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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
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Réf. : Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006, relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (N° Lexbase : L8129HHK)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
L'article L. 122-26 du Code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
"En l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent alinéa pendant les congés prévus au présent article et à la suite de ces congés, cette rémunération, au sens de l'article L. 140-2, est majorée, à la suite de ces congés, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ces congés par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise".
"La règle définie à l'alinéa précédent n'est pas applicable aux accords collectifs de branche ou d'entreprise conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes".
Commentaire
Les femmes bénéficient déjà, au retour de leur congé maternité, d'un certain nombre de garanties individuelles. L'article L. 122-26 du Code du travail (N° Lexbase : L0326HG8) dispose, ainsi, qu'"à l'issue des congés de maternité et d'adoption [...], la personne salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente".
Ce texte n'assure toutefois qu'une équivalence avec la situation de la salariée antérieurement au congé, mais ne lui confère aucune garantie de bénéficier des augmentations de salaires qui auraient été accordées à l'ensemble du personnel entre temps.
C'est pour favoriser un tel rattrapage que l'article 1er met en place un nouveau dispositif.
Le texte fixe, tout d'abord, un objectif : garantir au salarié une majoration de la rémunération antérieure pour tenir compte "des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ces congés par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise".
Ce rattrapage devra être organisé soit par la voie conventionnelle (accord de branche ou d'entreprise), soit par l'employeur lui-même, à défaut de tels accords. La loi précise, toutefois, qu'il faudra conclure de nouveaux accords, puisqu'elle écarte ceux qui auraient été négociés antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. On pourra regretter que la loi n'ait pas adopté, ici, de dispositif de reprise des accords antérieurs, à l'instar des lois du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 N° Lexbase : L0988AH3) et 17 janvier 2003 (loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 N° Lexbase : L0300A9Y) en matière de réduction du temps de travail.
Reste à déterminer l'effectivité de cette mesure car, si les objectifs sont clairs, leur mise en oeuvre risque de s'avérer complexe dans la mesure où elle obligera l'employeur à rendre des comptes sur sa politique de rémunération. Dans un certain nombre d'hypothèses, en effet, ce dernier "individualise" la rémunération, notamment sur des critères de mérites personnels. Or, la loi impose de prendre en compte non seulement les augmentations "générales", ce qui est tout à fait normal, mais également "la moyenne des augmentations individuelles" relevées soit au sein de la même catégorie professionnelle ou, lorsque la salariée apparaît comme étant la seule dans sa catégorie, "la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise", c'est-à-dire toutes catégories professionnelles confondues. La salariée pourra donc ainsi bénéficier, sans avoir travaillé, du travail de ses collègues et de la somme de leurs mérites... On imagine, ici, les difficultés rencontrées par la salariée, soucieuse de faire valoir ses droits, dans des entreprises de grande dimension, où il lui sera matériellement impossible de vérifier les fiches de paie de ses collègues à son retour...
Dans le premier alinéa de l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L1417G9D), après les mots : "notamment en matière de rémunération", sont insérés les mots : "au sens de l'article L. 140-2, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions" et, après les mots : "de sa situation de famille", sont insérés les mots : "ou de sa grossesse".
Commentaire
Poursuivant sa course poursuite contre les discriminations, l'article L. 122-45 du Code du travail, qui se refuse toujours à consacrer un principe général de discrimination resserré autour de quelques grands cas d'ouverture, ajoute, ici, deux nouvelles hypothèses.
La loi vise, désormais, au côté des discriminations affectant la "rémunération" (salaires et accessoires tels que définis par l'article L. 140-2 du Code du travail N° Lexbase : L5726AC3), les "mesures d'intéressement ou de distribution d'actions". Cet ajout était nécessaire dans la mesure où il ne s'agit pas ici de sommes versées au salarié en contrepartie de son travail mais de son appartenance à l'entreprise et son "implication" dans l'activité de celle-ci.
Ces dispositions risquent, toutefois, de n'intéresser qu'un petit nombre de salariés qui entrent dans les critères légaux pour bénéficier de l'intéressement (C. trav., art. L. 441-1 N° Lexbase : L7694HBL) ou de quelques privilégiés bénéficiant de stock-options...
La loi ajoute, également, la grossesse parmi les causes de discriminations désormais prises en compte, au stade de l'embauche comme à celui du licenciement. Dans de nombreuses hypothèses, les dispositions existantes dans le Code du travail le permettaient déjà mais sa consécration formelle ne peut qu'être approuvée ; elle permettra, ainsi, de couvrir des hypothèses de discriminations qui échappaient jusqu'à présent à toute possibilité de sanction (ainsi en matière d'accès à la formation ou de promotion professionnelle).
I. Après l'article L. 132-12-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8848G7T), il est inséré un article L. 132-12-3 ainsi rédigé :
"Art. L. 132-12-3 - La négociation prévue au premier alinéa de l'article L. 132-12 vise également à définir et à programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010. A cette fin, un diagnostic des écarts éventuels de rémunération, au sens de l'article L. 140-2, entre les femmes et les hommes est établi sur la base du rapport prévu au sixième alinéa de l'article L. 132-12".
"A défaut d'initiative de la partie patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, la négociation s'engage dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation représentative au sens de l'article L. 132-2".
"L'accord conclu à la suite de la négociation prévue au premier alinéa de cet article fait l'objet d'un dépôt auprès de l'autorité administrative compétente dans les conditions définies à l'article L. 132-10. En l'absence de dépôt d'un accord ou de transmission d'un procès-verbal de désaccord auprès de cette autorité, contenant les propositions des parties en leur dernier état, la commission mixte mentionnée à l'article L. 133-1 est réunie à l'initiative du ministre chargé du travail afin que s'engage ou se poursuive la négociation prévue au premier alinéa du présent article".
"Une commission mixte est réunie dans les mêmes conditions si la négociation n 'a pas été engagée sérieusement et loyalement. L'engagement sérieux et loyal des négociations implique que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et ait répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales".
"Lors de l'examen annuel prévu au 8° de l'article L. 136-2, la Commission nationale de la négociation collective établit le bilan de l'application de ces mesures".
II. Après le 9° de l'article L. 133-5 du même code, il est inséré un 9° bis ainsi rédigé :
"9° bis La suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes prévue à l'article L. 132-12-3".
III. Les dispositions du 9° bis du même article L. 133-5 entreront en vigueur à compter d'un an après la promulgation de la présente loi.
IV. Dans le cinquième alinéa de l'article L. 132-12 du même code, après les mots : "conditions de travail et d'emploi", sont insérés les mots : "et notamment celles des salariés à temps partiel".
Commentaire
L'article 13 de l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004, relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, incitait les branches à négocier la mise en place "d'actions spécifiques de rattrapage progressif limitées dans le temps". L'article 3 de la loi reprend cet objectif mais en fait, désormais, non plus une simple obligations de moyens, mais bien une obligation de résultat.
Dans le cadre de la négociation obligatoire de branche ou professionnelle (annuelle sur les salaires, quinquennale sur les classifications), la loi impose, désormais, la définition et la programmation de mesures "permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010" sur la base du rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes pour chaque secteur d'activité prévu au sixième alinéa de l'article L. 132-12 (N° Lexbase : L1420G9H).
La loi cherche donc à supprimer les écarts de rémunération d'ici 5 ans et demande aux partenaires sociaux de mettre en place les mesures susceptibles de parvenir à cet objectif.
Les employeurs sont tenus, dans ce cadre, à une double obligation ; elles doivent, ainsi, non seulement, engager les négociations dans l'année qui suit la promulgation de la loi, à défaut de quoi une organisation syndicale de salariés pourra l'y contraindre, mais, également, négocier "sérieusement et loyalement", c'est-à-dire avoir "communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause" et "répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales".
A défaut d'accord ou de constat des dernières propositions adoptées par les parties, c'est dans le cadre de la commission visée à l'article L. 133-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5694ACU), habituellement compétente pour négocier les accords dans le cadre d'une procédure d'extension, que la discussion devra reprendre, en espérant qu'elle pourra aboutir à la conclusion d'un accord qui sera, cette fois-ci, étendu.
Par ailleurs, les accords de branche ou professionnels, candidats à l'extension dès l'ouverture des discussions dans le cadre de la commission mixte, devront désormais intégrer ces accords de réduction des écarts de rémunération, faute de quoi le ministre en refusera l'extension.
L'article L. 132-27 du Code du travail (N° Lexbase : L1363G9D) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
"Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, dans celles qui ne sont pas soumises à l'obligation de négocier en application de l'article L. 132-26 et dans celles non couvertes par une convention ou un accord de branche étendu relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, l'employeur est tenu de prendre en compte les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et les mesures permettant de les atteindre".
Commentaire
La loi n° 2001-397 du 9 mai 2001, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (N° Lexbase : L7076ASU), avait modifié l'article L. 132-27 du Code du travail (N° Lexbase : L1363G9D) et imposé, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire d'entreprise, "une négociation sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre". Cette négociation pourra conduire, notamment, à l'adoption de l'accord visé à l'article L. 122-26 du Code du travail (N° Lexbase : L0326HG8).
Dans les entreprises non soumises à cette obligation, ainsi que dans celles qui ne sont pas couvertes par un accord de branche étendu relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, la question de la mise en oeuvre de l'objectif de réduction des écarts de rémunération se pose. Lorsqu'existent un ou plusieurs délégués syndicaux, c'est dans le cadre d'un accord d'entreprise que l'employeur pourra être contraint de mettre en oeuvre des actions de rattrapage ; c'est, en tout cas, ce que suggère une lecture a contrario de l'article 4.
Mais, en l'absence de délégué syndical, la loi fait désormais obligation à l'employeur "de prendre en compte les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et les mesures permettant de les atteindre". Il s'agit, ici, d'une simple obligation de moyens, puisque l'employeur doit simplement "prendre en compte les objectifs", et nullement parvenir à un rattrapage effectif des niveaux de rémunération.
La formule est d'ailleurs très insuffisante car le texte n'indique pas à quel moment, ou en quelles occasions, l'employeur sera tenu de veiller au respect de ces objectifs ; ira-t-on jusqu'à considérer que, désormais, l'employeur doit élaborer, dans le cadre de son entreprise, une véritable politique des rémunérations qui aille jusqu'à intégrer l'objectif de rattrapage des différences de rémunérations entre les femmes et les hommes ?
L'article 4 ne prévoit d'ailleurs aucune sanction, et on peut se demander ce qu'il adviendrait si l'employeur venait à manquer à cette obligation. Qui pourrait agir, et pour réclamer quoi ? Les femmes de l'entreprise pourraient-elles, en tant que catégorie de salariés, agir contre ce dernier pour lui réclamer, à titre de dommages-intérêts, des rattrapages de rémunération sur une base comparable à celle établie désormais par l'article L. 122-26 du Code du travail, par comparaison avec "la moyenne des augmentations individuelles [...] par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise" ?
I. - Après l'article L. 132-27-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8820G7S), il est inséré un article L. 132-27-2 ainsi rédigé :
"Art. L. 132-27-2 - Les négociations sur les salaires effectifs que l'employeur est tenu d'engager chaque année, conformément au premier alinéa de l'article L. 132-27, visent également à définir et à programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010. A cette fin, un diagnostic des écarts éventuels de rémunération, au sens de l'article L. 140-2, entre les femmes et les hommes est établi sur la base des éléments figurant dans le rapport prévu au premier alinéa de l'article L. 432-3-1".
"A défaut d'initiative de la partie patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, les négociations s'engagent dans les quinze jours suivant la demande d'une des organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise au sens des articles L. 132-2 et L. 132-19".
"Les accords collectifs d'entreprise sur les salaires effectifs ne peuvent être déposés auprès de l'autorité administrative compétente, dans les conditions prévues à l'article L. 132-10, qu'accompagnés d'un procès-verbal d'ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, consignant les propositions respectives des parties. Le procès-verbal atteste que l'employeur a engagé sérieusement et loyalement les négociations. L'engagement sérieux et loyal des négociations implique que l'employeur ait convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. L'employeur doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales".
II. - Après la première phrase du sixième alinéa de l'article L. 132-27 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
"Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, les conditions de travail et d'emploi et en particulier celles des salariés à temps partiel, et l'articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales".
III. Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes établit, à partir d'outils méthodologiques dont la liste est fixée par décret, une évaluation à mi-parcours de l'application des articles L. 132-12-3 et L. 132-27-2 du Code du travail. Ce rapport d'évaluation est remis au Parlement.
Au vu du bilan effectué à cette occasion, le Gouvernement pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires, et applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'engagement des négociations prévues à l'article L. 132-27-2 du Code du travail.
Commentaire
L'obligation de négocier sur le rattrapage des rémunérations ne concerne pas que la branche (art. 3), mais également l'entreprise. Ici aussi, et selon des modalités pratiquement identiques, l'employeur devra désormais, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, "définir et [...] programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010".
Les modalités de cette négociation sont comparables, à quelques exceptions près relatives notamment à la vérification de l'obligation de négocier l'accord de bonne foi. L'employeur devra également négocier sur "l'articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales", sans que l'on sache véritablement sur quoi cette négociation pourra bien déboucher (sur les liens entre vie personnelle et familiale, voir la chronique de S. Martin-Cuenot, L'articulation de la vie professionnelle et de la vie personnelle et familiale, Lexbase Hebdo n° 209 du 6 avril 2006 - édition sociale N° Lexbase : N6630AKR).
Au niveau de la branche, "l'engagement sérieux et loyal des négociations implique que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et ait répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales".
Au niveau de l'entreprise, les choses sont un peu plus complexes. Lorsqu'un accord aura été conclu, l'entrée en vigueur sera subordonnée au dépôt du texte, dans les conditions habituelles, mais également à la remise simultanée "d'un procès-verbal d'ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, consignant les propositions respectives des parties". C'est ce procès-verbal qui attestera "que l'employeur a engagé sérieusement et loyalement les négociations", ce qui implique qu'il "a convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions" mais, également, qu'il leur a "communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales".
Comme précédemment, la loi ne prévoit aucune sanction spécifique. S'agissant de l'obligation de négocier loyalement, les sanctions du droit commun s'appliqueront et on peut imaginer que la responsabilité civile de l'employeur pourrait être engagée s'il ne négociait pas loyalement.
La loi se montre d'ailleurs très timorée sur d'autres sanctions envisageables. Ce n'est qu'au vu d'un rapport d'évaluation remis à mi-parcours par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et remis au Parlement, que le Gouvernement pourrait présenter, "si nécessaire", "un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires, et applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'engagement des négociations". C'est dire si cette disposition, totalement dépourvue de portée normative pour le Gouvernement comme pour les entreprises, et qui ne concerne d'ailleurs que l'engagement des négociations, n'apparaît pas de nature à contraindre les entreprises. Il faudra donc compter, ici, sur la bonne volonté des partenaires sociaux...
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Réf. : Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006, relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (N° Lexbase : L8129HHK)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Les Sages ont donc été contraints de conclure à l'inconstitutionnalité des articles contestés, supprimant, par-là même, une part importante du dispositif, puisque les textes supprimés contenaient l'essentiel de la réforme.
Quantitativement, il reste 11 articles touchant à la fois le droit du travail, le droit de la Sécurité sociale et le droit fiscal. Qualitativement, on doit regretter le peu de réforme et, sur les points intéressants et nouveaux, le manque de moyens permettant de le rendre effectif. Ceci entraînera nécessairement une inapplication partielle du dispositif.
1. Introduction positive de la vie personnelle dans la vie professionnelle
Bien qu'en principe indépendante de la vie professionnelle, la vie personnelle et familiale fait son entrée dans le Code du travail. Si l'employeur ne peut, en principe, s'en servir négativement, c'est-à-dire, par exemple, au soutien d'une sanction ou d'un licenciement ou pour refuser une embauche (Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.326, M. X c/ Office notarialde Maîtres Ryssen et Blondel, publié N° Lexbase : A2206AAX, JCP éd. G, 1998, II, 10101, note M.-C. Escande-Varniol ; par exception, Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-43.227, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3400DA8, lire Revirement de jurisprudence : un acte commis par le salarié dans le cadre de sa vie privée peut désormais constituer une faute professionnelle, Lexbase Hebdo n° 101 du 1er janvier 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9944AAK), il se trouve désormais contraint de la prendre en considération dans un sens positif. Trois dispositions se trouvent modifiées en ce sens.
1.1. Extension des obligations de l'employeur (article 7)
La première étend les obligations de l'employeur vis-à-vis des représentants du personnel. Singulièrement, l'article 7 de la loi vient modifier l'article L. 432-3-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6405AC9). Cette disposition oblige l'employeur à soumettre, chaque année, pour avis au comité d'entreprise, un rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes en matière de formation, de rémunération et de conditions générales d'emploi.
Le législateur vient, par la loi nouvelle, contraindre l'employeur à faire figurer, dans le rapport présenté au comité d'entreprise, des éléments relatifs à l'articulation entre les activités professionnelles des salariés et l'exercice de leurs responsabilités familiales.
Le problème est, qu'ici, le législateur ne donne aucune indication sur les éléments qui doivent figurer dans le rapport.
La première difficulté est, pour l'employeur, de savoir s'il remplit ses obligations en la matière. La seconde vise le comité d'entreprise : comment et quand peut-il contraindre l'employeur à insérer ces éléments ? Peut-il l'obliger à les perfectionner ? Quel est le niveau d'exigence requis ? Que peuvent faire les instances représentatives en cas d'insuffisance ou d'absence de référence à ce nouvel élément dans le rapport annuel ?
Le législateur ne prévoit aucun contenu et ne pose aucune sanction à l'encontre de l'employeur qui ne ferait pas figurer, dans le rapport, les éléments nouvellement ajoutés.
Un problème plus général consiste à se demander à quoi sert ce rapport. A-t-il une simple vocation informative ? Doit-il être suivi de mesures ?
1.2. Evolution de l'emploi et vie personnelle
L'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, quelle que soit sa forme, doit désormais compter avec la vie familiale et personnelle. L'article 8 de la loi introduit deux modifications.
Il impose, en premier lieu, un changement de titre. Antérieurement consacrée à l'aide à l'adaptation des salariés aux évolutions de l'emploi dans le cadre des accords sur l'emploi, cette section est, désormais, également consacrée à l'articulation de l'emploi et de la vie personnelle et familiale.
Son article unique bénéficie du même ajout. Ainsi, au dernier alinéa de l'article L. 322-7 du Code du travail (N° Lexbase : L5323AC7), après les mots "assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi ou action", l'article 8 vient ajouter les mots "en particulier grâce à des mesures améliorant l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale".
Le problème est que, comme précédemment, le législateur oblige mais ne donne aucune indication sur ces mesures. Quelle est leur teneur ? Que doit faire l'employeur pour remplir ses obligations en la matière ? Que se passe-t-il s'il n'en prend aucune ?
1.3. Aide aux formations hors du temps de travail (article 11)
L'article 11 de la loi vient modifier l'article L. 932-1, III, du Code du travail, qui prévoit le principe et le taux de la rémunération versée aux salariés qui participent à des formations hors de leur temps de travail. Le législateur vient, ici, prendre en compte une conséquence familiale inhérente à ce type de formation : que fait-on des enfants ?
Ce texte dispose, à cet effet, qu'un accord de branche peut prévoir qu'une majoration d'au moins 10 % de l'allocation formation peut être accordée au salarié lorsque ce dernier est amené à suivre des actions de formation hors de son temps de travail. Cette majoration n'a pas le caractère de rémunération au sens de la Sécurité sociale et est donc exonérée de charges sociales. Le législateur limite expressément cette indemnisation à la présence d'un accord d'entreprise. Une question se pose alors : quelle est la valeur d'un accord d'entreprise ou d'une source atypique qui prévoirait cette possibilité ?
2. Renforcement de la protection de la maternité
On assiste, d'autre part, à travers ce Titre II, à un renforcement général de la protection de la maternité et de ses suites et, singulièrement, du congé parental. Le législateur comble ici des vides, notamment, en maintenant à tout prix le lien du salarié en congé avec l'entreprise.
Outre l'introduction expresse et remarquée de l'interdiction faite à l'employeur d'écarter, dans une offre d'emploi, les femmes en état de grossesse (article 13 de la loi), le législateur vient améliorer le sort des femmes enceintes et des salariés de retour de congé parental.
2.1. Maintien du lien du salarié avec l'entreprise
Le législateur maintient ce lien de deux manières. Il donne les moyens financiers aux entreprises de pallier l'absence d'un salarié en congé et impose son décompte dans l'effectif.
- Aides aux petites entreprises (article 10 de la loi)
Le législateur prend en compte les difficultés devant lesquelles peuvent se trouver les petites et moyennes entreprises lorsqu'elles sont contraintes de remplacer une salariée absente pour une certaine durée, singulièrement lorsque cette dernière est en état de grossesse. Certaines entreprises sont d'ailleurs tentées, au moment de l'annonce de la grossesse, de se séparer de la salariée afin de ne pas avoir à jongler avec un remplaçant.
Faisant écho à l'interdiction de licencier une femme enceinte, la loi du 23 mars 2006 vient, dans un nouvel article L. 122-25-2-1 du Code du travail, accorder une aide aux petites entreprises, celles qui sont les plus touchées par les difficultés inhérentes à un remplacement.
Le législateur ajoute, à cet effet, un article L. 122-25-1 du Code du travail qui dispose que les entreprises de moins de 50 salariés se verront verser une aide de l'Etat à l'embauche d'un salarié intérimaire pour remplacer un ou plusieurs salariés en congé maternité ou d'adoption.
Là encore, le législateur manque de rigueur et ne donne aucune précision. Quelle est exactement la teneur de cette aide ? A quoi l'entreprise peut-elle prétendre ?
- Crédit d'impôt (article 12)
L'article 244 quater F du CGI dispose que les entreprises, imposées d'après leur bénéfice réel, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 25 %. Ce texte prévoit une liste limitative des dépenses couvertes par cet avantage, qui tournent autour du congé parental ou des frais de garde d'enfants exceptionnels financés par les entreprises.
A cette liste, le législateur vient, par l'article 12, ajouter les dépenses de formation engagées en faveur des nouveaux recrutés à la suite d'une démission ou d'un licenciement pendant un congé parental, quand la formation a lieu dans les 3 mois de l'embauche et dans les 6 mois suivant le terme du congé.
Cette aide s'adresse aux entreprises qui engagent des dépenses en ce sens à compter de l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire à compter du 24 mars 2006.
- Maintien du salarié en congé dans l'effectif de l'entreprise
L'article 19 modifie l'article L. 620-1 du Code du travail qui a trait au calcul de l'effectif de l'entreprise et, singulièrement, aux salariés qui doivent être pris ou ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de l'effectif de l'entreprise. Le législateur vient expressément exclure du calcul de l'effectif les salariés embauchés sous contrat de travail temporaire lorsqu'ils remplacent un salarié dont le contrat est suspendu, notamment, du fait d'un congé maternité ou d'un congé parental. Ces deux catégories de salariés conservent leur lien avec l'entreprise puisqu'ils continuent à y être décomptés comme s'ils y travaillaient.
L'autre matérialisation de la volonté de maintenir le salarié, dont le contrat est suspendu, dans l'entreprise, résulte de la prise en compte totale des congés maternité et post maternité pour le calcul de l'ancienneté pour l'ouverture des droits à congé de formation.
- Calcul de l'ancienneté
L'article 20 supprime, en premier lieu, la faculté qui existait antérieurement de prendre intégralement en compte la durée du congé parental d'éducation dans le décompte de l'ancienneté du salarié (C. trav., art. L. 122-28-6, al. 2, ancien N° Lexbase : L8982G7S). On relève, ici, un retour en arrière par rapport à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 (loi de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) qui, dans son article 134, était venue permettre une prise en compte plénière et la subordonner à l'existence d'un accord de branche allant en ce sens. Désormais, le congé de présence parentale et le congé parental ne vaudront que pour la moitié de leur durée pour le calcul de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.
Cette suppression est parfaitement logique, puisqu'elle risquait d'entraîner des contradictions entre conventions de branche ne prévoyant pas expressément la prise en compte totale pour le droit à congé de formation, et la loi qui l'impose. Elle était, en outre, discriminatoire puisqu'elle excluait du bénéfice de l'avantage conventionnel les périodes de congé maternité.
Cette suppression se trouve partiellement compensée par une prise en compte totale de la durée des congés pour l'ouverture des droits du salarié à un congé de formation.
L'article 20 prévoit, en second lieu, que les périodes d'absence du salarié pour maternité, adoption, congé de présence parentale ou congé parental d'éducation doivent être totalement prises en compte pour la détermination des droits du salarié à un congé de formation (C. trav. art. L. 933-1 N° Lexbase : L4730DZ9). Ce droit individuel à la formation est réservé aux salariés ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise. La prise en compte de la durée des congés permet de rendre ce droit effectif dès le retour de congé du salarié, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Tout est ici fait pour que la salariée de retour de maternité puisse adapter son activité professionnelle à son nouveau statut et, éventuellement, articuler comme elle l'entend sa vie professionnelle et sa vie personnelle.
2.2. Extension de la période de suspension du contrat des femmes enceintes
L'article 15 est intégralement consacré à la modification du Code de la Sécurité sociale.
Prenant acte des progrès de la médecine, ce texte prévoit la prise en charge et l'indemnisation du congé maternité des femmes qui accouchent avant le début du congé légal de maternité. La suspension, les droits à indemnisation et repos, antérieurement limités à la période allant du jour où débute le congé maternité au jour où le congé prend fin, s'étend désormais de la date de l'accouchement effectif à la fin du repos légal.
Une femme a, désormais, droit à la suspension de son contrat de travail de la date d'accouchement à la date de début des périodes légales de suspension de son contrat (C. trav., art. L. 122-26 nouveau).
Ainsi, lorsque l'accouchement survient plus de 6 semaines avant la date initialement prévue et exige l'hospitalisation prénatale de l'enfant, la salariée peut prétendre à une prise en charge (CSS, art. L. 331-3 N° Lexbase : L9574HEC ; CSS, art. L. 722-8 N° Lexbase : L0546HHP ; CSS, art. L. 722-8-1 N° Lexbase : L5511DYR ; CSS, art. L. 613-19 N° Lexbase : L9588HET ; CSS, art. L. 613-19-1 N° Lexbase : L9589HEU ; C. rur., art. L. 732-12 N° Lexbase : L3910HGW), ce qui n'était pas le cas antérieurement.
L'article 15 renvoie à un décret le soin de déterminer les modalités d'application de cet article, le montant de l'allocation prévue au premier alinéa, les montants et les durées d'attribution de l'indemnité journalière prévue au deuxième alinéa, notamment, lorsque l'accouchement a lieu plus de 6 semaines avant la date initialement prévue et exige l'hospitalisation postnatale de l'enfant.
Corrélativement, le législateur vient ajouter à la durée d'indemnisation du congé maternité, l'indemnisation des jours entre la date d'accouchement et le début de la période de repos légale (CSS art. L. 331-3 nouveau ; CSS, art. L. 331-4 modifié).
Il permet également à la salariée, dont l'accouchement a eu lieu avant la date de repos légal et dont l'enfant est hospitalisé, de bénéficier d'un report de l'indemnisation à la période post hospitalisation de l'enfant (CSS, art. L. 331-5 nouveau).
Bien que l'article 15 semble subordonner la prise en charge de la salariée à l'hospitalisation de l'enfant, cette hypothèse ne devrait pas être la seule. L'emploi, dans certaines dispositions nouvelles (dans les articles L. 722-8 et L. 722-8-1 du Code de la Sécurité sociale), de l'adverbe "notamment", permet d'étendre le champ du dispositif dans le sens, non seulement, d'un élargissement des droits pécuniaires de la salariée mais, encore, de l'élément déclencheur qui n'est pas limité au cas de l'hospitalisation de l'enfant, ce dernier n'étant, en effet, qu'un exemple.
Ce qui est certain est que l'hospitalisation de l'enfant ouvrira toujours à la salariée droit à indemnisation, alors que les autres hypothèses seront limitées aux cas auxquels le législateur a fait expressément référence (CSS, art. L. 722-8 ; CSS, art. L. 722-8-1). De ce point de vue, l'article L. 331-3 pose un problème puisque, contrairement aux autres dispositions modifiées, il vise expressément et exclusivement l'hypothèse dans laquelle l'enfant est hospitalisé, le législateur n'ayant pas jugé nécessaire d'employer, dans ce texte, l'adverbe "notamment".
L'absence de liste limitative est intéressante mais pose des difficultés puisqu'elle entoure l'ouverture du droit d'un flou juridique, peu protecteur, puisque la salariée ne peut, à l'avance, savoir s'il sera ou non pris en charge. L'absence de liste précise risque, en outre, d'entraîner des différences entre caisses de sécurité sociale, constitutives d'inégalités. Le décret ne tend pas à énumérer les hypothèses dans lesquelles la salariée peut prétendre être prise en charge, mais doit uniquement régler les questions techniques et purement quantitatives.
Cet ajout, et le vide qu'il vient combler, ne peuvent cependant qu'être salués. Ils constituent une évolution importante de la protection de la maternité.
Une dernière difficulté, et qui n'est pas des moindres, résulte du fait que le législateur prévoit une application rétroactive de ce texte aux accouchements survenus à compter du 1er janvier 2006, soit depuis plus de 3 mois... Il va être difficile de revenir sur le traitement qui a été appliqué aux femmes entre cette date et la date d'entrée en vigueur de la loi.
2.3. Droit à congé annuel des femmes de retour de congé maternité
L'article 17 est également consacré à la femme en congé maternité et, singulièrement, à son retour de congé. A cet effet, il ajoute à l'article L. 223-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5307ACK), un second alinéa.
La salariée de retour de congé maternité peut, désormais, faire valoir ses droits à congés payés annuels, et ce, quelle que soit la période de congés retenue par la convention collective ou l'employeur pour le personnel de l'entreprise.
Ceci signifie que cette dernière peut imposer à l'employeur ses dates de congés. Cette disposition constitue donc, à la fois, une limite à la libre fixation des congés par l'employeur et une dérogation à la période légale de congés.
Il est donc a priori possible, à la femme de retour de maternité, d'accoler les congés annuels payés acquis à son congé maternité.
Une seule limite à l'exercice de ce doit semble devoir résulter du respect des périodes légales de congés qui ne sont pas expressément visées dans l'article L. 223-1 nouveau. A l'intérieur de cette période, la salariée semble pouvoir faire ce que bon lui semble.
La loi du 23 mars 2006 ne fait, ici, que reproduire le principe qui avait été dégagé par la jurisprudence et en vertu duquel, sur le fondement du principe plus général d'indépendance des congés maternité et des congés payés, la salariée était en droit de prendre ses congés annuels payés au moment de son retour de congé maternité (Cass. soc., 2 juin 2004, n° 02-42.405, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5182DCW ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01, María Paz Merino Góme c/ Continental Industrias del Caucho SA N° Lexbase : A5883DBI, lire Aurélie Garat, Le congé maternité ne remplace pas le congé annuel payé, Lexbase Hebdo n° 114 du 1er avril 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1047ABE).
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Réf. : Loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (N° Lexbase : L8128HHI)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace
Le 07 Octobre 2010
Le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (Cirma) et le contrat d'avenir n'ont rencontré, jusqu'ici, qu'un succès mitigé, alors que la loi de cohésion sociale avait fixé un objectif de 185 000 contrats d'avenir signés en 2005. Seuls 13 500 contrats ont été signés fin 2005. Le nombre de Cirma signés était encore plus faible, puisque l'on n'en recensait que 1 525. Dans ce contexte, la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 s'est attachée à encourager la signature d'un plus grand nombre de Cirma et de contrats d'avenir.
1.1. Contrats aidés
La loi de cohésion sociale nº 2005-32 du 18 janvier 2005 prévoit que le contrat d'accompagnement dans l'emploi doit être conclu pour une période d'au moins 6 mois. La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 (art. 19) complète cette durée minimale par une seconde hypothèse : 3 mois pour les personnes bénéficiant d'un aménagement de peine.
La loi de cohésion sociale instituant le contrat d'avenir prévoit que la conclusion de chaque contrat est subordonnée à la signature d'une convention individuelle entre le bénéficiaire, qui s'engage à prendre part à toutes les actions qui y sont prévues, le représentant de l'Etat et l'un des employeurs. Cette convention est conclue pour une durée de 2 ans, renouvelée dans la limite de 12 mois. Pour les bénéficiaires âgés de plus de 50 ans et les travailleurs handicapés, le renouvellement peut être de 36 mois. Mais, lorsque des circonstances particulières tenant au secteur d'activité professionnelle ou au profil de poste le justifient, le préfet peut prévoir une durée comprise entre 6 et 24 mois.
La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 (art. 19) organise une seconde dérogation, puisque la convention peut être conclue pour une durée minimale de 3 mois pour les personnes bénéficiant d'un aménagement de peine. La durée totale de la convention ne peut, compte tenu du ou des renouvellements, excéder 36 mois (voir, aussi, l'article 20 de la loi, modifiant logiquement la rédaction de l'article L. 322-4-12). Cette nouvelle règle, aménageant un régime spécifique pour les personnes bénéficiant d'un aménagement de peine, laisse perplexe, tant elle semble limitée quant à son champ d'application.
La durée hebdomadaire du travail des personnes embauchées dans le cadre d'un contrat d'avenir est fixée à 26 heures. Cette durée peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat, sans dépasser la durée prévue au premier alinéa de l'article L. 212-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5835AC4) et à l'article L. 713-2 du Code rural (N° Lexbase : L1354ANH) et à condition que, sur toute cette période, elle n'excède pas, en moyenne, 26 heures.
La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 modifie cette durée du travail, désormais comprise entre 20 et 26 heures lorsque l'embauche est réalisée par un employeur conventionné au titre des ateliers et chantiers d'insertion (C. trav., art. L. 322-4-16-8 N° Lexbase : L7725HBQ) ou le secteur du service à la personne (associations et entreprises dont l'activité porte sur la garde des enfants ou l'assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à la mobilité dans l'environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile et centres communaux et intercommunaux d'action sociale au titre de leur activité de garde d'enfants de moins de 3 ans à domicile, C. trav., art. L. 129-1 N° Lexbase : L7734HB3).
3. Cirma
Le Cirma, en application de l'article L. 322-4-15-4 du Code du travail (N° Lexbase : L7773HBI), pouvait revêtir la forme d'un contrat à durée déterminée, conclu en application de l'article L. 122-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5454ACY) ou d'un contrat de travail temporaire, conclu avec un employeur visé à l'article L. 124-1 (N° Lexbase : L8979G7P).
Désormais, il peut être un contrat à durée indéterminée (article 22 de la loi n° 2006-339).
Lorsque le Cirma est conclu avec une entreprise de travail temporaire, la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 écarte le régime juridique de la rupture du contrat à l'initiative du salarié, qui ouvre normalement droit à des dommages-intérêts (avant-dernier alinéa de l'article L. 124-5 N° Lexbase : L5630ACI) (article 23 de la loi n° 2006-339).
1.2. Aides à l'emploi
Consacrant la reconnaissance légale des ateliers et chantiers d'insertion, initiée par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (C. trav., art. L. 322-4-16-8 N° Lexbase : L7725HBQ), la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 (art. 24) ouvre aux employeurs autorisés à mettre en oeuvre un atelier ou un chantier d'insertion les financements publics jusque-là réservés aux entreprises d'insertion (EI), associations intermédiaires (AI) et entreprises de travail temporaire d'insertion (ET-TI) (C. trav., art. L. 322-4-16 N° Lexbase : L9190HDQ).
Le régime juridique de ces structures avait déjà fait l'objet de textes récents (loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005, relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L8799G9R ; ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003, relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs N° Lexbase : L9710DL9 ; décret n° 2005-905 du 2 août 2005, modifiant le décret n° 99-109 du 18 février 1999 relatif aux associations intermédiaires N° Lexbase : L0914HBH ; circulaire DGEFP, n° 2005/21, du 4 mai 2005, relative à la réforme des modalités de gestion des aides aux entreprises d'insertion et aux entreprises de travail temporaire d'insertion N° Lexbase : L6214G8N).
La nouvelle rédaction de l'article L. 322-4-16 du Code du travail par la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 (art. 19,1°) permettait déjà à l'Etat de conventionner directement des communes, afin qu'elles portent elles-mêmes des ateliers et chantiers d'insertion.
La loi de cohésion sociale définissait en termes larges les structures porteuses des ateliers et chantiers d'insertion : un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou une association d'insertion qui a conclu une convention à cet effet (C. trav., art. L. 322-4-16-8). La loi n° 2006-339 modifie cette définition des employeurs qui, désormais, doivent figurer sur une liste fixée par décret et conclure avec l'Etat une convention visée à l'article L. 322-4-16 du Code du travail.
A titre transitoire, et jusqu'à la date de parution d'un décret, les employeurs autorisés à mettre en oeuvre un atelier ou un chantier d'insertion sont les organismes de droit privé à but non lucratif (ayant pour objet l'embauche de personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès au marché du travail, afin de faciliter leur insertion sociale et professionnelle, en développant des activités ayant principalement un caractère d'utilité sociale), les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les syndicats mixtes, les départements, les établissements d'enseignement professionnel et d'enseignement agricole de l'Etat et l'Office national des forêts.
Le secteur de l'insertion par l'économique pouvait, jusqu'alors, bénéficier d'aides financières et exonérations de charges sociales. Mais, étaient exclues de ces aides, les associations intermédiaires (C. trav., art. L. 322-4-16-3 N° Lexbase : L6153ACU).
La loi n° 2006-339 étend cette liste, et pose un principe de non-cumul d'aides, lorsque l'employeur relevant du secteur de l'insertion par l'économique recrute une personne en application des articles L. 322-4-10 (N° Lexbase : L7727HBS) (contrat d'avenir) et L. 322-4-15 (N° Lexbase : L7772HBH) (Cirma) du Code du travail.
2. Réformes annexes à la lutte contre les exclusions : régime des heures supplémentaires et contrat de transition professionnelle
Comme son nom paraît l'indiquer, la loi n° 2006-339 contient des dispositifs incitatifs de retour à l'emploi destinés aux bénéficiaires de minima sociaux. Mais, pour un certain nombre de motifs, il a entendu de manière très extensive cet objet de la loi, en modifiant le régime des heures supplémentaires et en créant un contrat de transition professionnelle, appelé à remplacer la convention de reclassement personnalisé. Il a encouru, de ce fait, une censure (partielle) du Conseil constitutionnel.
2.1. Régime des heures supplémentaires dans les entreprises de 20 salariés au plus
L'article 31 de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, issu d'un amendement adopté par le Sénat en première lecture, avait pour objet de fixer, jusqu'au 31 décembre 2008, le régime des heures supplémentaires dans les entreprises de 20 salariés au plus. Cette disposition a été déclarée non conforme à la Constitution, par la décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2006.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'une disposition ne peut être introduite par voie d'amendement lorsqu'elle est dépourvue de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Or, en l'espèce, cet article 31 de la loi n° 2006-339 est dépourvu de tout lien avec un projet de loi qui, lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, comportait exclusivement des mesures relatives au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux : il a donc été adopté selon une procédure contraire à la Constitution.
2.2. Contrat de transition professionnelle
Prévue par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (art. 74), la convention de reclassement personnalisé a fait l'objet d'un accord national interprofessionnel du 5 avril 2005, retranscrit dans une convention relative à la convention de reclassement personnalisé du 27 avril 2005.
Le plan d'aide au retour à l'emploi (Pare) anticipé, dit "pré-Pare" (défini à l'article L. 321-4-2 du Code du travail N° Lexbase : L7855HBK instauré par l'article 120 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9), visait les salariés des entreprises non soumises à l'obligation de mise en oeuvre d'un congé de reclassement, c'est-à-dire celles de moins de 1 000 salariés. Ce dispositif, qui a remplacé les conventions de conversion, est issu de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001, relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage (N° Lexbase : L4594AQ9). Il permettait aux salariés licenciés pour motif économique ayant au moins 4 mois d'ancienneté, de bénéficier des prestations d'aide au retour à l'emploi pendant la durée du préavis.
L'accord national interprofessionnel du 5 avril 2005 ouvre aux salariés, comptant moins d'un an d'ancienneté dans l'entreprise, le bénéfice de la convention de reclassement personnalisé (alors que seuls les salariés justifiant de 2 ans d'ancienneté étaient, auparavant, éligibles aux conventions de conversion). Les conditions au bénéfice de la convention de reclassement personnalisé ont été précisées par la convention du 27 avril 2005. Le salarié bénéficie, à ce titre, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement (C. trav., art. L. 321-4-2, I N° Lexbase : L7855HBK).
La convention de reclassement personnalisé est devenue effective, en application de l'arrêté du ministre du Travail et de l'Emploi du 24 mai 2005 portant agrément de la convention relative à la convention de reclassement personnalisé (arrêté du 24 mai 2005, portant agrément de la convention relative à la convention de reclassement personnalisé, de l'avenant n° 5 à la convention du 1er janvier 2004 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage N° Lexbase : L7949G8W) (voir, aussi, décret n° 2005-587 du 27 mai 2005, relatif à la mise en oeuvre de la convention de reclassement personnalisé et modifiant l'article R. 351-1 du Code du travail N° Lexbase : L7716G8B).
La loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005, relative au développement des services à la personne, a procédé aux modifications législatives rendues nécessaires ou souhaitables par l'adoption de l'accord national interprofessionnel du 5 avril 2005, retranscrit dans une convention relative à la convention de reclassement personnalisé du 27 avril 2005.
La loi n° 2006-339 (art. 32) autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure visant à instituer, à titre expérimental pour une durée maximale de 2 ans, aux lieu et place de la convention de reclassement personnalisé (C. trav., art. L. 321-4-2 N° Lexbase : L7855HBK), un contrat de transition professionnelle, ayant pour objet le suivi d'un parcours de transition professionnelle pouvant comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d'entreprises ou d'organismes publics, au profit des personnes dont le licenciement est envisagé pour motif économique par les entreprises non soumises aux dispositions de l'article L. 321-4-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7856HBL), implantées dans certains bassins d'emploi.
L'ordonnance à venir doit :
- fixer les conditions dans lesquelles l'employeur est tenu de proposer au salarié dont il envisage le licenciement, le contrat de transition professionnelle et les conséquences de l'acceptation du salarié sur son contrat de travail ;
- prévoir une allocation spécifique et les droits sociaux, les conditions d'imputation de la période passée en contrat de transition professionnelle sur les droits à l'allocation d'assurance (visée à l'article L. 351-3 du Code du travail N° Lexbase : L6262ACW) ainsi que des aides visant à favoriser le retour à l'emploi ;
- déterminer les conditions de financement des contrat de transition professionnelle, y compris par une contribution spécifique à la charge des entreprises et par une contribution au régime d'assurance chômage.
L'ordonnance doit être prise dans un délai de 2 mois suivant la publication de la loi n° 2006-339. Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de 12 mois à compter de sa publication.
Devant le Conseil constitutionnel, les requérants faisaient grief au Gouvernement d'avoir demandé cette habilitation par voie d'amendement. Cet amendement ayant été déposé au Sénat, seconde assemblée saisie, l'Assemblée nationale aurait été privée, en raison de la procédure d'urgence, de tout droit d'amendement. Le Gouvernement aurait dû indiquer avec précision la finalité des mesures prises en application de cette procédure ainsi que leur domaine d'intervention.
Sur le premier point, portant sur la demande d'habilitation par voie d'amendement, le Conseil constitutionnel écarte le moyen. Le Gouvernement peut, seul, demander au Parlement l'autorisation de prendre de telles ordonnances ; il a la faculté de le faire en déposant soit un projet de loi, soit un amendement à un texte en cours d'examen.
Sur le second point, relatif au droit d'amendement de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel estime que le droit d'amendement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées. Il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie.
Mais, il ne résulte ni de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X), ni d'aucune autre de ses dispositions, qu'un amendement autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ne puisse être déposé devant la seconde assemblée saisie, fût-ce immédiatement avant la réunion de la commission mixte paritaire.
Enfin, sur le troisième point portant sur la précision de l'habilitation demandée, le Conseil constitutionnel, là encore, rejette le grief invoqué par les demandeurs. L'article 38 de la Constitution n'impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation. En l'espèce, l'article 32 de la loi déférée définit le domaine d'intervention et les finalités de l'ordonnance avec une précision suffisante au regard des exigences de l'article 38 de la Constitution.
Il faut relever, de manière conclusive, que le Parlement est déssaisi pour la seconde fois en moins d'un an de ses attributions, puisque le contrat de transition professionnelle devra être défini, quant à son régime, par ordonnance, comme la loi du 26 juillet 2005 avait autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance un certain nombre de mesures visant à :
- mettre en place le contrat nouvelles embauches ;
- prévoir, pour les salariés dont ce contrat a été rompu, un revenu de remplacement adapté à leur situation, ainsi qu'un accompagnement renforcé et personnalisé en vue de leur retour à l'emploi ;
- alléger, pour les employeurs occupant moins de 20 salariés ou atteignant ou dépassant cet effectif, les effets financiers résultant de l'application des articles L. 313-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L5668HBK), L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7565HBS), L. 951-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7793HBA) et 253 ter EA du Code général des impôts ;
- aménager les règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières imposées par d'autres législations, pour favoriser, à compter du 22 juin 2005, l'embauche par les entreprises de salariés âgés de moins de 26 ans ;
- permettre aux très petites entreprises d'utiliser un dispositif simplifié pour leurs déclarations d'embauche ainsi que pour leurs déclarations relatives au paiement des cotisations et contributions sociales de leurs salariés, et pouvant tenir lieu de contrat de travail et de bulletin de paie et servir de titre de paiement ;
- instituer une mesure fiscale en faveur des personnes inscrites comme demandeurs d'emploi depuis plus d'un an et titulaires de certains avantages sociaux non contributifs, accordés sous condition de ressources, qui créent ou reprennent une entreprise, ou qui sont recrutées pour occuper un emploi dans une entreprise (...).
Rarement, le droit des aides à l'emploi et des contrats de travail spéciaux n'aura été autant réformé par cette technique de l'ordonnance, dont il faut se demander si elle constitue le support juridique le plus pertinent et adapté.
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Réf. : Instruction du 30 décembre 2005, BOI n° 4 A-13-05 (N° Lexbase : X5228ADY)
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par Mohand Ouidja, Avocat au Barreau de Paris
Le 07 Octobre 2010
1.1. Les éléments caractéristiques
L'instruction maintient l'absence de définition fiscale des immobilisations et renvoie à la définition du plan comptable général.
A cet égard, les articles 211-1 et 311-1 du PCG précisent qu'un actif doit être constaté, lorsque les quatre conditions suivantes sont simultanément réunies :
- l'actif doit être identifiable ;
- il doit avoir une valeur économique positive, traduite par les avantages économiques futurs attendus par l'entreprise ;
- il doit être contrôlé par l'entreprise ;
- il peut être évalué avec une fiabilité suffisante.
La notion d'avantages économiques futurs est définie à l'article 211-2 du PCG dans les termes suivants : elle correspond aux flux nets de trésorerie futurs probables ou au potentiel de services attendus dans le cas des associations ou des entités relevant du secteur public.
S'agissant de la condition de contrôle, d'après l'administration fiscale, celle-ci constitue la principale nouveauté de la définition des actifs, dans la mesure où cette notion de contrôle consacre l'abandon du critère de propriété.
Cette condition de contrôle implique que l'entreprise maîtrise les avantages résultant de cet élément, mais, également, assume l'essentiel des risques qui y sont liés.
L'instruction du 30 décembre 2005 exclut, cependant, de la nouvelle définition des immobilisations les contrats de location (location simple ou avec option d'achat, crédit-bail) ou de louage de brevets ou de marques, les instruments financiers, tels que les titres immobilisés, les valeurs mobilières de placement et les prêts.
Ainsi, les biens loués doivent être maintenus à l'actif du bailleur ou du crédit-bailleur, même si le locataire ou le preneur du contrat de crédit-bail les contrôle. En contrepartie, les loyers ou les redevances constituent des charges pour le locataire.
Pour ce qui concerne le nouveau critère de fiabilité, cette condition s'apprécie au regard du coût d'acquisition ou de production afférent aux transactions que l'entreprise serait amenée à régulariser avec les tiers.
1.2. Existence de critères alternatifs pour la définition des immobilisations incorporelles
L'instruction s'inspire de la définition des immobilisations incorporelles, dont dispose l'article 211-3 du PCG.
Ainsi, consacrant la mise en oeuvre de deux critères alternatifs, l'administration fiscale expose qu'une immobilisation incorporelle doit répondre aux critères suivants :
- être source de profits futurs ;
- avoir une utilisation durable, qui excède, notamment, l'exercice d'acquisition ;
- et, alternativement, être identifiable distinctement de l'activité et être cessible ou avoir pour origine une protection juridique résultant d'un droit légal ou contractuel.
Ces critères devront être retenus, afin de déterminer si les dépenses engagées correspondent à l'acquisition d'une immobilisation incorporelle ou doivent être déduites en charges.
Le critère de cessibilité, auparavant exigé par la jurisprudence, n'est plus obligatoire.
1.3. La notion de composants
Les composants sont considérés comme les éléments principaux d'une immobilisation corporelle. Ils doivent satisfaire aux deux conditions cumulatives suivantes :
- avoir une durée réelle d'utilisation différente de celle de l'immobilisation à laquelle ils se rattachent ;
- faire l'objet de remplacement au cours de la durée réelle d'utilisation de l'immobilisation corporelle à laquelle ils se rattachent.
La partie non décomposée de l'immobilisation est appelée structure. Par exemple, le gros oeuvre sera considéré comme la structure de l'immeuble.
Cela étant, les composants ne doivent être identifiés que s'ils représentent un élément substantiel de l'immobilisation, ce caractère pouvant être apprécié au regard de différents critères.
La valeur d'acquisition du composant doit être significative. Plus précisément, les composants ayant une valeur unitaire inférieure à 500 euros hors taxes sont exclus.
En outre, le composant doit avoir une valeur significative par rapport au prix de revient total de l'immobilisation. Ainsi, les éléments, dont la valeur est inférieure à 15 % du prix de revient de l'immobilisation dans son ensemble pour des biens meubles et 1 % pour les immeubles, ne sont pas considérés comme des éléments principaux et identifiés en tant que composants.
L'appréciation de ces seuils est, toutefois, relative dans la mesure où ces critères sont appréciés en tenant compte de l'importance du composant au regard de l'activité de l'entreprise. Par exemple, une entreprise ayant pour activité la location de longue durée de voiture pourrait être identifié comme composant l'équipement en pneus d'un véhicule, nonobstant le fait que la valeur de cet équipement soit inférieure à 500 euros.
2. L'évaluation des actifs
2.1. Les acquisitions à titre onéreux
Les immobilisations acquises à titre onéreux sont inscrites à l'actif du bilan pour leur coût d'acquisition. Elles s'entendent de celles reçues en échange d'un actif monétaire.
Le coût d'acquisition correspond au prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien.
Le cas échéant, il inclut une quote-part du coût des emprunts en application de l'option prévue à l'article 38 undecies de l'annexe III au CGI .
Ainsi, les coûts d'emprunt engagés pour l'acquisition ou la production d'une immobilisation, corporelle ou incorporelle, ou d'un élément inscrit en stock ou en encours, peuvent être, au choix de l'entreprise, soit compris dans le coût d'origine de l'immobilisation ou du stock, soit déduits en charge au titre de l'exercice au cours duquel les intérêts sont courus.
Sans que la liste soit exhaustive, l'instruction fiscale du 30 décembre 2005 cite comme coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien :
- le coût des rémunérations et autres avantages au personnel résultant directement de l'acquisition ou de l'immobilisation ;
- les coûts de préparation du site et des frais de démolition nécessaires à la mise en place de l'immobilisation ;
- les frais de livraison et de manutention initiaux ;
- les frais de transport, d'installation, de montage nécessaires à la mise en état d'utilisation des biens ;
- les coûts liés aux essais de bon fonctionnement, déduction faite des revenus nets provenant de la vente ;
- les produits obtenus durant la mise en service (tels que des échantillons) ;
- les honoraires des professionnels, tels que les architectes, géomètres, experts, évaluateurs, conseils.
Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au CGI prévoient, désormais, sur le plan fiscal, comme en matière comptable, que les droits de mutation, honoraires ou commissions et frais d'acte liés à l'acquisition peuvent être, soit portés à l'actif du bilan en majoration du coût d'acquisition de l'immobilisation à laquelle ils se rapportent, soit être déduits immédiatement en charges. L'option retenue est irrévocable et s'applique à toutes les immobilisations corporelles et incorporelles acquises. Une option distincte s'applique aux titres immobilisés, y compris les titres de participation, et aux titres de placement.
2.2. Les modes d'acquisition spécifiques
Aux termes du b) du 1) de l'article 38 quinquies de l'annexe III au CGI, la valeur d'origine des biens acquis à titre gratuit est la valeur vénale de ces biens.
Sur le plan comptable, la valeur vénale s'entend nette des coûts de sortie, c'est-à-dire des coûts directement attribuables à la sortie de l'actif, à l'exclusion des charges financières et de la charge d'impôt sur le résultat (PCG, art. 322-1.10). Il en est ainsi, par exemple, des frais d'acte, des frais de timbre et taxes similaires liées à la transaction, des coûts d'enlèvement de l'actif et des coûts marginaux directement engagés pour le vendre.
Sur le plan fiscal, la valeur vénale est évaluée abstraction faite de ces coûts de sortie.
Aux termes du c) du 1) de l'article 38 quinquies de l'annexe III au CGI, la valeur d'origine des biens apportés à l'entreprise par des tiers est la valeur d'apport. Cette valeur figure, en principe, dans le traité d'apport. Il en va de même du point de vue comptable, à l'exception des actifs apportés isolément (PCG, art. 321-2).
Sur le plan fiscal, le prix d'achat des biens acquis en échange d'un ou plusieurs biens s'entend de la valeur vénale.
L'instruction du 30 décembre 2005 précise que cette règle fiscale n'est pas exactement similaire à la règle comptable prévue à l'article 321-3 du PCG, selon laquelle le bien acquis en échange est, en principe, évalué à la valeur vénale, mais peut être évalué à la valeur comptable de l'actif cédé, lorsque la valeur vénale ne peut être évaluée de façon fiable ou lorsque la transaction d'échange n'a pas de substance commerciale.
Il est rappelé que, du point de vue fiscal, l'opération d'échange s'analyse en une opération de vente suivie d'un achat (Doc. adm. 4 B-123, du 7 juin 1999, n° 30) et détermine le fait générateur d'une plus-value.
Le caractère commercial de la substance de la transaction n'emporte, donc, aucune conséquence, sur le plan fiscal, pour la détermination de la valeur du bien acquis par voie d'échange.
2.3. La création d'immobilisations
La valeur d'origine des immobilisations créées par l'entreprise s'entend du coût d'acquisition des matières ou fournitures consommées augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production, sous réserve des dispositions de l'article 38 undecies de l'annexe III au CGI, relatif à l'incorporation des coûts des emprunts à l'actif immobilisé (cf. supra). Les coûts administratifs sont exclus du coût de production, à l'exception du coût des structures dédiées.
2.4. Déclinaison des valorisations
Conformément à l'article 15 bis de l'annexe II au CGI , la méthode par composants implique :
- d'une part, l'identification et la comptabilisation séparée des composants répondant à cette définition, à la date d'inscription à l'actif du bien ;
- d'autre part, lors du remplacement ou du renouvellement d'un composant, la sortie de la valeur nette comptable du composant remplacé et l'inscription de la valeur d'acquisition du composant de remplacement.
La valorisation des composants doit être effectuée initialement comme partie d'un bien acquis, mais aussi lors des remplacements. Un traitement identique est appliqué sur le plan comptable.
Le coût de revient d'une immobilisation acquise ou créée doit être ventilé entre, d'une part, les composants et, d'autre part, la structure.
En cas d'acquisition d'un bien immobilisé à titre onéreux, la valeur d'un composant doit, en principe, correspondre au prix facturé, lorsque ce prix est distinctement libellé pour le composant concerné. A défaut de mention expresse sur la facture, il est possible de se référer à des éléments d'information complémentaires apportés par le fournisseur.
Toutefois, la détermination de ce coût de revient, peut, dans certaines situations, soulever des difficultés, en particulier en cas d'acquisition d'immobilisations d'occasion ou à la suite d'opérations d'apport.
Dans ces situations, il sera possible :
- de reconstituer la valeur du composant, soit en déterminant la valeur de chaque élément par rapport au coût total de l'immobilisation en fonction du coût actuel à neuf des différents éléments ayant les mêmes caractéristiques techniques, soit à partir de la ventilation opérée pour des immobilisations semblables en tenant compte des différences techniques et de l'évolution des prix ;
- en cas d'apport ou d'opérations assimilées réalisées à la valeur comptable, de se référer à la ventilation des éléments chez la société apporteuse, sauf si la société bénéficiaire des apports justifie d'une décomposition différente de l'immobilisation du fait d'une utilisation différente notamment. Pour les opérations de restructuration intervenues au cours du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2005 et avec effet rétroactif à l'ouverture de cet exercice, il appartiendra à la société bénéficiaire de l'apport de procéder à la décomposition des biens apportés.
Dans tous les cas, la valeur de la structure du bien décomposé doit correspondre à la valeur du bien pris dans son ensemble minorée de la valeur attribuée aux différents composants.
Les différents éléments du prix d'acquisition, tels que les coûts directement attribuables, les frais d'acquisition ou les coûts des emprunts, devraient, en principe, et à défaut de règle comptable, être affectés distinctement aux composants et à la structure du bien décomposé, en principe par affectation directe. Il sera, cependant, admis, par simplification, que ces frais soient affectés à proportion de la valeur de chaque élément.
En application de l'article 15 bis de l'annexe II au CGI, lors d'un remplacement, la valeur nette comptable du composant remplacé est comptabilisée en charges et la valeur du composant de remplacement est comptabilisée à l'actif immobilisé comme l'acquisition d'un actif séparé.
Cette valeur correspond au coût de remplacement, à savoir le coût d'acquisition ou le coût de production tels que définis pour l'ensemble des immobilisations, en application du 2 de l'article 38 quinquies de l'annexe III au CGI.
En cas de remplacement, le coût de remplacement des composants devrait être connu, sans passer par une méthode de ventilation de la valeur globale d'un bien, dans la mesure où le composant est, dans la plupart des cas, remplacé isolément. Toutefois, en cas d'acquisition conjointe de plusieurs éléments d'actif dont un composant, il sera admis d'avoir recours à une méthode de répartition d'un prix global.
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Réf. : CA Paris, 3ème ch., sect. B, 9 février 2006, n° 05/03072, Société anonyme Eurofog c/ SAS Ixsea (N° Lexbase : A2997DNC)
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Le 07 Octobre 2010
En 1995, trois sociétés, SFIM Industries, SFIM Gmbh et Photonetics, avaient décidé de créer une troisième société, Eurofog.
Le 10 mai 2000, SFIM Industries fut absorbée par la société Sagem (devenue ultérieurement Safran), tandis que, le 5 octobre 2000, Photonetics céda la totalité de sa participation au sein d'Eurofog à sa filiale, la société Ixsea.
Celle-ci demanda, l'année suivante, la nullité du transfert d'actions à la société Sagem, faute pour cette dernière d'avoir sollicité, et a fortiori recueilli, l'agrément en qualité d'actionnaire de la société Eurofog. Elle sollicita, en outre, du juge l'application de la procédure de rachat, prévue à l'article L. 228-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L8379GQE), des titres détenus par Safran.
La cour d'appel de Paris, à la suite du tribunal de commerce d'Evry, a fait droit à ses demandes. Les juges du fond appliquent, ainsi, une clause d'agrément à une fusion (I), et ordonnent le rachat des actions rentrées dans le patrimoine de la sociétés Safran par l'effet de la fusion (II).
I - L'application de la clause d'agrément
La liberté contractuelle permet aux associés de déterminer librement le contenu du contrat de société et devrait donc, logiquement, valider la clause d'agrément visant la fusion en tant que fait générateur. Mais, ce principe de liberté se heurte à deux règles. En premier lieu, la règle de transfert universel du patrimoine, posée à l'article L. 236-3 du Code de commerce, implique que les actions détenues au sein de la société tierce par l'absorbée passent directement dans le patrimoine de l'absorbante, par le seul effet de la fusion. Ce principe ayant un caractère d'ordre public, une stipulation statutaire ne saurait l'écarter et prévoir que la substitution d'actionnaires, opérée par la fusion, doive donner lieu à agrément (2). Cette objection n'emporte pas l'adhésion. En effet, le caractère d'ordre public interdit uniquement d'écarter le transfert universel du patrimoine dans le traité de fusion et nullement de soumettre la transmission d'un droit à l'accord d'un tiers (3).
En second lieu, le principe de libre négociabilité de l'action (ou libre cessibilité), affirmé à l'article L. 228-24 du Code de commerce, interdit d'étendre les clauses d'agrément aux fusions. En effet, cette règle serait de l'essence des sociétés anonymes. Par conséquent, les exceptions ne peuvent être que d'origine législative. Or, la loi n'a pas visé les fusions, mais uniquement les cessions. Dès lors, la volonté des parties est impuissante à étendre l'application d'une clause d'agrément à une fusion. Cet argument ne convainc pas. En effet, la jurisprudence considère que seul "le principe de négociabilité de l'action est de l'essence de la société anonyme" (4), et non sa libre négociabilité. Par conséquent, rien n'interdit de soumettre un transfert d'actions, par voie de cession ou de fusion, à un agrément préalable, à condition que lui soit adjoint un mécanisme destiné à empêcher que l'actionnaire ne soit prisonnier de son titre (5).
De fait, la jurisprudence valide les clauses d'agrément visant expressément les hypothèses de fusions (6), voire uniquement de cessions, si le terme "cession", défini par ailleurs, englobe les fusions (7). Les juges du fond sont donc souverains pour interpréter la clause d'agrément et rechercher si les parties au contrat de société ont entendu viser les fusions dans cette stipulation.
L'arrêt commenté vient rappeler cette solution. En l'espèce, la clause statutaire d'agrément prévoyait que "tout projet de cession à des tiers, à l'exclusion de filiales contrôlées majoritairement par l'un ou l'autre des actionnaires, de personnes physiques ou morales nommées administrateurs, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, alors même qu'elle ne porterait que sur la nue-propriété ou l'usufruit, devra être notifié par le cédant au conseil d'administration par lettre recommandée avec accusé de réception mentionnant le nombre d'actions à céder, leur catégorie, le nom ou dénomination sociale de l'acquéreur éventuel, le prix demandé et les conditions de son règlement. Le conseil disposera, à compter de cette notification, d'un délai de trois mois pour indiquer au cédant s'il agrée ou non le cessionnaire. Les dispositions du présent article sont applicables dans tous les cas de cession entre vifs, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, alors même que la cession aurait lieu par voie d'adjudication publique en vertu d'une décision de justice. Ces dispositions sont également applicables en cas d'apport en société, d'apport partiel d'actif de fusion ou de scission".
C'est, donc, fort logiquement que les magistrats parisiens ont considéré que la clause d'agrément devait s'appliquer dans l'hypothèse d'une fusion, les associés de la société Eurofog, y compris l'absorbée, ayant clairement manifesté une volonté en ce sens.
Néanmoins, en l'absence de référence expresse à la fusion, la clause serait-elle applicable si elle se bornait à viser "les cessions", ce terme n'étant pas défini par ailleurs ? Le doute est permis dans la mesure où une fusion, du fait du transfert universel du patrimoine qu'elle opère, est irréductible à une cession isolée. Cependant, à la réflexion, il nous semble que plusieurs arguments autorisent l'application de la clause qui ne viserait que les cessions. En premier lieu, l'article L. 228-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L8378GQD) fait référence à la cession, "à quelque titre que ce soit", et non, uniquement, aux cessions isolées (8). En second lieu, la jurisprudence adopte une conception large de la notion de cession et y assimile d'autres institutions ayant le même effet (9).
Certains arrêts (10) refusent d'étendre la clause d'agrément prévue pour les seules cessions aux fusions et scissions. Néanmoins, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt en date du 19 mars 1982 (11) a étendu une clause d'agrément visant les "cessions de droits sociaux" à une autre opération, non expressément visée par la stipulation statutaire.
Cependant, pour éviter toute ambiguïté, le praticien prendra soin d'englober la fusion parmi les opérations susceptible de donner lieu à l'application d'une clause d'agrément (12).
L'arrêt commenté s'inscrit, ainsi, dans le droit fil de la jurisprudence traditionnelle. Son apport principal est ailleurs, et réside dans la sanction attachée à la violation d'une clause d'agrément.
II - La sanction de la clause d'agrément
L'article L. 228-23 du Code de commerce prévoit in fine une sanction particulièrement radicale. Aux termes de ce texte, en effet, "toute cession en violation d'une clause d'agrément figurant dans les statuts est nulle".
Cependant, cette mesure est particulièrement inadaptée aux hypothèses de fusions. Le retour au statu quo ante, qui découle de la nullité, est impossible puisque, par hypothèse, l'actionnaire initial, la société absorbée, a disparu.
Dès lors, certains auteurs ont proposé une autre solution (13). Selon eux, du fait du défaut d'agrément, l'absorbante ne recueille en aucun cas la qualité d'associée, avec toutes les prérogatives attachées à cette qualité, mais seulement la valeur des droits sociaux. En d'autres termes, elle reçoit uniquement la finance du titre mais non le titre lui-même. Cette situation ne saurait, bien entendu, s'inscrire dans la durée, faute pour la société absorbante de se débarrasser de la participation acquise ni de pouvoir exercer pleinement les droits d'associés. La seule solution pour sortir de cette impasse réside dans le rachat des titres par la société émettrice, suivi d'une réduction de capital, ou par les associés de celle-ci, conformément aux dispositions de l'article L. 228-24 du Code de commerce. Il convient donc d'étendre ce texte à l'hypothèse de défaut d'agrément, même s'il ne vise expressément que celle du refus d'agrément.
De fait, la Cour de cassation, dans son arrêt précité du 6 mai 2003, avait paru avaliser ce raisonnement (14). En l'espèce, la Haute juridiction applique l'article L. 228-24 et fait référence au délai de trois mois dont dispose le conseil d'administration pour faire procéder à l'acquisition des titres. C'est donc que, dans l'esprit de la Chambre commerciale, en cas de défaut d'agrément, il y a lieu d'appliquer la procédure de rachat prévue par ce texte.
L'arrêt commenté va encore plus loin puisqu'il considère expressément que, dans l'hypothèse où l'agrément n'a pas été sollicité, les titres de l'absorbante doivent être rachetés, sur le fondement de l'article L. 228-24 in fine.
Selon la cour d'appel, "si, selon l'article L. 228-23 du Code de commerce, toute cession effectuée en violation d'une clause d'agrément figurant dans les statuts est nulle, il est exact que le retour à l'état antérieur, n'est pas possible en l'espèce en raison de la disparition de la société SFIM INDUSTRIES, absorbée par la société SAGEM. L'allocation de dommages et intérêts, qui constituerait dans un tel cas la seule sanction appropriée, selon les appelantes, ne répond pas à l'objectif de la clause d'agrément insérée aux statuts. Il y a lieu, par suite, d'appliquer le dispositif de rachat prévu à l'article L. 228-24 en cas de refus d'agrément, étant observé que ce dispositif vise à tirer les conséquences d'un défaut d'agrément, ce qui correspond à la situation de la société SAGEM, qui n'a pas reçu l'agrément du conseil d'administration. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé le transfert des actions et désigné un expert pour évaluer ces actions avant le 10 mai 2000, date du transfert".
Cette solution mérite d'être pleinement approuvée. En effet, les sociétés parties à la fusion ont commis une faute, en ne sollicitant pas l'agrément des associés de la société émettrice. Ceux-ci subissent un préjudice, en ce qu'ils sont privés de la possibilité, offerte par les statuts, de choisir leur coassocié. Ce préjudice doit être réparé. Comme le souligne la cour d'appel, les dommages et intérêts ne sont pas adaptés dans la mesure où leur allocation laisserait perdurer la situation. Par conséquent, par application du principe de la réparation adéquate, qui gouverne le droit de la responsabilité civile (15), il y a lieu de choisir le rachat forcé des titres de l'absorbante comme mode de réparation du préjudice subi.
En définitive, deux enseignements peuvent être tirés de cette très intéressante décision. D'une part, et cela confirme une jurisprudence bien établie, une clause statutaire d'agrément peut valablement viser une fusion. D'autre part, si ladite clause venait à être méconnue, et l'agrément non sollicité, la société émettrice pourrait racheter les titres détenus par l'absorbante indésirable.
Renee Kaddouch
Docteur en droit
Centre de droit financier de l'Université Paris I, Panthéon Sorbonne
Avocat à la Cour, JeantetAssociés
(1) V. not., sur cette question, M. Jeantin, Clauses d'agrément et fusions de sociétés commerciales, Dr. Sociétés, mai 1988, p. 2 ; I. Urbain-Parléani, La fusion absorption à l'épreuve des clauses d'agrément. Le cas particulier de la transmission des droits sociaux détenus dans le capital d'une société tierce, Mélanges Yves Guyon, 2003, p. 1061 ; A. Constantin, L'application des clauses d'agrément en cas de fusion ou scission : le poids des mots, le choc des principes, Bull. Joly, 2003, p. 742 ; J.-P. Bertrel, Fusions-acquisitions et clause d'agrément : du nouveau en jurisprudence, Dr. et patrimoine, octobre 2003, p. 36.
(2) En ce sens, V. not. M. Jeantin, La transmission universelle du patrimoine, in Mélanges Jean Derruppé, 1991, p. 287 et s.
(3) Rappr., pour les contrats conclus intuitu personae, Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-16.878, Société Garage Loustaunau c/ Société Etablissements Lavillauroy, F-P+B (N° Lexbase : A9814DL3) - sur cet arrêt, lire R. Kaddouch, La fusion face aux contrats intuitu personae, Lexbase Hebdo n° 201, du 8 février 2006 - éditions affaires (N° Lexbase : N4162AKD)
(4) Cass. com., 22 octobre 1969, n° 67-10.189, Société Calciphos et autre c/ Compagnie d'assurance L'Europe (N° Lexbase : A9314DNB), Bull. civ. IV n° 307.
(5) Dans le cas contraire, il y aurait atteinte à la négociabilité de l'action.
(6) Cass. com., 6 mai 2003, n° 01-03.172, Société Financière des laboratoires de cosmétologie Yves Rocher c/ Société Sanofi Synthelabo, FS-D (N° Lexbase : A7903BSI) : "après avoir exactement énoncé que la fusion absorption ne figure pas expressément au nombre des actes pour lesquels la clause d'agrément est interdite par l'article 274 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l'article L. 228-23 du Code de commerce, c'est par une appréciation souveraine du sens et de la portée de l'article 13 des statuts de la société Laboratoires Yves Rocher que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, retenu qu'en décidant que 'la transmission de toute action ou certificat d'investissement à un tiers non actionnaire est soumise au droit d'agrément du conseil d'administration', les associés de la société Laboratoires Yves Rocher ont entendu soumettre à l'agrément toute forme de transfert des titres et non pas seulement la cession entre vifs".
(7) Cass. com., 3 juin 1986, n° 85-12.657, Le Groupement Aptésien de la Cerise industrielle Aptunion c/ Société Clerici et compagnie (N° Lexbase : A5077AAB).
(8) En ce sens, I. Urbain-Parléani, La fusion absorption à l'épreuve des clauses d'agrément. Le cas particulier de la transmission des droits sociaux détenus dans le capital d'une société tierce, précité.
(9) V. pour un partage, Cass. com., 12 novembre 1996, n° 94-11.370, Mme Nazélie Manasselian et autres c/ Société d'installations de force et de télécommunications (SIFT) et autres (N° Lexbase : A2053CST), Bull. Joly, 1997, p. 219, note J.-P. Garçon ; pour un apport en société, Cass. com., 21 janv. 1970, n° 68-11.085, Société Cassegrain c/ Garnier (N° Lexbase : A6545AGI), Rev. Sociétés, 1970, p. 292.
(10) CA Chambéry, 26 novembre 2002, n° 00/01443, SA Pernat Industrie c/ SA Banque de Vizilled, D. 2003, p. 1216, note B. Espesson-Vergeat ; CA Paris, 25ème ch., sect. B, 18 févr. 2000, n° 1999/16771, SA Finatral c/ SA Banque de Vizille (N° Lexbase : A0599DC8), Bull. Joly, 2000, p. 727, note P. Le Cannu.
(11) RTD com. 1982, p. 258, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.
(12) Pour éviter les lourdeurs de la procédure, alors même que le principe de l'agrément est acquis, les fusions entre sociétés d'un même groupe pourront alors être expressément exclues.
(13) P. Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2° éd., 2003, n° 1570 ; I. Urbain-Parléani, La fusion absorption à l'épreuve des clauses d'agrément. Le cas particulier de la transmission des droits sociaux détenus dans le capital d'une société tierce, précité ; A. Constantin, L'application des clauses d'agrément en cas de fusion ou scission : le poids des mots, le choc des principes, précité, spéc., n° 22.
(14) Cass. com., 6 mai 2003, précité.
(15) Sur cette règle, V. not., F. Leduc, Juris-Classeur Civil, Art. 1382 à 1386, fasc. 201, 1996, spéc., n° 39 et s.
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Réf. : Décision Conseil de la concurrence n° 06-MC-01, 23 février 2006, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés les Messageries Lyonnaises de Presse et Agora Diffusion Presse (N° Lexbase : X6067AD3)
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par André-Paul Weber, Professeur d'économie, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence
Le 07 Octobre 2010
Le cas de la presse gratuite étant exclu, la presse est, en France, distribuée selon trois modalités : par abonnement, par portage ou par le biais de la vente au numéro. Le choix entre ces différents moyens appartient à l'éditeur du titre de presse.
L'abonnement nécessite l'utilisation de services postaux ou de services de routage privés. La formule est souvent considérée comme intéressante car la clientèle est stable, le nombre des invendus est limité, et elle offre, enfin, aux éditeurs un avantage de trésorerie. Mais, en dépit de ses atouts, ce mode de diffusion demeure peu répandu.
Pour sa part, le portage consiste à assurer la distribution par le moyen de colporteurs effectuant des tournées auprès des abonnés ; dans les faits, cette solution est peu retenue.
Dès lors, la majorité de la distribution s'opère par le biais de la vente au numéro, laquelle peut s'opérer selon deux schémas. Soit l'éditeur de presse distribue sa production par ses propres moyens -il crée, alors, une messagerie de presse qui est intégrée à son entreprise de presse-, soit l'éditeur recourt aux services d'une messagerie qui ne lui appartient pas en propre, dont le fonctionnement est régi par les dispositions de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques (N° Lexbase : L0675BAA). Le texte a vocation à soustraire la diffusion de la presse aux influences jugées néfastes de l'Etat ou d'intérêts privés dominants. L'éditeur est, alors, tenu de s'affilier à une coopérative d'éditeurs : ces coopératives organisent, elles-mêmes, leurs activités de messageries et constituent, ainsi, des coopératives de messageries de presse, ou les confient à des entreprises commerciales dénommées entreprises commerciales de messageries de presse. Dans ce dernier cas, qui correspond donc à la situation où les coopératives n'entendent pas assurer directement la diffusion des titres que les éditeurs leur confient, l'article 4 de la loi précitée précise que les coopératives de messageries, c'est-à-dire, en fait, les éditeurs de presse, doivent détenir la majorité des actions des entreprises commerciales de messageries qui sont constituées.
Parallèlement, la loi a institué un Conseil supérieur des messageries de presse visant à mettre le système de distribution ainsi constitué à l'abri de toutes pressions. Il comprend des professionnels concernés et des représentants de l'Etat. Il a une triple vocation : cordonner l'emploi des moyens de transport longue distance, contrôler les comptes des sociétés coopératives de messageries et des sociétés commerciales de messageries de presse, être le gardien de la loi du 2 avril 1947 et de l'esprit qui l'anime.
II - Une organisation économique et tarifaire complexe
Cinq coopératives de presse -Coopérative des quotidiens de Paris, Coopérative de distribution de la presse, Coopérative des publications hebdomadaires et périodiques, Coopérative de la presse périodique et Coopérative des publications parisiennes- ont constitué, dès 1947, la SARL Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne. Conformément à l'article 4 de la loi du 2 avril 1947, les éditeurs de presse contrôlent 51 % de son capital, le solde étant détenu par le Groupe Hachette. A ce jour, elles distribuent plus de 3 500 titres de presse quotidiens et magazines auxquels s'ajoutent 5 000 parutions de produits multimédia et encyclopédies.
Trois autres coopératives ont également constitué la SARL SAEM-TP, contrôlée toujours à 51 % par les éditeurs et à 49 % par la société Sopredis, filiale du groupe Hachette. Faute de disposer de centre de traitement logistique, la société confie la sous-traitance de ses opérations aux NMPP. Son chiffre d'affaires s'établit à 119,6 millions d'euros (année 2004), tandis que celui des NMPP est, pour la même année, de 407,8 millions d'euros.
Pour sa part, la société MLP, société anonyme coopérative, a été créée en 1945. Son capital est détenu par les éditeurs adhérents. Depuis 1994, la société MLP assure en propre la distribution de magazines, alors qu'antérieurement, la tâche en avait été confiée aux NMPP. En 2004, son chiffre d'affaires s'est élevé à 40, 6 millions d'euros.
L'organisation de la distribution de la presse repose, parallèlement, sur le réseau dit de niveau 2 et qui correspond à celui des entrepositaires. Ils jouent le rôle de grossiste et assurent la distribution de la presse qui leur est confiée par les messageries de presse et par certains éditeurs s'adressant directement à eux. Les dépositaires bénéficient d'une exclusivité de distribution des titres qui leur sont confiés sur une zone géographique donnée.
En dernier ressort, la mise à disposition des produits de presse est assurée par les diffuseurs, au nombre de 32 000 environ en 2004/2005. Pour la plupart, il s'agit là de commerçants indépendants opérant dans des conditions très variées : magasins spécialisés, presse-tabac, librairies-papeteries, grandes et moyennes surfaces alimentaires, kiosques, vendeurs ambulants. Le marché de la diffusion se caractérise parallèlement par l'existence d'enseignes spécifiques parmi lesquelles il faut citer la "Maison de la Presse", "Mag Presse", "Agora Presse et caetera". Ainsi, plus de 1 500 magasins spécialisés exercent leurs activités de diffuseur sous les enseignes "Maison de la Presse" ou "Mag Presse". L'accès à ces réseaux, gérés par la société Seddif, exige de remplir certains critères d'aménagements établis par Seddif et de suivre les prescriptions de cette dernière dans le domaine de la gestion et de l'animation du point de vente.
La distribution de la presse se caractérise, encore, par la particularité voulant que l'éditeur de presse demeure le propriétaire de ses publications jusqu'à leur acquisition par le lecteur. Les invendus demeurent ainsi la propriété de l'éditeur. Chacun des niveaux de distribution est rémunéré par une commission évaluée en pourcentage de la valeur faciale de chacun des titres vendus. Tel est le sens de l'article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 (N° Lexbase : L2134DYP) qui dispose que, dans le but "[...] d'assurer le respect du principe de neutralité dans les conditions de distribution de la presse, la rémunération des agents de la vente de publications quotidiennes et périodiques est déterminée en pourcentage du montant des ventes desdites publications réalisées par leur intermédiaire, dans des conditions fixées par décret".
Précisément, tel a été l'objet des décrets n° 88-136 du 9 février 1988 (N° Lexbase : L0661BAQ) et n° 2005-1455 du 25 novembre 2005 (N° Lexbase : L3574HDQ). Ainsi, tandis que le premier décret prévoyait que les diffuseurs de presse percevaient une commission pouvant aller jusqu'à 15 % du montant des ventes au public, le second décret devait préciser que les taux des commissions des agents peuvent faire l'objet de majorations par convention. Le texte précise que "ces majorations ne peuvent excéder 15 % du montant des ventes, exprimées au prix public, pour la généralité des publications quotidiennes et périodiques. Ces majorations sont subordonnées à des critères objectifs, transparents, équitables et non discriminatoires, de nature à garantir le respect du principe de neutralité tel qu'il est défini à l'article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987".
Le taux de rémunération des diffuseurs s'étant révélé insuffisant, des plans de revalorisation ont été mis en place. En 1994 d'abord, sous l'égide du Conseil supérieur des messageries de presse, et avec l'intervention du SNDP, les NMPP et la SAEM-TP ont offert une rémunération supplémentaire aux diffuseurs remplissant certains critères témoignant de leur qualification. Un accord similaire a été, au même moment, conclu entre les MLP et le syndicat.
En septembre 2001, toujours sous l'égide du Conseil supérieur des messageries de presse, un second accord a été conclu entre les NMPP, la SAEM-TP, l'UNDP et le SNDP. Il prévoit alors un taux de rémunération revalorisé de 15 % au bénéfice des diffuseurs dits qualifiés. Un accord similaire a, quelques mois plus tard, été signé entre les MLP et l'UNDP. Ces premières mesures se révélant insuffisantes, les NMPP et la SAEM-TP ont, en juin 2005, conclu deux nouveaux accords interprofessionnels avec l'UNDP et le SNDP fixant de nouveaux critères de qualification permettant l'accès à des rémunérations complémentaires. De plus, le protocole de 2001 a été aménagé et de nouveaux critères de qualification ont été définis.
Pour aller à l'essentiel, notons que l'octroi par les NMPP d'une première rémunération supposait que le diffuseur ait, en année n-1, réalisé un chiffre d'affaires sur les titres en cause d'un montant minimum de 50 000 euros. S'agissant des titres SAEM-TP, son bénéfice supposait un chiffre d'affaires, également en année n-1, de 30 000 euros.
Les accords conclus prévoyaient également l'octroi de remises sur les titres NMPP et SAEM-TP d'autant plus fortes que la part et donc le nombre de titres NMPP et SAEM-TP exposés dans les points de vente était importante.
Le diffuseur enregistrant, par ailleurs, une progression de ses ventes supérieure à celle d'une population de diffuseur de référence devait enfin pouvoir bénéficier d'un complément de rémunération.
Invité à se prononcer sur ce dispositif d'ensemble, à la fin de l'année 2005, le CSMP devait considérer que "les majorations des taux des commissions des agents de la vente instituées au protocole souscrit le 30 juin 2005 [...] apparaissent subordonnées à des critères objectifs, transparents, équitables et non discriminatoires, de nature à garantir le respect du principe de neutralité tel qu'il est défini par l'article 11 de la loi du 27 janvier 1987 [...]".
Toutefois, il était souligné que l'avis était formulé sur le fondement du droit de la presse et qu'il ne préjugeait en rien de l'appréciation qui pourrait être portée au regard du droit de la concurrence.
III - La question de la compatibilité du droit de la distribution de la presse avec le droit de la concurrence
En formant leur plainte et leur demande de mesures conservatoires, les Messageries Lyonnaises de Presse et la société Agora ont développé un double argument. En premier lieu, les critères de qualification liés au plan conclu en 2005 entre les NMPP, la SAEM-TP, l'UNDP et le SNDP ont un caractère discriminatoire. Ils visent à favoriser les diffuseurs qui sont liés aux groupes NMPP et Hachette, tels les établissements "Maison de la Presse" et "Press Mag". En deuxième lieu, les modalités d'octroi des remises complémentaires, remises d'autant plus fortes que la part qui est réservée aux titres NMPP et SAEM-TP par les diffuseurs est importante, ont un caractère fidélisant. Dans de telles conditions, ces diffuseurs sont susceptibles de concentrer leurs efforts de commercialisation sur les produits NMPP et SAEM-TP, au détriment, par conséquent, des produits MLP et sont donc susceptibles de les évincer du marché de la distribution de la presse au numéro à partir du moment où l'ensemble NMPP-SAEM-TP détient 85 % du marché amont de la distribution de la presse.
S'agissant particulièrement du second aspect, le Conseil a estimé que l'économie générale du nouveau système de rémunération mis en place par les NMPP et la SAEM-TP, cumulant un seuil de chiffre d'affaires, des seuils en nombre de titres servis et la rémunération d'un taux de progression des ventes des produits concernés supérieur à une moyenne était susceptible d'avoir pour objet et pour effet d'évincer l'unique messagerie concurrente des marchés de la distribution des produits de presse et des produits hors presse et de constituer une pratique contraire à l'article L. 420-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3778HBK).
En fait, pour le Conseil, l'incitation pour les diffuseurs à s'approvisionner de façon privilégiée auprès de l'ensemble constitué par les NMPP et la SAEM-TP tient à la combinaison de deux facteurs : le premier est juridique, le second est économique.
Au plan juridique d'abord, le Conseil rappelle que par l'effet de la réglementation spécifique du secteur de la presse les diffuseurs ne peuvent pas refuser que leur soient livrées certaines publications. Les éditeurs ayant l'entière maîtrise de la distribution de leurs publications décident, avec le concours des messageries et des dépositaires, des points de vente dans lesquels les publications sont proposées à la vente. Les diffuseurs peuvent signaler un taux d'invendus important auprès des dépositaires, demander à être servis en nouveaux titres, mais ils ne peuvent, de leur propre initiative, supprimer un titre ou réduire le nombre d'exemplaires qui leur sont livrés par les dépositaires. L'ensemble de ces dispositions s'inscrit dans l'obligation de neutralité s'imposant aux diffuseurs qui sont tenus d'exposer à la vente tous les titres qui leur sont servis.
Mais, parallèlement, au plan économique, le Conseil fait observer qu'il convient de tenir compte de la contrainte découlant de l'explosion du nombre des produits de presse à traiter. Ainsi note-t-il, à titre d'exemple, que les NMPP ont en 2002 distribué 3 526 produits, soit 339 titres supplémentaires par rapport à 2001. Il note encore que le nombre des références de presse a augmenté de 35 % sur la période 1996-2002. Cette croissance du nombre des produits emporte de sérieuses conséquences : un accroissement du nombre des invendus, un encombrement des linéaires de presse, une moindre visibilité des titres, en bref et de façon beaucoup plus générale, une incapacité pour le diffuseur de présenter de manière neutre tous les titres qui lui sont proposés par le dépositaire. Le Conseil en conclut que "[...] dès lors que la place disponible dans les linéaires est déjà sur encombrée, la mise en valeur des titres relevant d'une messagerie particulière, à laquelle le diffuseur est incité par une rémunération supplémentaire, ne peut que se faire qu'au détriment des titres relevant des autres messageries. Ainsi, l'effet d'éviction provoqué par un système de remises fidélisantes ne porte pas sur la liste des titres diffusés puisque les diffuseurs n'ont pas la possibilité de refuser les publications qui leur sont servies, mais sur la qualité de la diffusion. Or, dans un système où les choix de diffusion n'appartiennent qu'à l'éditeur et où les taux de rémunération des divers sont fixés, c'est la qualité de la diffusion qui constitue le seul véritable argument de vente que les messageries ne peuvent manquer de faire valoir auprès des éditeurs" (point 88 de la décision).
En bref, la décision examinée pose le problème de la coexistence, de la compatibilité et donc de la cohérence entre les deux ordres juridiques correspondant au droit de la distribution de la presse, d'une part, et au droit commun de la concurrence, d'autre part. En effet, si le Conseil de la concurrence dénonce le caractère "fidélisant " des remises examinées, il faut bien convenir que ces remises sont insusceptibles de bénéficier au consommateur, la remise ne bénéficiant qu'au diffuseur. Ajoutons encore que, si les remises supplémentaires offertes par les NMPP et SAEM-TP sont de nature à améliorer la qualité de diffusion pour les titres relevant de ces messageries, cette amélioration ne peut se faire qu'au détriment de la diffusion des titres diffusés par les MLP. Mais, au-delà de cet aspect, on conviendra encore qu'à partir du moment où les entreprises commerciales de messageries sont susceptibles d'accueillir dans leur capital des entreprises qui, à la fois, sont engagées dans la diffusion et dans l'édition de titres de presse, il est sans doute très difficile d'atteindre l'objectif de neutralité inscrit dans la loi n° 47-485 du 2 avril 1947. En d'autres termes, se pose la question de savoir si l'objectif affiché est susceptible d'être atteint dès lors que l'actionnaire dominant des deux principales entreprises de messageries poursuit tout naturellement des ambitions qui lui sont propres.
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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés
Le 07 Octobre 2010
La procédure de l'article L. 16 B du LPF caractérise un moyen encadré "d'investigations" de recherche de la preuve de la fraude fiscale par l'administration fiscale pour les besoins de son contrôle, susceptible de déboucher sur une éventuelle action correctionnelle.
Elle doit être distinguée de la procédure de vérification de comptabilité (LPF, art. L. 47 N° Lexbase : L3907ALB) et de la procédure d'enquête visée à l'article L. 80 F du LPF (N° Lexbase : L7991AEP), ainsi que de la perquisition pénale prévue par les dispositions des articles 56 (N° Lexbase : L8712GQQ), 67 (N° Lexbase : L7247A48) et 96 (N° Lexbase : L0974DYQ) du Code de procédure pénale. En effet, la procédure de "visite domiciliaire" n'a pour seul objet que de permettre, sous contrôle de l'autorité judiciaire, la seule prise ou saisie de pièces et documents en rapport direct avec la fraude recherchée n'impliquant aucun contrôle ou interrogatoire sophistiqué, ce dernier se trouvant limité à l'indication du lieu de situation des documents.
Cette procédure spécifique et exorbitante peut être, ainsi, schématisée au plan de la chronologie des opérations et de ses suites :
Il est à noter que cette procédure a été validée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 8 janvier 2002, req. 51578/99, Keslassy c/ France N° Lexbase : A9798DDA ; Cass., civ. 2, 21 avril 2005, n° 02-21.148, FS-P+B N° Lexbase : A9541DHT) en ce qu'elle ne contrevenait pas aux dispositions des articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 8 (N° Lexbase : L4798AQR) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH).
L'opération de "visite domiciliaire" ne peut être engagée par l'administration que sous des conditions et modalités spécifiques expressément visées par les dispositions de l'article L. 16 B du LPF tenant à l'autorisation de "visite" et de "saisie", ainsi qu'aux modalités d'intervention des différents acteurs à la procédure.
1. Les conditions et modalités d'intervention des différents acteurs à la procédure de "visite" et de "saisie"
L'administration des impôts doit, préalablement à toute "visite", saisir l'autorité judiciaire, seule à autoriser ses agents, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts (LPF, art. R. 16 B-1 N° Lexbase : L3960ALA), à rechercher la preuve des agissements frauduleux des contribuables.
Chaque visite doit, en effet, être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
Il doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation, qui lui est soumise, est bien fondée et, à cet effet, la demande d'autorisation de l'administration doit comporter tous les éléments d'information en sa possession de nature à justifier la visite.
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention comporte l'adresse des lieux à visiter, ainsi que le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite.
Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux, dont la preuve est recherchée. S'agissant d'une présomption de fraude (Cass. com., 30 mai 2000, n° 98-30.258, Mlle Celine Uzan c/ M. le Directeur général des impôts N° Lexbase : A4592C79), l'action du juge conduit à "contrôler l'apparence" de la situation qui lui est présentée par l'administration à l'appui des pièces produites détenues par cette dernière d'une manière licite (Cass. com., 11 juillet 2000, n° 98-30.366, M. Bernard Gille c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9138AGK) et dont l'origine doit être mentionnée dans l'ordonnance.
Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit, dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal.
La visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. A cette fin, il donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations.
Il désigne un officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
Il peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention.
A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.
L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal qui sera délivré. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis.
A défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance dans les conditions prévues par les articles 550 et suivants du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3944AZ4), prévoyant que les citations et significations sont faites par exploits d'huissier de justice.
La visite, qui ne peut être commencée avant six heures, ni après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des impôts.
Les agents de l'administration des impôts mentionnés peuvent être assistés d'autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs.
Les agents des impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.
L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense (C. pr. pén., art. 56 et 58 N° Lexbase : L0817G97).
Un procès-verbal, relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées, est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts.
Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire, ainsi que par l'occupant des lieux ou son représentant ou à défaut par les témoins choisis par l'officier de police judiciaire. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés, qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire, et un inventaire est, alors, établi.
Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite et une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant.
Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite. Toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente.
2. Les modalités de contestation des opérations de "visite" et de "saisie"
Les délais et modalités des voies de recours, dont dispose le contribuable "visité" pour contester la procédure dont il a fait l'objet, sont mentionnés sur les actes de notification et de signification tant de l'ordonnance que celle du procès-verbal de perquisition et d'inventaire.
Ces mentions ne portent essentiellement que sur les délais et modalités de contestation de l'ordonnance (C. pr. pén., art. 588, alinéa 1er N° Lexbase : L4426AZX, art. 576 N° Lexbase : L3969AZZ et suivants). Il n'est dit mot, en revanche, sur les modalités de contestation des opérations d'exécution de la "visite". Quant aux suites et aux effets de la perquisition sur la procédure de redressement et, le cas échéant sur l'ouverture d'une action pénale, par l'administration à l'encontre du contribuable, dont la fraude est recherchée, les modalités de contestation de la perquisition suivent les délais et modalités propres auxdites procédures ultérieurement engagées par les services de vérification.
Ainsi, les contestations afférentes à une opération de "visite" ou de perquisition s'étendent, donc, dans le temps. Trois phases se distinguent, les deux premières ayant trait aux opérations de saisie et, principalement, à l'ordonnance et la troisième ayant trait à l'appréciation des redressements notifiés qui s'en sont suivis et leurs suites judiciaires, éventuellement, pénales.
SCHEMA
La question des modalités de contestation de la "visite domiciliaire" n'est pas sans intérêt, dans la mesure où l'administration des impôts peut opposer au contribuable les informations recueillies dans le cadre de son contrôle. Elle ne peut le faire, toutefois, qu'après avoir procédé à la restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction pour la mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 du LPF.
2.1. Les recours sur les opérations de "visite" et de "saisie" et sur l'ordonnance
Le contribuable "visité" doit apprécier formellement les opérations de "visite" et de "saisie", ainsi que le contenu de l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire.
- Le recours devant le juge des libertés et de la détention autour des difficultés rencontrées durant l'exécution des opérations de "visite" et de "saisie".
Le contribuable faisant l'objet de la visite domiciliaire devra s'attacher à surveiller, au cours du déroulement des opérations de "visite" et de "saisie", les conditions et les modalités de leur exécution par les autorités habilitées par le juge des libertés et de la détention, ainsi que leurs agissements tant au niveau des personnes que des biens, objets de la procédure, ainsi que des informations de toute sorte qu'il aura pu recueillir.
En effet, ce contrôle de vigilance lui permettra d'apprécier l'opportunité d'engager sur-le-champ, c'est-à-dire en cours d'opération ou, ultérieurement, les recours appropriés sur les difficultés rencontrées lors de l'exécution des opérations de visite domiciliaire. Ces irrégularités seront susceptibles d'aboutir à l'annulation de l'intégralité de la procédure de "visite".
Toutefois, la visibilité, dont dispose le contribuable "visité" sur le ou les recours applicables à la contestation des opérations matérielles de "visite" et de "saisie", est particulièrement "brouillé" depuis un revirement de jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation intervenue le 30 novembre 1999 (Cass. com., 30 novembre 1999, n° 98-30.005, Société Bec frères c/ Directeur général de la Concurrence de la Consommation N° Lexbase : A5559AWS) et transposée à la procédure administrative fiscale de visite domiciliaire par un arrêt du 18 avril 2000 (Cass. com., 18 avril 2000, n° 98-30.146, M. Jean Asquini c/ Directeur général des impôts, inédit au bulletin, Cassation sans renvoi N° Lexbase : A3815CW9 ; Cass. crim., 23 mai 2002, n° 00-30.305, La Société CGEA Transports et autres N° Lexbase : A1760CZ9), aux termes desquels la mission du juge des libertés et de la détention prend fin avec la remise de la copie du procès-verbal de perquisition et d'inventaire, en sorte qu'il ne peut plus être saisi, par la suite, d'une irrégularité des opérations. En effet, selon la Haute cour, une telle contestation relève "du contentieux, dont peuvent être saisies les autorités de décision [ou juridiction] appelées à statuer sur les poursuites éventuellement engagées sur le fondement des documents, ainsi, appréhendés". Avant cette jurisprudence, le contribuable "visité" disposait d'un seul et unique recours "en difficulté d'exécution" des opérations de "visite" et de "saisie" devant un seul et unique juge, le juge de "l'autorisation" (le Président du tribunal de grande instance ou un magistrat ayant reçu délégation avant l'intervention du juge des libertés et de la détention). Désormais, le contribuable "visité" ou toute personne intéressée peut, ainsi, contester lesdites opérations à deux moments dans le temps et devant deux autorités distinctes.
En premier lieu, le contribuable "visité" ou toute personne intéressée peut contester la régularité des opérations de "visite" et de "saisie", en cours de déroulement, en demandant leur annulation devant "le juge des libertés et de la détention" à l'origine de l'autorisation des visites, et ce, jusqu'à la signature du procès-verbal de perquisition et d'inventaire.
Il convient d'observer qu'il peut être parallèlement demandé devant ce même juge la suspension et l'arrêt des opérations de "visite" et de "saisie". En effet, tout intéressé, préalablement à tout recours sur la régularité de l'ordonnance ou des opérations de visites et de saisies autorisées, tient de la loi le droit de solliciter par requête devant le magistrat qui a pris la décision d'autorisation, la suspension ou l'arrêt des opérations en cours d'exécution, en raison de l'existence de motifs graves pouvant justifier son emploi. Il est fait observer que cette procédure de suspension était systématiquement rejetée, antérieurement à la jurisprudence précitée, par le magistrat concerné par les opérations et qu'aujourd'hui elle n'a pas plus de chance de prospérer qu'avant.
En second lieu, le contribuable "visité" ou toute personne intéressée peut valablement contester, à l'occasion de la procédure d'établissement de l'impôt, la régularité des opérations de "visite" et de "saisie" devant "les autorités de décision appelées à statuer sur les poursuites", qui se sont, au sens de la jurisprudence dominante et d'une partie de la doctrine, non encore définitivement fixées sur ce sujet (voir ci-après 2.2.), l'administration fiscale puis le juge de l'impôt appelés à statuer sur les impositions redressées fondées sur les documents appréhendés lors des opérations de "visite" et de "saisie".
- Le recours devant le juge civil des référés (tribunal de grande instance)
Cette action sur le fondement de l'article 809 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3104ADC), dont l'objectif serait d'annuler les opérations de "visite" peut être envisagée plus particulièrement dans deux hypothèses. La première correspond à la situation dans laquelle les opérations ont conduit les autorités habilitées par le juge des libertés et de la détention à saisir, par exemple, des pièces et documents sans rapport aucun avec le but assigné à l'administration par l'ordonnance. La seconde correspond à la situation dans laquelle il serait constaté au cours des opérations de visite un comportement de ces mêmes autorités excédant l'exercice normal de leur pouvoir conformément, toujours, aux prescriptions de l'ordonnance. Ces circonstances caractérisent de près ou de loin "une atteinte aux libertés publiques détachables des pouvoirs" donnés à l'administration par l'ordonnance et, donc, "un trouble manifestement illicite" (Cass. com., 4 avril 1995, n° 93-18.016, Société Somedec et autres c/ Direction nationale d'enquêtes fiscales N° Lexbase : A1256AB7). Ce constat conduit à subordonner la recevabilité et la validité d'une telle action visant à l'annulation des opérations de "visite" et de "saisie" que si les irrégularités constatées sont détachables de l'autorisation de "visite" et de "saisie" délivrée par le juge des libertés et de la détention.
Le contribuable ayant fait l'objet "d'une visite domiciliaire" doit s'attacher à examiner la validité des mentions formelles devant impérativement figurer sur l'ordonnance au sens de l'article L. 16 B du LPF relatives tant à la compétence des acteurs de la procédure qu'à leurs obligations (qu'il s'agisse des autorités fiscales, du juge délivrant l'ordonnance et de l'autorité de police judiciaire assistant le juge) qu'à l'objet de l'autorisation de la "visite" ou perquisition (touchant aux personnes concernées, aux lieux et objet des visites, ainsi qu'à la nature des investigations autorisées et aux pièces saisies). Ce contrôle devrait mettre à même le contribuable d'apprécier l'opportunité de se pourvoir ou non en cassation sur les irrégularités de l'ordonnance d'autorisation de "visite".
L'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le Code de procédure pénale, lequel n'est pas suspensif. Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance et, aux termes des dispositions de l'article 568 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0864DYN), le contribuable dispose, pour former son pourvoi en cassation, d'un délai de cinq jours francs à compter de la notification de l'ordonnance.
Ce recours non suspensif, matérialisé par une déclaration de pourvoi, doit être formé, aux termes de l'article 576 du même code (N° Lexbase : L3969AZZ), au greffe du tribunal, dans le ressort duquel le juge des libertés et de la détention, qui a rendu l'ordonnance, exerce ses compétences.
Ce pourvoi doit être dûment signé par le demandeur en cassation lui-même ou par un avoué près la juridiction, qui a statué, ou par un fondé de pouvoir spécial.
Le demandeur au pourvoi doit notifier son pourvoi, selon les dispositions de l'article 578 toujours du même code, à l'administration fiscale et au ministère public.
Le demandeur aura la précaution de faire appel à un avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat pour préparer et introduire un mémoire ampliatif, et ce, dans l'intérêt bien compris de sa défense. A cet endroit, il est rappelé que les dispositions de l'article 584 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4425AZW) précisent que le demandeur en cassation a la faculté de déposer lui-même, soit en faisant sa déclaration de pourvoi, soit dans les dix jours suivants, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, un mémoire, signé de lui, contenant ses moyens de cassation.
Il est à noter, enfin, qu'à la suite des ordonnances des 24 juillet et 1er novembre 2000 du Premier président de la Cour de cassation, les pourvois formés contre les ordonnances autorisant les visites domiciliaires relèvent, désormais, de la compétence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
2.2. Les différents recours sur les conséquences des opérations de "visite" et "saisie" domiciliaire à l'appui de la procédure de contestation des impositions
Ces recours sont susceptibles d'intervenir, notamment, après la restitution des documents saisis lors de la visite. Cette restitution doit intervenir dans le délai de six mois suivant l'achèvement des opérations autorisant l'administration à opérer, le cas échéant, un redressement à partir des documents saisis. Elle ne peut effectuer légalement de redressements fondés sur ces documents sans les avoir préalablement restitués au contribuable "visité". A compter de cette restitution, plusieurs recours sont susceptibles d'être employés par ce dernier à l'appui de la procédure de contestation des impositions.
Cette procédure permet aux parties concernées par la visite d'accéder a posteriori aux pièces du dossier, sur lequel le juge des libertés et de la détention a fondé son ordonnance. Cette faculté, dont dispose le contribuable "visité", constitue seulement une "mesure d'administration judiciaire" (Cass. com., 3 octobre 1995, n° 94-13.381, Ministre de l'Economie c/ Société Béton de France N° Lexbase : A1386ABX ; Cass. crim., 24 octobre 2001, n° 99-30.412, La Société exploitation Airnet et autres N° Lexbase : A7814CZG). Ces documents seront, en principe, communiqués au greffe de la Cour de cassation et l'avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat pourra les consulter. A défaut, la procédure d'accès aux pièces pourrait être intentée.
A l'occasion, en premier lieu, de la procédure de redressement et, notamment, par la voie des "observations du contribuable", puis, en second lieu, en cas de maintien de la position de l'administration, lors de la réclamation, puis, ensuite, devant les juridictions compétentes appelées à connaître du litige, le contribuable ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire pourra, au niveau de ces différents recours, tirer arguments pour faire tomber les redressements notifiés, soit de l'annulation de l'ordonnance par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, soit des irrégularités commises, lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire, et qui n'avaient pu donner lieu à suspension de la procédure, pour autant, bien entendu, que les redressements en question se fondent sur les pièces et documents appréhendés.
Il doit être rappelé que la notification de redressements doit, en toute hypothèse, se référer à la procédure de l'article L. 16 B du LPF et préciser la nature et la teneur des pièces saisies (avec le numéro de compostage), sur lesquelles le service de vérification s'appuie pour procéder à ses rehaussements.
Dans l'hypothèse où l'ordonnance a bien été contestée, l'effectivité et l'efficacité de la contestation dépendront des conséquences données par la Haute cour à l'issue du recours en annulation de l'ordonnance. Il doit être envisagé, à cet égard, les trois hypothèses classiques de décision de la Cour, à savoir, respectivement, la cassation, l'irrecevabilité et le rejet, en sorte que seules les décisions de cassation auront un effet direct et immédiat sur la procédure fiscale suivie, le cas échéant, par l'administration à l'encontre du contribuable "visité".
Une décision de cassation emportera, en effet, des conséquences sur la suite de la procédure de redressement en empêchant le service d'exploiter les documents saisis, lors de la visite.
Mais, cette circonstance favorable, le cas échéant, au contribuable "visité", en revanche, n'empêchera pas l'administration de procéder à des redressements à l'égard d'un autre contribuable que celui qui a fait l'objet d'une perquisition en se fondant sur des faits révélés à l'occasion des opérations de visites et de saisies pour établir son imposition, en raison du principe d'indépendance des procédures.
Si aucun recours en contestation des opérations de visites n'a été intenté lors du déroulement des opérations de perquisition devant le juge des libertés et de la détention et, qu'ultérieurement, sont décelées des irrégularités sur la période suivie le contribuable, à l'occasion de la procédure de contestation des impositions devant le juge de l'impôt, le contribuable pourra tenter d'invoquer ces irrégularités pour faire annuler la procédure d'imposition et rendre inopérant l'exploitation des documents saisis.
Le contribuable pourra, en effet, se référer à la jurisprudence naissante de certaines juridictions administratives, qui semblent reconnaître comme étant au nombre des "autorités de décision appelées à statuer sur les poursuites" l'administration fiscale, puis le juge de l'impôt appelés à statuer sur les impositions redressées fondées sur les documents appréhendés lors des opérations de visite et de saisie (TA Versailles, 19 septembre 2002, n° 97-4588, Société Ouest Emballages c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ; CAA Lyon, 5ème ch., 4 mai 2005, n° 98LY01732, M. Jean Peyre c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3144DKN). Mais, cette solution n'est pas, à ce jour, encore entièrement acquise compte tenu de la jurisprudence contradictoire d'autres tribunaux administratifs et cours administratives d'appel sur le sujet (CAA Bordeaux, 3ème ch., 28 mars 2000, n° 97BX02040, SARL Le Métropole c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7070BEL ; CAA Bordeaux, 4ème ch., 26 mai 2005, n° 01BX01059, Héritiers de M. Grégoire Topalian c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6912DIT), et ce, dans l'attente d'une décision à venir du Conseil d'Etat.
Reste, bien entendu, à apprécier l'impact des irrégularités soulevées des opérations de "visite" et de "saisie" ou d'une annulation de l'ordonnance sur l'éventuelle procédure pénale résultant de la plainte engagée par l'administration pour fraude fiscale et pour autant que cette fraude soit révélée par les pièces et documents saisis lors des opérations de perquisition. D'une manière générale, il est observé que, si la fraude alléguée se trouve fondée sur des documents ou des moyens découlant d'une procédure judiciaire déclarée irrégulière, le juge pénal devrait, normalement, être conduit à décider l'annulation de la procédure pour fraude.
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