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N1986BU4
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 01 Mai 2014
Dans le premier cas, la découverte de foyers de flavescence dorée près de Beaune avait obligé les autorités à prémunir l'ensemble des exploitations du secteur contre le développement mortifère du parasite ; le viticulteur condamné arguant au contraire de l'absence de nécessité d'user de pesticides toxiques pour l'environnement sur sa propre exploitation non infectée. Dans le second cas, l'exploitant viticole avait commis une faute "inexcusable" pour avoir exposé l'une de ses employés au pesticide Cabrio Top, moins de 24 heures après sa pulvérisation dans les vignes, provoquant céphalées, irritations de la peau et vomissements... et hospitalisation d'urgence.
Point d'incohérence, pourtant, dans tout cela ; mais ces deux affaires révèlent, une nouvelle fois, d'abord, que le principe de précaution est d'application complexe et nécessite une "Somme téléologique" au cas par cas à lui tout seul. Ensuite, si Montaigne, bordelais de son Etat, préférait douter que savoir, le doute ne profite plus aux innocents. Dans un cas, comme dans l'autre, la dangerosité révélée ou potentielle de l'infection comme celle du pesticide oblige à agir ; et parfois même de manière parfaitement opposée. L'essai n'est plus admis, la sécurité sanitaire exige des résultats certains sur le terrain. L'itérative remontrance judiciaire doit d'autant plus raisonner qu'une récente étude montre les effets perturbateurs endocriniens sur des enfants d'une exposition aux pesticides.
On pensait naïvement que tous les chemins menaient au rhum, quand finalement, avec ou sans pesticide -c'est selon-, ils doivent mener au bon vin. Si Pline l'Ancien recommandait l'usage de l'arsenic comme insecticide et croyait percevoir la vérité dans le vin, le juge contemporain tempère les ardeurs du naturaliste antique en rappelant que dans le vin peut résider la sanction...
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Réf. : Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX)
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N1965BUC
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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse
Le 01 Mai 2014
A la lecture des travaux parlementaires, la disposition de l'article L. 129-1 apparaît comme faisant partie d'un ensemble de dispositions ayant pour but de lutter contre les assurances affinitaires : les assurances distribuées en complément de la fourniture d'un service ou d'un bien. Cela conduit à la mise en place d'instruments de lutte contre le cumul (v. infra) et à la reconnaissance du phénomène des assurances collectives de dommages (1).
Dès 1989, le législateur a manifesté son intérêt pour cette forme de diffusion de l'assurance consistant, pour une personne morale ou un employeur, à négocier le contenu d'un contrat auquel vont adhérer les membres de la structure ou les salariés (2). La réglementation codifiée aux articles L. 141-1 (N° Lexbase : L2643HWS) et suivants du Code des assurances ne concerne cependant que les risques liés à la personne et sa capacité à générer du revenu.
En marge de cette réglementation, s'est développée l'assurance collective de dommages à l'abri de toute contrainte spécifique et notamment dans le domaine des assurances affinitaires (3). C'est terminé. La loi du 17 mars 2014 vient définir ces assurances et leur donner un régime juridique. Leur définition se fait en référence à leurs aînées : l'assurance collective de dommages est un "contrat souscrit par une personne morale en vue de l'adhésion de toute personne intéressée par le bénéfice des garanties pour la couverture des risques autres que ceux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 141-1". Par ce procédé de définition, le législateur utilise, au fond, le système "tout sauf" qui donne un champ très large à ces nouvelles assurances collectives. Précisons tout de suite que le législateur exclut cependant la couverture des risques professionnels. Cette exclusion peut surprendre compte tenu du régime juridique donné à cette forme d'assurance.
Le législateur de 1989, et les réformes suivantes, sont intervenus pour tenir compte de la spécificité de ces assurances (dissociation des qualités de souscripteur et d'adhérent). Le régime juridique associé tente d'en compenser les inconvénients. La loi du 17 mars 2014 va à l'inverse de cette logique et c'est certainement sa faiblesse. La catégorie assurance collective de dommages est créée afin d'affirmer qu'elle est une assurance comme les autres : les titres I et II du Code des assurances lui sont donc applicables. Pour simplifier cette assimilation, quelques précautions de vocabulaire sont prises : on doit entendre "adhérent" quand on évoque l'"assuré" et "documents contractuels remis à l'adhérent" quand le terme de police est utilisé.
Cette solution paraît assez étonnante. En premier lieu, parce que l'on pouvait déjà considérer que les dispositions visées s'appliquaient aux assurances collectives de dommages en raison de leur généralité (4). En second lieu, on pourrait presque dire que le débat n'est même pas là. Si le législateur a jugé utile de réglementer les assurances collectives en 1989 c'est bien parce que le régime de droit commun du contrat d'assurance lui paraissait insuffisant ! Il aurait fallu donner un régime équivalent aux assurances collectives de dommages et, pourquoi pas, créer un droit commun des assurances collectives. En particulier, le nouvel article ne fait aucune place à la personne qui a un rôle fondamental, entre l'assureur et l'adhérent : le souscripteur. En dernier lieu, l'exclusion des risques professionnels est peu compréhensible lorsque le régime de ces assurances consiste à renvoyer au droit commun du contrat d'assurance en principe applicable aux risques professionnels et privés ! Au sein de cette réglementation, le code comprend déjà une réglementation plus ou moins protectrice selon la qualité des assurés que la présente loi vient d'ailleurs compléter ! L'exclusion ne s'imposait donc pas. Le renvoi général au titre I et II du Code des assurances réserve d'ailleurs quelques désagréables surprises. Par application de l'article R. 112-2 (N° Lexbase : L0391HP8), l'obligation d'information prévue à l'article L. 112-2 du Code des assurances (N° Lexbase : L0963G9K) ne s'applique pas aux assurances couvrant "des risques liés à la villégiature, au camping, aux sports d'hiver, aux vacances et aux voyage, souscrits pour trois mois au plus et non renouvelables,...". Autant dire une bonne partie de ces assurances collectives de dommages !
La reconnaissance de la catégorie assurances collectives de dommages paraît donc tout à fait bienvenue mais son domaine et son régime juridique diminuent son efficacité. Il n'en va pas de même d'autres modifications apportées par la nouvelle loi.
L'essor des assurances multirisques a augmenté le risque de cumul de garantie pour l'assuré. En matière d'assurances de dommages, ce cumul ne peut lui procurer aucun avantage et il lui coûte donc le paiement de primes sans contrepartie.
La loi du 17 mars 2014 se propose de lutter contre ce phénomène de cumul dans le cas des assurances affinitaires qu'elle définit comme "un contrat d'assurance constituant un complément d'un bien ou d'un service rendu par un fournisseur". Le régime de protection a un champ restreint. Le contrat doit être souscrit à des fins non professionnelles et il doit couvrir :
- le risque de mauvais fonctionnement, de perte, y compris de vol, ou d'endommagement des biens fournis ;
- l'endommagement ou la perte, y compris le vol, de bagages et les autres risques liés à un voyage, même si l'assurance couvre la vie ou la responsabilité civile, à la condition que cette couverture soit accessoire à la couverture principale relative aux risques liés à ce voyage.
Le dispositif mis en place par le législateur paraît efficace. Il consiste, d'abord, dans une mise en garde de l'assuré qui reçoit avant la souscription du contrat un document de l'assureur l'invitant, d'une part, à vérifier qu'il n'est pas déjà bénéficiaire d'une garantie couvrant l'un des risques pris en charge le contrat projeté, et, d'autre part, lui rappelant qu'il bénéficie d'une faculté de renonciation. Le législateur réalise ici une inversion de la règle de l'article L. 121-4 (N° Lexbase : L0080AA9) qui prévoit, en cas de cumul, une information de l'assureur par l'assuré. Elle est parfaitement justifiée et cette obligation pourrait d'ailleurs être étendue aux assurances multirisques qui créent le même risque de cumul pour certaines garanties. Une réserve peut être faite ici sur le rôle de l'assureur qui doit remettre le document (contenu et format fixés par arrêté) alors qu'il semble que ces assurances affinitaires sont distribuées par le fournisseur du bien ou du service. On retrouve ici la nécessité de marquer l'importance de cette personne qui, dans les assurances collectives, a bien souvent la qualité de souscripteur.
Le dispositif consiste ensuite dans l'exercice de la faculté de renonciation. Réservée au cas où une garantie antérieure existe, elle doit intervenir, sans frais ni pénalités, dans les 14 jours calendaires à compter de la conclusion du nouveau contrat. Elle ne peut être exercée que tant que le contrat n'est pas intégralement exécuté ou que l'assuré n'a pas sollicité de garantie. Ces restrictions dans le jeu de la faculté de renonciation sont bienvenues car elles évitent qu'elle joue à contretemps. Il reste qu'elles vont empêcher, dans un certain nombre de situations, que cette faculté soit utilisée parce que le contrat aura été exécuté rapidement.
La renonciation implique le remboursement de la prime éventuellement versée dans un délai de 30 jours à compter de l'exercice de la faculté. Cette prime reste due si le souscripteur exerce la renonciation alors qu'un sinistre est intervenu dans le délai de 14 jours calendaires. Le dispositif paraît moins bien maitrisé. Ce qui paralyse, plus haut, la faculté de renonciation empêche simplement ici la restitution de la prime...
Ce dispositif pourrait à terme inspirer le législateur s'il souhaite s'attacher à prendre en compte les conséquences des assurances multirisques. En application de l'article L. 194-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L7853IZU), il est applicable sur les îles de Wallis et Futuna.
Le droit de résiliation consacré à l'article L. 113-15-2 du Code des assurances est certainement la disposition qui a été la plus évoquée dans la perspective de l'adoption de ce texte. Elle a été très critiquée par les assureurs qui lui reprochent de potentiellement fragiliser la gestion des risques concernés.
L'assuré peut, après une première année de contrat, résilier sans frais ni pénalités les contrats et adhésions tacitement reconductibles. La résiliation prend effet un mois après notification (par lettre ou tout support durable) à l'assureur et elle emporte remboursement de la portion de prime correspondant à la période pendant laquelle la garantie ne joue plus. Le remboursement doit être effectué dans les 30 jours. Après la première année de contrat, l'assuré a donc le droit de résilier son contrat à tout moment !
Afin d'informer l'assuré, le droit de résiliation est mentionné dans le contrat et rappelé dans chaque avis d'échéance de prime et de cotisation. Ce même avis d'échéance qui doit, pour les contrats couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles, rappeler le droit de résiliation annuelle. L'assuré pourrait s'y perdre ! D'autant plus que c'est le même assuré, personne physique en dehors de son activité professionnelle, qui est concerné par la résiliation à tout moment. Le même assuré, mais pas le même nombre de contrats. La résiliation à tout moment n'est applicable que pour les contrats relevant de branches... définies par décret en Conseil d'Etat.
Le but de cette nouvelle faculté est de favoriser la mise en concurrence des assureurs. Autrement dit, cette faculté a vocation à servir le départ d'un assuré vers un autre assureur. On peut d'ailleurs se demander si la faculté ne sera pas plus souvent utilisée, par le biais d'un mandat, par les assureurs eux-mêmes. Cette pratique est parfaitement admise à l'heure actuelle et la jurisprudence lui donne plein effet (5).
Elle est d'ailleurs prévue par la loi pour deux garanties particulières : "pour l'assurance de responsabilité civile automobile définie à l'article L. 211-1 (N° Lexbase : L4187H9X) et pour l'assurance mentionnée au g de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH) tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (N° Lexbase : L8834AGB)". Le nouvel assureur est ainsi chargé de s'assurer de la permanence de la couverture...
Il restera à déterminer si ce droit de résiliation est fréquemment employé (et par qui ?) et dans quelle mesure il a des conséquences sur la gestion des risques concernés. Ce droit pourra être exercé pour les contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret évoqué.
En application de l'article 194-1 du Code des assurances, le dispositif est applicable aux îles de Wallis et Futuna à l'exclusion de la disposition concernant l'assurance automobile.
Dans la même logique que le droit de résiliation évoqué ci-dessus, mais pour un type de contrats bien spécifiques, les assurances emprunteur, un autre droit de rompre est offert à l'assuré. Il s'agit encore une fois de mettre en concurrence des assureurs, mais l'assuré a ici un temps limité pour le faire (12 mois à compter de l'offre de prêt).
La faculté concerne les assurances servant à garantir les prêts destinés à l'habitation ou l'usage mixte tels qu'ils sont énumérés à l'article L. 312-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6657IMI). L'exercice de cette faculté suppose, néanmoins, l'accord du prêteur. Cependant, le refus n'est pas possible si le nouveau contrat d'assurance présente "un niveau de garantie équivalent au contrat d'assurance de groupe qu'il propose" (6). La décision du prêteur est ici fondamentale, mais la résiliation débute par une information de l'assureur. La faculté de résiliation doit être exercée au plus tard 15 jours avant la fin du délai de 12 mois par notification à l'assureur par lettre recommandée. L'assuré notifie ensuite, par le même moyen, à l'assureur la décision du prêteur. Si c'est une acceptation, la résiliation intervient 10 jours après réception de la décision du prêteur ou à la date de prise d'effet du nouveau contrat, si elle est postérieure. On voit le soin apporté, encore une fois, à la permanence de la garantie.
Si le prêteur refuse, le contrat d'assurance n'est pas résilié.
Cette faculté est une solution légale apportée à la question du niveau de garantie accordé dans les assurances emprunteurs. On sait que c'est bien souvent la notion d'invalidité qui pose difficulté dans ces garanties et que la jurisprudence a décidé de traiter la question sous l'angle de l'obligation de renseignement (7). Le législateur la traite sous l'angle de la possibilité de trouver un meilleur contrat. L'avantage de cette solution est d'échapper à l'obligation que s'imposerait l'emprunteur de souscrire le contrat proposé par le prêteur. L'inconvénient est que l'assuré doit réagir rapidement. Passés 12 mois, il doit subir la garantie souscrite. Pour protéger véritablement les assurés, une définition légale des principaux risques assurés serait bienvenue en la matière.
Cette possibilité de résiliation s'appliquera aux contrats conclus à compter du 26 juillet 2014.
La loi relative à la consommation n'a évidemment pas la même faveur pour l'assureur que pour l'assuré. Elle vient, au contraire, par deux dispositions, compliquer l'exercice du droit de résilier.
Elle supprime, d'abord, la possibilité générale de résilier le contrat pour cause d'aggravation du risque pour les assurances emprunteur au sens de l'alinéa 1er de l'article L. 113-12-2. Le texte réserve ce droit de résiliation à l'aggravation résultant d'un changement de comportement volontaire de l'assuré. Les conditions de cette résiliation seront fixées par décret en Conseil d'Etat. Dans cette disposition, le législateur cherche un point d'équilibre. Il s'agit de préserver la garantie accordée aux assurés, de la figer, tout en ménageant les intérêts de la mutualité qui ne doit pas supporter les imprudences de l'assuré. On soulignera, au passage, la proximité entre l'idée de "changement de comportement volontaire de l'assuré" et certaines causes d'exclusion légales ou conventionnelles de garantie. Considérant la nature des risques couverts, il est essentiellement question ici de l'évolution de l'état de santé de l'assuré. La façon dont un texte va prendre en compte l'incidence du comportement volontaire de l'assuré sur cet état appelle de la curiosité.
La nouvelle loi vient, ensuite, alourdir le mécanisme de la résiliation en imposant à l'assureur l'obligation de motiver la résiliation unilatérale du contrat couvrant une personne physique en dehors de son activité professionnelle. Le domaine de cette obligation semble plus étendu que celui qui devait lui être conféré initialement. Le texte vise, en effet, "les cas prévus au présent livre ou en application du premier alinéa de l'article L. 113-12". La référence au livre aboutit à intégrer tous les cas où l'assureur résilie unilatéralement en vertu du livre premier du Code des assurances ou du contrat.
La notion de motivation appelle évidemment des questions. S'agit-il simplement d'indiquer clairement le motif de résiliation ? Cela permettra en soi à l'assuré de démontrer qu'il ne s'agit pas d'un autre motif redouté d'un nouvel assureur. S'agit-il d'indiquer le motif de résiliation et de démontrer en quoi la situation de l'assuré y correspond ? On comprendra que la formalité s'alourdit substantiellement. Cela permettra à l'assuré de discuter du bien-fondé de cette résiliation.
Cette obligation de motiver pourrait avoir des conséquences sur l'efficacité de la résiliation. La loi ne prévoit pas de sanction propre à l'obligation de motiver. Cependant, on peut très bien considérer que l'obligation de motiver fait partie intégrante du processus de résiliation. Si elle n'est pas correctement exécutée, elle rend inopposable la résiliation à l'assuré. On verrait bien, en l'espèce, les juges appliquer une logique similaire à celle que l'on voit s'appliquer à la prescription (8)... De ce point de vue, l'obligation de motiver pourrait prendre une ampleur insoupçonnée.
La loi relative à la consommation, après l'assurance emprunteur, cible une forme particulière d'assurance : l'assurance complémentaire santé. Il s'agit encore de favoriser la concurrence entre les assureurs. Ici, c'est une technique plus classique de mise en concurrence qui est utilisée : l'information. Quel que soit l'organisme auprès duquel est souscrite cette assurance, une obligation particulière d'information s'impose à cet organisme. Les documents de communication, les documents publicitaires, doivent indiquer "les conditions de prise en charge, de façon simple et normalisée, chiffrée en euros, pour les frais de soins parmi les plus courants ou pour ceux pour lesquels le reste à charge est le plus important, selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale".
De cette façon, le consommateur se fera une idée précise de la différence de prise en charge selon les organismes avec des éléments de référence qu'il est susceptible d'appréhender.
C'est encore un souci de concurrence, mais plus indirect, qui guide l'adoption de l'article L. 211-15-1. Afin de ne pas fragiliser la position de certains réparateurs contre l'excès de recours au réseau de réparateurs agréés par les assureurs, la loi du 17 mars 2014 a consacré une affirmation solennelle de la liberté de choix du réparateur du véhicule automobile.
Cette faculté est mentionnée dans le contrat et, dans des conditions définies par décret, lors de la déclaration du sinistre.
***
Au final, et en guise de conclusion, on peut douter de la pertinence de certaines dispositions et l'on attend avec curiosité l'effet d'autres dispositions sur le marché de l'assurance. On retiendra cependant de cette loi la volonté de préserver les droits des consommateurs en les adaptant à de nouvelles pratiques commerciales (au-delà même de l'assurance) et en leur fournissant de nouvelles pratiques de défense. De ce point de vue, on ne peut retenir le reproche couramment fait au législateur du 21ème siècle : des textes fourre-tout et en réaction. Ce droit de la consommation vise, par essence, les pratiques de différents secteurs d'activité en tentant de s'adapter aux nouvelles formes de commercialisation. De ce point de vue, ce n'est pas le droit qui est compliqué, mais la réalité qu'il régit...
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 8 avril 2014, n° 13/20859 (N° Lexbase : A7150MIN)
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N1852BU7
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Le 01 Mai 2014
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Réf. : CA Paris, 13 février 2014, n° 12/19369 (N° Lexbase : A1958MEA)
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N1814BUQ
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par Stéphane Lallement, Président d'honneur de la FNUJA, membre du Conseil national des barreaux
Le 26 Septembre 2014
Aux termes de l'article 17-6° de la loi du 31 décembre 1971, le conseil de l'Ordre est investi de larges pouvoirs de gestion financière. Relèvent notamment de sa compétence :
- la gestion des biens de l'Ordre ;
- la préparation du budget ;
- la fixation et le recouvrement des cotisations des avocats ;
- l'affectation des ressources de l'Ordre aux "secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, à leurs conjoints survivants ou à leurs enfants dans le cadre de la législation existante".
Cette énumération n'est manifestement pas limitative, ainsi que le révèle l'emploi par le législateur de l'adverbe "notamment".
La question se pose, dès lors, de l'affectation des ressources de l'Ordre au financement d'opérations ou de structures qui ne profiteraient pas à l'ensemble des membres du barreau.
Tel est bien le cas des subventions allouées aux syndicats d'avocats, lesquels, par définition, ne regroupent chacun qu'une partie des effectifs du barreau.
A plusieurs reprises déjà, de tels financements ont été contestés par des avocats estimant que l'octroi de ces subventions serait étranger aux missions de l'Ordre, et ferait peser une charge indue sur les finances du barreau.
Dans une première approche, la Cour de Cassation avait exigé qu'il soit justifié que les actions financées au moyen de ces subventions "concourent à la réalisation de missions entrant dans les attributions du conseil de l'Ordre" (Cass. civ. 1, 1er mars 2005, n° 02-21.532, FS-P+B N° Lexbase : A0970DHE).
Il était ainsi mis à la charge des conseils de l'Ordre une véritable obligation de motivation de leur décision, impliquant de leur part une appréciation de la pertinence des actions menées par le syndicat financé.
Cette position, difficilement compatible avec la nécessaire indépendance syndicale, a fort heureusement été revue depuis.
Renversant la charge de la preuve, la Cour suprême exige, en effet, désormais de l'auteur du recours "qu'il précise en quoi les subventions contestées ne pourraient constituer le financement d'actions susceptibles de se rattacher ou de concourir à la réalisation de missions entrant dans les attributions de l'Ordre" (Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 05-11.400, F-P+B N° Lexbase : A8545DMG).
Il en résulte, ainsi, une présomption de légalité de la subvention accordée par un Ordre à un syndicat, sauf pour un membre du barreau à rapporter la preuve, difficilement concevable, du caractère extra-professionnel des activités ainsi financées.
Plusieurs juridictions du fond ont, depuis, fait application de ce principe, rappelant ainsi qu'il n'appartient pas à une cour d'appel :
- de statuer au fond sur la gestion des biens de l'Ordre, ni sur l'attribution des subventions, de la seule compétence du conseil de l'Ordre (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 24 juin 2010, n° 09/15154 N° Lexbase : A3347E4Q) ;
- de contrôler l'opportunité économique d'une décision d'octroi de subvention, ni de porter d'appréciation sur le montant de la somme engagée (CA Aix-en-Provence, 27 mars 2014, n° 13/13602 N° Lexbase : A0998MIS).
Par son arrêt du 13 février 2014, et bien qu'elle ne soit pas saisie de la question de fond de la légalité de la subvention, la cour d'appel de Paris rappelle en filigrane ce principe.
Un récent arrêt divergent de la cour d'appel de Rouen (CA Rouen, 19 mars 2014, n°13/04940 N° Lexbase : A2097MH7), sanctionnant la souscription par l'Ordre d'une assurance collective au motif qu'elle ne profiterait qu'à certains membres du barreau, devrait prochainement donner l'occasion à la Cour de cassation de se prononcer à nouveau à ce sujet.
Sous réserve de cette dernière incertitude, la position largement dominante de la jurisprudence autorise donc, aujourd'hui, les Ordres à accorder leur soutien financier aux syndicats sans crainte de recours.
II - ...de leur choix !
Si la décision de financement d'un syndicat par un Ordre apparaît difficilement contestable, qu'en est-il de la situation inverse ? Un syndicat auquel le conseil de l'Ordre refuserait d'octroyer une subvention dispose-t-il d'un recours efficace contre cette décision ?
La loi du 31 décembre 1971 prévoit en son article 19 deux modalités de recours contre les délibérations du conseil de l'Ordre :
- l'une ouverte au procureur général contre toute décision qui s'avérerait "étrangère aux attributions [du] conseil" ou "contraire aux dispositions législatives ou règlementaires" ;
- l'autre ouverte à tout avocat qui entendrait contester une décision du conseil de l'Ordre "de nature à léser [ses] intérêts professionnels".
Dans ce dernier cas, l'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la publication de la décision critiquée pour saisir le bâtonnier de sa réclamation par lettre recommandée avec avis de réception (Décret du 27 novembre 1991, art. 15).
Le conseil de l'Ordre doit statuer dans le délai d'un mois sur ce recours amiable.
En cas de rejet de la réclamation ou d'absence de réponse sous le délai d'un mois, l'avocat peut alors déférer la décision du conseil de l'Ordre à la cour d'appel.
C'est ce cheminement qu'ont suivi, dans la présente espèce, les dirigeants du syndicat MAC, contestant successivement la décision du conseil de l'Ordre du 24 juillet 2012 refusant l'octroi de la subvention sollicitée, puis celle du 5 mars 2013 rejetant leur réclamation préalable.
Après une analyse approfondie des différents recours et de leur formulation, la cour considère être saisie :
- d'une part par le président et par deux membres du syndicat, agissant chacun à titre personnel en sa qualité d'avocat ;
- d'autre part par le syndicat lui-même, représenté à la procédure par son président.
En vertu de l'article L. 2132-3 du Code du travail (N° Lexbase : L2122H9H), tout syndicat professionnel est fondé de plein droit à agir en justice pour la défense des intérêts collectifs de la profession qu'il représente.
La cour rappelle toutefois, que cette qualité générale à agir ne peut se superposer à celle personnellement reconnue à un avocat qui s'estimerait lésé dans ses intérêts professionnels par une décision du conseil de l'Ordre.
La voie de recours ouverte par l'article 19, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 à un avocat agissant à titre individuel ne peut donc être empruntée par un syndicat, dont l'action présente nécessairement un caractère collectif.
Le recours exercé par le syndicat MAC en sa qualité de personne morale est, par conséquent, déclaré irrecevable.
Après avoir écarté l'action du syndicat, la cour ferme également la voie du recours introduit à titre personnel par le président et par deux membres du syndicat, agissant en leur qualité d'avocat.
L'article 19, alinéa 2, de la loi précitée réserve, en effet, cette possibilité d'action à l'avocat dont les intérêts professionnels propres seraient lésés par une décision du conseil de l'Ordre.
En l'espèce, la cour estime à juste titre que ni le président du syndicat, ni l 'un de ses membres ne peuvent utilement contester le refus d'octroi d'une subvention dont ils ne sont pas personnellement bénéficiaires.
Leur recours est donc déclaré irrecevable, tout comme celui du syndicat.
Cette logique implacable exclut, ainsi, toute possibilité de recours contre la décision par laquelle un conseil de l'Ordre refuse l'octroi d'une subvention sollicitée par un syndicat.
Les Ordres bénéficient donc, de fait, d'un véritable pouvoir discrétionnaire, leur permettant d'accorder ou non leur soutien financier aux syndicats qui leur en feraient la demande sans avoir à justifier leur choix, et sans crainte d'une quelconque remise en cause de leur décision.
Cette constatation interroge nécessairement sur la possible dérive consistant pour un conseil de l'Ordre à réserver son concours aux syndicats les plus complaisants, et à refuser inversement son aide à ceux dont il souhaiterait limiter l'audience ou l'action.
A l'heure où certains s'interrogent sur une possible régionalisation du scrutin pour l'élection du Conseil national des barreaux, voici l'une des raisons qui militent pour le maintien de listes syndicales élues sur une large circonscription territoriale.
Mais ceci est un autre débat...
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Réf. : CA Nîmes, 3 avril 2014, n° 13/05216 (N° Lexbase : A6586MIR)
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N1856BUB
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Le 03 Mai 2014
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Réf. : Commission européenne, communiqué de presse IP/14/455 du 17 avril 2014
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N1951BUS
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Le 01 Mai 2014
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Réf. : Cass. soc., 8 avril 2014, n° 12-35.425, FS-P+B (N° Lexbase : A0966MKY)
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N1968BUG
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 01 Mai 2014
Résumé
La considération de la personne auprès de laquelle est détaché un fonctionnaire constitue un élément déterminant du détachement qui ne peut être modifié que par l'administration ayant pouvoir de nomination. Les dispositions des articles L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y) et L. 1224-3 ([LXB=L6255IEE ]) du Code du travail, relatives au sort des contrats de travail en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur ou de reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif de l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé, ne sont pas applicables au contrat de travail liant le fonctionnaire détaché et l'organisme d'accueil au profit duquel seul le détachement a été opéré. |
Commentaire
I - L'exclusion des fonctionnaires détachés des règles applicables au transfert d'entreprise
Application du droit du travail aux fonctionnaires détachés à une entreprise privée. Les différents statuts de la fonction publique prévoient tous la possibilité qu'un fonctionnaire soit détaché, pour un temps, auprès d'une autre administration ou d'une entreprise privée (1). Dans ce second cas, la Chambre sociale de la Cour de cassation juge depuis longtemps déjà que ces fonctionnaires sont liés à l'organisme de détachement par un contrat de travail (2). Ce détachement n'est pas considéré comme constituant une mise à disposition, si bien que les règles applicables aux salariés mis à disposition en matière d'électorat et d'éligibilité au comité d'entreprise ne sont pas applicables au fonctionnaire détaché (3) : celui-ci est traité comme un salarié de l'entreprise.
Lié par un contrat de travail à l'entreprise auprès de laquelle il est détaché, le fonctionnaire bénéficie donc des dispositions du Code du travail. Les statuts n'excluent que les dispositions du Code relatives au versement d'une indemnité de licenciement et à la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée (4). De manière plus générale, les statuts écartent l'application "de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnité de licenciement ou de fin de carrière" (5). A condition que cette disposition soit interprétée strictement, les règles relatives au transfert d'entreprise devraient donc être applicables au fonctionnaire détaché, quand bien même, d'ailleurs, le transfert aurait lieu en faveur d'un établissement public.
Transfert d'entité à une personne morale de droit public. Les dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du Code du travail imposent le maintien automatique des contrats de travail en cours au jour du changement dans la situation juridique de l'employeur. Si le texte vise différents moyens de transfert (succession, cession, fusion, etc.), il reste silencieux sur les structures du cédant et du cessionnaire. Très vite, la Chambre sociale a précisé, sous l'influence de l'ancienne Cour de justice des Communautés européennes, que le cédant devait constituer une entité économique autonome (6).
Quant au cessionnaire, on s'est longtemps demandé ce qu'il devait se produire lorsqu'une entité privée, employant des salariés recrutés par contrat de travail, était reprise par une personne publique. Dès le début des années 2000, la Cour de justice des Communautés européennes jugea que les règles issues de la Directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 2007 (N° Lexbase : L4352GUQ) devaient s'y appliquer (7). La règle fut bientôt reprise par la Chambre sociale de la Cour de cassation (8) avant d'être introduite dans le Code du travail par l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 (9).
Ces questions ne faisant plus difficulté, il a toutefois été jugé que seuls les salariés pouvaient bénéficier de l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail. Ainsi, un agent public non titulaire de la fonction publique ne peut bénéficier de ces règles en cas de transfert de l'entité qui l'emploie à une entreprise privée (10). Cette solution doit-elle, dès lors, être transposée à l'agent public titulaire détaché auprès d'une entreprise privée cédée, au cours du détachement, à une personne morale de droit public ?
L'espèce. Un agent de la fonction publique hospitalière avait été détaché auprès d'une fondation pour y exercer les fonctions de directeur d'une clinique privée exploitée par la fondation. Durant ce détachement, il était décidé de fusionner la clinique avec un centre hospitalier, l'ensemble devant désormais former un grand groupe hospitalier (11). Afin de préparer cette fusion, un groupement provisoire doté d'une direction commune des deux établissements avait était institué. L'agent avait alors été mis à la disposition de ce groupement provisoire pour une durée devant prendre fin au terme initialement prévu du détachement. Quelques mois plus tard cependant, la clinique avait été finalement cédée au centre hospitalier. La fondation avait alors signifié à l'agent, le 4 décembre 2009, que les dispositions du Code du travail relatives au transfert du contrat de travail en cas de changement dans la situation juridique de l'employeur n'étant pas applicables aux fonctionnaires détachés, elle mettait fin au détachement et qu'elle cesserait de rémunérer l'agent à l'issue du préavis.
La cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion jugea, par un arrêt rendu le 30 octobre 2012 (CA Saint-Denis de la Réunion, 30 novembre 2012, n° R 10/00786 N° Lexbase : A5505I3B), que la fondation était le seul et unique employeur du salarié. La fondation forma pourvoi en cassation devant la Chambre sociale en avançant les arguments suivants. Semblant se dédire, elle estimait d'abord que les dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du Code du travail devaient s'appliquer au fonctionnaire détaché dont le contrat de travail devait ainsi être transféré au nouveau groupement créé. Elle relevait, ensuite, que la rupture du contrat de travail intervenue le 4 décembre 2009 avait été privée d'effet par le juge d'appel parce qu'intervenue avant le transfert d'entité, si bien que, le contrat de travail n'étant pas rompu, il devait être automatiquement transféré au groupement.
Par un arrêt rendu le 8 avril 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Par un chapeau interne, elle énonce deux règles importantes. D'abord, elle juge que "la considération de la personne auprès de laquelle est détaché un fonctionnaire constitue un élément déterminant du détachement qui ne peut être modifié que par l'administration ayant pouvoir de nomination". Elle ajoute, ensuite, que "les dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1224-3 [...] ne sont pas applicables au contrat de travail liant le fonctionnaire détaché et l'organisme d'accueil au profit duquel, seul, le détachement a été opéré". La Cour conforte donc le raisonnement des juges réunionnais ayant considéré que la fondation était le seul employeur de l'agent et que le groupement devait être mis hors de cause.
II - Le conflit entre statuts de la fonction publique et qualification de contrat de travail
Le caractère intuitu personae du détachement de fonctionnaire. C'est sur le caractère intuitu personae du détachement que la Chambre sociale de la Cour de cassation fonde l'intégralité de son raisonnement. Ainsi, le détachement est autorisé par l'autorité hiérarchique du fonctionnaire auprès d'une entité et seulement auprès de celle-ci.
Cette règle n'emporte guère discussion quoiqu'il ait été appréciable qu'elle soit davantage motivée. Ainsi, on peut relever que l'article 13, 4° du décret n° 88-976, du 13 octobre 1988, portant application du statut de la fonction publique hospitalière (N° Lexbase : L7758AI8) délimite très strictement les personnes privées auprès desquelles le fonctionnaire peut être détaché, liste dont les fondations font partie (12). A l'exception des cas dans lesquels le détachement est accordé de plein droit, la demande doit être approuvée par "l'autorité investie du pouvoir de nomination" dont on peut imaginer qu'elle est attentive à la nature et la qualité de l'établissement auprès duquel le fonctionnaire est détaché (13). Le fonctionnaire est détaché pour accomplir une mission auprès d'un autre établissement et cette mission ne peut être modifiée par une mise à disposition ou par un transfert d'entreprise.
La Chambre sociale en déduit donc, fort logiquement, que les dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du Code du travail ne peuvent permettre au fonctionnaire détaché de changer d'employeur. Si l'on comprend et l'on approuve ce raisonnement, il remet une fois de plus en question la qualification de contrat de travail de la relation nouée entre le fonctionnaire détaché et l'organisme d'accueil.
La qualification de contrat de travail en porte-à-faux. Ce n'est pas la première fois que nous le relevons, la qualification de contrat de travail de la relation nouée entre le fonctionnaire et l'établissement d'accueil pose un certain nombre de difficultés, pour ne pas dire qu'elle est incohérente (14). Aucun texte ne prévoit qu'un tel contrat de travail soit noué entre les parties. Il pourrait éventuellement être recouru aux critères du contrat de travail pour déterminer si le fonctionnaire effectue un travail subordonné, rémunéré pour le compte de l'organisme d'accueil, mais la Chambre sociale de la Cour de cassation caractérise automatiquement l'existence du contrat de travail (15).
Or, l'existence automatique d'un contrat de travail entre, en l'espèce, en conflit avec la règle d'ordre public posée par l'article L. 1224-1 du Code du travail. En effet, les contrats de travail doivent être maintenus auprès du cessionnaire au jour du transfert. Cette règle, dont le caractère d'ordre public est fortement maintenu par la même Chambre sociale de la Cour de cassation, ne peut pourtant pas être appliquée au fonctionnaire détaché.
C'est là une nouvelle démonstration du manque de cohérence de la qualification de contrat de travail. Or, il pourrait parfaitement être considéré que le fonctionnaire détaché n'est pas lié par un contrat de travail à l'organisme d'accueil, ce qui n'empêcherait pas le droit du travail de s'appliquer à leur relation par le simple effet des lois portant statut de la fonction publique. Ces lois prévoient toutes, de manière quasi similaire, l'application au fonctionnaire détaché du droit du travail. Elles excluent seulement certaines règles relatives à la rupture du contrat de travail. La Chambre sociale y ajoute, logiquement rappelons-le, l'impossibilité d'appliquer l'article L. 1224-1 du Code du travail, mais la question ne se poserait pas si le fonctionnaire n'était pas lié par contrat de travail à l'organisme d'accueil.
Quel est le véritable enjeu de cette qualification de contrat de travail ? Il arrive souvent que le Code du travail s'applique à des relations qui ne relèvent pas du travail subordonné de droit privé : certaines règles du Code s'appliquent aux stagiaires (harcèlement, discrimination, repos et congés), d'autres s'appliquent aux fonctionnaires (grève), alors même que ces personnes ne sont pas liées à un employeur par un contrat de travail. Le Code du travail pourrait parfaitement s'appliquer au fonctionnaire détaché sans passer par l'artifice du contrat de travail qui pose plus de problèmes qu'il n'en résout.
(1) Le détachement ne doit cependant pas être confondu avec la disponibilité dont profite l'agent public pour conclure un contrat de travail avec une entreprise privée, auquel cas le droit du travail s'appliquera à cette relation dans toute sa plénitude , sans interférence avec les règles relatives au détachement. V. Cass. soc., 6 mai 2009, n° 07-44.44, F-P+B (N° Lexbase : A7492EGL) et nos obs., Les conséquences de la fin de la mise en disponibilité du fonctionnaire sur le contrat de travail, Lexbase hebdo n° 112 du 21 mai 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N4426BK7).
(2) Ass. plén., 20 décembre 1996, n° 92-40.641 (N° Lexbase : A2388AGK) ; Dr. soc., 1997 , p. 710, note J.-F. Lachaume ; D., 1997, jurispr. p. 275, note Y. Saint-Jours. V. également T. confl., 10 mars 1997, n° 03065 (N° Lexbase : A5528BQS) ; Rec. CE, 1997, p. 526 ; Dr. adm., 1997, comm. 206 ; RD publ., 1998, p. 243, note J.-M. Auby ; Cass. soc., 15 juin 2010, n° 09-69.453, FS-P+B (N° Lexbase : A1147E3U) ; JCP éd. S, 2010, 1368, note C. Puigelier, RDT, 2010, p. 510, obs. F. Debord.
(3) Cass. soc., 20 juin 2012, n° 11-20.145, F-P+B (N° Lexbase : A4956IPA) et nos obs., L'éligibilité maintenue du fonctionnaire détaché, Lexbase Hebdo n° 492 du 5 juillet 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2758BTC) ; JCP éd. S, 2012, 1372, note D. Jacotot ; CSBP, 2012 n° 244, p. 286, obs. F.- J. Pansier. Cass. soc., 17 avril 2013, n° 12 -21.581, FS-P+B (N° Lexbase : A3999KC4) et nos obs., L'agent public mis à disposition ne relève pas des dispositions relatives aux salariés mis à disposition, Lexbase Hebdo n° 526 du 1er mai 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6909BT3).
(4) L'article 52 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (N° Lexbase : L8100AG4) exclut l'application des articles L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK), L. 1243-1 (N° Lexbase : L2987IQP) à L. 1243-4 (N° Lexbase : L2988IQQ) et L. 1243-6 (N° Lexbase : L1466H98) du Code du travail. On retrouve une règle identique s'agissant de la fonction publique d'Etat : v. loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, art. 45 ([LXB=L7077AG9 ]).
(5) Ibid.
(6) V. l’Ouvrage "Droit du travail", La notion d'entité économique autonome (N° Lexbase : E8827ESQ).
(7) CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-175/99 (N° Lexbase : A7227AH7).
(8) Cass. soc., 25 juin 2002, n° 01-43.467, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0029AZ4) ; Dr. soc ., 2002, p. 1013, obs. A. Mazeaud ; RJS, 2002, p. 820. Cass. soc., 14 janvier 2003, n° 01-43.676, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6308A4E) et les obs. de S. Koleck-Desautel, L 'application de l'article L. 122-12 du Code du travail aux personnes morales de droit public, Lexbase Hebdo n° 56 du 30 janvier 2003 - édition sociale ([LXB=N5649AAH ]).
(9) Lire Ch. Radé, L'application de l'article L. 122-12 du Code du travail aux personnes publiques gérant un service public administratif, Lexbase Hebdo n° 179 du 1er septembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N7756AI4).
(10) Cass. soc., 19 octobre 2010, n° 09-66.125, F-D (N° Lexbase : A4274GCB).
(11) Il s'agit, probablement, d'un groupement de coopération sanitaire tel que ceux prévus par l'article 23 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ([LXB=L5035IE9 ]).
(12) Décret n° 88-976 du 13 octobre 1988, relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers et à certaines modalités de mise à disposition (N° Lexbase : L7758AI8). Il est vrai, toutefois, que le 4° bis de cet article permet le détachement auprès d'un groupement de coopération sanitaire dont il s'agissait probablement en l'espèce.
(13) Ibid., art. 14.
(14) V. L'éligibilité maintenue du fonctionnaire détaché, préc..
(15) Cass. soc., 15 juin 2010, deux arrêts, n° 09-69.453 (N° Lexbase : A1147E3U) et n ° 08-44.238 (N° Lexbase : A0910E34), FS-P+B, RDT, 2010, p. 510, obs. F. Debord.
Décision
Cass. soc., 8 avril 2014, n° 12-35.425, FS-P+B (N° Lexbase : A0966MKY). Cassation partielle (CA Saint-Denis de la Réunion, 30 novembre 2012, n° R 10/00786 N° Lexbase : A5505I3B). Textes visés : loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, art. 54 (N° Lexbase : L8100AG4). Mots-clés : Agent public ; détachement ; transfert d'entreprise ; transfert du contrat de travail (non). Lien base : (N° Lexbase : E3933ETT) |
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Réf. : Directive 2014/54/UE du 16 avril 2014, relative à des mesures facilitant l'exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs (N° Lexbase : L0906I3X)
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Le 02 Mai 2014
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 12 mars 2014, n° 350646, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9159MGC)
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par Serge Slama, Maitre de conférences en droit public à l'Université Evry Val d'Essonne, membre du CREDOF-CTAD UMR 7074
Le 01 Mai 2014
Cette obligation de motivation a été imposée par l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades (N° Lexbase : L0556IU7), dès la mise en place du titre de séjour pour raisons médicales par l'article 12 bis 11° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (N° Lexbase : L4781AG8), issu de la loi "Chevènement" du 11 mai 1998 (loi n° 98-349, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile N° Lexbase : L9660A9N) (C. entr. séj. étrang. et asile, article L. 313-11 11° N° Lexbase : L5042IQS et repris à l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968).
Sur ce fondement, le Conseil d'Etat a constamment jugé que le préfet ne pouvait légalement fonder sa décision sur un avis médical ne comportant pas d'indication sur la possibilité de l'intéressé de voyager sans risque vers son pays d'origine (1). Notons, d'ores et déjà, que si ce texte s'appliquait à l'espèce commentée, il a depuis été abrogé et remplacé par un texte moins exigeant : l'obligation d'indiquer cette capacité de voyager est devenue une simple faculté pour le médecin de l'Agence régionale de santé (ARS) ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police, comme l'indique l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé (N° Lexbase : L0068I3W) : "dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays" (2).
Suivant la logique de ce changement de réglementation, et plus largement de l'évolution de son contrôle sur les illégalités externes depuis l'arrêt "Danthony" (3), le Conseil d'Etat juge dans la présente affaire que, si l'absence d'indication dans l'avis médical de la capacité à voyager sans risque de l'étranger vers son pays d'origine peut utilement être soulevé contre la décision de refus de séjour, comme contre la décision d'éloignement, encore faut-il que ce point ait fait l'objet de la part de l'étranger d'une contestation en cours de procédure.
En l'espèce, le requérant, un ressortissant algérien né en 1966, a un long parcours d'immigration en France. Entré régulièrement sur le territoire français le 27 janvier 1990, il est revenu dans les mêmes conditions le 9 mars 1992 et le 9 juillet 2001. D'abord demandeur d'asile, il a essuyé un refus d'asile conventionnel le 10 juin 2002 et d'asile territorial le 29 novembre 2002, puis fait l'objet d'un arrêté préfectoral de refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français notifié le 12 juin 2003, qu'il a exécuté. Après six années passées en Algérie, l'intéressé est ensuite revenu en France le 28 février 2009, accompagné de sa femme et de l'un de ses enfants mineurs et commencé une nouvelle "carrière de papier" (4). Le 20 avril 2009, il a sollicité son admission au séjour en France en tant qu'étranger malade, sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, en raison d'un "état dépressif sévère". Le 20 janvier 2010, c'est-à-dire avant l'évolution de la réglementation, le MISP a rendu un avis aux termes duquel il reconnaissait, certes, que l'intéressé souffrait bien d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; en revanche, selon lui, l'offre de soins pour cette pathologie existait en Algérie. L'avis omettait toutefois -on l'aura compris- d'indiquer si l'état de santé permettait à l'intéressé de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cela n'a pas empêché le préfet de la Haute-Garonne d'édicter le 24 février 2010 une décision de refus de séjour (a priori non assortie d'une obligation de quitter le territoire français).
Par jugement du 22 juin 2010, le tribunal administratif de Toulouse annula cette décision sur le fondement de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui exigeait jusqu'ici, comme on l'a vu, l'indication dans l'avis médical de la possibilité pour l'intéressé de voyager sans risque vers l'Algérie. Toutefois, la cour administrative d'appel de Bordeaux censura cette décision en estimant que ce moyen ne pouvait être utilement soulevé à l'encontre d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour. Elle considéra que ce moyen est opérant "uniquement à l'encontre d'une mesure d'éloignement" (5).
Saisi en cassation, le Conseil d'Etat censure cet arrêt, ainsi que le jugement du tribunal administratif. Ce faisant, il ne fait, en réalité, que confirmer et prolonger sa propre jurisprudence sur les deux points en litige. D'une part, confirmant un récent arrêt (6), il rappelle que le moyen de l'absence de mention de la capacité à supporter le voyage peut utilement être invoqué non seulement à l'encontre de la décision d'éloignement, mais aussi de celle refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour raisons médicales (I). D'autre part, dans le prolongement de l'arrêt "Salhi" (7), il estime que ce moyen ne saurait prospérer que si, et seulement si, ce point a fait l'objet d'une contestation de la part de l'étranger en cours de procédure (II).
I - Une confirmation : opérance du moyen de l'absence de mention de la capacité à supporter le voyage contre la décision de refus de séjour
Est légalement protégé contre l'éloignement, depuis la loi "Debré" du 24 avril 1997 (loi n° 97-396 du 24 avril 1997, portant diverses dispositions relatives à l'immigration N° Lexbase : L4768GU7) (ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, art. 25, 8°, C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 511-4 N° Lexbase : L7191IQE), et a droit à une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale", depuis la loi "Chevènement" du 11 mai 1998 (ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, art. 12 bis 11°, C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 313-11-11° et reprise à l'article 6-7° de l'accord franco-algérien), s'il réside habituellement en France, l'étranger "dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité" à la condition qu'il ne puisse "effectivement" bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans le pays de renvoi (pour l'éloignement) ou d'origine (pour le refus de séjour).
En application de ces dispositions législatives le décret n° 99-352 du 5 mai 1999, modifiant le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers (N° Lexbase : L0095I3W), a précisé que le préfet délivre la carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" aux étrangers malades "au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique [...] au regard du lieu de résidence de l'intéressé [...] cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'Intégration, du ministre chargé de la Santé et du ministre de l'Intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé" (C. entr. séj. étrang. et asile, article R. 313-22 N° Lexbase : L0583IRZ). Par suite, l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 a prévu que le MISP, et à Paris le médecin-chef, émet un avis indiquant notamment si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi.
C'est le fondement de cette disposition que le Conseil d'Etat a constamment jugé qu'un préfet qui se fondait sur un avis médical dénué de cette indication entachait sa décision d'éloignement d'illégalité "alors qu'il ressortait de l'avis médical que l'état de santé de l'intéressé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (8). Ce grief avait même constitué le moyen d'annulation dans l'affaire de principe -jusqu'à l'intervention du législateur en 2011- dans ce contentieux des étrangers malades (9).
Toutefois, au regard de la rédaction des dispositions légales et réglementaires, il apparaissait évident que ce moyen de légalité externe était opérant aussi bien à l'encontre de la décision de séjour que de la décision d'éloignement subséquente. Les dispositions de l'article R. 313-22 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 4 de l'arrêté de 1999 imposaient, en effet, expressément au médecin inspecteur (ou à Paris au médecin chef) d'indiquer cette capacité à supporter le voyage dans son avis dans le cadre de la procédure de délivrance du titre de séjour. De nombreuses cours administratives d'appel avaient d'ailleurs admis l'opérance de ce moyen, soit, le plus souvent, pour le rejeter en estimant qu'"il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (10) soit, parfois, pour annuler le refus de séjour en l'absence de telles indications (11).
Néanmoins, de manière minoritaire, certaines formations de jugement avaient retenu le caractère inopérant de ce moyen. Ainsi, la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Paris avait jugé que, non seulement "il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage", mais aussi qu'"en tout état de cause, une telle omission est sans incidence à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour qui ne constitue pas elle-même une décision d'éloignement" (12). De manière plus argumentée, la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille avait clairement distingué l'irrégularité d'un arrêté "en tant qu'il emporte obligation de quitter le territoire" pris sur le fondement d'un avis médical silencieux sur la capacité à supporter ce voyage et l'inopérance de ce moyen à l'encontre de la "décision de refus de titre de séjour [qui] ne constitue pas elle-même une décision d'éloignement". En référence à l'arrêt "Danthony" précité, elle avait estimé, à l'égard de cette dernière, "qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le silence de l'avis du médecin inspecteur sur la possibilité pour M. X de voyager sans risque vers le Maroc ait été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par le préfet de l'Hérault s'agissant de son droit au séjour" et que, dès lors, "le caractère incomplet de cet avis sur la possibilité de la mise à exécution d'une mesure d'éloignement ne saurait être regardé comme ayant affecté de façon substantielle la procédure d'adoption de la décision se prononçant sur le droit au séjour de l'intéressé" (13). C'est donc dans ce courant jurisprudentiel que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux soumis à la cassation du Conseil d'Etat s'inscrivait.
Le désavouant, le Conseil d'Etat censure pour erreur de droit la décision de la cour bordelaise en mentionnant qu'il résulte des dispositions réglementaires suscitées "que le moyen tiré de ce que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique serait insuffisamment motivé peut être utilement invoqué pour contester la légalité tant d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour que d'une mesure d'éloignement" (cons. n° 3). Ce faisant, il ne fait que rappeler une récente jurisprudence dans laquelle il avait jugé qu'une cour administrative d'appel avait, à bon droit, censuré un arrêté de refus de séjour "en retenant que l'omission dont était entaché l'avis médical [s'agissant de la capacité de voyager sans risque] pouvait être utilement invoquée pour contester la légalité du refus de titre de séjour". Il avait alors plus longuement justifié cette position en relevant que les dispositions réglementaires applicables "ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine". De ce fait, ajoutait-il, "l'absence de l'indication prévue à l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 quant à la possibilité pour un étranger malade de voyager sans risque vers son pays d'origine ne met pas l'autorité préfectorale à même de se prononcer de manière éclairée sur la situation de cet étranger ; que, par suite, sauf s'il ressort des autres éléments du dossier que l'état de santé de l'étranger malade ne suscite pas d'interrogation sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine, l'omission de l'indication en cause entache d'irrégularité la procédure suivie et partant affecte la légalité de l'arrêté pris à sa suite" (14).
De telles considérations nous apparaissent cohérentes avec le fait que la décision d'obligation de quitter le territoire français est fortement dépendante de la décision de refus de séjour et que les deux décisions sont prises à l'issue d'une seule et même procédure et au sein d'un seul et même arrêté (15). Cette évolution favorable n'aura cependant que peu de portée pratique dans la mesure où dans un second temps le Conseil d'Etat prolonge un autre courant jurisprudentiel, qu'il a esquissé lui-même de longue date, et qui repose sur l'idée que ce moyen ne peut être opérant que si ce point a fait l'objet d'une contestation de la part de l'étranger.
II - Une précision : le moyen ne saurait prospérer que si ce point a fait l'objet d'une contestation en cours de procédure
Cette dernière précision est plus une confirmation qu'une novation dans la mesure où cette nécessité pour l'étranger malade d'avoir préalablement fait état de son incapacité à voyager sans risque, compte tenu de son état de santé, était déjà de longue date sous-jacente à la jurisprudence dans ce domaine. Dès 2005, on trouve dans des décisions du Conseil d'Etat rendues en appel de jugements du juge de la reconduite le considérant de principe selon lequel "si M. X soutient que l'avis du médecin inspecteur de santé publique ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. X pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (16). Ainsi, l'absence d'indication sur la capacité à supporter le voyage n'avait d'incidence sur la légalité de la procédure que si le dossier faisait apparaitre qu'il existait des interrogations sur ce point.
Repris dans un arrêt de principe (17), le considérant a été dès lors dupliqué, comme on l'a vu, dans de nombreuses décisions des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. En 2012, le Conseil d'Etat confirme, en ce sens, une décision d'une cour administrative d'appel motivée de la sorte en mentionnant que l'absence d'indication sur cette capacité de voyager sans risque "n'affectait pas la légalité de la décision contestée dès lors qu'elle [la cour] a également retenu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le certificat du médecin inspecteur ne faisait pas ressortir que l'état de santé de M. X soulevait des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (18).
C'est donc dans la suite logique de cette décision que le Conseil d'Etat juge, dans la décision commentée, que n'est pas entaché d'insuffisance de motivation une décision de refus de séjour reposant sur un avis médical ne comportant aucune indication sur la possibilité pour l'intéressé de voyager "en l'absence de toute contestation portant sur ce point" (cons. n° 5). Il aurait donc fallu qu'au cours de la procédure de demande du titre de séjour l'étranger fasse valoir au médecin ou à l'administration que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque. L'idée qui sous-tend cette jurisprudence est sûrement d'éviter que les requérants soulèvent ce moyen uniquement pour obtenir une annulation et un réexamen de situation, sans que l'incapacité à voyager corresponde à la réalité du dossier et de l'état de santé de l'étranger. Incidemment, cela confirme la nécessité d'organiser avant l'édiction de la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français un contradictoire préalable entre l'étranger et la préfecture lui permettant de présenter des observations orales ou écrites -question qui a été récemment relancée à l'aune des principes généraux du droit de l'Union européenne garantissant le droit d'être entendu préalablement- (19).
Plus largement, on notera que cette décision du Conseil d'Etat intervient dans un contexte où la protection constitutionnelle et conventionnelle des étrangers malades est très peu satisfaisante. En 2011, le Conseil constitutionnel a en effet validé les restrictions introduites par la loi "Besson" de juin 2011 (loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité N° Lexbase : L4969IQ4) à l'article L. 313-11 11° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (20). Pire, la Cour européenne des droits de l'Homme vient de confirmer sa jurisprudence "Ponce-Pilate" en la matière (21). Dans son arrêt "Josef" (22), dont on espère qu'il sera renvoyé en Grande chambre, elle confirme que "le fait qu'en cas d'expulsion de l'État partie, l'étranger connaîtrait une dégradation importante de sa situation, et notamment une réduction significative de son espérance de vie, ne suffit pas pour emporter violation de l'article 3 [...]. Selon la Cour, il faut que des circonstances humanitaires encore plus impérieuses caractérisent l'affaire". Elle rappelle, néanmoins, que dans ses affaires "N" (23) et "Yoh-Ekale Mwanje" (24), "la Cour tint compte de ce qu'au moment de leur éloignement, l'état de santé des requérantes était stable grâce aux traitements dont elles avaient bénéficié jusque-là, qu'elles n'étaient pas dans un 'état critique' et qu'elles étaient aptes à voyager" (25).
Dans le prolongement d'une précédente "opinion partiellement concordante commune" (26), le juge Power-Forde a parfaitement raison de faire valoir, dans une opinion dissidente, que, "si 'N. c. Royaume-Uni' représente la jurisprudence de la Cour en matière d'expulsion de personnes séropositives, je ne puis, en mon âme et conscience, approuver son application en l'espèce. L'appliquer conduira presque certainement au décès imminent de la requérante et à la perte pour ses trois jeunes enfants de la présence, de l'amour, de l'attention et du soutien de leur mère. Privée des médicaments dont elle avait besoin, la requérante dans l'affaire N. est morte quelques mois après avoir été expulsée vers son pays d'origine. Selon toute probabilité, le même sort attend la requérante en l'espèce".
Une telle perspective -qui heurte frontalement le droit à la vie et la prohibition de la torture et des traitements inhumains et dégradants garanti par la Convention européenne- n'est évidemment pas humainement et juridiquement admissible. Il est tout aussi critiquable qu'un préfet puisse surmonter l'avis défavorable du médecin de l'ARS estimant qu'en cas de renvoi de l'étranger le pronostic vital est engagé, comme cela se produit trop régulièrement (27).
(1) CE, 27 janvier 2006, n° 273155, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6411DME).
(2) CAA Paris, 7ème ch., 31 mai 2013, n° 12PA04190 (N° Lexbase : A6538KKD).
(3) CE, Sect., 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9048H8M), AJDA, 2012. 195, chron. X. Domino et A. Bretonneau, RFDA, 2012. 284, concl. G. Dumortier. V. aussi X. Domino, A. Bretonneau, Jurisprudence Danthony : bilan après 18 mois, AJDA, 2013 p. 1733.
(4) Selon l'expression du sociologue Alexis Spire.
(5) CAA Bordeaux, 2ème ch., 8 février 2011, n° 10BX01902 (N° Lexbase : A0741MHW).
(6) CE 1° et 6° s-s-r., 13 février 2013, n° 349738, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1760I8P).
(7) CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 355648, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1184IWR).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 3 mai 2004, n° 253013, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0675DCY), p. 723. Voir aussi, CE, 27 janvier 2006, n° 273155, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6411DME).
(9) CE, Sect., 7 avril 2010, deux arrêts, publiés au recueil Lebon n° 301640 (N° Lexbase : A5643EUK) et n° 316625 (N° Lexbase : A5665EUD), AJDA, 2010. 703 et 881, chron. Liéber et Botteghi, Constitutions, 2010. 437, obs. Tchen, JCP éd. A, 2010, n° 29, 2238, com. B. Demagny, S. Slama.
(10) CAA Versailles, 4ème ch., 14 mars 2006, n° 04VE02468 (N° Lexbase : A0765DPZ) ; CAA Bordeaux, 6ème ch., 18 décembre 2007, n° 07BX01336 (N° Lexbase : A3043EAX), CAA Nantes, 4ème ch., 28 mars 2008, n° 07NT03580 (N° Lexbase : A4695EHD) ; CAA Bordeaux, 5ème ch., 9 mars 2009, n° 08BX01790 (N° Lexbase : A8685E4G) ; CAA Lyon, 3ème ch., 19 mai 2009, n° 08LY00580 (N° Lexbase : A6731EHR) ; CAA Versailles, 5ème ch., 23 septembre 2010, n° 09VE01881 (N° Lexbase : A7868GCE) ; CAA Paris, 2ème ch., 6 octobre 2010, n° 09PA07087 (N° Lexbase : A8395GK7) ; CAA Nantes, 4ème ch., 31 décembre 2010, n° 10NT00938 (N° Lexbase : A9043GX9) ; CAA Marseille, 5ème ch., 10 mars 2011, n° 09MA02278 (N° Lexbase : A9047HBP).
(11) CAA Lyon, 6ème ch., 14 octobre 2008, n° 07LY01236 (N° Lexbase : A4124EBD).
(12) CAA Paris, 6ème ch., 7 juin 2010, n° 09PA04144 (N° Lexbase : A2314E89).
(13) CAA Marseille, 2ème ch., 17 juillet 2012, n° 10MA00751 (N° Lexbase : A3753IRG).
(14) CE 1° et 6° s-s-r., 13 février 2013, n° 349738, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc., cons. n° 3.
(15) Voir, sur ces imbrications complexes en droit d'asile, l'avis contentieux CE, Sect., 30 décembre 2013, n° 367615, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9253KSI) et le commentaire de Giacomo Roma, Exception d'illégalité et annulation par voie de conséquence : ou passe la frontière ?, RGD, 11 mars 2014.
(16) CE, 20 mai 2005, n° 271654, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3578DID).
(17) CE 7° s-s., 6 janvier 2006, n° 263779, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1844DMA).
(18) CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 355648, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc., cons. n° 3.
(19) TA Lyon, 28 février 2013, n° 1208055 et n° 1208057, RFDA, 2013, p. 839, concl. Henri Stillmunkes et les questions préjudicielles, TA Melun, 8 mars 2013, n° 1301686, enregistrée sous le n° C-166/13 et TA Pau, 30 avril 2013, n° 1300264, enregistrée sous le n° C-249/13, CJUE, 2ème ch., 10 septembre 2013, aff. C 383/13 PPU (N° Lexbase : A5672KKB).
(20) Cons. constit., décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 (N° Lexbase : A4307HTP), et nos obs., RFDC, 2012/2, n° 90, p. 373.
(21) CEDH, 27 mai 2008, Req. 26565/05 (N° Lexbase : A7403D8P), p. 44, RTDH, 2009. 261, comm. F-J. Laferrière.
(22) CEDH, 20 mars 2014, Req. 70055/10 (N° Lexbase : A1279MGH), p. 120, Lettre de l'EDEM, mars 2014, par L. Leboeuf.
(23) CEDH, 27 mai 2008, Req. 26565/05, préc..
(24) CEDH, 20 décembre 2011, Req. 10486/10 (N° Lexbase : A5572MKL), ADL, 27 décembre 2011, par N. Hervieu.
(25) CEDH, 17 avril 2014, Req. 41738/10 (N° Lexbase : A4059MKK).
(26) CEDH, 20 décembre 2011, Req. 10486/10, préc..
(27) Cimade, Etrangers malades : quand les préfets jouent au docteur, l'Etat devient bourreau, communiqué du 8 avril 2014 ; Ordre de Malte, Droit des personnes dans les Centres de Rétention Administrative : contre l'avis des médecins, l'administration s'acharne, communiqué du 8 avril 2014.
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 28 avril 2014, n° 373051, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5595MKG)
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N2012BU3
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Le 02 Mai 2014
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N1973BUM
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Le 01 Mai 2014
- L'obligation de transparence en matière de prix de transfert, Christian Lopez, MCF HDR, Université de Cergy-Pontoise, membre du LEJEP et de 2ISF
- Le contrôle des prix de transfert : thèmes et enjeux, Olivier Sivieude, DGFIP, Chef de service du contrôle fiscal
- L'article 1 AStG : les prix de transfert en droit allemand, Michael Preisser, Professeur, Université de Lüneburg
- L'action 13 du Plan d'action BEPS (Erosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices) de l'OCDE : la documentation relative aux prix de transfert et le reporting pays par pays, Samia Abdelghani, Conseillère prix de transfert, OCDE
- La notion de groupe : dépendance économique et juridique, Karim Sid Ahmed, MCF, Université de Cergy-Pontoise, membre du LEJEP et de 2ISF
- La pertinence des critères de pleine concurrence, Jean-Claude Drié, Docteur en droit, Avocat à la cour d'appel de Paris
- Le regard de l'entreprise sur les prix de transfert, Guillaume Paquier, Responsable prix de transfert, ALSTOM
- Comptabilité et prix de transfert, Philippe Bailly, Ancien commissaire aux comptes, Conseil aux entreprises
Vendredi 23 mai 2014 à partir de 14 heures
Conseil supérieur du Notariat
60, boulevard de la Tour-Maubourg
75015 Paris
Bulletin d'inscription à retourner avant le 15 mai 2014 à Nadine Bonnet, Université d'Evry-Val d'Essonne, bât. IDF, 23 boulevard François Mitterrand, 91025 Evry Cedex ou par courriel.
Ce séminaire a été validé au titre de la formation professionnelle des avocats. Ces derniers doivent remettre un chèque de 80 euros TTC à l'ordre de 2ISF (à adresser par courrier à Nadine Bonnet).
Inscription obligatoire et gratuite pour les enseignants et les étudiants.
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Réf. : Proposition de loi relative à la modulation des contributions des entreprises
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N1945BUL
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Réf. : Lire le communiqué de presse de l'OCDE du 18 avril 2014
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N1942BUH
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Le 01 Mai 2014
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Réf. : Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-11.313, FS-P+B (N° Lexbase : A6236MIS)
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N1957BUZ
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par Gaël Piette, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur-adjoint de l'IRDAP, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"
Le 01 Mai 2014
I - La charge de la preuve de la disproportion
L'article L. 341-4 du Code de la consommation énonce qu'un "créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation".
Cette dernière précision conduit à ne pas limiter l'appréciation du patrimoine de la caution au jour de signature du cautionnement pour déterminer si son engagement est proportionné ou non. Il faudra également examiner si, le jour où le créancier l'appelle en paiement, la caution n'a pas connu une amélioration de sa situation financière personnelle, lui permettant de faire face à son obligation.
Afin de déterminer si l'engagement qu'il lui fait signer n'est pas disproportionné, le créancier doit se renseigner sur la situation patrimoniale de la caution. Toutefois, ce ne sont que des investigations minimales qui sont demandées au créancier. En effet, la Cour estime que le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude des renseignements fournis par la caution quant à ses revenus et son patrimoine (2), et qu'il n'a à se baser que sur les documents fournis par la caution (3).
L'amélioration de la situation financière de la caution, visée par l'article L. 341-4 in fine, peut résulter d'une augmentation de ses revenus ou d'un enrichissement de son patrimoine, mais également d'une diminution des charges qui pèsent sur elle (4).
L'une des questions qui se pose pour l'application de l'article L. 341-4 est celle de la charge de la preuve. Est-ce à la caution ou au créancier qu'il appartient de démontrer que l'engagement de la caution et -ou n'est pas- disproportionné ? La Cour de cassation a répondu de la manière la plus logique qui soit, en décidant qu'"il appartient à la caution qui entend opposer à la banque créancière les dispositions de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus" (5).
En revanche, la Cour de cassation n'avait encore jamais eu, à notre connaissance, à se prononcer sur la question de la preuve, non pas de la disproportion initiale, mais de l'amélioration de la situation financière de la caution. En décidant qu'il "incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation", la Cour de cassation ne laisse planer aucun doute sur la réponse à cette question.
La solution retenue par l'arrêt commenté éclaire d'un jour nouveau la question du moment d'appréciation de la disproportion.
II - Le moment d'appréciation de la disproportion
L'arrêt du 1er avril 2014 est très instructif en ce qui concerne le dernier élément de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, à savoir l'amélioration de la situation financière de la caution.
Il a pu être soutenu, non sans une certaine logique, que la fin de l'article L. 341-4 conduisait à retenir deux moments d'appréciation de la disproportion du cautionnement (6). D'une part, il faudrait l'apprécier au moment de la conclusion de la sûreté, puisque le texte vise l'engagement qui était, "lors de sa conclusion, manifestement disproportionné". D'autre part, il faudrait l'apprécier au moment de l'exécution de la sûreté, c'est-à-dire au moment où la caution est appelée en paiement par le créancier, puisque le texte réserve l'hypothèse dans laquelle "le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, [lui permet] de faire face à son obligation".
Mais, si une telle position est retenue, la solution dégagée par l'arrêt commenté est bancale : pourquoi la preuve de la disproportion "initiale" pèserait sur la caution, tandis que celle de la disproportion "finale" appartiendrait au créancier ?
Si l'on veut pouvoir concilier les deux idées, il nous semble qu'il faille considérer qu'en réalité, la réserve finale de l'article L. 341-4 n'est qu'un moyen de sauver le contrat, une "dernière chance" offerte au cautionnement disproportionné. La décision commentée montre bien que la disproportion s'apprécie au moment de la conclusion du cautionnement. Et c'est à la caution, en application de l'article 1315, alinéa 2, du Code civil, qu'il appartient de rapporter la preuve de la disproportion (cf. jurisprudence citée supra).
Si, effectivement, le cautionnement est manifestement disproportionné au moment de sa conclusion, la caution est en principe libérée. Le créancier peut cependant tenter de sauver le contrat, en établissant que la situation financière de la caution s'est améliorée entre-temps, et que l'engagement n'est plus disproportionné aux biens et revenus de celle-ci au moment de l'appel de la sûreté.
Il est alors parfaitement logique, et conforme à l'article 1315, de considérer que c'est au créancier qu'il revient de prouver ce "retour à meilleure fortune".
(1) Rappelons que la Cour de cassation a décidé que l'article L. 341-4 du Code de la consommation est applicable à toutes les cautions personnes physiques, y compris la caution dirigeante et la caution avertie : Cass. com., 13 avril 2010, n° 09-66.309, F-D (N° Lexbase : A0705EWZ), RLDC, juin 2010, p. 30, obs. J.-J. Ansault ; Cass. com., 22 juin 2010, n° 09-67.814, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2722E39), D., 2010, p. 1985, note D. Houtcieff, RTDCiv., 2010, p. 593, obs. P. Crocq, RTDCom., 2010, p. 552, obs. C. Champaud et D. Danet, RDBF, septembre-octobre 2010, n° 172, obs. D. Legeais, V. Téchené, La sanction du cautionnement disproportionné souscrit par le dirigeant, personne physique, au profit d'un créancier professionnel, Lexbase Hebdo n° 404 du 22 juillet 2010 - édition privée (N° Lexbase : N6432BPW) ; Cass. com., 19 octobre 2010, n° 09-69.203, F-D (N° Lexbase : A4348GCZ), RLDC, décembre 2010, p. 33, obs. J.-J. Ansault ; Cass. com., 10 juillet 2012, n° 11-16.355, F-D (N° Lexbase : A8216IQD) et Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-20.192, F-D (N° Lexbase : A8174IQS), Gaz. Pal., 20 septembre 2012, p. 20, obs. Ch. Albigès.
(2) Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-69.807, F-P+B (N° Lexbase : A2628GNN), JCP éd. G, 2011, act. 48, obs. J. Lasserre Capdeville, RDBF, mars 2011, p. 61, obs. A. Cerles ; Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-13.458, F-D (N° Lexbase : A8866IE4).
(3) Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-20.959, F-D (N° Lexbase : A7522HXU).
(4) CA Grenoble, 4 juin 2012, n° 10/01742 (N° Lexbase : A2724KSP), JCP éd. G, 2012, 1291, n° 7, obs. Ph. Simler.
(5) Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-27.651, F-D (N° Lexbase : A8914IBR) ; Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-25.377, F-D (N° Lexbase : A8725I3K), Gaz. Pal., 21 mars 2013, p. 18, obs. Ch. Albigès, JCP éd. G, 2013, 585, n° 7, obs. Ph. Simler.
(6) Ch. Albigès et M.-P. Dumont-Lefrand, Droit des sûretés, Dalloz, 3ème éd., 2011, n° 216 ; Y. Picod, Droit des sûretés, Thémis-PUF, 2ème éd., 2011, n° 61.
Décision
Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-11.313, FS-P+B (N° Lexbase : A6236MIS). Cassation (CA Toulouse, 2ème ch., sect. 1, 31 octobre 2012). Lien base : (N° Lexbase : E8923BXR). |
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Réf. : .Aut. conc., avis n° 14-A-06 du 15 avril 2014 (N° Lexbase : X4776AMT)
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N1939BUD
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Le 01 Mai 2014
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r, 11 avril 2014, n° 355624, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1046MKX)
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N1938BUC
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Le 02 Mai 2014
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Réf. : Cons. const., décision n° 2014-393 QPC, du 25 avril 2014 (N° Lexbase : A5363MKT)
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N1959BU4
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Le 01 Mai 2014
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N1954BUW
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par Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université
Le 01 Mai 2014
Une société qui exerce des activités de gestion de portefeuille de titres, de location de locaux nus et de prestations de services a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. L'administration lui a notifié des rappels d'impôts sur les sociétés et de retenue à la source. Le contrôle s'est déroulé du 18 février au 18 décembre 2002, il a porté sur les exercices clos de 1999 et 2000.
Le litige porte sur l'application combinée des articles L. 52 (N° Lexbase : L0281IWC) et L. 52 A (N° Lexbase : L2421DAW) du LPF, relatifs à la limitation du contrôle sur place de trois mois dans le cadre d'une vérification de comptabilité.
Le contribuable se pourvoit en cassation contre un arrêt du 7 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel a rejeté sa requête contre le jugement du 10 décembre 2009 alors même que le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes (CAA Lyon, 2ème ch., n° 10LY00389, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8046IDD).
L'article L. 52 précité fixe pour principe que "la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois" en ce qui concerne "les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant net annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article septies A du CGI" (voir notre ouvrage, Procédures fiscales, Montchrestien, coll. Précis Domat, 2013, pp. 278 et s.).
Il a été jugé qu'une société holding, qui a pour seule activité la gestion d'un portefeuille de titres et de créances rattachées à des participations, et qui, au cours d'un exercice, n'a perçu que les produits financiers de celles-ci, ne réalisant pas le chiffre d'affaires, n'entre pas dans les prévisions du champ d'application de l'article L. 52 susmentionné. En conséquence, elle ne peut soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie spécifique (CAA Nantes, 3ème ch., 5 février 2007, n° 04NC00207, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4420DPE, RJF, 2007, 7, comm. 789). A suivre le Conseil d'Etat, une société de capitaux qui exerce une activité à caractère civil de gestion d'un portefeuille de titres et créances se rattachant à ses participations n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 52 (CE 10° et 9° s-s-r., 28 mars 2008, n° 284548, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5935D7X, RJF, 2008, 6, comm. 696).
Les entreprises qui exercent une activité civile de location immobilière de locaux nus n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 52, quand bien même l'activité est exercée par une société à responsabilité limitée, société commerciale par sa forme et passible de l'impôt sur les sociétés (CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, n° 281068, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1471D3U, Droit fiscal, 2008, 8, comm. 192).
Rappelons que le chiffre d'affaires ou le montant des recettes doit être apprécié par rapport au chiffre d'affaires réel, c'est-à-dire après les rectifications opérées à bon droit par l'administration, et non par rapport au chiffre d'affaires ou au montant des recettes déclarées (CE 8° et 7° s.s.r., 21 décembre 1977, n° 01145, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4654AYZ, Droit fiscal, 1978, comm. 863).
L'article L. 52 A, quant à lui, énonce que "les dispositions de l'article L. 52 ne s'appliquent pas aux personnes morales ni aux sociétés visées à l'article 238 bis M du CGI (N° Lexbase : L4888HLM) à l'actif desquelles sont inscrits les titres de placement ou de participation pour un montant total d'au moins 7 600 000 euros" (anciennement 50 millions de francs). L'article 238 bis M prévoit que "les sociétés en participation doivent [...] inscrire à leur actif les biens dont les associés ont convenu de mettre la propriété en commun".
Dans l'affaire qui nous occupe, le juge relève que l'article L. 52 du LPF organise, au profit d'entreprises limitativement énumérées, une garantie spécifique limitant la procédure de vérification sur place. Il est observé que les entreprises exerçant des activités de nature civile ne figurent pas au nombre de celles bénéficiant de cette garantie.
Toutefois, à suivre le Conseil d'Etat, en vertu des dispositions de l'article L. 52 A précité, une entreprise satisfaisant aux conditions posées par l'article L. 52 et qui détient également des titres de placement ou de participation bénéfice de la garantie encadrant la vérification de comptabilité, si le montant pour lequel les titres sont inscrits à son actif ne dépasse pas le montant visé à l'article L. 52 A du LPF. En outre, lorsque l'entreprise exerce, en complément des activités visées à l'article L. 52, une autre activité de nature civile, elle ne bénéficie de la garantie spécifique que si cette dernière activité a un caractère accessoire.
Le Conseil d'Etat retient que cette garantie particulière, relative à la limitation dans le temps du contrôle sur place, est ouverte aux entreprises énumérées à l'article L. 52 du LPF, même si elles ont une activité de nature civile, si cette dernière est accessoire. En conséquence, il appartient au juge de se prononcer sur le point de savoir si cette activité revêt ou non un caractère accessoire. Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel du 7 février 2012, et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon.
L'article 1559 du CGI (N° Lexbase : L2759HW4) prévoit que les cercles et maisons de jeux sont soumis à un impôt ayant le caractère d'une contribution indirecte dont le montant est fonction des recettes annuelles. Qu'il s'agisse de jeux de hasard où l'on mise sur les chances des tiers ou de jeux de commerce où le joueur défend sa propre chance, la somme que l'établissement prélève sur les jeux pratiqués, à l'exclusion du prix des services rendus au client ou à un autre titre, constitue "la cagnotte" sur le montant de laquelle est assise la taxe spécifique comportant des taux progressifs. Les exploitants déclarent le 1er de chaque mois la recette totale du mois écoulé. Les infractions à cette réglementation sont réprimées comme en matière de contributions indirectes, mais dans le délai de reprise de l'article L. 176 du LPF (N° Lexbase : L1446IZL), c'est-à-dire comme en matière de TVA.
L'article 1791 du code précité (N° Lexbase : L7699IPT) énonce la sanction applicable en cas de manquement à cette obligation. A noter que le principe de proportionnalité du droit communautaire ne s'applique pas aux sanctions fiscales en matière de contributions indirectes, qui sont à la fois des peines et des réparations civiles (Cass. crim., 16 janvier 1995, n° 93-85.863, Bull. crim., n° 19).
Enfin, l'article 1797 (N° Lexbase : L4560HMT) fixe pour principe que les personnes dirigeant, administrant ou exploitant le cercle ou la maison de jeux, à quelque titre que ce soit, comme toutes celles qui ont participé à la fraude ou l'ont sciemment favorisées, sont solidairement responsables. Il a été jugé, par exemple, que le directeur d'un cercle de jeux exploité par une association, qui exerce lui-même ou fait exercer par des salariés le rôle d'animateur ou de financier, se livre de façon habituelle et dans un but lucratif à une activité qui revêt un caractère commercial (CE 7° et 8° s-s-r., 4 décembre 1985, n° 43383, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3065AMH).
Les décisions par lesquelles l'autorité administrative statue sur les demandes en décharge de solidarité relèvent du contrôle du juge de l'excès de pouvoir. Un tribunal ne peut décharger de son obligation de paiement solidaire le contribuable qui n'a pas présenté de conclusions visant à la contestation pour excès de pouvoir d'une décision de rejet (CE 8° et 3° s-s-r., 8 octobre 2010, n° 334160, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3550GB4).
En l'espèce, l'administration a constaté les manquements dont s'est rendu coupable un cercle parisien. En application des dispositions précitées, le président du cercle a été condamné, par le juge pénal, à payer l'impôt et des amendes solidairement avec le cercle. Mais l'administration lui a accordé la remise totale des pénalités, refusant néanmoins de le décharger de sa responsabilité solidaire.
Dans cette affaire, la demande du président du cercle, qui, faut-il le rappeler, n'est pas le redevable légal de l'impôt, ne porte pas sur la remise des impositions mais sur la décharge de sa responsabilité solidaire.
Les personnes susceptibles d'être mises en cause à titre de responsables pour le paiement d'impositions dues par un tiers peuvent, quelle que soit la nature des impôts, droits ou taxes, solliciter de la juridiction gracieuse la décharge totale ou partielle de leur responsabilité dans les conditions visées par les articles R. 247-10 (N° Lexbase : L9313IWT) et R. 247-11 (N° Lexbase : L9314IWU) du LPF, lesquels visent les autorités compétentes pour statuer.
Précisons à cette occasion que l'article L. 247 du LPF (N° Lexbase : L9497IYE) prévoit qu'"aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d'affaires, de contributions indirectes et des taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions". Toutefois, aux termes de cet article, la remise ou la modération du principal de la dette peut être demandée par le contribuable en cas de gêne ou d'indigence les mettant dans l'impossibilité de se libérer envers le Trésor. Concrètement, les contribuables susceptibles d'obtenir de telles mesures de faveur sont ceux qui peuvent justifier que leur situation financière ne leur permet pas, ou plus, de faire face à leur dette fiscale. On peut douter que le président d'un cercle de jeux réputé remplisse les conditions.
Dans l'arrêt qui nous est donné de commenter, le Conseil d'Etat retient que l'administration est fondée à accepter ou à refuser une demande de décharge de responsabilité solidaire présentée par un contribuable, laquelle ne peut pas porter sur une remise totale ou partielle d'impositions, ce qui est proscrit par l'article L. 247 du LPF. Que l'on ne se méprenne pas, la décharge à titre gracieux de la responsabilité solidaire ne saurait, eu égard à son objet et aux motifs susceptibles de la justifier, être analysée comme impliquant la remise en cause du principe juridiquement établi de cette responsabilité (CE 9° et 10° s-s-r., 3 novembre 2006, n° 268919, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4798DSI, Droit fiscal, 2007, 4, comm. 90).
En conséquence, d'un point de vue pratique, l'administration n'a pas à justifier son refus de remise gracieuse. L'article L. 247 précité conduit à considérer que l'administration a la faculté, et non l'obligation, de faire droit aux demandes de décharge de solidarité. Par conséquent, elle doit réexaminer la demande du président du cercle, ce qui ne signifie pas qu'elle doive y faire droit. Les jeux ne sont pas faits.
Une société constituée en tant que holding informelle commune à deux groupes de sociétés a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Celle-ci a pour thèse d'affirmer que les revenus qu'elle a touchés et qu'elle déclare sont des dividendes.
L'administration soutient que la société a des locaux en France, pris à bail par une société appartenant au même groupe informel et où son courrier était enregistré par la secrétaire de cette société. A l'appui de sa démonstration, elle produit un contrat d'extension de l'aire de prière d'une mosquée signée entre la holding et deux sociétés du groupe, cette activité ayant été rémunérée notamment par des honoraires versés par l'une des filiales. L'administration conclut de ces éléments que la société est une holding active établie en France. L'administration a mis en oeuvre l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L2641IX4) à l'encontre de trois sociétés du groupe, lui permettant de recueillir ainsi des documents qu'elle a ensuite exploités.
Trois points méritent d'être retenus.
Concernant le premier point relatif à la procédure de visite de et saisie domiciliaire (LPF, art. L. 16 B), l'irrégularité d'une opération de cette nature entraîne celle de la procédure d'imposition ultérieurement poursuivie à l'encontre du contribuable. Mais cette irrégularité n'affecte pas la validité d'une procédure d'imposition distincte engagée à l'égard d'un autre contribuable et dans laquelle l'administration se serait fondée sur des faits révélés par les documents saisis. A suivre la Cour de cassation, lorsque les présomptions de fraude concernent plusieurs sociétés, est régulière l'ordonnance autorisant la visite qui relève que les fraudes présumées des unes peuvent constituer des présomptions de fraude pour les autres, eu égard aux liens existant entre ces sociétés et au fait qu'elles constituent un ensemble économique indivisible et connexe (Cass. com., 23 février 1999, n° 97-30.032, inédit, RJF, 1999, 5, comm. 586). En l'espèce, le Conseil d'Etat valide la saisie des documents en retenant les manquements commis par une autre société.
Concernant le second point, il s'agit de savoir si l'administration est tenue ou non d'adresser une mise en demeure à une entreprise qui, ne s'étant pas fait connaître au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, exerce en France, du point de vue de l'administration, une activité occulte.
L'article L. 68 du LPF (N° Lexbase : L9533IYQ) prévoit que la taxation d'office n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans un délai de trente jours après une mise en demeure. Ce texte précise que ce principe ne s'applique pas lorsque "le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce" (LPF, art. L. 68-3).
Rappelons que l'objectif du délai de trente jours fixé par la mise en demeure est d'accorder au contribuable un temps nécessaire pour régulariser sa situation, et non d'ouvrir avec lui un éventuel débat sur le bien-fondé de la demande de l'administration (CAA Nancy, 1ère ch., 5 décembre 1996, n° 94NT01228, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0859BHB, RJF, 1997, 6, comm. 586). Il a été jugé que l'administration n'est pas tenue de préciser dans les mises en demeure les motifs de droit ou de fait pour lesquels elle considère qu'un contribuable est tenu aux obligations déclaratives (CE, 13 juillet 2006, n° 271055 N° Lexbase : A6484DQ9, Droit fiscal, 2007, 39, comm. 874). Enfin, la circonstance que la proposition de rectification ait été signée avant l'expiration du délai de trente jours est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition, au motif que celle-ci est parvenue à l'intéressé qu'après l'expiration du délai de trente jours (CAA Paris, 28 novembre 2002, n° 98PA00042, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7511A4X, RJF, 2013, comm. 895).
Rien n'interdit à l'administration d'adresser cette mise en demeure, ce qui pourrait sembler accréditer l'idée que le principe énoncé à l'article L. 68 précité puisse s'appliquer. En réalité, il n'en est rien. On peut considérer que l'administration informe le contribuable, sans pour autant lui conférer le moindre droit ce qui, à l'évidence, peut être source d'incompréhension.
Concernant le troisième point enfin, le Conseil d'Etat écarte rapidement l'idée que la société ne serait pas fiscalement domiciliée en France et qu'en conséquence elle serait obligée de désigner un représentant en France, faute de quoi elle pourrait être taxée d'office sur le fondement de l'article L. 72 du LPF (N° Lexbase : L3934ALB).
Dans cette affaire, le Conseil d'Etat valide la procédure suivie par l'administration, considérant que la société a exercé une activité occulte en France, en se fondant sur l'article L. 68 du LPF, quand bien même la société ne peut pas invoquer à son profit les garanties énoncées par ce texte.
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N1960BU7
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Le 01 Mai 2014
Vendredi 6 juin 2014
9h00 à 13h00
Georges Bonet, Président honoraire de l'IRPI, Professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
Julien Canlorbe, Avocat, Cabinet De Gaulle Fleurance & Associés
Adrien Bouvel, Maître de conférences à l'Université de Strasbourg, Directeur du Master de Droit du multimédia et des systèmes d'information
Bertrand Geoffray, Conseil en propriété industrielle, Conseil européen en marques, Cabinet Germain & Maureau
8h30 : Accueil des participants
9h00-13h00 :
- Harmonisation des législations
- Focus sur les derniers développements en la matière
- Marques françaises (signes protégeables ; conditions de validité ; perte du droit sur la marque ; contrefaçon : atteintes à la marque ; questions de procédure)
- Marques communautaires (motifs absolus de refus ; motifs relatifs de refus ; nullité de la marque ; usage de la marque ; procédure)
CCI Paris Ile-de-France
27, avenue de Friedland 75008 Paris (Auditorium Mercure)
390 euros (non assujettis à la TVA)
Sylvie Mostier : smostier@cci-paris-idf.fr
Inscription : site internet de la CCI Paris Ile-de-France
Heures validées au titre de la formation des avocats.
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Réf. : Directive 2014/50 du 16 avril 2014, relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les Etats membres en améliorant l'acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire (N° Lexbase : L0905I3W)
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N2030BUQ
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Le 17 Mars 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 13-15.608, F-P+B+I (N° Lexbase : A0725MK3)
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N2009BUX
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Le 03 Mai 2014
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