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N6020BUI
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 10 Décembre 2015
Le harcèlement, moral ou sexuel, fait aujourd'hui parti du quotidien des prétoires : un prétexte ? Un alibi ? Un levier de négociation pour une rupture conflictuelle ? Parfois. La reconnaissance d'un mal, la condamnation des travers de la relation professionnelle encore trop paternaliste en France, souvent : où le perpétrant n'y voit pas à mal et trouve tout cela même nécessaire pour la production, la productivité et la réussite de ses objectifs ; où la victime s'en trouve meurtrie, déconsidérée, méprisée, presque déshumanisée et finalement déconnectée de toute rationalité de l'entreprise.
La condamnation du harcèlement, c'est la signification au souverain que même lui n'est pas au-dessus des lois ; mieux il en devient sujet, parce qu'il doit être exemplaire. Alors, on sait bien que nul n'est "incorrigible" ; que le plus vertueux, autoproclamé, finirait lui-même sur l'échafaud de l'exemplarité. Mais, l'affaire n'est pas nouvelle. Depuis 1651, tout est dans Hobbes et son Léviathan : le fameux "vivre ensemble" sur toutes les lèvres des politiques, actuellement, n'est rien d'autre que ce contrat social nécessaire pour que les hommes ne "vivent [pas] sans un pouvoir commun qui les tient en respect", sans quoi "ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, la guerre de chacun contre chacun".
Non, "aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".
C'est la loi, et, dans le cas présent, la prohibition du harcèlement qui fait du Léviathan, monstre phénicien symbole du chaos, celui du contrat d'association, pour Alain, de l'Etat, pour Hobbes, et dans une moindre mesure, certes, de l'entreprise.
"La force et la fraude sont les deux armes principales des hommes en guerre", écrit encore le philosophe anglais : on sait le monde professionnel difficile, couru d'embûches ; mais, même en crise, travaille-t-on en état de guerre ?
"Sonnerie à l'arrière des berlines
on devine
des monarques et leurs figurines
juste une paire de demi-dieux
livrés à eux
ils font des petits
ils font des envieux
à l'arrière des dauphines
je suis le roi des scélérats
à qui sourit la vie
marcher sur l'eau
éviter les péages
jamais souffrir
juste faire hennir
les chevaux du plaisir"
...chantait Bashung.
Oser la dénonciation, oser la condamnation... pour que Léviathan en cage devienne Cerbère du "vivre ensemble" en entreprise.
Et, tout cela est d'autant plus indispensable, que la nouvelle génération professionnelle, cette "génération Y" qui se dit "entrepreneuse de sa vie professionnelle" (cf. Emmanuelle Duez, Fondatrice, The Boson Project - Women'Up, in challenge.fr), n'a pas l'intention de se laisser faire. Elle n'envisage le rapport au travail que dans le cadre d'un échange "donnant-donnant" et n'entend absolument ni se sacrifier, ni se soumettre au "diktat" du manager. C'est à ce dernier qu'il incombe de modifier ses habitudes d'encadrement pour que le "vivre ensemble" en entreprise soit le plus productif possible. Le rapport marxiste exploitant/exploité est dépassé : cette "génération Y" veut être son "propre patron" ou du moins conduire son évolution professionnelle et les conditions de son travail, quitte à changer encore et encore d'entreprise. Phénomène qui s'exacerbera avec la "génération Z", qui, elle, "entrepreneuse de sa formation", s'échappe du carcan même de l'apprentissage professionnel traditionnel pour vivre des expériences qui ne lui sont que profitables. Ces générations ne souffriront pas le harcèlement en silence : ou il en coûtera beaucoup aux employeurs impénitents, non seulement des dommages et intérêts voire une condamnation pénale, mais aussi le dialogue, donc la collaboration, avec les générations futures.
Mais attention, ces nouvelles générations ne sont pas "étouffées" par une quelconque gratitude envers leurs employeurs ; elles pourraient renverser la table, changer de paradigme et devenir les harceleurs de demain à force de protection législative : comment réagiront les magistrats face au harcèlement à l'encontre des patrons ? La jurisprudence est pauvre en la matière ; la situation est-elle si épiphénoménale ?
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Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 4 novembre 2015, n° 375178, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7348NUP)
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N0317BWN
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par Pierre Bourdon, Maître de conférences, Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Le 10 Décembre 2015
En effet, le 29 juillet 2011, le maire d'une commune du département du Nord située dans la métropole de Lille a pris deux mesures de police administrative applicables sur l'ensemble du territoire de sa commune. Par un premier arrêté, le maire a interdit la fouille (également appelée "glanage") des poubelles, conteneurs et autres lieux de regroupement des déchets. Par un second arrêté, la mendicité a été interdite. Il ressort de la décision du 4 novembre 2015 ici commentée que "ces mesures de police administrative ont été prises dans un contexte marqué par l'installation dans la commune d'un nombre significatif de personnes d'origine 'rom'".
La Ligue française pour la défense des droits de l'Homme et du citoyen (ci-après "La Ligue des droits de l'Homme") a estimé que l'arrêté "anti-glanage" (on le désignera ainsi par pure commodité) est illégal. A la lecture de la décision commentée, il semble que la Ligue des droits de l'Homme n'ait pas attaqué l'arrêté "anti-mendicité". Il n'est pourtant pas évident que ce dernier soit parfaitement légal. En effet, l'arrêté couvre l'ensemble du territoire de la commune. Or, l'on sait que de telles mesures doivent en principe être limitées dans le temps et dans l'espace (1). En réalité, l'arrêté "anti-mendicité" a bel et bien été attaqué par la Ligue des droits de l'Homme et annulé par le tribunal administratif de Lille. La commune n'a pas interjeté appel contre le jugement du tribunal (2).
L'affaire est donc venue au contentieux et jusqu'au Conseil d'Etat au sujet du seul arrêté "anti-glanage".
Le 30 août 2011, la Ligue des droits de l'Homme a demandé au tribunal administratif de Lille la suspension et l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté "anti-glanage" pris par le maire. Les requêtes à fins de suspension et d'annulation ont été rejetées par une ordonnance puis un jugement du tribunal administratif rendus respectivement les 6 septembre 2011 et 12 avril 2012. La Ligue a interjeté appel contre le jugement de 2012 devant la cour administrative d'appel de Douai qui a réservé le même sort à la requête par un arrêt du 27 novembre 2013 rendu en formation plénière (3). Au début de l'année 2014, la Ligue des droits de l'Homme s'est finalement pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat.
Pour statuer sur la requête de la Ligue des droits de l'Homme, le Conseil d'Etat a dû répondre à plusieurs questions de droit. Ces questions ne portaient pas sur la légalité de l'interdiction des fouilles des poubelles. En effet, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de la Ligue au motif que cette dernière ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté "anti-glanage".
L'intérêt pour agir est une condition de recevabilité du recours pour excès de pouvoir. Il permet de filtrer les requêtes présentées par les justiciables. Il évite que n'importe quel justiciable remette en cause n'importe quelle décision administrative, "n'importe qui à se pourvoir contre n'importe quoi", pour reprendre une formule du commissaire du Gouvernement Chenot (4). Une jurisprudence relativement fournie vient ainsi limiter l'intérêt pour agir des propriétaires, des voisins, des élus, des électeurs, des contribuables, des agents publics, et celui des associations.
C'est donc à deux questions de recevabilité que le Conseil d'Etat a dû répondre pour statuer sur la requête de la Ligue des droits de l'Homme :
- une association ayant un ressort national justifie-t-elle d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation d'une décision administrative locale ?
- même en cas de réponse négative à la question précédente, une décision administrative locale qui soulève des questions excédant les seules circonstances locales peut-elle être attaquée par une association ayant un ressort national ?
Comme la cour administrative d'appel de Douai avant lui, le Conseil d'Etat a répondu négativement à la première question et appliqué cette solution au cas d'espèce. Ce faisant, le Conseil a confirmé une jurisprudence désormais bien établie et sur laquelle nous reviendrons. En revanche, et contrairement au juge d'appel, le juge de cassation a répondu positivement à la seconde question. En conséquence, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai a été annulé.
L'affaire n'a pas été réglée au fond par le Conseil d'Etat, alors que la Ligue des droits de l'Homme l'avait demandé au Conseil dans son pourvoi. Le Conseil a préféré renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai. L'on pourrait regretter ce renvoi car la question de légalité de l'arrêté "anti-glanage" méritait une réponse rapide. En outre, l'association requérante a un ressort national et les questions posées par la décision attaquée excèdent les circonstances locales. Mais peut-être aussi que les membres du Conseil d'Etat ont voulu prendre du recul sur la solution à apporter au litige.
Et pourtant, la décision "Ligue des droits de l'Homme", rendue par les 4ème et 5ème sous-sections réunies du Conseil d'Etat, sera publiée au Recueil Lebon, ce qui témoigne de son importance. Il faut d'ailleurs constater que l'intérêt de cette décision ne réside pas dans son seul apport du point de vue de la recevabilité des recours des associations. Cet intérêt dépasse le champ associatif et couvre l'ensemble des groupements, tels que les syndicats.
Dans sa décision, le Conseil d'Etat confirme le principe de l'irrecevabilité du recours d'une association "nationale" dirigé contre une décision "locale" (I). Cependant, le Conseil consacre une exception à ce principe lorsque la décision attaquée pose "des questions qui [...] excèdent les seules circonstances locales" (II).
I - Un principe confirmé : l'irrecevabilité du recours d'une association "nationale" dirigé contre une décision "locale"
La décision du Conseil d'Etat du 4 novembre 2015 concernait le recours d'une association "nationale", à savoir la Ligue des droits de l'Homme, contre une décision "locale", en l'occurrence l'arrêté de police "anti-glanage" pris par un maire. Le Conseil d'Etat ne remet pas en cause l'intérêt pour agir de l'association du point de vue de son objet social (A). En revanche, le Conseil rappelle qu'une telle association n'a pas, en principe et a priori, d'intérêt lui donnant qualité pour agir du point de vue de son champ d'action (B).
A - L'intérêt pour agir d'une association "nationale" du point de vue de son objet social
L'histoire de l'intérêt pour agir des associations est, en grande partie, commune à celle d'autres groupements, tels que les syndicats. Cette histoire remonte au moins au début du XXème siècle et, plus précisément, à une décision "Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges" rendue par le Conseil d'Etat en 1906 (5). Depuis lors, il est constant que l'intérêt pour agir d'un groupement contre une décision est fonction des intérêts défendus par le groupement. Ces intérêts sont fixés dans les statuts de ce dernier. La recevabilité du recours d'un groupement dépend de l'adéquation entre les intérêts défendus par le groupement et les intérêts lésés par la décision attaquée.
En principe, une association ou un syndicat a pour objet de défendre des intérêts collectifs. En conséquence, un groupement est généralement recevable à attaquer des actes ayant une portée suffisamment générale, au premier rang desquels figurent les actes réglementaires. Ainsi, la Ligue nationale contre l'alcoolisme a un intérêt pour agir contre une décision ministérielle favorisant les bouilleurs de cru (6). En revanche, un groupement n'est pas recevable à attaquer des actes ayant une portée plus restreinte, au premier rang desquels figurent la plupart des actes individuels. Dans la décision "Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges" de 1906, le syndicat éponyme n'a pas été admis à exercer un recours "au nom d'intérêts particuliers" de certains coiffeurs.
En l'espèce, le Conseil d'Etat a constaté l'adéquation entre les intérêts défendus par la Ligue des droits de l'Homme et les intérêts lésés par l'arrêté de police "anti-glanage" du maire. Ainsi, comme le rappelle la décision ici commentée, "l'objet social de la Ligue [...] était notamment de combattre 'l'injustice, l'illégalité, l'arbitraire, l'intolérance, toute forme de racisme et de discrimination [...] et plus généralement toute atteinte au principe fondamental d'égalité entre les êtres humains'". Or, l'arrêté attaqué "était de nature à affecter de façon spécifique des personnes d'origine étrangère présentes sur le territoire de la commune".
Si l'intérêt pour agir de la Ligue des droits de l'Homme a été admis du point de vue de son objet social, tel ne semblait pas devoir être le cas, en principe et a priori, du point de vue de son champ d'action.
B - L'absence d'intérêt pour agir d'une association "nationale" du point de vue de son champ d'action
La Ligue des droits de l'Homme est une association "nationale" au sens où son champ d'action s'étend sur l'ensemble du territoire national.
Une question préalable se pose toutefois. Comment procède-t-on à la détermination du champ d'action d'une association ? Classiquement, le champ d'intervention d'une association est fixé expressément par les statuts de cette association. Les choses se compliquent en cas de silence des statuts. Selon une jurisprudence ancienne, seul l'objet social de l'association devait être pris en compte dans le silence des statuts. Si l'objet social était plutôt général, le champ d'action de l'association était national. Et la circonstance que d'autres clauses des statuts envisageaient un champ d'action plus resserré, plus local, était sans incidence (7). Cependant, un revirement, amorcé dès 2012 (8), est intervenu très clairement et officiellement dans une décision rendue en 2014 par le Conseil d'Etat (9). Depuis cette décision fichée sur ce point au Recueil Lebon, dans le silence des statuts, l'objet social est pris en compte, ainsi que les autres dispositions des statuts "éclairées, le cas échéant, par d'autres pièces du dossier [soumis au juge]". Il peut s'agir, précise également la décision de 2014, du titre de l'association et des conditions d'adhésion de ses membres. Dans le cas d'espèce jugé le 4 novembre 2015, le champ d'action nationale de la Ligue des droits de l'Homme n'était pas en débat. Il faut dire que ce champ d'action était presque indiscutable. Tant l'objet social de la Ligue que son titre ont un caractère général, pour ne pas dire universel.
Dans sa décision du 4 novembre 2015, le Conseil d'Etat confirme, en revanche, sa jurisprudence classique selon laquelle une association "nationale" n'est pas recevable à critiquer une décision "locale", faute d'intérêt pour agir du point de vue du champ d'action de l'association. En effet, les champs géographiques des intérêts doivent coïncider. Un syndicat de cadres d'une commune (un syndical "local") ne peut pas attaquer la délibération du jury proclamant les résultats du concours national d'attaché territorial (une décision "nationale") (10). A l'inverse, une association "nationale" ne peut pas critiquer une décision "locale" (11). Même une association "régionale" n'a pas d'intérêt pour agir contre un permis de construire octroyé par une commune (12).
C'est cette jurisprudence que la cour administrative d'appel avait appliqué très strictement dans son arrêt de 2013 et que le Conseil d'Etat n'a pas remise en cause sur ce point. Bien au contraire. Pourtant, la jurisprudence du Conseil d'Etat témoigne souvent d'une certaine souplesse dans l'appréciation de l'intérêt pour agir des groupements. Dès les années 1960 et 1970, le Conseil d'Etat a admis que des groupements de syndicats critiquent des statuts particuliers de fonctionnaires (13). Récemment, une union de syndicats a été recevable à attaquer une décision refusant de créer un comité technique paritaire (CTP) à l'Institut de France. Cette union comprenait pourtant un syndicat propre à cet établissement public, lequel était peut être mieux placé pour agir (14). Très récemment encore, en juillet 2015, une union de syndicats de salariés a été considérée comme ayant qualité pour agir contre une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sein d'une entreprise (15).
On remarquera que ces décisions faisant preuve de souplesse ont toutes été rendues par l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat. La décision ici commentée a quant à elle été rendue par des sous-sections réunies. Ces dernières ne se sont peut-être pas senties autorisées à apprécier souplement l'intérêt pour agir de la Ligue des droits de l'Homme. Une approche souple aurait pourtant été justifiée. Contrairement aux groupements de syndicats, la Ligue des droits de l'Homme n'a pas de relais locaux ayant une personnalité juridique propre. En même temps, on doit savoir gré au Conseil d'Etat d'avoir choisi une autre voie que cette tendance certes souple, mais qui, en conséquence, laisse peu de place à la prévision. Les 4ème et 5ème sous-sections réunies ont énoncé fermement le "principe" de l'absence d'intérêt donnant qualité à une association "nationale" pour demander l'annulation d'une décision administrative locale.
Toutefois, les sous-sections réunies ont immédiatement tempéré ce principe par une exception. Celle-ci a permis en l'espèce à la Ligue des droits de l'Homme d'être reconnue comme recevable à critiquer une décision "locale" qui présentait des caractéristiques particulières, comme on va le constater.
II - Une exception consacrée : la recevabilité dans certaines circonstances du recours d'une association "nationale" dirigé contre une décision "locale"
Le Conseil d'Etat a prévu, dans sa décision du 4 novembre 2015, une exception au principe de l'irrecevabilité du recours d'une association "nationale" contre une décision "locale". Une telle association a un intérêt pour agir contre une décision soulevant des questions qui excèdent les seules circonstances locales (A). Tel est le cas, en l'espèce, de la Ligue des droits de l'Homme pour son recours dirigé contre l'arrêté de police "anti-glanage" pris par un maire (B).
A - L'intérêt pour agir d'une association "nationale" contre une décision "locale" soulevant des questions excédant les seules circonstances locales
La décision du 4 novembre 2015 admet l'intérêt pour agir d'une association "nationale" contre une décision "locale" dans des circonstances spécifiques : "lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, [...] des questions qui [...] excèdent les seules circonstances locales". Une telle exception avait déjà été admise à plusieurs reprises par le Conseil d'Etat, mais à propos d'associations ayant un ressort régional et dans les seuls domaines de l'urbanisme et de l'environnement. En outre, le Conseil d'Etat n'avait encore jamais énoncé une telle exception sous la forme d'un considérant de principe.
Il n'en demeure pas moins que dans une décision rendue en 1996, une association régionale a pu critiquer une décision administrative locale ayant des implications importantes. Il s'agissait en l'occurrence de la délibération par laquelle la communauté urbaine de Bordeaux avait arrêté le principe de la création d'un métro (16). Ce précédent n'est pas resté isolé (17).
Le législateur a lui-même prévu des exceptions au principe de l'adéquation géographique des intérêts. La loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS), codifiée à l'article L. 142-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7664IMS), prévoit que les associations agréées pour la protection de l'environnement n'ont pas à établir leur intérêt pour agir d'un point de vue géographique. Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de faire application de ces dispositions, notamment à propos de permis de construire (18).
Toutefois, ce n'est pas dans les domaines de l'urbanisme et de l'environnement que l'exception consacrée par la décision ici commentée devrait nécessairement jouer le plus. L'on sait d'ailleurs que la tendance dans le domaine de l'urbanisme est plutôt favorable à la restriction de l'intérêt pour agir (19). La décision du 4 novembre 2015 met en avant un domaine dans lequel les décisions locales sont susceptibles d'avoir des implications importantes : "notamment [...] le domaine des libertés publiques".
D'ailleurs, en l'espèce, le recours de la Ligue des droits de l'Homme était dirigé contre un arrêté de police municipale qui tend, par essence, à limiter les libertés publiques. C'est ce qui conduit, enfin, à l'étude de ce cas d'espèce.
B - L'intérêt pour agir en l'espèce de la Ligue des droits de l'Homme contre un arrêté de police municipale "anti-glanage"
La référence aux "libertés publiques" dans la décision du 4 novembre 2015 n'est pas sans rappeler une jurisprudence récente qui tend à admettre la recevabilité d'un recours dès l'instant où les droits et libertés fondamentaux sont en jeu. A titre d'illustration, les détenus et les agents publics n'étaient classiquement pas recevables à exercer un recours contre les mesures d'ordre intérieur les affectant. En conséquence, un changement d'établissement pénitentiaire pour les uns, ou un changement d'affectation pour les autres, ne pouvaient pas en principe être critiqués. Cependant, dans ses décisions "Boussouar" et "Planchenault" de 2007, le Conseil d'Etat a admis qu'un détenu critique une mesure d'ordre intérieur à partir du moment où sont "en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus" (20). Très récemment, le 22 septembre 2015, une décision de Section a, quant à elle, admis le recours d'un agent public qui contestait une mesure "discriminatoire" (21). La décision du 4 novembre 2015 s'inscrit clairement dans cette lignée jurisprudentielle qui favorise l'accès au juge dès l'instant où une liberté est affectée.
En l'espèce, l'arrêté de police municipale "anti-glanage" du 29 juillet 2011 affecte une liberté publique puisqu'il interdit sur le territoire de cette commune la fouille des poubelles, conteneurs et autres lieux de regroupement des déchets. En outre, cet arrêté soulevait des questions excédant les seules circonstances locales. En effet, comme l'indique la décision commentée, l'arrêté "répondait à une situation susceptible d'être rencontrée dans d'autres communes". Tel avait déjà été le cas, dans les années 1990, des arrêtés "anti-mendicité" pris par plusieurs maires de différentes communes (22).
L'on ne peut qu'être satisfait de la décision du 4 novembre 2015 en tant qu'elle ouvre un peu plus le droit au recours, en cherchant tout particulièrement à protéger les droits et libertés fondamentaux. La décision est également favorable au bon fonctionnement de l'administration. Elle va permettre au juge administratif d'éclairer cette dernière, demain sur la légalité des arrêtés "anti-glanage", après-demain sur d'autres mesures locales ayant des implications importantes, notamment du point de vue des libertés publiques.
L'on ne peut toutefois pas passer sous silence la difficulté à percevoir quelles seront les limites de l'intérêt pour agir d'une association nationale (ou régionale ?) contre certaines décisions "locales". Seules les décisions réglementaires devraient être concernées par la nouvelle jurisprudence. Mais la décision du 4 novembre 2015 ne le dit pas expressément. Il ne faut donc pas exclure son application à des décisions individuelles. Deux autres questions de droit sont également en suspens. Par exemple, quels sont les domaines autres que les libertés publiques, et quelles sont les décisions autres que les mesures de police, qui permettront à une association "nationale" d'exercer un recours contre une décision "locale" ?
Finalement, outre son apport propre, la décision ici commentée montre que les questions de recevabilité, notamment dans le recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, sont loin d'être toutes résolues.
(1) TA Poitiers, 19 octobre 1995, n° 951644 ; TA Pau, 22 novembre 1995, n° 951064 ; CE, 9 juillet 2003, n° 229618 (N° Lexbase : A1932C9G), Tables, p. 961.
(2) TA Lille, 12 avril 2012, n° 1104992.
(3) CAA Douai, 27 novembre 2013, n° 12DA00884 (N° Lexbase : A0390NWD).
(4) B. Chenot, concl. sur CE, 10 février 1950, Gicquel, n° 1743, Rec., p. 101.
(5) CE, 28 décembre 1906, n° 25521 (N° Lexbase : A9547B84), Rec., p. 977 (concl. J. Romieu).
(6) CE, Sect., 27 avril 1934, n° 28966, Rec., p. 493.
(7) CE, 23 février 2004, n° 250482 (N° Lexbase : A3621DBQ), Tables, p. 851 ; CE, 5 novembre 2004, n° 264819 (N° Lexbase : A9030DDS).
(8) CE, 25 juin 2012, n° 346395 (N° Lexbase : A8820IPD), Rec., p. 253.
(9) CE, 17 mars 2014, n° 354596 (N° Lexbase : A5830MHE), Rec., p. 56.
(10) CE, 30 octobre 1996, n° 109857 (N° Lexbase : A1031APU), Tables, p. 998.
(11) Cf. décisions de 2004 et 2014 citées supra, notes 6 et 8.
(12) CE, 31 octobre 1990, n° 95083 (N° Lexbase : A5705AQD), Rec., p. 303.
(13) CE, Ass., 7 janvier 1966, n° 65754 (N° Lexbase : A4726B78), Rec., p. 17 ; CE, Ass., 21 juillet 1972, n° 75225 (N° Lexbase : A4634B87), Rec., p. 584.
(14) CE, Ass., 12 décembre 2003, n° 239507, 245195 (N° Lexbase : A4184DA9), Rec., p. 508.
(15) CE, Ass., 22 juillet 2015, n° 383481 (N° Lexbase : A9293NM7), Rec., à paraître.
(16) CE, Sect., 6 mai 1996, n° 121915 (N° Lexbase : A8853AN9), Rec., p. 145.
(17) Cf. CE, 10 février 1997, n° 140841 (N° Lexbase : A8337AD7), Tables, p. 990.
(18) CE, 8 février 1999, n° 176779 (N° Lexbase : A4869AXM), Rec., p. 20 ; CE, 27 juillet 2005, n° 273815 (N° Lexbase : A4869AXM).
(19) Cf. D. Labetoulle (dir.), Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre, Paris, 2013, p. 8.
(20) CE, Ass., 14 décembre 2007, n° 290730 (N° Lexbase : A0918D3E), Rec., p. 495 ; CE Ass., 14 décembre 2007, n° 290420 (N° Lexbase : A0918D3E), Rec., p. 474 (concl. M. Guyomar).
(21) CE, Sect., 25 septembre 2015, n° 372624 (N° Lexbase : A8495NPC), Rec., à paraître ; cf. pro CE, 15 avril 2015, n° 373893 (N° Lexbase : A9522NGR) Rec., à paraître.
(22) Cf. affaires citées supra note 1.
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Réf. : Cass. crim., 17 novembre 2015, n° 15-83.437, F-P+B (N° Lexbase : A5583NX3)
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N0227BWC
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par Thierry Vallat, Avocat au barreau de Paris
Le 10 Décembre 2015
Une garde à vue n'est pas une mesure banale : elle conditionne en effet bien souvent le reste des actes de procédure et le procès lui-même.
Ce n'est pourtant que depuis la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN) qu'un avocat peut assister le gardé à vue au cours de ses interrogatoires. Auparavant, il ne pouvait rencontrer son client que dans le cadre d'un entretien de trente minutes.
Depuis lors, les avocats réclament en vain un complet accès à la procédure au sujet de laquelle le gardé à vue est interrogé, même si l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale leur permet la consultation de quelques pièces limitativement énumérées.
L'avocat est donc désormais présent au côté de son client pour veiller à ce que les droits élémentaires de la personne placée en garde-à-vue puissent être respectés (information de la famille ou de l'employeur, examen médical, notification du droit de garder le silence, éventuel accès à un interprète...).
On pouvait penser que la loi de transposition de la Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY), promulguée le 27 mai 2014 (loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, portant transposition de la Directive relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L2680I3N), devant réformer le droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, élargisse le rôle de l'avocat.
La loi de 2014 n'a malheureusement guère innové en ce qui concerne l'accès au dossier pendant la garde à vue, permettant seulement au gardé à vue de connaitre les éléments qui étaient déjà fournis à son avocat (loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, art. 3, modifiant l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale).
Aussi, les éléments de l'enquête demeurent toujours hors de portée de l'avocat qui ne peut en prendre connaissance. Mais, à tout le moins, sont accessibles quelques documents tant pour le conseil que pour son client, qu'ils doivent pouvoir consulter.
L'avocat n'a donc aujourd'hui accès, sur sa demande, qu'aux seules pièces du dossier strictement listées par l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale :
- le procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits ;
- le certificat médical ;
- la ou les premières auditions en cas d'intervention en cours de garde-à-vue.
Aucune copie n'est possible, l'avocat pouvant uniquement prendre des notes.
Le chat est donc maigre. Mais même cette portion bien congrue apparait manifestement comme encore trop copieuse pour certains officiers de police judiciaire qui tentent de s'affranchir de leur obligation de communication.
Ce droit d'accès, a minima, continue, en effet, de leur être parfois encore étrangement refusé, ainsi que l'illustre de manière édifiante la décision du 17 novembre 2015, objet du présent commentaire
II - L'arrêt du 17 novembre 2015
A peine débarquée à l'aéroport d'Orly d'un avion venant de Cayenne, une voyageuse est interpellée dans le cadre d'une enquête de flagrance et se révèle être une mule en possession de 23 pains de cocaïne.
Un trafic de drogue entre la Guyane et la métropole était soupçonné depuis quelques temps et des interceptions téléphoniques avaient permis de révéler qu'avec la complicité d'employés de l'aéroport de Cayenne des passeuses permettaient l'importation de grandes quantités de cocaïne.
Un des employés de l'aéroport est donc identifié, interpellé et placé en garde à vue à Cayenne, présenté par la suite au juge d'instruction de Créteil, puis mis en examen.
Il dépose une requête en annulation de plusieurs actes de procédure et la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris ne satisfait à aucune de ses demandes.
Nous passerons rapidement sur celles relatives à l'illégalité des écoutes téléphoniques sur le fondement desquelles la procédure avait été engagée et sur le manquement à l'impartialité d'un agent spécialisé de la police technique et scientifique qui étaient soulevées et que la Cour de cassation a rejeté également.
En revanche, se posait une troisième difficulté sur la garde à vue elle-même dont la nullité était sollicitée : en effet, immédiatement après que ses droits lui aient été notifiés, le gardé à vue a indiqué qu'il souhaitait être assisté. Avisé, le conseil choisi se présente au commissariat de Cayenne deux heures plus tard. L'avocat demande immédiatement, lors de son entretien confidentiel avec son client dans une geôle du commissariat, de pouvoir consulter le procès-verbal de notification des droits. Cette communication lui est refusée par le geôlier.
L'avocat dépose ensuite des observations écrites réitérant sa demande de consultation du procès-verbal à l'issue de l'audition de son client.
Contre toute attente, la chambre de l'instruction ne trouve rien à redire à cette bien curieuse application des dispositions de l'article 63-4-1 !
Selon les juges d'appel, la communication aurait été rendue impossible par la configuration des lieux : les geôles étant éloignées de 300 mètres des locaux où se trouvait la procédure, ce qui aurait constitué une circonstance insurmontable ! La cour d'appel considère donc que les exigences de l'article 63-4-1 auraient été satisfaites, dès lors que l'avocat s'était présenté au lieu où étaient détenues les pièces de la procédure.
A juste titre, la Chambre criminelle ne manque pas de stigmatiser cette hérétique analyse de la chambre de l'instruction, en considérant que, dès lors que l'avocat avait formulé la demande expresse de consultation à laquelle il a droit, il n'existait aucune circonstance insurmontable faisant obstacle à ce que la pièce demandée puisse être mise à sa disposition.
Il s'agit là d'une décision très logique et qui ne peut qu'être approuvée, il en va du strict respect des droits de la défense.
Si l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale énumère limitativement les pièces pouvant être consultées, encore faut-il qu'elles puissent toutes être consultées si l'avocat en fait la demande, et sur-le-champ, car à défaut cela constituerait une méconnaissance des droits de la défense.
Ainsi, l'exercice le plus anodin d'un droit bien établi relève encore du parcours du combattant.
Que dire alors des demandes d'accès à un dossier complet continuant d'alimenter la chronique judiciaire ?
La Cour de cassation les refusent et a récemment précisé, dans son arrêt du 14 avril 2015 (Cass. crim., 14 avril 2015, n° 14-88.515, FS-P+B N° Lexbase : A9202NGW), que l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier n'est pas incompatible avec l'article 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), considérant que l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'était pas de nature à priver la personne du droit effectif et concret à un procès équitable, l'accès des pièces étant garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement.
La Cour européenne des droits de l'Homme a également récemment précisé que l'accès au dossier pouvait être restreint au stade de l'ouverture d'une procédure pénale, de l'enquête et de l'instruction, notamment pour préserver le secret des données dont disposent les autorités et de protéger les droits d'autrui (CEDH, 9 avril 2015 , Req. 30460/13 N° Lexbase : A2536NGZ).
La voie est donc étroite, mais l'avocat doit persister à inlassablement pousser son rocher, et lutter pour que, demain, l'accès au complet dossier et des pièces à charge et à décharge, ne lui soit plus refusé : il en va du respect des droits de la défense.
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Réf. : Ordonnance n° 2015-1576 du 3 décembre 2015, portant transposition de la Directive 2013/50/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 (N° Lexbase : L3283KTR)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-19.029, FS-P+B (N° Lexbase : A6908NYI)
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Le 11 Décembre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 2 décembre 2015, n° 14-50.075, F-P+B+I (N° Lexbase : A2718NYC)
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Le 12 Décembre 2015
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Réf. : Cass. com., 17 novembre 2015, n° 14-16.012, F-P+B (N° Lexbase : A5365NXY)
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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224), Directeur du master professionnel ingénierie des sociétés
Le 10 Décembre 2015
On voit ainsi que l'argument qui avait été invoqué par le liquidateur dans l'arrêt du 1er avril 2015, et qui avait été rejeté à l'époque par la Cour de cassation, à savoir qu'une clause compromissoire n'est opposable aux organes de la procédure collective que tant qu'ils agissent en représentation du débiteur et non lorsqu'ils agissent au nom des créanciers, est en revanche aujourd'hui avancé par la Cour de cassation pour rejeter le pourvoi du franchiseur cocontractant. En effet, autant lorsque le liquidateur se substitue au débiteur, au regard du principe de dessaisissement, il doit respecter le contrat (I), autant lorsqu'il agit dans l'intérêt des créanciers, par exemple dans le cadre d'une action en nullité des actes de la période suspecte, il peut en faire l'économie (II). Cette ligne de partage, posée par la Cour de cassation, n'est cependant pas exempte de critique (III).
I - Le respect du contrat par le liquidateur substitué au débiteur
L'arrêt du 1er avril 2015 avait considéré que le liquidateur qui optait pour la continuation des contrats en cours, en l'occurrence des contrats de sous-traitance, et qui initiait une procédure à l'encontre du donneur d'ordre pour récupérer des sommes dues, devait respecter la clause compromissoire. Autrement dit, il devait assigner le donneur d'ordre devant le tribunal arbitral avant de l'assigner, en cas d'échec de la procédure d'arbitrage, devant le tribunal de commerce.
Sa motivation avait été critiquée car elle laissait entendre que si le liquidateur n'avait pas opté pour une telle continuation, il aurait pu ne pas respecter la clause compromissoire. La critique était fondée, tout comme la solution. Il fallait en déduire que lorsque le liquidateur se substitue au débiteur, à son administré, par exemple dans le cadre de l'exécution d'un contrat, il faut qu'il respecte le contrat, dans toutes ses stipulations. Si donc un contentieux découle de tel ou tel contrat, et que ledit contrat contient une clause compromissoire, il faut que le liquidateur soit respectueux de celle clause, peu important qu'il ait opté ou pas pour la continuation du contrat en cours, excepté le cas où ladite clause serait illégale (6).
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le droit des entreprises en difficulté est assez respectueux du droit des contrats, du moins pour la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective : s'il permet en effet de blanchir le passé du cocontractant débiteur, il ne permet pas, après le jugement d'ouverture, de ne pas suivre le contrat à la lettre.
Néanmoins, si le contentieux ne découle plus vraiment du contrat, de telle sorte que le liquidateur n'interviendrait pas à la place du débiteur, mais plutôt en sa qualité de représentant des créanciers, alors il se trouve libre de ne pas respecter le contrat, d'autant plus si le contrat a été résilié.
II - L'inapplicabilité de la clause compromissoire en cas d'action en nullité de la période suspecte initiée par le liquidateur
Le liquidateur est un organe de la procédure collective juridiquement schizophrène : il représente le débiteur, en raison du principe de dessaisissement, sauf pour ce qui relève de l'extrapatrimonial. Il représente également les créanciers. C'est le cas précisément dans le cadre d'une action en nullité contre un acte passé en période suspecte.
Dans l'affaire commentée, le liquidateur d'un franchisé assignait le franchiseur de ce dernier en nullité d'un contrat de résiliation, qu'il qualifiait de commutatif car passé en pleine période suspecte, en raison de l'absence d'indemnité. Et il l'assignait devant le tribunal ayant ouvert la liquidation judiciaire. Malgré la clause compromissoire, la Cour de cassation rejette le pourvoi du franchiseur qui plaidait la compétence de l'arbitre.
Le raisonnement de la Cour de cassation, et celui des juges du fond, est placé non pas sous l'angle du contrat, mais sous celui de l'action en nullité ou plus largement de l'intérêt collectif des créanciers.
Les juges pouvaient-ils se détacher ainsi du contrat ? Oui. D'une part, les actions en nullité de la période suspecte, si elles ont souvent pour point de départ une convention, elles ont pour objectif de reconstituer l'actif du débiteur. La question n'est, par conséquent, pas celle de l'exécution ou de l'inexécution d'un contrat, mais celle du respect de l'intérêt général des créanciers en vue d'apurer le passif. Cet intérêt supérieur justifie de détacher le raisonnement du contrat. D'autre part, les actions en nullité sont des actions attitrées : elles ne peuvent être exercées que par certaines personnes, tels les mandataires judiciaires, et non le débiteur ou les créanciers.
Par ailleurs, on peut s'interroger sur la localisation de la clause compromissoire. Elle était visiblement stipulée dans la convention de résiliation qui serait ici un contrat déséquilibré. Si elle avait été stipulée dans le contrat de franchise ou dans les conditions générales le régissant, la solution aurait-elle été différente ? Certainement, du moins si la Cour de cassation avait appliqué la solution de l'arrêt du 1er avril 2015.
En outre, quelle portée faut-il donner à l'arrêt du 17 novembre 2015 car il a été pris dans un contexte très particulier, celui d'une action en nullité de la période suspecte et d'un contrat de résiliation contenant une clause d'arbitrage ? Faudrait-il lui donner une large portée, si bien qu'à chaque fois que le liquidateur interviendrait au nom des créanciers, il pourrait ne pas respecter le contrat, les créanciers renonçant en quelque sorte tacitement à la clause compromissoire en s'abstenant de la soulever ? Peut-être... Mais, si cette portée là devait être affirmée à l'avenir, elle serait lourde de conséquences car elle pourrait permettre de priver d'efficacité bon nombre de clauses compromissoires en cas de procédure collective. Hormis l'action en nullité des actes de la période suspecte, on pense par exemple aux actions en sanction, dont celle pour insuffisance d'actif qui pourraient donc échapper, du moins dans un premier temps, à la compétence du tribunal ayant clôturé la procédure, ce qui est assez choquant et assez déstabilisant...
III - Les difficultés posées par la solution
Le premier grief que l'on peut faire à l'arrêt est la violation du principe de "compétence-compétence " selon lequel, en principe, l'arbitre est le seul à pouvoir se prononcer sur sa compétence, même lorsque le contrat est résilié ou résolu.
La seconde critique est placée sous l'angle du contrat. La clause compromissoire contenue dans la convention de résiliation a été écartée parce qu'il s'agissait d'une action en nullité de la période suspecte et qu'ainsi le liquidateur agissait non pas en tant que représentant du débiteur mais dans l'intérêt collectif des créanciers. Or, un contrat, même déséquilibré, même passé en période suspecte, et même de résiliation, n'en reste pas moins un contrat. Certes, le liquidateur ne se substitue pas au débiteur dans une action en nullité de la période suspecte car le débiteur ne peut pas agir, tout comme les créanciers. Mais il se substitue à ces derniers. Or, s'il se substitue à ces derniers, qui ne peuvent pas agir non plus, c'est au regard du contrat de résiliation passé entre le franchiseur et le franchisé. Autrement dit, et dans le fond, d'un point de vue juridique, il n'y a pas plus de raison d'exclure la compétence de l'arbitre que de reconnaître son intervention.
Cela étant, en opportunité, exclure la compétence de l'arbitre présente au moins deux avantages : d'abord, reste compétent le tribunal qui a ouvert la procédure, pour toutes ses ramifications, ce qui permet de ne pas trop changer les habitudes, ensuite et surtout, est évitée l'intervention d'un tribunal arbitral qui est souvent onéreuse. Or, la liquidation judiciaire supporte assez mal un surcroît des coûts, étant précisé néanmoins que l'impécuniosité d'une partie n'est pas un cas d'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire (7).
En conclusion, la question de savoir si la clause compromissoire doit s'opposer à la compétence du tribunal de la procédure collective est très loin d'être tranchée. L'arrêt du 17 novembre 2015 est important et juridiquement fondé. Mais rien n'est moins sûr quant à ses suites. Les questions restent entières.
Imaginons par exemple une rupture brutale de relations commerciales établies en pleine période suspecte, pendant la période d'observation ou encore pendant l'exécution d'un plan. Si le contrat contient une clause compromissoire, faudra-t-il la respecter ou au contraire le tribunal de la procédure collective sera pleinement compétent ?
Qu'en est-il encore du cas, au-delà de la clause compromissoire, du préalable désormais obligatoire de conciliation ou de médiation, en matière de procédure collective ? En effet, les articles 56 (N° Lexbase : L1441I8U) et 58 (N° Lexbase : L1442I8W) du Code de procédure civile disposent dorénavant que "sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public", l'assignation, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précisent les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. On comprend que si l'urgence de la procédure collective devrait permettre au créancier qui assigne un débiteur en liquidation judiciaire d'être dispensé d'un tel préalable, elle pourrait dans un avenir proche ne plus empêcher un cocontractant de plaider la compétence d'un juge privé, avant celle du juge étatique.
Le chantier qui attend la Cour de cassation, voire le législateur, est d'envergure.
(1) Cass. civ. 1, 8 juillet 2010, n° 09-67.013, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1247E4X), Bull. civ. I, n° 156 ; D., 2010, p. 2884, obs. X. Delpech ; D., 2010, p. 2884, obs. M. Audit et O. Cuperlier ; Gaz. Pal., 31 août 2010, p. 16, note G. Bertrou et O. Attias ; Gaz. Pal., 9 novembre 2010, p. 13, obs. D. Bensaude ; JCP éd. E, 2009, 1739, obs. G. Decocq ; Rev. arb., 2010, p. 513, note R. Dupeyré ; Rev. crit. DIP, 2010, p. 743, note D. Bureau et H. Muir-Watt.
(2) Cass. civ. 1, 21 octobre 2015, n° 14-25.080, F-P+B (N° Lexbase : A0244NUL), JCP éd. G 2015, 1128, note L. Weiller.
(3) Cass. civ. 1, 1er avril 2015, n° 14-14.552, F-P+B (N° Lexbase : A1011NGK), LEDEN, 2 mai 2015, p. 1, n° 081, obs. F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2015, 1273, note Ch. Lebel ; JCP éd. G, 2015, 691, note L. Weiller ; Rev. proc. coll., mai 2015, p. 9, obs. F. Petit ; Les Cahiers de l'arbitrage, 2015-2, p. 303 et s., S. Achille ; D. Actualité, 21 avril 2015, obs. X. Delpech.
(4) Les juges ont déjà reconnu le déséquilibre des prestations au terme d'une transaction conclue au cours d'une période suspecte : CA Paris, 10 juillet 1984, DS, 1084, inf. rapp. 399 ; CA Paris, 12 novembre 1992, Rev. proc. coll., 1994, 250, obs. B. Lemistre.
(5) CA Amiens, 20 février 2014, n° 13/02165 (N° Lexbase : A6624ME3)
(6) Si, par exemple, l'une des deux parties n'est pas un professionnel.
(7) Note L. Weiller, sous Cass. civ. 1, 1er avril 2015, préc..
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Réf. : CE Section, 30 novembre 2015, n° 388299, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6195NY4)
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Le 11 Décembre 2015
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 9 novembre 2015, n° 370974, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3593NWY)
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par Guillaume Massé, Avocat à la Cour, Marvell Avocats
Le 10 Décembre 2015
Une société belge exerçait une activité de commerce de gros en habillement. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur ses exercices 2004 et 2005, à l'issue de laquelle l'administration a réintégré dans les résultats imposables de sa succursale française les intérêts que cet établissement stable exploité en France n'avait pas facturé au siège social bruxellois de la société en contrepartie d'avances de trésorerie consenties au siège social belge.
L'arrêt du 9 novembre 2015 du Conseil d'Etat confirme l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 4 juin 2013 en jugeant l'administration fondée à opérer cette réintégration (CAA Douai, 4 juin 2013, n° 12DA00907 N° Lexbase : A8194KKP).
Par ailleurs, il juge que cette réintégration, sur le fondement de l'article 57 du CGI (N° Lexbase : L9738I33) relatif aux bénéfices transférés à l'étranger par la succursale française au siège de la société belge, ne peut pas être regardée comme portant atteinte, en raison de la double imposition pouvant en résulter, aux principes communautaires de libre établissement et de libre circulation des capitaux consacrés par les articles 49 (N° Lexbase : L2697IPL) et 63 (N° Lexbase : L2713IP8) TFUE, dès lors que l'article 5 de la Convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 (N° Lexbase : L6668BHG) permet d'éviter la double imposition dans une telle hypothèse.
Cette décision doit s'analyser au regard du régime fiscal des relations (financières) entre siège social et succursale. Elle se situe dans un courant jurisprudentiel assimilant les succursales aux filiales.
II - Arguments de la société
La société contestait l'assimilation d'un établissement avec la filiale d'une société étrangère pour les raisons suivantes.
Une telle position est critiquable au regard des liens unissant une succursale et son siège social. Dès lors que la première n'a pas de personnalité juridique, les deux "entités" se confondent. Pour cette raison, on ne peut pas transposer les principes qui régissent les relations entre société mère et filiale à celles entre un siège et son établissement (étranger). Si une succursale était réputée contracter avec son siège, elle lui réclamerait le versement d'intérêts afférents à des flux financiers purement internes, au sein d'une même personne morale.
Cette position se fonde notamment sur la réponse ministérielle Mesmin (1) de 1981 selon laquelle les versements effectués sous forme d'intérêts ou de redevances par la succursale française d'une société étrangère en rémunération de sommes que le siège de cette société a prélevées sur ses fonds propres et met (sous quelque forme que ce soit) à la disposition de sa succursale, ne peuvent pas être admis en déduction du bénéfice imposable en France de la succursale. Faute pour la succursale d'avoir une personnalité juridique distincte et une autonomie patrimoniale, ces versements représentent en réalité une partie du bénéfice réalisé en France par la société étrangère. Ils doivent donc s'analyser comme des versements que la société se fait à elle-même.
Dès lors, par symétrie, il n'est pas possible non plus d'exiger d'une succursale qu'elle facture des intérêts au siège social étranger. L'unicité de la personne morale qui vaut en position emprunteur doit aussi valoir en position prêteur.
Les conséquences liées à l'absence de personnalité morale d'un établissement stable étaient ensuite confirmées par un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris en 1991 (2). Elle juge que les intérêts versés par une succursale française à son siège étranger pour rémunérer des avances de démarrage versées par le siège ne peuvent pas être pris en compte pour le calcul de son résultat fiscal. Alors que la réponse Mesmin visait des intérêts rémunérant un prêt financé par des fonds propres, l'arrêt de 1991 confirme cette règle lorsque les intérêts sont relatifs à un prêt financé par le siège social étranger en recourant cette fois à l'emprunt.
Dans ces décisions, les intérêts ne sont pas déductibles du fait de l'unicité de la personne morale, principe affirmé par le Conseil d'Etat dans un arrêt de plénière rendu en 1972 (3) (voir IV ci-dessous).
Dans le même sens, on peut encore citer la réponse ministérielle Barbier de 1996 (4) affirmant que l'impossibilité d'avoir une créance ou une dette sur soi-même empêche la constatation de la perte ou de la charge ou de la dotation d'une provision. En conséquence, aucune déduction de l'assiette de l'impôt n'est possible à ce titre.
De cette non-déductibilité des intérêts financiers versés au siège étranger par une succursale française, la société belge contestait par analogie le principe de la facturation d'intérêts au siège étranger.
III - Critique de la position de la société
Cette position de la société était critiquable en ce qu'il faisait fi de la doctrine administrative postérieure à la réponse ministérielle Mesmin et à l'arrêt de 1991 précités, laquelle a évolué. En effet, est désormais permise la déductibilité des intérêts versés par la succursale au siège lorsqu'ils sont afférents à des avances en compte courant inhérentes à la nature même de l'activité des établissements, et non à des dotations attribuées à titre de quasi-capital (D. adm., 4 H-14-14, n° 41, 1er mars 1995).
Dans ses récents arrêts du 11 avril 2014 (5), le Conseil d'Etat a confirmé la déductibilité des intérêts d'emprunt versés par les succursales françaises de trois banques étrangères ayant leurs sièges à l'étranger (balayant le grief de l'administration reposant sur une supposée insuffisance de dotation en fonds propres desdites succursales). Le principe de la liberté de choix entre financement par fonds propres ou par endettement, que la jurisprudence a déjà consacré à propos des filiales, est étendu aux succursales. C'est sur le fondement de la doctrine administrative précitée que les succursales des trois banques en cause ont pu déduire les intérêts éventuellement versés à leur siège ou à d'autres établissements étrangers.
Cette déductibilité, bien qu'elle soit au profit des seules banques et établissements financiers, fragilise évidemment l'argument de société belge, selon lequel l'impossibilité de comptabiliser en charges les intérêts versés au siège interdirait par symétrie de réintégrer les intérêts au bénéfice français de la succursale en tant que recettes, perd de sa pertinence.
IV - Retour sur la jurisprudence antérieure : critère du rattachement à l'exploitation en France
Dans son arrêt de principe du 25 octobre 1972 (6), le Conseil d'Etat rappelait le principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés en indiquant qu'il faisait obstacle à la prise en compte des variations d'actif net imputables aux événements ou aux opérations d'une succursale étrangère. En filigrane, le critère était donc déjà posé : il faut rechercher s'agissant de biens situés à l'étranger ou d'engagements pris à l'étranger, s'ils sont affectés ou liés aux opérations de la société en France, ou, au contraire, s'il s'agit d'une activité autonome, distinctement poursuivie à l'étranger.
Dans ce dernier cas, il résulte alors des dispositions combinées des articles 209 (N° Lexbase : L4558I7X) et 38 (N° Lexbase : L3125I7U) du CGI que lorsqu'une société, dont le siège est en France, exerce hors de France une activité industrielle ou commerciale distincte, elle ne peut alors tenir compte, pour la détermination de son bénéfice imposable en France à l'impôt sur les sociétés, que des variations de l'actif net imputables à des événements ou opérations qui se rattachent à l'activité exercée hors de France et notamment des pertes imputables aux résultats de l'exploitation à l'étranger.
Cette solution a ensuite été déclinée par la jurisprudence en cas de perte d'une dotation financière octroyée à une succursale, de destruction d'éléments d'actif immobilisé, de pertes afférentes au non recouvrement de créances sur les clients ou encore aux autres pertes d'exploitation subies par les succursales à l'étranger. Dans tous les cas, il n'y avait pas lieu de distinguer entre ces différentes causes de variation de l'actif net.
Toutefois, dans un arrêt rendu en 1988 (7), le Conseil d'Etat a ensuite posé le principe d'une possible prise en compte de la perte relative à l'avance consentie par le siège français à son établissement stable étranger, à condition que les sommes prêtées aient eu pour objectif le développement de ses propres activités en France (pays du siège), ce qui permettait alors de regarder ces avances comme rattachables à l'activité exercée en France. Ainsi, était confirmée la possibilité d'une prise en compte dans le résultat du siège français d'opérations avec une succursale étrangère, sous réserve que la transaction ait un lien avec l'activité exercée en France par le siège. Inversement, les opérations étrangères ne pouvant se rattacher à l'exploitation en France restent sans influence.
La portée de cet arrêt a été discutée.
Amorce d'un revirement de jurisprudence, pour les uns, dès lors que l'établissement étranger est assimilé à un tiers, ou arrêt s'inscrivant dans la ligne de la jurisprudence et de la doctrine administrative qui s'est efforcée de la formaliser (Instruction du 22 août 1983, BOI 4-A-7-83), subordonnant la déductibilité au seul critère du rattachement de la charge à l'exploitation de l'entreprise en France, pour les autres.
Par la suite, dans un arrêt rendu en 2001 (8), le juge estime bienfondé un vérificateur ayant réintégré les intérêts non réclamés à sa succursale américaine au titre d'une avance consentie à cette dernière par le siège social français.
Le présent arrêt du Conseil d'Etat relatif à la réintégration au résultat fiscal français de l'établissement stable de sommes prêtés au siège apparaît comme le symétrique logique de cet arrêt de 2001, mais cette fois pour une société exerçant une activité commerciale.
V - Applicabilité de l'acte anormal de gestion entre succursale et siège
Une autre question était celle de l'applicabilité de la théorie des actes anormaux de gestion dans les rapports transnationaux entre succursale et siège. Elle était, selon nous, inédite.
A notre connaissance, elle n'avait été tranchée que dans l'hypothèse inverse à celle de la présente affaire, à savoir dans celle où c'est le siège français (de l'entreprise) qui consent des aides à sa succursale l'étrangère.
Sur cette question, dans une décision de 2003 (9) précisant sa décision de 1988, le Conseil d'Etat indiquait qu'eu égard aux différences juridiques existant entre succursale et filiale, notamment l'absence de personnalité morale, les règles relatives à la prise en compte, pour l'imposition d'une société dont le siège est en France, des aides qu'elle apporterait à une filiale dont le siège est à l'étranger, ne sont pas transposables aux aides qu'une telle société apporte à une succursale implantée à l'étranger (pays tiers).
Cet arrêt allait dans le sens de la thèse soutenue par la société requérante en faveur de la non-assimilation des filiales aux succursales, mais n'avait en réalité d'autre portée que d'écarter, s'agissant des succursales étrangères, les règles relatives à la déduction des aides financières apportées par une société française à une filiale étrangère.
En effet, s'agissant des aides commerciales, le Conseil d'Etat admet en revanche leur déductibilité, par transposition des règles applicables aux filiales, en considérant que si la succursale entretient avec le siège des relations commerciales favorisant le maintien ou le développement des activités en France de la société française, celle-ci peut alors déduire de ses résultats français imposables les pertes, subies ou régulièrement provisionnées, résultant des aides apportées à la succursale dans le cadre de ces relations.
Cette solution, qui concilie principe de territorialité, absence de personnalité juridique de la succursale, avec leur quasi personnalité fiscale, est finalement transposée dans l'hypothèse inverse (en termes de flux financiers) qui est celle de l'arrêt ici commenté.
Ainsi, l'administration est jugée fondée à rechercher si les avantages consentis par la succursale française de la société belge au siège bruxellois de l'entreprise l'ont été dans l'intérêt de l'établissement stable français. En l'absence de toute contrepartie en ce sens, le redressement ne pouvait ensuite qu'être confirmé.
VI - Libertés d'établissement et de circulation des capitaux et Convention fiscale franco-belge
Le dernier moyen était l'atteinte que porterait ce redressement aux principes communautaires de liberté d'établissement et de libre circulation des capitaux.
Ce moyen repose sur la double imposition qui résulterait de l'application combinée de la loi fiscale française, réintégrant dans les résultats de l'établissement stable les intérêts qui auraient dû être réclamés au siège, et de la loi fiscale belge, interdisant la déduction de ces intérêts des résultats du siège.
Le tribunal écarte ce moyen en opposant au contribuable les stipulations de l'article 5-4 de la Convention fiscale franco-belge visant à éviter les cas de double imposition.
En conclusion, cet arrêt ignore l'unicité de la personne morale pour promouvoir au regard du principe de territorialité un traitement homogène entre succursale et filiale. Les principes de réalité économique consistant à traiter de façon homogène filiale et succursale (elle aussi avec un bilan fiscal et une déclaration de résultats propre), et de neutralité fiscale qu'elle que soit la forme juridique de l'exploitation, sont consacrés.
Cet arrêt est critiquable du fait de la distorsion qu'il crée. En effet, si l'administration n'admet pas, en général (hormis le cas des établissements financiers avec la doctrine et la jurisprudence précités), la déductibilité des intérêts versés par une succursale à son siège, elle estime à l'inverse, de façon peu cohérente parce qu'asymétrique, qu'une succursale qui "prête" à son siège doit recevoir des intérêts de pleine concurrence.
(1) QE de M. Georges Mesmin, JOANQ 19 janvier 1981, p. 245.
(2) CAA Paris, 28 mai 1991, n° 89PA02917 (N° Lexbase : A0351A9U).
(3) CE Ass. plén., 25 octobre 1972, n° 81999, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7995AYR).
(4) QE n° 31552 de M. Barbier Gilbert, JOANQ 6 novembre 1995, p. 4623, min. éco., finances et plan, réponse publ. 23 septembre 1996, p. 5054, 10ème législature (N° Lexbase : L6867BHS).
(5) CE 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2014, n° 346687, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1029MKC) ; CE 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2014, n° 359640, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1063MKL) et CE 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2014, n° 344990, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1027MKA).
(6) CE Ass. plén., 25 octobre 1972, n° 81999, publié au recueil Lebon, préc., conclusions L. Mehl.
(7) CE 8° et 9° s-s-r., 2 mars 1988 n° 49054, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6592APT), conclusions N. Chahid-Nouraï.
(8) CE 9° et 10° s-s-r., 29 juin 2001, n° 176105, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4795AU7), conclusions G. Goulard.
(9) CE Section, 6 mai 2003, n° 222956, publié au recueil Lebon ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1278471, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CE Contentieux, 16-05-2003, n\u00b0 222956", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A1629B99"}}).
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Réf. : CAA Nantes, 26 novembre 2015, n° 14NT01195, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1019NYE)
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Le 17 Décembre 2015
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Réf. : Ass. plén., 7 décembre 2015, n° 14-18.435, P+B+R+I (N° Lexbase : A7203NYG)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7767NXX)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 10 Décembre 2015
Résumé
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ) du Code du travail. |
Commentaire
I - La disparition de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur
Obligation de sécurité de l'employeur. Les arrêts "Eternit" du 28 février 2002 comptent parmi les plus importants de la décennie 2000. La Chambre sociale de la Cour de cassation y jugeait "qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat" (1). Cette obligation a plusieurs fois évolué au cours des dix années qui ont suivi.
L'obligation de sécurité, extraite du contrat pour soutenir la qualification de faute inexcusable en droit de la Sécurité sociale, s'est diffusée en droit du travail pour être utilisée en dehors de toute procédure d'accident du travail ou de maladie professionnelle (2). La Chambre sociale de la Cour de cassation a surtout progressivement fait correspondre l'intensité de l'obligation avec la terminologie employée.
Dans un premier temps, en effet, les juges qualifiaient l'obligation de sécurité d'obligation de résultat mais permettaient à l'employeur de s'exonérer en démontrant qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au danger. Dans un second temps, à partir de 2006, la Chambre sociale jugea que "l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat et ne peut s'exonérer en démontrant qu'il n'a pas commis de faute" (3). Seule la survenance d'un cas de force majeure lui permettait de s'exonérer en cas d'atteinte à la santé d'un salarié (4).
Prémices d'un assouplissement. Quelques décisions rendues ces derniers mois laissaient planer un doute sur l'absolutisme de l'obligation de sécurité de l'employeur.
Ainsi, par exemple, un arrêt inédit rendu le 21 mai 2014 voyait reparaître la formule selon laquelle "l'employeur, qui avait pris les mesures utiles pour assurer la santé et la sécurité de la salariée, n'avait pas manqué à ses obligations" (5). Dans une situation de harcèlement entre salariés, l'employeur peut également s'exonérer du manquement à l'obligation de sécurité en démontrant "avoir tout mis en oeuvre pour que le conflit personnel entre deux salariées puisse se résoudre au mieux des intérêts de l'intéressée" (6). Dans le même ordre d'idée, la Chambre sociale, tout en maintenant le caractère d'obligation de résultat, jugeait que le manquement de l'employeur à cette obligation ne justifiait pas nécessairement la prise d'acte de la rupture du contrat de travail lorsque le manquement ne rendait pas impossible le maintien du contrat (7). Ces décisions montraient clairement un assouplissement de la jurisprudence lorsqu'était invoqué le manquement à l'obligation de sécurité sur le plan individuel, en particulier lorsqu'était en cause la qualification de la rupture du contrat de travail (8).
Sur le plan collectif, deux décisions rendues à propos de la consultation du CHSCT en cas de projet important modifiant les conditions de travail semblaient, elles aussi, impliquer des changements dans la charge de la preuve du manquement à l'obligation de sécurité.
Dans la première, la Chambre sociale approuvait une cour d'appel qui jugeait que le CHSCT ne démontrait pas que "l'employeur n'a pas rempli ses obligations légales et conventionnelles en matière de santé et de sécurité des travailleurs de l'entreprise" (9), ce qui caractérisait le système probatoire d'une obligation de moyens et non d'une obligation de résultat. Dans la seconde, la Chambre sociale jugeait qu'un projet d'externalisation pouvait être mis en oeuvre dans un contexte de risques psychosociaux avéré, dès lors que l'employeur avait mis en oeuvre des mesures de prévention suffisantes (10).
Avec une plus grande clarté, la Chambre sociale pousse le raisonnement à son terme et assoupli sans ambiguïté l'intensité de l'obligation de sécurité de l'employeur.
L'espèce. Un salarié d'Air France, chef de cabine de vols longs courrier, avait été témoin direct de l'effondrement des tours du World Trade Center à New-York le 11 septembre 2001. Cinq ans plus tard, il est pris d'une crise de panique au moment d'embarquer sur un vol. Il est licencié en 2011 pour ne pas s'être présenté à un examen médical destiné à établir son aptitude à un poste au sol. Parmi d'autres demandes, le salarié réclame l'octroi de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. La cour d'appel, passant par le détail l'ensemble des mesures prises par la société à la suite des attentats afin de protéger l'intégrité de la santé mentale de ses salariés, considère que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat (11).
Par un arrêt rendu le 25 novembre 2015, publié sur le site internet de la Cour de cassation, la Chambre sociale rejette le pourvoi formé contre cette décision. La décision comporte un chapeau de tête qui renforce la solennité de la décision : "ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail".
L'importante publicité et la formule ciselée que l'arrêt emploient ne laissent aucune place au doute : l'obligation de sécurité n'est plus une obligation de résultat, l'employeur peut s'en exonérer, il s'agit donc d'une obligation de moyens.
II - L'apparition d'une obligation de sécurité de moyens renforcée
Une obligation légale. Quoique l'incidence de cette référence soit relativement faible, il convient, d'abord, de relever que c'est la première fois, à notre connaissance, que la Chambre sociale qualifie expressément l'obligation de sécurité de l'employeur d'"obligation légale" (12). La source de l'obligation ne faisait plus guère de doute depuis que la Chambre sociale appuyait systématiquement ses raisonnements en matière d'obligation de sécurité sur le fondement de l'article L. 4121-1 du Code du travail.
L'affirmation de la source légale de l'obligation a toutefois ceci d'important que le législateur détaille, aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, les mesures que doit mettre en oeuvre l'employeur pour l'assouvir. Au contraire, l'objet de l'obligation contractuelle, dans la terminologie employée dans les arrêts "Eternit" en 2002, était plus diffus et permettait donc plus aisément une qualification d'obligation de résultats.
Une obligation de moyens renforcée. Par sa solennité, l'arrêt rendu par la Chambre sociale permet de mettre fin aux doutes qui planaient ces derniers mois sur l'intensité de l'obligation de sécurité. La Chambre sociale revient à l'interprétation qui était la sienne avant 2006 : l'employeur peut démontrer avoir pris toutes les mesures nécessaires pour écarter le danger, ces mesures étant celles prévues par le législateur, cela sans retomber dans l'ambiguïté qui consistait à permettre une exonération tout en qualifiant l'obligation d'obligation de résultat.
Il s'agit bien d'une obligation de moyens renforcée puisque le créancier -le salarié- de l'obligation ne doit pas démontrer que le débiteur -l'employeur- n'a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires. L'exonération restera, d'ailleurs, toujours difficile à apporter, même s'il ne s'agit plus d'une responsabilité automatique, d'une garantie. En effet, l'employeur ne doit pas montrer qu'il a pris les mesures "utiles" ou "nécessaires" comme ces termes ont parfois été employés par des arrêts récents, il doit démontrer avoir pris "toutes" les mesures prévues par le Code du travail. Si c'est bien le sens qu'il faut retenir de cette formule, la responsabilité des employeurs en cas de manquement à l'obligation de sécurité pourra encore souvent être engagée, tant la liste de mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail est imposante.
Ce nouveau positionnement ne devrait donc pas fondamentalement changer le résultat des contentieux car, trop souvent, lorsqu'une atteinte à la sécurité ou à la santé survient, il peut être démontré que les mesures de prévention n'ont pas été suffisantes. La solution devrait, en revanche, avoir un effet plus vertueux sur les entreprises : celles qui joueront pleinement le jeu de la prévention, en suivant scrupuleusement les prescriptions du Code du travail, pourront être exonérées, ce qui pourrait avoir pour effet une meilleure efficacité des mécanismes de prévention de la santé au travail.
Une obligation au domaine très vaste. Il convient, pour terminer, de relever que le champ de l'obligation de sécurité de moyens renforcée est particulièrement vaste.
Il semblait, en effet, depuis quelques mois, se dessiner une distinction entre les conséquences civiles et professionnelles du manquement à l'obligation de sécurité. Alors qu'il s'agissait d'une obligation de garantie au plan de la responsabilité civile contractuelle, l'obligation était déjà une obligation de moyens renforcée lorsqu'il s'agissait d'envisager la gravité du manquement de l'employeur justifiant ou non la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié (13).
La Chambre sociale contredit très clairement ce raisonnement puisque, dans cette affaire, il n'était pas question de prise d'acte de la rupture du contrat de travail ou de demande de résiliation judiciaire, mais bien d'une demande d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle. L'obligation de sécurité sera toujours une obligation de moyens, quelles que soient les conséquences du manquement que le salarié entend obtenir (responsabilité civile, rupture à son profit, voire mise en oeuvre de protections collectives dans le cadre des missions du CHSCT). L'unité de l'intensité d'une obligation peut varier en fonction des circonstances dans lesquelles le manquement survient, comme cela est par exemple le cas dans le domaine du contrat d'entreprise, où l'entrepreneur n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyens lorsque le maître d'ouvrage participe à la réalisation de la prestation (14). La distinction semblait moins justifiée lorsqu'il était question des conséquences du manquement de l'employeur, tant il est rare que la nature de la faute commise influe sur la nature ou le montant de la réparation octroyée.
Même si les faits de l'affaire sont très particuliers, il est, ensuite, peu probable que la décision rendue soit spécifique aux risques psychosociaux. Là encore, la généralité de la motivation adoptée, qui embrasse très large, comme le degré de publicité conféré, penchent davantage pour une application générale, quelle que soit la nature de l'atteinte à la sécurité en cause.
(1) Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-11.793, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0602AYX) ; JCP éd. G, 2002, II, 10053 ; Dr. ouvrier, 2003, p. 41 note Y. Saint-Jours ; Dr. soc., 2002, p. 445, note A. Lyon-Caen.
(2) Les exemples sont nombreux : Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412, FS-P+B+R+I, (N° Lexbase : A8545DIC) (tabagisme passif) ; Cass. soc., 3 février 2010, deux arrêts, n° 08-40.144, FP-P+B+R, (N° Lexbase : A6060ERU) et n° 08-44.019, FP-P+B+R, (N° Lexbase : A6087ERU) (harcèlement et violences).
(3) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur responsable du harcèlement moral dans l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 223 du 13 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0835ALI).
(4) Cass. soc., 4 avril 2012, n° 11-10.570, FS-P+B (N° Lexbase : A1271IIW) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur peut-il s'exonérer de son obligation de sécurité de résultat ?, Lexbase Hebdo n° 482 du 19 avril 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1460BTA).
(5) Cass. soc., 21 mai 2014, n° 13-12.666, F-D (N° Lexbase : A5037MMI) et nos obs., Vers un assouplissement des conditions d'exonération de l'obligation de sécurité ?, Lexbase Hebdo n° 573 du 5 juin 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N2517BUR).
(6) Cass. soc., 3 décembre 2014, n° 13-18.743, F-D (N° Lexbase : A0653M7C) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur face au harcèlement, Lexbase Hebdo n° 595 du 18 décembre 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N5101BUH).
(7) Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-18.603, FS-P+B (N° Lexbase : A3150NDZ) et nos obs., Le nouveau régime de la prise d'acte appliqué aux harcèlements, Lexbase Hebdo n° 606 du 26 mars 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N6589BUL).
(8) Certaines décisions continuaient, en effet, d'écarter toute idée d'exonération dès lors que la question de l'imputabilité de la rupture du contrat de travail n'était pas en cause, Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-17.729, FS-P+B (N° Lexbase : A9192M3T) ; Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-11.324, F-D (N° Lexbase : A2337NKR) et les obs. de Ch. Radé, Obligation de sécurité de résultat et tabagisme passif, Lexbase Hebdo n° 617 du 18 juin 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N7880BUE).
(9) Cass. soc., 5 mars 2015, n° 13-26.321, F-D (N° Lexbase : A9041NCT).
(10) Cass. soc., 22 octobre 2015, n° 14-20.173, FP-P+B ([LXB=A5324NU]) ; SSL, 2015, n° 1697, p. 6, note O. Levannier-Gouël.
(11) Accueil de l'équipage dès le retour de New-York, présence de personnel médical jour et nuit pour prendre en charge l'équipage, orientation si nécessaire vers des consultations psychiatriques, etc..
(12) V. les débats sur les fondements de l'obligation, G. Pignarre, L'obligation de sécurité patronale entre incertitudes et nécessité, RDT, 2006, p. 150 ; Y. Saint-Jours, De l'obligation contractuelle de sécurité de résultat, D., 2007, p. 3024.
(13) Ch. Radé, Obligation de sécurité de résultat et tabagisme passif, préc..
(14) J. Huet, G. Decocq, C. Grimaldi, H. Lécuyer, Les principaux contrats spéciaux, Traité de droit civil, LGDJ, 3ème éd., 2012, p. 1343.
Décision
Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7767NXX). Cassation partielle (CA Paris, 6 mai 2014, n° 11/07699 N° Lexbase : A7703MKI). Textes concernés : C. trav., art. L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et art. L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ). Mots-clés : obligation de sécurité ; obligation de moyens renforcée. Liens base : (N° Lexbase : E3145ETN). |
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Réf. : CE référé, 3 décembre 2015, n° 394333, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6203NYE)
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Le 15 Décembre 2015
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Réf. : Cons. const., décision n° 2015-499 QPC, du 20 novembre 2015 (N° Lexbase : A3250NXN)
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N0309BWD
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par Corinne Renault-Brahinsky, Docteur en droit
Le 10 Décembre 2015
Dans cette affaire, le requérant avait été renvoyé devant la cour d'assises de l'Indre en 2013. Après avoir formé appel, il est à nouveau jugé et condamné par la cour d'appel du Cher le 30 janvier 2015, à une peine de 16 ans de réclusion criminelle. Il est mentionné au procès-verbal des débats que ceux-ci n'ont pu faire l'objet d'un enregistrement sonore comme le prévoit l'article 308 du Code de procédure pénale tel qu'il découle de la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014, relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive. En effet, la cour ne disposait pas des moyens matériels de procéder à cet enregistrement.
Le requérant forme alors un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'assises du Cher en soulevant la QPC suivante : "les dispositions du dernier alinéa de l'article 308 du Code de procédure pénale en ce qu'elles prévoient que l'enregistrement sonore devant la cour d'assises n'est pas prescrit à peine de nullité, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement au droit à un recours effectif ainsi qu'au principe d'égalité devant la justice, garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ?".
La Cour de cassation, par un arrêt du 9 septembre 2015 (Cass. crim., 9 septembre 2015, n° 15-81.208, FS-D N° Lexbase : A9769NN7), a accepté de renvoyer la question au Conseil constitutionnel, estimant qu'elle présentait un caractère sérieux.
Le Conseil constitutionnel censure les dispositions du dernier alinéa de l'article 308 du Code de procédure pénale avec effet différé. Après avoir rappelé les contours de l'obligation d'enregistrer les débats devant la cour d'assises (I), il estime en effet que l'impossibilité de contester l'absence d'enregistrement des débats méconnaît les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (II).
I - Les contours de l'obligation d'enregistrer les débats devant la cour d'assises
L'actuelle obligation d'enregistrer les débats devant la cour d'assises n'a longtemps été qu'une faculté. Elle n'est devenue une obligation qu'en raison de la modification de la procédure de révision d'une condamnation pénale en 2014, afin de renforcer son rôle dans la procédure de révision.
A - L'évolution législative vers l'obligation d'enregistrer les débats devant la cour d'assises
Les dispositions relatives à l'enregistrement des débats devant la cour d'assises ont été réformées à de multiples reprises au cours des 60 dernières années.
Une première loi de 1954 modifiant la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), insère un article 34 ter interdisant l'usage de tout appareil d'enregistrement sonore ou audiovisuel au cours des audiences des juridictions administratives ou judiciaires.
L'article 308 du Code de procédure pénale, relatif à la cour d'assises, est créé par l'ordonnance du 23 décembre 1958 (N° Lexbase : L5336AGQ) : il prohibe devant la cour d'assises "l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de diffusion sonore, de caméra de télévision ou de cinéma, et d'appareils photographiques".
L'article 308 est complété par la loi n° 81-82 du 2 février 1981 (N° Lexbase : L8215HI4), dite "Sécurité et Liberté". Le nouveau texte crée une exception à l'interdiction jusque-là imposée : "le président de la cour d'assises peut ordonner que les débats feront l'objet, sous son contrôle, d'un enregistrement sonore".
Le texte est à nouveau modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (N° Lexbase : L7272GTI) pour permettre au président de la cour d'assises, à la demande de la victime ou de la partie civile, d'"ordonner que l'audition ou la déposition de ces dernières feront l'objet, dans les mêmes conditions, d'un enregistrement audiovisuel".
Enfin, la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive, adoptée par la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014, modifie une nouvelle fois l'article 308 qui dispose désormais que "les débats de la cour d'assises font l'objet d'un enregistrement sonore sous le contrôle du président". L'enregistrement sonore devient donc une obligation.
A l'occasion de cette importante modification, l'alinéa 7 de l'article 308 n'est pas pour autant modifié et prévoit donc invariablement que "les dispositions ci-dessus ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure". Par conséquent, un arrêt rendu par la cour d'assises ne peut être contesté sur le fondement de l'absence d'enregistrement sonore.
En outre, toutes les cours d'assises n'étant pas équipées pour permettre un enregistrement sonore des débats, une circulaire du directeur des affaires criminelles et des grâces du 24 septembre 2014 précise que "lorsque, pour des raisons techniques (salle non équipée, panne du dispositif d'enregistrement mis en place), il ne sera matériellement pas possible de procéder à l'enregistrement, il conviendra d'en faire mention dans le procès-verbal des débats prévu par l'article 378".
Or, la révision concomitante de l'article 308 du Code de procédure pénale et de la procédure de révision d'une condamnation pénale définitive ne sont pas sans relation.
B - Le rôle de l'enregistrement des débats devant la cour d'assises
La modification de la procédure de révision opérée par la loi du 20 juin 2014 vise à faciliter celle-ci. Dans cet objectif, les cas d'ouverture ont été simplifiés. Les quatre cas existant ont été réduits à un cas unique : "la révision d'une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'un crime ou d'un délit lorsque, après une condamnation, vient à se produire un fait nouveau ou à se révéler un élément inconnu de la juridiction au jour du procès de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité" (C. pr. pén., art. 622 N° Lexbase : L5444I3Z).
La preuve d'un fait nouveau est donc devenu l'élément central de l'ouverture de la procédure de révision. Or, les débats devant la cour d'assises sont gouvernés par le principe de l'oralité des débats. L'oralité est reconnue comme un principe essentiel du procès criminel (Cass. crim., 7 janvier 1841, Bull. crim., n° 1). Le procès-verbal dressé par le greffier en application de l'article 378 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3775AZT) ne mentionne que l'accomplissement des formalités prescrites. Les réponses des accusés et le contenu des dépositions ne sont retranscrits par écrit ni dans le procès-verbal dressé par le greffier, ni dans un autre document "à moins que le président n'en ordonne autrement d'office ou sur la demande du ministère public ou des parties" (C. pr. pén., art. 379 N° Lexbase : L3776AZU). Le président a également la possibilité de faire "dresser d'office ou à la requête du ministère public ou des parties, par le greffier, un procès-verbal des additions, changements ou variations qui peuvent exister entre la déposition d'un témoin et ses précédentes déclarations. Ce procès-verbal est joint au procès-verbal des débats" (C. pr. pén., art. 333 N° Lexbase : L3534DGY). Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la retranscription écrite des débats revêt un caractère dérogatoire.
Le législateur a pris conscience en 1981 de l'inconvénient que pouvait avoir l'oralité des débats lorsque certaines procédures nécessitent de se référer à des débats s'étant déroulés devant la cour d'assises. Il a alors permis que l'enregistrement sonore puisse être utilisé "devant la cour d'assises, jusqu'au prononcé de l'arrêt [...] devant la Cour de cassation saisie d'une demande en révision, ou, après cassation ou annulation sur demande en révision, devant la juridiction de renvoi, en ce qui concerne les déclarations faites par des personnes qui ne peuvent plus être entendues" (C. pr. pén., art. 308, al. 4). Son utilisation a ensuite été étendue à la procédure devant la cour d'assises statuant en appel. Ces dispositions sont rappelées par le Conseil constitutionnel dans la décision rendue le 20 novembre 2015 (cons. 4).
En 2014, en même temps qu'il simplifie les cas d'ouverture de l'action en révision en plaçant au centre de la procédure l'existence d'un fait nouveau, le législateur modifie l'article 308 pour rendre obligatoire l'enregistrement sonore des débats en cour d'assises. En effet, cet enregistrement peut prendre une importance fondamentale dans la mesure où les éléments que l'accusé rapporte devant la cour de révision ne doivent pas avoir déjà été soumis à l'appréciation de la cour d'assises. L'enregistrement est le seul moyen de s'assurer de l'exigence de nouveauté puisqu'il permet de comparer le fait nouveau allégué au contenu de l'enregistrement comportant les débats d'assises. Lors des débats devant le Parlement, la Garde des Sceaux avait insisté sur l'importance de l'enregistrement sonore des débats, déclarant que "dans le cadre d'une procédure de révision, cela peut en effet permettre de vérifier si la cour d'assises a eu connaissance d'un certain nombre d'éléments, présentés comme nouveaux, qui auraient éventuellement été disponibles lors du verdict. Ce sont donc vraiment des matériaux utiles".
Malgré le rôle évident que peut jouer l'enregistrement dans la procédure de révision, le législateur n'a pas cru bon devoir modifier le dernier alinéa de l'article 308 qui dispose que les obligations relatives à l'enregistrement sonore ou audiovisuel "ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure". La raison en est purement matérielle : il souhaitait éviter de voir sanctionnées trop souvent les procédures qui s'étaient déroulées dans des cours d'assises, nombre d'entre elles n'étant pas équipées de système permettant un enregistrement sonore et/ou audiovisuel.
II - La violation du droit à un recours juridictionnel effectif
Le Conseil constitutionnel reconnaît que l'obligation d'enregistrer les débats confère aux parties un véritable droit. Il en déduit la violation du droit à un recours juridictionnel effectif et sanctionne l'alinéa 7 de l'article 308 du Code de procédure pénale.
A - La reconnaissance d'un droit conféré aux parties
Le requérant invoquait la violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui dispose que "toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution". Cette disposition garantit le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique le droit à une procédure juste et équitable. Le Conseil constitutionnel a déjà sanctionné à plusieurs reprises les règles procédurales conduisant à une absence partielle ou totale de recours (Cons. const., décision n° 2014-390 QPC, du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8257MIN ; Cons. const., décision n° 2015-494 QPC, du 16 octobre 2015 N° Lexbase : A3695NTZ). Une décision n° 214-987 QPC du 4 avril 2014 a notamment censuré l'absence de recours en nullité contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance autorisant les visites domiciliaires, perquisitions et saisies dans les lieux de travail en l'absence de mise en oeuvre de l'action publique.
Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt rendu le 20 novembre 2015 par le Conseil constitutionnel, le requérant soutenait que le dernier alinéa de l'article 308 du Code de procédure pénale, en ce qu'il ne prévoit aucune sanction en cas de violation de l'obligation d'enregistrement portait atteinte d'une part au droit au recours, d'autre part au principe d'égalité.
Le droit au recours est la possibilité pour le justiciable d'accéder à une juridiction. L'atteinte au droit à un recours et en particulier à l'effectivité du droit à la révision tel qu'il résulte de la modification de 2014 résidait, selon le requérant en ce que certains justiciables ne disposent pas de l'outil que constitue l'enregistrement sonore afin de les aider à apporter la preuve de l'existence d'un fait nouveau. En effet, un grand nombre de cours d'assises ne sont pas équipées d'un système d'enregistrement, ce qui créé un aléa pour le justiciable.
L'atteinte au principe d'égalité résidait, selon le requérant, dans le traitement différent appliqué à des personnes se trouvant dans la même situation, la possibilité de voir les débats d'assises enregistrés dépendant de la juridiction saisie et de la possibilité matérielle de procéder à l'enregistrement.
Dans son arrêt de renvoi au Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, estimait que la question posée par le requérant revêtait un caractère sérieux "dans la mesure où l'article 308 du Code de procédure pénale, d'une part, fixe le principe de l'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises, d'autre part, prévoit que cet enregistrement peut être utilisé devant la cour d'assises jusqu'au prononcé de l'arrêt, y compris lors du délibéré, ainsi que devant la cour d'assises statuant en appel et la cour d'assises de renvoi après cassation ou annulation ; qu'en outre, l'absence d'enregistrement peut influer sur l'instruction d'une recours en révision ; que dès lors, le dernier alinéa de cet article, en ce qu'il permet de déroger au principe d'enregistrement sonore des débats de manière discrétionnaire, est susceptible de porter atteinte au droit à un recours effectif et au principe d'égalité entre les justiciables".
Le Gouvernement soutenait qu'il ne pouvait y avoir de rupture d'égalité dans l'exercice d'un droit dans la mesure où l'enregistrement ne constituait pas un droit mais une simple mesure de bonne administration de la justice. Selon le Gouvernement, la transformation, par l'effet de la loi du 20 juin 2014, d'une faculté en une obligation ne modifiait pas la nature de cet élément.
Le Conseil constitutionnel estime que le droit à l'enregistrement ne constitue pas une mesure d'administration judiciaire : "le législateur a conféré aux parties un droit à l'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises". En effet, en 2014, la faculté d'enregistrement devient un droit reconnu à l'accusé : la faculté, qui était une mesure d'administration, devient un droit reconnu à tous les accusés.
Le Conseil constitutionnel estime en conséquence "qu'en interdisant toute forme de recours en annulation en cas d'inobservation de cette formalité, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789".
B - L'étendue de la censure
Le Conseil constitutionnel abroge le dernier alinéa de l'article 308 du Code de procédure pénale.
L'abrogation immédiate de la disposition aurait eu pour conséquence d'empêcher la tenue des procès d'assises se déroulant dans une cour non munie d'un dispositif d'enregistrement. Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et prononce une déclaration d'inconstitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : A3193EPX), l'article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH) prévoit dans son deuxième alinéa qu'il fixe la date de l'abrogation, soit à compter de la publication de la décision, soit à compter d'une date ultérieure fixée par la décision et "détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause". Le Conseil constitutionnel décide donc, compte-tenu des conséquences manifestement excessives qu'aurait une abrogation immédiate, de différer l'abrogation du dernier alinéa de l'article 308 du Code de procédure pénale au 1er septembre 2016 afin de laisser le temps aux cours d'assises qui ne le sont pas de s'équiper du dispositif nécessaire et/ou au législateur d'adapter le texte. En effet, les dispositions du dernier alinéa de l'article 308 qui font l'objet d'une abrogation ne s'appliquent pas seulement à l'enregistrement mais également aux autres dispositions contenues dans l'article 308. La méconnaissance de certaines de ces obligations ne doit pas en effet forcément entraîner la nullité de la procédure.
Le Conseil constitutionnel précise également que "les arrêts de cours d'assises rendus jusqu'à cette date du 1er septembre 2016 ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité" (considérant 6).
Enfin, il doit être rappelé que même à partir du 1er septembre 2016, la nullité des débats tenus en l'absence d'enregistrement sonore sera subordonnée, conformément à l'article 802 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4265AZY), à ce que cette absence d'enregistrement ait eu "pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne".
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Réf. : Cons. const., décision n° 2015-506 QPC, du 4 décembre 2015 (N° Lexbase : A4920NYU)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 15-19.597 (N° Lexbase : A4927NY7)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 2 décembre 2015, n° 14-25.756, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2715NY9)
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Le 10 Décembre 2015
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