La lettre juridique n°59 du 20 février 2003

La lettre juridique - Édition n°59

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Crédit d'impôt recherche (CIR) : activités éligibles et définition du personnel de recherche

Réf. : CAA Paris, 2ème ch., A, 18 décembre 2002, n° 00PA00116, S.A. Goupil Créations c/ Administration fiscale (N° Lexbase : A7552A4H)

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N6073AA8

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Le 28 Août 2014

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris le 18 décembre 2002 permet de revenir sur les conditions mal connues du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche. Rappelons qu'aux termes de l'article 244 quater B du CGI , les entreprises industrielles, commerciales et agricoles imposées selon un régime de bénéfice réel qui effectuent des dépenses de recherche, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt de 50 % calculé sur l'augmentation des dépenses de recherche de l'année par rapport à la moyenne des dépenses des deux années précédentes (1). Ouvrent droit au crédit d'impôt les dépenses affectées à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique définies par l'article 49 septies F de l'annexe III au CGI . Ces opérations couvrent les trois domaines de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et du développement expérimental (réalisation de prototypes ou installations pilotes).

I. La notion d'"état des techniques existantes"

Statuant sur le caractère d'opérations de développement expérimental éligibles au CIR, les juges d'appel considèrent qu'une société ne produit pas devant la cour d'éléments précis permettant d'apporter la preuve qu'elle se ne s'est pas bornée à une simple utilisation de l'état des techniques existantes lors de la création de sa collection de lampadaires. La notion d'"état des techniques existantes" a été définie par l'annexe III de l'instruction du 21 janvier 2000 (BOI n° 4 A-1-00 N° Lexbase : X6196AAQ). Cette dernière précise que l'état des techniques existantes est constitué par toute connaissance accessible au moment des travaux de recherche-développement et utilisable par l'homme du métier normalement compétent dans le domaine en cause sans qu'il ait besoin de faire preuve d'une activité inventive.

En pratique, il appartient donc à l'entreprise d'établir la consistance et la nature des dépenses de développement expérimental qu'elle a effectivement engagées (CAA Nantes 16 dec. 1997, n° 95NT00892, 1° ch. SA Cofininvest c/ Administration fiscale N° Lexbase : A0533A7U). Par ailleurs, elle doit prouver que les opérations de développement expérimental ont été entreprises en vue de l'amélioration substantielle du procédé existant (CAA Nantes 16 fevr. 1999, n° 96NT01377, 1° ch., Ste La Seconde c/ Administration fiscale N° Lexbase : A6825BHA). Selon l'article 49 septies F de l'annexe III au CGI, " par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté". Ainsi, la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 11 mars 1999, n° 95NC02013, 2° ch., SARL Sté informatique nationale c/ Administration fiscale, N° Lexbase : A0534A7W) a décidé que, pour bénéficier du crédit d'impôt recherche, une entreprise qui a développé un logiciel doit établir que sa mise au point est le fruit d'une démarche de recherche impliquant la mise en oeuvre de moyens techniques et humains spécifiques afin de réaliser un produit ou procédé innovant, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard aux connaissances techniques courantes à l'époque considérée, par un utilisateur professionnel averti, par simple développement ou adaptation des dites techniques. La doctrine indique, dans le même sens, qu'il faut démontrer l'originalité, le caractère innovant des développements en mettant en évidence les difficultés techniques rencontrées, les progrès accomplis, les résultats obtenus, l'originalité de la solution retenue, les avantages sur la concurrence (2).

En l'espèce, la cour administrative d'appel de Paris a exclu du bénéfice du dispositif CIR la SA Goupil Créations qui a réalisé des travaux afin de commercialiser des lampadaires halogènes à une époque où le procédé de fabrication était déjà connu. Dans ce cas, on ne se situe pas dans le cadre de la recherche-développement mais plutôt dans le cadre d'opérations de conception et de production exclues du domaine de la recherche. En effet, le procédé de fabrication était en grande partie "fixé" et l'objectif principal était de trouver des débouchés, et non d'apporter des éléments d'orientation pour la conception du procédé.

II. Le personnel entrant dans le champ d'application du crédit d'impôt

Outre l'absence d'innovations techniques apportées au procédé existant, la juridiction d'appel a considéré que le président directeur général et le chef d'atelier qui ont seuls participé à la création de la gamme de lampadaires halogènes n'entrent pas spécifiquement dans la catégorie des personnels de recherche visés par l'article 49 septies G de l'annexe III au CGI . Il résulte, en effet, de cette disposition que seules les dépenses de personnel afférentes à des chercheurs (scientifiques ou ingénieurs (3)) et aux techniciens travaillant avec eux peuvent être prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt.

Pour être qualifiés de personnel de recherche, le président directeur général et le chef d'atelier auraient dû exercer, parallèlement à leurs fonctions d'encadrement, une activité de recherche en collaboration avec des chercheurs. Cette solution n'est pas nouvelle puisque la cour administrative d'appel de Paris avait considéré, par un arrêt du 11 février 1999 , que "ne peut être regardé comme un technicien de recherche, au sens de l'article 49 septies G de l'annexe III au CGI, le président directeur général et directeur technique d'une société titulaire d'un brevet de technicien supérieur dès lors qu'il ne travaille pas en collaboration avec des chercheurs".

En définitive, la mise en place du CIR doit être suffisamment justifiée tant sur le plan de la forme que du fond pour prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 244 quater B du CGI.

Déborah Aflalo
Docteur en droit


(1) L'arrêt fait référence à l'ancien article 244 quater B du CGI qui disposait que le crédit d'impôt est égal à 25 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours d'une année par rapport aux dépenses de même nature exposées au cours de l'année précédente.

(2) J.-P. Thiet, M. Pamokdjian, V. Mailley, P. Duvaux, Guide pratique du crédit d'impôt recherche, éd. Eska, 1997.

(3) Certains salariés sont considérés comme assimilés à des ingénieurs : voir l'instruction du 21 janv. 2000 (BOI 4 A-1-00).

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