La lettre juridique n°151 du 20 janvier 2005

La lettre juridique - Édition n°151

Table des matières

Cautionnement : l'Assemblée plénière réaffirme le principe de l'accessoire

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N4346ABL

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par Anne-Laure Blouet Patin, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 07 Octobre 2010


La fin de l'année 2004 a été marquée, en matière de cautionnement, par un revirement qui devrait faire couler beaucoup d'encre dans les semaines à venir. En effet, aux termes d'un arrêt d'Assemblée plénière du 6 décembre dernier, la Haute juridiction a décidé, en cas de vente de l'immeuble donné à bail, du maintien du cautionnement assortissant le bail. Cette solution était très attendue par la doctrine qui avait très nettement critiqué l'ancienne position adoptée par la Cour de cassation. C'était, pour de nombreux auteurs, tels les professeurs Larroumet ou Aynès, la fin de l'article 1692 du Code civil. Ainsi, en décidant que le cautionnement consenti au bailleur initial se transmet au nouvel acquéreur de l'immeuble, la Cour se conforme strictement au principe de l'accessoire. Ce faisant, elle s'aligne avec la jurisprudence appliquée au cautionnement donné à une société ultérieurement absorbée : dans cette hypothèse, la caution se doit de garantir les dettes nées avant l'absorption. Par ailleurs, cette décision rappelle également que l'intuitu personnae n'est pas un obstacle à la transmission du cautionnement. Aussi une question se pose-t-elle : partant du principe que l'intuitu personnae s'efface dans les rapports entre la caution et le créancier, la jurisprudence pourrait-elle aller jusqu'à juger que le cautionnement doit être maintenu pour les dettes postérieures, sauf novation ou augmentation des engagements du débiteur ? Le doute est permis... Lexbase Hebdo vous propose, cette semaine, de revenir sur cette décision avec un commentaire de David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit.

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Fiscalité internationale

[Textes] Le nouvel article 209 B : entre lutte contre l'évasion fiscale et liberté d'établissement

Réf. : Loi de finances pour 2005, n° 2004-1484, 31 décembre 2004, art. 104 (N° Lexbase : L5203GUA)

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N4306AB4

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010

Avec la nouvelle rédaction de l'article 209 B du CGI, issue de l'article 104 de la loi de finances pour 2005, a-t-on trouvé un équilibre entre la lutte contre l'évasion fiscale et la liberté d'établissement ? A titre de préambule, rappelons que, jusqu'à présent, ou plus exactement, jusqu'au 31 décembre 2005, l'article 209 B du CGI a pour objet de dissuader les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés de localiser une partie de leurs bénéfices dans des sociétés établies dans un Etat ou territoire situé hors de France où elles sont soumises à un régime fiscal privilégié. Lorsqu'une personne morale passible de cet impôt exploite une entreprise située hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, le résultat bénéficiaire de l'entreprise est réputé constituer un résultat de cette personne morale, retenu dans la proportion des droits qu'elle détient. Ce régime s'applique aux personnes morales françaises qui détiennent une participation au moins égale à 10 % ou dont le prix de revient est au moins égal à 22 800 000 euros dans une société établie hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié .
Or, par un arrêt "Schneider Electric", du 28 juin 2002 (CE Contentieux, 28 juin 2002, n° 232276, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Schneider Electric N° Lexbase : A0219AZ7), le Conseil d'Etat a considéré que les dispositions de la convention fiscale franco-suisse, dans sa version antérieure à son avenant du 22 juillet 1997 (N° Lexbase : L6755BHN), s'opposait à l'application par la France de l'article 209 B du CGI. Mais, les conclusions de cette décision concernent l'ensemble des conventions fiscales rédigées de manière analogue et notamment les conventions conclues par la France avec la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. C'est pourquoi, privilégiant dans un premier temps la négociation de nouvelles conventions ou d'avenants sauvegardant expressément l'applicabilité de l'article 209 B avec ces derniers Etats, le Gouvernement, soucieux de préserver l'efficacité du dispositif de lutte contre l'évasion fiscale internationale et de tirer les conséquences de la décision du Conseil d'Etat, a préféré modifier en profondeur ce régime ; d'autant plus, que la Cour de justice des Communautés européenne aurait, certainement, pu condamner ce dispositif au regard des principes de liberté d'établissement et de circulation des capitaux .

L'objectif de la réécriture de l'article 209 B était donc clair : trouver une conformité au droit conventionnel, moderniser et redéfinir le champ d'application de ce texte et respecter le droit communautaire (lire Quels sont les enjeux de la réécriture de l'article 209 B du CGI ? Question à... Alexandre Ippolito, avocat au barreau de Paris, Lexbase Hebdo n° 136, du 30 septembre 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N2941ABK).

Aussi, à la lecture de cet article 104 de la loi de finances pour 2005, et ce, à compter du 1er janvier 2006, "lorsqu'une personne morale établie en France et passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, établie ou constituée hors de France et que cette entreprise ou entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du CGI, les bénéfices ou revenus positifs de cette entreprise ou entité juridique sont imposables à l'impôt sur les sociétés. Lorsqu'ils sont réalisés par une entité juridique, ils sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers imposable de la personne morale établie en France dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement".

C'est cette requalification du bénéfice dégagé par l'entité soumise à un régime fiscal privilégié en revenu de capitaux mobiliers qui constitue la clé de voûte du nouvel édifice de l'article 209 B. En effet, comme le souligne Olivier Fouquet, Conseiller d'Etat, le droit interne et le droit conventionnel s'appliquent de manière combinée et non exclusive. Aussi, lorsqu'une disposition de droit interne n'est pas contraire au droit conventionnel, cette disposition a plein effet. Dans le cas contraire, comme s'agissant de l'article 209 B, il faut et il suffit que la disposition de droit interne ne contredise pas celle issue du droit conventionnel. Ce faisant, la nouvelle rédaction de l'article 209 B, en requalifiant le bénéfice imposable en revenu de capitaux mobiliers, exclut, dans la pratique, l'application du droit conventionnel à ce dispositif de lutte contre l'évasion fiscale. En effet, peu de conventions bilatérales impliquant la France comprennent une disposition régissant les "revenus réputés distribués", même si certaines dispositions intéressent plus particulièrement les dividendes. Par ailleurs, lorsque ces conventions comprennent une "clause balai", pour l'ensemble des revenus non détaillés dans la convention, la plupart du temps, et ce en application du modèle OCDE, c'est à l'Etat du bénéficiaire du revenu que revient le privilège d'imposer ce revenu (pour notre cas, la France). On comprend donc bien, qu'en soustrayant les revenus perçus de ces entités soumises à un régime fiscal privilégié du champ des conventions fiscales internationales, la nouvelle rédaction de l'article 209 B répond bien à son objectif principal d'efficacité.

Pour autant, cette requalification est-elle légale ? Ainsi Renaud Jouffroy, avocat associé du cabinet Landwell, s'interrogeait, lors d'une conférence tenue le 13 janvier 2005, revenant sur l'actualité fiscale des lois de finances, sur la compatibilité d'une telle requalification avec le principe de "bonne foi" d'exécution des conventions internationales contenu au sein de la convention de Vienne. En outre, ce revenu imposable demeure "techniquement" un "bénéfice imposable", tombant, en principe, sous les fourches caudines des conventions bilatérales. Enfin, un certain nombre de convention fiscale prévoit une imposition des revenus de capitaux mobiliers dans l'Etat de la source ; annihilant ainsi le dispositif de l'article 209 B. Sur la base de ces remarques, Michel Taly, avocat associé du cabinet Landwell, posait ainsi la question en ces termes : si l'article 64 du LPF réprime l'abus de droit commis par le contribuable, l'Etat ne commet-il pas, par cette manoeuvre (entendez, la requalification en revenu réputé distribué), un abus de droit ?

Poursuivant la lecture du nouvel article 209 B, "le taux de détention mentionné précédemment est ramené à 5 %, lorsque plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l'entité juridique établie ou constituée hors de France sont détenus par des entreprises établies en France qui, dans le cas où l'entité étrangère est cotée sur un marché réglementé, agissent de concert ou bien par des entreprises qui sont placées directement ou indirectement dans une situation de contrôle ou de dépendance au sens de l'article 57 du CGI à l'égard de la personne morale établie en France.

Les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus indirectement par la personne morale visée plus-haut s'entendent des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus par l'intermédiaire d'une chaîne d'actions, de parts, de droits financiers ou de droits de vote ; l'appréciation du pourcentage des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ainsi détenus s'opère en multipliant entre eux les taux de détention successifs.

La détention indirecte s'entend également des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus directement ou indirectement :

  • par les salariés ou les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale mentionnée plus-haut ;
  • par une personne physique, son conjoint, ou leurs ascendants ou descendants lorsque l'une au moins de ces personnes est directement ou indirectement actionnaire, porteuse de parts, titulaire de droits financiers ou de droits de vote dans cette personne morale ;
  • par une entreprise ou une entité juridique ayant en commun avec cette personne morale un actionnaire, un porteur de parts ou un titulaire de droits financiers ou de droits de vote qui dispose directement ou indirectement du nombre le plus élevé de droits de vote dans cette entreprise ou entité juridique et dans cette personne morale ;
  • par un partenaire commercial de la personne morale dès lors que les relations entre cette personne morale et ce partenaire sont telles qu'il existe entre eux un lien de dépendance économique.

Toutefois, les actions, parts, droits financiers ou droits de vote ne sont pas pris en compte pour le calcul du pourcentage de résultat de l'entité juridique établie hors de France, qui est réputé constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne morale.

Le bénéfice de l'entreprise ou le revenu de capitaux mobiliers est réputé acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France. Il est déterminé selon les règles fixées par le présent code à l'exception des dispositions prévues à l'article 223 A du CGI .

L'impôt acquitté localement par l'entreprise ou l'entité juridique, établie hors de France, est imputable sur l'impôt établi en France, à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés et, s'il s'agit d'une entité juridique, dans la proportion mentionnée plus-haut.

Lorsque les produits ou revenus de l'entreprise ou de l'entité juridique comprennent des dividendes, intérêts ou redevances qui proviennent d'un Etat ou territoire autre que celui dans lequel l'entreprise ou l'entité juridique est établie ou constituée, les retenues à la source auxquelles ont donné lieu ces dividendes, intérêts ou redevances sont imputables dans la proportion mentionnée plus-haut sur l'impôt sur les sociétés dû par la personne morale établie en France. Cette imputation est toutefois subordonnée à la condition que l'Etat ou le territoire d'où proviennent ces dividendes, intérêts ou redevances soit la France ou un Etat lié à la France par une convention d'élimination des doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus qui contienne une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, auquel cas l'imputation se fait au taux fixé dans la convention.

Ces dispositions ne sont pas applicables :

  • si l'entreprise ou l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat de la Communauté européenne et
  • si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l'entité juridique par la personne morale passible de l'impôt sur les sociétés ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.

En dehors des ces cas visés, ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque les bénéfices ou revenus positifs de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France proviennent d'une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l'Etat de son établissement ou de son siège.

Toutefois, lorsque les bénéfices ou revenus positifs de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France proviennent :

  • pour plus d'un cinquième, de la gestion, du maintien ou de l'accroissement de titres, participations, créances ou actifs analogues pour son propre compte ou pour celui d'entreprises appartenant à un groupe avec lequel la personne morale établie en France entretient des relations de contrôle ou de dépendance ou de la cession ou de la concession de droits incorporels relatifs à la propriété industrielle, littéraire ou artistique, ou
  • pour plus de la moitié, de ces mêmes opérations et de la fourniture de prestations de services internes, y compris financiers, à un groupe d'entreprises avec lequel la personne morale établie en France entretient des relations de contrôle ou de dépendance, les dispositions de l'article 209 B s'appliquent sauf si la personne morale établie en France établit que les opérations de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ont principalement un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.

Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'application du présent régime et notamment les modalités permettant d'éviter la double imposition des bénéfices ou revenus de capitaux mobiliers effectivement répartis ainsi que les obligations déclaratives de la personne morale".

A la suite de cet exposé, trois remarques peuvent être ainsi formulées. Tout d'abord, le régime de l'article 209 B du CGI ne s'applique plus si l'entreprise ou l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat de la Communauté européenne ; toutefois, si montage est "artificiel", au sens donné pour ce terme par la Cour européenne des droits de l'homme, le régime de l'article 209 B demeure applicable. Ensuite, si ce nouveau régime supprime l'imposition séparée de l'entité étrangère, alors la société mère devrait pouvoir remonter les déficits supportés par sa filiale. Enfin, comme le préconisait Alexandre Ippolito, avocat associé du cabinet White & Case LLP (préc. cit.), il conviendra de s'assurer, en pratique, pour éviter, ou en tout cas limiter, l'application du dispositif de l'article 209 B de l'existence de motivations économiques justifiant la création de filiales étrangères et notamment de l'existence d'une activité locale prévisible dans la juridiction concernée ou, éventuellement, dans les juridictions limitrophes (qui, selon notre analyse, doivent être comprises dans la notion de marché local). Par ailleurs, la problématique de la qualification d'un régime en régime fiscal privilégié reste ouverte dans la situation, fréquente en pratique, des juridictions prévoyant un taux normal d'imposition en ligne avec celui pratiqué dans les principaux pays de l'OCDE mais dotées de régimes d'exonération spécifiques à certains produits.

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Fiscalité des entreprises

[Textes] Adaptation des dispositions fiscales à l'évolution des règles comptables et assouplissement des règles de transfert des déficits lors d'opérations de fusion

Réf. : Loi de finances rectificative pour 2004, n° 2004-1485, 31 décembre 2004, art. 33 (N° Lexbase : L5204GUB)

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par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne

Le 07 Octobre 2010


Depuis le 1er janvier 2005 et ce, à la suite de la loi de finances rectificative pour 2004, les dispositions fiscales ont suivi l'évolution des règles comptables. Par ailleurs, les règles de transfert de déficits lors d'opérations de fusion ont été assouplies. Mises en place par le Conseil national de la comptabilité (CNC) avec la collaboration du ministère des Finances, ces nouvelles dispositions ont enfin vu le jour et s'orientent ainsi vers une véritable harmonisation fiscale européenne. Rappelons qu'il existe, en droit français, une connexité patente entre le droit comptable et le droit fiscal. Dès lors, il était indubitable que toute modification des normes comptables allait venir changer le sort des normes fiscales Avec la mise en place des nouvelles normes internationales IAS/IFRS (International accounting standards/International financial reporting standards), la comptabilité des entreprises n'a cessé et ne cesse d'évoluer (lire Sabine Dubost, L'impact fiscal du passage aux normes IFRS, Lexbase Hebdo n° 122, du 27 mai 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1732ABR).

Aussi, le CNC est venu interpréter successivement chacune de ces normes internationales, afin que le plan comptable général s'aligne au nouveau référentiel. A titre d'exemple, le règlement n° 2002-10 du Comité de la réglementation comptable (CRC) sur la dépréciation et l'amortissement des actifs, homologué par un arrêté du 27 décembre 2002, le règlement n° 2004-01 du CRC du 4 mai 2004 sur le traitement comptable des fusions et opérations assimilées et l'avis n° 2004-15 du CNC du 23 juin 2004 sur la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs viennent d'être pris en considération par le législateur fiscal. Par conséquent, depuis le 1er janvier 2005, ce nouveau référentiel comptable a exercé un impact réel sur certaines dispositions du Code général des impôts (CGI), en particulier celles relatives à l'évaluation des actifs (1) et au traitement des opérations de fusion et assimilées (2).

Toutefois, il est à noter que ce nouveau référentiel comptable n'a pas entraîné de modification en ce qui concerne l'assiette de l'impôt sur les sociétés. En effet, cette dernière est déterminée, non pas en fonction des comptes consolidés, mais à partir des comptes sociaux.

1. Modifications des règles fiscales en matière d'évaluation et d'amortissement des actifs

De nouvelles règles d'évaluation et d'amortissement des actifs ont été mises en place. Il en va ainsi de l'approche de valorisation des actifs par composants (1.1). La suppression des charges à répartir fait, également, partie des modifications précitées (1.2).

1.1. Modifications des règles fiscales en matière d'évaluation des actifs : l'approche par composants

Le nouveau régime de valorisation des actifs appelé "approche par composants" ne permet plus aux entreprises, pour leurs exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005, de doter des provisions pour grosses réparations aux fins de remplacer les éléments principaux d'immobilisation corporelle.

En effet, les dépenses de remplacement, antérieurement inscrites au passif du bilan, sont, désormais, considérées comme des immobilisations figurant à l'actif du bilan, se dépréciant de façon irréversible et pouvant dès lors faire l'objet d'un amortissement.

Précisons que l'article 15-1 du règlement n° 2002-10 du CRC sur la dépréciation et l'amortissement des actifs, précité, prévoit que, lors de la première application du règlement, l'effet à l'ouverture des changements de méthode doit être calculé de façon rétrospective, c'est-à-dire comme si la nouvelle méthode avait toujours été appliquée. La première application en 2005 conduira donc les entreprises à reprendre toutes les provisions pour grosses réparations destinées à couvrir le remplacement des composants, et à reconstituer les composants des immobilisations inscrites au bilan.

Le CRC a préconisé deux méthodes de reconstitution des composants compatibles avec la norme internationale IFRS 16, mais dont l'incidence fiscale est distincte :

- la reconstitution du coût historique amorti. Cette méthode rétrospective consiste à traduire au bilan de première application les conséquences de cette approche comme si elle avait toujours été appliquée. Elle se traduit par les effets suivants, une fois que le composant a été identifié : activation du dernier coût de remplacement, reconstitution des amortissements comme s'ils avaient été pratiqués depuis l'origine, et constatation de la perte sur le composant d'origine, qui n'existe plus. En application des dispositions du 2 de l'article 38 du CGI , cette méthode a pour effet de minorer ou majorer le bénéfice imposable du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2005 ;

- la réallocation des valeurs nettes comptables entre les composants. Cette méthode est prospective puisqu'elle ne reconstitue pas le passé et autorise seulement un nouveau calcul des amortissements pour le futur. Elle se traduit par les deux effets suivants : d'une part, la répartition de la valeur nette comptable de l'immobilisation entre les différents composants, cette répartition s'effectuant par évaluation des composants à la date du 1er janvier 2005 ; et d'autre part, la détermination d'un nouveau plan d'amortissement sur la valeur de ces composants. Elle n'a en revanche aucun impact sur le bénéfice imposable.

Dans les deux méthodes, la provision pour grosses réparations, destinée à anticiper le coût de remplacement du composant, doit être reprise au 1er janvier 2005.

1.2. La suppression des charges à répartir

L'avis 2004-15 du CNC conduit à supprimer dans le plan comptable général la notion de "charges à répartir", dont on admettait jusqu'à présent l'étalement sur cinq ans ou la comptabilisation en charges. Selon leur nature au regard de la nouvelle qualification des actifs, ces dépenses devront, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005, être comptabilisées de manière rétrospective soit en charges, soit en immobilisations. Cette notion n'est en effet pas fiscale, dans la mesure où les charges sont immédiatement déductibles dès lors qu'elles sont engagées, et ne peuvent donc faire l'objet d'un étalement analogue au traitement comptable.

La nouvelle méthode d'évaluation et d'amortissement des actifs n'est pas la seule adaptation fiscale face au nouveau référentiel comptable.

Les opérations de restructuration, telles que la fusion, subissent, également, sur le plan fiscal, une refonte de grande ampleur.

2. Adaptation des règles fiscales aux règles comptables en matière d'opérations de restructuration

A la suite du règlement n° 2004-01 du CRC concernant la détermination de la valeur d'apport et le traitement du mali technique de fusion, les règles fiscales se sont adaptées (2.1). Dans le même sens, la loi de finances rectificative pour 2004 a pris en considération ces changements en modifiant certaines dispositions du CGI (2.2).

2.1. Adaptation des règles fiscales au règlement n° 2004-01 du CRC sur la détermination de la valeur d'apport et sur le traitement du mali technique de fusion

2.1.1. Règles fiscales avant le règlement n° 2004-01 du CRC sur la détermination de la valeur d'apport et sur le traitement du mali technique de fusion

En cas de fusion de sociétés, le régime fiscal de cette opération de restructuration suit, en principe, celui de la cessation d'entreprises, c'est-à-dire imposition des plus-values, reprise des provisions, imposition du dernier bénéfice...

Cependant, au titre de l'article 210 A du CGI , un régime de faveur d'exonération et de sursis d'imposition pour les fusions et les opérations assimilées des fusions est applicable de plein droit ou sur agrément selon les situations. Ce régime préférentiel, sous réserve de remplir des conditions strictes, confère à ces opérations un caractère purement intercalaire.

En d'autres termes, les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion sont ainsi exonérés d'impôt sur les sociétés, de même que les provisions de la société absorbée qui ne deviennent pas sans objet, et la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation d'actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit en apport. Le régime de droit commun peut, cependant, se révéler intéressant si la société absorbée ou scindée est déficitaire, dans la mesure où ce déficit fiscal ne peut, dans le régime de faveur, être reporté sur les bénéfices ultérieurs de la société bénéficiaire de l'apport, sauf octroi préalable d'un agrément administratif.

Il est à noter qu'aux termes du II de l'article 209 du CGI , le montant de ce déficit transférable est toutefois plafonné, soit à la valeur brute des éléments de l'actif immobilisé, hors immobilisations financières, soit à la valeur d'apport de ces mêmes éléments.

Précisons aussi que c'est, en principe, la valeur réelle des biens apportés qui est retenue. Toutefois, il est admis que la valeur comptable puisse être utilisée pour valoriser les apports si cette valeur est suffisamment proche de la situation réelle de la société. Mais, il est à noter que cela ne vaut que dans le cadre du régime de faveur. Ainsi, une fusion à la valeur comptable ne peut bénéficier du régime de faveur que si l'absorbante reconstitue à son bilan les valeurs éclatées.

2.1.2. Impact en droit fiscal du règlement n° 2004-01 du CRC sur la détermination de la valeur d'apport et sur le traitement du mali technique de fusion

L'annexe du règlement n° 2004-01 du CRC, intitulée "Comptabilisation et évaluation des opérations de fusions et opérations assimilées, rémunérées par des titres et retracées dans un traité d'apport, y compris les confusions de patrimoine" prévoit de nouveaux principes de détermination de la valeur d'apport, en fonction de la situation de la société absorbante ou de la bénéficiaire des apports et de l'existence ou non d'un contrôle commun entre les sociétés participant à l'opération. Cette notion de contrôle commun ou distinct est centrale dans le règlement n° 2004-01 et permet de caractériser les fusions sur le plan économique.

Comme le souligne le rapporteur général Philippe Marini, les apports sont ainsi évalués à leur valeur comptable lorsque l'opération est réalisée "à l'endroit" ou "à l'envers" et implique des sociétés liées, c'est-à-dire déjà placées sous contrôle commun avant l'opération, ainsi que dans le cas d'opérations "à l'envers" impliquant des sociétés sous contrôle distinct. Les apports sont en revanche retenus à leur valeur réelle lorsque l'opération est "à l'endroit" et implique des sociétés sous contrôle distinct. Dès lors, le montant du déficit reportable sur la société bénéficiaire sera réduit dans le cas d'une évaluation des apports à la valeur comptable.

Le règlement précise, également, le traitement du "mali technique" de fusion encore appelé faux mali, qui correspond, à hauteur de la participation antérieurement détenue, aux plus-values latentes sur éléments d'actifs de la société absorbée, comptabilisés ou non dans les comptes de cette société, et diminués des passifs non comptabilisés. Il s'agit donc de passifs pour lesquels il n'existe pas d'obligation comptable, tels que les provisions pour retraites ou les impôts différés passifs.

Le mali technique est, désormais, inscrit en totalité dans un compte d'immobilisations incorporelles, et non plus comme charge fiscalement non déductible, conformément à la nouvelle doctrine également applicable aux charges à répartir. Cette solution permet d'assurer la neutralité des opérations au niveau des résultats et des capitaux propres de la société absorbante. Le mali technique peut conduire à la déduction de charges ultérieures, via des provisions pour dépréciation ou lors de la cession de l'actif sous-jacent.

2.2. Prise en considération de l'évolution des règles comptables par la loi de finances rectificatives pour 2004

2.2.1. Déplafonnement du transfert de déficits entre sociétés

Avant l'intervention de la loi de finances rectificative pour 2004, les cinquième, sixième et septième alinéas de l'article 209-II du CGI disposaient : "Les déficits sont transférés dans la limite de la plus importante des valeurs suivantes appréciées à la date d'effet de l'opération: la valeur brute des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exploitation hors immobilisations financières ou la valeur d'apport de ces mêmes éléments".

Mais en raison des nouvelles règles comptables de valorisation des apports, ces précisions légales ont été supprimées.

Dès lors, le législateur fiscal a opéré un déplafonnement du transfert de déficits entre sociétés, ce qui tendra très certainement à favoriser des opérations de restructuration des groupes.

En dépit des modifications apportées à l'article 209 du CGI, le reste de cette disposition n'a pas changé.

Il convient de préciser que la loi de finances rectificative pour 2004 a prévu d'insérer un II bis à l'article 209 du CGI, afin de prévenir la double déduction de l'actif net négatif, lorsque la reprise d'un passif excède la valeur réelle de l'actif transféré à l'occasion d'une opération de fusion telle que mentionnée au 3° du I de l'article 210-0 A , soit les opérations "pour lesquelles il n'est pas procédé à l'échange de titres de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport contre les titres de la société absorbée ou scindée lorsque ces titres sont détenus soit par la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport, soit par la société absorbée ou scindée".

La charge résultant de cet excédent de passif ne peut alors être déduite. Le rapporteur Philippe Marini souligne que cette non déductibilité apparaît justifiée par l'avancée que constituent, par ailleurs, les nouvelles règles précitées de "transférabilité" sans limitation des déficits de la société apporteuse. Les déficits transférables étant déjà compris dans l'actif net négatif repris par la société bénéficiaire des apports, il subsistait bien un risque de double déduction.

2.2.2. Conséquences fiscales sur le "faux mali" de fusion

En raison de la nouvelle réglementation du CRC, la provision pour dépréciation du mali technique n'est pas déductible. Ce dernier n'est pas pris en considération dans le calcul des plus ou moins-values, de la quote-part de mali affectée aux immobilisations cédées. L'article 210 A du CGI est modifié en conséquence.

Toutes les adaptations de notre droit fiscal, eu égard à l'évolution des normes comptables, tend indéniablement, selon certains, à inverser la tendance qui voulait que ce soit les règles comptables qui se façonnent en fonction des règles fiscales. Cependant, la fiscalité ne pouvant se comprendre sans référence à la comptabilité et inversement, il est peut-être préférable de dire qu'un véritable rapport d'équilibre entre la comptabilité et la fiscalité s'est mis en place.

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Bancaire

[Le point sur...] Démarchage bancaire et financier par Internet : propos autour d'un droit récent et à venir

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par Marie-Elisabeth Mathieu, Jeantet Associés, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val d'Essonne

Le 07 Octobre 2010


La réforme du démarchage bancaire et financier par la loi de sécurité financière n° 2003-706 du 1er août 2003 (N° Lexbase : L3556BLB) (1) s'est achevée par les décrets n° 2004-1018 (N° Lexbase : L7841GTL) et n° 2004-1019 (N° Lexbase : L7842GTM) du 28 septembre 2004 et par la circulaire ministérielle n° 04-14/G3 du 14 septembre 2004 (2).

Se prépare, cependant, de nouveau, une modification du titre IV du Code monétaire et financier sur le démarchage : le projet d'ordonnance de transposition -dont la dernière version date du 29 octobre 2004- de la directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs (N° Lexbase : L9628A4D) prévoit de modifier les articles L. 341-11 à L. 341-15 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2571DKG) de façon à créer des dispositions spécifiques au démarchage à distance des services financiers. Ce sont donc les règles de bonne conduite pesant sur les démarcheurs lors de l'acte de démarchage qui seront ainsi adaptées à la sollicitation nominative sans présence physique et simultanée des parties à la prospection et à l'acte. La seule modification notable, apportée par le projet d'ordonnance touche à l'obligation d'information du démarcheur. Il est censé transmettre les informations "avant que la personne démarchée ne soit liée par un contrat" et en "temps utile" (3) ; la liste des informations s'étant allongée en vue d'une parfaite connaissance par le client du produit ou service ainsi proposé.

Mais, la difficulté est autre.

La loi n° 2004-575, du 26 juin 2004, pour la confiance en l'économie numérique (LCEN) (N° Lexbase : L2600DZC), a modifié l'article L. 33-4-1 du Code des postes et télécommunications électroniques  (devenu L. 34-5 N° Lexbase : L8790GQM aux termes de l'article 22 de la loi n° 2004-669 du 21 juin 2004 relative aux communications électroniques N° Lexbase : L9189D7H) et, a interdit la prospection directe "au moyen d'un automate d'appel, d'un télécopieur ou d'un courrier électronique" sans le consentement préalable du destinataire personne physique. Aucune prospection commerciale électronique ne peut être dirigée vers des "non-clients" sans que le destinataire du message ait exprimé son acceptation à la réception d'une telle sollicitation - système de l'"opt-in" -.

Le démarchage tel qu'il résulte du Code monétaire et financier semble justement relever d'une prospection directe ainsi définie. A la lecture de l'article L. 341-1 du Code monétaire et financier "constitue un acte de démarchage bancaire ou financier toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord" sur un certain nombre de services ou d'opérations visés par ce texte (4) : feront ainsi l'objet de démarchage, les opérations sur instruments financiers, les opérations de banque, connexes, les services d'investissement et services connexes et les opérations sur les biens divers.

Par conséquent, lorsque le moyen utilisé par le démarcheur pour prospecter sa clientèle est un courrier électronique, tombe t-il alors sur le coup de la prohibition posée par l'article L. 33-4-1 du Code des postes et télécommunications électroniques ? Le démarchage suppose t-il le consentement du client ? Faut-il revoir, à nouveau, la définition du démarchage issue de l'article L. 341-1 du Code monétaire et financier ? Faut-il plutôt faire prévaloir le droit spécial du Code monétaire et financier sur le droit commun ? ou enfin faut-il créer une définition propre au démarchage en ligne des services financiers ? Enfin, à quel moment en ligne, le prestataire quitte le domaine de la publicité pour réaliser un acte de démarchage ?...

Ces interrogations répondent à un besoin concret.

Le "net" est un des outils offerts aux professionnels pour démarcher les investisseurs. Ces derniers sont régulièrement mis en garde par l'AMF lorsque sur la toile sont identifiés des actes de démarchage concernant des produits dont la commercialisation est interdite en France (5). Il est donc nécessaire et ce, même si le cadre juridique propre au démarchage en ligne en est à ses débuts, de définir le champ d'application respectif des différentes réglementations en présence (I) et de distinguer en ligne, le démarchage de la publicité (II).

I - La primauté du droit spécial du Code monétaire et financier sur le droit commun de la publicité en ligne

Le projet d'ordonnance de transposition de la directive "commercialisation à distance" ne s'est pas soucié du paradoxe existant, à notre avis, entre d'une part l'interdiction de la prospection directe sans le consentement du client et d'autre part la notion de prise de contact non sollicitée constitutive de démarchage telle qu'elle résulte de l'article L.341-1 du Code monétaire et financier. Pourtant, le démarchage en ligne n'est autre que l'envoi d'une communication commerciale non sollicitée à un client potentiel qui n'a pas, au préalable, donné son consentement à cette prospection puisqu 'elle est, par nature, non sollicitée.

Le débat est réel :

  • Si l'internaute a donné son consentement à la prospection nominative, la prise de contact est alors sollicitée. Elle n'est donc plus un acte de démarchage tel que défini par le Code monétaire et financier puisque la présence d'un tel acte suppose "une prise de contact non sollicitée". Le consentement du client à la réception de la prospection directe rend sa démarche active. La notion même de démarchage n'existe plus.
  • Si l'internaute n'a pas donné son consentement préalable à la prospection nominative, la prise de contact est non sollicitée et le prestataire réalise un acte démarchage licite au regard du Code monétaire et financier mais prohibé par les nouvelles dispositions de la LCEN sur la publicité en ligne. Faut-il alors concevoir qu'un démarchage en ligne serait non pas une prise de contact non sollicitée mais une prise de contact avec l'accord préalable du client ? Il y aurait deux démarchages possibles en ligne et hors ligne, le premier exigeant comme condition de validité l'accord préalable du client du fait de l'existence d'un support virtuel.

Ne faut-il pas plutôt considérer qu'une prise de contact en ligne et nominative portant sur les opérations énumérées par le Code monétaire et financier est un acte de démarchage licite, qui échappe à la prohibition posée par l'article L. 33-4-1 du Code des postes et des télécommunications, car constitutive d'une activité réglementée par le Code monétaire et financier.

La voix de la sagesse suggère cette dernière interprétation. Si le projet d'ordonnance ne crée pas une définition autre du démarchage que celle issue de la réforme initiée par la loi sécurité financière du 1er août 2003, c'est probablement parce que le démarchage bancaire et financier en ligne n'est pas concerné par la prohibition de la prospection directe non sollicitée. Le droit spécial prime alors sur le droit commun en cette matière.

II - Les critères de distinction possibles entre démarchage et publicité

La nouvelle définition du démarchage, issue de la loi du 1er août 2003, se veut extensive (6). Elle est le reflet de l'évolution jurisprudentielle antérieure (7) et de la position des autorités compétentes : le démarchage se rapportait aux actes effectués au domicile, sur les lieux de travail, dans les lieux publics mais aussi à toutes les visites, appels téléphoniques et circulaires (8).

L'article L. 341-1 du Code monétaire et financier intègre donc le démarchage par tous moyens et donc via un support virtuel. Ce type de démarchage électronique n'est pas visé expressément par l'article L. 341-1 du Code monétaire et financier mais il est un démarchage à distance équivalent à l'envoi de lettres ou de circulaires

Cette définition légale appelle certaines observations.

La notion centrale est celle de prise de contact non sollicitée. Cette prise de contact suppose une démarche active de la part du démarcheur et passive de l'internaute (9). Tous les moyens sont envisagés (10) : déplacement physique, envoi de courrier, appel téléphonique (11), courrier électronique et tous ceux qui pourront être utilisés à l'avenir (12). Le démarchage se caractérise par l'existence d'un contact direct et personnalisé. Le démarcheur s'adresse donc à une personne dont il connaît préalablement l'identité. Dans le cas du démarchage en ligne, il y aurait acte de démarchage en cas "d'envoi sporadique d'un courrier non sollicité à un client potentiel" (13). En revanche, toute démarche active du fait de l'internaute emporte exclusion du champ d'application du démarchage : abonnement volontaire à une lettre électronique, utilisation d'un lien hypertexte vers un site marchand, etc.

Nonobstant ces précisions, la difficulté, en ligne, est d'identifier un acte de démarchage sous couvert d'une simple publicité. La frontière est ténue. Mais, cette identification est d'importance : l'acte de démarchage sera, s'il est identifié, réglementé par le Titre IV du Code monétaire et financier. Tel n'est pas le cas de la simple sollicitation de clientèle constitutive d'une publicité et soumise suivant le produit ou le service concerné à d'autres législations sectorielles.

Dans l'attente de décisions jurisprudentielles précises, il est permis de se fonder sur différents critères émis par les autorités compétentes pour distinguer en ligne le démarchage de la publicité.

La Banque de France (14) a, d'ailleurs, émis des opinions sur les différences possibles entre démarchage et publicité; la publicité se caractérisant principalement par l'absence de contact personnalisé puisqu'elle est par nature adressée au public alors que le démarchage est nominatif puisque personnalisé.

La Commission des opérations de bourse, quant à elle, proposait de distinguer les sites actifs des sites passifs pour identifier le démarchage de la publicité (15).

  • Les sites "passifs" : ils diffusent de simples informations et il n'y a donc pas, en ces circonstances, acte de démarchage. Si ces sites proposent un lien hypertexte vers un site transactionnel de produits ou services bancaires et/ou financiers, c'est l'internaute qui volontairement passe du site initial informatif vers un site transactionnel en cliquant sur une icône. Il n'y a pas pour autant acte de démarchage de la part du professionnel : il dépend exclusivement d'un comportement actif de l'investisseur internaute qui clique sur l'icône pour aller vers le site ciblé par le lien (16). Sur ce site, peuvent apparaître des publicités du fait du professionnel (bannières ou bandeaux commerciaux, inscription d'un signe commercial sur le site) : elles ne sont pas constitutives d'un acte de démarchage.
  • Les sites "actifs" : si les méthodes de sollicitation utilisées par ce biais sont nominatives, elles constituent un acte de démarchage (17). Tel est le cas de l'envoi d'un courrier électronique à un client potentiel. Celui-ci, certes connecté, est alors démarché. Le démarchage est donc un acte personnalisé et donc nominatif (même s'il s'adresse à plusieurs internautes (18)) vers un internaute passif, client potentiel. Si les offres commerciales par l'intermédiaire de ces sites sont faites au public, elles ne sont pas personnalisées et seront qualifiées de publicité. En effet, elles s'adressent à des personnes indéterminées et qu'elles s'entendent d'un procédé collectif de sollicitation.

Par conséquent et pour l'heure, en l'absence de précisions législatives ou jurisprudentielles, les praticiens se référeront à l'ensemble de ces critères ainsi posés. Le droit sur ce point est encore à venir...


(1) O. Bertin-Mourot et B. Fatier, Les apports de la réforme du démarchage bancaire et financier, Banque magazine, avril 2003, p. 56.
(2) V. sur ce point, Ph. Portier, Démarchage, RD bancaire et financier, nov.-déc. 2004, p. 424.
(3) Modification affectant la première phrase de l'article L. 341-12 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2572DKH).
(4) C. mon. fin., art. L. 341-1 (N° Lexbase : L6389DIH).
(5) Communiqué de presse AMF du 1er juin 2004, Mise en garde de l'Autorité des marchés financiers (N° Lexbase : L3016DYD).
(6) Rapport Sénat, Sécurité financière, n° 206, 2002-2003, p. 291.
(7) V. par exemple : Cass. crim., 11 février 1985, n° 83-91.556, Besson c/ Aknin (N° Lexbase : A0073CH8), Bull. crim. p. 174, n° 62.
(8) Bull. Cob, juillet 1979, n° 117 et n° 119.
(9) V. supra (I).
(10) Th. Bonneau, Démarchage et Internet, RD bancaire et financier 2001, p. 271.
(11) Sur ce point : CJCE, 10 mai 1995, aff. C-384/93, Alpine Investments BV c/ Minister van Financiën (N° Lexbase : A0073CH8), Bull. Joly Bourse 1995, p. 297.
(12) Rapport. Sénat, op. cit., p. 203.
(13) Rapport Sénat, op. cit, p. 294.
(14) V. J.-C. Trichet, Livre blanc, Internet, quelles conséquences prudentielles ?, 30 janvier 2001.
(15) Bull. COB, n° 329, nov. 1998 ; Rapport COB 2002.
(16) En ce sens T. Bonneau, F. Drummond, Droit des marchés financiers, éd. Economica, p. 809.
(17) V. Th. Bonneau, Démarchage et Internet, RD bancaire et financier 2001 p. 271.
(18) V. Th. Bonneau, Démarchage et Internet, op. cit.

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[Manifestations à venir] Cautionnement, avals et garanties de substitution

Lecture: 1 min

N4286ABD

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Le 07 Octobre 2010

EFE, Edition formation entreprise, organise les 1er et 2 février prochain, deux journées d'études consacrées aux cautionnement, avals et garanties de substitution. L'objectif d'une telle formation est, entre autres, de faire le premier bilan d'application, un an après, de la loi relative à l'initiative économique (loi n° 2003-721, 1er août 2003 N° Lexbase : L3557BLC). Thèmes abordés
  • Mardi 1er février 2005

Le nouveau formalisme applicable à l'engagement de caution : quelles conséquences pratiques ?
Quel impact sur l'étendue de l'engagement de caution ?
Le cas spécifique de la solidarité
La généralisation de l'information de la caution : vers une nouvelle application jurisprudentielle des principes ?
Réforme des procédures collectives : quelles conséquences sur vos cautions ?
Cautions actionnées en paiement : quels nouveaux problèmes liés au recouvrement ?

  • Mercredi 2 février 2005

Quid du cautionnement donné par un dirigeant depuis la loi initiative économique ?
Le principe de proportionnalité en matière de cautionnement : que se passe-t-il en pratique ?
Maîtrisez les mécanismes d'autorisation des sûretés et garanties consenties par les sociétés
Les cautionnements, avals et garanties donnés par une société en faveur d'un tiers : quelles particularités ?
Garanties à première demande / cautionnement : pour quelle formule opter ?
La place de la lettre d'intention face au cautionnement : dans quel cas l'utiliser ?

Intervenants

Ph. Delebecque, professeur agrégé, Université Paris I - Panthéon Sorbonne
K. Blanchard, Notaire assistant, LBMB Notaires
N. Tricaud, avocat associé, Brosseau Tricaud Montier & Associés
Th. Monteran, avocat associé, UGGC & Associés
O. Morales, responsable juridique, Banque privée européenne
M. Rasle, avocat associé, Carbonnier Rasle Lamaze & Associés
J.-M. Coblence, avocat associé, Coblence & Associés
B. Teston, responsable du département des affaires juridiques internationales, Natexis Banque Populaire
A. Cerles, avocat, Paul Hastings

Date

Mardi 1er et mercredi 2 février 2005
8h45 - 17h30

Lieu

Paris

Tarifs

2 jours : 1 600 euros HT
1 jour : 900 euros HT

Renseignements

fraffier@efe.fr

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Social général

[Le point sur...] Droit du travail : la recodification est en marche

Lecture: 4 min

N4226AB7

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Le 30 décembre 1910 était adopté le premier livre du premier Code du travail. Un simple regard porté sur l'édition 2005 du Code du travail suffira à se convaincre que les temps ont bien changé. Simplement composé d'une centaine d'articles au début du XXème siècle, le Code du travail actuel n'a plus rien à voir avec son ancêtre. Obèse, défiguré, parsemé d'articles vidés de leur contenu, débordé par des dispositions non codifiées, le Code actuel ne remplit plus la fonction première d'un Code, qui est de faciliter l'accès à la norme par les justiciables. La loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU) a posé les premiers jalons de la recodification, en confiant au Gouvernement le soin d'adapter "des parties législatives" du Code du travail "afin d'inclure les dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées et pour remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification". L'entreprise est salutaire et ne pourra qu'être approuvée. Reste à déterminer, et ce ne sera pas le plus facile, quels sont les objectifs de cette recodification (1) et ses modalités (2). 1. Recodifier, pour quoi faire ?

Les objectifs minimums de la recodification ont été déterminés par le Parlement, dans la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU). L'article 84 de ce texte confie, en effet, au Gouvernement le soin d'adapter "des parties législatives" du Code du travail "afin d'inclure les dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées et pour remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification".

La lecture de cet article montre, immédiatement, l'ambiguïté de la notion même de simplification. A priori, simplifier n'implique pas de réformer ; il s'agit, simplement, de retoucher les dispositions inutilement complexes et de parvenir à un résultat identique en empruntant des chemins plus accessibles.

Or, il suffira de relire l'article 84 de la loi du 9 décembre 2004 pour s'apercevoir que telle n'est pas la conception retenue par le législateur. Si l'intégration dans le Code de dispositions existantes jusque-là non codifiées correspond bien à cet objectif et, dans une certaine mesure, la correction d'erreurs matérielles ou d'emplois de termes différents pour désigner les mêmes règles, les mesures destinées à remédier aux "insuffisances" du Code actuel excèdent, cela va sans dire, les objectifs de la simplification, puisque le Gouvernement sera amené à proposer l'intégration dans le Code de nouvelles normes, afin de combler les lacunes de la version existante.

Par ailleurs, on pourrait s'étonner que l'exigence de simplification ne se traduise pas, au moins dans les objectifs affirmés, par une harmonisation des régimes et le regroupement, au sein de mêmes divisions du Code du travail, de règles ayant le même objet.

L'exemple des dispositions relatives au licenciement est, de ce point de vue, caractéristique. A l'heure actuelle, ces dispositions se trouvent éclatées dans trois livres distincts : les règles communes sont dans le livre Premier, consacré aux "Conventions relatives au travail", avec un certain nombre de régimes particuliers (maladie, maternité, discriminations), le livre Troisième est consacré au placement et à l'emploi, pour ce qui concerne le licenciement pour motif économique et le Livre Quatrième concerne le licenciement des salariés protégés et les compétences des institutions représentatives du personnel dans le cadre des procédures.

Dans ces conditions, l'objectif de simplification impose de rassembler toutes les dispositions relatives au licenciement au sein d'un même livre, quitte à procéder ensuite à des renvois internes, ce qui impliquera, nécessairement, d'harmoniser les règles de fond et d'éviter le chevauchement des procédures, comme c'est aujourd'hui le cas dans le cadre des grands licenciements économiques, où la double procédure de consultation du comité d'entreprise pose, comme on le sait, de sérieux problèmes d'articulation.

D'autres difficultés peuvent, également, naître de la nécessité d'intégrer dans le Code du travail des dispositions présentes actuellement dans d'autres Codes, ou simplement des principes généraux dégagés par la jurisprudence.

Ainsi, on sait que le Code du travail actuel s'est peu intéressé aux conditions de validité du contrat de travail, renvoyées, par le biais de l'article L. 121-1 (N° Lexbase : L5443ACL), aux dispositions du droit commun, ni au régime du contrat de travail et, singulièrement, aux règles relatives à la modification du contrat de travail. Or, on sait que l'application des règles du Code civil fait difficulté, car certaines de ses techniques concurrencent directement ou perturbent les régimes particuliers présents dans le Code du travail, que l'on songe à l'accord de rupture amiable, à la résolution judiciaire, à la transaction ou à la responsabilité civile des salariés et organisations syndicales. Par ailleurs, la Cour de cassation a développé des règles générales en matière de réintégration après annulation du licenciement, qu'il serait sans doute opportun d'intégrer, d'une manière ou d'une autre, dans le nouveau Code du travail.

Que dire, également, des règles applicables aux clauses du contrat de travail (exclusivité, dédit-formation, mobilité, non-concurrence, etc), en pratique extrêmement importantes, et dont le régime résulte exclusivement de la jurisprudence ?

2. Recodifier, mais comment ?

La recodification du droit du travail pose, également, des problèmes de méthode, à commencer par celui de la numérotation. Le système actuel semble insuffisant pour absorber les modifications successives des textes codifiés et nombreux sont les articles assortis de sous articles, voire de sous sous articles, qui nuisent à la lisibilité des textes. Il semblerait donc nécessaire de passer à une numérotation à quatre chiffres, comme cela a été le cas lors de la recodification du droit de la santé publique.

Une autre difficulté devrait résider dans le plan du Code. Ce dernier comporte, en effet, aujourd'hui, neuf parties qui nuisent, bien évidemment, à la cohésion de l'ensemble. Par ailleurs, les regroupements opérés dans l'actuel Code ne sont pas tous judicieux. Pour ne prendre que l'exemple du Livre premier, consacré aux "Conventions relatives au travail", le Titre premier concerne le Contrat d'apprentissage, le second le Contrat de travail (alors que le contrat d'apprentissage est, également, un contrat de travail), le Troisième les Conventions et accords collectifs de travail, qui devraient se trouver dans un Livre à part entière, et le Quatrième le salaire, alors que ces éléments devraient figurer à proximité immédiate du Contrat de travail.

Il sera, également, nécessaire de s'interroger sur la place réservée aux sanctions pénales. L'organisation actuelle situe les dispositions répressives en fin de division, ce qui conduit à des renvois à des numéros d'articles qui brouillent la lecture et nuisent, selon nous, au caractère dissuasif de la sanction. Une bonne recodification devrait, par conséquent, respecter un principe de "proximité" des infractions pénales.

Il conviendra, également, de s'interroger sur le maintien dans le Code de dispositions en grande partie anachroniques, comme celles qui concernent, dans le livre VII, certaines professions, aujourd'hui presque disparues.

Une autre question de méthode, qui touche, cette fois-ci, plus directement le fond du droit, concerne l'absence quasi-totale de définition des notions clefs du droit du travail. Le Code actuel ne définit pas le contrat de travail, figure pourtant centrale du droit du travail contemporain, ni véritablement le salaire, ne comporte aucune disposition sur les frais professionnels, ne définit pas la grève, etc. Il serait nécessaire de poursuivre l'effort entrepris en matière de durée du travail par la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3), qui avait défini les notions de travail effectif et d'astreinte, afin de stabiliser l'interprétation des notions juridiques.

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