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N3092BU3
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 10 Juillet 2014
D'abord, si la justice peut être aveugle, ce n'est pas quand elle est rendue qu'elle est atteinte de cécité, mais par ses effets, induits de l'application de la loi et de la jurisprudence constante. Ensuite, si le procès équitable oblige à une impartialité des juges, cela ne signifie en rien qu'il est ôté à ces derniers toute subjectivité. La justice de l'Homme est rendue par les hommes et son essence est l'appréciation subjective d'une situation de fait au regard du droit : on ne peut pas faire plus personnelle comme institution humaine que la justice. Et, vouloir interdire qu'y soit véhiculée tout idée politique, au sens platonicien justement, toute morale républicaine par exemple, voire toute conception des droits de l'Homme si singulière aux pays occidentaux, c'est confondre l'impartialité avec la dictature de la loi : ce concept fondamental, indépassable, presque transcendant du machiavélisme qui réapparaît actuellement auprès des théoriciens du Kremlin face aux oligarques effrontés.
L'impartialité tant invoquée, ces derniers temps, ce n'est pas l'absence de subjectivité du juge ou de la justice ; mais la recherche d'un équilibre entre cette même subjectivité inhérente donc aux juges et l'application abstraite, et sans détour, d'une loi qui, même si elle tend à défendre, parfois, les intérêts du justiciable, est trop absconse ou éloignée de la réalité sociale, économique ou culturelle, du pays de son adoption pour que, justement, justice soit rendue.
Et, finalement, en matière d'impartialité, la justice sait, elle-même, reconnaître lorsque cet équilibre est rompu et que la subjectivité submerge le procès. Il n'est point besoin d'affaire médiatique ou de justiciable cathodique pour s'en convaincre. La matière prud'homale est sans doute la plus encline à cette autorégulation nécessaire à la crédibilité de la justice échevinale.
Dernièrement, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que le fait qu'une partie exerce habituellement les fonctions de défenseur syndical devant une juridiction prud'homale est de nature à créer un doute sur l'impartialité objective de cette juridiction, alors qu'à la suite du dépôt par la salariée, d'une requête devant le conseil de prud'hommes, aux fins d'obtenir l'annulation d'une sanction disciplinaire prononcée à son encontre, l'employeur avait demandé le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction en invoquant la suspicion légitime liée aux fonctions de défenseur syndical occupées par la salariée devant ce conseil de prud'hommes. De la même manière, si toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, on sait que cela implique qu'un conseiller prud'homal n'exerce pas de mission d'assistance ou de représentation devant le conseil de prud'hommes dont il est membre. Et, un arrêt d'appel doit être censuré lorsque sa motivation fait ressortir l'hostilité du juge envers les activités syndicales du salarié. Egalement, n'est pas compatible avec l'exigence d'impartialité le fait pour une cour d'appel de qualifier d'indécentes les prétentions du demandeur.
Mais, la participation de représentants d'organismes d'Assurance maladie dans une section d'un conseil de l'Ordre ne remet pas en cause l'impartialité de cette section, même lorsque l'affaire examinée porte sur un litige avec une caisse d'Assurance maladie. Et, la circonstance qu'un membre du conseil de prud'hommes, ne figurant pas dans la composition de la section appelée à statuer sur l'affaire, ait donné publiquement son opinion sur le litige n'est pas de nature à mettre en cause l'impartialité de l'ensemble de ses membres. La cour d'appel, qui a constaté que l'auteur des propos tenus à l'encontre de l'employeur n'appartenait pas à la section saisie du litige, a pu décider qu'il n'existait aucune raison objective de douter de l'indépendance et de l'impartialité du conseil de prud'hommes justifiant le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime.
La rupture d'équilibre entre la subjectivité des juges et la dictature de la loi relève donc d'une appréciation in concreto. Le simple fait qu'un juge ait une activité syndicale, qu'une juridiction soit par essence paritaire, que certains de ses membres aient le verbe haut dans les médias, n'induit pas nécessairement que la section chargée d'instruire le procès et, plus singulièrement, le juge chargé de rendre une décision impartiale dévie de ce savant équilibre qui lui incombe de réaliser pour sauvegarder la légitimité de l'institution dont il est l'officier.
Certes, ne nous voilons pas la face, cet équilibre n'est pas toujours au rendez-vous et l'impartialité de la justice aura tôt fait de passer pour un mythe.
Mais, la balance ne penche pas toujours dans le sens de la concussion. Et, il arrive même, parfois, que la loi et la subjectivité échevinale concourent sinon à la même... injustice, du moins à la même incompréhension des justiciables pour leur justice.
Ainsi, pour la Haute juridiction, le refus d'une partie du personnel de travailler à nouveau avec le salarié investi d'un mandat représentatif pour des motifs écartés par l'autorité administrative ne peut suffire à caractériser une impossibilité absolue de réintégrer celui-ci dans son poste. La Cour de cassation valide ainsi une anomalie sociale et économique : le retour à son poste d'un représentant du personnel mis à pied pour fait de harcèlement, avec lequel une partie du personnel sous son encadrement refusait de travailler à nouveau. Le salarié qui avait été réintégré, son poste étant cependant aménagé pour lui retirer la gestion du personnel de l'atelier où étaient affectées les personnes à l'origine de la mise en oeuvre de la procédure tendant à son licenciement, contestait cet aménagement.
Cette décision s'inscrit en dehors de tout réalisme social, de toute réalité de l'entreprise ; or le réalisme n'est pas affaire d'impartialité, mais de volonté, selon la philosophie schopenhauerienne, notamment. Il est des fois où la subjectivité des juges pourrait conduire, justement, à une meilleure justice... non au regard de la loi absolue, mais pour les justiciables.
"La justice de l'intelligence est la sagesse. Le sage n'est pas celui qui sait beaucoup de choses, mais celui qui voit leur juste mesure" ; pour en revenir, toujours et encore, à Platon.
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N2951BUT
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par Jean-Paul Lévy, Ancien membre du conseil de l'Ordre, Ancien membre du Conseil national des barreaux
Le 10 Juillet 2014
Ce système particulièrement large concerne toutes les interceptions de communications radioélectriques (téléphone, fax, courriels), il explique l'inflation des mesures d'intrusion ainsi pratiquées (600 000 pour la seule année 2013).
Ces atteintes sont d'autant plus graves qu'elles peuvent prendre pour cibles les cabinets d'avocats ou les avocats eux-mêmes. Aujourd'hui en vertu de l'article 100-7 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5915DYQ) l'interception peut être pratiquée par les policiers sur commission rogatoire du juge sur la ligne du cabinet ou du domicile après un simple avis donné par ce magistrat au Bâtonnier.
Bien plus, au titre de l'article 100-5 (N° Lexbase : L3498IGN) du même code, la police judiciaire qui transcrit "la correspondance utile à la manifestation de la vérité" après en avoir écouté la teneur n'est dispensée de ce faire que dans le cas "des correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense".
Qui sera donc décisionnaire de la transcription de ce que l'on nomme l'écoute indirecte, elle-même ordonnée sans recours par le magistrat ? La réponse est simple : la police et elle seule.
Un tel fonctionnement est profondément attentatoire aux libertés individuelles et plus particulièrement à la liberté de la vie privée garantie par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR), car l'interception des communications de l'avocat est décidée par le juge seul, sans recours, et s'agissant de l'écoute indirecte, seule la police est à même d'apprécier sans contrôle si la conversation est ou non protégée par le secret professionnel.
Situation paradoxale lorsque l'on sait que la correspondance entre l'avocat et son client détenu est inviolable par l'administration pénitentiaire.
Mais bien plus les dispositions de l'article 56-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3557IGT) protègent le secret professionnel en instaurant la présence obligatoire du Bâtonnier ou de son représentant dans les perquisitions menées par un magistrat au cabinet, domicile ou résidence secondaire de l'avocat, elles font du juge des libertés le juge du secret, seul habilité à ouvrir les scellés fermés contenant les documents réputés protégés par le Bâtonnier lors de la perquisition.
Pourquoi dans de telles conditions admettre la persistance d'un régime d'exception, s'agissant des communications radioélectriques alors que celles-ci constituent aujourd'hui dans une société de l'information la majeure partie des échanges avocats-clients ?
Cette situation apparait d'autant plus choquante que l'avocat "intercepté", fut-ce indirectement, dès lors qu'il n'aura pas été mis en examen ou placé en position de témoin assisté n'aura aucun moyen de voir contrôler a posteriori la régularité de telles opérations qui ne sont décidées que par le magistrat instructeur par décision non juridictionnelle.
Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, dans trois décisions successives (Cons. const., décisions n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 N° Lexbase : A9174MHA, n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4069MIK et n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8257MIN), au visa de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L6813BHS), "il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction" ajoutant que le "respect des droits de la défense [...] implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties".
Dans de telles conditions, il apparaît que le dispositif des articles 100-5 et 100-7 du Code de procédure pénale peut être considéré comme inconstitutionnel : la sagesse serait donc de le réformer profondément et de rédiger de nouveaux textes dans le sens des propositions faites par la profession d'avocat le 20 mars 2014 au Président de la République.
Ainsi pourrait-on prévoir que la décision motivée du juge d'intercepter les conversations d'un avocat ne puisse être prise que "s'il existe préalablement à la mesure, des indices graves et concordants laissant présumer que l'avocat participe ou a participé à la commission d'un crime ou d'un délit et qu'il s'agit de l'unique moyen d'en établir la preuve".
Il conviendrait "d'interdire en tous cas la transcription des conversations d'un avocat relevant des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel" et de "limiter la transcription des conversations interceptées à celles faisant présumer la participation de l'avocat à une infraction".
Il est de plus proposé de soumettre la décision du juge de placer sous écoute un avocat au contrôle du juge des libertés et de la détention ou de la chambre de l'instruction ou encore à celui du président du TGI ou bien encore à la Commission de contrôles des interceptions de sécurité sous réserves d'une composition respectant la séparation des pouvoirs.
Enfin, la profession demande que le Bâtonnier, toujours informé de la décision qui sera prise, soit présent lors des audiences relatives à son renouvellement.
La réponse des pouvoirs publics se faisant attendre, faudra-t-il en passer par une question prioritaire de constitutionnalité ?
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Réf. : Décret n° 2014-739 du 30 juin 2014 relatif à l'information préalable du consommateur en matière de frais bancaires (N° Lexbase : L6152I3A)
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N3071BUB
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Le 12 Juillet 2014
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 25 juin 2014, n° 359359, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2850MTQ)
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N3083BUQ
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Le 10 Juillet 2014
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 25 juin 2014, n° 349241, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2838MTB)
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N3096BU9
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Le 12 Juillet 2014
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Réf. : Projet de loi de finances rectificative pour 2014
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N3099BUC
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Le 11 Juillet 2014
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N3054BUN
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 10 Juillet 2014
Lexbase : Qu'est-ce que le crowdfunding et quelles sont les différentes formes de crowdfunding en France ?
Isabelle Vendeville : Le financement participatif, appelé également crowdfunding, est un mode de financement de projets ou sociétés "par la foule", donc par un nombre important de personnes.
Les plateformes de crowdfunding utilisent internet comme vecteur de mise en relation entre les porteurs de projet et les personnes souhaitant investir dans ces derniers.
Le développement que connaît actuellement ce mode de financement s'explique par la réunion de plusieurs facteurs :
- la nécessité de trouver des solutions à la pénurie de financement bancaire dont souffrent les start-up et les PME ;
- face à la médiatisation des plans sociaux engagés dans les grandes entreprises, l'entrepreneuriat est mis en avant, comme l'une des solutions possibles à la crise ;
- basé initialement et encore assez largement sur le don, le crowdfunding comporte une dimension sociale et humaine ;
- le financement participatif, parce qu'il est accessible, permet aujourd'hui à chacun, et en fonction de ses moyens, de s'associer à un projet ;
- l'objectif de l'investisseur n'est plus seulement financier, il souhaite également participer à une aventure entrepreneuriale.
Le financement participatif est un concept protéiforme qui se décline en plusieurs actions : don, prêt, en capital,... et leurs dérivés.
(i) Le don : l'épargnant verse une somme d'argent pour permettre au projet de se développer et reçoit une contrepartie non financière, comme la prévente (l'internaute participe au financement d'un produit high tech dont il pourra recevoir un exemplaire en avant-première), l'affichage de son nom au générique si c'est un film, la distribution de goodies...
(ii) Une participation aux fonds propres de la société : l'épargnant devient actionnaire de la start-up. Il est rémunéré sous forme de dividendes et/ou par la plus-value réalisée lors de la cession des titres.
(iii) Le prêt : l'épargnant perçoit alors un intérêt (ou consent un prêt sans intérêt).
Le rôle des plateformes de crowdfunding est à la fois (i) d'identifier des projets prometteurs, et de vérifier leur viabilité, (ii) trouver les investisseurs, (iii) les mettre en relation avec les porteurs de projets et, enfin, (iv) faciliter leurs relations futures (dématérialisation des relations actionnaire/société).
Lexbase : Quels sont les dispositifs fiscaux de faveur dont peut bénéficier l'investisseur ?
Isabelle Vendeville : S'agissant du don et du prêt, il n'existe pas de dispositif fiscal incitatif, sous réserve des réductions d'impôt accordées dans le cadre du mécénat. Ainsi, les dons aux oeuvres ou organismes d'intérêt général (limitativement énumérés) bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu de 75 % du don, plafonnée, pour 2014 à 526 euros (CGI, art. 200 N° Lexbase : L3983I3W), ou une réduction d'ISF de 75 %, plafonnée à 50 000 euros (45 000 euros si le contribuable sollicite cumulativement la réduction ISF-Don et ISF-PME) (CGI, art. 885-0 V bis A N° Lexbase : L1125ITT).
Pour le don "avec contrepartie" versé à une société ou une plateforme, il est largement admis aujourd'hui en pratique, bien qu'aucun texte ne le prévoie expressément, qu'un épargnant particulier ne déclare pas l'opération, s'agissant de sommes "mineures". Ainsi, l'épargnant ne déduit pas la somme versée et n'impose pas la contrepartie à l'impôt sur le revenu.
S'agissant de l'investissement en capital, il existe deux grands types d'incitatifs fiscaux :
- la réduction d'impôt sur le revenu ou d'impôt de solidarité sur la fortune "à l'entrée", lors de la souscription au capital ;
- l'exonération "à la sortie", dans le cadre d'un PEA ;
étant précisé que les deux avantages ne sont pas cumulables.
Il existe également un régime favorable applicable aux plus-values de cession de valeurs mobilières.
(i) ISF-PME (CGI, art. 199 terdecies-0 A N° Lexbase : L2867IXH) : la réduction d'impôt est de 50 %, plafonnée à 45 000 euros (soit un investissement de 90 000 euros). Cet avantage n'entre pas dans le plafond dit des "niches fiscales" (10 000 euros par an).
(ii) IR-PME (CGI, art. 885-0 V bis N° Lexbase : L0205IWI) : la réduction d'impôt est de 18 % jusqu'à 9 000 euros par personne (18 000 euros pour un foyer fiscal). Cet avantage entre dans le plafond ci-dessus.
Afin d'ouvrir droit aux réductions ISF et IR, la PME cible doit remplir certaines conditions. En particulier :
- la PME doit, pour la réduction IR, avoir moins de 50 salariés et moins de 10 millions d'euros de CA ou total de bilan (au moment de la souscription). Pour la réduction ISF, les seuils sont plus élevés (moins de 250 salariés, 50 millions d'euros de CA et 43 millions d'euros de bilan) ;
- avoir pour objet exclusif l'exercice d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ; ce qui exclut les activités immobilières ou de gestion de patrimoine, par exemple ;
- comporter au moins deux salariés à la clôture de l'exercice suivant celui de la souscription ;
- elle doit être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion ; et être créée depuis moins de 5 ans (pour le bénéfice de la réduction IR seulement) ;
- les versements reçus par la société (bénéficiant d'un avantage IR ou ISF) ne peuvent excéder 2,5 millions d'euros par an ;
- les souscriptions/souscripteurs ne doivent bénéficier d'aucune garantie en capital et/ou avantages directs ou indirects (par exemple, des tarifs préférentiels) ;
- les titres souscrits doivent être conservés au moins 5 ans.
Des conditions particulières s'appliquent en cas de souscription par l'intermédiaire d'une holding.
(iii) PEA
Le PEA prévoit une exonération des dividendes et plus-values de cession de titres, sous réserve que le plan ait été conservé 5 ans au moins (CGI, art. 157 N° Lexbase : L1411IZB). Les prélèvements sociaux (15,5 % aujourd'hui) demeurent applicables. Depuis le 1er janvier 2014, il existe deux types de plans : le PEA "classique", dont le plafond de versements est de 150 000 euros (300 000 euros pour un couple) et le PEA "PME-ETI", dont le plafond est de 75 000 euros (150 000 euros pour un couple).
(iv) Plus-value de cession de valeurs mobilières
Les plus-values de cession de valeurs mobilières sont imposées au barème progressif de l'impôt sur le revenu, mais bénéficient d'abattement pour durée de détention de 50 % entre 2 et 8 ans de détention et 65 % après 8 ans (CGI, art. 150-0 D, 1° ter N° Lexbase : L3995I3D). Un abattement dérogatoire (qui peut aller jusqu'à 85 % au-delà de 8 ans) s'applique en cas de cession de titres de PME, sous certaines conditions (CGI, art. 150-0 D, 1° quater).
L'abattement ne s'applique pas aux prélèvements sociaux (15,5 % à ce jour).
(v) Incitatif dédié aux entreprises investisseurs dans des PME "innovantes"
Le Gouvernement a souhaité favoriser le financement des PME innovantes par la mise en place d'un dispositif d'incitation au capital investissement d'entreprises.
Les sociétés soumises à l'IS qui investissent, directement ou par l'intermédiaire d'un fonds ou d'une société d'investissement (FCPR ou FCPI ou SCR), dans des PME innovantes pourront amortir leur investissement sur 5 ans, sous certaines conditions (CGI, art. 217 octies N° Lexbase : L3977I3P).
Cette mesure étant constitutive d'une aide d'Etat, son application est soumise à sa validation par la Commission européenne.
Lexbase : Quel est le régime fiscal des sommes reçues par le porteur de projet, au regard de l'impôt sur le revenu et de la TVA ?
Isabelle Vendeville : S'agissant du prêt ou de la souscription au capital, les règles "standard" s'appliquent. Les souscriptions sont comptabilisées au passif, en capital et primes d'émission de la société bénéficiaire et les prêts en dette (et en trésorerie à l'actif). La TVA n'est pas applicable.
S'agissant du don : (i) à défaut de contrepartie, il s'agit d'une libéralité pure et simple, soumise à impôt sur le revenu/sociétés pour le bénéficiaire personne physique ou morale.
(ii) S'il existe une contrepartie, en revanche, la somme perçue doit en principe être soumise à TVA. Encore faut-il -selon la jurisprudence- qu'il y ait une "relation nécessaire" entre le niveau des avantages retirés par le bénéficiaire du service et la contre-valeur qu'il verse au prestataire. Ainsi, dans le cadre d'une prévente, la somme versée devrait en principe être soumise à TVA, à l'inverse de contreparties "indirectes" (par exemple, le nom du donateur au générique d'un film financé).
Une clarification du régime serait opportune, d'autant que certaines plateformes font preuve de créativité quant aux "contreparties" proposées.
Lexbase : Pensez-vous qu'un régime fiscal spécifique au crowdfunding serait opportun ?
Isabelle Vendeville : On peut regretter que la réduction d'impôt sur le revenu ne soit pas plus importante, dans la mesure où il est souhaité d'ouvrir le financement à un plus grand nombre de personnes, et non plus uniquement à la famille et les amis ("love money") ou à des financiers avertis.
En Grande-Bretagne par exemple, la réduction d'impôt est plus importante : 50 % sur les investissements n'excédant pas 100 000 livres sterling (environ 125 000 euros). Les gains retirés (dividendes, plus-values) sont, en outre, exonérés d'impôt.
L'investissement dans les start-up est, par définition, risqué. Afin d'inciter les investisseurs, il pourrait être utile de permettre une déduction -partielle- de l'investissement en cas de perte/liquidation de la société.
Un des inconvénients majeurs du crowdfunding en capital est la multiplication des actionnaires au sein d'une start-up. Outre la complexité que cela entraîne en termes de gestion (que les plateformes traitent partiellement), le fondateur peut parfois perdre le contrôle de sa société. Les intérêts des fondateurs, d'une part, et des investisseurs, d'autre part, peuvent être très divergents, même s'ils convergent nécessairement, à long terme, vers le développement de l'entreprise, sa rentabilité et sa pérennité. Le pacte d'actionnaires assure en principe l'équilibre des relations financières, de pouvoir et de contrôle entre les parties. Il serait utile de pouvoir adapter les outils existants au fonctionnement des start-up.
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N3040BU7
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par Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et Avocat à la cour
Le 10 Juillet 2014
Le titre I du statut général des fonctionnaires, applicable aux agents de l'Etat (1), a instauré un congé de longue durée d'une durée de trois ans durant lesquels l'agent continue de percevoir son plein traitement. Ce congé peut être renouvelé pour deux années supplémentaires à demi-traitement (2). Le bénéfice de ce congé est réservé aux agents souffrant de certaines affections. Ces affections sont les suivantes : tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis.
La liste des affections prévues par le texte est limitative. Ainsi, le ministre de la Fonction publique a rappelé que l'agent souffrant d'une sclérose en plaques ou de la maladie de parkinson ne peut être placé en congé de longue durée. En revanche, il conserve la possibilité d'obtenir un congé de longue maladie, régi par l'article 34-3° du titre I du statut général, ce texte étant ouvert aux maladies présentant un "caractère invalidant et de gravité confirmée".
L'arrêt du 26 mai 2014 vient quelque peu assouplir la rigidité des conditions de placement en congé de longue durée, en considérant que les juges du fond exercent un contrôle sur le rattachement de la pathologie dont souffre l'agent aux catégories mentionnées par la loi, spécialement s'agissant des maladies dites "mentales". En l'espèce, une fonctionnaire avait produit au soutien de sa demande de congé de longue durée un certificat médical indiquant qu'elle souffrait d'un état anxio-dépressif chronique faisant obstacle à toute reprise du travail. Le recteur de l'académie de Créteil lui a refusé l'octroi d'un congé de longue durée et le tribunal administratif avait confirmé ce refus, en raison, selon le jugement, de l'absence de tout certificat médical identifiant une maladie de nature à ouvrir droit à un congé de longue durée. Le Conseil d'Etat censure ce raisonnement, estimant que les juges du fond ont inexactement qualifié les faits.
L'appellation "maladie mentale" fait référence à de nombreuses pathologies. Ainsi que le relève l'Organisation mondiale de la santé, "les troubles mentaux regroupent un vaste ensemble de problèmes, dont les symptômes diffèrent. Mais ils se caractérisent généralement par une combinaison de pensées, d'émotions, de comportements et de rapports avec autrui anormaux". Il n'existe donc pas une, mais des, maladies mentales, celles-ci étant répertoriées dans le chapitre V de la classification internationale des maladies (CIM-10). Pour cette raison, il incombe au juge administratif -quitte à solliciter un avis technique en application de l'article R. 625-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5882IGX)- de se prononcer sur le rattachement de la pathologie dont souffre l'agent à la catégorie générique de la maladie mentale. Tel est, pour le Conseil d'Etat, le cas d'un trouble anxio-dépressif chronique, diagnostiqué par un psychiatre.
Le régime des congés des fonctionnaires pour maladie procède à une distinction selon que la maladie qui rend l'agent inapte à l'exercice de ses fonctions peut, ou non, être rattachée au service. Lorsqu'elle est reconnue imputable à celui-ci, le statut général des fonctionnaires (3) permet à l'agent de conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Dans le cas contraire, le fonctionnaire sera placé à demi-traitement au terme d'un délai plus ou moins long (4). En outre, si l'agent n'a pu reprendre son service à l'expiration de l'ensemble de ses droits à congé, il se trouve placé en disponibilité d'office, sans traitement (5).
La question de l'imputabilité au service apparaît donc comme importante, du point de vue des droits pécuniaires de l'agent. Eu égard aux enjeux financiers qu'elle implique, le statut général a mis en place un processus formel strict. Ainsi, dans la fonction publique territoriale (6), concernée par le litige dont le Conseil d'Etat a été saisi, l'article 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 (N° Lexbase : L4961HD4), dispose que "la commission de réforme [...] est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 2°, 2ème alinéa, de la loi du 26 janvier 1984". Cette commission est organisée à l'échelon ministériel ou départemental, selon la fonction publique concernée. Elle repose sur un fonctionnement paritaire. L'obligation de consulter la commission de réforme ne disparaît que si l'administration reconnaît elle-même l'imputabilité au service.
L'arrêt rapporté rappelle que les employeurs publics ne peuvent s'affranchir de l'obligation de saisine de la commission de réforme lorsqu'ils entendent contester l'imputabilité au service d'une pathologie. En l'espèce, l'établissement public avait saisi la commission départementale de réforme mais avait également transmis le dossier de la requérante à une "commission de réforme interne". Le Conseil d'Etat censure, à juste titre, cette procédure, sans même chercher à savoir si les règles de fonctionnement de cette commission interne sont moins favorables que celles applicables à la commission de réforme. Il ressort de la motivation de l'arrêt commenté que la faculté de recueillir l'avis d'une instance ad hoc ne peut légalement s'exercer lorsqu'une disposition législative ou réglementaire a déterminé les conditions dans lesquelles les décisions administratives doivent être prises.
Cette solution n'est pas nouvelle. Elle correspond à une limite posée à la jurisprudence "Jamart" du 7 février 1936 (7). Cet arrêt met en lumière un principe général du droit suivant lequel tout chef de service peut, même en l'absence de disposition législative ou réglementaire l'y habilitant, prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité. A ce titre, les autorités administratives ont la faculté, le cas échéant, de s'entourer des avis qu'elles estiment utiles, avant de prendre les décisions d'organisation du service. Le Conseil d'Etat a toutefois précisé que cette faculté ne peut s'exercer que dans le respect des textes législatifs ou réglementaires qui en déterminent les modalités d'application (8). L'apport de l'arrêt commenté est qu'il annule un arrêté pris à la suite d'une double consultation, dont l'une seulement était prévue par les textes, le Directeur général des services de l'EPCI ayant saisi la commission interne parallèlement à la commission de réforme.
L'arrêt rapporté rappelle également que la décision prise par la communauté urbaine doit être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (N° Lexbase : L8803AG7). L'obligation de motiver le refus de reconnaître l'imputabilité au service n'est pas nouvelle (9), cependant, le Conseil d'Etat précise que l'exigence de motivation, en fait et en droit, ne s'impose que sous réserve des dispositions de l'article 4, alinéa 2, de la loi de 1979, qui précise que "les dispositions de la présente loi ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret". Dans le domaine des décisions portant sur l'état de santé des agents publics, le Conseil d'Etat a déjà jugé que le respect du secret médical s'impose, sans pour autant dispenser l'administration d'éclairer l'agent sur les raisons du refus qui lui est opposé (10).
Les fonctionnaires bénéficient, à l'instar des salariés du secteur privé, du droit de se retirer d'une situation professionnelle présentant un risque pour leur santé ou leur sécurité. Ce droit de retrait (auquel est associé un droit d'alerte) a, dans un premier temps, été perçu comme un principe général du droit, dont s'inspiraient les dispositions du Code du travail (11), avant d'être consacré par le pouvoir réglementaire (12). Ainsi, tout agent public dispose de la faculté de se retirer de "toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection" (13). Lorsqu'il est licite, l'exercice du droit de retrait ne peut donner lieu à aucune sanction, ni retenue sur traitement. En revanche, dès lors que le danger grave et imminent a disparu, la reprise du travail n'est pas subordonnée à une information préalablement délivrée par l'administration sur les mesures prises pour faire cesser la situation ayant motivé l'exercice du droit de retrait. Il n'appartient pas non plus à l'autorité hiérarchique d'inviter l'agent à réintégrer ses fonctions (14). Le retrait des fonctions présentant un caractère exceptionnel, le principe demeurant celui de l'obéissance hiérarchique, le défaut de reprise spontanée des fonctions à la fin de l'alerte justifie une retenue sur traitement, voire une sanction disciplinaire, si l'agent ne répond pas favorablement à une mise en demeure.
Avec l'arrêt rapporté du 18 juin 2014, le Conseil d'Etat vient préciser les conditions dans lesquelles l'autorité hiérarchique peut contester l'exercice du droit de retrait et, par voie de conséquence, enjoindre à l'agent de reprendre le service et procéder à des retenues pour service non fait.
En premier lieu, l'arrêt considère que la décision du chef de service n'a pas à être précédée de la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Si l'article 5-7 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 prévoit la réunion en urgence du CHSCT, ce n'est que dans l'hypothèse où il existe un désaccord entre le chef de service et le représentant du CHSCT quant à la réalité d'un danger signalé par ce dernier. En revanche, l'adoption d'une décision portant refus d'exercice du droit de retrait à l'encontre d'un agent l'ayant exercé n'a pas à être précédée de l'avis du CHSCT. Il convient ainsi de distinguer la divergence institutionnelle qui oppose le chef de service et le représentant du CHSCT dans l'exercice de son droit d'alerte, de la remise en cause par l'autorité hiérarchique du bien-fondé du droit de retrait individuel ou collectif. Jusqu'à présent, la jurisprudence administrative ne semblait pas faire de distinction, considérant que la consultation du CHSCT était obligatoire et que les irrégularités constatées lors de cette consultation constituaient des moyens opérants pour contester la décision de refus elle-même (15). Cette solution -implicite (16)- est infirmée par l'arrêt rapporté. Le jugement du tribunal administratif de Cayenne est donc annulé pour erreur de droit, en ce qu'il avait estimé que la décision du recteur de l'académie de Guyane était entachée d'un vice de procédure, faute pour le recteur d'avoir saisi le CHSCT préalablement à leur adoption.
En second lieu, l'arrêt commenté impose aux autorités administratives de respecter l'obligation de motivation des actes administratifs issue de la loi du 11 juillet 1979. Plus précisément, le Conseil d'Etat indique que "les décisions par lesquelles l'autorité administrative prend une sanction ou une retenue de salaire à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils estimaient, à tort, qu'elle présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, sont au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit et doivent être motivées en vertu de ces dispositions". Le droit d'alerte et de retrait représente donc un véritable droit pour les agents publics. A ce titre, il s'inscrit parmi les garanties statutaires dont bénéficient les fonctionnaires. Il apparaît comme la conséquence de l'obligation pour les employeurs publics d'assurer à leur personnel des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique durant leur travail (17). De plus, en tant que juge du référé-liberté (CJA, art. L. 521-2 N° Lexbase : L3058ALT), le Conseil d'Etat a admis que l'invocation du droit de retrait puisse se rattacher au droit au respect de la vie, protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (18). Il incombera donc aux chefs de service de préciser les motifs de droit et de fait qui les conduisent à s'opposer à l'invocation du droit de retrait, ce qui a été le cas dans l'affaire jugée le 18 juin 2014.
Si le droit de retrait se trouve ainsi consacré, en tant que droit statutaire, il n'en demeure pas moins que les agents doivent justifier du bien-fondé du refus d'exercer leurs fonctions. Sur ce point, le Conseil d'Etat exerce un contrôle normal, conformément à la jurisprudence inaugurée par l'arrêt "Ministre de la défense" du 16 décembre 2009 précité. Dans l'espèce commentée, la requête des agents est rejetée au motif que les risques sanitaires liés à la présence de déjections de chauves-souris dans plusieurs salles de l'école ne sont pas établis, mais également que les défectuosités affectant la toiture et les toilettes de cette école ne présentent pas un danger grave et imminent pour la vie des personnes, au sens des dispositions précitées du I de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982.
(1) Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, art. 34-4° (N° Lexbase : L7077AG9).
(2) Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.
(3) Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. 57-2, alinéa 2 (N° Lexbase : L7448AGX) (titre II du statut général des fonctionnaires). Des dispositions identiques existent dans les fonctions publiques d'Etat et hospitalière.
(4) Selon que l'agent relèvera d'un congé de maladie ordinaire, d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée.
(5) Voir, par exemple, l'article 72 du titre II du statut général des fonctionnaires.
(6) Les deux autres branches de la fonction publique reprennent les mêmes règles.
(7) CE, 7 février 1936, n° 43321, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8004AY4), p. 172.
(8) CE, Sect., 8 janvier 1982, n° 17270, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8223AKR), p. 1 ; CE 1° et 4° s-s-r., 28 juillet 1999, n° 188196, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5319AXB).
(9) CE 3° s-s., 15 mai 2013, n° 348332, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5354KDN) ; CE 4° et 5° s-s-r., 17 janvier 2011, n° 328200, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1546GQC) ; CE 3° s-s-., 23 juillet 2010, n° 312174, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9875E4I).
(10) CE 1° et 6° s-s-r., 9 juin 2006, n° 275938, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A8342DPN) ; CAA Douai, 21 novembre 2002, Min. Equip., Transp., Log. c/ Lance, AJDA, 2003, p. 510 ; TA Poitiers, 1er juin 2006, n° 0502125 (N° Lexbase : A3132DUK), JCP éd. A, 2007, n° 2019, nos obs..
(11) C. trav., art. L. 4131-1 (N° Lexbase : L1463H93) à L. 4132-5. Cf. TA Besançon, 10 octobre 1996, P. Glory c/ Commune de Chatenoy-Les-Forges, Dr. soc., 1996, p. 1034, concl. Moulin, LPA, 23 juillet 1997, p. 35, note Portet.
(12) Décret n° 82-453 du 28 mai 1982 (N° Lexbase : L3033AI8), art. 5, 6 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2011-774 du 28 juin 2011 (N° Lexbase : L6683IQL). Voir, également, la circulaire FP B9 2011 du 8 août 2011.
(13) Décret n° 82-453 du 28 mai 1982, préc., art. 5-6-I.
(14) CE 3° et 8° s-s-r., 2 juin 2010, n° 320935, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2050EYL), AJDA, 2010, p. 2157, note N. Guillet. Lire nos obs., Lexbase Hebdo n° 402 du 8 juillet 2010 - édition publique (N° Lexbase : N6179BPK).
(15) CE 2° et 7° s-s-r., 16 décembre 2009, n° 320840, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6012EPD), AJDA, 2010, p. 506, concl. N. Boulouis.
(16) Mais explicitée par les conclusions du rapporteur public.
(17) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3) (titre I du statut général), art. 23.
(18) CE, référé, 2 décembre 2011, n° 354445, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1823H4B), décision concernant l'affaire jugée au fond par l'arrêt rapporté.
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Réf. : Loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014, relative aux activités privées de protection des navires (N° Lexbase : L6141I3T)
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N3069BU9
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Le 11 Juillet 2014
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Réf. : Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-19.626, F-P+B (N° Lexbase : A2769MTQ)
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N3080BUM
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Le 10 Juillet 2014
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Réf. : Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-21.929, FS-P+B (N° Lexbase : A4415MSC)
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N3065BU3
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Le 10 Juillet 2014
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Réf. : Cass. soc., 24 juin 2014, n° 13-10.301, FS-P+B (N° Lexbase : A1647MSS)
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N3057BUR
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 10 Juillet 2014
Résumé.
Faute de procurer un avantage aux salariés, la décision par laquelle, en l'absence de délégué syndical, l'employeur instaure le repos compensateur de remplacement prévu à l'article L. 3121-24 du Code du travail (N° Lexbase : L3735IBX), ne constitue pas un acte soumis aux règles de dénonciation des engagements unilatéraux et devient caduque après que les conditions de son existence, ayant disparu par suite de l'assujettissement de l'entreprise à l'obligation annuelle de négocier, il ne lui a pas été substitué un accord collectif dans le délai imparti pour cette négociation. |
Commentaire
I - Caducité de la décision de substituer un repos compensateur de remplacement
Cadre juridique. L'employeur est, dans l'entreprise, amené à prendre quotidiennement des dizaines de décisions, dans le cadre de son pouvoir de gestion, dont le régime n'est pas toujours défini précisément par le Code du travail. Il appartient alors à la jurisprudence d'en préciser les règles, soit en faisant référence à des régimes bien identifiés, comme celui des usages et des engagements unilatéraux de l'employeur, soit en dégageant des solutions au gré des affaires et des prérogatives concernées, comme le démontre cette décision, en date du 24 juin 2014.
De la mise en place du repos compensateur de remplacement. Il s'agissait ici du droit reconnu à l'employeur, par l'article L. 3121-24 du Code du travail, de substituer aux majorations dues aux salariés qui accomplissent des heures supplémentaires un repos compensateur de remplacement, lorsque l'entreprise est dépourvue de délégué syndical et n'est pas soumise à la négociation annuelle obligatoire.
Mais quel est le régime applicable à cette "décision" prise par l'employeur ? Est-elle soumise au régime général applicable aux engagements unilatéraux ? Et, singulièrement, prend-elle fin lorsqu'un délégué syndical est finalement désigné ?
Telles sont les questions auxquelles la Cour de cassation répond dans cette décision.
Les faits. Un "accord" atypique instaurant un repos remplaçant partiellement le paiement de certaines heures supplémentaires et leurs majorations, par un repos compensateur de remplacement, avait été "conclu" en 2004, entre la direction de l'entreprise et les deux délégués du personnel de l'entreprise, en l'absence de délégué syndical. Quelques mois plus tard, en 2005, l'entreprise avait été intégrée dans une UES, dans le cadre duquel un délégué syndical allait être désigné. Après que les sociétés composant l'UES furent absorbées en 2006, trois salariés issus de la première entreprise saisirent le juge prud'homal, afin d'obtenir un rappel d'heures supplémentaires, au titre des années couvertes par l' "accord" conclu avec les délégués du personnel, et obtinrent partiellement gain de cause, pour la seconde des deux années concernées (2006), la Cour d'appel ayant considéré que la substitution du repos compensateur de remplacement au paiement de la majoration avait cessé de produire effet à la date de la mise en place de l'UES, à compter du 1er janvier 2006, dès lors que l'entreprise s'était dotée d'un délégué syndical et qu'elle se trouvait désormais sous le régime de la négociation annuelle obligatoire.
L'employeur contestait cette condamnation dans le cadre du pourvoi, et considérait que la "décision", prise en 2004, d'instaurer un repos compensateur de remplacement, valait tant qu'elle n'avait pas été régulièrement dénoncée, ou remplacée par un accord d'entreprise, la constitution d'une UES et la désignation d'un délégué syndical n'ayant pu rendre cette décision caduque.
Ces arguments n'ont pas convaincu la Haute juridiction qui rejette le pourvoi.
La solution. La Cour de cassation procède ici en deux étapes.
Elle commence tout d'abord par déterminer, de manière négative, le régime applicable à la décision prise par l'employeur, de substituer le repos compensateur de remplacement : cette décision, "faute de procurer un avantage aux salariés, [...] ne constitue pas un acte soumis aux règles de dénonciation des engagements unilatéraux".
Elle apporte, ensuite, une précision concernant le régime de cette décision qui devient "caduque après que les conditions de son existence ayant disparu par suite de l'assujettissement de l'entreprise à l'obligation annuelle de négocier, il ne lui a pas été substitué un accord collectif dans le délai imparti pour cette négociation". Or, dans cette affaire, la cour d'appel avait constaté "que l'accord du 22 février 2005, reconnaissant [que] l'existence d'une unité économique et sociale entre la société Gagne et trois autres sociétés s'était accompagné de la désignation, à cette même date, d'un délégué syndical pour l'ensemble de l'unité et qu'aucun accord relatif au remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur n'avait été conclu à l'issue du délai imparti pour la négociation annuelle obligatoire, c'est à bon droit qu'elle a décidé que la décision unilatérale par laquelle l'employeur avait mis en place un tel repos compensateur avait cessé de produire effet, de sorte que les salariés avaient droit au paiement des heures supplémentaires accomplies au cours de l'année 2006".
Ce sont ces deux affirmations qui méritent d'être discutées.
II - La primauté donnée aux dérogations négociées
De la notion d'engagement unilatéral de l'employeur. Pour la Haute juridiction, la décision prise par l'employeur "ne constitue pas un acte soumis aux règles de dénonciation des engagements unilatéraux [...] faute de procurer un avantage aux salariés".
C'est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation nous livre cette définition de l'"engagement" de l'employeur qui doit "procurer un avantage" aux salariés. Cette analyse doit être approuvée.
Le régime commun aux usages d'entreprise et engagements unilatéraux pris par l'employeur correspond, en effet, à des actes juridiques, c'est-à-dire à des actes créateurs de droits, en l'occurrence pour les salariés, qui deviennent obligatoires par la seule volonté de l'employeur. Il doit donc y avoir "engagement" de l'employeur, c'est-à-dire création d'une "obligation" à la charge de l'employeur et d'une prérogative conférant aux salariés un droit. Or, tel n'est pas le cas de la substitution du repos compensateur de remplacement aux majorations pour heures supplémentaires qui correspond à l'exercice, par l'employeur, d'une prérogative légale spéciale, répondant à des conditions particulières dans le cadre d'un régime légal bien défini, et qui ne constitue qu'une simple modalité de la majoration due pour les heures supplémentaires ; en d'autres termes, il s'agit d'un droit de l'employeur, et non des salariés. Il était donc logique de considérer que cette décision devait être soumise à un régime particulier.
Décision de substitution et caducité. Plus étonnante est certainement l'analyse portant sur la caducité de cette décision, même si elle doit également être approuvée.
Pour la Cour de cassation, en effet, cette décision présente un caractère subsidiaire et ne peut intervenir que pour autant que l'entreprise ne dispose pas de délégué syndical. La Cour tire, sans doute, cette analyse de la lettre du texte lui-même dont le premier alinéa présente bien l'hypothèse d'une substitution par accord collectif, puis, dans le deuxième alinéa, l'hypothèse de l'entreprise dépourvue de délégué syndical et non-assujettie à la négociation annuelle obligatoire, au sein de laquelle l'employeur peut opter pour cette substitution, dès lors que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, lorsqu'ils existent, ont été informés de ce projet et qu'ils ne s'y sont pas opposés.
La lecture du texte n'indique, toutefois, pas de régime applicable à cette décision, et, singulièrement, ne dit rien de l'hypothèse dans laquelle un délégué syndical viendrait à être désigné dans une entreprise au sein de laquelle c'est l'employeur qui avait décidé de la substitution.
Pour l'employeur, demandeur au pourvoi, cette décision devait perdurer tant qu'elle n'avait pas été expressément dénoncée ou remplacée par un accord collectif intervenu dans l'entreprise, ce qui en assurait la survie dans l'hypothèse où aucun accord ne pourrait être conclu en ce sens avec le ou les délégués syndicaux.
Pour la Cour de cassation, au contraire, l'accord ne vaut que pour autant que les conditions négatives posées par le deuxième alinéa de l'article L. 3121-24 sont remplies, ce qui explique que, lorsqu'elles ne le sont plus, la décision devient "caduque", c'est-à-dire qu'elle disparaît avec les conditions de sa validité.
Sur un plan purement technique, la solution n'est pas incontestable. Il est, en effet, habituel de vérifier la réunion des conditions de validité d'un acte juridique, ou d'une décision, au moment de la naissance de cet acte ou de cette décision. Si ces conditions cessent, et sauf à ce que la loi ait expressément prévu leur disparition, l'acte ou la décision continue en principe de produire effet, jusqu'à ce qu'ils soient retirés, annulés ou remplacés dans les conditions du droit commun. Faut-il le rappeler, la caducité n'a pas été consacrée en droit français comme une cause générale d'extinction des obligations (1), et la jurisprudence n'y a recours que de manière très exceptionnelle (2), lorsque la disparition de l'acte concerné relève de l'évidence, notamment parce que la base textuelle sur laquelle il a été pris a disparu (3), ou que l'acte n'a plus aucun intérêt (4).
Or, tel n'était pas le cas ici, et c'est sans doute vers d'autres explications qu'il convient de se tourner. La caducité donne, en effet, tout son sens et son effectivité à la négociation collective qui doit s'engager, une fois nommé le délégué syndical dans l'entreprise, car si la décision de substitution ne pouvait être détruite que par un accord contraire, ou par sa dénonciation, alors il suffirait à l'employeur de ne pas conclure d'accord pour continuer à substituer le repos compensateur de remplacement, ce qui lui confèrerait un avantage considérable. Cette situation irait alors contre l'ambition de la loi, qui est non seulement de poser comme principe la majoration financière, mais également de subordonner la substitution à l'existence d'un accord collectif, dès lors que l'entreprise est en situation de négociation collective. On peut d'ailleurs lire, dans l'ordre de présentation des alinéas de l'article L. 3121-24 du Code du travail, un principe, celui de la dérogation par accord collectif, et une exception, celle de la décision unilatérale prise en l'absence de délégué syndical. Il semble donc également logique que le principe reprenne ses droits et que la décision ne vaille que pour autant qu'il n'y a pas de délégué syndical dans l'entreprise.
La solution reconnaissant la caducité de la décision prise par l'employeur, était donc, pour toutes ses raisons, bienvenue.
(1) La caducité a ainsi été prévue en cas de décès du bénéficiaire d'un testament du vivant du testateur : article 1039 du Code civil (N° Lexbase : L0199HP3).
(2) Ainsi, lorsqu'un accord de réduction du temps de travail, conclu pour bénéficier d'exonération de charges sociales, a été conclu dans une entreprise qui se trouve cédée, et qu'elle n'est plus juridiquement éligible aux exonérations, on considère alors que cet accord, dont la cause résidait dans la recherche des aides publiques, est devenu caduque puisque cette cause a disparu en cours d'exécution (Cass. soc., 17 juin 2003, n° 01-15.710, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8770C8C) : D., 2004, p. 97, note M.-C. Amauger-Lattes.
(3) M. Despax, Négociation, convention et accord collectifs, Traité de droit du travail, D., 1989, n° 180, p. 318, et 'hypothèse classique est celle de la caducité de l'arrêté d'extension en cas d'annulation de l'accord collectif concerné : dernièrement Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-40.142, F-D (N° Lexbase : A4145GCI).
(4) Il en va ainsi du mandat pour négocier un accord collectif, lorsque les conditions de cette négociation ne sont plus remplies : Cass. soc., 11 mai 2004, n° 02-41.755, FS-P+B (N° Lexbase : A1681DCA) : Dr. Soc. 2004, p. 921, et les obs. ; Cass. soc., 17 décembre 2008, n° 07-42.950, F-D (N° Lexbase : A9160EBU).
Décision
Cass. soc., 24 juin 2014, n° 13-10.301, FS-P+B (N° Lexbase : A1647MSS). Rejet (cour d'appel de Riom, 4ème chambre civile, 20 novembre 2012). Disposition visée : C. trav., art. L. 3121-24 (N° Lexbase : L3735IBX). Mots clef : heures supplémentaires ; repos compensateur de remplacement ; décision unilatérale ; délégué syndical ; caducité. Lien base : (N° Lexbase : E0373ETY). |
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Réf. : Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-14.622 et n° 13-14.662 FS-P+B+R (N° Lexbase : A2613MTX)
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Le 12 Juillet 2014
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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la responsabilité"
Le 10 Juillet 2014
La responsabilité du fait des produits défectueux pèse sur le producteur, à propos duquel l'article 1386-1 du Code civil (N° Lexbase : L1494ABX), issu de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 (N° Lexbase : L2448AXX) ayant transposé en droit interne la Directive 85/374 du 25 juillet 1985 (N° Lexbase : L9620AUT), prévoit qu'il "est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime". Il n'est pas question ici de revenir sur les difficultés suscitées par la mise en oeuvre de la responsabilité des fournisseurs, envisageable dans les conditions de l'article 1386-7 (N° Lexbase : L1375HIR), autrement dit à titre subsidiaire : après plusieurs condamnations de la France par la Cour de justice des Communautés européennes (1), le législateur a finalement cantonné la responsabilité du fournisseur au cas dans lequel le producteur ne pourrait pas être identifié, "à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée" (loi n° 2006-406 du 5 avril 2006 N° Lexbase : L9953HH4). Au-delà en effet de cette question, la détermination du producteur ne se fait pas, dans certains cas, sans quelques hésitations, comme en témoigne un intéressant arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, à paraître au Bulletin, en date du 4 juin 2014.
En l'espèce, une société avait vendu à deux autres sociétés un produit phytopharmaceutique pour lequel elle était titulaire d'une autorisation de mise sur le marché simplifiée lui permettant l'importation parallèle d'un produit d'une autre marque. Ce produit, utilisé pour traiter des parcelles de culture de pommes de terre, a provoqué la destruction des récoltes, les expertises réalisées ayant révélé que, par suite d'une erreur commise lors de la commande, le produit livré contenait une molécule toxique pour la pomme de terre, le meltsulfuron methyl, au lieu du rimsulfuron. L'assureur des acquéreurs les ayant indemnisés de ces pertes et n'ayant pu obtenir du vendeur et de son assureur le remboursement des indemnités versées, les a assignés en paiement. C'est dans ce contexte que l'assureur du vendeur a assigné en garantie le fournisseur du produit défectueux, lequel a d'ailleurs lui-même assigné son propre fournisseur.
On passera ici, afin de ne pas empiéter sur les prérogatives de nos collègues qui tiennent la chronique de droit des assurances, sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, portant sur la demande du vendeur tenant à la mise en oeuvre de la garantie de son propre assureur : la Cour de cassation casse, sous le visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), l'arrêt de la cour d'appel qui avait rejeté cette demande au motif que la garantie de l'assureur ne peut concerner que le secteur d'activité déclaré par l'assuré dans le contrat d'assurance, en l'occurrence "commerce de gros en produits phytosanitaires, principalement pour l'agriculture et l'horticulture", et que l'activité d'importation parallèle exercée par l'assurée, qui l'expose à la responsabilité de plein droit encourue par le producteur en application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, même si elle ne fabrique pas elle-même le produit, n'induisait pas le même risque que celui résultant du simple commerce de gros, de sorte que cette activité n'ayant pas été déclarée lors de la souscription de la police, elle n'entrait pas dans le champ d'application de la garantie. Pour censurer cette décision, la Haute juridiction relève "qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que l'importation parallèle de produits phytopharmaceutiques constituait une activité économique séparée de l'activité déclarée de commerce de gros de produits phytopharmaceutiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
S'en tenant donc à la seule question de droit de la responsabilité civile, objet du premier moyen du pourvoi principal, il s'agissait de savoir comment entendre l'article 1386-6 du Code civil dont on sait qu'il assimile à un producteur "toute personne agissant à titre professionnel [...] qui se présente comme un producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif" (1°) ou bien encore "qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution" (2°). Très concrètement, la question était posée de savoir :
- pour l'application de l'article 1386-6, 1°, si l'apposition sur le produit d'un nom, d'une marque ou de tout autre signe distinctif, en l'espèce le sur-étiquetage, doit procéder d'un acte volontaire consistant à se présenter aux yeux des tiers comme le producteur ou bien peut parfaitement ne consister que dans un acte imposé par la législation de l'Etat de commercialisation du produit ;
- pour l'application de l'article 1386-6, 2°, si l'assimilation de l'importateur au producteur pouvait jouer à l'endroit d'opérateurs économiques qui se bornent à effectuer des importations parallèles dans un cadre intracommunautaire ou bien, au contraire, s'ils se trouvent nécessairement exclus de la catégorie des personnes soumises au régime de responsabilité du fait des produits.
La Cour de cassation, pour rejeter le moyen du pourvoi, relève d'abord "qu'il ne résulte pas de l'article 1386-6, 2° du Code civil, aux termes duquel est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution, que l'assimilation d'un importateur à un producteur soit limitée au seul importateur de produits en provenance de pays tiers, dès lors que l'article 1386-6, 2° n'est pas exclusif de l'article 1386-6, 1°, lequel prévoit qu'est assimilable à un producteur, pour l'application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif, sans opérer de distinction tenant à l'activité du professionnel concerné". Elle en déduit ainsi que c'est "à bon droit" que la cour d'appel a considéré "que ce texte n'excluait pas de son champ d'application l'importateur parallèle commercialisant un produit au titre d'une autorisation de mise sur le marché simplifiée".
Elle pose ensuite "qu'après avoir retenu que la Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, transposée en droit français par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, qui a inséré dans le Code civil les articles 1386-1 et suivants, et dont l'un des objectifs est la protection du consommateur, prévoit, en son article 3, paragraphe 1, que le terme producteur' désigne toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif, sans opérer de distinction selon que cet étiquetage est volontaire ou imposé par la législation de l'Etat membre dans lequel le produit est commercialisé, et constaté que la société E., titulaire depuis 2003 d'une autorisation de mise sur le marché simplifiée l'autorisant à procéder à l'importation parallèle en France du produit TITUS, où elle le commercialise sous le nom RIMSAM, a, conformément au décret n° 2001-317 du 4 avril 2001 et à son arrêté d'application du 17 juillet 2001, apposé sur ce produit une étiquette mentionnant notamment son nom et la dénomination du produit, a décidé à bon droit qu'en application de l'article 1386-6, 1° du Code civil, la société E. devait être assimilée au producteur du produit RIMSAM par elle importé en France, de sorte qu'elle était responsable de plein droit des dommages que le défaut de ce produit avait causés aux agriculteurs indemnisés par la société S.".
On relèvera que, au cas présent, personne ne contestait l'existence d'un défaut du produit, au sens de l'article 1386-4 du Code civil (N° Lexbase : L1497AB3) qui dispose qu'"un produit est défectueux [...] lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre", et à propos duquel la jurisprudence considère que le défaut n'est pas réductible à sa seule dangerosité, et qu'il doit s'entendre d'une dangerosité anormale, appréciée en tenant compte des divers critères énoncés à l'article 6 de la Directive (repris à l'article 1386-4 du Code civil) (2). Et la mise en circulation du produit, condition de la responsabilité, ne faisait pas davantage débat, la mise sur le marché du produit réalisant sa mise en circulation : au demeurant, "que le produit [...] bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché ou non ou qu'il bénéficie simplement d'une autorisation temporaire d'utilisation s'il est disponible au public, il entre dans le champ d'application" de la loi du 19 mai 1998 (3). La seule véritable question portait en réalité sur la détermination de la personne responsable, et plus précisément sur la définition du producteur ou, plus exactement, des personnes qui doivent y être assimilées au sens de l'article 1386-6.
S'agissant, en premier lieu, de l'article 1386-6, 2°, qui assimile au producteur l'importateur du produit sur le territoire de l'Union européenne, il était assez légitime de considérer, comme le faisait d'ailleurs le pourvoi, que l'assimilation était limitée au seul importateur de produits en provenance de pays tiers : après tout, on a pu justifier l'assimilation, voulue par la Directive, et reprise par la loi du 19 mai 1998, par la volonté d'éviter que la victime ne soit contrainte de plaider dans un pays tiers à l'Union européenne et ne se voit ainsi appliquer un droit qui, par hypothèse, ne serait pas celui de la Directive (4). Mais encore fallait-il, au cas présent, tenir compte du reste de l'article 1386-6, et en l'occurrence du 1°, qui assimile au producteur le professionnel qui appose sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif : les deux dispositions ne sont en effet pas exclusives l'une de l'autre, si bien qu'on peut parfaitement concevoir, pour l'application du régime spécial issu de la Directive, que soit assimilé à un producteur le professionnel qui effectue des importations parallèles dans un cadre intracommunautaire, dès lors qu'il serait constaté qu'il a bien apposé sur le produit son nom, sa marque, ou un autre signe distinctif. Bref, pour l'assimilation du producteur à l'importateur, les deux dispositions de l'article 1386-6 doivent être combinées, et le 1° prime sur le 2° dès lors que l'importateur, certes dans le cadre d'importations intracommunautaires, aurait apposé sur le produit son nom, sa marque ou quelque autre signe distinctif que ce soit.
Cette sorte de prévalence, dans la lecture de l'article 1386-6, du 1° sur le 2°, obligeait tout de même, en second lieu, à s'assurer que le professionnel avait bien en l'espèce apposé son nom, sa marque ou un autre signe sur le produit litigieux au sens du texte. Le pourvoi, pour contester l'assimilation voulue par le texte déduite de l'apposition en question, avait tenté de faire valoir que celle-ci ne se concevait que volontaire, colorant ainsi la notion de considérations subjectives, ce qui ne serait évidemment pas le cas, suivant cette logique, dans l'hypothèse dans laquelle l'étiquetage du produit n'aurait été que le résultat d'un acte imposé par la loi -au sens large puisque, en l'occurrence, il s'agissait d'un décret, et d'un arrêté-. En somme, il n'y aurait d'apposition du nom, de la marque ou d'un autre signe distinctif du professionnel propre à justifier l'assimilation de l'importateur au producteur que volontaire, l'assimilation n'étant possible qu'à la condition que l'apposition soit révélatrice de l'intention de celui qui y procède de se présenter à l'égard des tiers comme un producteur -ou assimilé-. Certains auteurs avaient au demeurant paru accréditer dans une certaine mesure une telle analyse, relevant que l'assimilation au producteur de l'article 1386-6, 1°, viserait le cas de "professionnels qui se présentent, d'eux-mêmes (5), comme des producteurs" (6). Mais c'était sans doute là ajouter au texte, qui ne prévoit pas de limiter l'application de cette disposition de l'article 1386-6 au seul cas d'une apposition volontaire ou subjective, et d'en exclure l'apposition imposée ou, si l'on veut, objective.
Un récent arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, en date du 18 juin 2014, à paraître au Bulletin, soulève un certain nombre d'interrogations au sujet de la nature et du régime de la responsabilité qu'encourt le débiteur à l'égard de son créancier pour le fait d'un tiers à l'origine de l'inexécution de son obligation contractuelle.
En l'espèce, une association d'élèves d'une école d'ingénieurs avait organisé une soirée qui s'était pour le moins mal terminée puisque le corps de l'un des étudiants qui y participait avait été retrouvé dans la Moselle. Une autopsie devait révéler que la cause la plus probable de la mort était une noyade par hydrocution, survenue dans un contexte d'alcoolisation aiguë. C'est dans ce contexte que, estimant que l'association avait manqué à son obligation contractuelle de sécurité envers le jeune homme, qui s'était présenté dans un état d'ébriété déjà avancé à l'entrée du chapiteau où s'était déroulée la manifestation, ses père, mère et frère l'ont assignée en indemnisation de leurs préjudices. Déboutés par la cour d'appel de Metz (7), ils formèrent un pourvoi en cassation, reprochant aux juges du fond d'avoir statué comme ils l'ont fait alors qu'ils auraient dû tirer toutes les conséquences des graves défaillances dans l'organisation de la sécurité et de la surveillance, en partie assurée par une société spécialisée contractuellement liée à l'organisateur. Concrètement, les agents de sécurité employés par la société de sécurité auraient dû, compte tenu de l'état alcoolique du jeune homme, lui refuser l'accès à la soirée et, en tout état de cause, du fait de l'aggravation de l'état de l'intéressé au cours de la soirée, prendre des mesures adéquates ou s'adresser aux organisateurs pour prévenir les pompiers ou un médecin. Le pourvoi est cependant rejeté : la Haute juridiction décide, en effet, "qu'en ayant relevé que [l'association] avait conclu le 22 février 2006 avec la société de surveillance T., une convention de partenariat aux termes de laquelle cette société s'engageait à assurer la surveillance et la sécurité des clients lors des soirées de type "boum" organisées par [l'association], fournissant pour chaque soirée cinq agents de sécurité et un maître-chien, que la mission de surveillance et de sécurité de la société T. devait s'effectuer aux entrées, à l'intérieur et aux abords directs du chapiteau, dans un rayon de cinquante mètres autour de celui-ci, ainsi que sur le parking de l'île du Saulcy où les clients de la boum' étaient susceptibles de stationner, ce, de vingt-deux heures à quatre heures du matin sans interruption, et que les agents de la société de surveillance étaient effectivement présents sur les lieux dans la nuit du 14 au 15 novembre 2007, outre des élèves ingénieurs, spécialement formés à cet effet, la cour d'appel a pu, sans encourir les griefs du moyen, retenir que l'association organisatrice, débitrice d'une obligation de moyens envers les participants à la soirée, avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ceux-ci, de sorte qu'elle n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité".
On passera rapidement sur la nature de l'obligation contractuelle de sécurité de l'association organisatrice de la soirée : en la qualifiant d'obligation de moyens, et non pas de résultat, l'arrêt parait conforme à la jurisprudence en la matière, qui décide notamment que, sauf convention contraire, l'entrepreneur de spectacles s'oblige seulement à observer, dans l'organisation et le fonctionnement de son exploitation, les mesures de prudence et de diligence qu'exige la sécurité du spectateur, et n'assume pas l'obligation de rendre celui-ci sain et sauf à la sortie de son établissement (8). D'autant plus conforme que, plus généralement on le sait bien, l'obligation qui pèse sur l'organisateur d'activités de loisir est de moyens (9). Il en résulte donc que le créancier doit, pour engager la responsabilité du débiteur, prouver sa faute, autrement dit prouver qu'il n'a pas mis en oeuvre les mesures appropriées en ne faisant pas preuve de prudence ou en n'accomplissant pas les diligences qui s'imposaient. Tout au plus, pourrait-on ici s'interroger sur le point de savoir si la responsabilité de l'association devait véritablement être recherchée sur le terrain contractuel : la lecture de l'arrêt nous apprenant, en effet, que les parents et le frère de la victime avaient agi "en indemnisation de leurs préjudices", on croit comprendre qu'ils demandaient la réparation d'un préjudice personnel, et pas du préjudice subi par la victime directe, de telle sorte que, tiers au contrat conclu par la victime avec l'association, leur action aurait dû être engagée sur le terrain délictuel.
A s'en tenir toutefois à l'arrêt, et donc à supposer que la responsabilité soit tout de même bien contractuelle, la nature de l'obligation, en l'occurrence de moyens, n'était pas discutable, ce qui devrait suffire à ne pas épiloguer davantage sur cet arrêt. Pourtant, à y regarder de plus près, les choses paraissent plus complexes.
On n'ignore pas qu'un important courant doctrinal, qui s'appuie d'ailleurs sur un certain nombre de décisions tirées de la jurisprudence, admet l'existence d'une responsabilité contractuelle du fait d'autrui, autonome par rapport à la responsabilité du fait personnel : pour reprendre l'intitulé d'un paragraphe du Traité de droit civil de Monsieur Ghestin, "la responsabilité du débiteur pour le fait des personnes qui participent à l'exécution de ses obligations contractuelles ou professionnelles" ne s'identifierait pas à la responsabilité du fait personnel du débiteur, mais s'analyserait en un cas de responsabilité contractuelle du fait d'autrui (10). Les partisans de cette analyse considèrent que ce qui importe, pour la mise en oeuvre de cette responsabilité, "c'est de déterminer si le débiteur, en agissant comme l'a fait la personne qu'il a introduite dans l'exécution de son obligation, aurait engagé sa responsabilité" : pour le dire autrement, "le débiteur répond du fait de son auxiliaire ou de son substitut exactement comme s'il avait agi lui-même" (11). Par suite, de deux choses l'une : ou bien l'obligation inexécutée est de résultat, auquel cas il suffit, pour engager la responsabilité du débiteur, de prouver que le résultat promis n'est pas atteint, sans que soit requise la preuve d'une faute de l'auteur direct -"puisque celle du débiteur n'aurait pas été nécessaire pour justifier sa responsabilité s'il avait agi personnellement"- ; ou bien l'obligation inexécutée est de moyens, auquel cas, cette fois, il faut prouver que la diligence promise n'a pas été fournie, ce qui "implique que l'auteur direct ait commis une négligence ou une imprudence puisque cette défaillance aurait été nécessaire pour engager la responsabilité du débiteur s'il avait agi lui-même" (12). En clair, lorsque l'obligation est de moyens, la responsabilité du débiteur pour le fait de celui qui participe à l'exécution de son obligation se déduirait de la preuve d'une faute imputable à l'auxiliaire ou substitut, c'est-à-dire à l'auteur direct.
L'application de ces solutions aurait dû conduire, au cas présent, à retenir la responsabilité de l'association organisatrice puisque : primo, son obligation est de moyens, et secundo, les juges du fond avaient manifestement constaté la négligence fautive des agents de sécurité contractuellement liés à l'association pour l'exécution de son obligation de sécurité à l'égard des participants à la manifestation. Or, ce n'est pas ce que décide la Cour de cassation qui, en l'espèce, relève au contraire que "l'association organisatrice, débitrice d'une obligation de moyens envers les participants à la soirée, avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ceux-ci, de sorte qu'elle n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité". Elle approuve ainsi la cour d'appel qui, plus nettement encore au regard de ce qui nous intéresse, avait considéré que l'association avait rempli son obligation de sécurité à l'égard des clients, au prétexte qu'elle avait, en passant une convention avec la société de sécurité, pris des mesures propres à lui permettre de remplir son obligation de sécurité à l'égard des participants, et que par ailleurs, les fautes commises au cours de la soirée étaient imputables, non à l'association, mais aux agents de la société de sécurité qu'elle avait chargés de la surveillance et de la sécurité des clients. Il paraît bien ainsi s'évincer de l'arrêt l'idée suivant laquelle le seul fait que le débiteur ait pris soin de confier la sécurité des clients à une société spécialisée suffisait à considérer qu'il avait fait preuve de prudence et de diligence dans l'exécution de son obligation de sécurité. Et on en arrive au fond à l'idée que la seule faute qui aurait pu lui être reprochée susceptible d'engager sa responsabilité serait celle consistant à avoir fait preuve de légèreté dans le choix de celui qu'il a introduit dans l'exécution de son obligation.
Mais raisonner ainsi, n'est-ce pas précisément nier l'autonomie de la responsabilité contractuelle du fait d'autrui par rapport à la responsabilité du fait personnel ? René Rodière faisait en effet valoir, pour contester cette autonomie, que sauf textes particuliers prévoyant une garantie exceptionnelle du fait d'autrui, le débiteur contractuel ne doit répondre que de ses fautes personnelles : il ne peut donc être déclaré responsable de l'inexécution du contrat, lorsque celle-ci est directement imputable au fait d'un auxiliaire ou d'un substitut, que s'il était tenu d'exécuter personnellement ou s'il est prouvé que la défaillance de l'auteur direct a été provoquée par une faute de choix, de surveillance ou de direction imputable au débiteur lui-même (13). L'arrêt pourrait ainsi être compris comme allant dans le sens de ceux qui pensent que la responsabilité que le débiteur encourt, sur le terrain contractuel, par le fait d'un tiers qui aurait participé à l'inexécution n'est pas à proprement parler une responsabilité du fait d'autrui mais, fondamentalement, la responsabilité personnelle du débiteur (14)...
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Réf. : Cass. soc., 18 juin 2014, n° 12.29.691 FS-P+B (N° Lexbase : A5869MRS)
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N3052BUL
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par Bernard Saintourens, Professeur à l'université de Bordeaux, Directeur de l'Institut de recherche en droit des affaires et du patrimoine (IRDAP)
Le 10 Juillet 2014
I - La transmission de principe de toutes les obligations sociales
Les circonstances de l'affaire permettent d'expliquer, mais non point de justifier, l'approche juridique qui avait été retenue par les juges du fond. Monsieur B. avait été salarié, entre septembre 1962 et octobre 1980, d'une société CNM. Postérieurement à la perte de sa qualité de salarié, en novembre 1982, une branche d'activité de cette société a été apportée à une autre société, dans le cadre d'une restructuration d'ensemble touchant d'autres sociétés intervenant dans le même secteur d'activité, à savoir la construction navale. Lors de cet apport partiel d'actif, les contrats de travail en cours, attachés à cette branche d'activité, avait été transférés à la société bénéficiaire de l'apport. Ce transfert, logique au regard du principe de transmission universelle du patrimoine attaché à l'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, l'était surtout en application de la règle figurant, à l'époque des faits, à l'article L. 122-12 du Code du travail, ancien, (N° Lexbase : L5562ACY) et reprise désormais à l'article L. 1224-1 de l'actuel Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y). Ce texte prévoit que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent avec le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Si le texte ne vise, parmi les hypothèses de modification juridique, que la fusion, il est admis que la liste n'est pas exhaustive et doit s'appliquer aussi à la scission et donc à l'apport partiel d'actif (cf. sur ce point, G. Auzero et E. Dockes, Droit du travail, Précis Dalloz, 28ème éd., n° 307). Les sociétés parties prenantes de l'opération avaient bien intégré cette conséquence dans leurs prévisions au point de faire figurer, dans l'article 11 du traité d'apport, que la société bénéficiaire reprenait sans recours contre la société apporteuse les obligations contractées par cette dernière en application des seuls contrats de travail transférés dans les conditions prévues par l'article L. 122-12 (ancien) du Code du travail.
La difficulté juridique liée à l'espèce commentée tient à ce que l'établissement de la société CNM, au sein duquel avait travaillé Monsieur B. a été déclaré éligible à l'allocation des travailleurs exposés à l'amiante par un arrêté ministériel. Ce dernier avait alors saisi la juridiction prud'homale, en juin 2010, d'une demande de réparation de son préjudice d'anxiété et de bouleversement dans ses conditions d'existence à l'encontre de la société bénéficiaire de l'apport partiel d'actif. Les circonstances tenant à ce que cette société ait changé de nom et fasse l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire sont, pour le problème juridique en cause, sans incidence.
En considérant que le contrat de travail de Monsieur B. avait cessé bien avant la date d'effet de l'apport partiel d'actif et qu'il ne se trouvait donc pas inclus dans les contrats de travail en cours, transférés par l'effet de la loi, les juges du fond ont estimé que la société bénéficiaire de cet apport ne pouvait être tenue d'obligations vis-à-vis de cet ancien salarié de la société apporteuse, et l'ont débouté de sa demande.
Le prononcé de la cassation, pour violation des dispositions du Code de commerce relatives aux effets de l'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions, résulte d'un raisonnement en deux temps. En premier lieu, la Haute juridiction fait valoir que la cour d'appel a fondé sa décision sur des motifs inopérants tirés du transfert légal des contrats de travail en cours. Il faut en effet comprendre que si le transfert légal des contrats de travail, imposé par l'article L. 1224-2 du Code du travail, met évidemment à la charge de la société bénéficiaire de l'apport les obligations liées à ces contrats, cela ne suffit pas à exclure que d'autres obligations à caractère social puisse être mises à la charge de cette société. En second lieu, en effet, et là se situe le coeur de la décision commentée, l'effet de transmission universelle à la société bénéficiaire des biens, droits et obligations qui étaient à la charge de la société apporteuse touche tout ce qui dépend de la branche d'activité qui fait l'objet de l'apport. Sous réserve des possibilités d'exclusion, examinées ci-dessous, il ressort de la décision de la Chambre sociale qu'elle retient une approche très compréhensive de l'étendue des obligations transférées. Certes, lorsque l'apport partiel d'actif a été réalisé, Monsieur B. n'était plus salarié de la société apporteuse et la société bénéficiaire n'était donc pas tenue à son égard au titre de l'article L. 1224-2 du Code du travail. Pour autant, en vertu de la transmission universelle que réalise l'opération, la créance de réparation du préjudice subi par le salarié pendant qu'il travaillait pour la société apporteuse, même née postérieurement à l'apport partiel d'actif, doit être mise à la charge de la société bénéficiaire, dès lors que le salarié travaillait bien dans la branche d'activité visée par l'apport partiel d'actif.
Cette position s'inscrit parfaitement dans le courant jurisprudentiel formé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui juge que cette transmission universelle s'opère de plein droit même sur les biens, droits et obligations de la société apporteuse qui, par la suite d'une erreur, d'un oubli ou de toute autre cause ne figureraient pas dans le traité d'apport (Cass. com., 4 février 2004, n° 00-13.501, F-D N° Lexbase : A2637DBB, Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 649, note P. Le Cannu). Le champ d'application théorique de transfert, par principe, à la société bénéficiaire des obligations nées à l'encontre de la société apporteuse apparaît, au regard du présent arrêt, très large et sans d'ailleurs que la société bénéficiaire ne puisse facilement par avance les identifier (pour une illustration de l'inclusion d'un pacte d'actionnaire dans le périmètre du transfert de principe des droits et obligations, attaché à l'apport partiel d'actif, voir CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 4 février 2014, n° 12/16545 N° Lexbase : A5247MDP, BRDA, 6/14, n° 2). La position de la Chambre sociale doit bien être retenue : les obligations sociales de la société bénéficiaire vont au-delà de celles qui pourraient viser les salariés dont le contrat de travail était en cours lors de l'opération, pour concerner d'anciens salariés, ayant quitté leur emploi plusieurs années avant l'apport partiel d'actif.
II - La délimitation possible du transfert de certaines obligations sociales
La rigueur de la position adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation doit inciter à apporter en pratique la plus grande attention lors de la rédaction du traité d'apport partiel d'actif pour délimiter le périmètre des obligations transférées, et donc, le cas échéant, exclure certaines obligations qui pourraient être nées à l'égard d'anciens salariés, même s'il n'étaient plus liés par un contrat de travail en cours lors de la prise d'effet de l'opération.
Deux hypothèses peuvent être identifiées comme permettant d'écarter la prise en charge par la société bénéficiaire d'une obligation née vis-à-vis de la société apporteuse : l'obligation est étrangère à la branche d'activité apportée ou elle a été expressément exclue dans le traité d'apport.
Au regard des circonstances de l'affaire, on peut comprendre aisément que si le salarié concerné avait travaillé dans un établissement distinct de celui faisant l'objet de l'apport partiel d'actif, il n'aurait pas été possible de rattacher l'obligation de réparation de son préjudice à la branche d'activité transférée. En pratique, il convient dès lors d'être précis sur la délimitation de cette branche d'activité, étant entendu qu'au sein d'un même établissement, ou site d'emploi, plusieurs branches d'activités peuvent être déployées et que la répartition des salariés entre les diverses activités n'est pas forcément évidente. En définitive, la seconde hypothèse permettant d'éviter à la société bénéficiaire de se trouver tenue d'obligations sociales, ou autres, nées à l'encontre de la société apporteuse est tout simplement de procéder à son exclusion expresse dans le traité d'apport. Le contexte de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt commenté devrait inciter les praticiens à la plus grande prudence. Même si des contrats de travail ont cessé, tout à fait légalement, avant même la date d'effet de l'apport partiel d'actif, des obligations peuvent encore naître en considération de la période travaillée, et notamment pour les risques d'exposition à des produits toxiques. Si rien n'est mentionné à ce propos dans le traité d'apport, la société bénéficiaire peut être déclarée tenue des obligations ainsi nées.
Il convient donc, par prudence, d'identifier dans le traité d'apport l'exclusion des catégories d'obligations qui pourraient se révéler postérieurement à l'opération et qui concerneraient des salariés ayant quitté leur emploi avant même la date d'effet de l'apport partiel d'actif. Il est topique de relever que la clause du traité d'apport mentionnait pourtant que la société bénéficiaire ne reprenait les obligations contractées par la société apporteuse que pour les "seuls" contrats de travail automatiquement transférés par l'effet des dispositions du Code du travail. Les juges n'ont pas voulu y voir une formalisation suffisamment claire de l'exclusion des obligations nées de relations de travail avec d'anciens salariés de la société apporteuse. Les praticiens chargés de rédiger les traités d'apport sont fortement invités à plus de clarté dans la délimitation des obligations exclues de l'effet de transmission universelle de patrimoine que produit l'apport partiel d'actif.
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Réf. : CJUE, 3 juillet 2014, aff. C-165/13 (N° Lexbase : A4417MSE)
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Le 10 Juillet 2014
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Réf. : Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.954, FS-P+B (N° Lexbase : A2588MTZ)
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N3093BU4
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Le 10 Juillet 2014
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