqu'il faut bien reconnaître qu'il n'existe que peu de règles particulières en la matière, à part bien sûr les règles générales applicables à l'offre de contracter. Elle devrait donc comporter mention du poste, de l'emploi, du lieu de travail, des horaires ou encore de la rémunération proposée. Le salarié doit avoir en main toutes les données lui permettant d'accepter ou de refuser la proposition en connaissance de cause. Quoique l'application faite par la Chambre sociale de l'article L. 321-1, alinéa 3, in fine paraisse tout ce qu'il y a de plus orthodoxe, cet arrêt s'insère malgré tout dans une mouvance qui semble chercher à revigorer l'obligation de reclassement dans le paysage juridique du droit du licenciement économique. 2. Le renforcement implicite de l'obligation de reclassement
A première vue, la question peut paraître saugrenue. L'obligation de faire des propositions de reclassement par écrit et contenant des informations suffisamment précise est une condition de forme et, pourrait-on dire pour l'écrit, la condition de forme par excellence. Seulement voilà, comme souvent lorsqu'il s'agit de reclassement, la sanction du défaut de cette formalité ne va pas correspondre aux sanctions habituellement utilisées pour le non-respect d'une formalité. Au contraire, en décidant que la preuve du licenciement n'est pas apportée, la Cour de cassation parvient à sa solution traditionnelle selon laquelle le licenciement se trouve alors dépourvu de cause réelle et sérieuse (parmi d'autres arrêts, v. Cass. soc., 10 octobre 2002, n° 00-43.922, F-D N° Lexbase : A9710AZN). La formalisation par un écrit suffisamment précis ne peut cependant pas tout à fait être considéré comme étant une condition de fond, mais plutôt comme un mode probatoire. La preuve ne peut être faite qu'au moyen de l'écrit. On conviendra, malgré tout, que le résultat est identique, et ce malgré l'appel de certains auteurs visant à mettre en oeuvre une sanction spécifique concernant justement le non-respect des obligations de reclassement (v. par ex., J.-E. Ray, Loi pour la cohésion sociale, continuité et contournements, Dr. soc. 2005, spéc. p. 365). L'obligation de présenter les propositions dans ces formes n'est pas contestable puisque prévue par le texte. En revanche, la sanction peut-elle être remise en question ? Est-elle véritablement trop lourde ? Il nous semble qu'il s'agit, en réalité, du prix à payer pour être sûr que les employeurs qui licencient pour un motif économique mettront tout en oeuvre pour que les salariés concernés soient reclassés. C'est d'ailleurs le sens que souhaite donner la Cour de cassation à cet arrêt puisque, par un communiqué ayant accompagné l'arrêt sur le site internet de la Cour, l'explication sommaire de l'arrêt va bien en ce sens. Il s'agit de prendre en considération la finalité de la disposition de l'article L. 321-1 du Code, "qui tend à assurer l'effectivité du droit du salarié au reclassement et la certitude de la réalité des offres de reclassement" (1). Demeure une question : pourquoi avoir visé l'article L. 321-1 "dans sa rédaction issue de la loi du 17 janvier 2002" alors que, si la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (N° Lexbase : L6384G49) modifie bien le premier alinéa de cet article, elle n'a pas remanié l'alinéa 3 concerné en l'espèce. Peut-être est-ce le moyen d'appuyer sur le fait qu'il s'agisse d'une interprétation "globale", comme cela existe pour l'interprétation du contrat (v. C. civ., art. 1161 N° Lexbase : L1263ABE), impliquant donc que l'interprétation serait différente si la Cour avait appliqué le texte pour une affaire sous l'empire de la loi de 2005. Les conséquences sur la sanction de l'inexécution de l'obligation de reclassement, interprétées à la lumière de la loi de cohésion sociale raviraient, soyons en sûrs, les tenants de la minimisation du formalisme en droit du travail. Ce formalisme a d'autres conséquences puisqu'il permettra de s'assurer que certaines conditions ont été respectées.
Nous commentions la semaine passée, dans ces colonnes, un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation au sujet, déjà, du reclassement du salarié licencié pour motif économique (V. Cass. soc., 13 septembre 2006, n° 04-43.763, F-D N° Lexbase : A0242DRE et nos obs., Hiérarchie des propositions de reclassement dans le cadre du licenciement économique, Lexbase Hebdo n° 229 du 28 septembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3173AL4). Par cette décision, la Cour de cassation rappelait, à sa manière, qu'il existait une hiérarchie entre les différentes offres de reclassement pouvant être proposées à un salarié. Ainsi, selon elle, il faut proposer au salarié un emploi équivalent au sein du groupe avant de lui proposer un emploi de qualification inférieure dans l'entreprise. L'écrit comme formalité indispensable à la proposition d'un reclassement est, à notre sens, seul à même de permettre aux juges d'estimer si cette condition liée à l'ordre des différentes propositions de reclassement a bien été respectée. Tout cela traduit un mouvement de la Cour de cassation visant à renforcer son contrôle sur l'effort de reclassement effectué par l'entreprise. Enfin, nous l'avons déjà évoqué, l'écrit paré d'informations précises permettra au salarié d'apprécier s'il doit ou non accepter l'offre de reclassement qui lui est proposée. Le principe selon lequel le salarié peut toujours refuser l'offre de reclassement, comme nous l'avons déjà envisagé, devrait être limité aux cas où l'employeur n'a pas effectué toutes les efforts possibles en vue d'exécuter son obligation (V. nos obs., article précité). Il nous semble que ces jurisprudences successives tendant à renforcer l'effectivité du droit au reclassement du salarié, mais comportant également en leur sein des contraintes plus importantes pour les employeurs, devraient être équilibrées par une politique jurisprudentielle différente en matière de refus du salarié d'une proposition de reclassement. Car, si tout est fait pour le reclasser, le refus discrétionnaire du salarié peut devenir abusif... mais seulement si tout est fait pour le reclasser !
Sébastien Tournaux (1) V. le communiqué de la Cour de cassation. |
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